La Nativité et la Présentation au Temple de Marie
La naissance et la présentation au Temple de Marie
L’heureuse naissance de Marie, prémices de sa vie toute merveilleuse
Les neuf mois étant accomplis, sainte Anne fut éclairée d’une lumière intérieure, par laquelle le Seigneur lui fit connaître que le temps de ses heureuses couches était venu. Prosternée en présence de la majesté divine, elle demanda humblement au Seigneur de l’assister de ses grâces, et tout-à-coup elle sentit dans son sein un doux mouvement, qui lui fit comprendre que sa très-chère enfant voulait venir à la lumière. Dans cet état de la sainte mère, la très-sainte enfant vint au monde le huit septembre, à minuit; et afin qu’elle ne vit ni ne sentit sa naissance, elle fut ravie en une extase très-sublime en paradis. La sainte mère voulut elle-même l’envelopper de ses langes, la recevoir dans ses bras, sans permettre que d’autres mains la touchassent et elle put remplir elle même cet office parcequ’elle ne ressentit pas les douleurs de l’enfantement. Sainte Anne ayant reçu cette chère enfant dans ses bras adresse à Dieu cette prière: « Seigneur, dont la sagesse est infinie, créateur de tout ce qui a l’être, je vous offre humblement le fruit de mes entrailles que j’ai reçu de votre infinie bonté et je vous remercie du fond du coeur. Faites de la fille et de la mère selon votre très-sainte volonté, et regardez de votre trône notre petitesse. Je félicite les saints pères des limbes et tout le genre humain, à cause du gage assuré que vous leur donnez de leur prochaine rédemption. Mais comment me comporterai-je envers celle que vous me donnez pour fille, ne méritant pas d’être sa servante? Comment oserai-je toucher la véritable arche du testament? Donnez-moi Seigneur la lumière qui m’est nécessaire pour connaître votre sainte volonté, pour l’exécuter suivant votre bon plaisir et dans les services que je dois rendre à ma fille.» Le Seigneur lui fit entendre de traiter cette sainte enfant en ce qui concernait l’extérieur, comme une mère traite sa fille; mais de lui conserver dans son intérieur le respect qu’elle lui devait.
Les anges vénérèrent leur reine entre les bras de sa mère et ceux qui étaient préposés à sa garde se découvrirent à, ses yeux; ce fut la première fois qu’elle les vit sous une forme corporelle. Ils étaient mille, désignés par Dieu pour sa défense dès le premier instant de sa conception. Quant ils l’eurent adorée, Dieu envoya le saint archange Gabriel, afin qu’il annonçât cette bonne nouvelle aux saints pères des limbes; et dans le même instant il envoya une multitude innombrable d’anges pour prendre et transporter dans le ciel en corps et en âme celle qui devait être la mère du verbe éternel. La petite Marie entra dans le ciel par le ministère des anges, et prosternée avec amour devant le trône royal du Très-Haut, elle fut reçue de Dieu lui-même dans son trône. Elle fut mise à son côté en possession du titre de sa propre mère et de reine de toutes les créatures, bien qu’elle ignorât alors la fin de ces profonds mystères, le Seigneur les lui cachant pour sa plus grande gloire. Il fut déterminé dans le conseil divin de donner un nom à cette enfant bien aimée, et aussitôt on entendit une voix sortant du trône de Dieu, qui disait: n notre élue doit s’appeler Marie. Ce nom doit être merveilleux et magnifique : ceux qui l’invoqueront avec une affection dévote, recevront des grâces très-abondantes; il sera terrible contre l’enfer et écrasera la tête du serpent » Le Seigneur commanda aux esprits angéliques d’annoncer cet heureux nom à sainte Arme, afin que ce qui avait été arrêté dans le ciel fut manifesté sur la terre. Les saints anges exécutèrent les ordres de Dieu. Ayant chacun un bouclier lumineux où le nom de Marie était gravé, ils annoncèrent à sainte Anne que c’était le nom qu’elle devait lui imposer. Marie fut donc remise entre les bras de sa mère, qui ne s’aperçut point de cette absence, parce que pendant assez longtemps, sainte Anne eut une extase d’une très-haute contemplation, et parce qu’un ange occupa la place de la très sainte enfant, ayant un corps aérien semblable au sien.
Il est bon de connaître le continuel exercice auquel était occupée la sainte enfant. Au commencement de chaque jour, elle se prosternait intérieurement en la présence du Très- Haut, et le louait pour ses perfections infinies; elle lui rendait des actions de grâces de l’avoir tirée du néant, et se reconnaissant l’ouvrage de ses mains, elle le bénissait, l’exaltait, l’adorait comme son souverain Seigneur et créateur de tout ce qui a l’être. Elle élevait son esprit pour l’abandonner aux mains de Dieu; avec une profonde humilité et une parfaite résignation, elle priait Dieu de disposer d’elle selon sa sainte volonté; pendant ce jour là et pendant tous ceux qui lui resteraient à vivre et de lui enseigner ce qui lui serait le plus agréable pour l’accomplir exactement. Cette sainte habitude qu’elle prit dès sa naissance, elle la conserva pendant tout le cours de sa vie, sans jamais y manquer, quelques occupations et travaux qu’elle eût: elle la répétait même plusieurs fois le jour dans l’accomplissement de ses innocentes actions.
Les soixante-six jours de la purification étant passés, sainte Anne alla au temple portant dans ses bras sa très pure enfant : elle se présenta à la porte du tabernacle avec l’offrande que la loi exigeait. Le saint prêtre Siméon ressentit une joie extraordinaire et sainte Anne entendit alors une voix qui lui dit d’accomplir le voeu qu’elle avait fait d’offrir sa fille au temple dès l’âge de trois ans. En entrant dans ce temple sur les bras de sa mère, cette aimable enfant voyant de ses yeux tant de magnificence consacrée au culte divin, en éprouva dans son esprit des effets merveilleux, et ne pouvant se prosterner à terre pour adorer la divinité, elle y suppléa du moins en esprit. Elle pria humblement le Seigneur de la recevoir en ce lieu, au temps que sa sainte volonté avait déterminé. En témoignage de l’acceptation que le Seigneur en faisait, une très claire lumière. descendit du ciel d’une manière sensible sur la mère et sur l’enfant. Ayant fini sa prière et présenté son offrande, sainte Anne revint à sa maison de Nazareth. La très sainte enfant était traitée dans la maison paternelle comme les autres enfants de son âge. Elle prenait les mêmes aliments qu’eux, mais en très petite quantité, son sommeil était court, quoiqu’elle se laissât coucher quand on le voulait; elle n’était pas importune et ne pleurait jamais pour les petits chagrins ordinaires aux autres enfants, mais elle était très douce et très paisible et elle dissimulait cette merveille en versant souvent des larmes pour les péchés des hommes, afin d’en obtenir le pardon, et de hâter la venue du rédempteur. Son visage était ordinairement joyeux, mais pourtant sérieux et plein de majesté et il n’y avait dans ses actions jamais rien de puéril. Elle recevait dans de certaines rencontres les caresses qu’on lui faisait, mais à l’égard de celles qui n’étaient point de sa mère, elle les modérait par son sérieux: Aussi le Seigneur inspira à saint Joachim et à sainte Anne un grand respect et une grande modestie en sorte qu’ils étaient fort réservés et fort prudents dans les démonstrations sensibles qu’ils lui donnaient de leur tendresse. Lorsqu’elle était seule, ou qu’on la mettait dans son berceau pour dormir, ce qu’elle ne faisait que fort sobrement, et sans jamais interrompre les actions intérieures du saint amour, elle conférait sur les mystères du Très-Haut avec les anges. Elle fut sujette à la faim, à la soif et aux peines corporelles parce qu’il était convenable qu’elle imitât Jésus. La faim, la soif étaient plus grandes pour elle que pour les autres enfants, et la privation de nourriture lui était plus dangereuse, à cause de la perfection de son tempérament; mais si on ne lui en donnait pas à temps, ou qu’on y excédât, elle prenait patience jusqu’à ce que l’occasion se présentât de la demander par quelque signe. Elle ne ressentait pas de peine d’être enveloppée dans ses langes, à cause de la connaissance qu’elle avait que le verbe incarné devait être ignominieusement garrotté. Lorsqu’elle était seule, elle se mettait en forme de croix, parce qu’elle savait que le rédempteur du monde devait mourir ainsi. Elle rendait très fréquemment des actions de grâces pour les aliments qui la nourrissaient, pour les influences des planètes, des étoiles, des cieux, reconnaissant tout cela pour un bienfait de la bonté divine; si elle manquait de quelque chose, elle ne se troublait point, sachant que tout est une pure grâce et un bienfait du Seigneur.
