Le Mois du Saint Sacrement
Le Mois du Très Saint Sacrement
Septième jour
Dimanche dans l'Octave du Très Saint Sacrement
Venez Esprit-Saint,
Remplissez les coeurs de vos fidèles,
Et allumez en eux le feu de votre amour.
Je Vous salue Marie.
Quelques jours avant de mourir, le Sauveur voulut entrer en triomphe dans la ville de Jérusalem. Il fut accompagné des acclamations de tout le peuple, et l'air retentit de ces paroles dictées par la reconnaissance : « Gloire au fils de David. Bénédiction à Celui qui vient au Nom du Seigneur ! » A l'imitation du peuple d'Israël, l'Eglise catholique décerne un triomphe à Jésus-Christ. Pouvait-il en être autrement ? Dès là que le Divin Sauveur s'était donné à l'Eglise, qu'il lui avait laissé son corps, son sang, toute son adorable personne ; cette épouse chérie du Fils de Dieu devait être jalouse de témoigner à son céleste Epoux, son amour et sa reconnaissance, en l'environnant d'honneur et de gloire ; c'est la fin qu'elle se propose dans les hommages solennels qu'elle rend à la Divine Eucharistie. Les expositions solennelles du Saint Sacrement, les Saluts accompagnés de tout ce que la foi et la piété catholique ont pu inventer de plus touchant, les Messes chantées avec toute la pompe que déploie l'Eglise dans son admirable liturgie ; les processions où l'on porte le corps de Jésus-Christ dans lequel habite la plénitude de la Divinité, toutes ces choses n'ont pas été établies pour une autre fin. Oh ! Comme nous devons aimer en particulier les processions du Saint Sacrement !
C'est là qu'on aperçoit Jésus-Christ au milieu d'une multitude de fidèles composée de toutes les classes de la société, des grands de la terre comme des hommes de la plus humble condition ; on y voit accourir les jeunes vierges et les vieillards, l'armée et la magistrature; le casque du soldat et l'épée du conquérant y brillent à côté de la tiare du Pontife et de l'étole du prêtre ! Magnifique triomphe décerné au corps et au sang de Jésus-Christ, célébré par le chant solennel des hymnes, des cantiques, au milieu d'une harmonie ravissante, où la voix de l'homme est unie au son mélodieux de tous les instruments; triomphe dans lequel nous voyons comme une armée céleste qui s'avance au milieu des nuages formés par la vapeur de l'encens, et des flots de lumière auxquels se mêlent les fleurs aux couleurs mille fois variées, et que la main de l'innocence ne cesse de répandre sur le passage de l'homme-Dieu. Si ce triomphe irrite l'impie, il devient un vrai bonheur pour les amis de Dieu. L'âme fidèle se réjouit à la vue de cette gloire que l'Eglise rend au Rédempteur du monde, elle veut y prendre part. La foi, la reconnaissance et l'amour l'amènent partout où Jésus-Christ reçoit les hommages de ses enfants. Les triomphes du Sauveur la comblent de joie.
Mais pourquoi ce culte extérieur, ces cérémonies multipliées, cette richesse d'expressions et de sentiments dans le langage de l'Eglise ? C'était l'usage dans l'antiquité de décerner les honneurs du triomphe aux grands hommes qui, par des victoires signalées, avaient reculé les limites de l'empire et soumis les nations barbares. L'Eglise catholique décerne les honneurs du triomphe à Jésus-Christ et particulièrement à son Corps adorable, à cause des victoires que le Sauveur a remportées par son Corps sur ses puissants ennemis. Tous les jours, à l'autel, pendant l'adorable sacrifice, le prêtre répète deux fois, avant et après la Consécration, ces paroles que nous allons méditer, et qui indiquent de la manière la plus frappante, la nature des victoires dont nous parlons : « Seigneur, nous vous offrons cette Oblation sainte, pour honorer la Passion, la Résurrection et l'Ascension de notre Seigneur Jésus-Christ ». Arrêtons-nous sur ces belles paroles et considérons les triomphes de Jésus-Christ dans sa chair ; notre désir d'honorer cette Chair Divine dans la Sainte Eucharistie deviendra toujours plus ardent.
Premier point
Jésus-Christ, par l'Immolation de Sa Chair, a triomphé du péché
C'est par l'effusion volontaire de son Sang, par les tourments et les douleurs de sa Chair, que le Divin Sauveur nous a lavés et purifiés de la souillure du péché. « Il s'est anéanti, nous crie l'Apôtre, en prenant la forme d'un esclave ». Et ailleurs : « Il s'est humilié jusqu'à prendre la forme d'un esclave, Il s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la Croix ! » C'est donc par le supplice de la Croix, par toutes les douleurs qui ont précédé et accompagné sa mort, que Jésus-Christ nous a délivrés de la servitude du mal, et nous a mérité la grâce de paraître purs et saints devant la majesté de Dieu. Or, c'est pour le récompenser de cette victoire que « Dieu a donné à Son Fils un Nom qui est au-dessus de tous les noms, afin que tout genou fléchisse au Nom de Jésus, dans le Ciel, sur la terre et dans les enfers ».
