L’Avent avec les Saints du Carmel

 

Troisième Semaine

 

Éclairés par sainte Thérèse de Lisieux,

discerner dans nos vies l’action de Celui qui vient

 

St Jean Baptiste

 

Se réjouir dans le Seigneur

 

Le troisième dimanche de l’Avent est appelé « dimanche de Gaudete ». Gaudete : ce mot latin, qui signifie « Réjouissez-vous ! », est le premier mot de l’antienne d’ouverture de la messe de ce dimanche, elle-même tirée de la Lettre de saint Paul aux Philippiens : Gaudete in Domino semper : iterum dico, gaudete ! « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie ! » (Ph 4, 4). Telle est donc l’invitation que nous lance, ce dimanche, la liturgie de l’Avent : Réjouissez-vous ! Dans la première lecture de la messe dominicale, la prophétie d’Isaïe est à l’unisson, mais de quelle joie s’agit-il ?

Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sarone. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu.

Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. »

Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient (Is 35, 1-6a.10).

La joie dont nous parle le prophète Isaïe nous situe dans un entre-deux : l’appel à se réjouir est pour aujourd’hui, mais la cause de notre joie est encore à venir. Cet entre-deux, c’est le temps de l’espérance, qui nous invite à discerner dès maintenant la présence de Dieu dans nos vies : Dieu est peut-être caché, mais il est vraiment agissant. Bien sûr, Isaïe n’est pas un doux rêveur, il est tout à fait conscient de la présence de la souffrance dans nos vies et dans notre monde : qu’ils soient des personnes handicapées concrètes, ou bien qu’ils représentent ici, symboliquement, d’autres formes de souffrance – physiques, psychiques, spirituelles – les aveugles, les sourds, les boiteux, les muets sont nommés. Avec eux sont aussi discrètement évoqués les prisonniers : dans le contexte de l’Ancien Testament, il s’agit des membres du peuple élu, captifs et exilés loin de la Terre promise. Aujourd’hui, il s’agit également de tous ceux qui sont opprimés ou ne disposent pas de conditions de vie décentes. Bref, un large panorama de souffrances de toutes sortes est évoqué et à toutes ces personnes en détresse sont promises la joie et l’allégresse !

Malgré tout, l’allégresse et la joie ne sont pas encore venues, n’est-ce pas ? C’est exact, mais Isaïe exhorte ses interlocuteurs à mettre en œuvre deux attitudes spirituelles, qui sont valables aussi pour nous qui espérons la joie de Noël. La première, c’est de nous réjouir déjà, d’être dans la joie dès maintenant : Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! Il ne s’agit pas là d’autosuggestion ni d’illusions pour adoucir la vie par des moyens à bon marché. Être dans la joie dès maintenant, cela revient à manifester notre confiance en Dieu qui nous promet la joie de sa venue, cela revient à dire à Dieu : « Je crois en la vérité de ta promesse, parce que je crois que tu es fidèle ; ainsi, quand tu me promets quelque chose, je suis dans la joie comme si je l’avais déjà reçu, car la réalisation de ta promesse est tout à fait certaine ». Bien sûr, cette joie n’annule pas les souffrances et les angoisses de notre quotidien. Mais au fond de notre cœur, rien ne peut étouffer la source de la présence divine.

 

Renouveler son engagement

 

Si nous croyons que Dieu est déjà mystérieusement présent et agissant dans notre vie, nous ne pouvons pas rester les bras croisés : l’expérience de la joie nous conduit à un engagement renouvelé. Telle est la seconde attitude spirituelle à laquelle nous invite Isaïe : Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » De quel engagement s’agit-il ? qui sont ces personnes dont les mains défaillent et dont les genoux fléchissent ? D’abord, c’est peut-être nous-mêmes, lorsque notre confiance en Dieu s’affaiblit et que nous sommes menacés par le découragement. Et puis, ce sont nos frères et sœurs en humanité, à commencer par ceux qui nous sont les plus proches par les liens amicaux ou familiaux, par les circonstances de la vie, du travail. Nous avons une mission vis-à-vis d’eux, nous avons tous une mission les uns vis-à-vis des autres : nous encourager les uns les autres, nous affermir mutuellement, afin que nous gardions vive notre foi en la venue de Dieu. Nous ne le ferons pas forcément toujours par des paroles, mais notre simple attitude paisible pourra rayonner sur les autres, et redire silencieusement : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Vengeance ? Revanche ? Au fait, est-ce que ces mots guerriers conviennent bien pour parler de la venue du Dieu de l’Évangile ? Oui, car, s’il est bien sûr qu’il n’y a nulle violence en Dieu, il est aussi vrai qu’il nous donne de prendre notre revanche sur tout ce qui nous détournait de lui et nous faisait marcher sur des chemins de mort. La revanche de Dieu, c’est de nous faire gagner la partie contre le péché et la mort !

