Les Vendredis de Saint Vincent Ferrier 2/3
Les Vendredis de Saint Vincent Ferrier
Première partie
Les Sept Vendredis précédant la Fête du Saint
Premier Vendredi
Quinze perfections sont nécessaires à celui qui veut servir Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la vie spirituelle. La première est une claire et parfaite connaissance de ses manquements et de ses défauts.
Explication
« Voilà, dit saint Vincent Ferrier, le premier pas à faire pour une âme qui veut marcher dans le chemin de la perfection : il faut se connaître soi-même. C'est que la connaissance de soi-même est le fondement de l'humilité, qui produit elle-même la crainte de Dieu. Pleurer et connaître ses propres misères, c'est le principe du salut. Saint Jérôme nous l'assure ». (Chapitre 15).
Pratique
Le moyen d'acquérir cette connaissance consiste à examiner souvent sa propre conscience, à recevoir volontiers la correction fraternelle, et à désirer même d'être averti de ses défauts ; à ne jamais penser à ceux des autres, mais à veiller sur soi» comme l'Apôtre nous y exhorte : « Soyez attentifs sur vous-mêmes, etc ». (1 Timothée 4 : 16)
Prière au Saint
O grand Saint Vincent Ferrier, en quelles angoisses cruelles se trouve mon âme ! Si je me regarde à l'intérieur, je ne puis me supporter; et pourtant, si je ne réfléchis sur moi-même, il me sera impossible de me connaître ! Quand je considère ce que je suis, je m'épouvante ; et, au lieu de me corriger, je me désespère presque, en me voyant chargé de tant de péchés et de tant de défauts ! Mais si je néglige l'examen de mon intérieur, je me croirai peut-être dans le chemin du salut, et j'irai les yeux fermés me précipiter dans l'enfer ! Que ferais-je donc ? Je recourrai à vous, ô mon protecteur, glorieux Apôtre du XVe siècle, grand Saint Vincent. Quand vous étiez sur la terre, vous recherchiez ardemment les pécheurs, afin de leur inspirer un vrai repentir par la connaissance de leurs iniquités, et alors, avec une bonté inexprimable et une joie indicible, vous les receviez dans votre cœur. Me voici, grand Saint, prosterné à vos pieds. je reconnais ma misère et la gravité de mes offenses, mais je ne les connais pas encore aussi clairement que je le voudrais. Obtenez-moi, je vous en prie, un rayon de la céleste lumière; que par elle je me connaisse vraiment tel que je suis. Mais que cette lumière me console par l'espérance du pardon, qu'elle m'anime à me corriger, et qu'au milieu des assauts de mes passions je reste ferme dans le droit sentier de la vertu. Vous avez obtenu cette grâce à des milliers de pécheurs que vous avez délivrés des ténèbres du péché, convertis à Dieu et amenés à la perfection. Ne pourrais-je espérer autant ? Oh ! Oui, je l'espère, parce que je sais combien votre intercession est puissante. Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Parmi les innombrables prodiges que le Saint opéra à Valence et ailleurs, on compte la guérison des yeux malades et la restitution de la vue à beaucoup d'aveugles. Mais, pour votre plus grande satisfaction, je m'arrêterai à un fait particulier. Écoutez ce qui lui arriva avec un marchand qui avait perdu la vue. Cet homme nommé Seuchier, habitant du bourg de Bram, dans le département de l'Aude, entendit dire que Saint Vincent Ferrier était allé à Montolieu ; aussitôt il s'y fit conduire pour recevoir de lui la guérison de son infirmité.
Le très affable Saint alla au-devant du marchand dans l'escalier de l'abbaye des Bénédictins, où il avait choisi son asile ; et lorsque cet homme fut averti que le saint venait au-devant de lui, il se jeta à terre en sa présence, disant : « Maître, puisque vous êtes, ainsi que je le crois, vrai disciple de Jésus-Christ, je vous prie de me rendre la vue que j'ai perdue depuis trois ans ». Saint Vincent, faisant sur ses yeux le signe de la croix, le guérit parfaitement, et le marchand recouvra subitement la vue.
Reconnaissez ici vous-même la grande bonté du saint, qui court au-devant de ceux qui viennent à lui pour obtenir quelques grâces. Remarquez sa promptitude à satisfaire aux besoins de son prochain, car a peine l'aveugle lui a-t-il demandé la vue qu'il la lui rend aussitôt. Que vous êtes heureux d'avoir choisi pour avocat un saint si bon et si prompt à secourir ceux qui l'invoquent ! S'il montra une libéralité si grande envers un homme privé des yeux du corps, combien n'en montrera-t-il pas davantage envers votre âme, hélas ! Frappée de la cécité spirituelle !
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Deuxième Vendredi
La seconde perfection est une généreuse et continuelle résistance aux mauvaises inclinations et aux désirs contraires à la justice.
Explication
Beaucoup mettent la différence qui sépare les serviteurs de Dieu de ceux qui ne le servent pas, dans l'absence des mauvaises inclinations. Ils se trompent; car servir Dieu, ce n'est pas n'éprouver jamais, mais ne consentir jamais aux tendances perverses et aux passions corrompues. Aussi le Saint homme Job définit-il la vie de l'homme un combat continuel. « Dieu, dit le cardinal Hugues de Saint-Cher, nous a placés ici-bas, afin que, combattant nos Mauvaises inclinations, nous puissions gagner la couenne immortelle ».
Pratique
Ne vous excusez pas en disant : « J'ai un naturel mauvais ». Dieu vous a donné ce naturel afin que vous le domptiez, et que par là vous puissiez acquérir une grande récompense dans le Ciel. N'accusez donc plus vos passions d'être la cause de vos chutes ; rejetez plutôt la faute sur vous-même, qui ne savez ni ne voulez les modérer. Lorsque les passions s'irriteront, rappelez-vous qu'il faut les vaincre si vous voulez arriver à la perfection, puisqu'il est écrit : « Celui-là seul sera couronné, qui aura courageusement combattu ». (2 Timothée 2).
