Chemin
de Croix
Méditations
du Vénérable Jean Paul II
Le
Vendredi-Saint de l'An 2000, année sainte
Au
nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen.
« Si
quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même,
qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ». (Mt 16, 24)
Depuis
vingt siècles, l'Église se rassemble en cette soirée, pour se
rappeler et pour revivre les événements de l'ultime étape du
chemin terrestre du Fils de Dieu. Aujourd'hui, comme chaque année,
l'Église qui est à Rome se réunit au Colisée, pour se mettre à
la suite de Jésus qui, « portant lui-même sa croix, sortit en
direction du lieu dit: le Crâne, ou Calvaire, en hébreu: Golgotha »
(Jean 19, 17). Nous nous trouvons ici, convaincus que le chemin de
croix du Fils de Dieu ne fut pas le simple fait de marcher vers le
lieu de son supplice. Nous croyons que chaque pas du Condamné,
chacun de ses gestes et chacune de ses paroles, et aussi ce qu'ont
vécu et accompli ceux qui ont pris part à ce drame, nous parlent
continuellement. C’est aussi dans sa souffrance et dans sa mort que
le Christ nous révèle la vérité sur Dieu et sur l'homme. En
cette année jubilaire, nous voulons réfléchir avec une intensité
particulière sur le contenu de cet événement, afin qu'il parle
avec une force nouvelle à nos esprits et à nos cœurs, et qu’il
devienne pour nous source de la grâce d'une authentique
participation. Participer signifie avoir part. Que
veut dire avoir part à la croix du Christ ? Cela veut dire faire
l'expérience dans l'Esprit Saint de l'amour que la croix du Christ
cache en elle. Cela veut dire reconnaître, à la lumière de cet
amour, sa propre croix. Cela veut dire la prendre sur ses épaules
et, toujours en vertu de cet amour, marcher... Marcher tout au long
de la vie, en imitant Celui qui « endura une croix, dont il
méprisa l'infamie, et qui est assis désormais à la droite du trône
de Dieu » (Hébreux 12, 2).
Prions
Seigneur
Jésus Christ, remplis nos cœurs de la lumière de ton Esprit, afin
que, te suivant sur ton ultime chemin, nous connaissions le prix de
notre rédemption et devenions dignes de participer aux fruits de ta
passion, de ta mort et de ta résurrection. Amen.
Première
station
Jésus
est condamné à mort
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Es-tu
le roi des Juifs ? » (Jean 18, 33). « Ma royauté ne
vient pas de ce monde; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais
des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux
Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici » (Jean 18, 36).
Pilate ajouta : « Alors, tu es roi? » Jésus répondit:
« C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu
dans le monde pour ceci: rendre témoignage à la vérité. Tout
homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Pilate
répliqua: « Qu'est-ce que la vérité? ». À ce point,
le Procureur romain considéra l'interrogatoire comme terminé. Il
alla chez les Juifs et leur dit: « Moi, je ne trouve en lui
aucun motif de condamnation » (Jean 18, 37- 38). Le drame de
Pilate se cache dans la question: « Qu'est-ce que la vérité? »
Ce n'était pas une question philosophique sur la nature de la
vérité, mais une question existentielle sur son rapport à la
vérité. C'était une tentative de se dérober à la voix de sa
conscience qui lui ordonnait de reconnaître la vérité et de la
suivre. L'homme qui ne se laisse pas conduire par la vérité se
dispose même à émettre une sentence de condamnation à l'égard
d'un innocent. Les accusateurs devinent cette faiblesse de Pilate et
c'est pourquoi ils ne cèdent pas. Avec détermination ils réclament
la mort en croix. Les demi-mesures auxquelles Pilate a recours ne
l'aident pas. La peine cruelle de la flagellation infligée à
l'Accusé n'est pas suffisante. Quand le Procureur présente à la
foule Jésus flagellé et couronné d'épines, il semble chercher une
parole qui, à son avis, devrait faire céder l'intransigeance de la
foule. Montrant Jésus, il dit: « Ecce homo! Voici l'homme! »
Mais la réponse est: « Crucifie-le, crucifie-le! »
Pilate cherche alors à discuter: « Reprenez-le, et
crucifiez-le vous-mêmes; moi, je ne trouve en lui aucun motif de
condamnation » (Jean 19, 5-6). Il est toujours plus convaincu
que l'Accusé est innocent, mais cela ne lui suffit pas pour émettre
une sentence d'acquittement. Les accusateurs recourent à l'ultime
argument: « Si tu le relâches, tu n'es pas ami de l'empereur.
Quiconque se fait roi s'oppose à l'empereur » (Jean 19, 12).
La menace est claire. Devinant le danger, Pilate cède définitivement
et émet la sentence. Mais non sans faire le geste lâche de se laver
les mains: « Je ne suis pas responsable du sang de cet homme;
cela vous regarde! » (Mt 27, 24). C'est de cette façon que
Jésus a été condamné à la mort sur une croix, Lui le Fils du
Dieu vivant, le Rédempteur du monde. Tout au long des siècles, la
négation de la vérité a engendré souffrance et mort. Ce sont les
innocents qui paient le prix de l'hypocrisie humaine. Les
demi-mesures ne sont pas suffisantes. Il ne suffit pas non plus de se
laver les mains. La responsabilité pour le sang du juste demeure.
