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  • La beauté élève l'âme... Par ces images volontairement sélectionnées, ainsi que par la récitation de ces prières, puissiez-vous avoir le désir de parvenir à Jésus et à la sainteté, but ultime de toute vie...
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20 février 2013

Les Vendredis de Saint Vincent Ferrier 3/3

Les Vendredis de Saint Vincent Ferrier

187

Deuxième partie

Les Sept Vendredis après la Fête de Saint Vincent Ferrier

 

Premier Vendredi

 

La neuvième perfection est d'avoir une mémoire continuelle et permanente des bienfaits reçus de Dieu jusqu'à ce jour par Notre-Seigneur Jésus-Christ.


Explication

 

Nous supposons l'âme exercée dans les vertus nécessaires pour être conforme au Seigneur Jésus-Christ, vertus qui sont : l'obéissance, la pauvreté, la charité et le mépris de soi-même. Suit maintenant un neuvième degré, qui consiste, dit le Saint, dans la mémoire des bienfaits et des grâces reçus de Dieu. Par ce souvenir votre âme, reconnaissant son ingratitude, la détestera, et ainsi vous pratiquerez l'abnégation de vous-mêmes. Vous croîtrez merveilleusement dans la connaissance de Dieu. La vue de sa libéralité et de sa bonté envers vous, vous inspirera une confusion salutaire. Alors vous vous anéantirez, en considérant toutes les grâces qu'il a faites à une créature si misérable. Dieu dit à l'âme par la bouche de son prophète : « Souviens-toi de Moi ». Et il donne à son serviteur Abraham, si désireux de sa perfection dans le bien, ce moyen : le souvenir de Dieu, par lequel il tiendra continuellement son esprit dans la pensée de son bienfaiteur, ajoutant que là se trouve le vrai chemin de la perfection : « Marche, lui dit-il, en Ma présence, et tu seras parfait ». (Genèse 17).


Pratique

 

Pour avoir cette mémoire des bienfaits de Dieu, il convient de se servir des moyens suivants : Voyez-vous une croix ? rappelez-vous aussitôt le bienfait de la rédemption. Voyez-vous des infirmes ? Rappelez-vous le don de la santé dont vous jouissez. Avez-vous devant les yeux un pauvre ? pensez que vous seriez encore plus pauvre sans les avantages temporels que Dieu vous dispense à pleines mains. Enfin, si vous entendez parler des chutes d'autrui, songez que vous feriez bien pire, si Dieu ne tenait sa sainte Main sur votre tête. Tel est le moyen de rappeler sans cesse à votre mémoire Dieu, votre grand bienfaiteur.


Prière au Saint

 

Quel modèle parfait de reconnaissance envers Dieu me présente votre vie admirable, ô Saint Vincent ! Si vous avez reçu du Ciel des grâces de choix, vous vous en êtes bien rendu digne par la correspondance que vous leur avez donnée. Votre fidélité à en témoigner une pieuse et sincère gratitude vous en attirait sans cesse de nouvelles. Et maintenant, quand je considère ma pauvreté spirituelle en présence des dons prodigieux dont la divine Providence s'est plu à vous combler, je me demande où est la source d'une misère si profonde. Votre doctrine, ô grand Saint, me la révèle; c'est une chose bien claire, mon indigence vient de mon ingratitude; non, je ne pense pas assez aux bienfaits de Dieu sur moi. Si je les considérais attentivement, mon cœur attendri se fondrait d'amour dans ma poitrine. Je vous prie donc humblement, ô mon doux protecteur, de m'obtenir de la Divine Miséricorde la grâce d'avoir toujours présentes devant les yeux les attentions de la Bonté infinie pour moi, soit dans l'ordre temporel, soit dans l'ordre spirituel. Que de bienfaits accumulés sur ma tête ! Biens du corps, biens de l'âme, préservation d'une multitude de dangers inconnus, vocation au christianisme, lumières de la foi, touches secrètes d'une grâce puissante, promesses d'une assistance continuelle, expectative certaine d'un bonheur sans fin, pourvu que je sois fidèle aux doux commandements de mon Dieu : voilà l'abrégé des grâces que le Seigneur m'accorde. Que vous êtes bon, ô Dieu d'Israël ! (Psaume 78) Que vous êtes magnifique envers vos enfants! A l'exemple de votre saint prédicateur, je chanterai éternellement vos miséricordes. (Psaume 88). Je bénirai le Seigneur en tout temps ; sa louange sera toujours sur mes lèvres. (Psaume 33). Non, mon Dieu, jamais je n'oublierai vos bienfaits, et je les célébrerai avec ardeur jusqu'au dernier jour de ma vie. Ainsi soit-il.


Entretien spirituel

 

A Valence, qui fut bien souvent le théâtre des plus éclatants miracles de notre Saint, il arriva que, passant un jour par une certaine rue, Saint Vincent entendit sortir d'une maison des voix bruyantes et des cris de rage, accompagnés de parjures, de blasphèmes et d'horribles imprécations. Le Saint, entrant dans cette maison, en vit sortir le chef de famille suffoqué par la colère, et il trouva sa femme qui continuait à le maudire et à vomir d'exécrables blasphèmes. Aussitôt Vincent entreprit de l'apaiser. Il lui demanda pourquoi elle était si furieuse, et pour quelle raison elle proférait des blasphèmes si détestables. La femme répondit en sanglotant : « Mon Père, ce n'est pas seulement aujourd'hui, mais tous les jours et à toutes les heures du jour, que ce malheureux homme, mon mari, vient me persécuter, et il n'en finit jamais de me battre cruellement et de me déchirer de ses coups ; ce n'est pas une vie, mon Père, c'est une mort continuelle, une damnation de l'âme, et un enfer pire que celui des démons ». « Non, ma fille, ne parlez pas ainsi, répondit le saint avec une extrême douceur; cette colère ne vous avance à rien, sinon qu'à offenser Dieu plus grandement encore, lui qui pour votre amour a souffert sur la croix et sur le calvaire ». « Mais, dites-moi de grâce, pour quelle raison votre mari vous persécute et vous maltraite de la sorte ? » « C'est que je suis laide, répondit la femme ». « Et c'est pour cela, répondit le saint, qu'il offense Dieu si fort ! » Alors, levant sa main droite sur le visage de cette femme, il ajouta : « Allons, ma fille, à présent vous ne serez plus laide ; mais rappelez-vous de servir Dieu et d'être une sainte ».