Prière au Saint
Grand Saint Vincent Ferrier, qui avez toujours montré une si rare fidélité à la Grâce, en réprimant continuellement en vous-même jusqu'à la fin les instincts mauvais dont nous avons tous reçu le funeste héritage du premier père, je vous en prie, ne permettez pas que mon âme flatte sa lâcheté et s'autorise des difficultés de la vertu pour vivre dans l'oubli de ses devoirs, dans une honteuse connivence avec les sens, dans l'esclavage indigne des passions. Sans doute je suis pétri, pour ainsi dire, d'une corruption infecte. Une fatale expérience ne me le confirme que trop : « J'ai été conçu dans l'iniquité, et ma mère m'a conçu dans le péché ». (Psaume 50). Il y a en moi l'homme de l'esprit, puisque je suis chrétien ; mais il y a aussi l'homme de la chair, et ce dernier est puissant, audacieux, tyrannique : il se révolte insolemment contre l'autre, il prétend régner en maître, il veut le dominer, l'étouffer. Grand Saint, assistez-moi de votre intercession efficace dans la lutte ardente qui se déclare. Que ferai-je, que deviendrai-je si vous m'abandonnez ? Avec Dieu, grand Saint, soyez toute ma force, je vous en supplie. Alors je répéterais avec l'Apôtre : « De moi-même je ne puis rien, mais je puis tout en celui qui me fortifie ; je puis tout en mon Dieu, je puis tout en Vincent, son Serviteur. Avec l'aide de Dieu, avec l'aide de Vincent, mon protecteur bien-aimé, j'attaquerai résolument les ennemis intérieurs de mon salut, je résisterai à leurs murmures, à leurs révoltes, à leurs exigences, à leurs assauts ; je m'en rendrai le maître, et comme vous, ô grand Saint, je mériterai l'éloge du victorieux ». Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Dès sa jeunesse Saint Vincent Ferrier passait souvent la nuit en oraison. Une fois, méditant devant l'autel de la Très Sainte Vierge, le tentateur lui apparut sous la figure d'un ancien Père du désert, ayant une barbe qui descendait presque jusqu'à la ceinture. Il s'approcha du Saint et lui dit :
« Frère Vincent, je suis venu du ciel pour te visiter, à cause de l'affection que je te porte, et par la compassion que j'ai de toi, afin de te donner quelques avis qui te seront bien utiles pour te conduire au vrai chemin du ciel sans te fatiguer dans le milieu du voyage. Je suis un de ces célèbres anachorètes qui peuplèrent les solitudes d'Égypte; dans ma jeunesse je menai une vie dissolue, et je me livrai aux plaisirs des sens. Depuis, tremblant d'être surpris par une mort soudaine, je songeai à changer de vie, et je me retirai dans le désert, où, déjà rassasié des plaisirs du monde et aidé de la grâce de Dieu, j'entrepris de mener la vie d'anachorète. J'obtins le pardon de mes péchés, et je m'ensevelis dans cette retraite, où je ne m'occupai qu'à plaire à Dieu. Si donc tu désires arriver à la cime de la perfection, et terminer ta vie d'une façon vraiment sainte, suis les conseils que je vais te donner. N'afflige pas ton corps à la fleur de ton âge, et ne te livre pas à tant de mortifications. Personne ne peut vivre sans accorder tôt ou tard quelque chose aux exigences de ses propres passions, et il est mieux de le faire dans la jeunesse que dans un âge plus avancé. Lorsqu'on arrive à l'époque où l'on doit craindre la mort, alors par de ferventes prières et une sincère pénitence on peut obtenir facilement le pardon des plaisirs charnels qu'on a goûtés dans le jeune âge, et arriver au ciel pour jouir de ses pures délices avec les anges, et parmi tant d'autres saints pénitents ».
A peine l'ange de ténèbres transformé en ange de lumière eut-il prononcé ces dernières paroles, qu'il crut voir saint Vincent Ferrier tenté contre la constance et la persévérance dans les entreprises de mortification avec lesquelles il avait résolu de conserver l'innocence de son baptême jusqu'à la mort. Mais le valeureux soldat de Jésus-Christ, s'armant du signe de la croix et prononçant les doux noms de Jésus et de Marie, répondit : « J'ai consacré à Dieu ma jeunesse et ma vieillesse, parce que je veux lui donner entièrement ma vie ». Alors le démon, se voyant découvert et vaincu, s'enfuit tout confus en jetant des cris et des hurlements affreux, et en laissant derrière lui une odeur fétide et insupportable. A l'imitation du saint, repoussons courageusement les perfides insinuations au moyen desquelles Satan voudrait nous empêcher de secouer le joug de la concupiscence pour embrasser la loi de l'esprit.
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Troisième Vendredi
La troisième perfection est une crainte continuelle des péchés commis jusqu'à ce jour contre Dieu ; péchés au sujet desquels nous ne pouvons savoir si nous avons satisfait, et si Dieu nous les a pardonnés.
Explication
Beaucoup, après avoir confessé leurs péchés, n'y pensent pas plus que s'ils ne les avaient jamais commis, et ils n'en font pas pénitence. Ceux-là ont un pressant besoin d'acquérir le troisième degré de perfection enseigné par Saint Vincent. Ainsi, après avoir connu et confessé ses péchés, et après s'en être corrigé, celui qui veut être parfait doit, tout en ayant l'espérance du pardon, avoir encore de la crainte pour les fautes passées, et ne jamais cesser de les pleurer avec un continuel repentir qui lui transperce le cœur; c'est qu'effectivement il est certain d'avoir offensé Dieu, mais il est incertain d'en avoir obtenu le pardon. « Bienheureux l'homme qui craint sans cesse », dit l'Esprit-Saint dans l'Écriture. (Proverbes, chapitre 28).
Pratique
La manière de s'exercer à cette sainte crainte de Dieu est de faire souvent des actes de contrition et de recourir aux saints avocats, afin qu'ils apaisent la juste colère de Dieu. En outre, celui qui tremble vraiment pour les péchés passés, qui reconnaît avoir offensé Dieu par des plaisirs défendus, s'abstient même de ceux qui sont permis, afin de satisfaire pour les fautes passées. C'est Saint Grégoire qui nous l'enseigne.
