05 mars 2008

La Flagellation de Jésus et le couronnement d'épines

VI La Flagellation de Jésus

D'après les révélations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich

La flagellation

Pilate, ce juge lâche et irrésolu, avait fait entendre plusieurs fois ces paroles pleines de déraison : “ Je ne trouve point de crime en lui : c'est pourquoi je vais le faire flageller et ensuite le mettre en liberté ”. Les Juifs, de leur côté, continuaient de crier : “ Crucifiez-le ! Crucifiez-le ” ! Toutefois Pilate voulut encore essayer de faire prévaloir sa volonté, et il ordonna de flageller Jésus à la manière des Romains. Alors les archers, frappant et poussant Jésus avec leurs bâtons, le conduisirent sur le forum à travers les flots tumultueux d'une populace furieuse. Au nord du palais de Pilate, à peu de distance du corps de garde, se trouvait, en avant d'une des halles qui entouraient le marché, une colonne où se faisaient les flagellations. Les exécuteurs vinrent avec des fouets, des verges et des cordes, qu'ils jetèrent au pied de la colonne. C'étaient six hommes bruns, plus petits que Jésus, aux cheveux crépus et hérissés, à la barbe courte et peu fournie. Ils portaient pour tout vêtement une ceinture autour du corps, de méchantes sandales et une pièce de cuir, ou de je ne sais quelle mauvaise étoffe ouverte sur les côtés comme un scapulaire et couvrant la poitrine et le des ; ils avaient les bras nus. C'étaient des malfaiteurs des frontières de l'Egypte, condamnés pour leurs crimes à travailler aux canaux et aux édifices publics, et dont les plus méchants et les plus il nobles remplissaient les fonctions d'exécuteurs dans le prétoire. Ces hommes cruels avaient déjà attaché à cette même colonne et fouetté jusqu'à la mort de pauvres condamnés. Ils ressemblaient à des bêtes sauvages ou à des démons, et paraissaient à moitié ivres. Ils frappèrent le Sauveur à coups de poing, le traînèrent avec leurs cordes, quoiqu'il se laissât conduire sans résistance, et l'attachèrent brutalement à la colonne. Cette colonne était tout à fait isolée et ne servait de support à aucun édifice. Elle n'était pas très élevée, car un homme de haute taille aurait pu' en étendant le bras, en atteindre la partie supérieure qui était arrondie et pourvue d'un anneau de fer. Par derrière. A la moitié de sa hauteur se trouvaient encore des anneaux ou des crochets. On ne saurait exprimer avec quelle barbarie ces chiens furieux traitèrent Jésus en le conduisant là ; ils lui arrachèrent le manteau dérisoire d'Hérode, et le jetèrent presque par terre. Jésus tremblait et frissonnait devant la colonne. Quoique se soutenant à peine, il se hâta d'ôter lui-même ses habits avec ses mains enflées et sanglantes. Pendant qu'ils le frappaient et le poussaient, il pria de la manière la plus touchante, et tourna la tête un instant vers sa mère, qui se tenait, navrée de douleur, dans le coin d'une des salles du marché, et, comme il lui fallut ôter jusqu'au linge qui ceignait ses reins, il dit en se tournant vers la colonne pour cacher sa nudité : “ Détournez vos yeux de moi ”. Je ne sais s'il prononça ces paroles ou s'il les dit intérieurement, mais je vis que Marie l'entendit : car, au même instant, elle tomba sans connaissance dans les bras des saintes femmes qui l'entouraient. Jésus embrassa la colonne ; les archers lièrent ses mains élevées en l'air derrière l'anneau de fer qui y était figé, et tendirent tellement ses bras en haut, que ses pieds, attachés fortement au bas de la colonne, touchaient à peine la terre. Le Saint des Saints, dans sa nudité humaine fut ainsi étendu avec violence sur la colonne des malfaiteurs, et deux de ces furieux, altérés de son sang. commencèrent à flageller son corps sacré de la tête aux pieds. Les premières verges dont ils se servirent semblaient de bois blanc très dur ; peut-être aussi étaient ce des nerfs de boeuf ou de fortes lanières de cuir blanc.

Notre Sauveur, le Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai homme, frémissait et se tordait comme un ver sous les coups de ces misérables ; ses gémissements doux et clairs se faisaient entendre comme une prière affectueuse sous la bruit des verges de ses bourreaux. De temps en temps, le cri du peuple et des Pharisiens venait comme une sombra nuée d'orage étouffer et emporter ces plaintes douloureuses et pleines de bénédictions ; on criait : “ Faites-le mourir ! Crucifiez-le ” ! Car Pilate était encore en pourparlers avec le peuple ; et quand il voulait faire entendre quelques paroles au milieu du tumulte populaire, une trompette sonnait pour demander un instant de silence. Alors on entendait de nouveau le bruit des rouets. les sanglots de Jésus, les imprécations des archers et le bêlement des agneaux de Pâques, qu'on lavait à peu de distance, dans la piscine des Brebis. Quand ils étaient lavés, on les portait, la bouche enveloppée, jusqu'au chemin qui menait au Temple, afin qu'ils ne se salissent pas de nouveau, puis on les conduisait à l'extérieur vers la partie occidental où ils étaient encore soumis à une ablution rituelle. Ce bêlement avait quelque chose de singulièrement touchant. C'étaient les seules voix à s'unir aux gémissements du Sauveur.

Le peuple juif se tenait à quelque distance du lieu de la flagellation. Les soldats romains étaient postés en différents endroits et surtout du côté du corps de garde. Beaucoup de gens de la populace allaient et venaient, silencieux ou l'insulte à la bouche ; quelques-uns se sentirent touchés, et il semblait qu'un rayon partant de Jésus les frappait. Je vis d'infâmes jeunes gens presque nus, qui préparaient des verges fraîches près du corps de garde, d'autres allaient chercher des branches d'épine. Quelques archers des Princes des Prêtres s'étaient mis en rapport avec les bourreaux, et leur donnaient de l'argent. On leur apporta aussi une cruche pleine d'un épais breuvage rouge, dont ils burent jusqu'à s'enivrer. Au bout d'un quart d'heure, les deux bourreaux qui flagellaient Jésus furent remplacés par deux autres. Le corps du Sauveur était couvert de taches noires, bleues et rouges, et son sang coulait par terre ; il tremblait et son corps était agité de mouvements convulsifs. Les injures et les moqueries se faisaient entendre de tous côtés. Il avait fait froid cette nuit ; depuis le matin jusqu'à présent, le ciel était resté couvert : par intervalles, il tombait un peu de grêle, au grand étonnement du peuple. Vers midi, le ciel s'éclaircit et le soleil brilla.

Le second couple de bourreaux tomba avec une nouvelle rage sur Jésus ; ils avaient une autre espèce de baguettes ; s'étaient comme des bâtons d'épines avec des noeuds et des pointes. Leurs coups déchirèrent tout le corps de Jésus ; son sang jaillit à quelque distance, et leurs bras en étaient arrosés. Jésus gémissait, priait et tremblait. Plusieurs étrangers passèrent dans le forum sur des chameaux, et regardèrent avec effroi et avec tristesse, lorsque le peuple leur expliqua ce qui se passait. C'étaient des voyageurs, dont quelques-uns avaient reçu le baptême de Jean ou entendu les sermons de Jésus sur la montagne. Le tumulte et les cris ne cessaient pas près de la maison de Pilate.

De nouveaux bourreaux frappèrent Jésus avec des fouets : c'étaient des lanières, au bout desquelles étaient des crochets de fer qui enlevaient des morceaux de chair à chaque coup. Hélas ! qui pourrait rendre ce terrible et douloureux spectacle ? Leur rage n'était pourtant pas encore satisfaite : ils délièrent Jésus et l'attachèrent de nouveau, le des tourné à la colonne. Comme il ne pouvait plus se soutenir, ils lui passèrent des cordes sur la poitrine, sous les bras et au-dessous des genoux, et attachèrent aussi ses mains derrière la colonne. Tout son corps se contractait douloureusement : il était couvert de sang et de plaies. Alors ils fondirent de nouveau sur lui comme des chiens furieux. L'un d'eux tenait une verge plus déliée, dont il frappait son visage. Le corps du Sauveur n'était plus qu'une plaie ; il regardait ses bourreaux avec ses yeux pleins de sang, et semblait demander merci ; mais leur rage redoublait, et les gémissements de Jésus devenaient de plus en plus faibles.

L'horrible flagellation avait duré près de trois quarts d'heure, lorsqu'un étranger de la classe inférieure, parent de l'aveugle Ctésiphon guéri par Jésus, se précipita vers le derrière de la colonne avec un couteau en forme de faucille ; il cria d'une voir indignée : “  Arrêtez ! ne frappez pas cet innocent jusqu'à le faire mourir ” ! Les bourreaux, qui étaient ivres, s'arrêtèrent, étonnes ; il coupa rapidement les cordes assujetties derrière la colonne qui retenaient Jésus, puis il s'enfuit et se perdit dans la foule. Jésus tomba presque sans connaissance au pied de la colonne sur la terre toute baignée de son sang. Les exécuteurs le laissèrent là, s'en allèrent boire, et appelèrent des valets de bourreau, qui étaient occupés dans le corps de garde à tresser la couronne d'épines.

Comme Jésus, couvert de plaies saignantes, s'agitait convulsivement au pied de la colonne, je vis quelques filles perdues, à l'air effronté, s'approcher de lui en se tenant par les mains. Elles s'arrêtèrent un moment et le regardèrent avec dégoût. Dans ce moment, la douleur de ses blessures redoubla et il leva vers elles sa face meurtrie. Elles s'éloignèrent, et les soldats et les archers leur adressèrent en riant des paroles indécentes.

Je vis à plusieurs reprises, pendant la flagellation, des anges en pleurs entourer Jésus, et j'entendis sa prière pour nos péchés, qui montait constamment vers son Père au milieu de la grêle de coups qui tombait sur lui. Pendant qu'il était étendu dans son sang au pied de la colonne, je vis un ange lui présenter quelque chose de lumineux qui lui rendit des forces. Les archers revinrent et le frappèrent avec leurs pieds et Leurs bâtons, lui disant de se relever parce qu'ils n'en avaient pas fini avec ce roi. Jésus voulut prendre sa ceinture qui était à quelque distance : alors ces misérables le poussèrent avec le pied de côté et d'autre, en sorte que le pauvre Jésus fut obligé de se traîner péniblement sur le sol, dans sa nudité sanglante, comme un ver à moitié écrasé, pour pouvoir atteindre sa ceinture et en couvrir ses reins déchires. Quand ils l'eurent remis sur ses jambes tremblantes, ils ne lui laissèrent pas le temps de remettre sa robe, qu'ils jetèrent seulement sur ses épaules nues, et avec laquelle il essuya le sang qui coulait sur son visage, pendant qu'ils le conduisaient en hâte au corps de garde, en lui faisait faire un détour. Ils auraient pu s'y rendre plus directement parce que les halles et le bâtiment qui était en face du forum étaient ouverts, en sorte qu'on pouvait voir le passage sous lequel les deux larrons et Barabbas étaient emprisonnés ; mais ils le conduisirent devant le lieu où siégeaient les Princes des Prêtres qui s'écrièrent : “  Qu'on le fasse mourir ! Qu'on le fasse mourir ” ! et ce détournèrent avec dégoût. Puis ils le menèrent dans la cour intérieure du corps de garde. Lorsque Jésus entra, il n'y avait pas de soldats, mais des esclaves, des archers, des goujats, enfin le rebut de la population.

Comme le peuple était dans une grande agitation, Pilate avait fait venir un renfort de garnison romaine de la citadelle Antonia. Ces troupes, rangées en bon ordre. entouraient le corps de garde. Elles pouvaient parler, rire et se moquer de Jésus ; mais il leur était interdit de quitter leurs rangs. Pilate voulait par là tenir le peuple en respect. Il y avait bien un millier d'hommes.

Le couronnement d'épines

Lorsque la Soeur rentra dans ses visions sur la Passion, elle ressentit une fièvre très forte et une soif tellement brûlante que sa langue était contractée convulsivement et comme desséchée. Elle était si épuisée et si souffrante, le lundi d'après le dimanche de Laetare, qu'elle ne fit les récits qui suivent qu'avec beaucoup de peine et sans beaucoup d'ordre. Elle ajouta qu'il lui était impossible, dans l'état où elle se trouvait, de raconter tous les mauvais traitements qui avaient accompagné le couronnement d'épines de Jésus, parce que cela faisait revenir sous ses yeux toutes ces scènes, etc.

Pendant la flagellation de Jésus, Pilate parla encore plusieurs fois au peuple, qui une fois fit entendre ce cri : “ il faut qu'il meure, quand nous devrions tous mourir aussi ” ! Quand Jésus fut conduit au corps de garde, ils crièrent encore : “ Qu'on le tue ! qu'on le tue ” ! Car il arrivait sans cesse de nouvelles troupes de Juifs que les Commissaires des Princes des Prêtres excitaient à crier ainsi. Il y eut ensuite une pause. Pilate donna des ordres à ses soldats ; les Princes des Princes et leurs conseillers, qui se tenaient sous des arbres et sous des toiles tendues, assis sur des bancs placés des deux côtés de la rue devant la terrasse de Pilate, se firent apporter a manger et à boire par leurs serviteurs. Pilate, l'esprit troublé par ses superstitions, se retira quelques instants pour consulter ses dieux et Leur offrir de l'encens. La sainte Vierge et ses amis se retirèrent du forum après avoir recueilli le sang de Jésus. Je les vis entrer avec Leurs linges sanglants dans une petite maison peu éloignée bâtie contre un mur. Je ne sais plus à qui elle appartenait. Je ne me souviens pas d'avoir vu Jean pendant la flagellation.

Le couronnement d'épines eut lieu dans la cour intérieure du corps de Barde situé contre le forum, au-dessus des prisons. Elle était entourée de colonnes et les portes étaient ouvertes. Il y avait là environ cinquante misérables, valets de geôliers, archers, esclaves et autres gens de même espèce qui prirent une part active aux mauvais traitements qu'eut à subir Jésus. La foule se pressait d'abord autour de l'édifice ; mais il fut bientôt entouré d'un millier de soldats romains, rangés en bon ordre, dont les rires et les plaisanteries excitaient l'ardeur des bourreaux de Jésus comme les applaudissements du public excitent les comédiens.

Au milieu de la cour ils roulèrent la base d'une colonne où se trouvait un trou qui avait dû servir pour assujettir le fût. Ils placèrent dessus un escabeau très bas, qu'ils couvrirent par méchanceté de cailloux pointus et de tessons de pot. Ils arrachèrent les vêtements de Jésus de dessus son corps couvert de plaies, et lui mirent un vieux manteau rouge de soldat qui ne lui allait pas aux genoux et où pendaient des restes de houppes jaunes. Ce manteau se trouvait dans un coin de la chambre : on en revêtait ordinairement les criminels après leur flagellation, soit pour étancher leur sang, soit pour les tourner en dérision. Ils traînèrent ensuite Jésus au siège qu'ils lui avaient préparé et l'y firent asseoir brutalement. C'est alors qu'ils lui mirent la couronne d'épines. Elle était haute de deux largeurs de main, très épaisse et artistement tressée. Le bord supérieur était saillant. Ils la lui placèrent autour du front en manière de bandeau, et la lièrent fortement par derrière. Elle était faite de trois branches d'épines d'un doigt d'épaisseur, artistement entrelacées, et la plupart des pointes étaient à dessein tournées en dedans. Elles appartenaient à trois espèces d'arbustes épineux, ayant quelques rapports avec ce que sont chez nous le nerprun, le prunellier et l'épine blanche. Ils avaient ajouté un bord supérieur saillant d'une épine semblable à nos ronces : c'était par là qu'ils saisissaient la couronne et la secouaient violemment. J'ai vu l'endroit où us avaient été chercher ces épines. Quand ils l'eurent attachée sur la tête de Jésus, ils lui mirent un épais roseau dans la main. Ils firent tout cela avec une gravité dérisoire, comme s'ils l'eussent réellement couronné Toi. Ils lui prirent le roseau des mains, et frappèrent si violemment sur la couronne d'épines que les yeux du Sauveur étaient inondés de sang. Ils s'agenouillèrent devant lui, lui firent des grimaces, lui crachèrent au visage et le souffletèrent en criant : “ Salut, Roi des Juifs ! ” Puis ils le renversèrent avec son siège en riant aux éclats, et l'y replacèrent de nouveau avec violence.