A l'instant même cette pauvre malheureuse devint la femme la plus belle qui se trouvât alors à Valence. Après cela, l'homme de Dieu l'exhorta avec beaucoup de gravité à servir le Seigneur bien fidèlement et à être sainte, l'assurant qu'à l'avenir son mari n'aurait plus occasion de l'injurier et de la maltraiter à cause de sa laideur. Ensuite il partit, content d'avoir ainsi retiré de cette maison l'occasion d'offenser Dieu aussi grièvement, et d'avoir remédié au sort éternel de cet homme qui maltraitait sa femme avec tant de cruauté. Ce miracle est devenu si célèbre en Espagne, que de nos jours encore, alors qu'on rencontre une femme difforme, on dit en manière de proverbe : « Cette femme aurait bien besoin de la main de Saint Vincent ».

A propos de ce grand miracle, nous ferons une observation nécessaire. La beauté corporelle en elle-même n'est pas une occasion de péché ; elle est un don de Dieu. Mais elle devient matière de péché quand une femme, par exemple, s'en fait un sujet d'orgueil et de pompe, quand elle cherche à l'accroître d'une façon immodérée par ses habillements vains, et pour une fin coupable, comme Saint Vincent lui-même nous en avertit. Ainsi, en donnant à la femme affligée la beauté nécessaire pour plaire à son mari, il lui dit qu'elle ait à devenir sainte et à se rappeler de servir Dieu fidèlement, c'est-à-dire de ne pas s'enorgueillir de ce don qu'elle venait de recevoir, de n'en pas faire étalage pour plaire aux autres, mais de le réserver pour son propre mari seulement. De cette façon la beauté du corps et celle de l'âme peuvent parfaitement rester unies dans une même personne, ainsi qu'on les a vues en sainte Catherine vierge et martyre, en sainte Cécile et en tant d'autres vierges saintes. Or, comme l'enseigne saint Vincent Ferrier, la beauté de la divine grâce conservée dans l'intérieur du cœur sert à accroître grandement la splendeur et la beauté corporelles, de la même façon qu'une lampe de cristal, belle d'elle-même, reçoit une beauté et une splendeur bien plus grandes si au dedans d'elle on fait brûler une lumière dont l'effet est d'accroître la beauté de ce cristal. Soyons vertueux, et notre physique même y gagnera.


Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.

 

Second Vendredi

 

La dixième perfection est de rester en oraison jour et nuit.


Explication

 

Du souvenir des divers bienfaits de Dieu, l'âme doit passer à l'exercice d'une oraison presque continuelle; et celle-ci consiste dans l'union de l'âme avec son Dieu, en s'excitant le plus possible à de saintes et pieuses considérations. « Ceux, dit un saint docteur, qui reçoivent les dons de Dieu sans jamais lever le cœur et l'esprit vers lui, sont semblables aux animaux immondes qui mangent les glands que leur maître leur jette de dessus l'arbre, sans jamais lever la tête pour voir celui qui les leur donne ». Ainsi faisons-nous lorsque, goûtant les dons de Dieu qui descendent continuellement du ciel sur nous, nous ne nous souvenons pas de lever la tête, et de regarder notre Dieu, qui avec tant de libéralité et d'amour nous favorise sans cesse. Pensez donc toujours à Dieu, car c'est ce qui s'appelle faire toujours oraison.


Pratique

 

Elle n'est pas difficile à ceux qui la comprennent bien, cette oraison enseignée par le Saint. Il ne veut pas dire qu'on soit toujours en prière, parce que cela est impossible en cette vie; mais il a voulu dire seulement que nous levions souvent l'esprit et le cœur vers Dieu. Et certainement, si l'on aimait vraiment Dieu, il serait très-facile de se tourner vers lui et de penser à lui; car là où est la pensée, là est l'amour de chacun. La manière de pratiquer cette oraison consiste dans l'usage des oraisons jaculatoires, dites parfois seulement de cœur, ou prononcées parfois par la bouche.


Prière au Saint

 

O très-glorieux saint, qui dans vos contemplations célestes étiez continuellement consolé et visité par votre saint patriarche Dominique, par les saints anges, par la reine du ciel, Marie mère de Dieu, et même par son très-divin Fils Jésus, qui par sa divine présence vous délivrait du mal, et vous caressait en touchant votre face de ses mains divines en signe d'amour! O grand saint! qui, par votre persévérance à converser avec Dieu pendant les nuits entières, avez acquis tant de splendeur que votre visage rayonnait de lumière, comme s'il était devenu un soleil! Ah! s'il m'était donné de recueillir une parcelle de cette nourriture céleste, que vous trouviez dans vos oraisons ! Ah ! si un rayon de vos lumières illuminait les ténèbres de mon âme! alors je saurais méditer les grandeurs de Dieu, je connaîtrais l'importance de l'oraison, et je pourrais rejeter et mépriser toutes les vaines consolations de la terre. Éclairez-moi, ô mon saint avocat Vincent, vous qui étiez tant éclairé de Dieu. Je tiens les yeux de mon âme fixés sur vous, et j'espère en votre puissante intercession. Ainsi soit-il.


Entretien spirituel

 

Le saint prédicateur avait presque toujours un nombre infini de personnes qui le suivaient dans ses courses apostoliques. Cette suite était composée de gens qu'il avait convertis, et qui désiraient arriver à la perfection chrétienne. Ils passaient tout leur temps à prier, et dans l'oraison de leur saint Père ils trouvaient des secours dans leurs plus grandes nécessités. Un jour que cette multitude le suivait au milieu d'une vaste campagne, le saint, s'apercevant que tous étaient fatigués du voyage et grandement altérés et affamés, commença d'abord par les recommander à Dieu dans une courte prière; ensuite, plein de confiance en la Providence divine, il se retourna vers ses compagnons de voyage, et les encouragea : « Non loin d'ici, leur dit-il, il y a un monticule, et en même temps il le leur montrait du doigt ; mais un peu plus loin nous trouverons un logement où nous serons reçus avec affabilité, et où nous pourrons réparer nos forces ». Effectivement, à peine eût-on passé le monticule, qu'on découvrit dans une campagne un palais somptueux. Tous y entrèrent; ils furent accueillis par une troupe de jeunes gens si beaux, mais si beaux, qu'ils les prirent pour des anges, et c'était en réalité des esprits célestes. Là ils trouvèrent des vins exquis, du pain et d'autres mets délicats, au point qu'ils paraissaient être une nourriture du paradis. Après avoir réparé leurs forces et rendu grâces à Dieu, les voyageurs adressèrent mille remerciements à leurs hôtes, et ils repartirent avec leur saint prédicateur. Or voici la confirmation du prodige. Lorsque le saint se vit à la distance d'une lieue, sachant que dans sa compagnie il se trouvait un homme qui croyait assez faiblement à ses miracles, il résolut de le retirer de son erreur.

