Le Mois de Saint Joseph
Le Mois de Saint Joseph
Avec la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich
Vingt-deuxième jour
Rentrée à Nazareth
Cependant la sainte Famille arriva, le soir même de la Purification, à la maison d’Anne, à une demi-lieue de Nazareth, du côté de la vallée de Zabulon. L’on y fit une petite fête de famille du genre de celle qui avait en lieu lors du départ de Marie pour le Temple. Joachim ne vivait plus, et le second mari d’Anne était le maître de la maison. La fille aînée d’Anne, Marie d‘Héli, était présente. L’âne était déchargé, et l’on voulait rester ici un certain temps. Tous accueillirent l‘Enfant-Jésus avec une grande joie ; mais cette joie était grave et retenue. En général, l’on ne vit jamais rien de très-passionné chez tous ces saints personnages. Il y avait aussi là de vieux prêtres. On fit un petit festin. Les femmes mangèrent, comme toujours, séparées des hommes.
Quelques jours après, la sainte Famille était encore chez Anne. Il s’y trouva aussi plusieurs femmes : la fille aînée d‘Anne, Marie d’Héli, avec sa fille ; Marie de Cléophas ; puis une femme du pays d'Elisabeth, et la servante qui s’était trouvée près de Marie à Bethléem. Cette servante, après avoir perdu son mari, qui ne s’était pas bien conduit envers elle, n’avait pas voulu se remarier : elle était venue à Jutta, chez Elisabeth, où Marie l‘avait connue lors de sa visite à sa cousine ; de là, cette veuve était venue chez Anne. L’un de ces jours aussi, Saint Joseph fit plusieurs paquets chez Anne et alla avec la servante à Nazareth, précédant des ânes qui étaient au nombre de deux ou de trois. Il y fut bientôt suivi de la sainte Vierge, qui y vint, accompagnée de sa mère, et portant l’Enfant Jésus dans ses bras. Le chemin qu’elle parcourut était très agréable ; il avait environ une demi4ieue de long, et passait entre des collines et des jardins.
Anne envoie aussi des aliments à Joseph et à Marie dans leur maison de Nazareth. Et combien tout est touchant dans la Sainte Famille ! Marie est comme une mère et en même temps comme la servante la plus soumise du Saint Enfant ; elle est aussi comme la servante de Saint Joseph. Joseph est vis-à-vis d‘elle comme l’ami le plus dévoué et comme le serviteur le plus humble. Ce qui touchait encore, c’était de voir la sainte Vierge remuer et retourner le petit Jésus comme un enfant qui ne peut s’aider lui-même. Quand en songe que c’est le Dieu de Miséricorde qui a créé le monde, et qui, par amour pour nous, se laisse ainsi mouvoir en tous sens, combien on est douloureusement affecté de la dureté, de la froideur et de l’égoïsme des hommes !
Rentrée à Nazareth, la sainte Vierge s’y occupait à tricoter on a faire au crochet de petites robes. Elle avait un rouleau de laine assujetti à la hanche droite, et dans les mains deux petits bâtons en es, avec de petits crochets à l‘extrémité. L’un d’eux pouvait être long d’une demi-aune, l’autre était plus court. Elle travaillait ainsi debout ou assise près de l’Enfant Jésus, qui était couché dans un petit berceau d’osier.
Pour saint Joseph, il tressait différents objets, comme des cloisons et des espèces de planchers pour les chambres, avec de longues bandes d’écorce jaunes, brunes et vertes. Il avait une provision d’objets de ce genre, placés les uns sur les autres dans un hangar près de la maison. Il semblait ne pas prévoir qu‘il lui faudrait bientôt s’enfuir en Egypte. Sainte Anne, de son côté, venait presque tous les jours de sa maison, située à peu près à une lieue de là. Elle était souvent accompagnée de sa servante, que l’on vit un jour entre autres le paquet sur l’épaule, une corbeille sur la tête et une autre a la main. C’étaient des corbeilles rondes, dont l’une était à jour. Il y avait dedans des oiseaux. Elles portaient des aliments à Marie, car celle-ci n’avait pas de ménage, et recevait tout de chez sa mère.
