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16 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne12

 Dix-septième jour

Notre Dame des Anges

 

Pendant quelques années, bien longues, hélas ! Pour son amour, Marie demeura sur cette terre d’exil, après le départ de son Jésus ; et, comme nous le disions hier, elle se consolait de ne plus le voir et l‘entendre par de ferventes communions. Enfin, sonna l’heure de la délivrance et le ciel s’ouvrit pour recevoir sa Reine. C’est là que nous allons la suivre en étudiant Notre Dame des Anges.

Vous n'ignorez point que ce vocable rappelle une dévotion franciscaine et vous ne serez pas surpris d'apprendre, si vous ne le saviez déjà, que l'église des Capucins de la Fosse, dont l’enclos occupait le cours Chambronne et ses abords, était consacrée à Notre Dame des Anges. La première pierre en fut solennellement posée par l'évêque de Nantes, Philippe Cospéan, le dimanche 26 mars 1628. Trois ans plus tard, les religieux ensevelissaient dans son enceinte, avec le concours d’une foule immense de Nantais, un de leurs frères, le Père Archange, de Nantes, observateur très fidèle de la Reigle de sainct François et grand serviteur de la Bien-Heureuse Vierge Marie ». Vincent Charron, qui mentionne sa pieuse mort, ajoute : « Quelques religieux de son ordre mont asseuré que la glorieuse Vierge lui apparut avant sa mort, qu’aussi-tost il se mit en son séant sur sa couche, et joignant les mains il dit intelligiblement le Salma Regina, et que bien-tost après il rendit l'esprit ».

Il s‘agit donc pour vous d'une dévotion tout a fait locale ; et cela est d'autant plus vrai que la délicieuse chapelle, qui termine si heureusement l'abside de votre belle. église, est aussi dédiée à Notre Dame des Anges. Disons toutefois que le pays nantais n'avait pas attendu l'arrivée des Pères Capucins pour adopter cette dévotion, et qu'il la pratiquait depuis au moins deux siècles.

Connaissez-vous l'histoire de Saint François d'Assise ? Il s'éprend d'amour pour une toute petite chapelle, dite de Notre-Dame des Anges ou de la Portioncule, la restaure des dons de la Charité, s’établit à son ombre ; puis il obtient de Notre Seigneur ce que les siècles passés ont appelé le « grand pardon d‘Assise », ce que nous appelons, nous, l’indulgence de la Portioncule. Quiconque, à partir des secondes vêpres de la fête de saint Pierre-ès-liens jusqu’au soir du lendemain, pénétrera et priera dans la petite chapelle, gagnera autant de fois une indulgence plénière. La petite chapelle existe encore, et les foules s’y pressent toujours ; seulement elle est désormais à l’abri des intempéries, dans une superbe basilique, au-dessous d’une gigantesque coupole jetée là par la piété des siècles pour la protéger.

Tous ne pouvaient faire le voyage d'Assise, et, de bonne heure, les Souverains Poutifes étendirent l‘indulgence à d'autres sanctuaires. Un recteur d'Orvault forma le projet de procurer cette faveur à ses paroissiens. Il s'appelait Jean Bernard de la Grée et gouvernait cette paroisse dans la première moitié du XVe siècle. En l‘an de grâce 1436, il jeta les fondements d‘une chapelle ayant exactement la même forme et les mêmes dimensions que celle d'Assise et dédiée connue elle à Notre Dame des Anges. Bientôt la chapelle était achevée, pourvue par son fondateur d'ornements et de vases sacrés, enrichie enfin de la précieuse indulgence. Elle s’élevait, que dis-je ? elle s’élève encore, à un kilomètre environ au-delà de l’église paroissiale, sur un plateau d’où elle domine, connue une reine la reine de la contrée et le bourg, et la campagne environnante, et toute cette fraîche vallée du Gens, que nos pères baptisèrent, dit-on, du nom de Vallée d’Or, Aurea Vallis, Orvault.

Les fidèles de la paroisse en apprirent vite le chemin ; ceux du voisinage ne tardèrent pas à les suivre et, afin de satisfaire la dévotion de tous, les prêtres d’Orvault furent obligés de se rendre souvent au nouveau sanctuaire pour y célébrer le saint sacrifice de la messe.

La piété généreuse des habitants pourvoyait à l'entretien de la chapelle et du vestiaire ; on donnait des calices, des ornements, du linge et des nappes d’autel, voire même « une robe, des guimpes, et tout l'ensemble dés habillements nécessaires pour orner, selon le goût du temps, l'image vénérée de Notre-Dame des Anges ». On y faisait aussi de pieuses fondations de messes, de services, des processions. Enfin, la foule des pèlerins déposait d'abondantes offrandes sur l'autel de Notre Dame. Est-ce pour cela que les seigneurs du pays se crurent, ou du moins se prétendireut, seigneurs-fondateurs de la chapelle ? Peut-être. Il y avait à cela honneur, sinon profit. À trois reprises, dans l’espace d‘un siècle, ils tentèrent d’imposer leurs prétentions. Mais les marguilliers veillaient, stimulés au besoin par les parents et héritiers du véritable fondateur ; et la Cour des Régaires maintint dans leurs droits séculaires les paroissiens et les recteurs d’Orvault.

Au XVIIe siècle, l’un de ces derniers établit dans la petite chapelle une confrérie de Notre Dame des Anges et, le 5 juillet 1661, parut une ordonnance de l’Evêque de Nantes approuvant ses statuts et publiant une indulgence accordée par le Pape a la confrérie et « même au prédicateur ».