Je ne saurais répéter tous les outrages qu'imaginaient ces hommes. Jésus souffrait horriblement de la soif ; car les blessures faites par sa barbare flagellation lui avaient donné la fièvre, et il frissonnait ; sa chair était déchirée jusqu'aux os, sa langue était retirée, et le sang sacré qui coulait de sa tête rafraîchissait seul sa bouche brûlante et entrouverte. Jésus fut ainsi maltraité pendant environ une demi heure, aux rires et aux cris de joie de la cohorte rangée autour du prétoire.


Jésus devant Pilate

V Jésus devant Pilate

D'après les révélations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich

Il était à peu près six heures du matin. selon notre manière de compter, lorsque la troupe qui conduisait le Sauveur si horriblement maltraité arriva devant le palais de Pilate. Anne, Caiphe et les membres du conseil venus avec eux s'arrêtèrent aux sièges placés entre le marché et l'entrée du tribunal. Jésus fut traîné par les archers ; quelques pas plus avant, jusqu'à l'escalier de Pilate. Pilate était sur la terrasse qui faisait saillie, couché sur une espèce de lit de repos, et ayant devant lui une petite table ;, trois pieds sur laquelle se trouvaient quelques attributs de sa dignité et d'autres objets dont je ne me souviens pas. A ses côtés étaient des officiers et des soldats : on tenait élevés prés de lui les insignes de la puissance romaine. Les Princes des Prêtres et les Juifs se tenaient loin du tribunal parce qu'autrement ils auraient contracté une souillure légale : il y avait une limite tracée qu'ils ne franchirent pas.

Lorsqu'il vit arriver Jésus au milieu d'un si grand tumulte, il se leva, et parla aux Juifs d'un ton aussi méprisant que pourrait le faire un orgueilleux général français au.` envoyés d'une pauvre petite ville allemande. “ Que venez-vous faire de si bonne heure ? Comment avez-vous mis cet homme dans un tel état ? Commencez-vous sitôt à écorcher et à immoler vos victimes ? ” Pour eux ils crièrent aux bourreaux : “  En avant ! menez-le au tribunal ! ” Puis ils répondirent à Pilate : “ Ecoutez nos griefs contre ce scélérat ; nous ne pouvons pas entrer dans le tribunal, pour ne pas nous rendre impurs. ” Lorsqu'ils eurent proféré ces paroles à haute voix, un homme de grande taille et d'un aspect vénérable s'écria, au milieu du peuple qui se pressait derrière eux dans le forum : “ Non, vous ne devez pas entrer dans ce tribunal, car il est sanctifié par le sang innocent ; lui seul peut y entrer, lui seul parmi les Juifs est pur comme les innocents qui ont été massacrés là ”. Après avoir ainsi parlé avec beaucoup d'énergie, il se perdit dans la foule. Il s'appelait Sadoch. C'était un homme riche, cousin d'Obed, le mari de Séraphia, appelée depuis Véronique ; deux de ses enfants étaient au nombre des saints Innocents égorges par l'ordre d'Hérode dans la cour du tribunal. Depuis ce temps, il avait renoncé au monde, et sa femme et lui avaient vécu dans la continence, comme faisaient les Esséniens. Il avait vu et entendu une fois Jésus chez Lazare. Lorsqu'il le vit traîné si misérablement au pied de l'escalier de Pilate, un vif souvenir de ses enfants immolés se réveilla dans son coeur, et il rendit ce témoignage éclatant de l'innocence du Sauveur. Les accusateurs de Jésus avaient trop à faire avec Pilate et ils étaient trop irrités de ses procédés envers eux et de l'humble position qu'il leur fallait garder devant lui pour pouvoir s'occuper de l'exclamation de Sadoch.

Les archets firent monter à Jésus les degrés de marbre, et le menèrent ainsi sur le derrière de la terrasse d'où Pilate parlait aux prêtres juifs. Celui-ci avait beaucoup entendu parler de Jésus. Lorsqu'il le vit si horriblement défiguré par les mauvais traitements, et conservant toutefois une expression de dignité que rien ne pouvait effacer, il éprouva un sentiment de dégoût et de mépris pour les Princes les Prêtres, lesquels l'avaient fait prévenir d'avance qu'ils amenaient à son tribunal Jésus de Nazareth, coupable de crimes capitaux, et il leur fit sentir qu'il n'était pas disposé à le condamner sans preuves, il leur dit d'un ton de maître : “  De quoi accusez-vous cet homme ? Si ce n'était pas un malfaiteur, répondirent-ils avec humeur, nous ne vous l'aurions pas livré. Prenez-le, répliqua Pilate. et jugez-le selon votre loi. Vous savez, dirent les Juifs, que nous n'avons qu'un droit restreint lorsqu'il s'agit de la peine capitale ”. Les ennemis de Jésus étaient pleins de violence et de précipitation ; ils étaient pressés d'en finir avec Jésus avant le temps légal de la fête, afin de pouvoir sacrifier l'agneau pascal. Ils ne savaient pas que le véritable agneau pascal était celui qu'ils avaient amené au tribunal du juge idolâtre, au seuil duquel ils ne voulaient pas se souiller, afin de pouvoir ce jour même célébrer leur Pâque.

Lorsque le gouverneur romain leur enjoignit de faire connaître leurs griefs, ils présentèrent trois chefs d'accusation principaux, dont chacun était prouvé par dix témoins ; ils s'efforcèrent surtout de présenter Jésus à Pilate comme criminel de lèse-majesté, devant par conséquent être condamné par le gouverneur romain, car dans les causes qui n'intéressaient que leur loi religieuse et leur temple, ils avaient le droit de décider eux-mêmes. Ils accusèrent d'abord Jésus d'être un séducteur du peuple qui troublait la paix publique et incitait à la révolte, et ils produisirent quelques témoignages à ce sujet. Ils dirent ensuite qu'il a ;semblait de grandes réunions d'hommes, qu'il violait le Sabbat, qu'il guérissait le jour du Sabbat. Ici Pilate les interrogea sur un ton de moquerie : “ Vous n'êtes pas malades apparemment, dit-il, autrement ces guérisons ne vous mettraient pas tellement en colère. ” Ils ajoutèrent qu'il séduisait le peuple par d'horribles enseignements, qu'il disait qu'on devait manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie éternelle. Pilate fut choqué de l'emportement furieux avec lequel ils présentaient cette accusation ; il regarda ses officiers en souriant, et adressa aux Juifs des paroles piquantes, comme celles-ci : “ On croirait presque que vous voulez suivre sa doctrine et obtenir la vie éternelle ; car vous semblez vouloir manger sa chair et boire son sang. ”

Leur deuxième accusation était que Jésus excitait le peuple à ne pas payer l'impôt à l'empereur. Ici Pilate, en colère, les interrompit du ton d'un homme chargé spécialement de veiller à ces sortes d'objets. “ C'est un gros mensonge, leur dit-il : je dois savoir cela mieux que vous. ” Les Juifs alors mirent en avant le troisième grief. “ Cet homme obscur, d'extraction basse et équivoque, s'est fait un grand parti, et a dit malheur à Jérusalem ; il répand en outre parmi le peuple des paraboles à double sens sur un roi qui prépare les noces de son fils. Un jour la multitude, rassemblée par lui sur une montagne, voulu le faire roi, mais il a trouvé que c'était trop tôt et s'est caché. Dans les derniers jours il s'est produit davantage, il s'est fait préparer une entrée tumultueuse à Jérusalem et il a fait crier : Hosanna au fils de David ! Béni soit l'empire de notre père David qui arrive ! il s'est fait rendre les honneurs royaux, car il a enseigné qu'il était le Christ, l'oint du Seigneur, le Messie, le roi promis aux Juifs, et il se fait ainsi appeler. ” Ces allégations furent encore appuyées par dix témoins.

Lorsqu'il fut dit que Jésus se faisait appeler le Christ, le Roi des Juifs, Pilate sembla pensif. Il alla de la terrasse dans la salle du tribunal qui y était attenante, jeta en passant un regard attentif sur Jésus, et ordonna aux gardes de le lui amener dans la salle. Pilate était un païen superstitieux, d'un esprit mobile et facile à troubler ; il avait ouï parler vaguement des enfants de ses dieux qui avaient vécu sur la terré ; il n'ignorait pas non plus que les prophètes des Juifs leur avaient annoncé depuis longtemps un oint du Seigneur, un Roi libérateur et Rédempteur, et que beaucoup de Juifs l'attendaient. Il savait aussi que des rois de l'Orient étaient venus vers le vieil Hérode, pour rendre hommage à un roi nouveau-né des Juifs, et qu'Hérode, à cette occasion, avait fait égorger un grand nombre d'enfants. Il avait bien ouï parler de ces traditions sur un Messie et un Roi des Juifs ; mais il n'y croyait pas, en paien qu'il était, et, s'il avait cherché à s'en rendre compte, il se serait figuré, comme les Juifs instruits d'alors et les Hérodiens, un roi puissant et victorieux. Il lui parut d'autant plus ridicule qu'on accusât cet homme qui paraissait devant lui dans un tel état d'abaissement et de souffrance, de s'être donné pour ce Messie et ce Roi. Mais les ennemis de Jésus avant présenté ceci comme une attaque aux droits de l'empereur, il fit amener le Sauveur devant lui pour l'interroger.

Pilate regarda Jésus avec étonnement, et lui dit : “ Tu es donc le Roi des Juifs ” ? et Jésus répondit : “ Dis-tu cela de toi-même, ou est-ce que d'autres te l'ont dit de moi ” ? Pilate choqué que Jésus pût le croire assez extravagant pour adresser de lui-même une semblable question à un pauvre homme dans un état si misérable. lui dit avec quelque dédain : “ Suis-je un Juif pour m'occuper de pareilles misères ? Ton peuple et ses prêtres t'ont livré à moi comme ayant mérité la mort pour cela. Dis-moi ce que tu as fait ”. Jésus lui dit avec majesté : “ Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, j'aurais des serviteurs qui combattraient pour m'empêcher de tomber entre les mains des Juifs : mais mon royaume n'est pas de ce monde ”. Pilate fut quelque peu troublé à ces graves paroles, et lui dit d'un ton plus sérieux : “  Es-tu donc roi ” ? Jésus répondit : “ Comme tu le dis, je suis Roi. Je suis né et je suis venu dans ce monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix ”. Pilate le regarda, et dit en se levant : “ La vérité ! Qu'est-ce que la vérité ” ? il y eut encore quelques paroles, dont je ne me souviens pas bien.

Pilate revint sur la terrasse. Il ne pouvait pas comprendre Jésus ; mais il voyait bien que ce n'était pas un roi qui pût nuire à l'empereur, puisqu'il ne prétendait à aucun royaume dans ce monde. Or, l'empereur s'inquiétait peu des royaumes de l'autre monde. Il cria donc aux Princes des Prêtres, du haut ce la terrasse : “ Je ne trouve aucun crime en cet homme ”.  Les ennemis de Jésus s'irritèrent, et ce fut un torrent d'accusations contre lui. ! Mais le Sauveur restait silencieux, et priait pour les pauvres hommes : et lorsque Pilate, se tournant vers lui, lui dit : “ N'as-tu rien à répondre à ces accusations ” ? Jésus ne répondit pas un mot au point que Pilate, surpris, lui dit encore : “ Je vois bien qu'ils font des mensonges contre toi ”. (au lieu du mot mensonges, il se servit d'un autre terme que j'ai oublié.) Mais les accusateurs continuèrent à parler avec fureur, et dirent : “  Comment ! vous ne trouvez pas de crime en lui ? N'est-ce point un crime que de soulever le peuple, de répandre sa doctrine dans tout le pays depuis la Galilée jusqu'ici ? ”

Lorsque Pilate entendit ce mot de Galilée, il réfléchit un instant, et dit : “ Cet homme est-il Galiléen et sujet d'Hérode ? — Oui, répondit-on ; ses parents ont demeuré à Nazareth, et son séjour actuel est Capharnaum.—Puisqu'il est sujet d'Hérode, répliqua Pilate, menez-le devant lui : il est ici pour la fête, et peut le juger. ” Alors il fit reconduire Jésus hors du tribunal, et envoya un officier à Hérode, afin de lui faire savoir qu'on amenait devant lui Jésus de Nazareth, son sujet. Pilate était bien aise de se dérober ainsi à l'obligation de juger Jésus, car cette affaire lui était désagréable. Il désirait aussi faire une politesse à Hérode avec lequel il était brouillé, et qui avait toujours été très curieux de voir Jésus.

Les ennemis du Sauveur, furieux d'être ainsi renvoyés par Pilate en face de tout le peuple et obligés d'aller devant Hérode, firent tomber toute leur colère sur Jésus. On le lia de nouveau, et on le traîna, en l'accablant d'insultes et de coups, à travers la toute qui remplissait le forum, jusqu'au palais d'Hérode qui n'était pas très éloigné. Des soldats romains s'étaient joints au cortège. Pendant le dernier entretien, Claudia Procle, la femme de Pilate, lui avait fait dire par un domestique qu'elle désirait vivement lui parler, et, pendant qu'on conduisait Jésus à Hérode, elle se tenait secrètement sur une haute galerie, et regardait le cortège avec beaucoup de trouble et d'angoisse.

Le reniement de Pierre

IV Le reniement de Pierre

D'après les révélations de la Bienheureuse Anne Catherine Emmerich

Lorsque Jésus eut dit : “  Je le suis ” ; lorsque Caïphe déchira ses habits et que le cri : “ il est digne de mort ” ! se fit entendre au milieu du plus horrible tumulte, lorsque le ciel se fut ouvert au-dessus de Jésus, que l'enfer eut déchaîné sa rage et les tombeaux rendu les esprits qui y étaient emprisonnés, lorsque tout fut rempli d'angoisses et de terreur, Pierre et Jean, qui avaient cruellement souffert de l'affreux spectacle qu'il leur avait fallu contempler dans le silence et l'inaction, sans même proférer une plainte, n'eurent pas la force de rester là plus longtemps. Jean alla rejoindre la mère de Jésus, qui se trouvait avec les saintes femmes dans la demeure de Marthe, non loin de la porte de l'Angle, où Lazare possédait une grande et belle maison. Pierre aimait trop Jésus pour le quitter. Il pouvait à peine se contenir et pleurait amèrement, s'efforçant de cacher ses larmes : ne voulant pas rester dans la salle du tribunal où il se serait trahi, il vint dans le vestibule auprès du feu, où des soldats et des gens du peuple se pressaient, tenant d'horribles et dégoûtants propos sur Jésus et racontant les scènes auxquelles ils venaient de prendre part. Pierre gardait le silence, mais ce silence même et son air de tristesse le rendaient suspect. La portière s'approcha du feu : comme on parlait de Jésus et de ses disciples, elle regarda Pierre d'un air effronté et lui dit : “ Tu es aussi un des disciples du Gali1éen ”. Pierre, troublé, inquiet, craignant d'être maltraité par ces gens grossiers, répondit : “ Femme, je ne le connais pas ; je ne sais ce que tu veux dire ”. Alors il se leva, et, cherchant à se délivrer de cette compagnie. Il sortit du vestibule ; c'était le moment où le coq chantait devant la ville. Je ne me souviens pas de l'avoir entendu mais j'en eux le sentiment. Comme il sortait, une autre servante le regarda, et dit à ceux qui étaient prés d'elle : “ Celui-ci était aussi avec Jésus de Nazareth !” ; et les assistants dirent également : “ N'étais-tu pas un de ses disciples ” ? Pierre, effrayé, fit des protestations et s'écria : “ En vérité, je n'étais pas son disciple ; je ne connais pas cet homme ”.