C'est pour cela que le Christ a prié avec tant de ferveur pour ses
disciples de tous les temps: « Père, consacre-les par la
vérité: ta parole est vérité » (Jean 17, 17).
Prière
Ô
Christ, toi qui as accepté une condamnation injuste, accorde-nous,
ainsi qu’à tous les hommes de notre temps, la grâce d'être
fidèles à la vérité; ne permets pas que le poids de la
responsabilité pour la souffrance des innocents retombe sur nous et
sur ceux qui viendront après nous. À toi, Jésus, juste Juge,
l’honneur et la gloire pour les siècles sans fin. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis: sanctificetur nomen tuum; adveniat regnum
tuum; fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra. Panem nostrum
cotidianum da nobis hodie; et dimitte nobis debita nostra, sicut et
nos dimittimus debitoribus nostris; et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo. Amen.
Notre
Père, qui êtes aux Cieux, que Votre Nom soit sanctifié, que Votre
Règne arrivé, que Votre Volonté soit accomplie sur la terre comme
au Ciel, donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour,
pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous
ont offensés, ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais
délivrez-nous du mal. Amen.
Stabat
mater dolorosa,
iuxta
crucem lacrimosa,
dum
pendebat Filius.
Debout,
la Mère douloureuse,
près
de la Croix était en larmes,
devant
son Fils suspendu.
Deuxième
station
Jésus
est chargé de sa croix
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
La
croix. Instrument de mort infamante. Il n'était
pas licite de condamner à la mort de la croix un citoyen romain:
c'était trop humiliant. Le moment où Jésus de Nazareth s'est
chargé de la croix pour la porter sur le Calvaire marque un tournant
dans l'histoire de la croix. Signe d'une mort infamante, réservée à
la catégorie la plus basse des hommes, la croix devient une clé.
Désormais, avec l'aide de cette clé, l'homme ouvrira la porte des
profondeurs du mystère de Dieu. Par le geste du Christ qui accepte
la croix, instrument de son dépouillement, les hommes sauront que
Dieu est amour. Amour sans limites: « Dieu a tant aimé le
monde qu'il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en
lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle » (Jean
3, 16). Cette vérité sur Dieu s'est révélée par la croix. Ne
pouvait-elle pas se révéler d'une autre façon ? Peut-être que
oui. Toutefois Dieu a choisi la croix. Le Père a choisi la croix
pour son Fils, et le Fils l'a prise sur ses épaules, il l'a portée
sur le Calvaire et sur elle il a offert sa vie. « Sur la croix
il y a la souffrance, sur la croix il y a le salut, sur la croix il y
a une leçon d'amour. Ô Dieu, celui qui une fois t'a compris ne
désire rien d'autre, ne cherche rien d'autre » (Chant polonais
de Carême). La Croix est signe d'un amour sans limites!
Prière
Ô
Christ, toi qui acceptes la croix de la main des hommes, pour en
faire le signe de l'amour salvifique de Dieu pour l'homme,
accorde-nous, ainsi qu'à tous les hommes de notre temps, la grâce
de la foi en cet amour infini, afin que, en transmettant au nouveau
millénaire le signe de la croix, nous soyons des témoins
authentiques de la Rédemption. À toi, Jésus, prêtre et victime,
la louange et la gloire pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Cuius
animam gementem,
contristatam
et dolentem,
pertransivit
gladius.
Dans
son âme qui gémissait,
toute
brisée, endolorie,
le glaive était enfoncé.
Troisième
station
Jésus
tombe pour la première fois
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Dieu
a pris sur lui nos péchés à nous tous » (Isaïe 53, 6).
« Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait
son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos
fautes à nous tous » (Isaïe 53, 6) Jésus tombe sous la
croix. Cela arrivera par trois fois sur le chemin relativement bref
de la « Via Dolorosa ». Il tombe d'épuisement. Le corps
ensanglanté par la flagellation, la tête couronnée d'épines. Tout
cela fait que les forces lui manquent. Il tombe, et la croix
de tout son poids l'écrase contre terre. Il faut revenir aux paroles
du prophète qui, des siècles auparavant, entrevoit cette chute.
C'est comme s'il la contemplait de ses propres yeux: devant le
Serviteur du Seigneur à terre sous le poids de la croix, il montre
la vraie cause de sa chute: « Dieu a pris
sur lui nos péchés à nous tous ». Ce sont les péchés qui
ont écrasé contre terre le divin Condamné. Ce sont eux qui ont
déterminé le poids de la croix qu'il portait sur ses épaules. Ce
sont les péchés qui ont provoqué sa chute. Le Christ péniblement
se relève pour reprendre le chemin. Les soldats qui l'escortent
cherchent à le stimuler par des cris et des coups. Après un moment
le cortège repart. Jésus tombe et se relève. C’est ainsi que le
Rédempteur du monde s'adresse sans prononcer un mot à tous ceux qui
tombent. Il les exhorte à se relever. « Dans son corps, il a
porté nos péchés sur le bois de la croix, afin que nous puissions
mourir à nos péchés et vivre dans la justice. Par ses blessures,
nous sommes guéris » (1 Pierre 2, 24).
