Les Six Dimanches de Saint Louis de Gonzague 3/3
Les Six Dimanches de Saint Louis de Gonzague
Cinquième Dimanche
Saint Louis de Gonzague, modèle de l'amour du prochain
Charité patiente
On n'aime pas son prochain, quand on ne sait pas souffrir patiemment ses défauts et ses imperfections; et c'est par cette raison, que la première qualité de la charité, selon la doctrine de l'apôtre saint Paul, est d'être patiente; la charité, dit-il, est patiente. On peut dire que saint Louis de Gonzague porta cette charité jusqu'à l'héroïsme. Il souffrait non seulement avec patience, mais avec joie, les mépris, les insultes et les outrages. Un des plus sûrs moyens de s'attirer des marques de sa bienveillance, était de lui témoigner peu d'estime et peu d'affection. Ce n'est pas qu'il fût insensible: au contraire, il était naturellement vif et impatient. On s'en était aperçu dans sa première enfance; mais il s'était tellement appliqué à dompter son humeur que, lorsqu'il fut parvenu à l'âge de raison, on n'aperçut jamais en lui aucun mouvement de colère ni d'impatience. Voulez-vous savoir si vous aimez votre prochain? voyez si vous supportez patiemment ses défauts, si vous ne lui témoignez, aucun mécontentement, et si vous ne cessez pas de l'aimer, quoiqu'il vous offense. La vraie charité n'envisage pas, dans son prochain, les qualités naturelles qui peu vent le rendre aimable; elle l'aime parce que Dieu le veut, parce qu'il le commande;elle ne voit que Dieu en lui, et elle couvre d'un voile toutes ses imperfections, parce qu'elle craint de les apercevoir. « La charité, dit l'apôtre Saint Pierre, couvre la multitude des péchés ». Mesurez la vôtre par cette règle, et vous n'y serez jamais trompé.
Une charité industrieuse
La charité est ardente et habile à trouver les moyens de se rendre utile au prochain. Le feu, qui est le plus actif de tous les éléments, est le symbole de cette vertu. Saint Louis de Gonzague ne cessa jamais de travailler au salut, au bonheur et à la consolation de ses frères. Il eut toujours une tendre compassion pour les malheureux, et rien ne le touchait plus sensiblement que le malheur de ceux qui s'égarent et qui se perdent dans les voies de l'iniquité. Etant encore dans le monde, ce jeune prince ne dédaignait pas d'enseigner la doctrine chrétienne au peuple le plus vil et le plus grossier; il l'exhortait à quitter ses mauvaises habitudes. Il employait une partie de son temps à terminer les procès et les querelles. Devenu religieux, il allait dans les rues de Rome instruire les plus pauvres, et les conduisait lui-même à leur confesseur. Ne pouvant encore prêcher dans les chaires, il tâchait du moins d'inspirer l'amour de la piété, par des conversations familières; et il expliquait les vérités éternelles d'une manière si touchante, qu'il convertit dans la ville de Sienne un grand nombre de jeunes gens qui embrassèrent l'état religieux. Songez à tout le bien que vous pouvez faire dans l'état où la Providence vous a placé, en instruisant le prochain au moins par de bons exemples, et par des sentiments de piété que vous tâcherez de leur inspirer à propos, selon les occasions; par là, vous pouvez vous approprier en quelque sorte les vertus et les mérites des autres, puisque vous en recueillerez les fruits et la récompense. Vous ferez valoir le Sang de Jésus Christ, puisque ce sera par vos soins qu'on le verra fructifier. Est-il une vertu plus belle et plus propre à orner une âme, que la charité? Est-il un travail plus noble et plus utile que celui qui a pour objet des biens éternels? Quel malheur si vous veniez à y renoncer par négligence ou par respect humain! Sachez que chacun de vous est chargé par le Seigneur de veiller et de travailler au salut de son prochain.