Nous avons dit qu’une de ses principales occupations était de s’entretenir avec les Anges, lorsqu’elle était seule. Pour mieux faire entendre tout ceci, il faut donner une idée précise sur la manière dont ils se rendaient visibles à ses yeux, et dire quels étaient ces esprits angéliques. Ils avaient été pris des neuf choeurs, cent de chaque choeur, et choisis parmi ceux qui s’étaient le plus distingués par leur amour pour le Verbe incarné et sa très sainte mère, dans le combat contre Lucifer. Lorsqu’ils lui apparaissaient ils avaient la forme de jeunes hommes d’une merveilleuse beauté. Leur corps participait fort peu du terrestre, et il était comme un cristal très pur et rayonnant de la lumière du ciel. Ils joignaient à cette beauté une gravité noble, et un air majestueux. Leurs vêtements étaient semblables à un or très pur émaillé et embelli des plus riches couleurs. On découvrait néanmoins que tout cela n’était pas fait pour être touché, mais pour la vue seule, comme la lumière du soleil. Ils avaient sur la tête une belle couronne des fleurs les plus riches et les plus variées, qui exhalaient un parfum céleste. Ils portaient en leurs mains des palmes entrelacées, qui signifiaient les vertus que Marie devait pratiquer, et la gloire qu’elle devait obtenir. Ils avaient aussi sur leurs poitrines des devises qui avaient quelque rapport à celles des ordres militaires, il y avait un chiffre qui voulait dire: Marie Mère de Dieu. Cette devise était resplendissante, c’était un de leurs plus beaux ornements; mais la sainte vierge ne la comprit que lorsqu’elle conçut le Verbe incarné. Les effets que ces esprits célestes produisaient dans l’âme de Marie ne se peuvent expliquer dans le langage humain. Outre les neuf cents anges dont nous avons parlé, soixante-dix Séraphins d’entre les plus proches du trône, choisis parmi ceux qui se distinguèrent le plus par la dévotion à l’union hypostatique des deux natures divine et humaine, assistaient leur jeune reine. Lorsqu’ils se rendaient visibles, elle les voyait sous la même forme qu’Isaïe les vit, ayant six ailes, deux qui voilaient leur face, deux qui voilaient leurs pieds, et ils volaient avec les deux autres, signifiant ainsi le mystère caché de l’Incarnation et l’essor ardent de leur amour envers Dieu. Leur manière de communiquer avec la vierge était la même qu’ils gardent entr’ eux, les supérieurs illuminant les inférieurs; car bien que la Reine du ciel leur fût supérieure en dignité et en grâce, néanmoins dans sa nature l’homme comme le dit David, a été fait moindre que les anges. Il y avait encore douze anges dont a fait mention Saint-Jean (Apoc. ch. 21, v. 12.) Ils étaient de ceux qui se distinguèrent le plus par leur amour pour la rédemption des hommes. Ils furent choisis afin qu’ils coopérassent avec Marie au privilège qu’elle a d’être mère de miséricorde et médiatrice du salut du monde. Ces douze anges lui apparaissaient corporellement comme les premiers, et ils portaient plusieurs couronnes et plusieurs palmes réservées pour les dévots de cette divine reine. Leur emploi particulier était de lui faire connaître d’une manière toute spéciale la charité du Seigneur envers le genre humain. Les dix-huit anges qui complétaient le nombre de mille, étaient de ceux qui se distinguèrent le plus par leur affection envers les souffrances du Verbe incarné. Ces anges apparaissaient à Marie avec une admirable beauté. Ils étaient ornés de plusieurs devises de la passion et d’autres symboles mystérieux de la rédemption. Ils avaient une croix sur la poitrine et une autre sur le bras; l’une et l’autre d’une singulière beauté et d’une splendeur extraordinaire. La sainte vierge se servait souvent de ces anges qu’elle envoyait en ambassade à son très aimable fils pour le bien des âmes. Tous ces mille anges assistèrent à la garde dé cette grande reine, sans y jamais manquer en rien, comme nous le verrons, en plusieurs occasions, dans la suite de cette vie, et ils jouissent maintenant dans le ciel d’une joie toute particulière, par sa présence et par sa compagnie.
La sainte enfant n’eut jamais l’impossibilité de parler qu’éprouvent les autres enfants; néanmoins pendant les dix-huit premiers mois, elle ne voulut point prononcer une parole; cachant par ce moyen la science et la capacité qu’elle possédait, et évitant l’étonnement qu’on aurait eu d’entendre parler un enfant qui ne faisait que de naître. Elle se dispensait seulement de cette loi du silence, lorsque dans la solitude elle priait le Seigneur, ou parlait avec les anges de sa garde. Le temps étant arrivé où la divine Marie devait rompre ce saint silence, le Seigneur lui déclara qu’elle pouvait commencer à parler avec les créatures humaines. Avant d’exécuter cet ordre, elle supplia le Seigneur dans une humble et fervente prière de l’assister dans cette dangereuse et difficile action de parler, afin qu’elle n’y commît jamais aucune faute. Le Seigneur lui ayant promis sa divine assistance, elle délia sa langue pour la première fois et les premières paroles qu’elle proféra furent pour demander la bénédiction de ses parents. Ceci arriva au dix-huitième mois de sa naissance. Pendant les dix-huit autres qui restaient pour achever les trois ans où elle entra au temple, elle n’ouvrit presque jamais la bouche que pour répondre à sa mère qui s’entretenait avec elle de Dieu, de ses mystères et surtout de l’incarnation du Verbe divin. Il était admirable de voir le soin qu’elle mettait dans un âge si tendre à faire les choses les plus basses et les plus humbles, comme de nettoyer et de balayer la maison, et alors les saints anges l’aidaient à recueillir ce fruit d’humilité. La maison de Joachim n’était pas fort riche, mais pourtant elle n’était pas des plus pauvres; c’est pourquoi sainte Anne habillait sa fille le mieux possible, dans les limites de l’honnêteté et de la modestie. Dès que la sainte enfant commença à parler, elle pria ses parents de la vêtir plus pauvrement d’un habit grossier et de couleur de cendres, et leur témoigna le désir qu’il eût déjà été porté. Sainte Anne ne jugea pas à propos de la ‘vêtir d’habits aussi grossiers qu’elle le demandait, elle la satisfit néanmoins pour la couleur et pour la forme qui rappelaient un peu l’habit qu’on met aux enfants par dévotion. Elle ne répliqua pas une parole, et se montra très soumise à‘sa mère, compensant par cet acte d’obéissance l’acte d’humilité qu’elle ne pouvait pas faire.
Sainte occupations, Présentation au Temple
Une de ses occupations était de se retirer dans la solitude pour jouir de Dieu, avec plus rie liberté et pleurer en secret les péchés des hommes. Son affection envers les pécheurs et envers les pauvres était toute particulière. Ayant passé l’âge de deux ans, elle demandait souvent l’aumône à sa mère pour ceux qui étaient dans le besoin. Elle retranchait quelque chose de ses repas pour leur donner. Elle ne donnait point l’aumône aux pauvres comme un bienfait, mais comme en leur payant une juste dette. Elle signala spécialement son humilité lorsqu’elle se laissa montrer à lire par autrui, quoiqu’elle fut la mère de la divine sagesse, et quelle se laissa enseigner des choses qu’elle savait par science infuse depuis le premier instant rie sa conception. Quand vint le temps de la conduire au temple pour remplir le voeu qu’avaient fait à Dieu ses parents, elle fut la première à les supplier humblement d’accomplir leur promesse sans tarder; et elle fit à Dieu de ferventes prières, pour qu’il leur inspirât de l’exécuter promptement. Le Seigneur exauça les humbles prières de sa bien aimée, et ses parents pour obéir aux inspirations du ciel, se séparèrent de cette sainte et très-aimable enfant, non sans un vif chagrin. Sainte Anne principalement eut une plus grande douleur que ne l’eut Abraham, lorsqu’il reçut l’ordre de sacrifier son fils Isaac. Les trois ans accomplis, Joachim et sainte Anne accompagnés de quelques uns de leurs parents et d’une suite nombreuse d’esprits angéliques, qui chantèrent dans tout le voyage des cantiques de louanges au Très-Haut, partirent de Nazareth et vinrent à Jérusalem, portant dans leurs bras la jeune et bienheureuse enfant. Arrivée au temple, Sainte Anne entendit une voix qui disait: « venez mon épouse et mon élue: venez dans mon temple où je veux que vous m’offriez un sacrifice de louange et de bénédiction.» Ils la conduisirent dans l’appartement des vierges, où elles étaient élevées toutes ensemble dans une sainte retraite jusqu’à l’âge du mariage. Elles étaient principalement de la tribu royale de Juda, et de la tribu sacerdotale de Lévi. L’escalier pour aller à cet appartement avait quinze degrés; un des prêtres qui étaient venus la recevoir la mit sur le premier degré, et Marie lui en ayant demandé la permission se tourna vers ses parents, leur demanda leur bénédiction à genoux, leur baisa les mains et les pria de la recommander à Dieu. Ceux-ci la lui donnèrent avec beaucoup de tendresse et de larmes. Alors elle monta toute seule les quinze degrés avec une ferveur et une modestie