Le but de cette pieuse association était d‘honorer la sainte Vierge comme les anges l’honorent dans le ciel. Aussi multipliait-elle les hommages rendus à Marie. A toutes les fêtes gardées de Notre-Dame, les confrères devaient prendre part a une procession qui partait de l’église paroissiale pour se rendre à la chapelle, en chantant des hymnes et des cantiques ; assister à la grand'messe solennelle dans ce dernier sanctuaire ; réciter, enfin, sept Pater et sept Ave Maria en mémoire des sept allégresses dont la Vierge jouit dans le ciel. indépendamment de ces exercices particuliers, les membres de la confrérie prenaient part également a sept autres processions et grand'messes célébrées à la chapelle pour satisfaire les pèlerins des paroisses voisines. A la mort de chaque confrère, les prévôts faisaient célébrer, a N. D. des Anges, un service précédé de l’office de la Vierge et sept messes basses, pour le repos de son âme ; s'il était prêtre, ses confrères dans le sacerdoce devaient, en outre, dire ou faire dire pour lui une messe au même lieu.

On peut juger par ces détails du courant de dévotion qui entraînait toute la région à Notre Dame des Anges. Tous ces pèlerinages étaient bien suivis, l‘un d’eux pourtant l’emportait sur les autres, celui-du lundi de la Pentecôte. La foule s’y portait de toutes les bourgades d'alentour et même de la ville de Nantes : les boutiquiers et les baladins s'y rendaient aussi ; le pèlerinage dégénéra en assemblée profane et l’on y vit bientôt, hélas ! Les désordres trop ordinaires dans ces réunions.

À la Révolution, les paysans voisins enterrèrent la cloche et cachèrent soigneusement les ornements de leur chapelle. Leur dévotion à Notre Dame, obligée de se dissimuler, ne se ralentit pas, et Notre Dame ne cessa point de les protéger. L'un d'eux. Louis Corbar, tombé malheureusement sous les roues d'un chariot, eut les deux jambes affreusement écrasées. Il promit une neuvaine à Notre Dame, sa bonne voisine. D’abord il lui fallut se l'aire porter à la chapelle ; bientôt, aidé d’un bâton, il fit à pied les trois ou quatre cents pas qui l’en séparaient. Un jour, pendant qu’il y priait, il entendit un grand bruit au dehors, mais continua pieusement ses oraisons. Quand il reporta la clef à son gardien, celui-ci lui demanda s’il n’avait rien entendu. Alors il remarqua dans la cour un grand feu où achevait de brûler la croix de bois qui se dressait sur un des murs de l’enclos, et les débris de la croix de pierre qui surmontait l'autre. Des soldats patriotes avaient passé par la ; mais aucun d'eux n’avait en la pensée de pénétrer dans la chapelle : Marie gardait son serviteur. Elle le guérit complètement : cinquante ans plus tard, Louis Corbar montrait encore les cicatrices de ses plaies : le doigt s'y cachait tout entier, et jamais depuis il n'avait ressenti la moindre douleur.

Après la Révolution, le cher monument réparé sommairement revit les beaux jours d'autrefois : Marie continua d'y prodiguer ses grâces, et même, assure-t-on, d'y faire éclater des miracles.

En 1851, la chapelle, qui s'écroulait sous le poids de quatre siècles, fut reconstruite, plus grande, plus belle aussi, mais dans d'autres proportions et sous une autre forme que le petit sanctuaire tant vénéré d'Assise. La vieille statue, portée d’abord triomphalement à l’église paroissiale, fut habilement restaurée, puis exposée de nouveau, dans sa chapelle neuve, à la vénération des fidèles. Elle y est encore, toujours visitée et toujours aimée. Deux fois par an, au soir de la première communion et le jour de l'Assomption, la paroisse s'y rend processionnellement ; et quand revient le grand pardon du deux août, tous les fervents chrétiens du voisinage s’y donnent rendez-vous : plusieurs messes sont célébrées a la chapelle, et, si la fête tombe un dimanche, le clergé paroissial vient y chanter les vêpres.

Depuis quelques années, la ville de Nantes possède un nouveau sanctuaire dédié à Notre Dame des Anges, c'est la chapelle d'un pensionnat de jeunes filles pieusement abritées sous ce gracieux patronage ; mais le peuple, fidèle aux traditions du passé, va de préférence chercher Notre-Dame des Anges a la chapelle d’Orvault.


Lorsque vous penserez à Notre Dame des Anges, rappelez-vous l'engagement pris autrefois par les membres de sa confrérie : « honorer la sainte Vierge sur la terre, comme les anges l‘honorent dans le ciel ».

Les anges sont dans le ciel les chanteurs de Notre Dame. Sans doute,comme jadis au-dessus de la pauvre grotte de Bethléem, ils chantent encore : « Gloria in Allissimis Deo ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » Sans doute ils accordent leurs lyres et leurs voix-pour exalter les grandeurs du Fils ; mais ils célèbrent en même temps les louanges de la Mère et, sous la conduite de Gabriel, ils s'inclinent respectueusement devant elle, en murmurant, dans une ravissante harmonie : « Je vous salue, pleine de grâce, Ave, gratia plena ! » Toutefois, remarquez-le bien, si ces louanges font battre délicieusement le cœur de Marie, c’est parce que les esprits célestes qui les chantent sont des êtres très purs ; c’est parce qu’ils n’ont jamais rien fait qui put contrister son Jésus ; c'est parce que, flammes immortelles, ils brûlent constamment d’amour pour le Très-Haut ; c'est parce qu‘ils chantent avant tout et par dessus tout la gloire de l’Eternel !