Prière
Ô
Christ, toi qui es tombé sous le poids de nos fautes et qui t'es
relevé pour notre justification, nous t’en prions, aide-nous,
ainsi que tous ceux qui sont écrasés par le péché, à nous
remettre debout et à reprendre le chemin. Donne-nous la force de
l'Esprit, pour porter avec Toi la croix de notre faiblesse. À toi,
Jésus, écrasé sous le poids de nos fautes, notre louange et notre
amour pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
O
quam tristis et afflicta,
fuit
illa benedicta,
mater
Unigeniti !
Qu'elle
était triste et affligée,
la
Mère entre toutes bénie,
la Mère du Fils unique !
Quatrième
station
Jésus
rencontre sa mère
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Sois
sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici
que tu vas concevoir et enfanter un fils; tu lui donneras le nom de
Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut; le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il régnera
pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n'aura pas de
fin » (Luc 1, 30-33). Marie se remémorait de ces paroles. Elle
y revenait souvent dans le secret de son cœur. Quand, sur le chemin
de la croix, elle rencontra son Fils, peut-être justement ces
paroles lui revinrent-elles à l'esprit. Avec une force particulière.
« Il régnera... Et son règne n'aura pas de fin... »,
avait dit le messager céleste. Maintenant, alors qu'elle voit son
Fils, condamné à mort, porter la croix sur laquelle il devra
mourir, elle pourrait se demander humainement parlant : Comment donc
ces paroles peuvent-elles se réaliser ? De quelle façon
régnera-t-il sur la maison de David ? Et comment se pourra-t-il que
son règne n'ait pas de fin ? Humainement parlant, ces questions
peuvent se comprendre. Cependant Marie se souvient qu'alors, après
avoir entendu l’annonce de l’ange, elle avait répondu: « Voici
la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole »
(Luc 1, 38). Maintenant elle voit que cette parole se réalise comme
parole de la croix. Parce qu'elle est mère, Marie souffre
profondément. Toutefois, maintenant aussi elle répond comme elle
avait répondu alors à l'Annonciation: « Que tout se passe
pour moi selon ta parole ». De cette façon, elle prend
maternellement dans ses bras la croix avec le divin Condamné. Sur le
chemin de la croix, Marie se manifeste comme Mère du Rédempteur du
monde. « Vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez
s'il est une douleur pareille à la douleur qui me tourmente »
(Lamentations de Jérémie 1, 12). C'est la Mère des Douleurs qui
parle, la Servante qui obéit jusqu'au bout, la Mère du Rédempteur
du monde.
Prière
Ô
Marie, toi qui as parcouru le chemin de la croix avec ton Fils,
déchirée de douleur dans ton cœur de mère, mais te souvenant
toujours de ton fiat et intimement convaincue que Celui à qui rien
n'est impossible saurait réaliser ses promesses, implore pour nous
et pour les hommes des générations futures la grâce de l'abandon à
l'amour de Dieu. Fais que, face à la souffrance, au refus, à
l'épreuve, même prolongée et violente, nous ne doutions jamais de
son amour. À Jésus, ton Fils, honneur et gloire pour les siècles.
Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Quæ
mærebat et dolebat,
pia
mater, cum videbat
Nati
pœnas incliti.
Qu'elle
avait mal, qu'elle souffrait
la tendre Mère, en contemplant
son
divin Fils tourmenté !
Cinquième
station
Simon
de Cyrène aide Jésus à porter sa croix
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Ils
réquisitionnèrent Simon » (Marc 15, 21). Les soldats romains
firent ainsi, craignant que le Condamné épuisé ne parvienne pas à
porter la croix jusqu’au Golgotha. Ils n’auraient pas pu exécuter
la sentence de crucifixion portée sur lui. Ils cherchaient un homme
qui l’aidât à porter la croix. Leur regard se posa sur Simon. Ils
le réquisitionnèrent pour le charger de ce poids. On peut imaginer
qu’il ne fut pas d’accord et qu’il s’y opposa. Porter avec un
condamné sa croix pouvait être considéré comme une offense à la
dignité d’un homme libre. Bien qu’à contrecœur, Simon prit la
croix pour aider Jésus. Dans un chant de Carême résonnent ces
paroles: « Sous le poids de la croix, Jésus accueille le
Cyrénéen ». Ce sont des paroles qui laissent entrevoir un
changement total de perspective : le divin Condamné apparaît comme
quelqu’un qui, en un certain sens, «fait don» de la croix.
N’est-ce pas lui qui a dit: « Celui qui ne prend pas sa croix
et ne me suit pas n’est pas digne de moi » (Matthieu 10, 38)?
Simon reçoit un don. Il en est devenu « digne ». Ce qui
aux yeux de la foule pouvait offenser sa dignité lui a, au
contraire, conféré une nouvelle dignité dans la perspective de la
Rédemption. Le Fils de Dieu l’a fait participer d’une manière
singulière à son œuvre salvifique. Simon en est-il conscient?