admirable. Le saint vieillard Siméon lui donna pour maîtresse la prophétesse Anne qui avait été prévenue pour cet emploi d’une grâce spéciale de Dieu, Ayant été remise à sa maîtresse, la jeune enfant se mit à genoux, lui demanda sa bénédiction et la pria de lui enseigner tout ce qui était nécessaire: ensuite elle alla offrir ses services à toutes les vierges, les salua et les embrassa chacune en particulier ave tendresse et les remercia de l’avoir reçue pour compagne toute indigne qu’elle en fût. Après avoir rempli ce devoir elle se prosterna à terre et baisa le pavé comme étant celui de la maison de Dieu, puis rendit grâce au Seigneur de ce grand bienfait. Ensuite elle s’adressa à ses douze anges dont nous avons parlé plus haut, et les pria d’aller consoler ses parents dans leur tristesse. Les anges partis, le Très-haut ordonna aux soixante Séraphins qui l’assistaient de la transporter dans l’empyrée; cela fut aussitôt exécuté, et elle vit là l’essence divine d’une vision intuitive; prosternée humblement devant le trône de Dieu, elle lui demanda deux grâce avec une singulière ferveur; l’une de souffrir beaucoup pour son amour, l’autre de pouvoir faire en sa présence, quatre voeux, ceux de pauvreté, de chasteté, d’obéissance et de clôture perpétuelle dans le temple. Le Seigneur agréa demande, mais il accepta seulement le voeu de chasteté et non les autres. Il régla seulement la manière dont elle devait conduire par rapport à ceux-ci: c’était d’agir comme si elle en eut fait voeu solennel. Après cette claire vision Dieu, elle fut encore retenue dans le ciel par une extase imaginative dans laquelle elle fut parée par les anges d’une manière admirable. Ils illuminèrent d’abord tous ses sens d’une clarté qui la remplit de grâce et de beauté; puis elle fut revêtue d’une robe magnifique, avec une ceinture de pierres précieuses de diverses couleurs, transparentes et resplendissantes: cette ceinture signifiait la pureté et les héroïques y tus de son âme très sainte. On lui mit au cou un collier d’un prix inestimable, avec trois grandes pierres,
symbole des trois vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité, elles pendaient sur sa poitrine, comme pour marquer le lieu où ces vertus résidaient. On lui mit aux doigts sept anneaux d’une rare beauté pour marquer les sept dons du Saint-Esprit. La très-sainte Trinité lui posa sur la tête, comme à la reine du monde, une couronne impériale d’une inestimable valeur. Le vêtement dont elle était revêtue était semé de chiffres d’un or très fin et très éclatant qui disaient, Marie fille du père Éternel, Épouse du Saint Esprit, et Mère de la véritable lumière: ces dernières paroles ne furent comprises que des anges. L’auguste fille parée ainsi, plut tellement à Dieu, qu’il lui commanda de demander tout ce qu’elle souhaiterait, l’assurant que rien ne lui serait refusé. La demande qu’elle fit au Seigneur fut qu’il envoyât au monde son fils unique pour racheter les hommes; qu’il augmentât son saint amour chez ses parents et les comblât des dons de sa main bienfaisante; qu’il consolât les pauvres et les affligés, qu’il les soulageât dans leurs peines et leurs travaux. Elle ne demanda ensuite pour elle que l’accomplissement dé sa sainte volonté.
Après cette admirable vision, les anges la remirent dans le temple d’où elle avait été enlevée, où elle rentra plus humble que jamais. Elle commença aussitôt à pratiquer ce qu’elle avait promis en la présence du Seigneur. Elle alla trouver sa maîtresse et lui remit tout ce que sa mère lui avait donné pour ses besoins ou pour ses plaisirs, excepté un simple habit et un livre de prière manuscrit, et elle la pria de donner aux pauvres ces petites choses. Ses actions et ses pratiques de sublime vertu furent si parfaites qu’elle surpassa par ses mérites ceux de tous les Séraphins. Pour entrer en quelque détail, après avoir remis à sa maîtresse tout dé qu’elle avait, elle demanda très-humblement aux saints prêtres et à sa maîtresse de lui prescrire tout ce qu’elle aurait à faire. La très-humble enfant à genoux, les mains jointes et la tête inclinée, écouta les ordres de Siméon: « Ma fille, dit-il, vous assisterez avec beaucoup de respect et de dévotion aux cantiques du Seigneur, vous prierez, le Très-Haut pour les nécessités de son saint temple et de son peuple, et pour la venue du Messie. Vous vous retirerez à la troisième heurt pour vous reposer, et vous vous lèverez à la pointe du jour pour prier le Seigneur jusqu’à l’heure de tierce, et ensuite vous vous occuperez à quelque travail manuel. Vous observerez la tempérance dans les repas que vous prendrez après le travail, ensuite vous irez recevoir les instructions de votre maîtresse. Vous emploierez le reste de la journée à lire les divines écritures; vous serez en toute chose humble, affable et obéissante. » L’enfant sainte écouta à genoux le discours du prêtre, et après lui avoir demandé sa bénédiction et baisa la main, elle résolut dans son coeur d’observer exactement ce qu’on lui prescrivait, et c’est ce qu’elle fit en effet. Elle demanda en outre à sa maîtresse la permission de servir toute les autres vierges, et de s’employer aux emplois les plus humbles, comme de balayer la maison, et de laver la vaisselle et après l’avoir obtenue, elle se montra admirable pour prévenir les autres dans ces choses si humbles et si pénibles Elle demandait chaque jour le matin et le soir la bénédiction à sa maîtresse, lui baisait la main, et quelquefois les pied quand elle lui en donnait la permission. Elle employait beau coup de temps à lire les divines écritures, plus particulière ment Isaïe, Jérémie, et les psaumes, parce qu’ils contiennent d’une manière plus expresse les mystères du Messie et cou de la loi de grâce.
Extraits de la Vie Divine de la Très Sainte Vierge Marie, Vénérable Maria d'Agreda, Chapîtres 3 et 4
L'Assomption et le Couronnement de Marie
L'Assomption et le Couronnement de Marie
L’Archange Gabriel annonce à la Sainte Vierge son heureuse mort. Merveilles qui arrivent
La très-sainte Vierge était parvenue à l’âge de soixante-sept ans, sans avoir jamais interrompu, pas même le plus petit instant, le cours de ses oeuvres admirables et héroïques, ni arrêté les élans de son coeur, ni diminué les feux de son amour; au contraire celui-ci ayant toujours continuellement augmenté dans tous les moments de la vie, elle s’était en quelque manière spiritualisée et déifiée, de sorte que les flammes de son coeur ardent ne lui permettaient aucune sorte de repos. Le Père éternel désirait sa fille unique, le Verbe sa bien-aimée, et le Saint-Esprit sa très-pure épouse. Les anges souhaitaient vivement la vue de leur reine; les saints désiraient ardemment la présence de leur grande souveraine, et tous les cieux demandaient à leur manière leur impératrice, afin qu’elle les remplit tous de gloire et de joie. La très-sainte Trinité envoya l’archange Gabriel avec une multitude d’esprits bienheureux, pour annoncer à leur reine dans quel temps, et de quelle manière elle passerait à la gloire éternelle. Le Prince céleste descendit avec le cortège des anges dans l’oratoire, où il trouva la divine mère prosternée à terre en forme de croix, qui demandait avec larmes miséricorde pour les pécheurs. Et comme réveillée par la mélodie des anges, elle se releva et resta à genoux pour entendre l’embassade du Seigneur. ils arrivèrent tous avec des couronnes et des palmes à la main, toutes différentes, qui signifiaient diverses récompenses et mérites de la grande reine. L’archange l’ayant saluée par l’Ave Maria, continua: Le Tout-Puissant et le saint des saints nous envoie à votre Majesté, pour vous annoncer de sa part l’heureuse fin de votre pèlerinage: Ils vous reste encore trois ans pour être reçue pour toute l’éternité dans la gloire bienheureuse, où tous les habitants vous désirent. Elle reçut cette agréable nouvelle avec une joie ineffable et prosternée de nouveau à terre, elle répondit de la même manière qu’à l’annonciation: Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole. Elle pria les anges de l’aider à rendre grâce au Seigneur pour cette nouvelle si agréable, et elle commença un nouveau cantique-d’actions de grâces, les esprits bienheureux y répondirent pendant deux heures, ensuite elle ordonna aux anges de prier le Seigneur de la préparer à ce passage. L’archange lui répondit qu’elle serait obéie, et ayant pris congé, il retourna à l’empyrée; elle resta le visage contre terre en versant des larmes d’humilité et de joie, et elle dit ces paroles: Terre, je vous rends les grâces que je vous dois, de ce que sans l’avoir mérité vous m’avez supportée pendant soixante-sept ans; comme j’ai été créée de vous et en vous; qu’ainsi de vous et par vous j’arrive à la fin désirée de la vue et de la possession de mon créateur. Elle fit encore un long entretien avec les créatures.