Prière au Saint
Après avoir offensé Dieu comme j'ai eu le malheur de le faire, il est bien juste, ô Saint Vincent Ferrier, mon protecteur, que je n'oublie jamais le mal dont je me suis rendu coupable, et de m'en humilier sans cesse devant Dieu, comme vous me l'enseignez. O vous qui par votre parole éloquente inspiriez aux pécheurs qui vous entendaient les sentiments d'une contrition si vive et si parfaite, continuez à mon égard ce ministère plein de vertu. Faites que j'aie sans cesse devant les yeux les jugements terribles du Seigneur, faites que la mémoire de mes iniquités ne s'efface jamais de mon âme. Semblable aux pénitents que vous avez convertis d'une manière admirable, faites que je puisse dire avec eux, comme avec le Prophète repentant : « Mon péché est sans cesse contre moi ; il est toujours devant mes yeux ; jour et nuit je le déplore, je l'abhorre, je le déteste, j'en demande pardon au Seigneur ». Oui, doux Vincent, que ce soit là le cri de mon âme, le sentiment perpétuel de mon cœur ; que sans cesse je crie : « Miséricorde, mon Dieu, Miséricorde ! Nous avons agi injustement à Votre égard, nous avons commis l'iniquité, nous sommes des ingrats, nos prévarications sont sans excuse ». (Psaume 105). Oui, doux refuge des âmes pénitentes, accueillez vous-même ces paroles que m'inspire la vue de votre vie si sainte en comparaison de la mienne qui est si méprisable. Soyez mon intercesseur. Fléchissez pour moi la justice de mon Dieu, afin que, changé intérieurement, je puisse répéter avec confiance tous les jours de ma vie cette affirmation consolante du roi David : « Seigneur, vous ne rejetterez point un cœur contrit et humilié ». (Psaume 4). Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Lorsque saint Vincent Ferrier était en France, il se trouvait à Béziers un homme qui avait commis de grands crimes, entre autres celui de l'inceste, et de plus il désespérait Presque entièrement de la Miséricorde Divine. Le saint étant allé prêcher dans la ville habitée par ce grand criminel, celui-ci alla l'entendre, et il fut tellement pénétré du feu de ses paroles, qu'il vint, tout contrit et humilié, se jeter à ses pieds pour lui faire l'accusation de ses péchés. Effectivement il se confessa avec une contrition si grande, que Saint Vincent, lui ayant imposé sept années de pénitence, il s'écria : « Comment, mon Père ! Pour des péchés si graves, une si légère pénitence ! » « Oui, mon fils, répondit le saint, et je veux même vous la diminuer. Votre pénitence ne sera pas un jeûne de sept ans, mais seulement de trois jours au pain et à l'eau ».
La douleur de ce vrai pénitent s'accrut en entendant le Saint diminuer ainsi une pénitence qui lui paraissait déjà trop faible, et il répondit : « Mais, mon Père, est-il possible que pour des fautes si graves vous m'imposiez une satisfaction si légère ? » A ces paroles Saint Vincent répondit avec une sainte résolution : « Allons, mon fils, je ne veux vous imposer d'autre pénitence que celle-ci : trois fois la récitation du Pater ». Le pénitent, sincère et soumis, inclina humblement la tête, et se mit à réciter ses trois Pater. Mais sa douleur fut si grande, sa contrition si parfaite que, ne pouvant terminer sa pénitence, il tomba mort aux pieds du Saint Confesseur. La nuit suivante, l'âme glorieuse de ce pénitent apparut à Vincent : « Par la grande miséricorde de Dieu, dit-elle, et à cause de ma contrition parfaite, le Seigneur m'a octroyé son pardon complet, et je suis entré dans le paradis sans passer par les flammes du Purgatoire ».
Dans un autre lieu, une femme qui menait une vie scandaleuse était venue à l'église pour entendre prêcher le saint. Mais comme elle y était allée pour tout autre motif que celui d'entendre la parole divine, elle se mit à une place bien apparente, afin d'être mieux vue de ses admirateurs. L'homme de Dieu monte en chaire, et il se met prêcher contre les vains ornements des femmes et contre les péchés des sens. Il exhorte avec force ses auditeurs à les détester comme autant d'offenses de Dieu très graves. O puissance admirable de la Parole divine ! Les exhortations du saint pénétrèrent le cœur de la courtisane, au point que la contrition dont elle fut saisie lui fit verser une grande abondance de larmes de repentir; sa douleur fut même si vive, qu'elle en fut suffoquée : elle tomba morte par terre à la vue de tout l'auditoire.
Tous ceux qui étaient présents avaient été témoins de sa douleur et de ses larmes, mais néanmoins ils tremblaient pour le salut de son âme. En la voyant mourir ainsi subitement, ils prirent cette mort soudaine pour un châtiment de Dieu, et ils déploraient sa perte, qui pouvait être éternelle. Mais le saint orateur les consola promptement : « Mes braves gens, leur dit-il, ne craignez pas pour le Salut de cette femme, parce que sa contrition parfaite l'a sauvée. Priez pour elle ». A ces paroles, le saint prédicateur fut interrompu par une voix venue du ciel qui lui dit : « Il n'est plus nécessaire de prier pour elle, mais priez qu'elle intercède pour vous, parce qu'elle est déjà en paradis ». Ainsi fut confirmé ce qu'avait annoncé le saint, que la contrition parfaite avait sauvé cette femme, et que déjà elle jouissait de la couronne de gloire parmi les âmes des vrais pénitents qui sont dans le ciel. Que ces beaux exemples vous animent à concevoir de vos péchés une vive haine et un sincère repentir !
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Quatrième Vendredi
La quatrième perfection est une frayeur continuelle que notre fragilité ne nous fasse faire des chutes nouvelles semblables aux anciennes, et peut-être plus grandes.
Explication
Dans ce degré le saint nous montre que plus l'âme s'approche de la perfection, plus elle doit craindre de nouvelles chutes. Ainsi elle fera bien de s'enraciner dans une sainte et filiale crainte de Dieu. Cette crainte est comme un rocher qui préservera l'âme des péchés futurs; car si elle en sort, elle s'expose inévitablement à des désastres irréparables, conformément à ce que nous lisons dans l'Ecclésiaste: « Si tu ne restes continuellement dans la crainte de Dieu, ton édifice tombera vite ». (Ecclésiaste, chapitre 1) Ces paroles concernent l'édifice de la perfection, que chacun doit chercher à élever.
Pratique
Pour se tenir dans une filiale crainte de Dieu, le moyen le plus efficace est d'éviter les fautes légères, les péchés véniels ; ces choses offensent Dieu. Or quiconque néglige les petites fautes, tombe infailliblement dans les grandes. « Qui craint Dieu, dit le Sage, ne néglige rien, mais fait compte de tout ». (Ecclésiaste, chapitre 7).