L’évangéliste Marc identifie Simon de Cyrène comme étant le
« père d’Alexandre et de Rufus » (15, 21). Si les fils
de Simon de Cyrène étaient connus de la première communauté
chrétienne, on peut penser que lui aussi, précisément tandis qu’il
portait la croix, a cru au Christ. Il passa librement de la
contrainte à la disponibilité, comme s’il avait été intimement
touché par ces paroles: « Celui qui ne prend pas sa croix et
ne me suit pas n’est pas digne de moi ». Alors qu’il
portait la croix, il fut introduit à la connaissance de l’évangile
de la croix. Depuis lors, cet évangile parle à de nombreuses
personnes, innombrables Cyrénéens appelés au cours de l’histoire
à porter la croix avec Jésus.
Prière
Ô
Christ, qui as conféré à Simon de Cyrène la dignité de porter ta
croix, accueille-nous aussi sous son poids, accueille tous les hommes
et donne à chacun la grâce de la disponibilité. Fais que nous ne
détournions pas notre regard de ceux qui sont accablés par la croix
de la maladie, de la solitude, de la faim, de l’injustice. Fais
que, portant les poids les uns des autres, nous devenions témoins de
l’évangile de la croix, des témoins véritablement crédibles de
toi, qui vis et règnes pour les siècles des siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Quis
est homo qui non fleret,
matrem
Christi si videret
in
tanto supplicio ?
Quel
est celui qui sans pleurer,
pourrait voir la Mère du Christ
dans
un supplice pareil ?
Sixième
station
Véronique
essuie le visage de Jésus
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia
per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
Véronique
ne figure pas dans les Évangiles. Ce nom n’y est pas mentionné,
bien qu’il y ait celui de différentes femmes qui apparaissent aux
côtés de Jésus. Il se peut donc que le nom
exprime plutôt ce que fit cette femme. En effet, selon la tradition,
sur le chemin du Calvaire une femme se fraya un chemin parmi les
soldats qui escortaient Jésus et, avec un voile, elle essuya la
sueur et le sang du visage du Seigneur. Ce visage resta imprimé sur
le voile; un reflet fidèle - une «icône véritable». C’est à
cela qu’on lierait le nom même de Véronique. S’il en est ainsi,
ce nom, qui rend mémorable le geste accompli par cette femme,
renferme en même temps la plus profonde vérité sur elle. Un jour,
suscitant les critiques de l’assistance, Jésus prit la défense
d’une femme pécheresse qui avait versé sur ses pieds de l’huile
parfumée et qui les avait essuyés avec ses cheveux. À l’objection
qui lui fut faite alors, il répondit: « Pourquoi tourmenter
cette femme? C’est une action charitable qu’elle a faite à mon
égard [...]. Si elle a versé ce parfum sur mon corps, c’est en
vue de mon ensevelissement » (Matthieu 26, 10. 12). On pourrait
aussi appliquer ces paroles à Véronique. Ainsi est
manifestée la portée profonde de cet événement. Le Rédempteur du
monde donne à Véronique une image authentique de son visage. Le
voile sur lequel reste imprimé le visage du Christ devient un
message pour nous. Il dit en un sens: Voilà comment toute action
bonne, tout geste de véritable amour envers le prochain renforce en
celui qui l’accomplit la ressemblance avec le Rédempteur du monde.
Les actes d’amour ne passent pas. Tout geste de
bonté, de compréhension, de service, laisse dans le cœur de
l’homme un signe indélébile, qui le rend toujours plus semblable
à Celui qui « se dépouilla lui-même, en prenant la condition
de serviteur » (Philippiens 2, 7). Ainsi se forme l’identité
de l’homme, son vrai nom.
Prière
Seigneur
Jésus Christ, Toi qui as accepté le geste désintéressé d’amour
d’une femme et qui en retour as fait en sorte que les générations
s’en souviennent avec le nom de ton visage, fais que nos actions,
et celles de tous ceux qui viendront après nous, nous rendent
semblables à toi et laissent au monde le reflet de ton amour infini.
À toi, Jésus, splendeur de la gloire du Père, louange et gloire
pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Quis
non posset contristari
Christi
matrem contemplari,
dolentem
cum Filio?
Qui
pourrait sans souffrir comme elle
contempler
la Mère du Christ,
douloureuse
avec son Fils?
Septième
station
Jésus
tombe une deuxième fois
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Et
moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens, rejeté par
le peuple » (Psaume 21 [22], 7). Ces paroles du psaume viennent
à l’esprit tandis que nous regardons Jésus qui, pour la deuxième
fois, tombe sous la croix. Voici que, dans la poussière de la terre,
gît le Condamné. Écrasé sous le poids de la croix. Ses forces
l’abandonnent toujours davantage. Mais, à grand peine, il se
relève pour continuer son chemin. Que signifie pour nous, hommes
pécheurs, cette deuxième chute ? Plus encore que la première, elle
semble nous exhorter à nous relever, à nous relever une nouvelle
fois sur notre chemin de croix. Cyprian Norwid a écrit: « Non
pas derrière nous-mêmes avec la croix du Sauveur, mais derrière le
Sauveur avec notre croix ». Maxime brève mais qui en dit long.