Une charité généreuse
L'acte le plus généreux et le plus héroïque de la charité chrétienne, est de sacrifier sa propre vie pour le saint de ses frères. La charité de saint Louis de Gonzague s'éleva jusqu'à ce degré sublime de la plu» haute perfection. Il en donna des preuves dans le temps que la ville de Rome fut affligée de la peste. Il demanda et il obtint la permission de se dévouer au service des pestiférés. Il y courut avec une telle ardeur que les autres rougissaient de prendre tant de précautions pour conserver leur vie, tandis que le jeune Louis exposait la sienne avec tant de courage; il s'attachait par préférence à rendre aux malades infectés de la contagion, les services les plus bas et les plus dégoûtants, et ce fut dans ce saint exercice qu'il contracta une maladie de langueur qui le consuma lentement, et qui le conduisit enfin au tombeau : peut-on se figurer une mort plus heureuse? Dès qu'il se vit près de sa fin, il chanta un cantique d'actions de grâces, et répéta plusieurs fois ces paroles du Prophète: « Nous irons avec joie dans la maison du Seigneur ». Il sut l'heure de sa mort par une révélation divine, et pendant une nuit, qui ne lui parut qu'un moment, il fut ravi en extase, et goûta d'avance les délices du paradis. Il rendit ensuite son âme à Dieu, en baisant le crucifix. Fut-il jamais une mort plus belle et plus désirable? Puisse-je, ô mon Dieu! mourir ainsi de la mort des justes! Avez-vous songé jusqu'à présent à vous procurer une mort sainte et précieuse devant Dieu? Pensez-vous que la vie que vous menez et les actions que vous faites soient propres à rendre votre fin heureuse? Nous ne faisons que semer pendant le cours de cette vie mortelle, dont la dernière heure est le temps de la moisson qui se fait par la faux tranchante de la mort. Préparez-vous donc une heureuse récolte par des semences de vertus, puisque vous êtes sûr, selon la parole de l'Apôtre, que l'homme ne recueillera que ce qu'il aura semé.
Prière
Grand saint! qui avez aimé le prochain comme vous-même, et plus que vous-même; s'il est vrai que la chanté qui naît sur la terre s'augmente et se perfectionne dans le ciel, ne puis-je pas espérer qu'étant aujourd'hui élevé dans ce séjour de la gloire, vous me ferez éprouver les effets de cette charité généreuse et compatissante que vous avez toujours exercée pendant votre vie, et que vous ne me refuserez pas une place dans votre cœur? J'ai recours à vous avec une humble confiance, daignez répandre sur moi quelques étincelles de ce feu divin dont vous fûtes embrasé. Je suis chrétien, et je n'aime pas mon prochain comme je le dois; je ne l'aime pas comme Dieu veut que je l'aime; je ne l'aime pas autant qu'il m'ordonne de l'aimer; je ne l'aime pas uniquement pour plaire à Dieu; je me conduis en aveugle,et ne prends point d'autre guide que mes passions. Aidez-moi à réformer le désordre habituel qui règne dans mes affections; et afin que je meure comme vous, de la mort des justes, apprenez-moi à sanctifier toutes les actions de ma vie , et obtenez moi des grâces qui me procureront une heureuse tranquillité à ce moment terrible qui doit décider de mon sort pour une éternité heureuse ou malheureuse. Ainsi soit-il.
Maximes de saint Louis de Gonzague, et pratiques de vertus
« Prenez en bonne par tout ce que vous voyez faire aux autres et gardez-vous de trouver en eux plus de défauts que dans vous. Rejetez les pensées de vanité et d'orgueil qui vous portent à vous croire meilleur et plus estimable que les autres. Appliquez vous sans cesse à connaître vos défauts et à ignorer ceux de vos frères. La charité, dit saint Paul, ne pense mal de personne ».
« Celui qui néglige d'aider l'âme de son prochain ne sait pas aimer Dieu, puisqu'il ne cherche pas à augmenter sa gloire. Ne manquez jamais, dans la conversation, de saisir quelque occasion naturelle de blâmer le vice et de louer la vertu; si votre état ne vous met pas a portée de contribuer autrement au salut et à l'instruction du prochain, vous êtes obligé de l'instruire selon votre pouvoir; et si chacun doit parler avantageusement de sa profession, à plus forte raison un chrétien doit-il prendre hautement le parti de la vertu contre le vice ».