Prière au Saint
Hélas! de quelque côté que je me tourne, je me trouve dans un péril évident. Je considère ma vie passée, alors il me semble voir l'enfer près de m'engloutir dans ses flammes. Je jette un regard sur ma vie présente, aussitôt je me vois dans le monde comme dans un abîme de vices. Si je n'ai un ange qui tempère cet incendie, comme celui qui éteignit avec un vent rafraîchissant les flammes de la fournaise de Babylone où les trois enfants avaient été jetés, hélas! me voilà perdu. Mais heureusement je le vois, ô Saint Vincent Ferrier, très fidèle avocat de mon âme, vous qui avez été cet ange envoyé de Dieu dans le monde pour le délivrer de l'incendie des vices par le vent de la crainte de Dieu, qui, au dire de Saint Bonaventure, est semblable à celui avec lequel l'ange éteignit les flammes de Babylone. O vous qui avez donné une si grande crainte au monde en prêchant le jugement universel par ces paroles : « Craignez Dieu et rendez-lui l'honneur qui lui est dû, car l'heure du jugement approche (Apocalypse, chapitre 14) ; et qui par ces mots avez transformé le monde, qui était un repaire de tous les vices, en un véritable paradis de vertus ; réparez, je vous en prie, ô glorieux Saint Vincent, mon âme si pauvre et si misérable, par cette douce brise de la crainte de Dieu, afin que je ne périsse ni dans cet incendie des vices en ce monde, ni dans l'éternel incendie de l'enfer. Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Vous avez prié votre grand avocat, afin que, comme l'ange du Seigneur, il Vous délivre par la crainte de Dieu de l'incendie des vices ; vous ne pouviez l'invoquer sous un titre qui lui fût plus cher, puisque saint Vincent se complaît grandement dans ce nom d'ange ; il fut le premier en effet qui, inspiré de Dieu, se le donna à lui-même, et comme preuve que ce nom lui était bien dû, le Seigneur fit par lui un prodige surprenant.
Le saint, prêchant un jour à Salamanque à plusieurs milliers de personnes, arrêta un moment son discours ; puis il se mit à dire à la foule étonnée : « Je suis l'ange annoncé par saint Jean dans l'Apocalypse, cet ange qui doit prêcher à tous les peuples, à toutes les nations, dans toutes les langues, et leur dire: « Craignez Dieu et rendez-lui tout honneur, parce que l'heure du jugement approche ». Saint Vincent, voyant le peuple surpris et paraissant même ne pas vouloir ajouter foi à ses paroles, répéta ces mots : « Je vous le dis encore une fois, je suis l'ange de l'Apocalypse, et de cette affirmation je veux vous donner une preuve manifeste. Allez à la, porte de Saint-Paul, vous y trouverez une morte qu'on con- duit à la sépulture; amenez-la ici, et vous aurez la preuve de ce que je vous annonce ». Ainsi que l'avait dit le Saint inspiré de l'esprit prophétique, on trouva la morte ; on la conduisit sur la place, et l'on mit le cercueil de façon à ce que tout le monde pût le voir.
Saint Vincent ordonna à cette morte de revenir à la vie. « Qui suis-je ? » lui dit-il en lui commandant de parler. La morte se leva aussitôt et dit : « Vous, Père Vincent, vous êtes l'ange de l'Apocalypse, ainsi que vous l'avez annoncé ». Le saint demanda ensuite à la ressuscitée si elle voulait mourir de nouveau, ou si elle resterait encore volontiers sur la terre. Celle-ci répondit qu'elle désirait vivre encore, et le saint lui dit : « Vous vivrez encore un bon nombre d'années ». Ce qui arriva effectivement. Voilà la principale raison pour laquelle on représente saint Vincent avec des ailes ; car, on le sait, ainsi sont dépeints les anges.
De tout ceci concluez combien est grande l'inclination qui porte saint Vincent à vous secourir. Il veut être appelé du nom d'ange et représenté avec des ailes, pour vous montrer qu'il est très-fidèle et très prompt à venir en aide aux âmes qui l'invoquent.
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Cinquième Vendredi
La cinquième perfection est de tenir dans une exacte et rigoureuse discipline tous ses sens corporels, afin que les sens soient soumis à l'âme pour le service de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Explication
Ce cinquième degré est bien nécessaire. Écoutez saint Ambroise : « Jacob, se trouvant en voyage et voulant se reposer, se mit sous la tète une dure pierre ». Ainsi, dit le grand docteur, ceux qui sont dans le chemin de la perfection doivent se résoudre à mener un genre de vie rigoureux, c'est-à-dire se priver de tout ce qui est délicat, choisir un lit dur, des aliments grossiers, et ainsi de suite. Ceci est une règle importante de la stratégique spirituelle à laquelle l'âme doit s'assujettir dès qu'elle est entrée dans le rocher de la sainte crainte de Dieu, pour suivre son chef et son guide Jésus, qui fut couronné d'épines. « Sous un chef percé d'épines, il n'est pas convenable que les membres soient délicats », dit Saint Bernard. (Sermon V).
Pratique
Jetez un regard sur le genre de vie que mena Saint Vincent encore enfant. Il jeûnait deux fois la semaine sans jamais y manquer, le mercredi et le vendredi, et toujours au pain et à l'eau. Il donnait, avec la permission de ses parents, le plus qu'il pouvait aux pauvres et particulièrement aux religieux. Il avait une dévotion très grande envers la Passion de Notre Seigneur, car il récitait chaque jour l'office de la Sainte Croix ; et chaque fois qu'il rencontrait sur son chemin le signe de notre Rédemption, il le saluait avec une grande piété. Il avait une affection semblable envers la Bienheureuse Vierge Marie, à laquelle il recourait dans tous ses besoins. Rapprochez-vous autant que vous le pourrez de l'exemple que nous donne le saint, votre avocat, et, à son imitation, menez une vie mortifiée et pieuse, qui vous conduise à la perfection que vous désirez acquérir.