Dans les derniers jours de février, sainte Anne et sa fille aînée se trouvent encore chez la sainte Vierge. Marie d’Héli avait avec elle un petit garçon fort robuste, de quatre ou cinq ans : c’était son petit-fils, le fils aîné de sa fille, Marie de Cléophas. Joseph était allé à la maison de Sainte Anne. Pendant son absence, les femmes sont assises ensemble, causant familièrement, jouant avec l’Enfant Jésus, l'embrassant et le mettant dans les bras du petit garçon, et l‘on se disait : « Les femmes sont pourtant toujours les mêmes ! » Tout cela se passait, en effet, comme de nos jours.
Marie d’Héli demeurait dans un petit endroit, à environ trois lieues de Nazareth, du côté du levant. Sa maison était presque aussi bien arrangée que celle de Sainte Anne. Elle avait une cour entourée de murs, avec un puits à pompe. Quand on mettait le pied sur un certain endroit, l’eau jaillissait en haut et tombait dans un bassin de pierre. Son mari s’appelait Cléophas ; sa fille, Marie de Cléophas, mariée à Alphée, demeurait à l’autre bout du village.
Un soir, les femmes prièrent ensemble. Elles se tenaient devant une petite table placée contre le mur, et sur laquelle était une couverture rouge et blanche. Sur cette table était un rouleau que la sainte Vierge déroula dans le sens de sa longueur et fixa à la muraille. Il y avait dessus une figure brodée, de couleur pâle : elle ressemblait à un mort, enveloppé, comme un enfant au maillot, dans un long manteau blanchâtre qui était relevé sur la tête ; elle tenait quelque chose à la main. L‘on avait déjà vu cette figure lors de la cérémonie qui eut lieu dans la maison d’Anne quand Marie fut conduite au Temple. La lampe était allumée pendant la prière. Marie était debout devant sainte Anne, et sa sœur près d’elle. Elles croisaient les mains sur la poitrine, les joignaient et les étendaient. Marie lut dans un rouleau placé devant elle, et elles récitèrent leurs prières sur un ton et un rythme qui rappelaient la psalmodie du chœur aux monastères et aux couvents.
Considération
Saint Joseph d’après Mgr de Beauvais
Mgr Gignoux, évêque de Beauvais, avait pris pour sujet de son Mandement de Carême 1863 le Culte de saint Joseph, et n‘en parlait ni autrement ni moins éloquemment que Mgr Angebault. Nous ne pouvons qu’abréger.
« Il semble, disait-il dès cette époque, que c’est de nos jours que le culte de saint Joseph est appelé à se répandre et a devenir vraiment populaire. Mais admirons ici la merveilleuse sagesse de l’Eglise notre mère. À l’incrédulité froide et railleuse du dernier siècle, elle opposait la dévotion affectueuse et compatissante envers le Cœur adorable de Jésus. Aux négations audacieuses de notre temps touchant la chute originelle, à cette tendance qui s’efforce de réhabiliter les instincts les plus grossiers de notre chair coupable, elle opposait naguère, aux applaudissements du monde Catholique, le dogme de l’Immaculée Conception de Marie, qui est à lui seul un trésor des plus précieux enseignements. Et voilà qu’à la vue d‘une génération avide de lucre et de plaisir, ne travaillant que pour jouir, faisant parade de tout, même de sa bassesse, elle va prendre dans son obscur atelier de Nazareth Joseph, l’homme juste, chaste, dévoué, désintéressé, laborieux, modeste, pauvre et soumis, et elle nous le présente en disant : « Voyez, et instruisez-vous ». À peine élevé sur le trône de saint Pierre, Pie IX, chef et organe de l‘Eglise, ordonnait que, dans tout l’univers, la Fête du Patronage de saint Joseph fût célébrée le troisième Dimanche après Pâques, afin que les fidèles retenus par leurs travaux le 19 mars, Fête principale de notre saint Patron, puissent plus facilement invoquer son assistance et étudier ses vertus dans un jour consacré au Seigneur. Dernièrement encore, cet illustre Pontife, entouré de trois cents Evêques et élevant la voix en présence du monde entier, recommandait, dans son immortelle allocution, l’Eglise catholique et ses immenses besoins à la puissante intercession de saint Joseph...