« Les entretiens qui ne roulent que sur des choses indifférentes n'ayant rien de contraire à la loi de Dieu, peuvent être permis; mais, dans la dernière maladie, une âme prête à paraître devant son Juge doit oublier toutes les. choses de la terre. Ne perdez jamais de vue cette maxime, quand une maladie dangereuse vous conduira aux portes de l'éternité; et lorsque vous visiterez les malades, tenez-leur des discours convenables à leur état. Que votre conversation soit' édifiante dans le temps de l'infirmité, dit le Sage; tâchez de vous sanctifier de plus en plus jusques au dernier soupir ».
Exemples
On raconte divers miracles opérés par l'intercession de saint Louis de Gonzague, que l'on peut regarder comme des preuves sensibles de sa charité bienfaisante et de sa tendre compassion pour les malheureux. Les religieuses d'un couvent de la ville de Fano, qui se trouvaient réduites à une extrême pauvreté, ayant eu recours à li i par de ferventes prières, une très petite quantité de farine qui leur restait, multipliée sans aucun secours humain, les fit subsister pendant plusieurs mois, et beaucoup de malades furent guéris par cette nourriture miraculeuse. Un pauvre artisan de la ville de Naples éprouva pareillement la charité du Saint dans une pressante nécessité. Il devait une somme de quarante ducats qu'il n'était pas en état de payer, et le terme du paiement étant expire, il sortit de sa maison, accablé de tristesse et réduit au désespoir. En passant devant l'église des Jésuites, il aperçut le portrait du bienheureux Louis de Gonzague qu'il ne connaissait pas, et dont il n'avait jamais entendu parler. C'était le jour où l'on célébrait sa fête; il considéra ce portrait avec beaucoup d'attention, et, dans le trouble où il était: « O saint jeune homme! s'écria-t-il, que cous en coûterait-il de payer mes dettes ». Le lendemain, en allant à la banque des pauvres, il rencontra tous ses créanciers, l'un après l'autre, qui lui apprirent qu'ils avaient reçu tout l'argent qu'il leur devait; qu'une personne inconnue le leur avait apporté de sa part, et qu'il était entièrement quitte envers eux. Il comprit alors que le Saint auquel il s'était adressé avait exaucé sa prière; et après lui avoir rendu grâces d'un si grand bienfait, il résolut de l'invoquer avec confiance et de se mettre sous sa protection.
Sixième Dimanche
Saint Louis de Gonzague, modèle de l'amour que nous devons à Dieu
En elle-même
Si saint Louis de Gonzague fut un grand Saint par les autres vertus, il fut un ange et un séraphin par l'amour rie Dieu. Son cœur était embrasé d'un feu céleste, dont les ardeurs produisaient sur son corps des effets prodigieux. Il ne pouvait penser à la bonté divine ni en entendre parler, sans tomber dans un état de langueur et de défaillance. Son cœur était tellement ému qu'il en perdait la parole et la respiration. Son supérieur se crut obligé plus d'une fois de modérer les transports de son zèle, et il consentit, par obéissance, à se priver de la douceur ineffable de ses extases, en disant à Dieu: « Retirez-vous de moi, Seigneur ». Que dois je penser de moi-même, à la vue d'an si grand prodige de ferveur et d'amour? Quoi! Seigneur, je ne puis me résoudre à vous aimer, vous ne trouvez en moi que froideur et qu'indifférence; cet amour que je vous dois est, de tous les sentiments, celui que mon cœur a le plus de peine à former? Fous ne lui offrez cependant que des objets capable de l'enflammer: une bonté immense et inaltérable, une intelligence sublime, une puissance sans bornes, une beauté parfaite, des perfections infinies; que faut-il donc de plus pour attirer mon amour? N'est-ce pas de vous que nous recevons tous les dons de la nature et de la grâce que vous nous accordez pour nous conduire à la gloire? Hélas! toutes ces vérités sont dans mon cœur: il les croit; mais il ne les sent pas; il n'en est pas enflammé. O insensibilité prodigieuse et incompréhensible! « Un homme, disait le Sage, peut-il donc tenir du feu dans son sein, sans qu'il prenne à ses vêtements? » Jusque à quand des vérités si capables d'allumer toutes les flammes de l'amour divin demeureront-elles ensevelies au fond de mon âme comme un feu caché sous la cendre? N'est-il pas temps qu'il éclate, et que, sans cesse excité par une méditation profonde et continuelle de ces grandes vérités, il produise dans mon cœur un embrasement qui ne finisse jamais?