Du moment qu’elle eut reçu cet avis, elle s’enflamma du feu de l’amour divin, de sorte qu’elle multiplia ses exercices, comme si elle avait eu quelque chose à réparer, semblable à un voyageur qui,. voyant venir le soir lorsqu’il lui reste encore à faire une grande partie de son chemin se hâte et marche avec rapidité, en ranimant ses forces; la grande reine ne faisait pas cela par crainte de la mort, ni par le danger du péché qu’elle n’avais jamais commis; mais à cause de son grand amour et de son désir de la lumière éternelle, elle se hâtait donc dans ses héroïques actions, non pour arriver plutôt, mais afin d’entrer plus riche et plus heureuse dans l’éternelle jouissance du Seigneur. Elle envoya ses anges à tous les apôtres et à tous les disciples dispersés dans le monde, afin de les animer toujours plus aux entreprises héroïques, et dans ces trois ans elle le fit plusieurs fois; de même elle fit des démonstrations d’amour plus grandes à tous les fidèles qui étaient à Jérusalem, et de pressantes exhortations d’être fermes dans la foi, et quoiqu’elle gardât le secret, néanmoins elle agissait comme une personne qui s’attend à partir, et qui veut laisser tout le monde comblé de biens. Il en fut autrement avec saint Jean, car un jour à genoux à ses pieds, elle lui demande la permission de parler, et après l’avoir obtenue elle lui dit: Mon Seigneur et mon fils, vous savez qu’entre toutes les créatures je suis la plus redevable au pouvoir divin. Sachez que la divine miséricorde a daigné me faire connaître que le terme de ma vie mortelle pour passer à la vie éternelle arrivera bientôt, il ne me reste que trois ans pour finir mon exil; je vous supplie donc, mon Seigneur de m’aider dans ce temps si court, afin que je m’applique à chercher à correspondre en quelque chose aux immenses bienfaits que j’ai reçus; priez pour moi, je vous en supplie de l’intime de mon coeur.
Ces paroles brisèrent le coeur si aimant de saint Jean, et il répondit tout en larmes ma mère et ma - reine, je suis résigné au bon plaisir de Dieu et au vôtre. Ma mère et ma reine, puisque vous êtes toute miséricordieuse, daignez secourir votre fils qui va se trouver seul, privé de votre précieuse compagnie; saint Jean ne put proférer d’autre parole, oppressé par le sanglots et la douleur; et quoique la miséricordieuse mère l’animât, néanmoins dès ce jour le saint apôtre fut pénétré et accablé d’une si grande tristesse, qu’elle l’affaiblissait et le rongeait, comme il arrive aux fleurs qui deviennent languissantes au coucher du soleil. La miséricordieuse mère lui promit de l’assister toujours comme une tendre mère, et elle pria son très-saint fils pour lui, afin qu’il ne perdit pas la vie. Saint Jean fit part de cette nouvelle à saint Jacques-le-Mineur, évêque de Jérusalem, et dès ce moment les deux apôtres furent plus assidus à visiter la divine maîtresse. Dans le cours de ces trois dernières années, le pouvoir divin disposa par une douce et secrète force, que toute la nature commençât à s’émouvoir et à prendre des signes de deuil, pour la mort de celle dont la vie donnait la, beauté à toutes les choses bées. Les apôtres, quoique dispersés dans le monde, ressentaient un vif désir de voir leur mère et maîtresse; les autres fidèles, qui étaient plus voisins, éprouvaient un pressentiment intérieur, que leur trésor et leur joie ne resterait pas longtemps parmi eux. Toutes les créatures s’émurent et gémirent, les cieux, les animaux et les oiseaux, et six mois avant la mort, le soleil, la lune et les étoiles donnèrent une lumière plus faible qu’à l’ordinaire. Les hommes en ignoraient la cause, saint Jean seul accompagnait ces signes de ses larmes, ce qui fit que tous les pieux fidèles de Jérusalem en connurent la raison; c’est pourquoi ils accoururent au cénacle, pour vénérer la grande reine, ils se jetaient à ses pieds, lui demandaient la bénédiction et baisaient la terre, qu’elle avait foulée de ses pieds divins. La mère de la miséricorde les consolait tous. Et quoique cette perte fut inévitable pour les fidèles, la miséricordieuse mère s’émut dans ses entrailles maternelles; et par ces prières et ses larmes, la-grande reine fit que tous les fidèles et tous les enfants de l’Eglise obtiendraient toutes les grâces temporelles et spirituelles qu’ils désireraient; (1) aussi il est impossible de rapporter le concours immense des personnes qui allaient auprès d’elle, et les miracles qu’elle opérait en faveur de tous. Elle en convertit un grand nombre aux vérités de la foi; elle mit un nombre immense d’âmes en état de grâce; elle remédia aux nécessités des misérables, en les secourant miraculeusement; elle les confirma tous dans la crainte de Dieu, dans la foi et dans l’obéissance à la sainte Église; et comme trésorière des richesses divines, elle ouvrit les portes du trésor divin, et en enrichit les fidèles de l’Église avant de t’éloigner d’eux. De plus elle les consola tous, et leur promit de faire beaucoup plus du haut du ciel, lorsqu’elle y serait parvenue.
Cependant son très-pur esprit était élevé avec des élans inconcevables, par les flammes de son amour, jusqu’à la sphère de la Divinité, sans pouvoir arrêter l’impétuosité de son coeur enflammé; pour donner quelque adoucissement à ses violences, elle se retirait seule et apaisait ses ardeurs avec le Seigneur, en disant: Mon doux amour, mon bien unique, trésor de mon âme, attirez-moi après vous à l’odeur de vos parfums; brisez maintenant les liens de la mortalité, qui me retiennent. Esprits célestes, dites à votre Seigneur et au mien la cause de ma douleur; dites-lui, que pour lui plaire, j’embrasse les souffrances pour mon exil, et c’est ce que je veux; mais je ne puis vouloir vivre en moi, mais seulement en Dieu; s’il veut donc que je vive, comment pourrai-je vivre étant éloignée de lui, qui est ma vie? D’une part il me donne la vie, et de l’autre il me l’ôte ; parce que la vie ne peut être sans l’amour, comment donc pourrais-je exister sans la vie, qui-est celui que j’aime uniquement? Je languis dans cette douce violence. Par ces paroles et par d’autres beaucoup plus tendres, la Vierge-Mère apaisait l’incendie de son coeur enflammé à l’admiration et à la joie des anges mêmes, qui l’assistaient et la servaient. Son divin fils la visitait plus souvent que par le passé et la fortifiait par ses visites; elle renouvelait ses prières pour l’Eglise et pour tous les ministres, qui, dans les siècles à venir, devaient la servir dans la prédication évangélique. Parmi les merveilles, que fit le Seigneur à sa divine mère dans ces derniers temps, il y en eut une qui fut non-seulement connue du saint évangéliste, mais encore de plusieurs autres fidèles qui l’approchaient ; c’était que lorsque la grande reine communiait, elle restait pendant plusieurs heures, revêtue d’une telle splendeur et clarté qu’elle paraissait transfigurée, comme son divin fils au Thabor, à la grande joie de ceux qui avaient le bonheur de la contempler.
Elle demanda à saint Jean la permission de sortir de la maison avec lui et les milles anges qui l’assistaient, et elle alla visiter les lieux saints, auxquels elle dit adieu en versant des larmes; mais elle s’arrêta pendant longtemps sur le mont du Calvaire, elle pria pour ses bien-aimés fidèles présents et futurs, et en considérant la douloureuse mort de son fils en faveur du genre humain, la flamme de son ardente charité s’accrut si fort, qu’elle aurait perdu la vie, si son divin fils ne fût venu lui-même, qui lui dit: Ma mère et ma colombe, coadjutrice de la rédemption des hommes, vos demandes sont déjà arrivées à mon coeur, je vous promets que je serai très-libéral envers les hommes et leur donnerai de continuels secours, afin qu’avec leur libre volonté, ifs puissent mériter, par les mérites de mon sang, la gloire éternelle, s’ils ne la méprisent pas; et dans le ciel vous serez leur médiatrice et leur avocate , et je comblerai de. mes faveurs et de mes miséricordes infinies, tout ceux qui obtiendront votre protection. La divine mère, prosternée à ses pieds, lui rendit de très-humbles actions de grâces, et ayant été fortifiée dans ses amoureuses peines, elle baisa avec un grand sentiment d’humilité cette terre consacrée, par la mort d’un Dieu fait homme; elle ordonna aux saints auges, de garder continuellement ces lieux sacrés et de les défendre toujours; elle dit aussi aux saints anges et à saint Jean de les bénir, ce qu’ils firent aussitôt. Elle retourna à son oratoire, et lorsqu’elle y fut arrivée tout attendrie et en larmes, elle dit adieu à la sainte Église, en disant: Église sainte et catholique, qui dans les siècles futurs vous appeler romaine, ma mère et ma reine, véritable trésor de mon âme; vous avez été l’unique consolation de mon exil, mon refuge et mon soutien dans mes douleurs; vous êtes ma force et ma joie, dans vous j’ai vécu étrangère et éloignée de ma patrie, et vous m’avez entretenue depuis que j’ai reçu en vous la vie de la grâce, par votre chef et le mien, Jésus mon fils et mon Seigneur; vous êtes pour les fidèles, ses enfants, un guide assuré pour les conduire à la gloire; vous les fortifiez dans ce dangereux pèlerinage. Vous m’avez orné et enrichi de vos beaux ornements, pour entrer aux noces de l’époux, en vous habite votre chef dans l’adorable sacrement; heureuse Église militante, ma bien-aimée, il est déjà temps que je vous laisse, daignez m’appliquer vos bien si précieux, lavez-moi dans le sang divin de l’agneau, qui vous a été confié, et qui peut sanctifier plusieurs mondes couverts de péchés. Sainte Eglise, mon honneur et ma gloire, je vous laisse dans la vie mortelle, mais je vous trouverai glorieuse dans la vie éternelle; de là, je vous regarderai avec tendresse, et je prierai toujours pour votre prospérité et vos progrès.