Vous aussi, mes Frères, soyez ici-bas les chanteurs de Notre Dame. Chantez ses louanges en unissant vos voix dans des antiques pieux et des hymnes d'amour ; chantez ses louanges en apprenant a ceux qui les ignorent ses grandeurs et ses bontés ; chantez ses louanges en visitant ses sanctuaires et en vous mêlant à la foule de ses pèlerins ; chantez ses louanges en vous enrôlant dans ses confréries et en vous montrant fiers d'être ses enfants; chantez ses louanges en célébrant ses fêtes et en donnant de la splendeur à ses temples, des fleurs à ses autels ; chantez ses louanges en égrenant votre rosaire et en jetant a tous les échos de la terre et du ciel vos Ave Maria !

Mais n’oubliez pas que vos louanges et vos prières ne seront agréables à Marie qu’autant que, jusqu'au bout, vous ressemblerez aux anges. Elle veut que ses chanteurs de la terre, comme ses chanteurs du ciel, disent ses louanges avec des lèvres pures ; elle veut que ses chanteurs de la terre, connue ses chanteurs du ciel, toujours fidèles au devoir, ne fassent pas couler les pleurs de son Jésus ; elle veut que ses chanteurs de la terre, connue ses chanteurs du ciel, fassent monter vers Dieu l’encens de leur prière et lui paient tout d'abord le tribut d’un éternel amour.

 

ND de Nantes

 

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15 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne11

Seizième jour

Notre Dame du Tabernacle

 

La plupart d’entre vous, dans leurs excursions de vacances, ou dans ces rapides voyages que multiplient les trains de plaisir, ont visité la coquette station de Pornic ; et ils n’ont pas oublié la vision enchanteresse dont on jouit, quand, après avoir dépassé le vieux donjon rajeuni de Barbe Bleue, on chemine à petits pas, humant délicieusement l’air salin et les yeux grands ouverts, entre les chalets et la mer. À droite de riantes villas, au milieu de la verdure et des fleurs; a gauche, les ions dorées de la baie de Bourgneut, les bal aux de pèche et les yachts dont le vent gonfle les blanches voiles, et, dans le lointain, Noirmouliers avec son bois de la Chaise et sa tour massive de Saint Philibert. La promenade, dont chaque sinuosité varie les aspects, se prolonge, on atteint la Noë-Veillard, on franchit les Grandes-Vallées, on remonte enfin le coteau ; c’est Sainte Marie. D’un côté, une jeune église surmontée d’un élégant clocher qui domine toute la baie, et que l’on aperçoit, par dessus la Plaine, de la rive droite de la Loire ; de l’autre, au milieu d’une vaste prairie, qui s’étend en amphithéâtre jusqu’au bord de la falaise, une ruine circulaire ; d’un côté le présent, de l’autre le passé. Cette ruine est en effet tout ce qui reste d’une antique abbaye, berceau de la paroisse et même de la ville voisine, Sainte Marie de Pornic. Je me trompe, dans la jeune église, il est un autre reste, lien d’amour qui nuit le présent au passé, la vieille statue de Notre Dame.

En avant de l’autel de la sainte Vierge, près de la balustrade, on remarque une image de Marie qui contraste, par ses formes antiques, avec les sculptures modernes qui l’entourent : c’est le Palladium de Sainte Marie. Voici qui expliquera ce mot païen. Des archéologues font remonter cette statue au XIIIe siècle ; ceux qui en rapprochent davantage l’origine reconnaissent qu’elle date au moins du XVe. Cinq siècles incontestés d’existence, c‘est déjà bien respectable. Aussi les habitants, qui l'ont toujours vue, dans l’ancienne connue dans la nouvelle église, et qui, de père en fils, s’agenouillent devant elle, tiennent-ils à leur madone connue à la prunelle de leurs yeux.

On prétend même que la vénération dont ils l’entourent revêt parfois des formes quasi-superstitieuses ; ils sont persuadés que l’enlèvement de la statue amènerait infailliblement quelque malheur. C’était en 1839, on réparait le choeur, aujourd’hui disparu, de l’ancienne église ; la statue dut être déplacée. Or, pendant les travaux, le 16 juin de la même année, un orage violent, accompagné d’énormes grêlons, vint s’abattre sur la côte de Sainte Marie et détruisit toutes les cultures. Les habitants ne manquèrent pas d’attribuer cette calamité au déplacement de leur « Sainte Vierge ».

L’âge de la statue suffirait à expliquer cet extraordinaire attachement ; mais il y a mieux, pendant des siècles, elle a servi de tabernacle. Elle est taillée dans un bloc de calcaire très dur et représente Notre-Dame debout, portant sur le bras gauche l'Enfant Jésus. Sa tète est recouverte d’un léger capulet ; ses cheveux, réunis en deux grosses tresses, encadrent son visage et glissent sur ses épaules. Par dessus la tunique dont elle est recouverte, est jeté un large manteau que soulèvent les avant-bras et qui retombe de chaque côté. Enfin les deux premiers doigts de la main droite se dirigent vers la poitrine, comme pour y attirer les regards. C’est là, en effet, la particularité la plus curieuse de cette image : au centre de la poitrine se remarque une ouverture circulaire, large de douze centimètres et fermée par une glace sans tain. La poitrine de la Vierge forme une sorte d’armoire ; close en avant par la glace que je viens de mentionner, elle l’était en arrière par une porte haute de trente-deux centimètres et large de quatorze: l’un des gonds y est encore attaché. C’était un tabernacle.