Il l'appela donc, et lui dit : « J'ai laissé dans l'hôtellerie où nous sommes allés mon couvre-chef, allez le prendre, je l'ai posé sur une table ». Le disciple incrédule obéit, et il alla au lieu où ils avaient été reçus ; mais il eut beau chercher de toutes parts, il ne put jamais découvrir dans le lieu d'où ils venaient de partir naguère, ni le palais, ni aucune trace de maison ; c'était une rase campagne, au milieu de laquelle se trouvait une grosse pierre, et dessus était posé le couvre-chef du saint. Étonné, l'incrédule disciple pensa que ce palais où ils avaient été reçus ne pouvait être qu'une habitation préparée miraculeusement par les anges, et, raisonnant ainsi, il arriva près du saint. Aussitôt il se jeta à ses genoux, et lui demanda pardon de son incrédulité. Le saint le lui accorda avec bonté, mais il lui défendit de faire connaître à qui que ce fût ce miracle. Le disciple toutefois, ne pouvant se contenir, le proclama partout, disant que les anges, voulant honorer saint Vincent, étaient descendus du ciel, et avaient préparé miraculeusement une habitation pour le recevoir, ainsi que toute sa compagnie, et qu'ils avaient été servis de la main des anges.

Apprenez du saint à recourir à l'oraison, et même au milieu de vos occupations ne délaissez pas ce saint exercice. Regardez-le comme la plus importante affaire de ceux qui, à la suite du saint, veulent acquérir la perfection. Apprenez encore de saint Vincent à cacher, autant que vous le pourrez, les grâces que Dieu vous fait. Mais, à l'exemple du fidèle disciple? Vous devez manifester pour la gloire de Dieu les miracles du saint, comme si ces paroles de l'ange vous avaient été adressées : « Bénissez le Seigneur, et racontez ses merveilles. » (Tobie.) Vous le ferez en lisant la vie, et en croyant aux miracles de saint Vincent , pour bénir le Seigneur qui l'a tant glorifié, et vous vous rappellerez de faire connaître aux autres les étonnantes merveilles dont Dieu a enrichi ce nouvel apôtre de l'Espagne.


Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.

Troisième Vendredi

La onzième perfection consiste à savourer et à désirer continuellement la douceur divine.


Explication

 

L'âme étant déjà exercée dans les vertus, et disposée spécialement par les deux degrés précédents, on commence maintenant à la conduire dans la vie unitive, qui consiste dans l'exercice du saint amour de Dieu. Par la mémoire des bienfaits divins on enseigne l'âme à préparer la matière, ou, comme dit le cardinal Hugues de Saint-Cher : « Le bois de ce feu céleste, ce sont les dons de Dieu. » Par le degré suivant, l'oraison communique le souffle sous l'action duquel le feu de la charité s'allume. A présent, il convient de traiter des effets admirables de ce feu de l'amour. Les âmes arrivées à ce degré vivent, pour ainsi dire, dans un continuel incendie. De même que le fer est d'autant plus chaud, qu'il participe davantage au feu, ainsi plus l'âme désire le divin amour, plus s'allume en elle le feu de la charité. Et, de la même manière que le fer, lorsqu'il est incandescent, devient très-malléable sous la main de l'ouvrier, de même les âmes enflammées de la charité divine, quand elles sont frappées par les adversités et les, infirmités, n'ouvrent pas la bouche pour se plaindre, mais supportent tout avec une patience héroïque. Bien plus, elles reçoivent tous les coups de la main-de Dieu avec une grande joie, parce qu'elles font en toutes choses la volonté de leur Dieu. Elles aiment les souffrances et désirent souffrir, pour pouvoir se perfectionner dans l'amour de Dieu, et acquérir de plus grands mérites pour l'autre vie, ainsi qu'il est écrit du séraphique, Père saint François, qui disait : « Le prix que j'attends .est si grand, que la souffrance m'est une volupté ».


Pratique

 

Le cardinal Hugues de Saint-Cher, expliquant ce. verset du psaume 36 : « Réjouis-toi en Dieu, et il contentera les désirs de ton cœur », demande : « Ceux qui ont ainsi l'heureux sort de se réjouir en Dieu, qui sont-ils ? » Et il répond : « Ceux qui méprisent le monde ». Le prophète Isaïe enseigne la manière de le faire, en disant : « Rejetez bien loin les concupiscences, les joies charnelles, les richesses, les honneurs; méprisez votre volonté, et en toutes choses, recherchez le, bon plaisir de Dieu; réprimez l'intempérance de. votre langue; évitez les discours vains et pernicieux; alors vous éprouverez les consolations divines, ces consolations qui remplissent de joies incomparables les âmes qui les goûtent ». Si nous n'éprouvons pas ces consolations si pures, ou si nous ne les éprouvons que rarement, reconnaissons-le avec l'auteur de l'Imitation, c'est parce que nous n'avons pas la componction du cœur, et parce que nous ne savons pas détacher notre affection des consolations vaines et périlleuses du monde.


Prière au Saint

 

La douceur de Dieu, la manne cachée, les consolations du Saint-Esprit : oh ! Comme vous connaissiez expérimentalement toutes ces choses, grand saint Vincent! aussi vous soupiriez après elles comme le cerf après les fontaines des eaux vives, et les extases de l'amour céleste étaient la juste récompense de vos désirs. Moi, hélas! je n'éprouve pas, comme vous, le sentiment de la divine douceur; mon âme est tiède et languissante, froide et indifférente aux caresses de l'Époux sacré. J'en connais la cause, ô grand saint; elle est bien évidente : je ne suis pas assez détaché ni de moi-même ni de la créature. Le Seigneur est un Dieu jaloux; il exige un renoncement sincère à tout ce qui n'est pas lui ; et, si nous avons le malheur de lui offrir un cœur partagé par des affections étrangères, il le refuse, et, en le refusant, il le prive des communications intimes de ses suavités : dommage funeste, perte digne d'être pleurée avec des larmes de sang! Mon doux protecteur, donnez-moi l'intelligence de cette vérité capitale. Que par votre puissante intercession, ô flambeau étincelant de l'Église , je comprenne les véritables intérêts. Mettez un terme aux sécheresses de mon esprit, aux aridités de mon cœur; que je dise au monde entier, que je me dise à moi-même un éternel adieu ; car si je méprise les joies temporelles, celles du Ciel me sont accordées. Pourquoi donc hésiterais-je entre deux félicités si inégales? Non, je ne balance plus, mon choix est fait, j'en ai pris mon parti : je suis tout à Dieu, et de tout ce qui est en moi rien n'appartient ni au monde ni à moi-même. Ratifiez, ô grand saint, les serments que je prononce en votre présence; offrez-les, s'il vous plaît, au Seigneur en mon propre nom. C'est vous qui me les avez inspirés par votre exemple ; vous les accueillerez donc avec cette bonté admirable qui jamais en vous ne se dément; sous votre patronage auguste ils arriveront jusqu'au trône de la miséricorde divine; votre suffrage les rendra agréables à Dieu, et alors, ô grand saint, les consolations de l'esprit viendront me ranimer, m'encourager, me fortifier, afin que je m'applique aux bonnes œuvres avec une ardeur et une persévérance sans bornes. Ainsi soit-il.