Après avoir fait cet adieu, la grande reine résolut de faire son testament, elle en demanda la permission au Seigneur, qui voulût le confirmer par sa divine présence; la très-sainte Trinité vint elle-même dans son oratoire, avec des milliers d’Esprits bienheureux; il sortit du trône divin une voix, qui dit: Notre épouse et notre élue, réglez votre dernière volonté selon votre désir, car elle sera accomplie et confirmée par notre divine puissance. Seigneur tout-puissant, Dieu éternel, dit-elle avec une profonde humilité, moi, vil vermisseau de terre, je vous reconnais et vous adore du plus profond de mon âme, Père, Fils et Saint-Esprit, trois personnes distinctes dents une seule nature, indivisible et éternelle; je déclare et je dis que ma dernière volonté est celle-ci: Je n’ai rien à laisser des biens temporels, car je n’ai jamais possédé autre chose, que vous, mon souverain bien; je remercie toutes les créatures, qui m’ont entretenue sans que je le méritasse! Je laisse à Jean deux tuniques et un manteau, qui m’a servi pour me couvrir, afin qu’il en dispose selon son plaisir, comme mon fils. Je demande à la terre de recevoir mon corps; je remets mon âme, dépouillée enfin de son corps, dans vos mains, ô mon Dieu, afin qu’elle vous aime éternellement. Je laisse la sainte Église, ma mère, héritière universelle de tous mes mérites, que j’ai acquis parle moyen de votre grâce et par mes souffrances, afin qu’ils servent à l’exaltation de votre saint nom. En second lieu, je les offre pour les apôtres bien-aimés, et pour les prêtres présents et ceux qui existeront dans l’avenir, afin qu’ils deviennent de
dignes ministres, pour édifier et sanctifier les âmes. En troisième lieu, je les applique pour le bien spirituel de mes dévots, qui me serviront, m’invoqueront et intercèderont auprès de moi, afin qu’ils reçoivent votre grâce et à la fin la vie éternelle En quatrième lieu, je désire et je souhaite que vous vous considériez, comme obligé par mes souffrances et mes oeuvres envers tous les pécheurs, enfants d’Adam, afin qu’ils sortent du malheureux état du péché; et dès ce moment je désire et je veux intercéder toujours pour eux, en votre divine présence tant que le monde durera. Ceci est, mon Seigneur et mon Dieu, ma dernière volonté toujours soumise à votre bon plaisir. Lorsqu’il fût terminé, la très-sainte Trinité le confirma et le Christ l’approuva, en gravant dans le coeur de sa mère ces paroles: Il sera fait comme vous voulez et ordonnez. Prosternée le visage contre terre, elle fit de très-humbles actions de grâces et elle demanda que les apôtres vinssent l’assister, afin de prier pour elle dans ce passage, et qu’elle mourût avec leur bénédiction, ce qui lui fut accordé. Les personnes divines cessèrent d’être visibles, et l’humanité de Jésus-Christ retourna à l’empyrée.
L’heureuse mort de la Très Sainte Vierge et la sépulture de Son Corps très pur
Le jour auquel l’Arche véritable du Testament devait être placée dans le temple de la Jérusalem céleste s’approchait; trois jours auparavant les apôtres et les disciples furent réunis dans le cénacle par le ministère des anges. Les forces corporelles de la grande reine cédaient déjà un peu à la violence de l’amour divin, parce que d’autant plus elle se rapprochait du souverain bien, d’autant plus grandement qu’elle participait à la qualité de l’amour qui est Dieu même. Là grande reine, vint à la porte de l’oratoire, recevoir le Vicaire de Jésus-Christ, saint Pierre, et s’étant mise à genoux, elle lui demanda sa bénédiction, rendant grâce au Très-Haut de cette consolation, elle en fit de même avec tous les autres apôtres. Elle se retira dans son oratoire et saint Pierre fit un discours aux disciples dans le cénacle, ils entrèrent tous dans l’oratoire pour l’assister, ils la trouvèrent n genoux sur un petit lit dont la divine mère se servait toujours pour se coucher, lorsqu’elle prenait un peu de repos , ils la virent toute éclatante de beauté, revêtue de splendeurs célestes, entourée de ses mille anges qui l’assistaient sous une forme visible. L’état naturel de son très-saint corps virginal et ses traits étaient aussi ceux qu’elle avait lorsqu’elle était âgée de trente-trois ans, elle n’avait ni rides dans ses mains et sur son visage, elle ne fut ni faible, ni plus décharnée avec les années, comme il arrive à tous les enfants d’Adam : ce fut un privilège spécial de la très-sainte Vierge qui correspondait au privilège de son âme très-sainte, afin qu’il parut dériver de celui d’avoir été exempte de la faute d’Adam, dont les effets ne se firent sentir en aucune manière dans son très- saint corps, de même qu’ils n’avaient jamais eu accès dans son âme très-pure.
Saint Pierre et saint Jean, se mirent à genoux au chevet du lit, et les autres tout autour suivant leur rang. La grande reine les regarda tous avec sa modestie et sa pudeur ordinaire et elle leur dit : Mes chers enfants; permettez à votre servante de parler. Et saint Pierre, répondit que tous l’écouteraient volontiers comme elle le désirait, mais qu’elle s’assit sur le lit comme maîtresse et reine de tous. Elle obéit aussitôt, et elle les pria de lui donner tous la bénédiction, ce qu’ils firent pour lui obéir, en versant des larmes en abondance à la vue d’une si profonde humilité unie à une si incomparable grandeur. Elle se leva de son lit et se mit à genoux, par terre, en présence de saint Pierre, en disant mon seigneur, je vous supplie comme pasteur universel de me donner en votre nom et au nom de toute l’Eglise, dont vous êtes le chef, votre sainte bénédiction, et de pardonner à votre servante de vous avoir si peu servi dans le temps de ma vie, car je vais aller de celle-ci à celle qui est éternelle, et si vous y consentez, permettez que Jean dispose de mes vêtements qui sont deux tuniques pour les donner à deux pauvres filles qui m’ont plusieurs fois rendu service par leur charité. Après ces paroles, elle se prosterna à terre et baisa les pieds à saint Pierre avec une abondance de larmes, dont ils furent tous attendris. Ensuite elle se mit aux pieds de saint Jean, en disant : Jean, mon fils et mon seigneur, pardonnez-moi de n’avoir pas exercé envers vous mes devoirs de mère, comme je devais et comme le Seigneur me l’avait ordonné : je vous remercie profondément de la bonté avec laquelle vous m’avez assistée, comme mon fils; et vous, bénissez-moi pour parvenir à la possession de mon Bien. Elle continua à prendre congé des apôtres et de quelques uns des disciples, ensuite de tous les autres. Elle se leva et parla ainsi à tous les assistants : mes chers enfants, et mes seigneurs, je vous ai toujours conservés au-dedans de mon âme, et vous ai aimés tendrement avec la charité qui m’a été commandée par mon très-saint Fils que j’ai toujours considéré en vous tous. Pour accomplir sa sainte volonté, je pars pour les demeures célestes, d’où je vous promets que comme mère, vous me serez présents dans la claire lumière de la divinité. Je vous recommande l’Église ma mère, l’exaltation du saint nom de Dieu, et la propagation de sa loi évangélique; l’amour des paroles de mon très-saint fils, la mémoire de sa vie, de sa- passion et de sa mort. Aimez la sainte Église, et aimez-vous les uns les autres de tout votre coeur; et à vous Pierre, pontife saint, je vous recommande mon fils Jean et tous les autres. Elle cessa de parler, et ses paroles, comme des flèches enflammées pénétraient et attendrissaient tous les coeurs, et versant un torrent de larmes, ils se jetèrent tous par terre avec des gémissements et des sanglots tels, qu’ils attendrirent au suprême degré la miséricordieuse mère, qui ne pouvait résister à ses plaintes si amères de ses enfants bien-aimés. Après quelque temps, elle les pria de prier tous en silence pour elle et avec elle. Au milieu de ce silence, le Verbe incarné, descendit du ciel, sur un trône de gloire ineffable,
accompagné de tous les saints et d’un nombre infini d’anges et le cénacle fut tout rempli de lumière. La chère mère lui baisa les pieds, et l’adora, elle fit le dernier acte d’humilité et de culte d-ans sa vie mortelle par lequel elle surpassa tous les hommes ensemble, elle se recueillit et se confondit avec la poussière, quoiqu’elle fût mère de Dieu. Le divin fils la bénit et en présence de cette assemblée de saints, il lui dit: chère mère, il est déjà temps de passer pour toujours au paradis, où un trône vous est préparé à ma droite; puisque je vous ai fait, comme ma mère, entrer dans le monde, pure et exempte de toute tache de péché, ainsi pour en sortir, la mort n’a aucun droit de vous toucher; si donc, vous ne voulez pas passer par elle à la vie bienheureuse, venez avec moi sans mourir, participer à la gloire que vous avez déjà mérité. La mère, avec un visage joyeux et la tête inclinée, répondit: Mon fils et mon Seigneur, je vous demande que votre mère et votre servante entre dans la vie éternelle, par la porte commune des enfants d’Adam et comme vous Dieu véritable. Le Seigneur approuva ce sacrifice d’humilité, les anges commencèrent à chanter quelques versets des cantiques; cette harmonie était entendue de tous, et non-seulement l’oratoire mais tout le cénacle fut rempli d’une admirable splendeur, de sorte qu’à cette merveille il accourut de la ville un si grand nombre de personnes, que le passage des rues en était empêché, le Seigneur permettant qu’il y eût plusieurs témoins de cette grande merveille et de la gloire de sa mère.