Il traversa la première cour et vint dans la cour extérieure, parce qu'il voyait des personnes de sa connaissance qui regardaient par-dessus le mur et qu'il voulait avertir. Il pleurait, et son anxiété et sa tristesse au sujet de Jésus étaient si grandes, qu'il se souvenait à peine de ce qu'il venait de dire. Il y avait beaucoup de gens dans la cour extérieure, parmi lesquels des amis de Jésus. On ne les laissa pas entrer, mais on laissa sortir Pierre. Quelques-uns grimpaient sur les murs pour entendre ce qui se disait. Pierre trouva là un certain nombre de disciples de Jésus que l'inquiétude avait chassés hors des cavernes du mont Hinnom. Ils vinrent vers Pierre et lui firent des questions, mais il était si troublé, qu'il leur conseilla en peu de mots de se retirer, parce qu'il y avait du danger pour eux. Il s éloigna d'eux aussitôt, errant tristement de côté et d'autre et ils sortirent pour regagner leurs retraites. Ils étaient environ seize, parmi lesquels Barthélémy, Nathanael, Saturnin, Judas Barsabas, Siméon, qui devint évêque de Jérusalem, Zachée et Manahem, le jeune homme prophétique, l'aveugle-né guéri par Jésus.

Pierre ne pouvait trouver de repos, et son amour pour Jésus le poussa de nouveau dans la cour intérieure qui entourait la maison. On l'y laissa rentrer parce que Joseph d'Arimathie et Nicodème l'y avaient introduit au commencement. Il ne revint pas dans le vestibule, mais il tourna a droite et s'en vint a l'entrée de la salle ronde placée derrière le tribunal, où la canaille promenait Jésus au milieu des huées. Pierre s'approcha timidement, et quoiqu'il vit bien qu'on l'observait comme un homme suspect, son inquiétude le poussa au milieu de la foule qui se pressait à la porte pour regarder. On traînait alors Jésus avec sa couronne de paille sur la tête ; il jeta sur Pierre un regard triste et presque sévère, et Pierre fut pénétré de douleur. Mais comme il n'avait pas surmonté sa frayeur, et qu'il entendait dire à quelques-uns des assistants : “ Qu'est-ce que cet homme ” ? il revint dans la cour, marchant d'un pas mal assuré, tant il était accablé de tristesse et d'inquiétude ; puis, comme on l'observait encore dans le vestibule, il s'approcha du feu et resta assis là quelque temps. Mais quelques personnes qui avaient remarqué son trouble se mirent à lui parler de Jésus en termes injurieux. L'une d'elles lui dit : “  Vraiment tu es aussi de ses partisans ; tu es Galiléen et ton accent te fait reconnaître ”. Comme Pierre voulait se retirer, un frère de Malchus vint à lui et lui dit : “  N'est-ce pas toi que j'ai vu avec eux dans le jardin des Oliviers, et qui as blessé mon frère à l'oreille ” ?

Pierre, alors dans son anxiété, perdit presque l'usage de sa raison ; il se mit, avec la vivacité qui lui était propre, à taire des serments exécrables et à jurer qu'il ne connaissait pas cet homme ; puis il courut hors du vestibule dans la cour qui entourait la maison. Alors le coq chanta de nouveau, et Jésus, qu'on conduisait de la salle ronde à la prison à travers cette cour, se tourna vers Pierre, et lui adressa un regard plein de douleur et de compassion. Les paroles de Jésus : “ Avant que le coq ne chante deux fois, tu me renieras trois fois ”, lui revinrent au coeur avec une force terrible. Il avait oublié la promesse faite à son maître de mourir plutôt que de le renier et le menaçant avertissement qu'elle lui avait attiré ; mais lorsque Jésus le regarda, il sentit combien sa faute était énorme et son coeur en fut déchiré. Il avait renié son maître au moment où celui-ci était couvert d'outrages, livré à des juges iniques, patient et silencieux au milieu des tourments : pénétré de repentir et comme hors de lui, il vint dans la cour extérieure, la tête voilée et pleurant amèrement. Il ne craignait plus qu'on l'interpellât : maintenant il aurait dit à tout le monde qui il était et combien il était coupable.

Qui oserait dire qu'au milieu de pareils dangers, en proie à de telles angoisses et à un tel trouble, livré à une lutte si violente entre l'amour et la crainte, accablé de fatigues inouïes et d'une douleur capable de faire perdre la raison, avec la nature ardente et naïve de Pierre il eut été plus fort que lui ? Le Seigneur l'abandonna à sa propre force, et il fut faible comme sont tous ceux qui oublient cette parole : “ Veillez et priez pour ne pas tomber en tentation ”.

04 mars 2008

La Sainte Pieta de Cannobio

Cannobio_Pieta_1_1_2 La Sainte Pieta de Cannobio

L'origine du tableau de la Sainte Pietà de Cannobio vient dans le contexte culturel de la "Devotion moderne" qui trouve naissance avec Saint François d'Assise, dans sa contemplation de la Divine Humanité du Christ, qui ensuite l'a transporté en Europe, puis à travers le monde entier. Dans cette période, l'on développe une nouvelle façon d'approcher le mystère de Christ, non plus seulement comme en "Christ glorieux" issu de la tradition byzantine, mais aussi et surtout comme "Christ souffrant". A cette époque, l'on passe d'une "Devotion" raffinée, mais en somme quand même un peu abstraite, à une "Devotion" moderne, concrète, qui a entre autre, donné naissance à de célbres prières et hymnes, comme l'Ave Verum Christ, ou l'Anima Christi... C'est donc dans cette culture, cette tradition, cette "Devotion" qui se trouve cettes extraordinaire "Icône", qu'est l'image de la Sainte Pietà de Cannobio, dont nous pourrions dire qu'elle est théologique, presque liturgique, baptismale et eucaristique.

Ce petit tableau, fut réalisé peint sur un parchemin dans la seconde moitié du 15e siècle par un artiste dont le nom ne nous est hélas pas connu Il s'agit d'une véritable icône qui interprète en mode picturale le chapitre 19 de l'Evangile selon Saint Jean; de manière très symbolique, reprenant ce que nous appelon communément le « Mystère Pascal, c'est à dire le mystère de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Seigneur. Quand nous regardons l'image, nous remarquons un tombeau, qui pourrait cepedant aussi être un autel. Du tombeau, émergent trois personnes et au dessus de leurs épaules une grande croix. Cette Croix, plus visible dans sa dimension horizontale, domine tout le tableau et fait contrepoids au sépulcre, ou à l'autel. Tout autour de la Croix, sont rappelés les « moyens de la Passion. Certains sont posés sur la barre transersale de la Croix, tel par exemple le suaire, le marteau, les tenailles et les clous; nous voyons de chaque côté, les dès, la cuvette, le linge et les mains de Pilate ainsi que l'éponge imbibée de vinaigre enfoncée sur une lance et enfin la lance du centurion romain, nous voyons aussi les mains de Judas indiquant: « C'est Lui, arrêtez-Le », la main du soldat qui a arraché les cheveux et la barbe de Jésus, et enfin une autre main, indiquant un geste moqueur, de raillerie.

Les trois personnes, Jésus, Marie et Jean, qui sont au centre du tableau, sont aussi toutes dans le même tombeau, et en émergent, c'est sur ce point que le 'icône de la Sainte Pieta de Cannobio a quelque chose de théologique, car elle ne représenta pas un fait qui s'est passé sur le calvaire, mais une interprétation de l'Evangile de Saint Jean, cette icône nous invite donc à la réflexion et à la méditation. Jésus a les mains croisées, très décharné, dans l'attitude de la mort, rappelant le Saint Suaire de Turin, faisant comprendre qu'Il a pleinement accompli la Volonté du Père. Jean est en prière et Marie ne cherchant pas à fermer le côté ouvert de Son Fils,mais, au contraire l'ouvre, faisant ainsi comprendre que cette blessure est le point central de l'image.

Jésus porte sur Lui toutes les marques de la Passion: la couronne d'épines, les traces de la flagellation, les marques des clous dans ses mains. Il présente les signes de la mort, le visage baissé et, sur la droite, le côté transpercé. En même temps, il est debout et à les yeux entr'ouverts, en signe de Sa proche Résurrection. à Côté de Lui, se trouve Marie. Son regard est tourné vers Son Fils; leurs regards se rencontrent, car ils sont dans le même axe. La main droite de Marie ouvre la blessure du côté de Jésus, tandis que sa main droite est derrière les épaules de Jésus, formant une sorte de cercle qui se ferme, soulignant le rôle de Marie dans l'hitoire du Salut: Elle est Corédemprice. Jean est un peu à l'écart, incliné de trois quart, les yeux dans l'axe de la blessure du côté, d'où il vit sortir le Sang et l'Eau, éléments à la conotation hautement symboliques, puisqu'ils représentent, non seulement le Baptême et l'Eucharistie, sacrements lezs plus importants de l'Eglise, mais aussi à la Miséricorde Divine. Avec les mains en attitude de prière, Jean semble nous dire: « Je rends témoignage de ces choses, parce que ces faits sonts vrais et que je sais que ce qu'Il a dit est réel, pour que vous aussi puissiez y croire. »

D'après un texte traduit de l'Italien, extrait du site www.santuariosantapieta.it

Bienheureuse Alexandrina de Balasar

Bienheureuse Alexandrina de Balasar

1904-1955

Fête le 13 octobre

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Prière pour demander la Canonisation de la Bienheureuse Alexandrina de Balasar

Très Sainte Trinité, source de toute sainteté, je vous adore et vous rends grâce pour les vertus que vous avez fait jaillir dans le cœur de votre servante Alexandrina Maria. Faites que je sache imiter son zèle ardent pour votre gloire. Suscitez en mon cœur l'horreur du péché, un amour plus grand pour l'Eucharistie, un vif esprit de prière. Glorifiez aussi sur la terre votre servante et accordez-moi, par son intercession, la grâce qu'ardemment je vous demande... Glorifiez-la par le Cœur Immaculé de Marie, par elle aimé avec une filiale prédilection.

Notre Père, je Vous salue Marie, Gloire au Père, Bienheureuse Alexandrina, prie le Seigneur pour nous.

Notice sur la Bienheureuse Alexandrina de Balasar,

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Jésus devant Anne

IIIJésus devant Anne

Extrait des révélations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich

Vers minuit, Jésus fut introduit dans le palais d'Anne, et on le conduisit à travers une cour éclairée, dans une salle qui avait les dimensions d'une petite église. Vis-à-vis l'entrée, siégeait Anne, entouré de vingt-huit conseillers, sur une terrasse élevée au-dessous de laquelle était un passage où l'on entrait par un des côtés. Sur le devant un escalier, interrompu par des bancs de distance en distance, conduisait à ce siège d'Anne ; lui-même y arrivait par une entrée communiquant avec l'intérieur du bâtiment. Jésus, encore entouré d'une partie des soldats qui l'avaient arrêté, fut traîné par les archers sur les premières marches de l'extrade. Le reste de la salle était rempli de soldats, de gens de la populace, de juifs qui insultaient Jésus, de domestiques d'Anne, et d'une partie des faux témoins qu'Anne avait rassemblés et qui se rendirent plus tard chez Caiphe. Anne attendait impatiemment l'arrivée du Sauveur. Il était plein de haine et de ruse, et une joie cruelle l'animait. Il était à la tête d'un certain tribunal chargé de veiller à la pureté de la doctrine et d'accuser devant les Princes des prêtres ceux qui y portaient atteinte, et il siégeait ici avec les membres du tribunal. Jésus était debout devant Anne, pâle, défait, silencieux et la tête baissée. Son vêtement était humide et couvert de bons. Les archers tenaient toujours le bout des cordes qui serraient ses mains. Anne, vieillard maigre et sec, à la barbe peu fournie, plein d'insolence et d'orgueil, s'assit avec un sourire ironique, feignant de ne rien savoir et de s'étonner grandement que Jésus fût le prisonnier qu'on lui avait annoncé. Voici ce qu'il dit à Jésus, ou du moins le sens de ses paroles : “  Comment, Jésus de Nazareth ? c'est toi ! Où sont donc tes disciples, où sont tes nombreux adhérents ? Où est ton royaume ? il me semble que les choses n'ont pas tourné comme tu le croyais ? On a trouvé que c'était assez d'insultes à Dieu et aux prêtres, assez de violations du Sabbat. Qui sont tes disciples, Où sont-ils ? Tu te tais ! Parle donc, agitateur, séducteur ! N'as-tu pas mangé l'agneau pascal d'une manière inaccoutumée, en un temps et dans un lieu où tu ne devais pas le faire ? Tu veux introduire une nouvelle doctrine ? Qui t'a donné le droit d'enseigner ? Où as-tu étudié ? Parle, quelle est ta doctrine qui met le trouble partout ? allons, parle, quelle est ta doctrine ” ?

Alors Jésus releva sa tête fatiguée, regarda Anne, et dit : “J'ai parlé en public devant tout le monde ; j'ai toujours enseigné dans le temple et dans les synagogues où tous les Juifs se rassemblent. Je n'ai rien dit en secret. Pourquoi m'interroges-tu ? Demande à ceux qui m'ont entendu ce que je leur ai dit. Regarde autour de toi ! ils savent ce que j'ai dit.”

Le visage d'Anne, à ces paroles de Jésus, exprima le ressentiment et la fureur. Un infâme archer, vil flatteur du Pontife, qui se trouvait près de Jésus, sen aperçut et ce misérable frappa de sa main couverte d'un gantelet de fer la bouche et les joues du Seigneur, lui disant : “  est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ? ” Jésus, ébranlé par la violence du coup, poussé d'ailleurs et brutalement secoué par les sergents, tomba de coté sur les marches, et le sang coula de son visage. La salle retentit de murmures, de rires et d'injures. Ils relevèrent Jésus en le maltraitant et le Seigneur dit tranquillement : “  Si j'ai mal parlé, montre-moi en quoi. Mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappez vous ” ?

Anne, poussé à bout par le calme de Jésus, invita tous ceux qui étaient présents à exposer, ainsi qu'il le désirait lui-même, ce qu'ils lui avaient entendu dire. Alors ce fut une explosion de clameurs confuses et de grossières imprécations. “ Il a dit qu'il était roi, que Dieu était son père, que les Pharisiens étaient des adultères. Il soulève le peuple, il guérit au nom du diable le jour du Sabbat les gens d'Ophel l'ont entouré comme des furieux, l'ont appelé leur sauveur et leur prophète. Il se laisse nommer le Fils de Dieu ; il se dit l'envoyé de Dieu : il crie malheur à Jérusalem, prédit la destruction de la ville, n'observe pas les jeûnes, parcourt le pays avec une suite nombreuse, mange avec les impurs, les païens, les publicains et les pécheurs, fait société avec des femmes de mauvaise vie. Il a encore dit tout à l'heure, devant la porte d'Ophel, à un homme qui lui donnait à boire, qu'il lui donnerait l'eau de la vie éternelle après laquelle il n'aurait plus jamais soif. Il séduit le peuple par des paroles à double sens : il dissipe le bien d'autrui, débits toute sorte de mensonges sur son royaume, etc., etc. ”

Tous ces reproches lui étaient faits à la fois : les accusateurs venaient les lui adresser en face, en y mêlant les injures les plus grossières, et les archers le poussaient, le frappaient, en lui disant de répondre. Anne et ses conseillers ajoutaient leurs railleries à ces outrages, et lui disaient : “ C'est donc là ta doctrine ! belle doctrine en vérité ! Qu'as-tu à répondre ? C'est donc là ton enseignement public ! Le pays en est plein. N'as-tu rien à dire ici ? Roi, donne tes ordres ; envoyé de Dieu, montre ta mission. ” Chacune de ces exclamations était accompagnée d'insultes et de coups de la part des archers et de leurs voisins, qui, tous, auraient volontiers imité celui qui l'avait frappé au visage. Jésus chancelait de côté et d'autre, et Anne reprit avec une froide insolence : “ Qui es-tu ? qui t'a envoyé ? Es-tu le fils d'un obscur charpentier, ou bien es-tu Elie qui a été enlevé sur un char de feu ? On dit qu'il vit encore, et que toi, tu peux à volonté te rendre invisible. Au moins est-il vrai que tu nous as souvent échappé. N'es-tu pas plutôt Malachie dont tu empruntes souvent les paroles pour t'en prévaloir ? On a prétendu que ce prophète n'avait pas eu de père, que ç'avait été un ange, qu'il n'était pas mort. Belle occasion pour un fourbe de se faire passer pour lui.  Quelle espèce de roi es-tu donc ? Tu as dit que tu étais plus que Salomon. Sois tranquille, je ne te refuserai pas plus longtemps le titre de ta royauté ”.