Entretien spirituel

 

Parmi les miracles opérés par le Saint, on peut citer celui que rapportent, pour en perpétuer la mémoire, l'évêque de Lucera et le P. Jérôme Borselli. Le saint prêchant dans un pays du royaume de Valence, il se trouva présent à ses prédications un certain religieux. Celui-ci, réfléchissant au zèle du saint apôtre pour sauver les âmes, et considérant avec attention les exemples de ses héroïques vertus, se sentit animé d'un ardent désir de le suivre. Il en demanda donc la permission à son abbé, qui refusa de la lui accorder. Alors le religieux fut contraint de rentrer à son monastère ; mais le désir d'entendre les prédications du saint s'alluma de plus en plus dans son cœur. Un matin, à l'heure où, d'après son calcul, Vincent allait prêcher, il monta lui-même sur un endroit élevé du monastère, et, retenant son haleine, il essaya d'entendre de ce lieu la prédication du saint. Il obtint la grâce de pouvoir l'entendre si distinctement et si clairement, bien qu'il fût éloigné du saint de quarante milles environ, c'est-à-dire de plus de dix lieues, qu'il put écrire le sermon en entier sans en omettre une syllabe. Le saint apôtre, qui voyait en esprit cette merveille, dit à la fin de sa prédication :

« Mes enfants, vous qui êtes venus à mon sermon, je vous recommande de ne pas oublier mes paroles, parce que beaucoup auraient voulu être présents et ne l'ont pu. Parmi eux est un religieux d'un monastère éloigné de bien des milles d'ici, et à l'oreille duquel toutes mes paroles sont arrivées ». Lorsque le saint eut terminé, le bon religieux plein de joie alla trouver son Père abbé et lui dit : « Vous, Père abbé, vous n'avez pas voulu m'accorder la grâce d'aller avec maître Vincent pour entendre sa prédication, et voilà que ce matin, étant monté sur la terrasse du monastère, non-seulement j'ai entendu tout son sermon, mais de plus je l'ai entendu si distinctement et si clairement, que j'ai pu le transcrire en entier ». A cette nouvelle, le Père abbé demeura saisi d'étonnement, et, se faisant donner le sermon écrit, il voulut savoir si ce que venait de lui dire le religieux était véritable.

Il en conféra donc avec un grand nombre de personnes qui avaient entendu le sermon, et toutes attestèrent que ce que le religieux avait écrit était exactement ce que le Père maître Vincent avait prêché. Ils purent ainsi confronter les paroles de la fin du sermon, par lesquelles le saint prédicateur annonçait en terminant à ses auditeurs, que toutes ses paroles étaient arrivées à l'oreille d'un religieux éloigné de lui de bien des milles. Par cet écrit du bon religieux, on reconnut jusqu'à l'évidence combien était puissante la vertu des miracles chez le saint apôtre, et combien était merveilleux le don de prophétie que Dieu lui avait accordé. Chacun glorifia le Seigneur, qui dispense ses grâces avec tant de libéralité en faveur de ses serviteurs fidèles.


Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.



Quatrième Vendredi


La douzième perfection est un grand et fervent désir d'exalter notre sainte foi, c'est-à-dire souhaiter avec ardeur que Notre-Seigneur Jésus Christ soit connu, craint, honoré et aimé de tous.


Explication

 

Ce degré de perfection fait suite au précédent. L'âme étant agréable au Seigneur elle désire, et c'est naturel, de voir son Dieu connu, aimé et servi de tous, afin que les autres jouissent comme elle des douceurs de la divine bonté. Ces saints désirs de la gloire de Dieu plaisent tant au Seigneur, que les fleurs de ces désirs forment le jardin de délices du céleste Époux, et ces fleurs, qui embellissent merveilleusement les âmes de ceux qui aiment Dieu, portent bien souvent les fruits de la conversion des pécheurs et des infidèles; car Dieu les convertit pour exaucer les prières des âmes qui désirent le salut du prochain, et qui continuellement prient pour sa conversion. Mais ils sont en petit nombre ceux qui arrivent à ce degré de l'amour de Dieu. Voilà ce qui faisait gémir l'apôtre saint Paul : « Tous, disait-il, cherchent leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ ». Il veut dire, selon l'interprétation du docteur Angélique saint Thomas, qu'une grande partie des hommes cherchent leurs propres commodités, leurs satisfactions, leurs intérêts, et n'ont pas à cœur, comme ils le devraient, la gloire de Jésus-Christ notre Rédempteur, la propagation de la foi et le salut des âmes. Faites en sorte de n'être pas du nombre de ceux lui se recherchent eux-mêmes, mais soyez du petit nombre de ceux qui cherchent avec un cœur sincère la gloire de Dieu.


Pratique

 

Le vrai et sincère désir de la gloire de Dieu doit être accompagné d'un zèle très-ardent, Parce que plus est grand le désir de l'honneur de Dieu, plus doit être grand le zèle de l'âme pour empêcher de tout son pouvoir qu'il soit offensé. Or comme votre Dieu est offensé en trois manières, par pensées, par paroles et par actions; ainsi, si vous l'aimez sincèrement, vous devez appliquer vos pensées, vos paroles et vos actions à sa gloire et à la destruction des péchés. Par la pensée, cherchez sérieusement tous les moyens propres à promouvoir la gloire de Dieu et le bien des âmes, selon que le Seigneur vous en fournira la facilité et les occasions. A cela vous devez ajouter la prière. Dans vos oraisons, priez spécialement le Seigneur pour la conversion des infidèles à la foi catholique et pour le retour des pécheurs à la pénitence, en le suppliant de vous exaucer pour sa propre gloire et pour le salut des âmes. Par les paroles, faites en sorte, dans vos conversations charitables, de ramener les pécheurs pour les gagner à Dieu ; et si vous avez des enfants ou des serviteurs, enseignez-leur la doctrine chrétienne. Quant aux œuvres, ne craignez jamais ni fatigues ni incommodités lorsqu'il s'agira de délivrer une âme du péché, vous rappelant que, pour sauver les âmes, Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu mourir sur la croix.