Lorsque les anges commencèrent à chanter ce premier verset: Venez ma colombe, elle se coucha sur le lit et la tunique resta comme collée à son corps sacré, les mains jointes et les yeux fixes sur son divin fils, elle était tout embrasée des feux du divin amour. Lorsque les anges arrivèrent en chantant à ce verset: Surge, propera, amica mea, elle dit à son divin fils les mêmes paroles qu’il avait prononcées, lorsqu’il expira sur la croix: Seigneur je remets mon âme entre vos mains. Et ayant fermée ses yeux très-purs, la sainte Vierge expira. De sorte que la maladie, qui lui ôta la vie, fut l’amour, sans aucune autre cause, ni maladie d’aucune espèce; et cela se fit ainsi : le pouvoir divin suspendit le concours miraculeux, par lequel jusqu’alors elle avait conservé les forces naturelles, pour ne pas être consumée -par l’ardeur surnaturelle et le feu sensible qu’entretenait en elle l’amour divin; mais le miracle ayant cessé, le feu de l’amour produisit son effet, en consumant l’humide radical du coeur et ainsi la vie naturelle du corps eut sa fin. L’âme très-sainte et très-pure passa au trône et à. la droite du fils, environnée d’une gloire immense, et aussitôt les heureux assistants étonnés, commencèrent à entendre que la musique des anges s’éloignait déjà à travers la région de l’air. Le très-saint corps virginal, qui avait été le temple et le sanctuaire de l’Esprit-Saint, resta tout éclatant de lumière et de splendeur, et il répandait un parfum céleste, dont les assistants étaient intérieurement et extérieurement réjouis. Les mille anges gardiens de la grande reine restèrent pour garder l’inestimable trésor. Les apôtres et les disciples furent comme dans le ravissement pendant quelques temps, au milieu des larmes de deuil et de joie, ensuite ils chantèrent des hymnes et des cantiques de louange à la divine mère. Cette glorieuse mort eut lieu un vendredi, trois heures avant le coucher du soleil, le treize du mois d’août; la sainte Vierge était âgée de soixante-dix ans moins vingt-six jours. Voici l’exacte supputation des années de sa vie; à la naissance du Christ, la Vierge-Mère avait quinze ans, trois mois et dix-sept jours. A sa passion et à sa mort, elle avait quarante-huit ans, six mois et dix-sept jours. Il faut ajouter à ceux-ci, vingt-un ans quatre mois et dix-neuf jours, qu’elle survécût à son fils, ce qui donne soixante-dix ans, moins vingt-six jours.
Un grand nombre de miracles se firent à cette précieuse mort de la grande reine de l’univers: le soleil s’éclipsa pendant quelques heures, il vint au cénacle un grand nombre d’oiseaux de diverses espèces, et par un chant plaintif comme un murmure, ils déploraient à leur manière la mort de la grande reine, et ils donnaient de tels signes de douleur, qu’ils firent fondre en larmes tout ceux qui les entendirent. Toute la ville s’émut, et comme saisie d’étonnement, tous confessaient lé pouvoir du Tout-Puissant. On amena les malades, qui furent tous guéris aussitôt. Toutes les âmes du purgatoire furent délivrées et allèrent au ciel accompagner leur miséricordieuse mère. Au même instant que mourut la Vierge-Mère, il mourut aussi un homme et deux femmes près du cénacle, mais en état de péché mortel. Lorsque leur cause arriva au tribunal de Jésus-Christ, la miséricordieuse mère demanda grâce et miséricorde pour eux, ils furent rendus à la vie et ayant fait pénitence de leurs péchés, ils persévérèrent dans la grâce et se sauvèrent. (1) Cependant les apôtres avec les disciples versant toujours des larmes, pensèrent à lui donner la sépulture, dans la vallée de Josaphat, où était un sépulcre neuf, préparé par la divine providence; et comme son divin fils avait été embaumé, ils préparèrent des onguents précieux, selon la coutume des juifs, pour en faire de même à l’égard du corps sacré de la divine mère; on chargea de ce soin les deux pieuses filles, qui avaient hérité les deux tuniques de la grande reine. Ces deux pieuses filles étant entrées avec le baume et un linceul neuf pour envelopper le sacré corps, la grande splendeur qui en sortait les arrêta et éblouit leurs yeux, de sorte qu’elles n’eurent pas le courage d’approcher, car elles ne le voyaient pas. Elles sortirent toutes tremblantes et allèrent en donner avis aux apôtres, qui comprirent que ce corps très-pur, qui était l’arche sacrée du nouveau testament ne devait pas être touché ni remué même par des vierges. Saint Pierre et saint Jean entrèrent, ils virent la splendeur et entendirent l’harmonie divine des anges, qui chantaient: Dieu vous salue, Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous; et d’autres répondaient: Vierge avant l’enfantement, Vierge dans l’enfantement et Vierge après l’enfantement. Les apôtres, ravis d’admiration à ces merveilles, se mirent à genoux, et ils entendirent une voix qui dit: Qu’on ne découvre, ni ne touche le corps sacré. Ils préparèrent un cercueil et la splendeur céleste ayant un peu diminué, les deux apôtres s’approchèrent, ils attachèrent avec une vénération admirable la tunique sur les pieds divins sans les toucher, et aussitôt ils enlevèrent l’inestimable trésor et le placèrent dans la même position dans le cercueil qu’ils avaient mis sur le lit; ils éprouvèrent que le corps virginal était très-léger, car ils ne ressentirent autre chose que le poids des vêtements, et celui-ci même à peine. Lorsque le corps fut placé dans le cercueil, la splendeur diminua encore davantage, et tous purent voir avec facilité la beauté plus qu’angélique de son visage virginal et de ses mains, le Seigneur le permettant ainsi pour la consolation de tous les fidèles. On mit autour un grand nombre de cierges, qui, quoique allumés pendant trois jours, ne se consumèrent point. Le Tout-Puissant voulut encore que la sépulture et les prodiges, qui l’accompagnèrent, fussent connus de tous; c’est pourquoi il toucha tous les habitants de Jérusalem, et par l’impulsion d’en haut tous les juifs et gentils accoururent à cette merveille, car tous les malades étaient guéris dès qu’ils avaient à peine vu le sacré corps, les obsédés étaient délivrés, les affligés étaient consolés et tous éprouvaient une grande consolation intérieure.