Au moyen âge, la sainte réserve était souvent placée dans un vase, en forme de colombe, suspendu au-dessus de l’autel, et l’on voit encore dans quelques églises, notamment à Dol, d’énormes crosses en bois sculpté et doré, qui lui servaient de supports. Les religieux cisterciens avaient adopté une statue de la sainte Vierge tenant sur le bras gauche l’Enfant-Jésus, et, de la main droite, un pavillon auquel on suspendait le ciboire. L’usage d'une Vierge-Tabernacle, comme à Sainte-Marie, est extrêmement rare, peut-être unique, dans l’histoire du culte eucharistique. Il est pourtant incontestable, et nous avons la preuve qu'il exista dans l’église qui nous occupe, au moins du XVIe au XVIIIe siècle. En effet, un acte de 1554 fonde une lampe ardente qui doit brûler perpétuellement devant l’image de Notre Dame, « servant de sacraire ». Et dans un procès-verbal de 1678, un vieillard de soixante-quatorze ans affirme « avoir toujours vu messieurs les vicaires perpétuels... prendre le Saint Sacrement, dans l’image de la Vierge qui est au des et au-dessus de l’autel, le porter et administrer aux paroissiens ».

 

Les habitants de Sainte Marie n’ont-ils pas raison de vénérer cette antique image de Notre Dame ? Et me blâmerez-vous de recommander aux étrangers qui passent de ne pas l’honorer seulement d’un regard curieux, mais de fléchir le genou devant elle pour prier la Vierge qu’elle représente, et le Dieu qu'elle a jadis porté ?

La Vierge-Tabernacle symbolise l’adorable mystère de l'émotion du Verbe, opéré dans le sein de Marie par la puissance du Saint Esprit ; elle rappelle aussi le sacrement de l’Eucharistie et cette merveille qu’est la communion.

Disons seulement un mot sur la Vierge Mère et l’Eucharistie. Nous devons à Marie la victime du Calvaire, nous lui devons de même le corps eucharistique de Jésus. C’est elle, en effet, dont le sang très pur a formé le corps de l’Homme-Dieu ; c’est elle qui a procuré de la sorte au divin Sauveur le moyen de souffrir et de mourir ; et c’est ainsi, en même temps que par sa compassion, qu’elle a concouru dans une certaine mesure au rachat du monde. Le même corps est aussi dans l’hostie ; celui que nous adorons sur l’autel et que nous recevons a la table sainte, c’est l’enfant de Bethléem, c’est l‘ouvrier de Nazareth, c’est le prêcheur de Galilée, c’est le sacrifié du Calvaire, c’est le Fils de Dieu et c’est le Fils de Marie. N’est-il pas juste d’en conclure que Marie a contribué par là-même a nous donner l’eucharistie ? Quoi d’étonnant après cela que l’Eglise aime tant a rapprocher de l’autel l’image de Marie ! Quoi d’étonnant que nos pères aient imaginé la Vierge-Tabernacle !

Disons notre reconnaissance à cette bonne Mère pour cet immense bienfait. Demandons-lui en même temps de nous inspirer l’amour de l’eucharistie, de la communion. Avez-vous remarqué l’indissoluble union de Marie avec Jésus, a partir de l’instant où Gabriel lui dit de la part de Dieu : « Voici que nous concevrez et vous enfanterez un fils » ? Pendant neuf mois, elle le porte dans son sein ; elle l’accompagne ou plutôt le porte dans ses bras en Egypte ; elle vit avec lui durant les trente ans de la vie cachée, et quand, pour s’occuper des affaires de son Père céleste, Jésus lui échappe pendant trois jours, un cri d’angoisse jaillit de son cœur : « Mon Fils, qu’avez-vous fait ? Votre père adoptif et moi nous vous cherchions tout affligés ». Elle le suit encore pendant la vie publique ; elle s’attache a ses pas jusqu’au Calvaire ; et la tradition nous apprend qu’après l’Ascension, pour se consoler de ne plus le voir et l’entendre, elle communiait chaque jour de la main de saint Jean. Elle avait goûté de Jésus, elle ne pouvait plus se passer de Jésus. Après avoir communié une fois, les chrétiens devraient désirer de le faire tous les jours de leur vie. Hélas ! Combien qui ne s’approchent de la table sainte qu’à de longs intervalles ! Combien qui ne communient plus jamais ! Demandons à Marie d’obtenir pour ceux-ci le goût de la communion, et pour ceux-là l’ardent désir d’une communion plus fréquente.

Enfin demandons à Notre Dame de nous enseigner la manière de communier dignement. Quelles dispositions remplissaient le coeur de Marie a l’arrivée de Jésus ? Recherchons-les, et nous saurons quelles doivent être les nôtres. C’est tout d’abord la foi : je n’en veux pas d’autre preuve que l’exclamation mélancolique d’Elisabeth, dont la pensée allait évidemment de cette jeune fille si magnifiquement récompensée à Zacharie, son époux, si terriblement puni : « Vous êtes bien heureuse d’avoir cru ! » C’est l’humilité : le mot de Marie à Gabriel ne sort-il pas d’un cœur humble : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole » ? La même d’ailleurs n’a-t-elle pas proclamé, dans le Magnificat, que Dieu a regardé l’humilité de sa servante ? C’est la pureté aussi, car elle est sainte, immaculée, pleine de grâce ; et c’est enfin l’amour, l‘amour qui l’a portée, dès l’âge de trois ans, a se donner il Dieu ; l’amour qui l’a déterminée, contrairement a tous les usages de son temps et de son pays, à repousser les amours de la terre pour consacrer à son divin époux la fleur de sa virginité.

Demandez à Notre Dame de vous donner la foi, de vous donner l’humilité, de vous donner la pureté, de vous donner l’amour, et venez sans crainte à la table de communion : Jésus sera ravi de descendre dans vos cœurs et d’en faire ses tabernacles.

 

ND de Nantes

 

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14 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne10

Quinzième jour

Notre Dame de Toutes joies

 

La très Sainte Vierge et c’était la consolation des affligés, s’appelait chez nous Notre Dame des Langueurs, Notre-Dame de Pitié, Notre Dame des Larmes ; elle s’appelait aussi, elle s’appelle encore Notre Dame de Toutes Joies.