Prière au Saint

 

Très glorieux Saint, à qui devrai-je jamais recourir, sinon à vous, pour avoir un avocat qui m'obtienne le zèle de l'honneur de Dieu et du salut des âmes? N'avez-vous pas été, comme Daniel, l'homme des désirs? Qui ignore que votre cœur était continuellement consumé d'amour par le désir ardent que vous aviez de la conversion des pécheurs? O vous qui, rempli du céleste feu de l'amour de Dieu, ne vous arrêtiez jamais, mais alliez partout pour l'allumer dans le cœur de tous, faites, ô séraphin d'amour, qu'une étincelle de ce feu céleste enflamme mon cœur si froid, afin qu'il brûle sans cesse de l'ardeur des saints désirs de la gloire de Dieu et du salut des âmes. Obtenez-moi l'accroissement de ces désirs, et la grâce de les voir s'accomplir en moi. Ainsi soit-il.


Entretien spirituel

 

Le saint roi David dit dans ses Psaumes, que Dieu satisfait les désirs du cœur de celui qui le sert fidèlement. (Psaume 144). On voit l'accomplissement de ces paroles en saint Vincent. Puisqu'il désirait pour cela plus spécialement la conversion des infidèles. Il lui fut accordé d'en amener un très grand nombre à la foi catholique. Rappelons seulement ici la conversion d'une synagogue entière.

Un jour Vincent se fit introduire dans la synagogue de Salamanque par un Israélite avec lequel il s'était lié d'amitié pour ce motif. Il y entra le crucifix à la main, ce qui mit la confusion et le trouble parmi les assistants. Mais le saint les tranquillisa en leur disant qu'il était venu pour leur parler d'une affaire importante, et il le pensait bien ainsi, car il ne trouvait point d'affaire plus importante que celle du Salut. A ce mot d'affaire importante, les Juifs s'imaginèrent donc que c'était pour leur parler de quelque intérêt public, et ils l'écoutèrent avec une grande attention. Alors, usant de douces et suaves paroles, Vincent commença à leur parler de la sainte foi chrétienne et particulièrement de la Passion et de la mort du Fils de Dieu. Pendant que le saint prédicateur s'efforçait de persuader l'assistance sur les gloires de la croix du Christ Rédempteur du monde, il parut un grand nombre de croix sur les habits de chacun de ceux qui étaient réunis dans cette célèbre synagogue. Mais ce qui est plus prodigieux encore, c'est que les croix qui paraissaient au dehors sur les vêtements des hommes et. des femmes pénétraient invisiblement dans leurs cœurs, et, remués par la divine grâce, ils se firent tous chrétiens. La consolation du saint fut si grande en cette prodigieuse conversion, qu'il voulut les baptiser tous de ses propres mains. Puis il fit consacrer cette synagogue en une église qui fut appelée la Vraie-Croix.

Tels sont les fruits des saints désirs de Vincent Ferrier! Bénissez Dieu de ce qu'il a donné à ce grand saint la grâce de voir tant d'infidèles se convertir, et réfléchissez que, si vous menez une vie sainte, vous pourrez par elle convertir un grand nombre de pécheurs, puisque la sainteté de la vie est une prédication plus modeste, si vous voulez, mais très-efficace, qui porte de grands fruits dans les âmes.

 

Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.



Cinquième Vendredi

 

La treizième perfection est d'avoir envers le prochain, et dans toutes les circonstances, la miséricorde et la compassion que nous voudrions dans les autres à notre propre égard.


Explication

 

L'amour du prochain conserve l'amour de Dieu, et si l'âme se refroidit dans l'amour et dans les aumônes envers le prochain, c'est un signe qu'elle a peu d'amour pour Dieu, puisque de l'amour de Dieu naît l'amour du prochain, et que par l'amour du prochain l'amour de Dieu se fortifie, comme l'affirme saint Grégoire. Aussi saint Jean l'assure : « Celui qui prétend aimer Dieu sans aimer son prochain, c'est un menteur ». (1 Jean, 4). Notre saint recommande et l'amour du prochain et son effet, c'est-à-dire la miséricorde. Celui qui aime vraiment le prochain, le secourt dans ses nécessités et ses misères, ainsi que le dit saint Jean dans la même Êpître. Voilà donc le degré de perfection que saint Vincent vous propose. Si vous aimez vraiment Dieu, évidemment vous devez aimer votre prochain fait à l'image de Dieu. Plus en vous croîtra l'amour de Dieu, plus devra augmenter aussi l'amour, la miséricorde et la compassion envers le prochain ; car vous vous rappellerez cette parole de Jésus-Christ, que tout ce que vous ferez au prochain pour son amour, il le regardera comme fait à lui-même. (Matthieu, 24).

 

Pratique de la Charité envers le prochain


Avez-vous un vrai désir de tenir votre âme étroitement unie à votre Dieu ? il faut que, persévérant dans les exercices de perfection, vous preniez le vêtement de la charité , en vous appliquant à l'observance exacte de cette règle : Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit. Ainsi, si vous étiez créancier, vous ne voudriez pas qu'on différât de vous payer ; faites donc ce qui fut dit au jeune Tobie par son père : « Paie de suite à qui tu dois, et ne retiens en aucune façon le salaire de l'ouvrier.» (Tobie, 4). Si vous vous trouviez dans la nécessité, dans la misère, vous ne voudriez pas être abandonné, mais secouru : vous devez donc observer cet autre conseil donné au même Tobie : « Ne détourne jamais ta face du pauvre, et alors Dieu ne détournera pas les yeux de dessus toi ; selon que tu le pourras, sois miséricordieux. Si tu as beaucoup, donne avec abondance; si tu as peu, donne volontiers le peu que tu pourras donner ». (Tobie, 4). Enfin vous ne voudriez pas certainement voir les autres juger mal vos actions, ni parler mal de vous: observez donc ce commandement du Sauveur : « Ne jugez pas, si vous ne voulez pas être jugé ». (Matthieu, 7). Non, ne jugez jamais les actions d'autrui, ne médisez jamais, et gardez-vous aussi de murmurer contre votre prochain. On pratique encore ce degré de perfection en priant pour ses ennemis, en bénissant ceux qui nous maudissent, en faisant du bien à ceux qui nous persécutent ou qui nous ont fait quelque affront, quelque déplaisir. Surtout on doit exercer la perfection chrétienne sur cet article en se gardant bien de rendre à personne le mal pour le mal, ainsi que nous l'enseigne Notre-Seigneur Jésus-Christ.