Elle explique en quel sens le christianisme est la religion de la
croix. Elle laisse entendre que tout homme rencontre ici-bas le
Christ qui porte la croix et qui tombe sous son poids. À son tour,
sur le chemin du Calvaire, le Christ rencontre tout homme et, tombant
sous le poids de la croix, il ne cesse d’annoncer la Bonne
Nouvelle. Depuis deux mille ans, l’évangile de la croix parle à
l’homme. Depuis vingt siècles, le Christ qui se relève de la
chute rencontre l’homme qui tombe. Tout au long de ces deux
millénaires, beaucoup en ont fait l’expérience: tomber ne
signifie pas la fin du chemin. En rencontrant le Sauveur, ils se sont
sentis rassurés par Lui: « Ma grâce te suffit: ma puissance
donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12,
9). Ils se sont relevés réconfortés et ils ont transmis au monde
la parole de l’espérance qui jaillit de la croix. Aujourd’hui,
une fois franchi le seuil du nouveau millénaire, nous sommes appelés
à approfondir le contenu de cette rencontre. Il faut que notre
génération transmette aux siècles futurs la bonne nouvelle de
notre relèvement dans le Christ.
Prière
Seigneur
Jésus Christ, toi qui tombes sous le poids du péché de l’homme
et qui te relèves pour le prendre sur toi et l’effacer,
donne-nous, à nous hommes faibles, la force de porter la croix de
chaque jour et de nous relever de nos chutes, pour transmettre aux
générations qui viendront l’Évangile de ta puissance salvifique.
À toi, Jésus, soutien de notre faiblesse, la louange et la gloire
pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Pro
peccatis suæ gentis,
vidit
Iesum in tormentis,
et
flagellis subditum.
Pour
les péchés de tout son peuple
elle le vit dans ses tourments,
subissant
les coups de fouet.
Huitième
station
Jésus
console les femmes de Jérusalem
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia
per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
« Femmes
de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi! Pleurez sur vous-mêmes et sur
vos enfants! Voici venir des jours où l’on dira: « Heureuses
les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui
n’ont pas allaité! » Alors on dira aux montagnes: « Tombez
sur nous », et aux collines: « Cachez-nous ». Car
si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec
? » (Luc 23, 28-31).Ce sont là les paroles de Jésus aux
femmes de Jérusalem qui pleuraient, exprimant ainsi leur compassion
pour le Condamné. « Ne pleurez pas sur moi! Pleurez sur
vous-mêmes et sur vos enfants! » À ce moment-là, il était
certainement difficile de comprendre le sens de ces paroles. Elles
contenaient une prophétie, qui devait se vérifier rapidement. Peu
avant, Jésus avait pleuré sur Jérusalem, annonçant l’horrible
sort qui la frapperait. Maintenant, il semble se référer à cette
prédiction: « Pleurez sur vos enfants... » Pleurez,
parce qu’ils seront, eux précisément, témoins et participants de
la destruction de Jérusalem, de cette Jérusalem qui « n’a
pas reconnu le moment où Dieu la visitait » (Luc 19, 44). Si,
tandis que nous suivons Jésus sur le chemin de la croix, s’éveille
en nos cœurs la compassion pour sa souffrance, nous ne pouvons pas
oublier cet avertissement. « Si l’on traite ainsi l’arbre
vert, que deviendra l’arbre sec? » Pour notre génération,
qui est au tournant d’un millénaire, plutôt que de pleurer sur le
Christ martyrisé, c’est l’heure de «reconnaître le temps où
elle est visitée». Déjà resplendit l’aurore de la Résurrection.
« C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le
jour du salut » (2 Colossiens 6, 2). À chacun de nous,
le Christ adresse ces paroles de l’Apocalypse: « Voici que je
me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et
ouvre la porte, j’entrerai chez lui; je prendrai mon repas avec
lui, et lui avec moi. Le vainqueur, je le ferai siéger près de moi
sur mon Trône, comme moi-même, après ma victoire, je suis allé
siéger près de mon Père sur son Trône » (3, 20-21).
Prière
Ô
Christ, toi qui es venu en ce monde pour visiter tous ceux qui
attendent le salut, fais que notre génération reconnaisse le temps
où elle est visitée et qu’elle ait part aux fruits de ta
Rédemption. Ne permets pas qu’il faille pleurer sur nous et sur
les hommes du nouveau siècle parce que nous avons repoussé la main
du Père miséricordieux. À toi, Jésus, né de la Vierge Fille de
Sion, honneur et gloire pour les siècles éternels. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Tui
Nati vulnerati,
tam
dignati pro me pati,
pœnas
mecum divide.
Ton
enfant n'était que blessures,
lui qui daigna souffrir pour moi;
donne-moi part à ses peines.
Neuvième
station
Jésus
tombe pour la troisième fois
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
Voilà
de nouveau le Christ tombé à terre sous le poids de la croix. La
foule, curieuse, regarde s’il aura encore la force de se relever.
Saint Paul écrit: « Lui qui était dans la condition de Dieu,
il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à
l’égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla en prenant la
condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme
un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en
devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix »
(Philippiens 2, 6-8). Voilà précisément ce que semble exprimer la
troisième chute: le dépouillement, la kénose, du Fils de Dieu,
l’humiliation sous la croix. Jésus avait dit à ses disciples
qu’il était venu non pour être servi mais pour servir (Matthieu
20, 28). Au Cénacle, en s’abaissant jusqu’à terre et en leur
lavant les pieds, il avait d’une certaine manière voulu les
habituer à cette humiliation de sa personne. En tombant à terre
pour la troisième fois sur le chemin de la croix, il nous crie
encore à pleine voix son mystère. Écoutons sa voix! Ce Condamné,
qui succombe sous le poids de la croix tout près du lieu de son
supplice, nous dit: « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la
Vie » (Jean 14, 6). « Celui qui me suit ne marchera pas
dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie » (Jean 8,
12). Ne soyons pas troublés à la vue d’un Condamné qui tombe à
terre, épuisé sous la croix. Cette manifestation extérieure de la
mort qui s’approche cache la lumière de la vie.