Alors Anne se fit donner une espèce d'écriteau long de près d'une aune et large de trois doigts ; il le posa sur une table qu'on plaça devant lui et y écrivit une série de grandes lettres, dont chacune indiquait un chef d'accusation contre le Seigneur. Puis il le roula, et le plaça dans une petite calebasse creuse, qu'il boucha soigneusement et assujettit ensuite au bout d'un roseau. Il présenta ce roseau à Jésus, lui disant avec une froide ironie : “ Voilà le sceptre de ton royaume : là sont renfermés tes titres, tes dignités et tes droits. Porte-les au grand-prêtre, pour qu'il reconnaisse ta mission et te traite suivant ta dignité Qu'on lie les mains à ce roi, et qu'on le mène devant le grand-prêtre. ”

On attacha de nouveau, en les croisant sur la poitrine les mains de Jésus qui avaient été déliées ; on y assujettit le simulacre de sceptre qui portait les accusations d'Anne, et on conduisit Jésus chez Caïphe, au milieu des rires, des injures et des mauvais traitements de la foule

En conduisant Jésus chez Anne, on avait dépassé, en la laissant de côté, la maison de Caïphe : il fallut maintenant décrire un angle pour l'y ramener. La maison d'Anne n'était guère qu'à trois cents pas de celle de Caïphe (1). Le chemin qui passait le long de murs et de petits bâtiments dépendant du tribunal du grand-prêtre, était éclairé avec des lanternes placées sur des perches, et couvert de Juifs qui vociféraient et s'agitaient. Les soldats pouvaient à peine ouvrir un passage à travers la foule. Ceux qui avaient outragé Jésus chez Anne répétaient leurs outrages devant le peuple, et le Sauveur fut encore injurié et maltraité tout le long du chemin. Je vis des hommes armés, et attachés au service du tribunal, repousser quelques groupes qui semblaient compatir aux souffrances du Sauveur, donner de l'argent à ceux qui sa distinguaient par leur brutalité et leur dureté envers Jésus, et les faire entrer dans la cour de Caïphe.

La trahison de Judas

IILa trahison de Judas

Extrait des révélations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich

Judas ne s'attendait pas à ce que sa trahison eut les conséquences dont elle fut suivie. Il voulait mériter la récompense promise et se rendre agréable aux Pharisiens en leur livrant Jésus ; mais il ne pensait pas au résultat qui devait être la condamnation et le crucifiement du Sauveur. ses vues n'allaient pas jusque-là. L'argent seul préoccupait son esprit, et depuis longtemps il s'était mis en relation avec quelques Pharisiens et quelques Sadducéens rusés qui l'excitaient a la trahison en le flattant. Il était las de la vie fatigante, errante et persécutée que menaient les apôtres. Dans les derniers mois il n’avait cessé de voler les aumônes dont il était dépositaire, et sa cupidité, irritée par la libéralité de Madeleine lorsqu'elle versa des parfums sur Jésus, le poussa au dernier des crimes. Il avait toujours espéré un royaume temporel de Jésus et un emploi brillant et lucratif dans ce royaume, ne le voyant pas paraître, il cherchait à amasser une fortune. Il voyait les peines et les persécutions s'accroître, et il pensait à se mettre bien avec les puissants ennemis du Sauveur avant l'approche du danger ; car il voyait que Jésus ne devenait pas roi, tandis que la dignité du grand prêtre et l’importance de ses affidés faisaient une vive impression sur lui. Il se rapprochait de plus en plus de leurs agents qui le flattaient sans cesse et lui disaient d'un ton très assuré que, dans tous les cas, on en finirait bientôt avec Jésus. Récemment encore, ils étaient venus le trouver plusieurs fois à Béthanie. Il s’enfonça de plus en plus dans ses pensées criminelles, et il avait multiplié ses courses, dans les derniers jours, pour décider les princes des prêtres à agir. Ceux-ci ne voulaient pas encore commencer, et ils le traitèrent avec mépris. Ils disaient qu'il n'y avait pas assez de temps avant la tète, que cela y mettrait du désordre et du trouble. Le sanhédrin seul donna quelque attention aux propositions de Judas. Après la réception sacrilège du Sacrement, Satan s’empara tout à fait de lui et il partit pour achever son crime. Il chercha d’abord les négociateurs qui l’avaient toujours flatté jusque-là, et qui l’accueillirent encore avec une amitié feinte. Il en vint d'autres, parmi lesquels Caiphe et Anne, ce dernier, toutefois, prit avec lui un ton hautain et moqueur. On était irrésolu, et on ne comptait pas sur le succès, parce qu'on ne se fiait pas à Judas.

Je vis l’empire infernal divisé : Satan voulait le crime des Juifs, il désirait la mort de Jésus, le convertisseur, le saint docteur, le juste qu’il haïssait ; mais il éprouvait aussi je ne sais quelle crainte intérieure de la mort de cette innocente victime qui ne voulait pas se dérober à ses persécuteurs ; il lui portait envie de souffrir sans l'avoir mérité. Je le vis donc, d'un côté, exciter la haine et la fureur des ennemis de Jésus, et, d’un autre côté, insinuer à quelques-uns d'entre eux que Judas était un coquin, un misérable, qu'on ne pourrait pas rendre le jugement avant la fête, ni réunir un nombre suffisant de témoins contre Jésus.

Chacun mettait en avant une proposition différente ; et entre autres choses, ils demandèrent à Judas : “  Pourrons nous le prendre ? n’a-t-il pas des hommes armés avec lui ? ” Et le traître répondit : “ non, il est seul avec onze disciples ; lui-même est tout découragé et les onze sont des hommes peureux. ” Il leur dit aussi qu'il fallait s'emparer de Jésus maintenant ou jamais, qu'une autre fois il ne pourrait plus le leur livrer, qu’il ne retournerait peut-être plus près de lui. que depuis quelques jours les autres disciples et Jésus lui-même avaient évidemment des soupçons sur lui, qu'ils semblaient se douter de ses menées, et qu'ils le tueraient sans doute s'il revenait à eux. Il leur dit encore que s'ils ne prenaient pas Jésus actuellement, il s'échapperait et reviendrait avec une armée de ses partisans pour se faire proclamer roi. Ces menaces de Judas firent effet. On revint à son avis, et il reçut le prix de sa trahison, les trente pièces d'argent Ces pièces avaient la forme d'une langue, elles étaient percées du côté arrondi et enflées au moyen d'anneaux dans une espèce de chaîne elles portaient certaines empreintes.

Judas, frappé du mépris et de la défiance qui perçaient dans leurs manières, fut poussé par l'orgueil à leur remettre cet argent pour l'offrir dans le Temple, afin de passer a leurs yeux pour un homme juste et désintéressé. Mais ils s’y refusèrent, parce que G était le prix du sang qui ne pouvait être offert dans le Temple. Judas vit combien ils le méprisaient, et il en éprouva un profond ressentiment il ne s'était pas attendu à goûter les fruits amers de sa trahison avant même qu'elle fût accomplie ; mais il s'était tellement engagé avec ces hommes qu’il était entre leurs mains et ne pouvait plus s'en délivrer. Ils l’observaient de très près et ne le laissèrent point partir qu'il n'eût exposé la marche a suivre pour s'emparer de Jésus. Trois Pharisiens l’accompagnèrent lorsqu'il descendit dans une salle où se trouvaient des soldats du Temple, qui n'étaient pas seulement des Juifs mais des hommes de toute nation. Lorsque tout fut arrange et qu'on eût rassemblé le nombre de soldats nécessaire, Judas courut d'abord au Cénacle, accompagné d'un serviteur des Pharisiens, afin de leur faire savoir si Jésus y était encore, à cause de la facilité de le prendre là en s’emparant des portes. Il devait le leur faire dire par un messager.

Un peu auparavant, lorsque Judas eut reçu le prix de sa trahison, un Pharisien était sorti et avait envoyé sept esclaves chercher du bois pour préparer la croix du Christ, dans le cas où il serait juge, parce que le lendemain on n'aurait pas eu assez de temps à cause du commencement de la Pâque. Ils prirent ce bois à un quart de lieue de là, prés d'un grand mur où il y avait beaucoup d'autre bois appartenant au service du Temple, et le traînèrent sur une place derrière le tribunal de Caïphe, pour le façonner. La pièce principale de la croix avait été autrefois un arbre de la vallée de Josaphat, planté près du torrent de Cédron ; plus tard, étant tombé en travers, on en avait fait une espèce de pont. Lorsque Néhémie cacha le feu sacré et les saints vases dans l'étang de Bethsaïde, on le jeta par-dessus avec d'autres pièces de bois, plus tard, on l'en avait tiré et laissé de côté. La croix fut préparée d'une façon qui n'était pas ordinaire, soit parce qu'on voulait se moquer de la royauté de Jésus, soit par un hasard apparent, mais qui était dans les desseins de Dieu. Elle fut faite de cinq pièces de bois sans compter l'inscription. J'ai vu bien d'autres choses relatives à la croix, et j'ai su la signification des différentes circonstances, mais j'ai oublié tout cela.

Judas revint et dit que Jésus n'était plus dans le Cénacle, mais qu'il devait être certainement sur le mont des Oliviers, au lieu où il avait coutume de prier. Il demanda qu'on n’envoyât avec lui qu'une petite troupe, de peur que les disciples qui étaient aux aguets ne s'aperçussent de quelque chose et n'excitassent une sédition, Trois cents hommes devaient occuper les portes et les rues d'Ophel, partie de la ville située au sud du Temple, et la vallée de Millo jusqu'à la maison d'Anne, au haut de Sion, afin d'envoyer des renforts si cela était nécessaire, car, disait-il, tout le petit peuple d'Ophel était partisan de Jésus. Le traître leur dit encore qu'ils devient prendre garde qu'il ne leur échappât, lui qui, par des moyens mystérieux, s'était souvent dérobé dans la montagne et rendu tout à coup invisible à ceux qui l’accompagnaient. Il leur conseilla aussi de l'attacher avec une chaîne, et de se servir de certains moyens magiques pour l'empêcher de la briser. Les Juifs reçurent tous ces avis avec dédain et lui dirent : “ Tu ne nous en imposeras pas ; si nous le tenons une fois, nous ne le laisserons pas s’échapper ”.

Judas prit ses mesures avec ceux qui devaient l'accompagner : il voulait entrer dans le jardin avant eux, embrasser et saluer Jésus comme s'il revenait à lui en ami et en disciple après avoir fait ce dont il était chargé : alors les soldats accourraient et s'empareraient de Jésus. Il désirait qu'on crût qu'ils étaient venus là par hasard ; à leur vue il se serait enfui comme les autres disciples et on n'aurait plus entendu parler de lui. Il pensait aussi qu’il y aurait peut être du tumulte, que les apôtres se défendraient et que Jésus se déroberait comme il l'avait fait souvent, cette pensée lui venait par intervalles quand il se sentait blessé par les dédains des ennemis de Jésus, mais il ne se repentait pas, car il s'était donné tout entier à Satan. Il ne voulait pas non plus que ceux qui viendraient derrière lui portassent des liens et des cordes : on eut l’air de lui accorder ce qu'il désirait, mais on en agit avec lui comme on fait avec un traître auquel on ne se fie pas, et qu'on repousse quand on s'en est servi. Les soldats avaient ordre de surveiller Judas de très près, et de ne pas le laisser aller qu'on ne se fût emparé de Jésus, car il avait reçu sa récompense. On pouvait craindre qu'il ne s’enfuit avec l'argent, et qu’on ne prit pas Jésus ou qu'on en prit un autre à sa place, ce qui n'aurait amené, pour tout résultat, que du désordre et des troubles pendant les fêtes de Pâques. La troupe choisie pour accompagner Judas était de vingt soldats pris dans la garde du Temple et dans ceux qui étaient aux ordres d’Anne et de Caïphe. Ils étaient costumés à peu prés comme les soldats romains, ils portaient des morions et avaient comme eux des courroies pendantes autour des cuisses : ils s’en distinguaient principalement par la barbe, car les Romains a Jérusalem n’en portaient que sur les joues et avaient le menton et la lèvre rasés. Tous les vingt avaient des épées, quelques-uns étaient en outre armés de piques, ils portaient des bâtons avec des lanternes et des torches, mais lorsqu'ils partirent, ils n'en allumèrent qu'une seule. On avait d'abord voulu donner à Judas une escorte plus nombreuse, mais il fit observer qu'elle serait trop facile à apercevoir, parce que du mont des Oliviers on avait vue sur la vallée. La plus grande partie resta donc à Ophel, et l'on plaça des postes de tous côtés pour comprimer tout soulèvement et toute tentative en faveur de Jésus. Judas partit avec les vingt soldats. mais il fut suivi à quelque distance par quatre archers, records de la dernière classe, qui portaient des cordes et des chaînes ; quelques pas derrière ceux-ci venaient ces six agents avec lesquels Judas s'était mis en rapport depuis quelque temps. C'était un prêtre, confident d'Anne, un affidé de Caïphe, deux employés pharisiens et deux employés sadducéens qui étaient aussi hérodiens. Ces hommes étaient des flatteurs d'Anne et de Caiphe, ils leur servaient d’espions, et Jésus n'avait pas d'ennemis plus acharnés.

Les soldats restèrent d'accord avec Judas jusqu’à l'endroit où le chemin sépare le jardin des Oliviers de celui de Gethsémani ; là ils ne voulurent pas le laisser aller seul en avant, ils prirent un autre ton avec lui et le traitèrent durement et insolemment.

L'Agonie de Jésus à Gethsémani

IL'Agonie de Jésus à Gethsémani

Extrait des révélations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich

Lorsque Jésus, après l'institution du Saint-Sacrement de l'autel, quitta le Cénacle avec les onze Apôtres, son âme était déjà dans le trouble et sa tristesse allait toujours croissant. Il conduisit les onze, par un sentier détourné, dans la vallée de Josaphat, en se dirigeant vers la montagne des Oliviers. Lorsqu'ils furent devant la porte, je vis la lune, qui n'était pas encore tout à fait pleine, se lever sur la mon-tagne. Le Seigneur, errant avec eux dans la vallée, leur di-sait qu'il reviendrait en ce lieu pour juger le monde; mais non pauvre et languissant comme aujourd'hui; qu'alors d'au-tres trembleraient et crieraient : “ Montagnes, couvrez-nous ! ” Ses disciples ne le comprirent pas, et crurent, ce qui leur arriva souvent dans cette soirée, que la faiblesse et l’épuisement le faisaient délirer. Ils marchaient le plus souvent, et de temps en temps ils s'arrêtaient, s'entretenant avec lui. Il leur dit encore : “ Vous vous scandaliserez tous à mon sujet cette nuit; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais quand je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée ”.

Les Apôtres conservaient encore quelque chose de l'en-thousiasme et du recueillement que leur avaient donnés la réception du Saint-Sacrement et les discours solennels et affectueux de Jésus. Ils se pressaient autour de lui, lui ex-primaient leur amour de différentes manières, protestaient qu'ils ne l'abandonneraient jamais. Mais Jésus continuant de parler dans le même sens, Pierre lui dit : “ Quand tous se scandaliseraient à votre égard, je ne me scandaliserai jamais ”, et le Seigneur lui prédit qu'il le renierait trois fois avant le chant du coq. Mais Pierre insista encore, et dit : “ Quand je devrais mourir avec vous, je ne vous renierai point. ” Ainsi parlèrent aussi les autres. Ils marchaient et s'arrêtaient tour à tour, et la tristesse de Jésus devenait de plus en plus grande. Pour eux, ils voulaient le consoler d'une manière toute humaine, en lui assurant que ce qu'il prévoyait n'arriverait pas. Ils se fatiguèrent dans cette vaine tentative, commencèrent à douter, et la tentation vint sur eux.