 

Discerner la présence de Dieu

 

Et Jean le Baptiste, aurait-il oublié sa lecture du prophète Isaïe ? En effet, dans l’Évangile que nous méditons ce dimanche, la joie semble être bien loin du cœur du Précurseur. Il semblerait même que le doute le taraude : ce Jésus qu’il a désigné comme l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, qu’il a annoncé comme le Messie attendu… est-ce vraiment lui ? ou bien faut-il en attendre un autre ?

En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » (Mt 11, 2-6).

Bien sûr, nous ne sommes pas scandalisés par la question que pose Jean le Baptiste, car elle peut aussi certains jours habiter notre propre cœur. En effet, nous aussi, nous pouvons parfois demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Et peut-être nous répond-il de la même manière qu’il répondit au Baptiste : Jésus ne cherche pas à se justifier lui-même, il ne nous communique pas des raisonnements au sujet de sa personne. Il nous invite plutôt à discerner les effets de sa présence : « Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ». Il nous appelle à reconnaître, en nous et autour de nous, la vie qui grandit, qui se renouvelle, qui se transmet, spécialement dans la fragilité et la pauvreté. Une situation de fragilité où pourtant la vie est donnée : cela ressemble tellement, déjà, à la Crèche de Bethléem… alors, nous pouvons le croire : là, Jésus est bien présent et agissant ! Il est vrai que cela est souvent imperceptible, et que notre regard n’est pas immédiatement exercé à discerner ces surgissements de vie au sein de la fragilité. Il est vrai aussi que, sous le flot des soucis, des souffrances, des difficultés, il n’est pas aisé de repérer la vie qui surgit, aussi humblement et obstinément – quasi miraculeusement ! – que la végétation est capable de repousser, un jour, sur un terrain qui a été dévasté par les flammes.

 

691_001

 

Le regard de foi de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

 

Au Carmel de Lisieux, à la fin du XIXe siècle, une jeune moniale vit une expérience spirituelle paradoxale. Il s’agit de Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus, sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897). Alors que la prière, en particulier l’oraison silencieuse, tient une place si importante au Carmel, ce que Thérèse en goûte est, pour l’essentiel, très aride. À l’aune de cette seule expérience, Thérèse aurait pu souvent demander à Jésus, comme le Baptiste : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ». Et pourtant, dans ses Manuscrits autobiographiques, elle nous fait part de la présence lumineuse de Jésus tout au long de ses jours :

Je comprends et je sais par expérience « Que le royaume de Dieu est au-dedans de nous. » Jésus n’a point besoin de livres ni de docteurs pour instruire les âmes, Lui le Docteur des docteurs, il enseigne sans bruit de paroles... Jamais je ne l’ai entendu parler, mais je sens qu’Il est en moi, à chaque instant, Il me guide, m’inspire ce que je dois dire ou faire. Je découvre juste au moment où j’en ai besoin des lumières que je n’avais pas encore vues, ce n’est pas le plus souvent pendant mes oraisons qu’elles sont le plus abondantes, c’est plutôt au milieu des occupations de ma journée... (Histoire d’une âme, Ms A 83 v°).

Rien de magique dans ce que Thérèse nous raconte. C’est son regard de foi qui lui permet de discerner à chaque instant la présence de Jésus dans sa vie, et de choisir d’agir en communion avec lui. Quand elle nous confie qu’elle « sent » que Jésus est en elle et la guide, elle ne nous parle pas d’un sentiment extérieur, mais d’une conviction intime, une conviction de foi qui l’anime, qui lui permet de discerner la présence de Jésus en elle, dans les personnes qui l’entourent et dans les événements qui se produisent. Sûre de cela, elle peut s’engager, pauvrement et véritablement, pas à pas, en s’unissant à Jésus qui est là, présent.