Prière
Seigneur
Jésus Christ, toi qui, par ton humiliation sous la croix, as révélé
au monde le prix de sa rédemption, donne aux hommes du troisième
millénaire la lumière de la foi, afin que, reconnaissant en toi le
Serviteur souffrant de Dieu et de l’homme, ils aient le courage de
suivre le même chemin qui, par la croix et le dépouillement,
conduit à la vie éternelle. À toi, Jésus, soutien de notre
faiblesse, honneur et gloire pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Eia,
mater, fons amoris,
me
sentire vim doloris
fac,
ut tecum lugeam.
Daigne,
ô Mère, source d'amour,
me faire éprouver tes souffrances
pour que je pleure avec toi.
Dixième
station
Jésus
est dépouillé de ses vêtements, abreuvé de vinaigre et de fiel
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Il
en goûta, mais ne voulut pas boire » (Matthieu 27, 34). Il ne
veut pas de calmants, qui auraient obscurci sa conscience durant
l’agonie. Il voulait agoniser sur la croix en toute conscience, en
accomplissant la mission reçue de son Père. C’était contraire
aux méthodes en usage chez les soldats chargés de l’exécution.
Chargés de clouer le condamné sur la croix, ils cherchaient à
diminuer sa sensibilité et sa conscience. Dans le cas du Christ, il
ne pouvait en être ainsi. Jésus sait que sa mort en croix doit être
un sacrifice d’expiation. C’est pourquoi il veut garder sa
conscience éveillée jusqu’à la fin. Privé de celle-ci, il
n’aurait pas pu, de façon totalement libre, accepter la pleine
mesure de sa souffrance. Il doit monter sur la croix pour offrir le
sacrifice de la Nouvelle Alliance. Il est Prêtre. Il doit entrer,
par son propre sang, dans les demeures éternelles, après avoir
accompli la rédemption du monde (Hébreux 9, 12). Conscience et
liberté: telles sont les caractéristiques imprescriptibles d’un
agir pleinement humain. Le monde connaît tant de moyens pour
affaiblir la volonté en obscurcissant la conscience! Il faut les
protéger jalousement contre toutes les violences! Même l’effort
légitime pour atténuer la souffrance doit toujours se faire dans le
respect de la dignité humaine. Il faut comprendre profondément le
sacrifice du Christ, il faut s’unir à lui pour ne pas céder, pour
ne pas permettre que la vie et la mort perdent leur valeur.
Prière
Seigneur
Jésus, Toi qui, avec un entier dévouement, as accepté de mourir
sur la croix pour nous sauver, fais que nous ayons part, ainsi que
tous les hommes du monde, à ton sacrifice sur la croix, afin que
notre existence comme nos actions expriment notre participation libre
et consciente à ton œuvre de salut. À toi, Jésus, Prêtre et
Victime, honneur et gloire pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Fac
ut ardeat cor meum
in
amando Christum Deum,
ut
sibi complaceam.
Fais
qu'en mon coeur brûle un grand feu
pour mieux aimer le Christ
mon dieu
et que je puisse lui plaire.
Onzième
station
Jésus
est cloué sur la croix
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia
per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
« Ils
me percent les mains et les pieds, je peux compter tous mes os »
(Psaume 21 (22), 17-18). Les paroles du prophète s’accomplissent.
L’exécution commence. Les coups des bourreaux écrasent les pieds
et les mains du Condamné sur le bois de la croix. Dans le creux des
mains, les clous sont fixés avec violence. Ces clous maintiendront
le condamné suspendu dans les tourments inexprimables de l’agonie.
Dans son corps, comme dans son esprit très sensible, le Christ
souffre d’une manière indicible. Avec lui, on crucifie deux vrais
malfaiteurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. La
prophétie s’accomplit: « Il a été compté avec les
pécheurs » (Isaïe 53, 12). Quand les bourreaux dresseront la
croix, alors commencera une agonie qui durera trois heures. Il faut
que s’accomplisse aussi cette parole: « Moi, quand j’aurai
été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes »
(Jean 12, 32). Qu’est-ce qui « attire » chez ce
Condamné en agonie sur la croix? Il est certain que l’image d’une
souffrance aussi intense éveille la compassion. Mais la compassion
ne suffit pas pour inciter à lier sa propre vie à Celui qui est
cloué à la Croix. Comment expliquer que, de génération en
génération, cette terrible vision ait pu attirer des foules
innombrables de personnes qui ont fait de la croix la caractéristique
de leur foi? D’hommes et de femmes qui, au cours des siècles, ont
vécu et ont donné leur vie en regardant ce signe? Du haut de la
croix le Christ attire par la puissance de l’amour, de l’Amour
divin, qui ne s’est pas soustrait au don total de soi; de l’Amour
infini, qui a élevé de terre sur l’arbre de la croix le poids du
corps du Christ, pour compenser le poids de l’antique faute; de
l’Amour sans limites, qui a comblé tout le manque d’amour et qui
a permis à l’homme de se réfugier à nouveau dans les bras du
Père miséricordieux. Que le Christ élevé sur la croix nous
attire, nous, hommes et femmes du nouveau millénaire! À l’ombre
de la croix, évivons dans l’amour comme le Christ nous a aimés et
s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait
lui plaire » (Ephésiens 5, 2).