Ils traversèrent le torrent de Cédron, non sur le pont où plus tard fut conduit Jésus prisonnier, mais sur un autre, car ils avaient fait un détour. Gethsémani, où ils allaient, est situé près de la montagne des Oliviers, à peu près à une demi-lieue du Cénacle, il y a du Cénacle à la porte de la vallée de Josaphat un quart de lieue, et environ autant de la à Gethsémani. Ce lieu, où dans les derniers jours Jésus avait quelquefois enseigné ses disciples et passé la nuit avec eux, se composait de quelques maisons vides et ouvertes et d'un grand jardin entouré d'une haie, où il ne croissait que des plantes d'agrément et des arbres fruitiers. Les Apôtres et plusieurs autres personnes avaient une clef de ce jardin, qui était un lieu de récréation et de prière. Quelquefois des gens qui n'avaient pas de jardins à eux y donnaient des fêtes et des repas. Il s'y trouvait des cabanes de feuillage, où restèrent huit des Apôtres auxquels se joignirent plus tard d'autres disciples. Le jardin des Oliviers est séparé par un chemin de celui de Gethsémani, et s'étend plus haut vers la montagne. Il est ouvert, entouré seulement d'un mur de terre, et plus petit que le jardin de Gethsémani. On y voit des cavernes, des terrasses et beaucoup d'oliviers. Il est plus soigné dans une de ses parties où l'on trouve des sièges, des bancs de gazon bien entretenus et des grottes fraîches, et spacieuses. Il est facile d'y trouver un endroit propre à la prière et à la méditation. C'est dans la partie la plus sauvage que Jésus alla prier. Il était environ neuf heures quand Jésus vint à Gethsémani avec ses disciples. Il faisait encore obscur sur la terre, mais la lune répandait déjà sa lumière dans le ciel. Jésus était très triste et annonçait l'approche du danger. Les dis-ciples, en étaient troublés, et il dit à huit de ceux qui l'ac-compagnaient de rester dans le jardin de Gethsémani, dans un endroit où il y a une espèce de cabinet de verdure. “ Restez ici, leur dit-il, pendant que je vais prier à l'en-droit que j'ai choisi. ” Il prit avec lui Pierre. Jacques et Jean, monta plus haut, et, franchissant un chemin, poussa plus avant dans le jardin des Oliviers jusqu'au pied de la montagne. Il était indiciblement triste, car il sentait l'an-goisse et l'épreuve qui approchaient. Jean lui demanda com-ment lui, qui les avait toujours consolés, pouvait être si abattu. “ Mon âme est triste jusqu'à la mort ”, répondit-il. Et, regardant autour de lui, il vit de tous côtés l'angoisse et la tentation s'approcher comme des nuages chargés de figu-res effrayantes. C'est alors qu'il dit aux trois Apôtres : “ Restez là et veillez avec moi; priez afin que vous ne tombiez pas en tentation. ” Il avança encore quelques pas; mais les terribles visions l'assaillirent de telle sorte que, dans son angoisse, Il descendit un peu à gauche, et se cacha sous un rocher, dans une grotte d'environ six pieds de pro-fondeur, au-dessus de laquelle les Apôtres se tenaient dans une espèce d'enfoncement. Le terrain s'abaissait doucement dans cette grotte, et les plantes suspendues au rocher qui surplombait formaient un rideau devant l'entrée, en sorte qu'on ne pouvait y être vu.

Lorsque Jésus s'éloigna des disciples, je vis autour de lui un large cercle d'images effrayantes qui se resserrait de plus en plus. Sa tristesse et son angoisse croissaient; il se retira tout tremblant dans la grotte afin d'y prier, semblable à un homme qui cherche un abri contre un orage soudain; mais les visions menaçantes l’y poursuivirent et devinrent de plus en plus distinctes. Hélas! cette étroite caverne sem-blait renfermer l'horrible spectacle de tous les péchés com-mis depuis la première chute jusqu'à la fin du monde, et celui de leur châtiment. C'était ici, sur le mont des Oliviers, qu'étaient venus Adam et Eve, chassés du paradis sur la terre inhospitalière; ils avaient gémi et pleuré dans cette même grotte. J'eus le sentiment que Jésus, s'abandonnant aux douleurs de sa Passion qui allait commencer et se li-vrant à la justice divine en satisfaction pour les péchés du monde, faisait rentrer en quelque façon sa divinité dans le sein de la sainte Trinité; sous l'impulsion de sa charité infinie, il se renfermait, pour ainsi dire, dans sa pure, aimante, innocente humanité, et, armé seulement de l'amour qui enflammait son coeur d'homme, il la dévouait, pour les péchés du monde, à toutes les angoisses et à toutes les souffrances. Voulant satisfaire pour la racine et le déve-loppement de tous les péchés et de tous les mauvais pen-chants, le miséricordieux Jésus prit dans son coeur, par amour pour nous autres pécheurs, la racine de toute expia-tion purificatrice et de toute peine sanctifiante, et il laissa cette souffrance infinie, afin de satisfaire pour des péchés infinis, s'étendre comme un arbre de douleur aux mille branches et pénétrer tous les membres do son corps sacré, toutes les facultés de sa sainte âme.

Ainsi laissé tout entier à sa seule humanité, implorant Dieu avec une tristesse et une angoisse inexprimables, il tomba sur son visage, et tous les péchés du monde lui apparurent sous des formes infinies avec toute leur laideur inté-rieure : il les prit tous sur lui, et s'offrit, dans sa prière, à la justice de son Père céleste pour payer cette effroyable dette. Mais Satan, qui, sous une forme effrayante, s'agitait au milieu de toutes ces horreurs avec un rire infernal, mon-trait une fureur toujours croissante contre Jésus, et, faisant passer devant son âme des tableaux de plus en plus affreux, criait sans cesse à l'humanité de Jésus : “  Comment ! prends-tu aussi celui-ci sur toi, en souffriras-tu la peine? veux-tu satisfaire pour tout cela? ”

Cependant il partit, de ce côté du ciel où le soleil se montre entre dix et onze heures du matin, un rayon semblable à une voie lumineuse : c'était une ligue d'anges qui descendaient jusqu'à Jésus, et je vis qu'ils le ranimaient et le for-tifiaient. Le reste de la grotte était plein d'affreuses visions de nos crimes et de mauvais esprits qui insultaient et assaillaient Jésus; il prit tout sur lui; mais son coeur, le seul qui aimât parfaitement Dieu et les hommes au milieu de ce désert plein d'horreur, se sentit cruellement torturé et déchiré sous le poids de tant d'abominations. Hélas ! je vis alors tant de choses qu'une année ne suffirait pas pour les raconter. Lorsque cette masse de forfaits eut passé sur son âme comme un océan et que Jésus, s'étant offert comme ,victime expiatoire, eut appelé sur lui-même toutes les pei-nes et les châtiments dus à tous ces crimes, Satan lui suscita. comme autrefois dans le désert, des tentations innom-brables; il osa même présenter contre celui qui était la pureté même une suite d'accusations : “ Comment, disait-il, tu veux prendre tout cela sur toi, et tu n'es pas pur toi même! Regarde ceci! et cela ! et cela encore. ” Alors il déroula devant lui, avec une impudence infernale, une foule de griefs imaginaires. il lui reprochait les fautes de ses disciples, les scandales qu'ils avaient donnés, le trouble qu'il avait apporté dans le monde en renonçant aux anciens usa-ges. Satan se fit le pharisien le plus habile et le plus sé-vère - il lui reprocha d'avoir été l'occasion du massacre des Innocents, ainsi que des souffrances de ses parents en Egypte, de n'avoir pas sauvé Jean-Baptiste de la mort, d'avoir désuni des familles, d'avoir protégé des hommes dé-criés, de n'avoir pas guéri plusieurs malades, d'avoir fait tort aux habitants de Gergesa en permettant aux possédés, de renverser leurs cuves (1) et aux démons de précipiter leurs porcs dans la mer; il lui imputa les fautes de Marie, Madeleine parce qu'il ne l'avait pas empêchée de retomber dans la péché; il l'accusa d'avoir abandonné sa famille, d'a-voir dilapidé le bien d'autrui; en un mot, Satan présenta devant l'âme de Jésus, pour l'ébranler, tout ce que le tenta-teur eût reproché au moment de la mort à un homme ordinaire qui eût fait toutes ces actions sans des motifs supérieurs; car il lui était caché que Jésus fût le Fils de Dieu, et il le tentait seulement comme le plus juste des hom-mes. Notre divin Sauveur laissa tellement prédominer en lui sa sainte humanité, qu'il voulut souffrir jusqu'à la tentation dont les hommes qui meurent saintement sont assaillis sur le mérite de leurs bonnes oeuvres. Il permit, pour vider tout le calice de l'agonie, que le mauvais esprit auquel sa divinité était cachée, lui présentât toutes ses oeuvres de charité comme autant d'actes coupables que la grâce de Dieu ne lui avait pas encore remis. Il lui reprocha de vouloir effacer les fautes d'autrui tandis que lui-même, dépourvu de tout mérite, avait encore à satisfaire à la jus-tice divine pour beaucoup de prétendues bonnes oeuvres. La divinité de Jésus souffrit que l'ennemi tentât son huma-nité comme il pourrait tenter un homme qui voudrait attri-buer à ses bonnes oeuvres une valeur propre, outre la seule qu'elles puissent avoir par leur union aux mérites de la mort du Sauveur.

Ainsi le tentateur lui présenta les oeuvres de son amour comme des actes dépourvus de mérite et qui le constituaient débiteur envers Dieu : il fit comme si Jésus en eût, en quel-que manière, prélevé le prix à l'avance sur celui de sa Passion qui n'était pas consommée et dont Satan ne con-naissait pas encore le prix infini, et par conséquent comme s'il n'eût pas satisfait pour les grâces données à l'occasion de ces oeuvres. Il lui mit sous les yeux, pour toutes ses bonnes oeuvres, des contrats où elles ét4lent Inscrites comme -des dettes, et il disait en les montrant du doigt : “ Tu es encore redevable pour et pour cette autre, etc. ” Enfin, il déroula devant lu' un contrat portant que Jésus  avait reçu de Lazare et dépensé le prix de vente de la pro-priété de Marie-Madeleine à Magdalum et lui dit : “ Comment as-tu osé dissiper le bien d'autrui et faire ce tort à cette famille? ” J'ai vu la représentation de tous les péchés pour l'expiation desquels le Seigneur s'offrit et j'ai senti avec lui tout le poids des nombreuses accusations que la tentateur éleva contre lui, car parmi les péchés du monde dont le Sauveur se chargea, je vis aussi les miens qui sont si nombreux, et du cercle de tentation qui l'entourait, Il sortit vers moi comme un fleuve où toutes mes fautes me furent montrées. Pendant ce temps, j'avais toujours les yeux fixés sur mon fiancé céleste, je gémissais et priais avec lui, je me tournais avec lui vers les anges consolateurs. Hélas ! le Seigneur se tordait comme un ver sous le poids de sa douleur et de ses angoisses.

Pendant les accusations de Satan contre Jésus, j'avais peine à retenir ma colère; mais lorsqu'il parla de la vente du bien de Madeleine, il me fut impossible de me contenir, et je criai : a Comment peux-tu lui reprocher comme un “ péché la vente de ce bien? n'ai-je pas vu le Seigneur employer cette somme donnée par Lazare à des œuvres de miséricorde, et délivrer à Thirza vingt-sept pauvres prisonniers pour dettes? ”

Au commencement, Jésus était agenouillé et priait avec assez de calme; mais plus tard son âme fut épouvantée à l'aspect des crimes innombrables des hommes et de leur ingratitude envers Dieu : il fut en proie à une angoisse et à une douleur si violentes qu'il s'écria, tremblant et fris-sonnant : “ Mon Père, si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi ! mon Père tout vous est possible; éloigner ce calice! ” Puis il se recueillit et dit : “ Cependant que votre volonté se fasse et non la mienne. ” Sa volonté et celle de son Père étaient une; mais, livré par son amour aux faiblesses de l'humanité, il tremblait à l'aspect de la mort.

Je vis la caverne autour de lui remplie de formes effrayantes; je vis tous les péchés, toute la méchanceté, tous les vices, tous les tourments, toutes les ingratitudes qui l'accablaient : les épouvantements de la mort, la terreur qu'il ressentait comme homme à l'aspect de ses souffrances expiatoires le pressaient et l'assaillaient sous la forme de spectres hideux. Il tombait çà et là, se tordait les mains, la sueur le couvrait, il tremblait et frémissait. Il se releva; ses genoux chancelaient et le portaient à peine, il était tout à fait défait et presque méconnaissable, ses lèvres étaient pâles, ses cheveux se dressaient sur sa tête. Il était environ 10 h 1/2 lorsqu'il se leva; puis, tout chancelant, tombant à chaque pas, baigné d'une sueur froide, il se traîna jusqu'auprès des trois Apôtres. n monta à gauche de la caverne jusqu'à une plate-forme où ceux-ci s’étaient endormis, couchés les uns à côté des autres, accablés qu'ils étaient de fatigue, de tristesse et d'inquiétude, Jésus vint à eux, semblable à un homme dans l'angoisse, que la terreur pousse vers ses amis, et semblable encore à un bon pasteur qui, profondément bouleversé lui-même, vient visiter son troupeau qu'il sait menacé d'un péril prochain : car Il n'ignorait pas qu'eux aussi étaient dans l'angoisse et la tentation. Les terribles visions l'entouraient, même pendant ce court chemin. Lorsqu'il les trouva dormants, il joignît les mains, tomba près d'eux plein de tristesse et d'inquiétude, et dit : “  Simon, dors-tu? ” Ils s'éveillèrent, le relevèrent, et il leur dit dans son délaissement : “ Ne pouviez-vous veiller une heure avec moi? ” Lorsqu'ils le virent défait pâle, chancelant, trempé de sueur, tremblant et frisson-nant lorsqu'ils entendirent sa voix altérée et presque éteinte, ils ne surent plus ce qu'ils devaient penser, et s'il ne leur était pas apparu entouré d'une lumière bien connue, ils n'auraient jamais retrouvé Jésus en lui. Jean lui dit : “  Maître, qu'avez-vous? dois-je appeler les autres disciples! ci devons-nous fuir? ” Jésus répondit : “ Si je vivais, en-seignais et guérissais encore trente-trois ans, cela ne suffirait pas pour faire ce qui me reste à accomplir d'ici à demain. N'appelle pas les huit; je les ai laissés, parce ci qu'ils ne pourraient me voir dans cette détresse sans se scandaliser : ils tomberaient en tentation, oublieraient beaucoup et douteraient de moi. Pour vous, qui avez vu le Fils de l'homme transfiguré, vous pouvez le voir aussi dans son obscurcissement et son délaissement; mais veillez et priez pour ne pas tomber en tentation “ l'esprit est prompt, mais la chair est faible. ”

Il parlait ainsi par rapport à eux et à lui-même. Il voulait par là les engager à la persévérance et leur faire connaître le combat de sa nature humaine contre la mort et la cause de sa faiblesse. Il leur parla encore, toujours accablé de tristesse, et resta près d'un quart d'heure avec eux. Il retourna dans la grotte, son angoisse croissant toujours : pour eux, Ils étendaient les mains vers lui, pleuraient, tombaient dans les bras les uns des autres, se demandaient : “ Qu'est-ce donc? que lui arrive-t-il? il est dans un délaissement complet ! ” Ils se mirent à prier, la tête couverte, pleins de trouble et de tristesse. Tout ce qui vient d'être dit remplit à peu près une heure et demie depuis que Jésus était entré dans le jardin des Oliviers. Il dit à la vérité dans l’Ecriture : “ N'avez-vous pu veiller une heure avec moi? ” mais cela ne doit point se prendre à la lettre, et d'après notre manière de compter. Les trois Apôtres qui étaient avec Jésus avaient d'abord prié, puis ils s'étaient endormis, car ils étaient tombés en tentation par leur man-que de confiance. Les huit autres. qui étaient postés à l’entrée, ne dormaient pas : la tristesse oui respirait dans les derniers discours de Jésus les avait laissés très inquiets; ils erraient sur la mont des Oliviers pour y chercher quel-que lieu de refuge en cas de danger.