Dans ce délicieux coin de terre que tous les Nantais connaissent et que les étrangers ne manquent pas de visiter, à deux pas de Clisson, qu’elle domine et protège, s’élève, depuis des siècles, une chapelle de la Vierge. Laissez-moi résumer rapidement son histoire.

C’était au XIVe siècle, pendant cette désastreuse guerre de Cent-Ans, qui mit la France à deux doigts de sa perte, et qui lit éclater, par l’entremise de Jeanne d’Arc, la protection du Ciel sur notre pays. Dans les marches communes de la Bretagne et du Poitou, aux avant-postes de notre chère petite patrie, se dressait une forteresse dont nous admirons encore les imposants débris. De ce nid d’aigle, le sire de Clisson définit tous les efforts de l’ennemi. L’Anglais, voulant a tout prix s’emparer de cette place, véritable clef de la Bretagne, du côté de l’Aquitaine, où il régnait en maître, vint l’assiéger avec des forces considérables. Il posa son camp sur les hauteurs de la Challouére, d’où il dominait la ville et le château. Plus confiant dans la force de son bras que dans ses imprenables murailles, le sire de Clisson sortit au-devant des assiégeants et remporta sur eux une victoire complète. Au moment même où l'ennemi fuyait sous ses coups, on accourut annoncer au vainqueur qu’il venait de lui naître un fils. Cet enfant devait illustrer a jamais sa race ; c’est celui que l’histoire appelle Olivier de Clisson, connétable de France, et qui, réalisant les présages de sa naissance, mérita d’être surnommé « le boucher des Anglais. « Allons, s’écria le vaillant guerrier, joie hors la ville, joie dans la ville ! » Et il se hâta de rentrer au château. Sa femme, l’héroïque Jeanne de Belleville, laissa, en le voyant, éclater les transports de sa reconnaissance, et, les yeux levés au Ciel, s'écria à son tour : « Toute joie vient de vous, Seigneur, toute joie vient de vous ».

Les nobles époux témoignèrent à Dieu leur gratitude. Non loin du château, s’élevait jadis une chapelle consacrée à N.-D. de Lorette et qui, sans doute, avait été détruite par les incursions de l’ennemi. Ils la rebâtirent un peu plus haut, sur le lieu même de la bataille, au sommet de ce coteau qui sépare la Sèvre de la Moine, aspectant les deux vallées et leurs poétiques garennes. Ils la dédièrent à Notre Dame de Toutes-Joies.

Bien souvent, le sire de Clisson, Jeanne de Belleville et le futur connétable y vinrent prier Marie. Toute la contrée y vint après eux et la petite chapelle fut bientôt un pèlerinage célèbre. En vain les Protestants la réduisirent en cendres, l’amour des peuples la rebâtit. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les foules ne cessèrent de s’y presser et, chaque année, durant l’octave de l'Assomption, vingt-cinq paroisses s’y rendaient tour à tour en ordre de procession.

La Révolution traita le pieux sanctuaire comme avaient fait les Protestants. Une division de Mayençais, l’armée de Mayence ! Comme disent encore en tremblant nos paysans Vendéens et Bretons passa par Clisson et une scène ignoble se déroula à Notre Dame de Toutes Joies. Ces soldats impies s’affublèrent des ornements sacerdotaux et coururent les sentiers et les champs d’alentour, dans une sorte de procession sacrilège. Le lendemain, ils étaient battus à Torfou par les Vendéens. Les survivants, dans leur retraite précipitée sur Nantes, mirent le feu a la chapelle.

A la paix, tout était ruiné : les habitants relevèrent comme ils purent leurs maisons ; les prêtres rétablirent a la hâte leurs églises ; mais personne ne pensait à la vieille chapelle. Une pauvre fille, Jeanne Favrot, y songea. S’emparant d’une statuette de faïence, à demi-brisée par les Vandales modernes, elle la posa pieusement sur une petite table, et, pendant des années, elle se tint à la porte de la chapelle en ruines, filant sa quenouille et sollicitant la charité. Les paysans, après tant de pillages et d’incendies, étaient aussi pauvres qu’elle, et les riches se moquaient de la vaillante fille. Pourtant, les jours de foire, quelques sous tombaient dans sa sébile. Elle finit par réunir la nautique somme de 30 francs et fit réparer une partie du toit, au-dessus de l’autel. Alors la piété s'émut, les aumônes devinrent plus abondantes et la chapelle put être restaurée entièrement.

Les pèlerinages reprirent. Au XVIIe siècle, le principal fondateur des séminaires en France, M. Olier, prieur de la Trinité de Clisson, aimait à prier dans la chapelle ; ses fils ont hérité de sa vénération pour le modeste sanctuaire et, chaque année, le mardi qui suit la mi-août, ils s’y rendent fidèlement avec un grand nombre de séminaristes. La paroisse de Gétigné, fière de posséder la chapelle sur son territoire, y vient en procession, le jour même de l’Assomption.

En ce siècle généreux, où l’on élève de splendides églises, la chapelle semblait bien pauvre aux dévots serviteurs de Marie. Elle a été reconstruite, il y a quelques années, et l’architecte a ménagé, à l’angle de la façade, une chaire extérieure d’où le prédicateur peut, le jour du pardon, adresser la parole à la foule, trop considérable pour que le monument puisse la contenir.

Le pays de Clisson n‘était pas seul à posséder un sanctuaire dédié à Notre-Dame de Toutes Joies. Durant de longs siècles, la ville de Nantes a en un prieuré du même nom, dépendance de la Collégiale,annexé plus tard à l’Université. La chapelle était située tout près de l’Hôtel de Ville, et, jusqu’à ces dernières années, une rue de notre cité en rappelait encore le souvenir : c’était la Petite rue Notre Dame, plus justement dénommée autrefois rue de la Petite Notre Dame.