Prière au Saint

 

O glorieux Saint ! qu'elle est admirable votre charité envers vos semblables ! Tous ces infidèles baptisés par vous, tous ces pécheurs convertis, ces malades guéris, ces pauvres et ces affligés secourus dans toutes leurs nécessités, tous sont bien la preuve éclatante de l'amour ardent que vous portiez à votre prochain. On peut dire de vous ce que disait de lui-même l'apôtre saint Paul : « Je me suis fait tout à tous pour les gagner tous ». (1 Corinthiens, 9). Ainsi, dans votre admirable vie, avez-vous été pendant plus de quarante ans infatigable dans l'exercice de votre charité envers le prochain, ne vous préoccupant ni des incommodités des longs voyages, ni des indispositions de votre corps, ni de la vieillesse, ni de l'insomnie, ni de vos occupations si nombreuses. Toujours prompt à soulager les infirmes, vous alliez les trouver aussitôt qu'on vous réclamait. Que ne puis-je avoir, ô mon glorieux avocat, une parcelle de ce grand feu de charité qui brûlait si ardemment dans votre cœur! Je recours à vous en toute humilité, je vous supplie instamment, et j'espère de votre intercession que vous m'obtiendrez du Seigneur tant d'amour de Dieu, que j'arrive, à votre exemple, à consacrer ma vie au service de mon prochain, et à l'assister dans tous ses besoins, afin de jouir comme vous de la gloire promise aux âmes charitables et miséricordieuses. Ainsi soit-il.

 

Entretien spirituel

 

La charité de saint Vincent envers le prochain fut si héroïque qu'on peut dire de lui en toute vérité ce que disait le saint homme Job : « La miséricorde et la compassion sortirent avec moi des entrailles de ma mère, et elles augmentèrent dans mon enfance. » (Job, 31). Dès son enfance, en effet, saint Vincent donnait aux pauvres tout ce qu'il possédait ; il les vêtissait le mieux qu'il pouvait, et bien souvent il leur lavait les pieds. Mais ce qui est plus admirable, c'est que dès l'âge le plus tendre, afin de soulager les affligés, il conjurait Dieu de faire des miracles. Parmi les innombrables prodiges du saint, nous en citerons deux vraiment surprenants, qui donneront une juste idée de sa grande charité envers le prochain. Le premier fut opéré dans son enfance, alors qu'avec une grande simplicité, et comme se divertissant, il ressuscita un mort. Le second fut lorsqu'il s'employa auprès de la très-sainte Trinité pour obtenir le pardon d'une pécheresse publique, si elle venait à confesser ses péchés. Les choses se passèrent ainsi : Voici le premier miracle.

Le jeune thaumaturge avait un condisciple âgé comme lui de neuf ans, et il avait l'habitude de l'appeler à l'heure des classes. Or ce jeune enfant fut un jour frappé d'une mort soudaine. Selon la coutume, Vincent était allé l'appeler lorsqu'il entendit dans la maison de son condisciple des pleurs, des cris et des lamentations. Il monte l'escalier en toute hâte, et il trouve la mère de son ami dans la plus grande désolation. Il lui demande la cause de son affliction. « Mon fils est mort ! répond-elle en sanglotant, mon fils est mort ! » A cette triste nouvelle Vincent s'attendrit, et pour consoler la mère, à l'exemple de Jésus qui dit au chef de la synagogue : « Votre fille n'est pas morte, mais elle est endormie », il se mit à sourire et il dit à la mère : « Allons, mon ami ne sera pas mort, il dort. Allons le voir ». Vincent s'approcha du lit, et prenant par la main le cadavre froid ! « Eh ! lui cria-t-il, lève-toi ! il est l'heure d'aller à l'école ». Et voilà qu'à cette voix, comme s'il se réveillait d'un profond sommeil, le petit jeune homme ouvre les yeux. Il fut rendu vivant à sa mère, qui était dans le plus grand étonnement. Vincent le fit habiller et l'emmena avec lui à l'école. Telles furent les prémices de sa charité.

Voici maintenant l'autre trait. Le saint était de passage à Pampelune, et sa sainteté étant bien reconnue de tous les habitants , ils le supplièrent pour les besoins spirituels et la conversion d'une fameuse courtisane, qui au dernier jour de sa vie demeurait impénitente. La charité de saint Vincent, qui ne désirait rien tant que le salut des âmes, le poussa à accourir promptement et avec joie auprès de cette pauvre pécheresse. Il trouva la malheureuse entièrement endurcie. Elle était opiniâtre et si désespérée de son salut qu'elle s'écriait en blasphémant : « Il m'est impossible de me sauver; Dieu ne peut pardonner ni à la multitude ni à l'horreur de mes péchés ». Le saint commença donc avec toute la véhémence de son esprit à lui donner les raisons puissantes qui devaient l'encourager à espérer un généreux pardon de Dieu. Mais ce fut inutilement, cette âme était endurcie dans le mal. Voyant cela, Vincent éleva son cœur vers Dieu, lui fit une courte prière, et, poussé par une inspiration divine, il promit à la pécheresse de lui faire venir du Ciel son absolution écrite, si elle lui promettait de se confesser. La courtisane se mit à rire d'une promesse aussi extraordinaire et qui lui paraissait impossible ; cependant elle dit au saint : « S'il en est ainsi, je veux bien me confesser ». Alors le saint se fit porter ce qu'il fallait pour écrire, et il traça ces mots : « Frère Vincent Ferrier supplie la Très Sainte Trinité de daigner accorder à la présente pécheresse l'absolution de ses péchés ». Puis il plia le papier, et le jeta en l'air ; l'écrit vola hors de la maison; mais quelques minutes après il retourna plié et fermé. Chose prodigieuse! en l'ouvrant, saint Vincent trouva écrite en lettres d'or la suivante promesse : « Nous très-sainte Trinité, à la demande de notre Vincent, nous accordons à la pécheresse dont il nous a parlé, le pardon de ses fautes ; nous la dispensons de toutes les peines qu'elle devait endurer ; et, si elle se confesse, elle sera dans une demi-heure portée dans le ciel, où elle jouira éternellement de Nous, du Ciel., Nous, Père, Fils et Saint-Esprit ». Vincent lut la réponse, et sans retard l'heureuse femme se confessa; une demi-heure après son âme s'envola dans le ciel. Oh! l'heureuse pécheresse !