Mais cette Chair ainsi humiliée, livrée à tous les tourments que nous appelons La Passion de Jésus-Christ, cette Chair par laquelle le Dieu homme a remporté une si grande victoire, elle nous est donnée, nous la possédons ; ce Sang adorable qui a coulé du haut de la Croix sur une terre souillée par les crimes des hommes, il est là, et Dieu nous le donne. Ai-je donc la foi ? Oui, Seigneur, je le crois, votre Corps et votre Sang sont cachés sous les apparences du pain et du vin !... Mais alors de quel amour ne dois-je pas être embrasé pour cet adorable Mystère ! Quel désir immense de le glorifier ! Voilà le prix de mon salut; voilà ce Corps qui a tant souffert pour triompher du péché dont je serais encore l'esclave, sans la victoire de Jésus-Christ. O joie de l'Eglise, comme tu es raisonnable ! Ardeur, empressement, dévotion sans bornes, piété affectueuse, toutes les fois qu'il s'agit d'hommages solennels rendus au Corps et au Sang de mon Divin Rédempteur. Oh ! Quelle douce consolation pour mon âme, de voir le triomphe décerné par l'Eglise au Corps de Jésus-Christ, dans la Divine Eucharistie !
Deuxième point
Jésus-Christ, par la Résurrection de Sa Chair, a triomphé de la mort
Admirable victoire ! La mort était entrée dans le monde à la suite du péché. Tous les hommes étaient tombés dans la condamnation. Or, « Jésus-Christ, nous dit le grand Apôtre, est ressuscité pour notre justification, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qu est mort et ressuscité pour eux ». Ce n'est pas assez, Jésus-Christ est ressuscité afin de nous ressusciter nous-mêmes, par la même vertu divine qu'il a montrée dans sa Résurrection. Tel est le fruit, telle est la conséquence de la Résurrection de la Chair de Jésus-Christ, et de la gloire qu'il a plu au Sauveur de donner à son Corps dans cet ineffable Mystère ; c'est que nous ressusciterons tous, et que c'est pour nous un droit et un devoir d'attendre le jour où notre propre chair sera glorifiée, en étant rendue conforme à la chair de Jésus-Christ après sa Résurrection.
Certes, je comprends main tenant pourquoi le Sauveur a dit Lui-même : « Je Suis la résurrection et la Vie, celui qui vit et croit en Moi ne mourra pas pour toujours ». Il a dit aussi : « Je suis le Pain vivant, Je suis le Pain de Vie. Celui qui mange ce Pain ne meurt pas pour toujours ». La Divine Eucharistie est donc pour moi le gage de mon immortalité, parce qu'elle renferme cette Chair divine sortie glorieuse du Sépulcre, cette Chair par laquelle Jésus-Christ a triomphé de la mort. Eh quoi ! Le Corps adorable du Sauveur ressuscité est là sur cet autel, et j'oublierais l'éclatante victoire remportée sur la mort, par ce même Corps de l'Homme-Dieu ! O Eglise catholique ! Appelle-nous autour du trône sur lequel tu as placé l'adorable Sacrement. Nous viendrons avec joie, et, à la vue du Corps de Jésus-Christ, au souvenir de ses triomphes, nous insulterons à la mort : « Que te reste-t-il, ô Mort, de toutes tes victoires ? Tu es absorbée dans la victoire remportée par la Chair de Jésus-Christ !
Mille actions de grâces, ô mon Dieu ! Par Jésus, par la Résurrection de sa Chair, vous nous avez tous rendu victorieux de la mort! et, par la Résurrection de notre propre chair, vous nous rendrez Immortels !
Troisième point
Jésus-Christ, par la Glorification de Sa Chair, a triomphé du Démon
On vit un grand prodige dans le Ciel, au jour de l'Ascension de Jésus-Christ. La chair de l'homme devenue captive sous la loi du péché, chair avilie et dégradée jusque-là, que Dieu avait déclaré que son Esprit ne demeurerait plus avec l'homme, parce qu'il n'était que chair, cette chair divinisée dans la personne de Jésus-Christ, s'éleva, par sa propre vertu, jusqu'au séjour de la gloire de Dieu. Dans ce moment, toute la puissance que le prince des ténèbres avait obtenue par le don que l'homme lui avait fait de Lui-même, se trouva anéantie. Saint Paul nous l'apprend. « Jésus-Christ ayant dépouillé le démon du fruit de ses conquêtes, ayant brisé son sceptre, pour nous ouvrir la porte du Ciel, est entré le premier, en qualité de notre précurseur, dans le séjour de la gloire. En s'élevant dans les Cieux, il emmène avec lui une multitude de captifs qu'il a délivrés d'une prison obscure, et des ténèbres de la mort ».
Les Justes de l'ancienne Loi avaient trouvé le Ciel fermé ; il fallait la dernière victoire de Jésus-Christ, pour en ouvrir la porte. Jusqu'alors le prince de l'Enfer avait triomphé. Au moment de l'Ascension, Satan est refoulé dans l'abîme, sous les pieds du Triomphateur divin ; le passage demeure libre ; et la nature humaine, dans la personne du Sauveur, est placée au plus haut des Cieux, à la droite de la Majesté divine ! Eh bien, cette Chair adorable par laquelle Jésus-Christ a triomphé du Démon, nous la possédons dans la Divine Eucharistie. Dieu le Père nous la donne ; Jésus-Christ nous l'a laissée ; il nous la présente comme l'instrument de son éclatante victoire sur l'Enfer.
Ah ! Comme je voudrais adorer le Corps de Jésus-Christ avec les sentiments de respect profond que les Anges durent avoir pour lui, au moment de son Ascension glorieuse ! Je devrais bien davantage encore ! Car la victoire remportée sur l'Enfer par la Chair de Jésus-Christ, n'est pas pour les Anges, mais bien pour la glorification de ma propre Chair ! Qu'on me laisse adorer, glorifier, louer Jésus-Christ ! Que les airs retentissent aujourd'hui de ce cri magnifique du Prophète : « Nations, louez toutes ensemble le Seigneur !... Que le Nom du Seigneur soit béni, d'une extrémité du Monde à l'autre ».
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