Prière au Saint
Faites-moi comprendre, ô Saint Vincent, que mon ennemi le plus cruel c'est moi-même; faites passer dans mon âme cette conviction profonde qui animait la vôtre au sujet de la nécessité où se trouve tout chrétien de mortifier son corps. Oh ! que vous disiez avec vérité pendant votre séjour ici-bas cette parole de l'apôtre saint Paul : « Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres je ne sois moi-même réprouvé ». (1 Corinthiens, 9). Hélas ! je suis bien loin de ce beau modèle. Vous voyez devant vous un misérable pécheur tout plongé dans le sang et dans la chair, une âme sensuelle qui redoute la moindre gène, qui fuit toute pénitence, qui court ardemment après d'indignes voluptés. En suivant des inclinations aussi perverses, puis-je compter sur mon salut ? Non, je ne le puis pas. La prudence de la chair n'est-elle pas la mort? (Romains, 8). N'est-elle pas l'ennemie de Dieu ? La chair et le sang peuvent-ils entrer en possession du royaume de Dieu ? (1 Corinthiens, 15). Le caractère du chrétien n'est-il pas, au contraire, de crucifier ses sens (Galates, 5), de dominer les exigences du physique? (Romains, 8). A vous donc, ô mon bien-aimé patron saint Vincent, j'ai recours ; à vous je demande cet esprit de Dieu, l'opposé de l'esprit de la chair. Vous l'avez possédé en si grande abondance, vous : qu'il s'en écoule sur moi un rayonnement salutaire. J'ai la confiance, ô grand saint, que par votre intercession puissante mes instincts seront changés. Appuyé sur vos mérites, je veux à l'avenir brûler ce que j'ai adoré, et adorer ce que j'ai brûlé. Obtenez-moi, s'il vous plaît, la réalisation de ce vœu, que je présente au Seigneur par vos mains : « Créez en moi, ô Dieu, un cœur droit, et renouvelez. en moi l'esprit de droiture ». (Psaume 4). Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Grande est l'astuce du démon pour nous porter à croire qu'il nous est de toute impossibilité de marcher sur les traces des saints. Il nous décourage, il met notre faiblesse devant les yeux, et elle nous paraît effectivement si grande, que nous pensons ne pouvoir rien faire des choses que tant d'autres ont faites avant nous. Mais si vous réfléchissez bien à la conduite du glorieux saint Vincent, qui observa toujours une vie rigoureuse, même au milieu des plus grands labeurs, que penserez-vous de vous-même en voyant votre tiédeur et votre lâcheté pour pratiquer des mortifications que le saint pratiquait à un si haut degré, au milieu de fatigues bien plus grandes que les vôtres ?
Il était d'un sang noble, par conséquent plus faible de complexion que bien d'autres hommes. Et cependant, à peine fut-il religieux, qu'il jeûna presque tous les jours de sa vie. Il était continuellement en voyage. Il faisait ses courses à pied un bâton à la main, ou sur un âne, lorsque son âge ou ses infirmités l'y forcèrent. Il ne voulut jamais manger de viande, ni laisser la discipline qu'il prenait chaque soir, après avoir prêché deux et trois fois le jour. Voici un très-éclatant miracle arrivé à propos de son abstinence :
Le saint fut reçu un jour dans la maison d'un certain bourgeois, qui laissa l'ordre à sa femme de préparer dans la matinée le dîner du saint. Il lui recommanda, entre autres choses ; de ne lui servir que des poissons. La femme avait de temps en temps des accès de folie ; il arriva qu'elle en fut prise ce jour même, et d'une manière si cruelle, qu'elle tua son petit enfant d'un âge très tendre, le coupa en morceaux et en prépara un mets horrible, dans l'intention de l'offrir au Saint. Le mari retourna à la maison aussitôt que la prédication fut achevée, et il demanda si le dîner était prêt.
Sa femme lui dit : « Oui », et elle ajouta : « J'ai préparé pour le Saint Père Vincent un mets exquis avec une viande très bonne et très délicate ». « Mais, reprit le bourgeois, ne vous ai-je pas dit que frère Vincent ne mangeait pas de viande ? » « C'est vrai, dit la femme, mais j'ai voulu avec les poissons mêler la chair de notre petit enfant; je l'ai donc tué et mis en morceaux, afin que frère Vincent vit que nous lui donnons ce que nous avons de meilleur ». En disant cela, elle montra à son mari les apprêts sanglants du festin qu'elle avait rêvé. On conçoit aisément combien le père fut profondément affligé à la vue de cet horrible accident ; il en serait mort de douleur, si le saint n'était arrivé à la maison en ce moment même, et s'il ne l'eût consolé d'une façon merveilleuse. En effet, voyant l'innocente créature tuée et traitée de cette sorte, Vincent en fut ému de compassion. Il se fit donc apporter sans retard tous les membres de ce petit corps ; puis il les unit les uns aux autres avec ses mains, et ayant dit une courte prière accompagnée d'un signe de croix sur l'enfant. Il le ressuscita. C'est ainsi qu'il le rendit sain et sauf à son père, qui le reçut, comme on pense bien, avec une extrême consolation.
D'après un si éclatant prodige, vous pouvez comprendre, pieux lecteur, comment Dieu accepte les abstinences et les mortifications faites pour assujettir notre chair mortelle. Considérez combien Dieu veut honorer l'abstinence et les mortifications du saint, puisqu'il fait un si grand miracle. Continuez à supplier votre avocat de vous obtenir la force de pouvoir, par les mortifications et les saintes rigueurs de la pénitence, acquérir la sainte perfection. Il est si puissant! il vous l'obtiendra de Dieu.
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Sixième Vendredi
La sixième perfection est une grande force et une patience invincible dans les tentations et les adversités.
Explication
Voici la pensée du saint: si régulière que soit une personne dans sa conduite, elle ne manquera pas pourtant de combats, de tentations et d'adversités. Aussi le sixième degré vous est-il recommandé vivement. Il consiste dans la force dont l'âme doit être douée au combat des tentations, conformément à l'avis du Sage (Ecclésiaste, 2) : « Mon fils, en entrant au service de Dieu, prépare ton âme à la tentation ». Mais la force ne suffit pas, si elle n'est unie à la patience, par laquelle on est vainqueur des adversités et des persécutions, qui arrivent ordinairement à ceux qui aspirent à la perfection, selon ce que dit Saint Paul : « Tous ceux qui veulent vivre saintement en Notre Seigneur Jésus-Christ seront persécutés ». (1 Timothée, 3).
Pratique
Si vous voulez arriver à ce degré, recourez à Dieu toutes les fois que vous serez tenté, en disant avec la Cananéenne : « Seigneur, aidez-moi ! » (Matthieu, 15) ; et il l'accorde à celui qui connaît bien sa faiblesse, et qui implore son assistance divine. Le moyen le plus propre pour s'exercer à la patience est de se rappeler dans les disgrâces et dans les infirmités, que vous en mériteriez bien davantage à cause de vos péchés; et dans les persécutions, songez que les saints ont été persécutés dans le monde, et que Notre Seigneur Jésus-Christ fut crucifié. Ces considérations vous consoleront, et au lieu de vous épouvanter parce que le monde vous haïra, vous vous réjouirez, parce que ce sera un signe que vous n'êtes pas au monde, mais à Dieu, conformément à ce que dit le Sauveur a ses apôtres. (Jean 15).