Ce soir-là, il y avait peu de bruit dans Jérusalem, les Juifs étaient dans leurs maisons, occupés des préparatifs de la fête; les campements des étrangers venus pour la Pâque n'étaient pas dans le voisinage de la montagne des Oliviers. En errant de côté et d'autre, je vis çà et là des amis et des disciples de Jésus qui marchaient et s'entretenaient ensemble . ils paraissaient inquiets et dans l'attente de quelque événement. La mère du Seigneur, Madeleine, Mar-the, Marie, fille de Cléophas, Marie Salomé et Salomé étaient allées du Cénacle dans la maison de Marie, mère de Marc; puis Marie, effrayée des bruits qui couraient, avait voulu venir devant la ville avec ses amies pour savoir des nou-velles de Jésus. Lazare, Nicodème, Joseph d'Arimathie et quelques parents d'Hébron vinrent la trouver et essayèrent de la tranquilliser; car ayant eu connaissance par eux-mêmes ou par les disciples des tristes prédictions faites par Jésus dans le Cénacle, ils avaient été prendre des Informa-tions chez des pharisiens de leur connaissance et n'avaient point appris qu'on dût faire des tentatives prochaines contre le Sauveur : ils disaient que le danger ne pouvait être en-core très grand, qu'on n'attaquerait pas le Seigneur si près de la fête; mais ils ne savaient rien encore de la trahison de Judas. Marie leur parla du trouble de celui-ci dans les derniers jours, de la manière dont il avait quitté le Cénacle; Il était sûrement allé trahir; elle l'avait souvent averti qu'il était un fils de perdition. Les saintes femmes retour-nèrent ensuite dans la maison de Marie, mère de Marc.

Lorsque Jésus fut revenu dans la grotte et toutes ses douleurs avec lui, il se prosterna sur le visage, les bras étendus, et pria son Père céleste; mais il y eut dans son âme une nouvelle lutte qui dura trois quarts d'heure. Des anges vinrent lui montrer dans des séries de visions tout ce qu'il devait embrasser de douleurs afin d'expier le péché; ils lui montrèrent quelle était avant la chute la beauté de l’homme, image de Dieu, et combien cette chute l'avait altéré et défiguré. Il vit l'origine de tous les péchés dans le pre-mier péché, la signification et l'essence de la concupiscence, ses terribles effets sur les forces de l’âme humaine; et aussi l'essence et la signification de toutes les peines correspondant à la concupiscence. Ils lui montrèrent dans la satis-faction qu'il devait donner à la justice divine, une souffrance du corps et de l'âme comprenant toutes les peines dues à la concupiscence de l'humanité tout entière; et comment la dette du genre humain devait être payée par la seule nature humaine exempte de péché, celle du fils de Dieu, lequel, afin de prendre sur lui la dette et le châtiment de l'humanité tout entière, devait aussi combattre et surmonter la répugnance humaine pour la souffrance et la mort. Les anges lui montraient tout cela sous des formes diverses, et j'avais la perception de ce qu'ils disaient quoique sans entendre leurs voix. Aucune langue ne peut exprimer quelle épouvante et quelle douleur vinrent fondre sur l'âme de- Jésus à la vue de ces terribles expiations; l'horreur de -cette vision fut telle qu'une sueur de sang sortit de son corps.

Pendant que l'humanité du Christ était écrasée sous cette effroyable masse de souffrances, j'aperçus un mouvement de compassion dans les anges; il me sembla qu'ils désiraient ardemment le consoler et qu'ils priaient à cet effet devant le trône de Dieu. Il y eut comme un combat d'un instant entre la miséricorde et la justice de Dieu, et l'amour qui se sacrifiait. Une image de Dieu me fut montrée, non comme d'autres fois sur un trône, mais dans une forme lumineuse; je vis la nature divine du Fils dans la personne de son Père, et comme retirée dans son sein; la personne du Saint-Esprit procé-dait du Père et du Fils; elle était comme entre eux, et tout cela n'était pourtant qu'un seul Dieu; mais ces choses sont inexprimables. J'eus moins une vision avec des figures humaines qu'une perception intérieure où il me fut montré par des images que la volonté divine du Christ se retirait davantage dans le Père pour laisser peser sur son humanité toutes ces souffrances que la volonté humaine de Jésus priait le Père de détourner de lui. Je vis cela dans le moment de la compassion des anges, lorsqu'ils désirèrent consoler Jésus, et en effet il reçut en cet instant quelque soulagement. Alors tout disparut, et les anges abandonnèrent le Seigneur dont l'âme allait avoir à souffrir de nouvelles attaques.

Lorsque le Rédempteur, sur le mont des Oliviers, s'aban-donna, comme homme véritable et réel, à la tentation de la répugnance humaine pour la douleur et la mort, lorsqu'il voulut éprouver et surmonter cette répugnance à souffrir qui fait Partie de toute souffrance, il fut permis au tentateur de lui faire ce qu'il fait à tout homme qui veut se sacrifier pour une cause sainte. Dans la première agonie, Satan montra à Notre-Seigneur l'énormité de la dette du péché qu'il voulait acquitter, et poussa l'audace jusqu'à chercher des fautes dans les oeuvres du Rédempteur lui-même. Dans la seconde agonie, Jésus vit dans toute son étendue et son amertume la souffrance expiatoire néces-saire pour satisfaire à la justice divine; ceci lui fut pré-senté par les anges, car il n'appartient pas à Satan de mon-trer que l'expiation est possible; le père du mensonge et du désespoir ne montre point les oeuvres de la miséricorde divine. Jésus ayant résisté victorieusement à tous ces com-bats par son abandon complet à la volonté de son Père céleste, un nouveau cercle d'effrayantes visions lui fut offert : le doute et l'inquiétude qui précèdent le sacrifice dans l'homme qui se dévoue s'éveillèrent dans 1'àme du Seigneur; il se fit cette terrible question : “ Quel sera le profit de ce sacrifice? ” et le tableau du plus terrible avenir accabla son coeur aimant.

Lorsque Dieu eut créé le premier Adam, il lui envoya le sommeil, ouvrit son côté, prit une de ses côtes dont il fit Eve, sa femme, la mère de tous les vivants, puis il la mena devant Adam, et celui-ci dit : “ C'est la chair de ma chair et l'os de mes os : l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils seront deux en une seule chair. ” Ce fut là le mariage dont il est écrit : “ Ce sacrement est grand, je dis en Jésus- Christ et en l'Eglise. ” Le Christ, le nouvel Adam voulait aussi laisser venir sur lui le sommeil, celui de la mort sur la croix; il voulait aussi laisser ouvrir son côté, afin que la nouvelle Eve, sa fiancée virginale, l'Eglise, mère de tous les vivants, en fût faite; il voulait lui donner le sang de la rédemption, l'eau de la purification et son esprit, les trois qui rendent témoignage sur la terre; il voulait lui donner les saints sacrements, afin qu'elle fût une fiancée pure, sainte, sans tache : il voulait être sa tête, nous devions être ses membres soumis à la tête, l'os de ses es, la chair de sa chair. En prenant la nature humaine, afin de souffrir la mort pour nous, il avait quitté aussi son père et sa mère et s'était attaché à sa fiancée, l'Eglise : il est devenu une seule chair avec elle, en la nourrissant du sacrement de l'autel où il s'unit à nous. Il voulait être sur la terre avec l'Eglise, jusqu'à ce que nous fussions tous réunis en elle par lui, et il a dit : Les portes de l'enfer ne prévau-dront point contre elle. Voulant exercer cet incommensu-rable amour pour les pécheurs, le Seigneur était devenu homme et un frère de ces mêmes pécheurs afin de prendre sur lui la punition due à tous leurs crimes. Il avait vu avec une grande tristesse l'immensité de cette dette et celle de la douleur qui devait y satisfaire, et s'était pourtant abandonné avec joie comme victime expiatoire à la volonté de son -Père céleste; mais à présent il voyait les douleurs. les combats et les blessures à venir de sa fiancée céleste qu'il voulait racheter à un si haut prix, au prix de son sang; il voyait l'ingratitude des hommes.

Devant l'âme de Jésus parurent toutes les souffrances futures de ses Apôtres, de ses disciples et de ses amis; il vit l'Eglise primitive si peu nombreuse, puis à mesure qu'elle s'accroissait, les hérésies et les schismes y faisant irruption et répétant la première chute de l'homme par l'orgueil et la désobéissance. Il vit la tiédeur, la corruption et la malice d'un nombre infini de chrétiens, le mensonge et la fourberie de tous les docteurs orgueilleux, le lèges de tous les prêtres vicieux, les suites funestes de tous ces actes, l'abomination de la désolation dans le royaume de Dieu, dans le sanctuaire de cette ingrate huma-nité qu'il voulait racheter de son sang au prix de souffrances indicibles.

Je vis passer devant l'âme du pauvre Jésus, dans une série de visions innombrables, les scandales de tous les siècles jusqu'à notre temps et même jusqu'à la fin du monde. C'étaient tour à tour toutes les formes de l'erreur, de la fourberie, du fanatisme furieux, de l'opiniâtreté et de la malice; tous les apostats, les hérésiarques, les réformateurs à l'apparence sainte, les corrupteurs et les corrompus l'ou-trageaient et le tourmentaient, comme n'ayant pas été bien crucifié à leurs yeux, n'ayant pas souffert de la manière que leur présomption orgueilleuse l'entendait et l'imagi-nait, et tous déchiraient à l'envi la robe sans couture de son Eglise: chacun voulait l'avoir pour Rédempteur autre-ment qu'il ne s'était donné dans l'excès de son amour. Beaucoup le maltraitaient, l'insultaient, le reniaient; beau-coup haussaient les épaules et secouaient la tête sur lui, évitaient les bras qu'il leur tendait, et s'en allaient vers l’abîme où ils étaient engloutis. Il en vit une infinité d'autres qui n'osaient pas le renier hautement, mais qui s'éloignaient avec dégoût des plaies de son Eglise, comme le lévite s'éloigna du pauvre assassiné par les voleurs. Ils s'éloi-gnaient de son épouse blessée comme des enfants lâches et sans foi abandonnant leur mère au moment de la nuit, quand viennent les voleurs et les meurtriers auxquels leur négligence ou leur malice a ouvert la porte. Il les vit s'approprier le butin qu'ils transportaient au désert, les vases d'or et les colliers brisés. Il vit tous ces hommes tantôt séparés de la vraie vigne et couchés parmi les raisins sauvages, tantôt comme des troupeaux égarés, livrés en proie aux loups, conduits par des mercenaires dans de mauvais pâturages, et refusant d'entrer dans le bercail du bon pas-teur qui donne sa vie pour ses brebis. Ils erraient sans patrie dans le désert au milieu des sables agités par les vents, et Ils ne voulaient pas voir sa ville placée sur la montagne qui ne peut rester cachée, la maison de sa fiancée, son Eglise bâtie sur le roc près de laquelle Il a promis d'être jusqu'à la fin des siècles et contre laquelle les portes de l'enfer ne doivent pas prévaloir. Ils refusaient d'entrer par la porte étroite pour n'avoir pas à se courber. Il les vit suivre ceux qui s'étaient dirigés ailleurs que vers la porte. Ils bâtissaient sur le sable des huttes qu'ils refai-saient et défaisaient sans cesse, mais où il n'y avait ni autel, ni sacrifice; ils avaient des girouettes sur leurs toits, et leurs doctrines changeaient avec le vent; aussi étaient-ils en contradiction les uns avec les autres. Ils ne pouvaient pas s'entendre et n'avaient jamais de position fixe : souvent ils détruisaient leurs cabanes et en lançaient les débris contre la pierre angulaire de l'Eglise qui restait Inébranlable. Plusieurs d'entre eux, comme les ténèbres régnaient dans leurs demeures, ne venaient pas vers la lumière placée sur le chandelier dans la maison de l'épouse, mais erraient les yeux fermés autour des jardins de l'Eglise, et ne vivant plus que des parfums qui s'en exhalaient; ils tendaient les bras vers des idoles nébuleuses, et suivaient les astres errants qui les conduisaient à des puits sans eau : au bord du précipice, ils ne voulaient pas écouter la voix de l'épouse qui les appelait, et, dévorés par la faim, ils riaient avec une pitié arrogante des serviteurs et des messagers qui les invitaient au festin nuptial. Ils ne voulaient pas entrer dans le jardin, car ils craignaient les épines de la haie : ivres d'eux-mêmes, ils n'avaient ni froment pour leur faim, ni vin pour leur soif; et aveuglés par leur propre lumière, Ils nommaient invisible l'Eglise du Verbe fait chair. Jésus les vit tous; il pleura sur eux; il voulut souf-frir pour tous ceux qui ne le voient pas, qui ne veulent pas porter leur croix avec lui dans sa ville bâtie sur la montagne qui ne peut rester cachée, dans son Eglise fondée sur le roc, à laquelle il s'est donné dans le saint sacre-ment, et contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront pas.

Je voyais ces tableaux innombrables de l'ingratitude des hommes et de l'abus fait de la mort expiatoire de mon fiancé céleste, passer alternativement sous des formes diver-ses ou douloureusement semblables devant l’âme contristée, du Seigneur, et j'y voyais figurer Satan, qui arrachait vio-lemment à Jésus et étranglait une multitude d'hommes ra-chetés par son sang, et même ayant reçu l'onction de son sacrement. Le Sauveur vit avec une douleur amère toute l'ingratitude, toute la corruption des premiers chrétiens, de ceux qui vinrent ensuite, de ceux du temps présent et de ceux de l'avenir. Toutes ces apparitions, pendant les-quelles la voix du tentateur répétait sans cesse : “ Veux-tu donc souffrir pour de pareils ingrats? ” fondaient sur Jésus avec tant d'impétuosité et de fureur, qu'une angoisse indicible opprimait son humanité. Le Christ, le Fils de l’homme, luttait et joignait les mains, il tombait, comme accablé, sur ses genoux, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, et sa volonté humaine livrait un si terrible combat contre la répugnance à tant souffrir pour une race si ingrate, que la sueur en larges gouttes de sang coulait de son corps jusqu'à terre. Dans sa détresse, il regardait autour de lui comme cherchant du secours, et semblait prendre le ciel, la terre et les astres du firmament à témoin de ses souffran-ces. Il me semblait l'entendre crier : “  Est-il possible de supporter une telle ingratitude? Je vous prends à témoin de ce que j'endure ! ”

Ce fut alors comme si la lune et les étoiles se rappro-chaient; je sentis, en cet instant, qu'il faisait plus clair. J'observai alors la lune, ce que je n'avais pas fait jus-qu'alors, et je la vis tout autre qu'à l'ordinaire. Elle n’était pas encore tout à fait pleine et me parut pourtant plus grande que chez nous. Au milieu je vis une tache obscure, semblable à un disque placé devant elle, et au centre de laquelle était une ouverture par laquelle la lumière rayon-nait vers le côté où la lune n'était pas encore pleine. Ce corps opaque était comme une montagne, et autour de la lune je vis encore un cercle lumineux semblable à un arc-en-ciel.

Jésus, dans sa détresse, éleva la voix, et fit entendre quelques cris douloureux. Les trois Apôtres se réveillèrent; ils prêtèrent l'oreille, levant les mains avec effroi, et voulaient aller le rejoindre; mais Pierre retint Jacques et Jean, et leur dit : “Restez, je vais aller vers lui. ” Je le vis courir et entrer dans la grotte:“
Maître, dit-il, qu'avez-vous? ” Et il se tenait là, tremblant à la vue de Jésus tout sanglant et frappé de terreur. Jésus ne lui répondit pas et ne parut pas faire attention à lui. Pierre revint vers les deux autres; Il leur dit que le Seigneur ne lui avait pas répondu, et qu'il ne faisait que gémir et soupirer. Leur tristesse augmenta, ils voilèrent leur tète, s'assirent et priè-rent en pleurant.