Prière
Christ
élevé, Amour crucifié, remplis nos cœurs de ton amour, afin que
nous reconnaissions dans ta Croix le signe de notre rédemption et
que, attirés par tes blessures, nous vivions et mourions avec toi,
qui règnes avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et pour les
siècles des siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Sancta
mater, istud agas,
Crucifixi
fige plagas
cordi
meo valide.
Ô
sainte Mère, daigne donc
graver les plaies du Crucifié
profondément dans mon coeur.
Douzième
station
Jésus
meurt sur la croix
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem
tuam redemisti mundum.
« Père,
pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,
34). Au plus vif de la Passion, le Christ n’oublie pas l’homme,
et en particulier il n’oublie pas ceux qui sont la cause directe de
sa souffrance. Il sait que l’homme, plus que toute autre créature,
a besoin d’amour; qu’il a besoin de la miséricorde qui, en cet
instant, se répand sur le monde. « Amen, je te le déclare:
aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (Luc 23,
43). Jésus répond ainsi à la demande du malfaiteur suspendu à sa
droite: « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras
inaugurer ton Règne » (Luc 23, 42). La promesse d’une
nouvelle vie. Tel est le premier effet de la passion et de la mort
imminente du Christ. Une parole d’espérance pour l’homme. Au
pied de la croix se tenait sa Mère, et près d’elle le disciple,
Jean l’évangéliste. Jésus dit: « Femme, voici ton fils! »,
et au disciple: « Voici ta mère! » (Jean 19, 26-27).
« Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez
lui » (Jean 19, 27). C’est son testament pour les personnes
les plus chères à son cœur. Son testament pour l’Église. En
mourant, Jésus veut que l’amour maternel de Marie embrasse tous
ceux pour qui Il donne sa vie, l’humanité entière. Aussitôt
après, Jésus s’écrie: « J’ai soif » (Jean 19, 28).
Parole où transparaît la terrible soif qui brûle tout son corps.
C’est la seule parole qui manifeste directement sa souffrance
physique. Puis Jésus ajoute: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m’as-tu abandonné? » (Matthieu 27, 46; Psaume 21 (22), 2).
Il prie avec les paroles du psaume. Malgré sa teneur, la phrase met
en évidence son union profonde avec son Père. Dans les derniers
instants de sa vie sur la terre, Jésus se tourne vers son Père.
Désormais, le dialogue ne se déroulera plus qu’entre le Fils qui
meurt et le Père qui accepte son sacrifice d’amour. Quand arrive
la neuvième heure, Jésus s’écrie: « Tout est accompli! »
(Jean 19, 30). Voici l’heure où s’accomplit l’œuvre de la
rédemption. La mission pour laquelle il est venu sur la terre a
atteint son but. Le reste appartient au Père: « Père, entre
tes mains je remets mon esprit » (Luc 23, 46). Ayant dit cela,
il expira. « Le rideau du Temple se déchira en deux... »
(Luc 27, 51). Le « Saint des Saints » du Temple de
Jérusalem s’ouvre au moment même où y entre le Prêtre de la
Nouvelle et Éternelle Alliance.
Prière
Seigneur
Jésus Christ, Toi qui, au moment de l’agonie, n’es pas resté
indifférent au sort de l’homme et qui, dans ton dernier souffle as
confié avec amour à la miséricorde du Père les hommes et les
femmes de tous les temps avec leurs faiblesses et leurs péchés,
remplis-nous, nous-mêmes et les générations futures, de ton Esprit
d’amour, afin que notre indifférence ne rende pas vaine en nous
les fruits de ta mort. A toi, Jésus crucifié, sagesse et puissance
de Dieu, honneur et gloire pour les siècles éternels.
Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Vidit
suum dulcem Natum
morientem
desolatum,
dum
emisit spiritum.
Elle
vit son enfant très cher
mourir dans la désolation,
alors
qu'il rendait l'esprit.
Treizième
station
Jésus
est descendu de la croix et confié à sa Mère
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia
per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
O
quam tristis et afflicta,
fuit
illa benedicta,
Mater
Unigeniti.
Qu’elle
était triste et affligée,
la Mère entre toutes bénie,
la
Mère du Fils unique!
On
a remis entre les mains de la Mère le corps sans vie de son Fils.
Les Évangiles ne disent pas ce qu’elle a éprouvé en cet instant.