Prière au Saint
Très invincible héros de l'Église, saint Vincent, vous qui dès l'âge le plus tendre étiez déjà déterminé à mener une vie rigoureuse, et vous adonniez à une oraison continuelle, aux jeûnes et aux pénitences, pour acquérir la perfection à laquelle vous êtes arrivé si heureusement; vous qui repoussiez avec force les assauts du monde et de la chair, et qui avec une indicible patience souffriez toutes sortes de persécutions, me voici prosterné à votre autel, me repentant d'avoir si mal employé ma vie jusqu'à ce jour. Les ruines de mon âme sont grandes, parce que j'ai vécu sans règle de conduite, ou si quelquefois j'ai pris des résolutions, le plus léger vent des tentations ou des contrariétés a suffi pour me faire perdre courage et tout abandonner. Je prends la résolution aujourd'hui de servir de tout mon cœur et jusqu'à la mort le Dieu que vous avez servi vous-même avec tant de fidélité; et la règle que je me propose de suivre, c'est d'imiter, autant que ma position me le permettra, votre très sainte vie, en combattant toujours, à votre imitation, contre le démon, le monde et la chair. Mais comment y arriverai-je, si vous ne m'investissez de votre force, si vous ne me donnez le bouclier de votre patience? Obtenez-moi, très-glorieux saint, ces deux vertus si nécessaires pour conduire à bon terme l'entreprise de la perfection, chemin battu seulement par les âmes fortes et persévérantes qui souffrent avec patience et résistent jusqu'au bout. O grand Saint ! puisque vous daignez nous enseigner ce degré de perfection, obtenez-moi aussi ces armes de force et de patience avec lesquelles, combattant constamment, je puisse acquérir à la fin, comme vous, la couronne de l'éternelle gloire. Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Parmi les conversions opérées par saint Vincent Ferrier, les plus célèbre furent celles des femmes de mauvaise vie, réunies d'abord dans les maisons publiques, et qui, après avoir servi à la perdition des âmes, devenaient ensuite de véritables modèles de la plus sincère pénitence. Cette conversion générale déplut grandement aux débauchés qui leur servaient de médiateurs. Ils entrèrent en fureur contre le saint, qui par ce changement, fruit de son zèle, leur ôtait le bénéfice considérable de cet infâme commerce. En Espagne ils résolurent Un jour de retirer la vie au saint, « puisque, disaient-ils, il leur avait retiré le pain ». Comme il était parti de Lérida pour Balaguer, ces misérables lui dressèrent des embûches, afin de l'assaillir en chemin.
Saint Vincent, averti de leurs desseins criminels, dit à ses compagnons de voyage : « Ceux qui viennent au-devant de nous sont les médiateurs des femmes de mauvaise vie qui se sont converties, et ils viennent à moi avec la ferme résolution de me tuer ». Les compagnons de l'homme de Dieu s'offrirent aussitôt à le défendre ; mais il leur répondit : « Je n'ai pas besoin de vous ; allez devant, et laissez-moi seul avec ces hommes ».
A peine donc ces malheureux le virent-ils seul et détaché de sa compagnie, qu'ils l'entourèrent, et tirant leurs épées, ils s'apprêtaient à le tuer. Mais Vincent se tourna vers eux, et faisant le signe de la croix, il dit : « Per signum crucis de inimicis nostris libera me, domine. Par le signe de la croix, de nos ennemis délivrez-moi, Seigneur ». Soudain les assassins restent immobiles sans pouvoir remuer leurs épées : ils étaient devenus comme des statues. Alors le saint commença à leur prêcher la pénitence, et quand il les reconnut tous repentants et résolus à changer de vie, il leur permit de partir. A ces mots, le mouvement fut rendu à leurs corps. Ils déposèrent leurs armes, et se prosternant aux pieds du Saint apôtre, ils lui demandent, outre leur pardon, la grâce de vouloir bien les devoir dans sa sainte compagnie, pour faire une pénitence publique de leurs scandales et mener une vie vraiment chrétienne. Le saint maître les admit à sa suite avec une grande bonté, et ils vécurent en cette céleste compagnie, donnant à tous de grands exemples d'édification.
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Septième Vendredi
La septième perfection consiste à éviter avec soin et à fuir toutes les personnes et toutes les créatures qui non-seulement nous pousseraient à pécher, mais qui encore seraient pour nous un obstacle dans le combat des imperfections.
Explication
Prenez la résolution généreuse de servir Dieu en menant une vie mortifiée et en vous armant de force et de patience, ainsi que vous l'a conseillé le saint. L'autre degré qu'il nous enseigne est la prudence avec laquelle on fuit de tout son pouvoir non-seulement les occasions d'offenser Dieu, mais encore toutes les conversations et affaires qui pourraient être un sujet de chute. Il faut éviter aussi de se trouver avec les personnes qui, par leurs paroles et leurs mauvais exemples, pourraient diminuer en vous la ferveur de l'esprit. L'âme qui aborde de la sorte la bataille spirituelle, et qui fuit avec soin tous les périls, devient formidable au démon.
Pratique
On s'exerce à ce degré en conversant peu avec le monde et beaucoup avec Dieu. Ainsi, fuyez les conversations, les veillées, les fêtes, les bals, afin d'arriver à la perfection; vous ne l'acquerrez jamais sans la pureté de la vie et la sainteté de la langue : deux choses difficiles à sauvegarder dans les conversations et les entretiens du monde.