Entre les deux Testaments, dit plus bas l'illustre zélateur de saint Joseph en parlant de son excellence, quand l’ancienne loi va finir et la loi d’amour commencer, s’élève une figure simple, douce, grave et majestueuse. Saint Joseph nous apparaît comme le trait d’union qui relie l’ancien monde et le nouveau. Il clôt la série des Patriarches et ouvre la longue et admirable série des Bienheureux enfantés par l’Evangile. Mais en lui, quel mélange de simplicité et de grandeur ! Il est le fils des rois de Juda, le sang de David coule dans ses veines ; et pourtant ce n’est qu’un pauvre artisan, gagnant à la sueur de son front le pain de chaque jour. Témoin des plus ravissants mystères, confident du Très-Haut, instruit directement par le ministère des Anges, associé aux desseins de Dieu pour la rédemption du genre humain, saint Joseph contemple en silence ces grandes choses ; il s’enveloppe dans une obscurité volontaire et se tait, laissant à ceux qui en seront chargés le soin d’annoncer au monde les merveilles de Dieu... Sa mission, à lui, est de servir de voile à la maternité virginale de Marie et à l’incarnation du Verbe, afin de tenir ces mystères cachés jusqu’au jour fixé par la volonté du Seigneur. Il semble n‘être placé au troisième plan de ce ravissant tableau que pour faire ressortir plus vivement les traits adorables de Jésus-Christ et la douce figure de la très Sainte Vierge. Le Père éternel lui a délégué une paternité véritable sur son divin Fils ; il l’a honoré comme jamais ne le fut un mortel ; il l’a placé à une telle hauteur, qu’après la dignité de l’auguste Marie, il n’est pas de grandeur comparable à la sienne... »
Après quoi le pieux Prélat exalte avec une grande éloquence de cœur l’éminente justice de saint Joseph et sa double qualité d'Epoux de Marié et de Père adoptif de Jésus, et ajoute en s’appuyant Sur les témoignages de Gerson, de saint Bernardin de Sienne et du Docteur angélique :
« D’après ce que nous venons de dire, jugez du crédit dont jouit auprès de Dieu le chaste Epoux de Marie, le Père adoptif du Sauveur, le chef de la sainte Famille, aujourd’hui qu’il règne dans la gloire. Les martyrs prient par leurs plaies, les élus de tout genre parles sacrifices et les vertus de leur vie mortelle ; Marie, au témoignage de saint Bernard, par le sein qui allaita le Sauveur et par les entrailles qui le portèrent ; saint Joseph, indépendamment des mérites accumulés durant une vie passée auprès du Fils de Dieu, ne peut-il pas élever vers lui ses mains durcies au travail pour le nourrir et pourvoir à sa subsistance ? Ne peut-il pas lui montrer cette poitrine sur laquelle sa divine enfance goûta si souvent les douceurs du repos ? Ne peut-il pas, afin d’enrichir notre indigence, nous distribuer les grâces dont l’auguste Marie, son épouse, est dépositaire ?…
La bonté, d’ailleurs, de saint Joseph pour les hommes égale sa puissance. Pour avoir reposé quelques instants sa tête sur la poitrine du Sauveur, saint Jean est devenu l'apôtre de la dilection. Quels trésors de charité saint Joseph n’aura-t-il pas puisés dans ses rapports intimes avec le divin Maître, lui qui si souvent le porta dans ses bras, le serra contre sa poitrine ; lui qui reçut ses filiales caresses et lui prodigua les témoignages de son paternel amour ! Le Cœur de Jésus-Christ, cœur aimant jusqu’à l’infini, s’épancha dans celui de saint Joseph et lui communiqua pour la pauvre humanité cette indulgence, cette miséricorde dont il surabonde lui-même.
De son côté, la divine Marie, dont nous sommes les enfants d’adoption et qui nous a aimés au point de nous donner son Fils unique, a fait partager à son saint Epoux ses sentiments de mère à notre égard. Saint Joseph est vraiment un père pour tous ceux qui l’invoquent. Autant il est grand devant Dieu, autant il est compatissant à nos misères...
