01 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Deuxième jour

Après l'Apparition, à la maison de Bernadette

 

« Dès que la Dame eut disparu, racontait encore Bernadette, Jeanne Abadie et ma sœur revinrent à la Grotte, et me trouvèrent à genoux à la même place où elles m'avaient laissée. Elles se moquèrent de moi et me traitèrent d'imbécile, de bigote, et me demandèrent si oui ou non je voulais me retirer avec elles. Je n'eus à ce moment aucune peine à entrer dans le ruisseau et je sentis l'eau tiède comme l'eau de la vaisselle. « Vous n'aviez pas tant à crier, dis-je à Jeanne et à Marie, en essuyant mes pieds ; l'eau du canal n'est pas aussi froide que vous sembliez le faire croire ! » « Tu es fort heureuse, toi, de ne pas la trouver froide ; pour nous, elle nous a produit un tout autre effet ».

Précédée par une contrariété, annoncée par des signes symboliques, sanctifiée par la prière, la première Apparition fut donc suivie d'une récompense.

Le contact du Surnaturel fortifie et transforme, en certains cas, même le corps. La Vertu est ce qu'il y a au monde de plus hygiénique ; les compensations terrestres, décernées à ceux qui en observent les préceptes, sont plus fréquentes que l'ignorance ou l'impiété ne l'imaginent. Nous ne voulons pas en conclure que si les Saints de glace, redoutés des frileux, nous font sentir prochainement le froid, vous n'en serez point, à cause de votre ferveur, incommodé. Mais il est certain que l'amour aguerrit contre les éléments, et que la grâce divine, plus forte que l'amour, peut, en maintes circonstances, les empêcher d'être nuisibles, quand elle ne donne pas à ses disciples la passion victorieuse du Bien, au milieu même des étreintes du Mal...

Entendons de Bernadette les derniers détails de la narration : « Nous liâmes en trois fagots les branchages et les tronçons de bois que mes compagnes avaient apportés ; nous montâmes ensuite la pente de Massabielle, et revînmes rejoindre le chemin de la forêt. Pendant que nous avancions vers la ville, je demandai à Jeanne et à Marie si elles n'avaient rien remarqué à la Grotte. « Non, répondirent-elles, pourquoi nous fais-tu cette question ? » « Oh ! alors, rien », leur dis-je avec indifférence. Cependant avant d'arriver à la maison, je fis part à ma sœur Marie des choses extraordinaires qui m'étaient arrivées à la Grotte, et je lui recommandai d'en garder le secret. Durant toute la journée l'image de la Dame demeura dans mon esprit. Le soir, en faisant la prière de famille, je me troublai et me mis à pleurer. « Qu'as-tu ? » me demanda ma mère. Marie se hâta de répondre pour moi, et je fus obligée de donner moi-même des explications sur ma surprise de la journée. « Ce sont des illusions, répliqua ma mère : il te faut chasser toutes ces idées-là de la tête, et surtout ne plus retourner à Massabielle ». Nous allâmes nous coucher ; mais je ne pus dormir. La figure si bonne et si gracieuse de la Dame me revenait sans cesse à la mémoire, et j'avais beau me rappeler ce que m'avait dit ma mère, je ne pouvais croire que je me fusse trompée ».

Précédée par une contrariété, annoncée par des signes symboliques, sanctifiée par la prière, suivie d'une récompense, la première Apparition fut donc, pour Bernadette, continuée par le souvenir, et accueillie par le scepticisme maternel.

On s'explique que l'enfant ne songeât plus qu'à sa chère Dame, au point d'en perdre le sommeil. Si une vision de paysage, de figure humaine, est capable d'imposer à l’œil observateur, au cœur conquis, une hantise irrésistible, comment une manifestation authentique de Surnaturel n'aurait-elle point produit sur l'âme toute neuve, toute droite et pure, de Bernadette, une impression plus absorbante encore ? Vraie était sa parole, et rien qu'à ce son d'âme, un psychologue averti constaterait la véracité de son témoignage, quand elle disait : « Durant toute la journée l'image de la Dame demeura dans mon esprit.... Nous allâmes nous coucher ; je ne pus dormir. La figure si bonne et si gracieuse de la Dame me revenait sans cesse à la mémoire ».