Il y a cinquante ans, ce vocable a été relevé. Des prêtres dévoués, voulant fonder une œuvre pour la persévérance de la jeunesse ouvrière, ont en l’heureuse idée de donner ce nom significatif à la magnifique chapelle de l’établissement. Elle est aujourd’hui succursale de Saint Similien ; mais nos jeunes ouvriers en employés vont encore se délasser de leurs travaux, à l’ombre et sous la protection de Notre Dame de Toutes Joies.

 

Rappelez-vous, mes Frères, le cri de Jeanne de Belleville, alors et pour peu de temps, hélas ! Heureuse châtelaine de Clisson : « Toute joie vient de vous, Seigneur, toute joie vient de vous ! » Il est vrai, toute joie vient de Dieu ; il est vrai aussi, et les nobles seigneurs l’avaient compris, toute joie vient de Dieu par Marie. C’est pour cela qu’ils témoignèrent leur reconnaissance à Dieu et à la très sainte Vierge, en donnant à la chapelle, où Dieu devait être honoré en même temps que sa Mère, le nom symbolique de Notre Dame de Toutes Joies.

Nous aussi, chrétiens, nous savons ces choses, et c’est pour cela que nous demandons si souvent à Dieu, par l’intermédiaire de Marie, de mettre un peu de joie dans notre vie. Quand la tristesse nous abat, quand la douleur poignante nous étreint le cœur, quand la maladie nous assiège, quand des peines intimes nous rongent, quand le malheur, sous quelque forme que ce soit, vient fondre sur nous et sur les nôtres, nous crions à Dieu par Marie, et nous demandons un peu de joie, un peu de bonheur.

C’est bien, mais ce n’est pas assez. Quand nous souffrons, nous comprenons cela ; quand la joie manque, nous sentons que c’est à Dieu et à sa Mère qu’il faut la demander. Mais quand la vie nous sourit, mais quand la joie vient s’asseoir a notre foyer, y pensons-nous encore ? Dans la prospérité, faisons-nous remonter à Dieu et à Marie l’élan de notre reconnaissance ? Même quand nous sommes convaincus que cette faveur, que cette joie, que ce retour de bonheur, nous les devons aux prières répandues aux pieds de la bonne Mère, même alors pensons-nous a les lui attribuer, pensons-nous à remercier Notre Dame de Toutes Joies ? Plusieurs y pensent sans doute, et c’est avec émotion que nous voyons les ex-voto qui tapissent les sanctuaires de la sainte Vierge : mais combien qui n’y pensent pas ! Combien qui négligent de dire merci ! Combien qui, dans la joie et la prospérité, oublient la divine main qui les donne ! Ah ! Mes frères, ne soyons pas des ingrats ; disons nous aussi : « Toute joie vient de vous, Seigneur, toute joie vient de vous » ; et si, dans la tristesse, nous pensons à invoquer Notre Dame de Pitié, n’oublions pas, dans l’allégresse, de remercier Notre Dame de Toutes Joies.

J’ajoute que la nouvelle chapelle, érigée sous ce vocable a Nantes, pour sanctifier les joies de la jeunesse, nous rappelle un devoir et nous donne une leçon : c’est qu’il n’y a de joies légitimes et vraies que celles qui sont prises sous les regards de Dieu et de Marie. L’homme, fait pour le bonheur, cherche a se réjouir ici-bas : ce n’est pas un mal, bien au contraire ; mais a une condition, c’est que nous évitions les joies mauvaises, c’est que nous évitions même les joies dangereuses, c’est que nous évitions les joies excessives et trop multipliées, qui nous occupent tout entiers et nous font oublier les joies éternelles. Ces joies-là ne sont pas légitimes, nous ne pouvons pas les prendre sous le regard de Marie. Les joies légitimes, ce sont les joies innocentes, ce sont les joies qui ne souillent pas le cœur, ce sont les joies qui n’ébranlent pas la foi, ce sont les joies modérées qui n’absorbent que nos loisirs et ne prennent pas sur le temps du devoir, ce sont celles-là qui sourient à Dieu et que nous pouvons prendre sous le regard de Marie.

Donc, mes Frères, quand nous sommes dans la prospérité, quand nous nous réjouissons de quelque événement heureux, que notre reconnaissance aille à Dieu et à Marie de qui vient toute joie ; quand, pour nous délasser des peines et des fatigues de la vie, nous nous livrons à quelque plaisir, que ce soit sous les regards de Dieu et de Notre Dame de Toutes Joies.

 

ND de Nantes

 

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13 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Quatorzième jour

Notre Dame de Patience

 

La piété des fidèles de Nantes avait dressé un autel à Notre-Dame de Patience dans la Collégiale. Les habitants de Petit-Mars avaient fait mieux, et lui avaient consacré une chapelle. Celle-ci fut élevée, en l’année 1649, à la dignité d’église paroissiale. S’il faut en croire l’archidiacre Binet, cité par M. l’abbé Grégoire, ce n’était qu’une restitution, et l’église du Vieux-bourg, comme on dit encore aujourd’hui, ne faisait que rendre à sa voisine un titre que naguère elle lui avait ravi. C’est le 16 novembre que l’église de Patience, agrandie et transformée, « fut bénite, par noble, vénérable et discret Michel Laubier, bachelier en théologie de la faculté de Paris, vicaire général et official de Nantes ». Le dimanche suivant, 19 novembre, la paroisse s’y rendit solennellement en procession et la messe y fut chantée pour la première fois. Le nouveau temple était bien pauvre : point de carrelage, point de lambris, point de balustrade aux petits autels, et tout le reste à l’avenant... Et ce fut ainsi pendant près d’un siècle, jusqu’en 1726 ! L'église eut été plus justement dédiée à Notre Dame de Bethléem ! Mais n’insistons pas, car ce serait sortir de notre sujet. En effet, la chapelle de Patience, en devenant église, avait perdu son nom, pour prendre sans doute celui du patron de la paroisse, saint Pierre-ès-liens. Ajoutons cependant que l’emplacement occupé naguère par l’antique chapelle de Notre Dame, puis durant deux siècles par l’église paroissiale, l’est aujourd'hui par un calvaire que la piété des habitants de Petit-Mars s’est plu a environner de verdure et de fleurs.