En Jésus crucifié
La bonté divine ne parut jamais avec plus d'éclat que dans un Dieu crucifié, et c'était par la vue de ce Dieu mourant que saint Louis de Gonzague nourrissait son amour. Rien ne pouvait le détacher d'un objet si touchant: il considérait sans cesse les plaies et les souffrances de son Sauveur, qui lui inspirait un désir ardent de souffrir les opprobres et les douleurs, pour ressembler davantage à un Dieu souffrant et méprisé. Tourmenté cruellement par un violent mal de tête que lui causaient ses longues et fréquentes méditations, loin de vouloir en être soulagé, il cherchait plutôt à l'augmenter, parce qu'il le regardait comme une participation des douleurs de Jésus-Christ couronné d'épines. Il trouvait le secret d'adoucir chaque espèce de souffrance, par la considération de celles de Jésus-Christ, qui lui faisaient verser des torrents de pleurs. Vous n'êtes pas encore parvenu à ce degré d'amour qui nous rapproche si parfaitement d'un Dieu crucifié; vous n'êtes ni touché, ni attendri à la vue de ses souffrances, et vous ne sentez pas toute la reconnaissance que vous lui devez. Quoi donc! n'est-il pas juste que vous souffriez pour lui autant qu'il a souffert pour vous, et ne seriez-vous pas un monstre d'ingratitude, si vous ne l'aimiez pas autant qu'il vous a aimé? Prenez donc la résolution de méditer sans cesse les douleurs de sa passion. Si vous fixez sur lui toutes vos pensées, vous ne pourrez vous défendre de lui donner toutes vos affections, et de dire avec l'apôtre: « Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur Jésus, qu'il soit anathème ».
En Jésus caché dans le Très Saint Sacrement de l'autel
C'est dans le Sacrement de l'Eucharistie que nous découvrons toute l'étendue de la bonté divine; c'est dans ce sacrement que l'amour de Jésus Christ pour les hommes se manifeste par des effets prodigieux. « Ayant aimé les siens qui étaient sur ta terre, dit l'apôtre Saint Jean, les aima jusqu'à la fin ». Dès la première fois que Saint louis de Gonzague reçut la communion des mains de Saint Charles Borromée, il fit de cet auguste mystère l'objet éternel de son amour et de sa reconnaissance. A la vue de Jésus Christ caché sous les voiles eucharistiques, il parut animé d'une dévotion tendre, qui fit une vive impression sur tous les assistants. Il employait les trois jours qui précédaient sa communion à s'y préparer; et les trois suivants, à remercier le Seigneur d'un si grand bienfait. Toutes les fois qu'il participait a ce divin mystère, il fondait on larmes; en recevant le Corps adorable de son Sauveur, il s'abîmait, il s'anéantissait en sa présence. Si vous aviez seulement une étincelle d'amour pour Dieu, avec quelle ferveur ne le recevriez-vous pas dans la communion! Ne vous flattez pas de l'aimer, si vous négligez de vous unir à lui par la participation de son Corps et de son Sang. Quand on l'aime véritablement, loin de le fuir et de s'éloigner de lui, on le recherche avec empressement. « Venez, vous dit il, mes fidèles serviteurs, mangez ma chair et buvez mon sang ». Vous ne l'aimez pas, si Vous ne le recevez dans un cœur brûlant de chanté et d'amour, si vous ne lui rendez pas le plus parfait hommage par des actes de foi, d'espérance et de componction. Peut-être diriez-vous que vous ignorez la manière de former ces actes? cependant vous avez un grand maître qui s'offre à vous en instruire; adressez-vous à Jésus-Christ même, et il vous l'enseignera selon cette parole: « Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés ».