En taxant d'illusions les révélations de sa fille, en lui défendant l'entretien de ces pensées, le retour à la Grotte, la mère de Bernadette faisait preuve de sagesse humaine. Mais la sagesse humaine devient facilement, dans la perception et l'analyse des phénomènes surnaturels, l'incompétence, l'erreur, voire la folie. Et cette incompétence, cette erreur, cette folie sont le partage d'une foule de parents. Ils toléreront chez leurs enfants toute sorte d'idées mondaines, de fréquentations dangereuses. Mais entretenir des idées nettement chrétiennes, avoir des assiduités à l'église, commercer intimement avec Dieu, Jésus-Christ, la Vierge, les Anges et les Saints, ce sont là des illusions dont ils se feront les expulseurs parfois brutaux !

Le monde renchérit sur les parents, et avec l'habitude de généralisation affectionnée par l'ignorance et le vice, il fait un bloc peu consistant des questions religieuses et le renverse en un geste de sommaire mépris. Selon lui, les exercices de piété, la réception fréquente des sacrements, l'état de grâce, le travail de la sanctification, l'éternité, le Christ, la Vierge et même Dieu, tout cela est illusion, chimère, anachronisme, inutilité : il faut être de son siècle, il faut que jeunesse se passe ; comme si nous ne devions pas être avant tout, en notre mentalité, du siècle de l’Évangile enseigné par Jésus ; comme si la jeunesse ne se pouvait bien passer que dans le sans-gêne religieux, sinon dans l'impiété et l'immoralité !...

« Mais, répétait Bernadette, j'avais beau me rappeler ce que m'avait dit ma mère, je ne pouvais croire que je me fusse trompée ». Non, Enfant clairvoyante comme la Pureté, vous ne vous étiez point trompée : vous étiez dans le vrai absolu. L'illusionnée était, ici, votre mère. Et le monde gît aussi tout entier, malgré sa jactance, dans l'illusion, l'erreur, l'anachronisme, l'inutilité et le mal, quand il se permet de railler la Croyance !

 

Examen

 

Nous trouve-t-on quelquefois à genoux dans notre maison, à l'église, devant la statue de la Vierge, et sommes-nous insensibles aux moqueries malséantes, aux propos discourtois que peut susciter, de la part de nos compagnons, ou de nos compagnes, notre dévotion prolongée ?... « Jeanne Abadie et ma sœur, rapportait Bernadette, me trouvèrent à genoux, se moquèrent de moi ».

Après avoir fait dévotement nos exercices de piété, n'avons-nous pas senti plus d'élan, de goût et même d'habileté pratique, à remplir nos autres devoirs domestiques et sociaux ?... Le chrétien décuple les aptitudes, les énergies de l'homme, comme la chrétienne perfectionne singulièrement la femme, lorsqu'on se laisse pénétrer plus avant par la grâce de Dieu. On voit plus clair dans la tête, on a plus chaud au cœur, on triomphe sans peine des obstacles naguère rebutants. « Je sentis l'eau tiède comme l'eau de la vaisselle », observait Bernadette.

Avons-nous quelque ami avec lequel nous puissions parler, quand les confidences sont nécessaires, de notre âme et du Bon Dieu ?... « Je fis part à ma sœur Marie des choses qui m'étaient arrivées à la Grotte ». La pensée de Marie nous est-elle habituelle, pendant le jour ? Y revenons-nous avant de nous endormir ?... Sommes-nous de ces parents qui, remplissant leurs fonctions de prêtres du foyer, président, le soir, à la prière en famille ?... « Durant toute la journée l'image de la Dame demeura dans mon esprit et, le soir, en faisant la prière de famille, je me troublai ». Heureux trouble, dont l'amour était l'inspirateur !

Acceptons-nous humblement les contradictions que notre manière de concevoir les choses religieuses peut provoquer dans notre entourage familial ?... Et, pour n'être dupes d'aucune illusions, pour mériter, de Dieu et de la Vierge, une confirmation de grâces, un accroissement de lumières, nous cramponnons-nous, sans jamais lâcher prise, aux enseignements du Pape, aux affirmations du Credo ?... « Je ne pouvais croire que je me fusse trompée ».

 

Prière

 

O Notre Dame, vous n'apparûtes à Bernadette, préférablement à toutes les autres jeunes filles des Pyrénées et de France, que parce qu'elle était supérieure aux autres, peut- être, en humilité, en Charité, en mortification, en pauvreté, en innocence, en foi.... Augmentez en nous ces vertus dont la parure dans les âmes vous captive : nous pourrons ainsi mieux vous servir, plus vous comprendre, si nous ne sommes point de ceux ni de celles qui, ici-bas, comme Bernadette, sont appelés à vous voir face à face dans le creux d'un rocher

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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