Si un bienfait aussi extraordinaire fut obtenu pour cette grande pécheresse à la prière de notre saint, lorsqu'il était encore vivant, que ne devons-nous pas attendre de lui, nous, grands pécheurs, il est vrai, mais qui sommes ses dévots, à présent que, consumé de charité, il jouit de Dieu qu'il voit face à face, et que, près de lui, il l'implore continuellement pour ceux qui ont recours à ses prières !

 

Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.

Sixième Vendredi


La quatorzième perfection est en toutes choses de rendre toujours grâces à Dieu, et de louer et glorifier Notre-Seigneur Jésus-Christ.


Explication

 

L'ingratitude dessèche la fontaine des bontés de Dieu; mais la reconnaissance fait que les flots des divins bienfaits retournant à Dieu par l'action de grâces qu'on lui en rend, ils reviennent à nous plus multipliés, et avec des grâces plus grandes encore.


Pratique de la reconnaissance

 

L'apôtre saint Paul nous ordonne grandement la gratitude lorsqu'il dit : « Soyez reconnaissants ». On est reconnaissant en paroles, lorsqu'on récite avec dévotion et affection singulière les louanges divines. Saint Antonin, archevêque de Florence, dit que la bienheureuse Vierge Marie avait toujours sur les lèvres ces douces paroles : Deo gratias. Imitons notre Mère. Nous devons encore démontrer notre reconnaissance par les œuvres, et cela en vivant de façon à ne jamais perdre la grâce de Dieu. Oh! qu'ils sont ingrats ceux qui perdent volontairement les dons reçus et qui rendent le mal pour le bien! Si donc vous reconnaissez que Dieu vous a fait un nombre infini de grâces spirituelles et temporelles, comprenez bien que ces bienfaits ne doivent pas être payés par des offenses. Le Saint ajoute qu'il faut rendre grâces à Dieu en toutes choses; c'est que ceux qui aiment vraiment le Seigneur ne se contentent pas de le remercier des biens qu'il envoie, mais en outre dans les afflictions et les peines ils lui rendent grâces, sachant bien que c'est par l'effet d'un amour infini que Dieu envoie les infirmités, la pauvreté et les autres tribulations. D'où il résulte que, dans toutes ses dispositions, Dieu mérite d'être loué, béni et aimé. C'est pourquoi l'Apôtre exhorte les Thessaloniciens à cette gratitude universelle, lorsqu'il leur dit : « En toutes choses, rendez grâces à Notre-Seigneur Jésus-Christ. » (1 Thessal., v.).


Prière au Saint

 

Oh ! si je pouvais avoir cette sublime connaissance des bienfaits de Dieu comme vous l'avez, ô glorieux saint, vous qui lisiez dans toutes les créatures, comme dans un livre, la fin pour laquelle Dieu les a créées, reconnaissant que c'est à notre profit, afin que par elles nous arrivions à conclure que Dieu est notre unique bien! « Car Dieu, dit le Prophète, a donné la raison aux nations, et les peuples possèdent les biens, afin qu'ils observent ses commandements, et qu'ils cherchent sa sainte loi ». (Psaume 104). Oui, comme vous, mon glorieux avocat, je m'unirai aux trois enfants de Babylone pour inviter toutes les créatures à louer le Seigneur, et je leur dirai : « Œuvres du Seigneur, bénissez-le toutes, et exaltez-le dans tous les siècles ». (Daniel, 3). C'est la grâce que j'implore, ô glorieux saint! Daignez me revêtir de vos sentiments de reconnaissance, afin que je ne prenne plus le moyen pour la fin, en abusant des créatures pour offenser Dieu, qui me donne tout pour le servir et l'aimer. J'espère cette grâce de votre très-efficace protection. Ainsi soit-il.


Entretien spirituel

 

Saint Vincent passa un jour par la cité de Zamora, où autrefois dans ses prédications il avait fait des miracles, et entre autres il avait converti deux jeunes gens débauchés en faisant un sermon sur le vice impur.

Le saint fut reçu dans un couvent où les religieux l'accueillirent avec une grande politesse, et lorsqu'il fut sur le point de les quitter, ils le prièrent de vouloir bien leur laisser un petit souvenir. Le saint, qui était aimable pour tous, et principalement envers ceux qui lui avaient fait quelque bien, leur dit : « »Très volontiers : je vous laisse notre cloche. Tenez-en compte, et ayez-la en vénération, parce qu'elle devra servir à un grand, noble et agréable emploi ». Les religieux ne comprirent pas alors quel pouvait être ce noble et agréable emploi. Ils déposèrent donc le présent du saint dans un lieu à part, où ils le gardèrent avec une grande vénération, comme une précieuse relique d'un grand saint. Il ne se passa pas longtemps sans qu'ils découvrissent le but pour lequel Vincent leur avait laissé cette cloche. C'était pour les avertir de la mort prochaine de quelque religieux, ainsi qu'il arriva; car la cloche sonna d'elle-même quelques jours avant la mort de l'un d'entre eux. Telle fut la reconnaissance de notre saint envers cette religieuse communauté, et ce miracle dura jusqu'à l'année 1550. La cloche sonna pour la dernière fois à la mort du Père Jean de Saint-Dominique. C'est ainsi que notre saint paya à ces bons Pères leur charitable hospitalité.

Ce prodige est semblable à celui de la cloche de l'école de Saint-Thomas, au couvent de Salerne, qui jusqu'à ce jour continue à sonner miraculeusement pour annoncer la mort d'un religieux. Tous ceux qui seront persévérants dans la dévotion à notre saint peuvent s'attendre à des grâces semblables et à de plus grandes encore.


Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.



Septième Vendredi


La quinzième perfection, après avoir fait tout ce que nous avons dit, est de nous répéter en nous-mêmes, en le reconnaissant véritablement : « Seigneur Jésus-Christ, mon vrai Dieu, je ne suis rien, je ne puis rien, je ne vaux rien. Je vous sers bien mal, et en toutes choses je vous suis un serviteur inutile ».