Les apôtres mirent sur leurs épaules le cercueil où était le propitiatoire des divines faveurs, ils partirent du cénacle, rangés en procession, et traversant toute la ville, il se dirigèrent vers la vallée de Josaphat, suivis d’une multitude immense, qui exaltait les grandes qualités et les rares vertus de la glorieuse défunte. C’était la procession visible. Parlons d’une autre, plus belle et plus brillante, mais qui n’était pas visible à tous. Au premier rang étaient les mille anges gardiens de la reine, continuant la musique céleste, qui était entendue par les apôtres, les disciples et plusieurs autres fidèles, elle dura trois jours sans interruption , avec une grande douceur et suavité. Il descendit aussi de ciel plusieurs millions d’anges et des légions des esprits les plus élevés, ainsi que les anciens pères et prophètes, et en particulier saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, sainte Elisabeth et Jean-Baptiste, et les autres saints, envoyés du haut du ciel, pour assister à la grande cérémonie. La magnifique procession, visible et invisible, formée des habitants dé la terre et de ceux du ciel, s’avançait à pas lents, tous les assistants versaient des larmes de joie, et étaient vivement touchés, car dans ce jour les trésors de la divine miséricorde étaient ouverts; et non-seulement tous les malades de Jérusalem furent guéris, tous, les énergumènes délivrés, ceux qui étaient dans la tribulation consolés et fortifiés, mais encore un grand nombre d’aveugles gentils et de juifs obstinés furent éclairés et confessèrent la vérité de la foi évangélique, parvinrent à la connaissance de Jésus-Christ, le confessèrent à haute voix, en versant des larmes, pour le vrai Dieu et rédempteur du monde, et demandèrent le saint baptême. De plus les apôtres, en portant le corps très-pur, éprouvèrent des effets admirables de la divine lumière, et une ineffable consolation intérieure. Et toute cette affluence de personnes diverses, par l’odeur qui sortait du corps sacré, par la musique angélique qu’ils entendaient, par les miracles opérés qu’ils voyaient de leurs propres yeux, étaient dans l’étonnement et tous attendris , ils se frappaient la poitrine avec une grande componction, et reconnaissaient la défunte pour véritable mère de Dieu, et Dieu pour grand et tout- puissant dans cette créature. Ils arrivèrent, enfin au bienheureux tombeau dans la vallée de Josaphat, en chantant des hymnes de louange, saint Pierre et saint Jean, prirent le dépôt sacré et le mirent dans le tombeau , ils le couvrirent d’un linge blanc et très-fin, avec une grande vénération, et fermèrent le sépulcre; les saints retournèrent au ciel, et les mille anges gardiens continuèrent la céleste harmonie. Tout le peuple revint à la ville, les apôtres et les disciples retournèrent au cénacle, pendant une année entière, une agréable odeur se fit sentir dans ce sanctuaire vénérable. Les apôtres réglèrent que deux à deux, et tour à tour, ils veilleraient au saint sépulcre de leur maîtresse, pendant tout le temps qu’on y entendrait la musique céleste, et que les autres s’appliqueraient à catéchiser, à instruire et à baptiser les convertis. Saint Pierre et saint Jean ne s’éloignèrent jamais, et les autres venaient -le visiter de jour et de nuit. Il ne faut pas passer sous silence le concours des créatures privées de raison; les oiseaux chantaient sur le tombeau avec des voix plaintives, les bêtes sorties des forêts, témoignaient par des mouvements plaintifs leur douleur de la grande perte de la Maîtresse de l’univers.
Entrée triomphante de l'âme de la Très Sainte Vierge dans le Ciel, Assomption de Son corps et son couronnement
A peine l'âme auguste, et qui n'a pas d'égale de la sainte Vierge, fut séparée du corps, Jésus-Christ la reçut à sa droite sur son trône royal, et l'immense procession des anges et des saints se dirigea vers le ciel. Le rédempteur, entra avec sa mère entourée de gloire, sans qu'il lui fût demandé compte dans un jugement particulier, des dons et des faveurs qui lui avaient été accordés, ni de rien autre chose, selon la promesse qui lui fut faite, lorsqu'elle fut exemptée du péché originel, comme élue pour reine, comme privilégiée, et n'ayant pas part à toutes les misères des enfants d'Adam. Dès le premier instant de sa conception, elle fut une aurore claire et resplendissante, environnée des rayons du soleil divin, elle surpassa la clarté des plus ardents séraphins, ensuite elle fut élevée jusqu'à toucher la divinité dans l'union du Verbe avec la sainte humanité, il fut dès lors convenable et nécessaire, que pendant toute l'éternité elle fût sa compagne, et qu'il y eût la plus grande ressemblance possible entre le fils et la mère. Le divin rédempteur la présenta sous ce titre auguste devant le trône divin, et il dit:
mon Père éternel, ma chère mère, votre fille bien-aimée, et l'épouse chérie de l'Esprit-Saint, vient recevoir la possession éternelle de la couronne, et de la gloire que nous lui avons préparée en récompense de ses mérites. C'est celle qui est née parmi les enfants d'Adam comme une rose entre les épines, sans tâche, pure et belle, digne d'être reçue dans nos mains; c'est notre élue, notre unique et singulière, à qui nous avons donné la grâce et la participation de nos perfections, au-dessus des règles ordinaires des autres créatures, en elle nous avons déposé le trésor de notre divinité; c'est celle qui a trouvé grâce à nos yeux et en qui nous avons pris nos complaisances. Il est donc juste, que ma mère reçoive la récompense comme mère, et si pendant tout le cours de sa vie, elle a été semblable à moi au degré possible à une pure créature, elle doit encore aussi me ressembler dans la gloire et être sur le trône de notre majesté, afin que là où est la sainteté par essence, soit aussi celle qui en a reçu la plus grande participation.
Le Père et le Saint-Esprit approuvèrent aussitôt ce décret du Verbe incarné, et l'âme très-sainte de Marie, fut élevée à la droite de son fils sur le trône royal de l'auguste Trinité, C'est la plus sublime excellence de notre grande reine, d'être placée sur le trône nième des personnes divines, et d'y avoir le rang et le titre de souveraine Impératrice, lorsque tous les autres habitants du ciel, sont les ministres et les serviteurs du roi Tout-Puissant. Il n'est pas possible d'exprimer l'intensité de la nouvelle joie que reçurent dans ce jour solennel tous les bienheureux, ils entonnèrent de nouveaux cantiques de louanges au Très-Haut, pour la gloire incompréhensible de sa fille, mère et épouse, dans laquelle ils glorifiaient, l'œuvre de sa main toute-puissante; et quoique le Seigneur ne puisse pas recevoir une nouvelle gloire intérieure, puisqu'elle est infinie de toute éternité ; néanmoins les manifestations extérieures de ses complaisances, pour l'heureux accomplissement de ses décrets éternels furent plus grandes dans ce jour, car il sortit une voix du trône divin qui dit: Tous nos désirs et notre divine volonté se sont accomplis dans la gloire de notre bien-aimée, et tout s'est fait à l'entière satisfaction de notre complaisance.
Le troisième jour dans lequel l'âme très-sainte de la divine mère Vierge jouissait de la gloire, le Seigneur- manifesta à toute la cour céleste, que c'était sa volonté que cette grande âme revînt au monde, et reprit son corps, afin d'être de nouveau élevée en corps et en âme au trône divin, sans attendre la résurrection générale des morts. Tous applaudirent au décret divin, le rédempteur lui-même descendit du ciel avec l'âme glorieuse de sa mère à ses côtés, accompagné des saints et des esprits bienheureux; après être arrivés au sépulcre à la vue du temple virginal du Très-Haut,. le Seigneur parla ainsi aux saints: ma mère a été conçue sans aucune tâche de péché, afin que de sa très-pure substance virginale et immaculée, je me revêtisse de l'humanité avec laquelle je suis venu au monde, racheté déjà de l'esclavage auquel il était assujetti, ma chair est la chair de ma mère, elle a encore coopéré avec moi dans l'oeuvre de la rédemption; ainsi je dois la ressusciter comme je me suis ressuscité, et que ce soit au même moment où je ressuscitai moi-même, car je veux la rendre en tout semblable à moi. Tandis que tous les saints applaudissaient par des cantiques de louanges à ce nouveau bienfait, l'âme très-pure de la reine entra aussitôt, par le commandement de son divin fils, dans son corps très-pur, et le ressuscita en le prenant, elle lui communiqua les quatre qualités glorieuses, savoir; la clarté, l'impassibilité, l'agilité et la subtilité, qui correspondent toutes à la gloire de l'âme dont elles tirent leur origine. La sainte Vierge sortit avec ces qualités du sépulcre en corps et en âme, sans remuer la pierre, et ses habits et le linceul restèrent dans le tombeau.