Je retournai vers mon céleste fiancé dans sa douloureuse agonie. Les images hideuses de l'ingratitude des hommes futurs dont il prenait sur lui la dette envers la justice divine, roulaient vers lui toujours plus terribles et plus Impétueuses, et il continuait à lutter contre la répugnance de la nature humaine à souffrir. Plusieurs fois, je l'en-tendis s'écrier : “ Mon Père, est-il possible de souffrir pour “ tous ces ingrats? O mon Père, si ce calice ne peut pas “ s'éloigner de moi, que votre volonté soit faite ! ”

Au milieu de toutes ces apparitions, je voyais Satan se mouvoir sous diverses formes hideuses, qui se rapportaient aux diverses espèces de péchés. Tantôt Il apparaissait comme un grand homme noir, tantôt sous la figure d'un tigre, tantôt sous celles d'un renard, d'un loup, d'un dragon, d'un ser-pent. Ce n'était pas la forme même de ces animaux, mais seulement le trait saillant de leur nature, mêlé avec d'autres formes hideuses. Il n'y avait là rien de semblable à une créature complète, c'était seulement des symboles d'abomi-nation, de discorde, de contradiction, de péché, enfin des formes du démon. Ces figures diaboliques poussaient, en-traînaient, déchiraient aux yeux de Jésus des multitudes d'hommes, pour la rédemption desquels il entrait dans le douloureux chemin de la croix. Au commencement, je vis plus rarement le serpent, mais ensuite je le vis apparaître avec une couronne sur la tête; sa taille était gigantesque, sa force semblait démesurée, et il menait à l'assaut contre Jésus d'innombrables légions de tous les temps et de toutes les races. Armées de toute espèce d'instruments de destruc-tion, elles combattaient quelquefois les unes contre les autres, puis revenaient sur le Sauveur avec rage. C'était un horrible spectacle; car ils l'accablaient d'outrages, de malédictions, le déchiraient, le frappaient, le perçaient. Leurs armes, leurs glaives, leurs épieux, allaient et venaient incessamment comme les fléaux des batteurs en grange dans une aire immense, et tous faisaient rage contre le grain de froment céleste, tombé sur la terre pour y mourir, afin de nourrir éternellement tous les hommes du pain de vie.

Au milieu de ces cohortes furieuses, dont quelques-unes me semblaient composées d'aveugles, Jésus était ébranlé comme s'il eût réellement ressenti leurs coups. Je le vis chanceler de côté et d'autre; tantôt il se redressait, tantôt il s'abattait; et le serpent, parmi ces multitudes qu'il ramenait sans cesse contre Jésus, frappait çà et là de sa queue, et déchirait ou engloutissait tous ceux qui étaient renversés par elle.

Il me fut dit que ces troupes innombrables d'ennemis du Sauveur étaient ceux qui maltraitaient de différentes manières Jésus-Christ, leur Rédempteur, réellement présent dans le saint Sacrement sous les espèces du pain et du vin, avec sa divinité et son humanité, son corps et son âme, sa chair et son sang. Je reconnus parmi eux toutes les espèces de profanateurs de la divine Eucharistie, ce gage vivant de sa présence personnelle toujours subsistante dans l'Eglise catholique. Je vis avec horreur tous ces outrages, depuis la négligence, l'irrévérence, l'omission, jusqu'au mé-pris, à l'abus et au sacrilège la plus affreux; depuis la déviation vers les idoles du monde, les ténèbres et la fausse science, jusqu'à l'erreur, l'incrédulité, le fanatisme, la haine et la persécution. Je vis parmi ces ennemis du Sauveur toute espèce de personnes, notamment des aveugles, des paralytiques, des sourds, des muets, et même des enfants. Des aveugles qui ne voulaient pas voir la vérité, des para-lytiques qui ne voulaient pas marcher avec elle, des sourds qui refusaient d'écouter ses avertissements et ses menaces, des muets qui ne voulaient jamais combattre pour elle avec le glaive de la parole, des enfants égarés à la suite de parents et de maîtres mondains et oublieux de Dieu, nourris de convoitises terrestres, enivrés d'une vaine sagesse et dégoûtés des choses célestes, ou ayant dépéri loin d'elles et devenus à jamais incapables de les goûter. Parmi ces derniers, dont l'aspect m'affligea particulièrement parce que Jésus aimait les enfants, je vis beaucoup d'enfants de choeur mal élevés, irrévérencieux, qui n'honorent pas le Christ dans les saintes cérémonies auxquelles ils prennent part. Leurs fautes retombaient en partie sur la négligence de leurs maîtres et sur celle des administrateurs des églises. Je vis avec épouvante que beaucoup de prêtres, quelques-uns même se regardant comme pleins de foi et de piété, maltraitaient aussi Jésus dans le saint Sacrement. Parmi le grand nombre de ceux que j'eus la douleur de voir, je n’en mentionnerai qu'une catégorie. J'en vis beaucoup qui croyaient et enseignaient la présence du Dieu vivant dans le très saint Sacrement, mais ne la prenaient pas assez à coeur; car ils oubliaient et négligeaient le palais, le trône, la tente, le siège, les ornements royaux du Roi du ciel et de la terre; à savoir : l'église, l'autel, le tabernacle, le calice, l'ostensoir, les vases, les ornements, en un mot. tout ce qui sert à l'usage et à la parure de sa maison. Tout était abandonné, tout dépérissait dans la poussière et dans la saleté, et le culte divin était, sinon profané intérieurement, au mains déshonoré à l'extérieur. Tout cela n'était pas le finit d'une pauvreté véritable, mais de l'in-différence, de la paresse, de la préoccupation de vains Intérêts terrestres, souvent aussi de l'égoïsme et de la mort intérieure; car je vis des négligences semblables dans des églises riches, ou du moins aisées. J'en vis beaucoup d'au-tres où un luxe mondain, sans goût et sans convenance, avait remplacé les ornements magnifiques d'une époque plus pieuse, pour recouvrir comme d'un fard éclatant et cacher sous des apparences menteuses la négligence, la malpropreté et les dégâts. Ce que les riches faisaient par une vaine ostentation, les pauvres l'imitaient bientôt sottement par manque de simplicité. Je ne pus m’empêcher de penser à cette occasion à l'église de notre pauvre couvent, où l'on avait recouvert le vieil et bel autel de pierre artis-tement sculpté d'une grande construction en bois avec un barbouillage imitant le marbre, ce qui me faisait toujours beaucoup de peine. Je vis toutes ces offenses à Jésus dans le saint Sacrement multipliées par un grand nombre de préposés aux églises, lesquels ne sentaient pas qu'il eût été juste de partager au moins ce qu'ils possédaient avec le Rédempteur présent sur l'autel qui s'est livré tout entier a la mort pour eux, et qui pour eux s'est laissé tout entier dans le Sacrement. Je vis que souvent les plus pauvres étaient mieux entourés dans leurs cabanes que le Maître du ciel et de la terre dans son église. Ah ! combien l'inhos-pitalité des hommes contristait Jésus, qui s'était donné à eux pour nourriture ! Certes, il n'y a pas besoin d'être riche pour recevoir celui qui récompense au centuple le verre d'eau donné à celui qui a soif; mais lui, qui a si soif de nous, n'a-t-il pas lieu de se plaindre quand le verre est impur et l'eau corrompue? Par suite de semblables négli-gences, je vis les faibles scandalisés, la Sacrement profané, l'église abandonnée, les prêtres méprisés; l'impureté et la négligence s'étendaient jusque sur les âmes des fidèles; ils laissaient dans la saleté le tabernacle de leur coeur lorsque Jésus devait y descendre, tout comme ils y lais-saient le tabernacle placé, sur l'autel. Je vis de ces insensés administrateurs des églises qui pour complaire aux princes . aux grands du monde, pour satisfaire des caprices et faire réussir des projets ambitieux, travaillaient et s'em-pressaient avec une activité sans pareille, tandis que le Roi du ciel et de la terre était couché comme le pauvre Lazare devant la porte, et désirait en vain les miettes de la charité que personne ne lui donnait. Il n'avait que ses plaies qui sont l'oeuvre de nos mains et qui étaient léchées par les chiens, je veux dire par ces pécheurs qui retombent tou-jours. semblables au chien qui revient à son vomissement.

Quand je parlerais un an entier, je ne pourrais dire tous les affronts faits à Jésus dans le saint Sacrement que je connus de cette manière. J'en vis les auteurs assaillir le Seigneur par troupes, et le frapper de diverses armes, selon la diversité de leurs offenses. Je vis des clercs irrévéren-cieux, des prêtres légers ou sacrilèges dans la célébration du saint Sacrifice et la distribution de la sainte Eucharistie des troupes de communiants tièdes et indignes. Je vis, en nombre infini, des gens pour qui la source de toute bénédiction, le mystère du Dieu vivant, était devenue une impré-cation, une formule de malédiction, des guerriers furieux profanant les vases sacrés, des serviteurs du démon em-ployant la sainte Eucharistie aux mystères d'un effroyable culte infernal. A côté de ces insultes brutales et violentes, je vis une foule d'impiétés moins grossières qui parais-saient tout aussi abominables. Je vis beaucoup de personnes séduites par de mauvais exemples ou des enseignements perfides perdre la foi à la présence réelle de Jésus dans le saint Sacrement et ne plus y adorer humblement le Sauveur. Je vis dans ces troupes un grand nombre de doc-teurs que leurs péchés avaient rendu hérésiarques; ils se disputaient entre eux au commencement puis ils s’unis-saient pour attaquer Jésus avec fureur dans le saint Sacrement de son église. Je vis une troupe nombreuse de ces apostats, chefs de secte, insulter le sacerdoce catholique, combattre la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie, nier qu'il ait donné ce sacrement à son Eglise et qu'elle l'ait fidèlement conservé, et arracher de son coeur, par leurs séductions, une multitude d'hommes pour lesquels il a répandu son sang. Ah ! c'était un affreux spectacle, car je voyais l'Eglise comme le corps de Jésus dont il avait réuni ensemble, par sa douloureuse Passion, les membres isoles et dispersés, et toutes ces masses d'hommes, qui se sépa-raient de l'Eglise, déchiraient et arrachaient comme des morceaux entiers de sa chair vivante. Hélas! il jetait sur eux des regards touchants, et gémissait de les voir se perdre. Lui, qui s'était donné à nous pour nourriture dans le saint Sacrement, afin de rassembler en un seul corps celui de l'Eglise, son épouse, les hommes séparés et divisés à l’infini, il se voyait déchiré dans ce corps même, car la table de la communion, de l'union dans le saint Sacre-ment, ce chef-d’œuvre de son amour, dans lequel il avait voulu rester à jamais parmi les hommes, était devenue, par la malice des faux docteurs, la borne de séparation, en sorte que là où il est par-dessus tout juste et salutaire que beaucoup ne fusent plus qu'un, à cette sainte table où le Dieu vivant lui-même est l'aliment qu'on reçoit, ses enfants devaient se séparer des incroyants et des hérétiques pour ne pas se rendre complices du péché d'autrui. Je vis, de cette manière, des peuples entiers arrachés de son sein, et privés de la participation au trésor des grâces laissées à l'Eglise. C'était un spectacle affreux de les voir se séparer d'abord en petit nombre, puis, devenus des peu-ples entiers, se diviser sur les choses les plus saintes, et se poser en ennemis les uns vis-à-vis des autres. A la fin, je vis tous ceux qui s'étaient séparés de l'Eglise plongés dans l'incrédulité, la superstition, l'hérésie, la fausse Phi-losophie mondaine : pleins d'une fureur sauvage, ils se réunissaient en grandes troupes pour assaillir l'Eglise, excités par le serpent homicide qui s'agitait au milieu d'eux. Hélas! c'était comme si Jésus s'était senti déchirer lui-même en mille lambeaux. Le seigneur, livré à ces angoisses, vit et sentit tout l'arbre empoisonné de la division avec toutes ses branches et ses fruits qui se subdivisaient sans cesse jusqu'à la fin des temps où le froment sera recueilli dans les greniers et la paille jetée au feu.

J'étais tellement saisie d'horreur et d'effroi qu'une apparition de mon fiancé céleste me plaça miséricordieusement la main sur le coeur, avec ces paroles : “ Personne n'a encore vu cela, et ton coeur se briserait de douleur si je ne le soutenais. ”

Je vis le sang rouler en larges gouttes sur le pâle visage du Sauveur; ses cheveux étaient collés ensemble et dressés sur sa tête, sa barbe sanglante et en désordre comme si on eût voulu l'arracher. Après la vision dont je viens de parler, il s'enfuit en quelque sorte hors de la caverne, et revint vers ses disciples. Mais sa démarche était comme celle d'un homme couvert de blessures et courbé sous un lourd far-deau, qui trébucherait à chaque pas. Lorsqu'il vint vers les trois Apôtres, ils ne s'étaient pas couchés pour dormir comme la première fois; Ils avaient la tête voilée et affaissée sur leurs genoux, dans une position où je vois souvent les gens de ce pays-là lorsqu'ils sont dans le deuil ou qu'ils veulent prier. Ils s'étaient assoupis, vaincus par la tristesse et la fatigue. Jésus, tremblant et gémissant, s’approcha d'eux, et ils se réveillèrent. Mais, lorsqu'à la clarté de la lune ils le virent debout devant eux, avec son visage pâle et sanglant et sa chevelure en désordre, leurs yeux fatigué ne le reconnurent pas d'abord tout de suite, car il était indiciblement défiguré. Comme il joignait les mains, ils se levèrent, le prirent sous les bras, le soutinrent avec amour, et il leur dit avec tristesse qu'on le ferait mourir le len-demain, qu'on s'emparerait de lui dans une heure, qu'on le mènerait devant un tribunal, qu'il serait maltraité, ou-tragé, flagellé, et enfin livré à la mort la plus cruelle. Il les pria de consoler sa mère, et aussi de consoler Made-leine. Il leur parla ainsi pendant quelques minutes; pour eux, ils ne lui répondirent pas, car ils ne savaient que dire, tant son aspect et ces discours les avaient troublés; ils croyaient même qu'il était en délire. Mais lorsqu'il vou-lut retourner à la grotte, il n'eut pas la force de marcher. Je vis Jean et Jacques le conduire, et revenir lorsqu'il fut entré dans la grotte. Il était à peu près onze heures et un quart.

Pendant cette agonie de Jésus, je vis la sainte Vierge accablée aussi de tristesse et d'angoisses dans la maison de Marie, mère de Marc. Elle se tenait avec Madeleine et Marie dans le jardin de la maison; elle était là, courbée en deux sur une pierre et affaissée sur ses genoux. Plusieurs fois elle perdit connaissance, car elle vit intérieurement plu-sieurs choses de l'agonie de Jésus. Elle avait déjà envoyé des messagers pour avoir de ses nouvelles; mais, ne pouvant pas attendre leur retour, elle s'en fut, toute inquiète, avec Madeleine et Salomé, jusqu'à la vallée de Josaphat. Elle marchait voilée, et étendait souvent les bras vers le mont des Oliviers; car elle voyait en esprit Jésus baigné d'une sueur de sang, et il semblait qu'elle voulût de ses mains étendues essuyer le visage de son fils. Je vis ces élans de son âme aller jusqu'à Jésus, qui pensa à elle et regarda de son côté comme pour y chercher du secours. Je vis cette communication entre eux sous forme de rayons qui allaient de l'un à l'autre. Le Seigneur pensa aussi à Madeleine, et fut touché de sa douleur; c'est pourquoi il recommanda aux disciples de la consoler; car il savait que son amour était le plus grand après celui de sa mère, et il avait vu qu'elle souffrirait encore beaucoup pour lui, et qu’elle ne l'offenserait plus jamais.

Vers ce moment, à onze heures un quart à peu près, les huit Apôtres revinrent dans la cabane de feuillage de Gethsémani; ils s'y entretinrent et finirent par s'endormir. Ils étaient très ébranlés, très découragés, et violemment assaillis par la tentation. Chacun avait cherché un lieu où il pût se réfugier, et ils se demandaient avec inquiétude : “ Que ferons-nous lorsqu'on l'aura fait mourir? Nous avons tout quitté pour le suivre; nous sommes pauvres et le rebut de ce monde, nous nous sommes entièrement abandonnés à lui, et le voilà maintenant si languissant, si abattu, qu'on ne peut trouver en lui aucune consolation. ” Les autres disciples avaient d'abord erré de côté et d'autre; puis, ayant appris quelque chose des effrayantes prophéties de Jésus, ils s'étaient retirés pour la plupart à Bethphagé.