Que n'ai-je, grand Saint, un cœur aussi pur, aussi touché, aussi enflammé que le votre de l'amour de son Dieu! et à qui pourrai-je mieux m'adresser pour changer mon cœur, qu'à vous qui avez imité sur la terre cette charité vive et ardente qui anime le» esprits bienheureux dans le ciel? J'ose donc vous le présenter ce cœur froid et insensible, daignez lui communiquer quelques étincelles de ce feu divin, dont vous avez reçu toutes les ardeurs; apprenez-lui à aimer son souverain bien. Oui, je le dis à ma honte, je manque à la plus essentielle de mes obligations, en refusant à mon Dieu l'amour que je lui dois. Je m'attache à de viles créatures, et je n'aime pas mon Créateur, mon Rédempteur et mon Père. Je vous conjure donc, grand Saint, par tout l'amour que vous portâtes à ce divin Maître, et que vous auriez voulu pouvoir allumer dans tous les cœurs, de m'inspirer d'autres sentiments. Obtenez moi la grâce de vivre et de mourir dans l'amour de mon Dieu; c'est la plus grande faveur que je puisse jamais attendre de votre puissante protection. Ainsi soit-il.
Maximes de Saint Louis de Gonzague, et pratique de vertus
« Celui qui a commencé à goûter combien il est doux d'être uni avec Dieu, de le servir et de l'aimer, se rend coupable d'un grand frime, s'il vient à renoncer à un si grand bonheur. Il est temps de vous unir à lui par les liens de l'amour. Accoutumez-vous donc à faire dans la journée des actes d'amour de Dieu, soit à la Messe, soit en visitant le Très Saint Sacrement. Hélas! un seul de ces actes suffit pour vous mettre en état de grâce, selon cette parole: « Celui qui m'aime sera aimé de mon Père ».
« On commence à ressentir les sentiment de l'amour divin, quand on désire sincèrement de l'aimer, et quand on est affligé de ne L'aimer pas. Ainsi, lorsque vous ne sentirez que de la froideur et du dégoût pour l'amour de Dieu, désirez du moins de l'aimer, et soyez affligé de votre indifférence. Ce désir et cette douleur vous obtiendront la grâce d'un véritable amour, selon cette parole: « Vous avez satisfait le désir de son cœur ».
« Celui qui veut aimer Dieu ne l'aime pas véritablement, s'il n'a un désir ardent et continuel de souffrir pour l'amour de lui. Quelque affliction que Dieu vous envoie, quelque peine, quelque dégoût que vous trouviez dans son service, soyez sûr que c'est par-là qu'il veut éprouver votre amour. Le Seigneur vous éprouve, afin que l'on connaisse si vous l'aimez ».
L'an 1634, un jeune religieux de la Compagnie de Jésus , nommé Joseph Spinelli, étudiant en philosophie au collège de Palerme, fut attaqué d'une paralysie universelle, qui lui ôta jusque à l'usage de la parole. Il eût recours à saint Louis de Gonzague, pour lequel il avait depuis longtemps une dévotion particulière, et il fit vœu, si Dieu lui rendait la santé, de jeûner tous les ans, la veille de sa fête. Aussitôt il sentit un désir ardent de servir Dieu parfaitement, et il connut que cette grâce lui était accordée à la prière du Saint qui voulait guérir en même temps son corps et son âme. Quelques jours après, dans le temps qu'il redoublait ses prières avec une nouvelle ferveur, le Saint lui apparut, et lui dit ces paroles: « Joseph, le Seigneur vous rendra l'usage de la parole, quoique par un juste jugement, vous eussiez dû en être privé pour le reste de votre vie; mais il veut que vous ne vous en serviez que pour travailler à sa gloire. N'en abusez donc jamais pour l'offenser; il faut que cette grâce soit le principe de votre salut, et qu'elle vous conduise au plus haut degré de la perfection religieuse: vous serez obligé de renouveler chaque jour la résolution que vous avez déjà prise de vivre avec plus de ferveur; ne vous laissez pas effrayer par les difficultés, je serai toujours votre guide et votre protecteur ». Le même Saint lui prédit, dans une autre apparition, qu'il serait bientôt en état d'entreprendre un long voyage. Il le guérit ensuite miraculeusement de toutes ses infirmités, et le mit en état de se consacrer aux missions des îles Philippines, où il travailla long-temps et avec fruit à la conversion des idolâtres.