Il est impossible ici de décrire la clarté, la splendeur et l'admirable beauté de sa gloire; il nous suffit de considérer que de même- que la divine mère donna à son très-saint fils la forme humaine dans son sein virginal, et la lui donna très-pure et sans tache pour racheter le monde; ainsi en retour de ce don, le Seigneur lui donna dans cette résurrection et nouvelle génération, une autre gloire et beauté semblable à la sienne; et dans cette correspondance toute mystérieuse et divine chacun fit ce qui lui fut possible, car la Vierge mère engendra Jésus-Christ semblable à elle-même autant qu'il fut possible, et Jésus-Christ la ressuscita en lui communiquant sa gloire, autant qu'elle fut capable d'en recevoir dans sa sphère de pure créature. La magnifique procession partit du sépulcre avec une musique céleste, et s'avança à travers la région de l'air vers le ciel empyrée, au même moment ou le Christ ressuscita, le jour du dimanche qui suivit immédiatement la mort, après minuit; c'est pourquoi tous les apôtres ne purent connaître le miracle, excepté ceux qui étaient présents et veillaient auprès du saint sépulcre. Les saints et les anges entrèrent dans le ciel dans le même ordre qu'ils étaient venus de la terre; après eux venait le glorieux Rédempteur et à sa droite la reine mère avec une parure enrichie d'or et embellie de divers ornements: elle était si admirablement belle que tous les bienheureux en étaient dans l'admiration et l'étonnement, ils se tournaient pour l'admirer et la bénir avec une nouvelle joie et de nouveaux cantiques de louanges. Alors on entendit ces éloges mystérieux que Salomon a écrits: sortez fils de Sion pour voir votre reine que louent les étoiles du matin et que bénissent les enfants du Très-Haut. Qu'elle est celle-ci qui s'élève du désert comme une colonne de fumée, formée de tous les parfums? Qu'elle est celle-ci qui parait comme l'aurore, plus belle que la lune, élue comme le soleil, et terrible comme une armée rangée en bataille? Qu'elle est celle-ci qui vient du désert, appuyée sur son bien-aimé, abondante en délices? Qu'elle est celle-ci dans qui la Divinité même a trouvé plus de complaisances que dans tout le reste des créatures, et qu'il élève au-dessus de toutes, jusqu'au trône de sa lumière inaccessible et de sa Majesté. O merveille qu'on n'avait jamais vue dans les cieux! O prodige de la toute-puissance, qui la glorifie et l'exalte ainsi. La très-sainte Vierge arriva dans cette gloire en corps et en âme au trône royal de la très-sainte Trinité, et les trois personnes divines la reçurent avec un embrassement éternellement in- dissoluble, elle fut comme absorbée entre les personnes divines et comme submergée dans cette mer infinie de l'abîme de la Divinité, et tous les saints remplis d'admiration et d'une nouvelle joie extraordinaire, entendirent ces paroles du Père éternel: Notre fille Marie n été élue et choisie par notre éternelle volonté, comme unique et singulière parmi toutes les créatures, et elle est aussi la première pour nos délices, jamais elle n'a dégénéré de son titre de fille, qui lui a été donné dès l'éternité dans notre entendement divin; c'est pourquoi elle a droit sur notre royaume éternel, dont elle doit être reconnue et couronnée la légitime Souveraine et Reine. Le Verbe incarné dit aussi; A ma mère véritable et naturelle, appartiennent toutes les créatures que j'ai créées et rachetées, et tout ce dont je suis roi, elle doit en être aussi la souveraine reine légitime. Et l'Esprit-Saint dit: par le titre de mon épouse unique et élue, auquel elle a correspondu avec une parfaite fidélité, la couronne de reine lui est due aussi pour toute l'éternité.
Après ces paroles, les trois personnes divines placèrent sur la tête auguste de la très-sainte Vierge, une couronne de gloire, d'une splendeur si belle, qu'il ne s'en était jamais vue auparavant, et qu'il ne s'en verra donner à l'avenir à une pure créature. Dans le même instant, il sortit une ‘voix du trône, qui dit: Notre amie et élue entre toutes les créatures, notre royaume vous appartient, vous êtes souveraine, reine, maîtresse de tous les Séraphins et de tous les anges nos ministres, et de l'universalité de toutes nos créatures; veillez donc, commandez et régnez heureusement sur elles; dans notre suprême Consistoire nous vous donnons l'empire, la majesté et le domaine, parce que, quoique remplie de grâce au-dessus de toutes les créatures, vous vous êtes humiliée dans votre esprit, et vous vous êtes toujours mise au dernier rang; recevez maintenant le rang sublime qui vous est du, et participez au souverain domaine que notre divinité possède sur tout ce que. notre toute-puissance a créé. De votre trône royal vous commanderez jusqu'au centre de la terre, et par le pouvoir que nous vous donnons, vous tiendrez l'enfer assujetti; tous vous craindront et vous obéiront jusque dans les cavernes infernales; vous règnerez sur la terre, et sur tous les éléments, nous mettons dans vos mains les vertus et les effets de toutes les causes naturelles, et leur conservation, afin que vous disposiez des influences du ciel et des fruits de la terre, de tout ce qui existe et existera; distribuez-le selon votre bon plaisir, et notre volonté sera toujours prompte à accomplir la vôtre. Vous êtes impératrice et reine de l'Eglise militante, sa protectrice, son avocate, sa mère et sa maîtresse. Vous serez l'amie, la patronne, la protectrice de tous les justes nos amis, vous les consolerez, les Fortifierez et les remplirez de biens, selon qu'ils s'en rendront dignes par leur dévotion. Vous êtes la Dépositaire de toutes nos richesses divines, la Trésorière de nos biens.
Nous laissons dans vos mains les secours et les faveurs de noire grâce, afin que vous les dispensiez; car nous ne voulons rien accorder au monde, qui ne passe par vos mains, et nous ne voulons rien refuser, de ce que vous accorderez. La grâce sera répandue sur vos livres, pour tout ce que vous, voudrez et ordonnerez dans le ciel et sur la terre; les anges et les hommes vous obéiront en tout lieu, parce que tout ce qui est à nous vous appartient, de même que vous nous avez toujours appartenue, et vous règnerez avec nous pour l'éternité.
Pour l'exécution de ce décret éternel le Tout-Puissant ordonna à tous les courtisans du ciel de lui prêter tous obéissance et hommage, en la reconnaissant pour leur reine, et tous promptement obéissants se reconnurent ses serviteurs et ses vassaux, et la vénérèrent de la même manière, avec le culte, la crainte filiale, et la respectueuse vénération avec 1aquelle ils adorent le Seigneur; ainsi ils donnèrent relativement les mêmes devoirs à la divine mère; et ce petit nombre de saints qui étaient au ciel en corps et en âme, se prosternèrent et vénérèrent leur Reine par des hommages corporels. L'Impératrice des cieux fut ainsi glorifiée et couronnée au milieu de ces magnifiques démonstrations, qui furent une grande gloire pour elle et une nouvelle joie pour les bienheureux et un sujet de complaisance pour la très-sainte Trinité ; elle donna une nouvelle gloire à toute la céleste Jérusalem, principalement à saint Joseph, son chaste époux, à ses saints parents et tous ceux qui lui étaient unis; mais pardessus tout à ses mille anges gardiens. Les saints virent dans son coeur très-pur, comme un petit -globe d'une splendeur et d'une beauté singulière qui leur causa et leur causera sans cesse une admiration et une joie spéciale; c'est la récompense et le témoignage de ce qu'elle avait gardé d'une manière digne dans son sein, le Verbe incarné sous les espèces sacramentelles et l'avait reçu dignement avec pureté et sainteté, sans aucune faute, ni une ombre même d'imperfection, mais avec une grande dévotion, amour et culte. Pour les autres récompenses correspondantes à ses héroïques et singulières vertus, il est impossible d'en dire quelque chose qui puisse les faire connaître d'une manière convenable. Nous dirons seulement que cette résurrection eut lieu le quinze août, son corps très-pur, demeura pendant trente-six heures dans le sépulcre, comme celui de son très-saint fils.
Les apôtres et les disciples sans pouvoir essuyer leurs larmes, assistaient jour et nuit au sépulcre, en particulier saint Pierre et saint Jean, et remarquant que la musique céleste avait cessée et qu'ils ne l'entendaient plus, ils comprirent que la divine mère était ressuscitée et était transportée au ciel en corps et en âme, comme son divin fils, alors ils se rassemblèrent tous avec les disciples et les autres fidèles, ils ouvrirent le sépulcre et le trouvèrent vide: saint Pierre prit là tunique et le linceul et les vénéra, ce que firent aussi tous les autres, ils furent ainsi pleinement assurés de la résurrection et de l'assomption de la sainte Vierge au ciel; ils célébrèrent cette merveille avec des larmes de joie et de douleur, en chantant des psaumes, et des hymnes de louanges et de gloire au Seigneur et sa divine mère, mais suspendus entre l'étonnement et la tendresse, ils regardaient le sépulcre s'en pouvoir s'en éloigner, lorsqu'un ange du Seigneur descendit du ciel, et leur apparut en leur disant: hommes de Galilée, de quoi êtes-vous étonnés? Votre reine et la nôtre vit déjà en corps et en âme dans le ciel, où elle règne pour toujours avec le Christ; elle m'envoie afin que je vous confirme cette vérité et que je vous dise de sa part, qu'elle vous recommande de nouveau l'Église, la conversion des âmes, et la propagation de l'évangile de Jésus-Christ au ministère duquel elle veut que vous reveniez aussitôt, comme il vous a été ordonné, et elle prendra soin de vous du haut du ciel. Les apôtres furent ranimés par cet avis, et dans leurs courses apostoliques, ils reconnurent ensuite très-souvent sa toute-puissante protection, en particulier à l'heure de leur martyre, car elle leur apparut à tous, les assista comme une mère miséricordieuse, et ensuite elle présenta leurs âmes au Seigneur, comme elle le fera aussi fidèlement pour tous ceux, qui la serviront avec une véritable ferveur dans la vie et l'invoqueront à la mort.
Extraits de la Vie Divine de la Très Sainte Vierge Marie, Vénérable Maria d'Agreda, chapîtres 46 à 48