Pour trouver un autre sanctuaire consacré à Notre Dame de Patience, il nous faut revenir à Nantes, sur le territoire de la paroisse actuelle de Saint Jacques. C’était dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, vers 1765 ; une fervente chrétienne, Madame Bontant, édifiait par sa piété le quartier Dos-d'âne, c’est-à-dire, l’angle formé par la Loire et la Sèvre. Elle se faisait surtout remarquer par son amour envers la sainte Vierge. Elle avait, a proximité de sa demeure, des sanctuaires assez nombreux, semble-t-il, pour satisfaire sa dévotion : sur la hauteur que signale aujourd’hui l’élégant clocher de Saint Paul, Notre Dame des Vertus ; à l’entrée de la route de Vertou, Notre Dame de Bonne Garde ; enfin, dans l’église du prieuré de Pirmil, l’autel vénéré et la confrérie célèbre de Notre Dame de Vie. Tout cela pourtant ne lui suffisait point, et elle voulut avoir elle-même sa chapelle de Marie : elle la fit élever avec amour et la dédia à Notre Dame de Patience. Peut-être, durant sa vie déjà longue, avait-elle connu beaucoup de tribulations, et voulait-elle chercher, dans la méditation continuelle des douleurs de la Vierge-Mère, et de sa sublime résignation au pied de la croix, la patience dans ses propres infortunes. Peut être voulait-elle simplement rappeler un pauvre peuple du voisinage que la patience dans les privations et les peines est, pour le chrétien, le secret d’être heureux.

Madame Bontant, en effet, ne garda point son oratoire pour elle seule ; dès le principe, les portes en fureut ouvertes a tous les habitants du quartier. Ceux-ci ne tardèrent pas à s’y presser, et la fondatrice organisa pour eux des exercices quotidiens. Le matin, à l’aube, on récitait en commun la prière, les litanies du saint Nom de Jésus, puis un premier chapelet, suivi d’une lecture de piété ; un prêtre, attaché sans doute à la petite chapelle, venait alors célébrer la sainte messe, que suivaient un deuxième chapelet et une seconde lecture. Enfin, on ajoutait le De profundis, le Salve Regina, trois Ave Maria, deux Pater et deux Ave : c’était l’exercice de la matinée. Le soir, la pieuse assemblée récitait un troisième chapelet pour achever le rosaire. Chacun de ces exercices se terminait par le chant d’un cantique.

Madame Bontant était avancée en âge. Elle voulut, avant de mourir, assurer l’existence de cette oeuvre intéressante des prières du matin et du soir. Elle voulut aussi, du même coup, procurer l’instruction chrétienne aux petites filles de ce pauvre quartier. Le meilleur moyen était de faire appel a une communauté de religieuses enseignantes. Ainsi pensa la fondatrice. Elle adressa une touchante supplique au Père Besnard, supérieur général des Soeurs de la Sagesse, le conjurant « à genoux, de lui envoyer deux sœurs, afin qu’avant de mourir elle eût la consolation de voir se perpétuer le culte que l’on rendait a la sainte Vierge dans la chapelle qu’elle avait fait bâtir ». Comment résister à de tels accents ? Les deux sœurs furent immédiatement accordées. Elles s’appelaient sœur Agnès et sœur Bathilde et arrivèrent rue Dos-d’Ane, à la fin de l’année 1770, le 16 novembre. Les deux saintes filles s’en allèrent d’abord demander la bénédiction de l’Evêque de Nantes, Mgr de la Muzanchère, puis ouvrirent sans tarder leur école charitable.

L’oeuvre nouvelle prospéra et, dès l’année 1773, il fallait demander à Saint-Laurent une troisième religieuse. On en comptait sept dans la maison de la rue Dos-d’Ane, en 1791. La très sainte Vierge d’ailleurs ne pouvait manquer de bénir un établissement où elle était si fidèlement honorée. Les exercices religieux, établis par Madame Bontant, n’avaient point été interrompus ; chaque matin et chaque soir, la chapelle s’ouvrait aux fidèles ; ceux-ci priaient avec plus d’ardeur que jamais la Bonne Mère, excités par la voix et les exemples des Soeurs. Et Notre-Dame, heureuse de ces hommages persévérants, donnait aux pieuses institutrices le courage, la force et la patience, si nécessaires dans l’oeuvre délicate et difficile de l’éducation des enfants. Elle devait aussi leur donner courage, force et patience, pour supporter sans faiblesse la persécution qui allait s’abattre sur la petite communauté.