Pour le jour de la fête de saint Louis de Gonzague
Le 21 juin
Son Innocence
Le premier et le plus noble titre pour parvenir au bonheur du ciel, c'est l'innocence. Cette vertu peut se vanter d'être la plus fidèle au Dieu sanctificateur, la plus docile au Dieu rédempteur , et la plus chère au Dieu rémunérateur, puisqu'elle s'attache constamment et sans interruption à son service, avec une exactitude qui ne se dément jamais. « Qui sera digne de monter sur la montagne du Seigneur, et d'entrer dans son sanctuaire, demande le Prophète, et il répond que ce sera celui qui aura vécu dans l'innocence, ayant les mains nettes et le cœur pur ». Or, qui a jamais possédé cette belle et inestimable vertu dans un plus haut degré que saint Louis de Gonzague? Pénétrez jusque dans son cœur; examinez avec attention toutes les actions de sa vie; à peine y apercevez vous la plus petite tache et la plus légère imperfection: jugez de là quelle récompense il doit avoir reçue de ce Dieu libéral et magnifique, qui chérit si particulièrement les âmes pures. Saint Louis de Gonzague, admis à la participation de sa gloire, n'est-il pas en droit de lui dire: « C'est à cause de mon innocence que vous m'avez reçu dans votre saint tabernacle, pour y goûter à jamais la douceur ineffable de votre présence »? Heureux celui qui conserve son innocence, qui jouit d'une conscience pure et sans tache, et qui n'a point à se reprocher d'avoir violé la loi de Dieu par aucune infidélité. Si vous possédez encore ce rare trésor, remerciez-en le Seigneur, et craignez de le perdre; et si vous avez eu le malheur de souiller votre âme par la tache du péché, songez du moins à la purifier par les larmes de la componction.
Sa Pénitence
Il joignit au mérite de son innocence celui d'une pénitence rigoureuse; et s'il est vrai que le Seigneur nous tiendra compte dans l'autre vie d'un seul cheveu de notre tête que nous aurons sacrifié pour lui, selon cette parole: « Il ne se perdra pas un seul cheveu de votre tête », que sera-ce de tant de sang que ce Saint a versé en déchirant impitoyablement sa chair pour se mortifier? Que sera-ce de tant de veilles, de jeûnes, de macérations et d'austérités qu'il a pratiqués dès sa plus tendre enfance? Ne vous semble-t-il pas qu'il a mérité d'avoir place, dans le ciel, parmi les plus rigides anachorètes, dont la pénitence n'a peut-être pas égalé la sienne? Animez-vous donc sans cesse de la pratique de la mortification par la vue de la récompense qui vous est promise. Quoi de plus avantageux que d'acheter une éternelle félicité au prix de quelques souffrances passagères! « Nos afflictions présentes, dit l'apôtre saint Paul, qui ne durent qu'un instant et qui sont si légères, produisent en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire ».
Cette vertu sera proprement la mesure de notre récompense dans l'autre vie, puisqu'elle est comme l'âme et le fondement de notre mérite. C'est elle principalement qui lui donne ce prix, cette valeur, cette dignité qui nous attire la bienveillance du souverain Maître. Il nous apprend lui-même dans ses Ecritures, qu'il réserve ses trésors pour ceux qui l'aiment. Mon dessein, nous dit-il, est d'enrichir ceux qui m'aiment. Quel Saint l'a jamais plus aimé que saint Louis de Gonzague? Si vous me demandez quelle fut la durée de son amour, je vous répondrai qu'il l'aima depuis le premier instant qu'il eut l'usage de la raison, jusques au moment de sa mort. Si vous me demandez quelle en fut la mesure, je vous répondrai qu'il l'aima sans mesure; qu'il l'aima plus que tous les plaisirs , toutes les richesses, toutes les grandeurs de la terre, et plus que soi-même. Si vous me demandez quelle en fut la force et la véhémence, je vous répondrai qu'il fut si fort et si véhément qu'enfin il le consuma et le conduisit au tombeau, puisqu'il mourut victime de sa charité. Fut-il jamais un plus beau sacrifice, un holocauste plus agréable à Dieu et plus digne de lui? Faut-il s'étonner si sainte Madeleine de Pazzi, à qui le Seigneur découvrit un jour tout le bonheur dont saint Louis de Gonzague jouissait dans le ciel, s'écria que si elle ne l'avait pas vu, elle n'aurait jamais pu croire que la félicité des bienheureux fût si grande, si parfaite et si digne d'envie; ajoutant avec un transport d'admiration: Oh! qui pourrait dire combien il a aimé son Dieu sur la terre? N'est-il pas Juste que sa récompense soit proportionnée à la plénitude et à la perfection de son amour? Contemplez avec attention une gloire si sublime, si éclatante et si désirable, et prenez une ferme résolution d'aimer votre Dieu, non d'un amour passager, mais d'un amour constant et durable; d'un amour supérieur à tout autre sentiment; d'un amour, enfin, qui ne demeure pas renfermé dans votre cœur, mais qui se manifeste dans vos œuvres. « Aimez de toutes vos forces, dit le Sage, le Dieu qui vous a créé ».