 

Se réjouir dans le Seigneur

 

Éclairés par la Parole de Dieu et les témoins de cette semaine – Isaïe, Jean le Baptiste, Thérèse –, nous pouvons, nous aussi, nous exercer à discerner la présence de Dieu qui agit en nous, à travers nous et autour de nous. Par exemple, en prenant, chaque soir de cette semaine, un temps de recueillement pour regarder la journée écoulée, je peux me demander :

- « Réjouissez-vous ! » : aujourd’hui, qu’est-ce qui a été source de joie pour moi et pour ceux avec qui j’ai partagé des instants de vie ? Comment est-ce que je peux y reconnaître la présence de Dieu ?

- « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : "Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu !" » : au milieu des occupations, voire des difficultés, de cette journée, quels encouragements et quels soutiens ai-je pu recevoir ou donner ? Peut-être que je réalise qu’il y a des gestes ou des paroles d’aide que j’aurais pu donner et que je n’ai pas mis en œuvre : je m’efforcerai de les donner effectivement demain !

- « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue… » : de quelles transformations, de quels progrès – petits ou grands – ai-je été témoin aujourd’hui, en moi ou autour de moi ? Comment est-ce que je peux y reconnaître la présence agissante du Sauveur qui vient ?

Jésus… Jamais je ne l’ai entendu parler, mais je sens qu’Il est en moi, à chaque instant, Il me guide, m’inspire ce que je dois dire ou faire. Que telle soit la source de notre humble joie ! Réjouissons-nous ! Bonne suite de retraite !

 

fr. Anthony-Joseph Pinelli, ocd (Paris)

 

Thérèse de Lisieux


Prier chaque jour de la semaine avec Thérèse de Lisieux

 

Lundi 12 décembre

Larguer les amarres !

 

« [Ce père] me lança à pleine voile sur les flots de la confiance et de l’amour qui m’attiraient si fort, mais sur lesquels je n’osais avancer. » Ms. A 80v

« Crois-moi femme, l’heure vient – et maintenant elle est là - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » Jn 4, 23

Comment avancer vers Dieu dans la confiance absolue de son Amour pour moi ? Je peux méditer le « Je crois en en Dieu ».

 

Mardi 13 décembre

Prendre le temps d’aimer

 

« Jésus veut nous donner gratuitement…ce qui lui plaît c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde. Voilà mon seul trésor. » LT197

« Nous avons tout laissé pour saisir l’espérance proposée. Elle est comme une ancre de l’âme, bien fermement fixée, qui pénètre au-delà du voile… » He 6, 19

Aujourd’hui j’offre un peu de mon temps pour prier avec Jésus dans le silence.

 

Mercredi 14 décembre

Avec Jean de la Croix, s’appuyer sur Dieu seul

 

« Appuyée sans aucun appui / Sans lumière et dans les Ténèbres / Je vais me consumant d'Amour... » (Poésie 23 reprise de Jean de la Croix)

« Moi, je prends appui sur ton amour ; que mon cœur ait la joie de ton salut ! Je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait. » (Ps 13,6)

Quels moyens ai-je pris en cet Avent pour trouver mon appui en Dieu ?

 

Jeudi 15 décembre

La charité dans nos actes

 

« La Foi bientôt déchirera son voile / Mon Espérance est de te voir un jour / La charité enfle et pousse ma voile / Je vis d’Amour » Poésie 17, 9

« La foi, l’espérance et la charité demeurent toutes les trois mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité. » 1 Co 13,13

A l’approche de Noël, je décide d’offrir gratuitement à mon prochain, un sourire, une écoute, un soutien …

 

Vendredi 16 décembre

Invoquer l’Esprit-Saint

 

« Il faut consentir à rester pauvre et voilà le difficile. » LT197

« Heureux les pauvres de cœur le royaume des cieux est à eux. » Mt 5, 3

Rester pauvre, c’est reconnaître que nous sommes incapables d’un acte bon sans l’action secrète de l’Esprit Saint en nous.

 

Samedi 17 décembre

Aimer Jésus de tout son cœur

 

« J’ai senti que l’unique chose nécessaire était de m’unir de plus en plus à Jésus et le reste me serait donné par surcroît… jamais mon espérance n’a été trompée. » Ms C 22v

« Cherchez d’abord le Royaume et tout cela vous sera donné par surcroît. » Rm 11, 32

Bien que nous sommes imparfaits, nous pouvons Lui témoigner notre amour et notre désir de l’approcher un peu plus chaque jour.

 

tumblr_ngqjhtnj461tjg0llo1_1280

 

Téléchargez les textes de cette semaine (pdf) en cliquant ici