Prière au Saint
O très savant maître de la vie spirituelle, Saint Vincent Ferrier, vous nous avez enseigné, et par vos paroles et par votre exemple, jusqu'à quel point une âme doit travailler à se rendre pure. Éclairez donc, s'il vous plaît, mon esprit sur la doctrine importante dont aujourd'hui vous me livrez le secret. J'ai bien besoin de votre assistance, plongé comme je le suis dans les ténèbres spirituelles, et, ce qui est pire, embarrassé dans une multitude d'affections vaines et inutiles qui retardent mon union avec Dieu. Je reconnais pourtant, et je le dois sans doute aux prières que vous faites pour moi, je reconnais le faible de mon âme. Elle est infirme, malade, impuissante, et c'est bien par sa faute; car, reconnaissant combien une attache désordonnée aux créatures est funeste à son avancement, elle persiste néanmoins dans cette affection aveugle. C'est ici, grand saint, que j'ai besoin de votre secours particulier. Je vous en prie humblement, obtenez pour mon esprit des lumières plus vives; obtenez pour mon cœur une volonté plus énergique. Faites-moi toucher au doigt, pour ainsi dire, la vanité et le néant de tout ce qui n'est pas mon Dieu; inspirez-moi un saint dégoût de toutes les choses de ce monde ; versez à pleines mains l'amertume sur tout ce qui pourrait distraire mon cœur de Dieu; obtenez-moi l'amour du silence, de la retraite, de la solitude. Ah ! puissé-je comme vous vivre en étranger au sein du tumulte de la société humaine! Puissé-je, comme vous, avoir au milieu de mon cœur une cellule intérieure, impénétrable à tous les bruits de la terre ! Alors Dieu ne m'oublierait pas ; il me parlerait dans le secret de l'âme, et ma conversation, comme la vôtre, serait dans les cieux. Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Lorsque Saint Vincent Ferrier retourna pour un temps dans sa patrie, la reine Violante se mit sous sa conduite. Le saint lui adressait des discours si remplis du feu de l'amour divin, que la reine sentit naître en elle une telle vénération pour l'homme de Dieu, qu'elle devint désireuse de le visiter dans sa cellule. Elle lui en fit donc de, mander la faveur à plusieurs reprises; mais, loin de lui accorder cette grâce, le saint lui fit répondre qu'il lui défendait expressément d'entrer chez lui ; ce qui excita davantage encore la curiosité de la reine. Mettant de côté toute obéissance, elle vint au couvent suivie de sa cour, choisissant le moment où elle supposait que son saint confesseur était absorbé dans l'oraison. La cellule lui fut ouverte par les religieux; Ils trouvèrent le saint à genoux et priant ; mais, chose merveilleuse, il ne fut pas possible à la reine de le voir, quoiqu'il fût devant elle. Les religieux, pensaient que le saint était plongé dans ses contemplations, crurent qu'il ne s'était pas aperçu de la visite de la reine; ils l'en avertirent, afin qu'il se levât pour la complimenter.
« Comment ! des compliments, répondit le saint ; ne savez-vous pas que les femmes ne peuvent entrer dans nos cellules ? Elle y est venue sans ma permission : elle ne me verra pas tant qu'elle n'en sortira pas ». La reine demeura toute surprise en entendant la voix du saint qu'elle cherchait en vain à découvrir ; elle lui demanda où il était. « Je suis ici », répondit-il, et il ajouta de nouveau que, tant qu'elle ne sortirait pas de sa cellule, elle ne le verrait pas. La reine sortit enfin, saint Vincent la suivit, et, lorsqu'elle allait sortir, il se rendit visible à elle, mais avec un visage sévère. Armé d'un saint zèle, il l'avertit de ne plus venir dans sa cellule, car elle aurait bien pu payer cher cette entrée. « Dieu vous aurait sévèrement châtiée, lui dit-il, si l'ignorance et le manque de réflexion ne vous avaient poussée à commettre cette faute ». La reine s'humilia ; elle reçut la correction du saint avec un grand respect, et elle lui demanda Pardon de sa désobéissance. Cependant elle ne fut pas entièrement guérie de sa curiosité. Peu de jours après elle retourna de nouveau au couvent, afin de voir son saint maître en oraison. Mais, arrivée là, elle n'osa pas, comme la première fois, entrer dans sa cellule. Elle ne demanda même point qu'on l'ouvrît ; elle se contenta de l'observer seulement par la fente de la porte. Elle vit le saint absorbé dans une profonde contemplation. Sa face était éclairée de rayons de lumière qui illuminaient toute sa chambre. La reine, se retournant alors vers ses dames, leur dit : « Allons, partons, cet homme est beaucoup plus saint qu'on ne le pense ». La vénération de la reine pour son saint maître s'accrut tellement, que toutes les fois qu'elle lui parlait, elle se prosternait à ses pieds, comme si elle avait vu un ange du ciel.
Voici encore un autre miracle que le saint opéra dans Valence, son heureuse patrie. La princesse Jeanne de Prades, sœur de la reine Marguerite, veuve de Martin, roi d'Aragon, se trouvait un jour à une prédication de saint Vincent Ferrier, qui avait lieu sur le marché au bois. Sans qu'on pût savoir d'où cela pouvait venir, on aperçut une grosse pierre qui déchira les tentures destinées à préserver du soleil, et cette pierre alla tomber avec force sur la tête de la princesse. Elle fut étendue par terre par la violence du coup, et chacun la crut morte. Les assistants émus se lamentaient de voir dans quel état leur princesse était réduite. Mais le saint prédicateur les encouragea à ne pas s'alarmer, parce que cette pierre, disait-il, n'était pas tombée pour tuer la princesse, mais seulement pour abattre la tour qu'elle portait sur sa tète, voulant parler de l'ornement extravagant de sa chevelure. Le saint, se tournant donc vers la princesse, lui dit : « Princesse Jeanne, levez-vous ». A ces paroles et à la grande stupéfaction de tous les assistants, elle se releva saine et sauve, préservée miraculeusement de la mort et entièrement corrigée de son excessive vanité. Elle sut si bien profiter du coup venu du Ciel et des avis du saint prédicateur, qu'elle se revêtit d'habits modestes, et n'alla jamais au delà des exigences de sa position. Ainsi, à Valence, on comprit parfaitement que la chute de cette pierre était un trait de la divine Providence qui avait voulu donner lieu au saint de corriger cette grande princesse de son amour pour les ornements superflus et les vains habillements, qui souvent sont pour la jeunesse imprudente des sujets de scandale et de ruine.
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.
Pour le jour de la Fête du Saint
La huitième perfection pour le serviteur du Seigneur est de porter en soi la croix de Jésus-Christ, et cette croix a quatre branches : la première est la mortification des passions ; la seconde, l'abandon de tout ce qui passe; la troisième, le renoncement à toutes les affections charnelles de parents et amis; la quatrième enfin, le mépris, la haine, et l'abnégation de soi-même au degré le plus élevé.