Prière
Permettez-moi, grand Saint, de me prosterner aux pieds de ce trône de gloire, où le Seigneur vous a élevé dans le ciel. Permettez-moi de me réjouir avec vous de ce bonheur ineffable dont vous jouissez pour toujours. Je bénis mille fois la Très Sainte Trinité de la magnifique récompense dont elle a couronné vos vertus: vous êtes devenu l'objet de ses complaisances éternelles par votre innocence, par votre pénitence et par votre charité ; daignez jeter les yeux sur votre serviteur qui attend de votre protection tous les biens qui lui manquent. Etendez votre main sur le pauvre qui implore votre secours, afin d'exercer votre miséricorde et de répandre sur lui votre bénédiction; et que le premier fruit de votre protection soit de m'obtenir la grâce de mener uni: vie véritablement chrétienne, sans être arrêté par les difficulté qui s'y rencontrent. Oh! si je pouvais me résoudre à marcher sur vos traces, à ne rien désirer, à votre exemple, que Dieu et sa grâce! de tels sentiments me procureraient infailliblement le bonheur de régner un jour avec vous dans le ciel. Et alors quelle tendre reconnaissance n'aurais-je pas pour mon saint protecteur qui m'aurait aidé à mériter cette suprême félicité! C'est la grâce que j'espère de votre intercession. Ainsi soit-il.
Maximes de saint Louis de Gonzague, et pratiques de vertus
« Les Saints se plaisent à nous voir imiter leurs vertus. Ainsi quand nous voudrons obtenir de Dieu quelque vertu, il est à propos d'implorer la protection d'un Saint qui aura singulièrement excellé pendant sa vie dans la pratique de celte vertu. Les saints ont présentement un plus grand désir de la voir pratiquée, que tous les dévots qui sont sur la terre. C'est pourquoi; lorsque vous voulez imiter telle ou telle vertu de saint Louis de Gonzague, qui a excellé dans toutes, ayez recours à lui, et priez-le de vous obtenir de Dieu les forces nécessaires pour la bien pratiquer. Soyez sûr qu'il n'a point de plus grand désir que de vous exaucer toutes les fois que vous lui ferez une semblable prière. Les Saints sont comme le soleil, à qui l'on ne rend jamais un plus grand hommage que lorsqu'on s'empresse de se réchauffer à ses rayons. Salomon compare la vertu des Saints à la lumière du soleil ».
« Quand vous faites de bonnes œuvres,ne cherchez point à plaire aux hommes. Songez uniquement à plaire à Dieu; les yeux des hommes sont autant de voleurs qui ne cherchent qu'à vous dérober le trésor de vos mérites ». N'ayez donc que Dieu en vue dans toutes vos actions , sans aucun égard aux discours des hommes et à leurs vains jugements. L'approbation du Seigneur doit vous suffire ; celle des hommes ne serait qu'une récompense frivole, incertaine et passagère, qui ne mérite aucune attention. « Je mets mon bonheur, disait le Prophète, à m'attacher à Dieu, et à n'espérer qu'en lui seul »
« Les titres, les honneurs, les dignités, les biens de ce monde, donnent plus de satisfaction à celui qui les quitte pour Dieu qu'à celui qui vient à bout de les acquérir. Le Sage cherche plutôt à se décharger de ceux qu'il a qu'à se charger de ceux qu'il n'a pas. Heureux si vous parvenez à cette science sublime, qui fait regarder les plus grands biens de ce monde comme de pesants fardeaux qui nous abaissent vers la terre, et nous empêchent de nous élever vers le ciel! Pour arriver à ce haut degré de sa sagesse, n'appréciez jamais les objets que sur ce qu'ils sont eux-mêmes. Gardez-vous d'en juger sur les apparences. Ceux qui disaient : Heureux le peuple qui possède tant de richesses, étaient dans l'erreur. « Heureux, au contraire, disait le Prophète, le peuple qui aime son Seigneur et son Dieu ».