C’est comme si les Évangélistes, par ce silence, voulaient
respecter sa douleur, ses sentiments et ses souvenirs. Ou simplement
comme s’ils ne s’estimaient pas capables de les exprimer. C’est
seulement la dévotion séculaire qui a conservé l’image de la
«Pietà», fixant ainsi dans la mémoire du peuple chrétien
l’expression la plus douloureuse de cet ineffable lien d’amour,
né dans le cœur de la Mère le jour de l’Annonciation et mûri
dans l’attente de la naissance de son divin Fils. Cet amour s’est
révélé dans la grotte de Bethléem, il a déjà été soumis à
l’épreuve durant la présentation au Temple, il s’est approfondi
en même temps que les événements conservés et médités dans son
cœur (Luc 1, 37). Maintenant, ce lien étroit d’amour doit se
transformer en une union qui dépasse les frontières de la vie et de
la mort. Et il en sera ainsi tout au long des siècles: les hommes
s’arrêtent auprès de la statue de la Pietà de Michel-Ange,
s’agenouillent devant l’image de la Bienfaitrice Douloureuse
(Smetna Dobrodziejka) dans l’église des Franciscains à Cracovie,
devant la Mère des Sept Douleurs, Patronne de la Slovaquie, et ils
la vénèrent dans de nombreux sanctuaires à travers le monde
entier. Ils apprennent ainsi le difficile amour qui ne se dérobe pas
devant la souffrance, mais qui s’abandonne avec confiance à la
tendresse de Dieu, à qui rien n’est impossible (Luc 1, 37).
Prière
Salve,
Regina, Mater misericordiæ, vita dulcedo et spes nostra salve. Ad te
clamamus... illos tuos misericordes oculos ad nos converte et Iesum,
benedictum fructum ventris tui, nobis post hoc exilium ostende.
Obtiens-nous
la grâce de la foi, de l’espérance et de la charité, afin que,
comme toi, nous sachions nous aussi persévérer au pied de la croix
jusqu’à notre dernier souffle. À ton Fils, Jésus, notre Sauveur,
avec le Père et avec l’Esprit Saint, tout honneur et toute gloire
pour les siècles des siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Fac
me vere tecum flere,
Crucifixo
condolere,
donec
ego vixero.
Que
vraiment je pleure avec toi,
qu'avec le Christ en Croix je
souffre,
chacun des jours de ma vie!
Quatorzième
station
Le
corps de Jésus est mis au tombeau
Adoramus
te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia
per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
« Il
a été crucifié, est mort et a été enseveli... » Le corps
sans vie du Christ a été déposé dans le tombeau. Pourtant, la
pierre du tombeau n’est pas le sceau définitif de son œuvre. Le
dernier mot n’appartient pas au mensonge, à la haine et à l’abus
de pouvoir. Le dernier mot sera prononcé par l’Amour, qui est plus
fort que la mort. « Si le grain de blé tombé en terre ne
meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de
fruit » (Jean 12, 24). Le tombeau est la dernière étape de la
mort du Christ au cours de toute sa vie terrestre; c’est le signe
de son sacrifice suprême pour nous et pour notre salut. Très vite,
désormais, ce tombeau deviendra la première annonce de louange et
d’exaltation du Fils de Dieu dans la gloire du Père. «Il a été
crucifié, est mort et a été enseveli,(...) le troisième jour est
ressuscité des morts ». Avec la mise au tombeau du corps sans
vie de Jésus, au pied du Golgotha, l’Église commence la veillée
du Samedi saint. Marie conserve et médite au fond de son cœur la
passion de son Fils; les femmes se donnent rendez-vous le lendemain
matin après le sabbat, pour oindre le corps du Christ avec des
aromates; les disciples se rassemblent, en se cachant au Cénacle,
jusqu’à ce que le sabbat soit passé. Cette veillée s’achèvera
avec la rencontre près du tombeau, le tombeau vide du Sauveur. Alors
le tombeau, témoin muet de la résurrection, parlera. La pierre
roulée, l’intérieur vide, les bandelettes à terre, voilà ce que
verra Jean, arrivé au tombeau avec Pierre: « Il vit et il
crut » (Jean 20, 8). Et avec lui l’Église crut, elle qui,
depuis ce moment-là, ne se lasse pas de transmettre au monde cette
vérité fondamentale de sa foi: « Le Christ est ressuscité
d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier
ressuscité » (1 Corinthiens 15, 20). Le tombeau vide est le
signe de la victoire définitive de la vérité sur le mensonge, du
bien sur le mal, de la miséricorde sur le péché, de la vie sur la
mort. Le tombeau vide est le signe de l’espérance qui « ne
trompe pas » (Romains 5, 5). « Par notre espérance, nous
avons déjà l’immortalité » (Sagesse 3, 4).
Prière
Seigneur
Jésus Christ, toi qui, dans la puissance de l’Esprit Saint, as été
conduit par le Père des ténèbres de la mort à la lumière d’une
vie nouvelle dans la gloire, fais que le signe du tombeau vide nous
parle, à nous et aux générations futures, et qu’il devienne
source de foi vive, de charité généreuse et de ferme espérance. À
toi, Jésus, présence cachée et victorieuse dans l’histoire du
monde, honneur et gloire pour les siècles. Amen.
Pater
noster, qui es in cælis...
Quando
corpus morietur,
fax
ut animæ donetur
paradisi
gloria. Amen.
Au
moment où mon corps mourra,
fais qu'à mon âme soit donnée
la
gloire du Paradis. Amen.
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