Explication
Jusqu'à présent le saint docteur a conduit l'âme par la voie purgative ; mais, dans ce huitième degré, il commence à la conduire dans la voie illuminative. La croix de l'abnégation de soi-même est celle dont parle Notre-Seigneur lorsqu'il dit : « Que celui qui veut venir à moi prenne sa croix et qu'il me suive ». (Luc, 6). L'âme est éclairée par cette croix qui détruit les quatre principales causes de l'aveuglement spirituel, savoir : les passions, l'intérêt, l'affection désordonnée des parents et l'amour-propre déréglé. Dans la croix de l'abnégation, les vices se détruisent d'abord par la mortification ; ensuite, par l'abandon des choses qui passent, on préfère l'éternel au temporel, et l'âme reconnaît qu'il vaut mieux perdre tous les biens du monde que de perdre la grâce de Dieu, conformément à ce que dit le divin Maître : « Que servirait à l'homme de gagner tout l'univers s'il vient à perdre son âme ? » (Matthieu, 16). Par le détachement des parents on purifie son esprit de toutes les maximes dictées par la chair et le sang. Enfin par le mépris de soi-même on reconnaît combien on a besoin de la grâce et de la Miséricorde de Dieu, et combien de choses sont nécessaires pour arriver à la perfection ; alors le désir de l'acquérir à tout prix s'allume de plus en plus dans l'âme.
Pratique
Pour embrasser cette sainte croix de l'abnégation et du mépris de soi-même, il faut faire tout votre possible pour vous délivrer de toutes les habitudes du vice. Rappelez-vous principalement que les Saints Pères du désert, désireux d'acquérir la perfection, commençaient à vaincre le vice de la langue. Si vous souhaitez vous détacher de l'affection désordonnée de vous-même et de vos parents, pensez souvent à cette sentence du Christ : « Qui aime son père et sa mère plus que Moi n'est pas digne de moi ». (Matthieu, 10). Et dans une autre circonstance, le Sauveur dit : « Quiconque ne se hait lui-même, c'est-a-dire ne veut pas contrarier ses passions et dompté ses mauvaises inclinations, celui-là ne peut être Mon disciple ». (Luc, 16).
Prière au Saint
Soleil resplendissant de vertus, miroir de sainteté, saint Vincent Ferrier ! Si un rayon de votre lumière ne vient éclairer les ténèbres de mon âme, comment pourrai-je embrasser la croix d'une continuelle abnégation- de moi-même, aveugle comme je suis, et par conséquent ne sachant apprécier ni le mérite ni l'abondance des grâces célestes qui sont renfermées dans cette croix ? Je vous rends grâces de cet enseignement précieux, que sans la nacelle de cette sainte croix on n'arrive jamais au port de la perfection chrétienne. Mais en cette mer périlleuse du monde, comment pourrai-je faire voile sans votre aide et votre secours? Soyez donc, ô mon glorieux avocat, le prudent pilote de mon âme. Soyez l'étoile qui dirige mes pas dans ce grand chemin de la perfection; délivrez-moi des périls si nombreux qu'on rencontre en ce voyage. Oui, j'espère en vous qui vous êtes fatigué sur la terre à enseigner au monde le chemin du salut; dans le ciel où vous êtes, vous m'obtiendrez, par votre puissante intercession, la grâce de pratiquer ce que vous avez enseigné si souvent dans vos prédications et vos écrits. Ainsi soit-il.
Entretien spirituel
Une des plus belles vertus de la grande âme de saint Vincent fut là pauvreté. C'était une des plus précieuses joies qu'il rencontrait dans la croix de l'abnégation de soi-même. Il savait Ce que dit le grand évêque d'Hippone, que celui qui durait toutes les choses du monde, s'il n'avait pas la grâce de Dieu, n'aurait rien. A cause de cela, il ne désirait rien de ce qui est sur la terre. Il savait aussi ce qu'ajoute saint Augustin, que quiconque n'aurait rien sur terre, mais posséderait la grâce de Dieu, celui-là aurait tout. Et à cause de cela, laissant toutes choses, il mit toute son étude à enrichir son âme des richesses de la grâce, qui sont les vertus. En cette pauvreté son esprit fut si riche, que Dieu voulut en perpétuer le témoignage par un prodige.
Pauvre et humble, le religieux saint Vincent allait dans ses missions et partout à pied, jusqu'à ce qu'enfin, quinze ans avant sa mort, ayant une plaie à la jambe, il fût dans la nécessité de se faire transporter. Le pauvre de Jésus-Christ ne voulut choisir d'autre monture qu'un âne chétif, c'est-à-dire l'animal le plus vil et le plus abject. Il en accepta un en aumône ; il n'avait pas d'argent pour l'acheter; sa pauvreté en outre était si grande, qu'il n'avait même pas de quoi le faire ferrer. Un jour il le conduisit à un maréchal ferrant, le priant par charité de vouloir bien lui ferrer sa bête. Quand l'opération fut terminée, le maréchal, ne pensant nullement avoir travaillé par charité, demanda au religieux le prix de la main d'œuvre et de ses fournitures. « Je n'ai rien à vous donner, lui dit le saint, mais Dieu vous récompensera de votre charité ». « Eh Père! reprit l'ouvrier, je ne peux travailler uniquement par charité : je suis, voyez-vous, chargé de famille. Payez-moi, ajouta-t-il, ou je ne vous rends pas votre âne ».
Le bon saint le pria de nouveau, en l'exhortant à lui faire cette aumône ; mais le maréchal répondit encore : « Il est certain que je ne peux le faire, et vous n'aurez ni la bête ni les fers que vous ne m'ayez payé. » Alors le saint, ô prodige inouï ! se tournant du côté de la bête, lui dit : « Cet homme ne veut pas donner les fers qu'il vous a mis, parce que je ne peux le payer; allons, rendez-les-lui, et partons ». A ces paroles, l'animal, comme s'il avait compris, secoua ses pieds l'un après l'autre, et jeta miraculeusement les fers que le maréchal lui avait posés. A la vue de ce miracle, l'ouvrier, stupéfait, se précipita aux genoux du saint, lui demanda pardon de son avarice obstinée, et, ferrant de nouveau l'âne, il lui donna les fers et son travail par charité. Il se contenta de se recommander humblement aux prières du religieux, reconnaissant que si un saint aussi grand priait pour lui, son intercession lui rapporterait bien plus que tout l'or et tous les trésors du monde.
Réciter 7 Notre Père, 7 je Vous salue Marie, 7 Gloire au Père et les Litanies du Saint.