Explication

 

L'humilité est la cendre sous laquelle se conserve allumé le feu de l'amour de Dieu et du prochain. Et de même que le lis élevé est blanc et beau, mais pourtant se penche toujours vers la terre, ainsi fait une âme humble. Plus elle est élevée dans la perfection et blanche par la pureté de sa conscience, plus elle est belle par les grâces et les dons de l'Esprit-Saint, plus elle s'humilie et plus elle s'abaisse, incapable qu'elle est d'ôter de sa mémoire son néant et sa misère. « Quiconque s'abaisse sera élevé », dit Notre-Seigneur. (Luc, 18). Ainsi, plus l'âme s'humilie, plus elle se concentre dans son néant, plus elle est élevée à ce sublime degré de perfection vis-à-vis de Dieu, qui exalte les humbles.


Pratique de l'humilité

 

Tobie enseigne à son fils la pratique de cette vertu par ces paroles : « Ne permets jamais que dans ton cœur et dans tes paroles l'orgueil domine ». (Tobie, 4). Ce qui veut dire, selon les saints commentateurs, que non-seulement on doit éviter dans les œuvres toute vanité, faste et orgueil, mais que nos paroles, nos pensées et toutes nos actions doivent respirer l'humilité. De plus, ces œuvres elles-mêmes seraient-elles de nature à nous procurer quelques louanges de la part des hommes, il faut chasser comme d'iniques suggestions du démon toute pensée de vaine gloire et de désir d'être loué. Pensez sérieusement, non à ce peu de bien que vous avez fait, mais à vos défauts et à toutes les vertus qui vous manquent. Songez combien peu vous aimez Dieu, en comparaison de l'amour que lui portait saint Vincent, alors qu'il était sur cette terre, et à celui qu'il lui porte dans le ciel, où il est réuni aux autres saints. En face de ces considérations vous sentirez s'allumer en vous une ferveur extraordinaire, un grand amour de Dieu qui vous excitera à persévérer dans le bien, à faire des œuvres grandes et héroïques, enfin à aimer Dieu et à le servir toujours davantage. Tels sont, pieux lecteurs, les exercices des vertus enseignés par le saint pour arriver à la perfection. Ils vous sont proposés en ces sept vendredis avant la fête du saint, et en ces sept autres vendredis après la fête, qui sont consacrés à honorer le saint. Vous ferez bien en outre de jeûner, de vous confesser et de communier avec ferveur. Tous ces actes vous aideront grandement à acquérir les vertus chrétiennes. Ainsi disposé, et avec la protection du grand saint, puissiez-vous, en lisant les degrés de perfection qu'il nous enseigne, les saisir plus facilement et commencer à les pratiquer! Souvenez-vous cependant, qu'après avoir fait toutes ces choses, il faut dire du fond du cœur ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ enseignait à dire à ses apôtres : « Nous sommes des serviteurs inutiles ».


Prière au Saint

 

Oh! si j'avais, glorieux saint Vincent, au milieu de mes misères un peu de l'humilité que vous aviez au milieu de votre grande perfection et de votre gloire ! Hélas ! combien ma pauvre âme est loin de l'humilité qui brillait en vous ! Vous humble et faisant des miracles, moi superbe et orgueilleux, ne faisant que pécher! Vous humble et illuminé du don de prophétie, moi superbe dans les ténèbres de l'intelligence qui offusquent mon esprit ! Vous humble et saint, moi pécheur et orgueilleux. Très humble saint, si vous ne m'obtenez l'humilité, je suis perdu, et je ne pourrai jamais élever dans mon cœur l'édifice de la perfection que vous nous avez enseigné. Que je sache bien ceci, vouloir accumuler les vertus sans l'humilité, c'est jeter de la poudre au Vent qui l'emporte en un clin d'œil. Faites que jamais je n'oublie cette vertu capitale. Ainsi soit-il.


Entretien spirituel

 

Une des plus grandes merveilles qui brillaient en saint Vincent, c'était sa profonde humilité au milieu des honneurs. Lorsqu'il entrait dans une cité, pour l'ordinaire il était reçu au son des cloches. Le clergé séculier et régulier allait au-devant de lui processionnellement, revêtu des habits sacrés et avec la croix. A eux se joignaient les confréries des séculiers, des artisans, chacun avec son étendard ou sa bannière. A la nouvelle de sa prochaine arrivée, tout le peuple des villes voisines arrivait pour le voir, comme si c'eût été un apôtre des premiers temps. La noblesse allait au-devant pour l'accueillir. Les grands d'Espagne le recevaient la tête découverte. Les souverains des royaumes d'Aragon, d'Espagne et d'Angleterre le suivaient à pied, et souvent ils le recevaient les genoux en terre. Les évêques et les autres prélats ecclésiastiques étaient si avides de son arrivée, qu'ils allaient à sa rencontre pendant plusieurs journées.

Quand il entrait dans les cités sur un vil animal, à l'imitation de Jésus-Christ, il était entouré d'un grand cercle de fer, afin de n'être pas oppressé par la multitude. D'autres fois arrivant à pied, il était porté sur un baldaquin jusqu'à l'église cathédrale où il faisait sa première visite; d'autres fois il était porté sur des machines en bois sur les épaules des hommes, de la même manière qu'on porte les statues des saints en procession, et tous chantaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». La dévotion du peuple était telle, que tous s'efforçaient de lui faire toucher ou leurs chapelets ou leurs mouchoirs.

Un jour étant conduit de cette manière dans la cité de Valence, sa patrie, un religieux du séraphique Père saint François, grand ami du saint, observant tout cela, s'avança près de la foule et cria au saint : « Frère Vincent, comment va la superbe à présent? » Vincent répondit : « Elle va et vient, mais elle ne s'arrête pas en moi ». Le saint savait que les citoyens des villes où il allait voulaient le recevoir avec de semblables honneurs ; aussi avait-il coutume, avant d'entrer dans la cité, de s'agenouiller avec sa compagnie, et il récitait ces paroles du Psalmiste : « Ce n'est point à nous, Seigneur, ce n'est point à nous qu'appartient la gloire, mais à votre nom ». (Psaume 113).

Cette admirable humilité au milieu de si grands honneurs peut prendre place parmi les grands prodiges que vous avez vus dans cet écrit, et qui sont une faible partie des innombrables miracles que Dieu a opérés et opère par le moyen de la puissante intercession de notre saint. Vous en éprouverez tous les effets si vous vous en rendez dignes en imitant les vertus de votre auguste avocat, et en persévérant dans le chemin de la perfection que vous avez entrepris sous sa protection puissante dans le cours de ces vendredis qui précèdent et accompagnent sa fête.

 

Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.

 

Extrait de « Saint Vincent Ferrier, sa vie, ses enseignements spirituels, son culte pratique », par le R. P. Fr. André Pradel, Paris Librairie Poussielgue-Rusand, 1864.

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