Exemple
La vie d'un gentilhomme allemand,nommé Wolfang de Asch, fut remplie de merveilles opérées en sa faveur par l'intercession de saint Louis de Gonzague. Ayant eu le malheur de perdre la vue dans le temps qu'il étudiait à Munich, il eut recours au Saint qui lui procura une guérison miraculeuse. Une si grande faveur lui inspira une dévotion tendre pour un protecteur si puissant auprès de Dieu. Il résolut dès-lors de l'honorer particulièrement et de l'invoquer avec une foi vive et une ferme confiance, et il continua d'éprouver dans toute la suite de sa vie les effets les plus salutaires de son pouvoir. Il fit trois voyages à Rome pour aller visiter son tombeau, et le Saint lui apparut en plusieurs occasions pour l'avertir des dangers dont il était menacé, ou pour le délivrer de ceux auxquels il se trouvait exposé.
Acte de consécration à Saint Louis de Gonzague
Grand saint Louis de Gonzague, vous qu'une pureté angélique a rendu si agréable aux yeux de Dieu et si cher à la Reine des vierges, je me mets spécialement sous votre protection, et je vous choisis aujourd'hui, à la face du ciel, en présence de la bienheureuse Vierge Marie et de toute la cour céleste, pour mon patron et mon intercesseur auprès de Dieu; soyez, je vous en conjure, le défenseur et le gardien de mon innocence, mon guide et mon conseil dans le choix d'un état de vie. O vous qui êtes un modèle accompli de toutes les vertus , obtenez-moi la grâce d'imiter votre ferveur, votre pureté, votre modestie et toutes les vertus que je dois pratiquer dans mon état. Daignez, grand Saint, être l'ange tutélaire de mes jours et mon guide dans les voies du salut. Faites, ô mon aimable protecteur! que, vous étant particulièrement dévoué par cette consécration que je vous fais de moi-même, j'éprouve les effets de votre protection spéciale pendant tout le cours de ma vie, et surtout à ce terrible moment qui décidera de mon éternité. Ainsi soit-il.
Autre acte de consécration
Très Saint Louis de Gonzague, mon aimable patron, je me confie et me remets entièrement sous votre protection, comptant particulièrement sur votre bienveillance. Daignez me mettre au nombre de vos plus chers clients; et que le premier effet de votre singulière protection soit de m'obtenir du Seigneur la grâce d'être toute ma vie le parfait imitateur de vos vertus, et surtout de votre persévérance. Répandez dans mon cœur quelques gouttes de cette tendre dévotion dont le vôtre était inondé, afin que je ne cesse jamais d'aimer mon Dieu et de chanter ses louanges. Obtenez-moi surtout de mon Sauveur et de la Très Sainte Vierge sa mère, ange de mœurs sur la terre , cette pureté angélique qui a fait votre caractère, et qu'elle fasse le mien. Assistez-moi surtout à l'heure de la mort, par une protection particulière, en me préservant de tout danger de mon salut, afin que sous la protection spéciale de la très-sainte Vierge, de mon bon ange et de tous les Saints, je puisse me présenter pur et sans tache, au souverain Juge, avec confiance en sa divine miséricorde, et avoir le bonheur de louer Dieu mon Créateur et mon Sauveur avec vous durant toute l'éternité. Ainsi soit-il.
Téléchargez l'intégralité des 6 Dimanches de St Louis de Gonzague (pdf) en cliquant ici