Je vis Jésus priant encore dans la grotte et luttant contre la répugnance de la nature humaine à souffrir. Il était épuisé de fatigue et abattu, et il disait : “  Mon père, si c'est votre volonté, éloignez de moi ce calice. Cependant, que votre volonté se fasse et non pas la mienne. ” Mais alors l'abîme s'ouvrit devant lui, et les premiers degrés des Limbes lui apparurent comme à l'extrémité d'une vole lumineuse. Il vit Adam et Eve, les patriarches. les prophètes, les justes, les parents de sa mère et Jean-Baptiste attendant son arrivée dans le monde inférieur avec un désir si violent, que cette vue fortifia et ranima son coeur plein d'amour. Sa mort devait ouvrir le ciel à ces captifs; elle devait les tirer de la prison où ils languissaient dans l'attente. Lorsque Jésus eut regardé avec une profonde émotion ces saints de l'ancien monde, les anges lui présentèrent toutes les cohortes des bienheureux à venir qui, joignant leurs combats aux mérites de sa passion, devaient s'unir par lui au Père céleste. C'était une vision inexprimablement belle et consolante. Tous rangés, suivant leur date, leur classe et leur dignité, passèrent devant la Seigneur, parés de leurs souffrances et de leurs oeuvres. Il vit le salut et la sanctification sortant à flots intarissables de la source de rédemption ouverte par sa mort. Les Apôtres, les disciples, les vierges et les saintes femmes, tous les martyrs, les confesseurs et les ermites. les papes et les évêques, des troupes nombreuses de religieux, en un mot l'armée entière des bienheureux s'offrit à sa vue. Tous portaient sur la tête des couronnes triompha-les, et les fleurs de leurs couronnes différaient de forme, de couleur, de parfum et de vertu suivant la différence des souffrances, des combats et des victoires qui leur avaient valu la gloire éternelle. Toute leur vie et tous leurs actes, tous leurs mérites et toute leur force, ainsi que toute la gloire de leur triomphe, venaient uniquement de leur union aux mérites de Jésus-Christ.

L'action et l'influence réciproque que tous ces saints exer-çaient les uns sur les autres, la manière dont ils puisaient à une source unique, au saint Sacrement et à la passion du Seigneur, offraient un spectacle singulièrement touchant et merveilleux. Rien ne paraissait fortuit en eux; leurs oeuvres, leur martyre, leurs victoires, leur apparence et leur vête-ment, tout cela, quoi que bien divers, se fondait dans une harmonie et une unité infinies; et cette unité dans la diver-sité était produite par les rayons d'un soleil unique, par la passion du Seigneur, du Verbe fait chair, en qui la vie était la lumière des hommes qui lait dans les ténèbres et que les ténèbres n'ont pas comprise.

C'était la communauté des Saints futurs qui passait devant l’âme du Sauveur, lequel se trouvait placé entre le désir des patriarches et le cortège triomphal des bienheureux à venir; ces deux troupes s’unissant et se complétant en quelque sorte l'une l'autre, entouraient le coeur aimant du Rédempteur comme d'une couronne de victoire. Cette vue inexprimablement touchante donna à l'âme de Jésus un peu de consolation et de force. Ah! il aimait tellement ses frères et ses créatures, qu'il aurait accepté avec joie toutes les souffrances auxquelles il se dévouait pour la rédemption d'une seule âme. Comme ces visions se rapportaient à l'ave-nir, elles planaient à une certaine hauteur.

Mais ces images consolantes s'évanouirent, et les anges lui montrèrent sa Passion tout près de terre, parce qu'elle était proche. Ces anges étaient en grand nombre. Je vis toutes les scènes s’en présenter très distinctement devant lui, depuis le baiser de Judas jusqu’aux dernières paroles sur la croix : je vis là tout ce que je vois dans mes méditations de la Passion, la trahison de Judas, la fuite des disciples, les insultes devant Anne et Caïphe, le reniement de Pierre, le tri-bunal de Pilate, les dérisions d'Hérode, la flagellation et le couronnement d'épines, la condamnation à mort, le portement de la croix, la rencontre de la Sainte Vierge, son évanouissement, les insultes que les bourreaux lui prodiguaient, le suaire de Véronique, le crucifiement, les outrages des Pharisiens, les douleurs de Marie, de Madeleine et de Jean, le coup de lance dans le côté: en un mot, tout lui fut pré-senté avec les plus petites circonstances. Je vis comment le Seigneur, dans son angoisse, voyait tous les gestes, entendait toutes les paroles, percevait tout ce qui se passait dans les âmes. Il accepta tout volontairement, il se soumit à tout par amour pour les hommes. Ce qui le contrista le plus dou-loureusement fut de se voir attaché a la croix dans un état de nudité complète, pour expier l'impudicité des hommes : il pria instamment pour que cela lui fût épargné et qu'il lui fût au moins accordé d'avoir une ceinture autour des reins : je vis qu'il serait assisté en cela, non par ses bour-reaux, mais par un homme compatissant. Il vit et ressentit aussi la douleur actuelle de sa mère que l’union à ses souffrances avait fait tomber sans connaissance dans les bras de ses deux amies.

A la fin des visions de la Passion, Jésus tomba sur le visage, comme un mourant : les Anges disparurent, la sueur de sang coula plus abondante, et je la vis traverser son vêtement. La plus profonde obscurité régnait dans la caverne. Je vis alors un ange descendre vers Jésus : il était plus grand, plus distinct et plus semblable à un homme que ceux que j'avais vus auparavant. Il était revêtu comme un prêtre d'une longue robe flottante, ornée de franges, et por-tait dans ses mains devant lui, un petit vase de la forme du calice de la sainte Cène. A l'ouverture de ce calice, se montrait un petit corps ovale, de la grosseur d'une fève, et qui répandait une lumière rougeâtre. L’ange, sans se poser à terre, étendit la main droite vers Jésus, qui se releva; Il lui mit dans la bouche cet aliment mystérieux, et le fit boire du petit calice lumineux. Ensuite il disparut.

Jésus, ayant accepté librement le calice de ses souffrances il reçu une nouvelle force, resta encore quelques minutes dans la grotte, plongé dans une méditation tranquille et ren-dant grâces à son Père céleste. Il était encore affligé mais réconforté  surnaturellement, au point de pouvoir aller vers les disciples sans chanceler et sans plier sous le poids de sa douleur. Il était toujours pâle et défait mais son pas était ferme et décidé. Il avait essuyé son visage avec un suaire, et remis en ordre ses cheveux qui pendaient sur ses épaules, humides de sang et de sueur et colles ensemble.

Quand il sortit de la grotte, je vis la lune comme aupara-vant, avec la tache singulière qui en occupait le centre et le  cercle qui l'entourait, mais sa clarté et celle des étoiles étaient autres que précédemment, lors des grandes angoisses du Seigneur. La lumière maintenant était plus naturelle. Lorsque Jésus vint vers ses disciples, ils étaient couchés, comme la première fois, contre le mur de la terrasse ; ils avaient la tète voilée et dormaient. Le Seigneur leur dit que ce n’était pas le temps de dormir, qu'ils devaient se ré-veiller et prier. “ Voici l'heure où le Fils de l'homme sera livré dans les mains des pécheurs. dit-il; levez-vous et marchons : le traître est proche : mieux vaudrait pour lui qu’il ne fût jamais né ”. Les Apôtres se relevèrent tout effrayés, et autour d'eux avec inquiétude. Lorsqu'ils se furent un peu remis, Pierre lui dit avec chaleur : “ Maitre, je vais appeler les autres, afin que nous vous défendions ”. Mais Jésus à quelque distance dans la vallée, de l’autre côté du torrent de Cédron, une troupe d’hommes armés, qui s'approchaient avec des flambeaux, et il leur dit qu’un d’entre eux l'avait trahi. Les Apôtres regardaient la chose comme impossible. Il leur parla encore avec calme, leur recommanda de nouveau de consoler sa mère, et dit : “ Allons au-devant d'eux, je nie livrerai sans résistance entre les mains de mes ennemis. ” Il sortit alors du jardin des Oliviers avec les trois Apôtres, et vint au-devant des archers sur le chemin qui était entre ce jardin et celui de Gethsémani.

Lorsque la sainte Vierge reprit connaissance entre les bras de Madeleine et de Salomé, quelques disciples, qui avaient vu les soldats s'approcher, vinrent à elle et la ramenèrent dans la maison de Marie, mère de Marc. Les archers prirent un chemin plus court que celui qu'avait suivi Jésus en ve-nant du Cénacle. La grotte dans laquelle Jésus avait prié aujourd'hui n'était pas celle où il avait coutume de prier sur le mont des Oliviers. Il allait ordinairement dans une caverne plus éloignée où, un jour, après avoir maudit le figuier stérile, il avait prié dans uns grande affliction, les bras étendus et appuyé contre un rocher. Les traces de son corps et de ses mains restèrent imprimées sur la pierre et furent honorées plus tard ; mais on ne savait plus à quelle occasion ce prodige avait eu lieu. J’ai vu plusieurs fois de semblables empreintes laissées sur la pierre, soit par les prophètes de l'Ancien Testament, soit par Jésus, Marie, ou quelques-uns des apôtres : j'ai vu aussi celles du corps de sainte Catherine d'Alexandrie sur le mont Sinaï. Ces empreintes ne paraissaient pas profondes, mais semblables à celles qu'on laisserait en appuyant la main sur une pâte épaisse.

01 mars 2008

La Scala Santa

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La dévotion de la Scala Santa

Origine de cette dévotion

L'origine de la dévotion de la Scala Santa également appelée "Saint Escalier" provient de l'escalier que Jésus monta au cours de sa Passion pour se rendre au prétoire de Ponce Pilate L'on peut encore voir aujourd'hui les vestiges de cet escalier, qui ont été sanctifiés par le passage de notre Seigneur. L'on perpétue cette dévotion à Rome, opu l'on peut y honorer des vestiges et des reliques de ce Saint Escalier, près de la Basilique Saint Jean de Latran. Au cours des siècles précédents, il est devenu coutume dans de nombreuses parties de l'Eglise catholique de construire des escaliers similaire à la Scala Santa de Rome. L'on peut en voir au Calvaire de la Madeleine de Pontchâteau (Loire Artlantique, France), ou encore, au début du Chemin de Croix de Lourdes. La première Scala Santa qui fut construite sur le continent Américain, fut édifiée en 1891 et se trouve au Sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré, (Québec, Canada).

Indulgences

Le 13 novembre 1893, le pape Léon XIII accorda aux fidèles qui montent les marches de la Scala Santa à genoux, avec un coeur contrit en les priant et en méditant sur la Passion du Seigneur, une indulgence de trois cents jours pour chaque marche montée. Cette indulgence est applicable pour les âmes du Purgatoire. Bien quil n'y a aucune prière spéciale qui ne soit obligatoire, dans un souci de confort pour les pèlerins, nous vous donnons une brève prière pour chacune des 28 marches. Ces prières courtes sont dignes de vénération, parce qu'elles ont ont été composées et publiées à Rome à l'usage des pèlerins de la Scala Santa originale.

Prière préparatoire

(Note: Bien que cette prière ne fait pas partie de la dévotion à la scala santa originale, elle il est une introduction à monter les Saints Escaliers qui commence à la première marche.)

O Jésus miséricordieux! Pour le salut de l'humanité, Vous avez été soumis aux souffrances de la flagellation et du couronnement d'épines; Vous avez été traîné Par des mains impies sur ces escaliers, avant d'être conduit devant Pilate. Je désire vénérer avec un profond respect les traces de sang divin de Vos pieds, Et je vous supplie humblement, par les mérites de votre passion, de permettre, que je puisse un jour, vous contempler au trône de la Gloire, où Vous vivez et où règnez avec le Père et l'Esprit-Saint, maintenant, Toujours et à jamais. Amen.

Prières pour chacune des 28 marches

(Note: Un Je Vous salue Marie et une invocation à votre saint patron peut être ajoutée à chaque marche.)

1ere marche : O mon Jésus! Par l'angoisse de Ton coeur, quand Tu fus séparé de Ta Très Sainte Mère, pour Te re,ndre vers la Mort, Aie pitié de moi!

2e marche: O mon Jésus! Par l'immense angoisse qui a causé la sueur de Ton Sang précieux au Jardin des Oliviers, Aie pitié de moi!

3e marche: O mon Jésus! Par l'immense douleur que tu ressenti quand Tu fus trahi par le perfide Judas, aie pitié de moi!

4e marche: O mon Jésus! Par la comparaison avec un malfaiteur, quand Tu fus conduit à travers les ruesde Jérusalem, aie pitié de moi!

5e marche: O mon Jésus!par la violence par laquelle Tu fus ignoblément frappé au Visage par des mains impies, Aie pitié de moi!

6e marche: O mon Jésus! Par Ton infinie patience quand Tu te trouvais au milieu des outrages et des moqueries, au Tribunal et pendant toute la nuit précédant Ta Sainte Mort, aie pitié de moi!

7e marche: O mon Jésus! Par les inultes les plus cruelles que l'on a prononçées contre Toi quand Tu portais la Croix, aie pitié de moi!

8e marche: O mon Jésus! Par lez silence dont Tu as fait preuve quand l'on portait de faux et mensongeux témoignages contre Toi, et quandf l'inique Pilate Te condamna injustement, aie pitié de moi!

9e marche: O mon Jésus! Par l'humiliation et la dérision que Tu as subi quand Tu fus en présence d'Hérode et de sa cour, aie pitié de moi!

10e marche: O mon Jésus! Par la honte d'être dépouillé de Tes vêtyemens et d'être attaché à la colonne afin d'être flagellé, aie pitié de moi!

11e marche: O mon Jésus! Par la douleur que tu ressenti quand Tu fus flagellé, et lorsque Ton corps fut recouvert de toutes sortes de blessures et de meurtrissures, aie pitié de moi!

12e marche: O mon Jésus! Par l'horribles douleur que Te provoquèrent les épines, lorsque la Couronne fut posée sur Ta Tête, aie pitié de moi!

13e marche: O mon Jésus! Par la patience que Tu eûs, quand Tu fus paré de tissus de couleur pourpre, et que l'on mis en Tes mains un roseau, Te tournant ensuite en dérision, aie pitié de moi!

14e marche: O mon Jésus! Par l'affliction que Tu ressentis quand Tu entendis les gens crier contre Toi, Et demandant Ta Mort, aie pitié de moi!

15e marche: O mon Jésus! Par l'humiliation que Tu subis quand Tu fus comparé au brigand Barrabas, et quand ils le Préférèrent à Toi, aie pitié de moi!

16 e marche: O mon Jésus! Par Ton choix d'embrasser la Croix et quand Tu porta sur le Chemin du Golgotha, aie pitié de moi!

17e marche: O mon Jésus! Par le chagrin de Ta Sainte Mère, prèsente à Tes côtés et par l'angoisse de Son Coeur Maternel, aie pitié de moi!

18e marche: O mon Jésus! Par la grande fatigue que Tu ressentis quand Tu portais la lourde Croix sur Ton épaule, mettant à jour à trois os saints, aie pitié de moi!

19e marche: O mon Jésus! Par l'amertume que tu ressenti, lorsque le fiel et l vinaigre furent porté à Tes lèvres, aie pitié de moi!

20e marche: O mon Jésus! Par l'agonie que Tu as enduré quand l'on arrachait Tes vêtements, aie pitié de moi!

21e marche: O mon Jésus! Par les douleurs que Tu as subis, Quand l'on transperçait Tes mains et Tes peids, pour T'attacher à la Croix, aie pitié de moi!

22e marche: O mon Jésus! Par l'infinie charité, T'a poussé à pardonner à Tes bourreaux et à prier le Père du Ciel pour eux, aie pitié de moi!

23e marche: O mon Jésus! Par la Miséricordieuse bonté avec laquelle Tu as ouvert les portes du Paradis, à Dismas, le bon larron, et par la bienveillance par laquelle Tu as donné Marie pour Mère à Jean et Jean pour fils à Marie, aie pitié de moi!

24e marche: O mon Jésus! Par la soif brûlante que Tu ressentis vivement quand Tu fûs cloué sur la Sainte Croix, aie pitié de moi!

25e marche: O mon Jésus! Par le tourment que Tu subis, quand Tu vis que Tu étais abandonné par tous, aie pitié de moi!

26e marche: O mon Jésus! Par le grand amour Avec laquelle ton Divin Cœur était enflammé pour moi et pour tous, quand Tu expirais, rendant Ton dernier soupir, aie pitié de moi!

27e marche: O mon Jésus! Par l'infinie Miiséricorde que Tu as manifeste, quand Ton côté fut ouvert d'un coup de lance et d'où jailli le Sang et l'Eau, source de Miséricorde pour nous le monde, aie pitié de moi!

28e marche: O mon Jésus! Par la douleur que ressentis Ta Mère très Sainte, quand Tu fus descendu de la Croix et remis en ses bras, avant d'être déposé au tombeau, aie pitié de moi!

D'après un texte traduit de l'anglais provenant du site www.catholicdoors.com


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