Mais puisque saint Joseph, dit-il en terminant, est le favori du Roi du Ciel, le dispensateur de ses richesses ; puisque sa bonté pour nous est si paternelle, venez à lui, prêtres du Seigneur, vierges consacrées à Dieu, braves ouvriers, pauvres pécheurs, chrétiens de tous les âges et de toutes les conditions, pour lui demander surtout une bonne mort ».
Pratique
Cierges en l'honneur de saint Joseph
Il en est des cierges comme des lampes. S’ils sont d’antique usage dans l’Eglise, c’est qu’ils sont une manière d’honorer Dieu, devant lequel ces cierges, en se consumant, prennent pour ainsi dire notre place et lui expriment le désir que nous avons de nous consumer pour son amour et pour sa gloire. Ainsi en est-il, toute proportion gardée, des cierges que nous mettons brûler devant les images ou les statues des Saints. C’est une manière de les invoquer, de les implorer, de nous rappeler plus spécialement à leur souvenir. Ces cierges prient pour nous, parlent pour nous, intercèdent pour nous. Et c’est pour cela, sans nul doute, que, d’instinct chrétiennement préconçu, les fidèles de tous les temps et de tous les lieux ont en recours à ces cierges pour faire intervenir plus efficacement la médiation des Saints en leur faveur dans leurs nécessités plus pressantes.
Apportons donc, tous tant que nous sommes, dans toutes les nécessités qui peuvent nous survenir, après comme avant les grâces reçues, de ces cierges aux autels du bon, du tout puissant Saint Joseph. Outre les autres avantages attachés à ces offrandes, les petits sacrifices d’argent qu’elles nous occasionneront toucheront son cœur et le disposeront favorablement à notre égard. Ne dit-on pas quelquefois qu'à l’occasion de telle ou telle faveur obtenue, telle personne lui doit vraiment un beau cierge ? Et cependant, si l’on est empressé de lui apporter le cierge de la demande, n’oublie-bon pas trop souvent de lui apporter le cierge de la reconnaissance ? Non, n’y manquons pas, quand ce ne serait qu’en nous rappelant que la reconnaissance est le meilleur moyen d’obtenir une autre fois de nouveaux bienfaits.
Ne dit-on pas encore que, dans ses fêtes, c’est par milliers que les fidèles apportent leurs cierges dans ses sanctuaires, et particulièrement à son autel de Notre Dame des Victoires, à Paris ? Dans ces jours, apportons au moins les nôtres à l’autel de saint Joseph qui se trouve dans notre église paroissiale.
Prière aux diverses fins de l’Archiconfrérie de Beauvais
Digne et saint gardien de l’Enfant Dieu, vous qui avez veillé sur ses jours avec tant de sollicitude et l'avez soustrait au glaive du cruel Hérode, couvrez de votre plus tendre et plus puissante protection l’Eglise notre mère, cette sainte Epouse que Jésus-Christ s’est choisie, qu‘il s‘est acquise par son sang, qu’il conduit de son esprit et qu’il s’unira éternellement dans sa gloire. Veillez sur son auguste chef, le Souverain Pontife ; assistez-le de votre puissance, fortifiez-le des consolations célestes, dissipez ses ennemis. Éloignez le sanglier dévastateur de la vigne du Seigneur. Changez les loups ravisseurs en brebis fidèles. Faites luire le soleil de justice sur les nations encore assises dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Convertissez les pauvres pécheurs en renversant les idoles auxquelles ils prostituent leur cœur. Rendez la vue à tant d‘aveugles qui ferment les yeux aux vérités divines et aux espérances éternelles. Rendez l’ouïe à ceux qui restent sourds aux menaces de la colère de Dieu. Redressez ceux qui boitent dans les voies de la justice et de la vertu. Comblez de vos bénédictions et de vos grâces ceux de vos serviteurs qui ont mis en vous leur confiance, et que, par vous, au dernier jour, nous soit propice Celui qui vous a honoré du titre de Père et prononcera en souverain juge sur nos destinées éternelles. Ainsi soit-il.
Extrait du « Mois de Saint Joseph ou Vie de Saint Joseph d’après Anne-Catherine Emmerich » par C.F. Fouet. Saint Dizier, Paris, 1872
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