Le 9 juin 1791, elles refusèrent de prêter le serment schismatique et déclarèrent unanimement qu’elles voulaient continuer leur vie religieuse. Elles la continuèrent, en effet, pendant près de deux ans, non pas, toutefois, sans subir bien des vexations et courir bien des dangers. La plupart des parents retirèrent leurs enfants d’une école désormais suspecte ; et les pauvres sœurs, n’ayant plus qu’un petit nombre d’élèves, passaient leurs jours dans la tristesse et les alarmes. Le 15 octobre 1792, on vint faire l’inventaire de leur modeste mobilier. Elles purent soustraire les vases sacrés et les principaux ornements de la chapelle, qui furent confiés plus tard à la famille Giraud. Enfin, le 28 mars 1793, eut lieu leur expulsion. Ces saintes femmes, qui n’avaient jamais fait que du bien, furent, non seulement chassées de leur maison, mais traitées indignement, et emmenées en prison, au milieu des huées de la populace. On les conduisit au Sanital, où elles passèrent de longs mois entassées, avec d’autres religieuses, dans un grenier. Elles y reçurent la visite de Dieu. Un jour, elles virent entrer dans leur galetas un inconnu, qui leur dit, sans préambule : « Etes-vous disposées à verser votre sang pour Jésus Christ, à mourir pour la religion Catholique, apostolique et romaine ? » « Nous le sommes » répondirent-elles. « Avez-vous la contrition de vos péchés ? » « Oui , répondirent-elles encore. « Eh bien ! Mettez-vous à genoux ». Puis, ouvrant une boîte de métal précieux, l’étranger leur distribua la sainte communion. Il disparut ensuite sans qu’elles aient pu se rendre compte comment. Cet inconnu n’était pas prêtre, sans doute, puisqu’il ne parla point du sacrement de pénitence ; était-ce un pieux laïc ? Était-ce un ange, comme quelques uns l’ont cru ? C’était, du moins, un envoyé du Ciel.

Des sept religieuses qui composaient la petite communauté de Pirmil, une, la supérieure, mourut à l’hôpital de Brest,où les patriotes l’envoyèrent avec une de ses sœurs, soigner leurs malades ; deux disparurent sans laisser de traces ; les quatre autres reprirent ailleurs leur ministère de charité après la Révolution, et moururent saintement comme elles avaient vécu. L‘école charitable de Saint Jacques fut rouverte plus tard, mais non point dans l’établissement de la rue Dos-d’Ane, et la petite chapelle de Mme Bontant pleure toujours ses pieuses réunions d’autrefois.

 

La pieuse dame de Pirmil, dont j’ai appelé la simple et touchante histoire, nous donne de salutaires leçons. Elle s’efforce d’abord d’inspirer au peuple qui l’entoure le goût et la pratique de la prière.

Hélas ! Que de gens qui ne prient jamais, même parmi ceux qui consacrent encore vingt-cinq minutes par semaine à une messe basse entendue distraitement ! Et ils oublient Dieu, et leur foi peu a peu s’affaiblit pour s'éteindre bientôt tout a fait, et leurs idées s‘abaissent, et rien de grand n’est plus capable de faire vibrer leurs âmes, et ils se matérialisent complètement, ne songeant qu’aux affaires ou aux distractions, et ils se vautrent dans la boue et, sous la poussée des appétits insatiables, éclosent inévitablement les entreprises louches, les jalousies, les haines, les révoltes, les révolutions.... Mettez, au contraire, la prière sur leurs lèvres, et vous ranimerez la foi dans leurs âmes, et vous les forcerez a regarder le ciel, et leurs idées s’élèveront, et ils comprendront ce qui est grand, et ils aimeront ce qui est bien, et ils aspireront a la vertu, a la sainteté, au ciel, compensation et revanche des misères de la vie, et vous aurez, autant du moins qu’on peut les posséder ici-bas, la paix et l'harmonie sociales.

La bonne dame Bontant songe ensuite a procurer aux enfants le bienfait d’une éducation chrétienne ; elle veut qu’ils apprennent à connaître Dieu et à le servir. L‘enfant, c’est tout l’homme. Les principes inoculés aux jeunes âmes s'y gravent ordinairement pour la vie. Élevez les enfants sans religion et sans Dieu, vous aurez des hommes d'argent ou de plaisir, et bien souvent des monstres, parce que rien ne sera capable de contrebalancer en eux les instincts et les appétits, parce que la morale des intérêts, la seule qu’ils puissent connaître, n’est pas une morale, et qu’elle conseille les pires choses, dés-là qu’elles conduisent au succès. Mettez au contraire la foi dans les jeunes âmes, vous jetez en elles du même coup la semence des vertus ; et si les passions de l‘adolescence l’emportent souvent, il reste toujours dans ces âmes quelques bons sentiments, réserve de l’avenir, et tôt ou tard se fait entendre la voix du remords qui sonne le réveil du bien. Les enfants élevés chrétiennement, ou resteront honnêtes et vertueux, ou du moins reviendront, au soir de la vie, aux principes du jeune âge.

Suivons donc les exemples de Madame Bontant, inspirons au peuple l’amour de la prière, procurons aux enfants une éducation chrétienne. Mais pour exercer ce fécond apostolat, il faut des qualités maîtresses et par dessus tout de la patience ; et c’est bien justement que la charitable dame avait dédié la chapelle, centre de ses œuvres, à Notre Dame de Patience.

Il faut de la patience, parce que ce sont-là des œuvres délicates et difficiles qui demandent un dévouement inlassable, de tous les jours, de tous les instants, une grande maîtrise de soi, l’oubli complet de sa personne, de son amour-propre, de tous les intérêts humains. Il faut de la patience, parce que ceux qui se livrent à ce ministère charitable ne recueillent le plus souvent que l’oubli, l’indifférence, l’ingratitude ; parce que les méchants, qui ont intérêt au règne des passions mauvaises, qui détestent instinctivement la foi et la vertu, s'efforcent toujours de déchaîner contre eux des persécutions. Le passé nous l‘apprend, hélas ! Et le présent aussi. Ce n’est pas un motif suffisant pour arrêter des chrétiens, encore moins des apôtres. À l’oeuvre donc, sans hésitation ni faiblesse, sous le regard et avec la protection de Notre Dame de Patience.

 

ND de Nantes

 

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12 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne9

Treizième jour

Notre Dame de Pitié

 

La fête de la Compassion ne rappelle pas seulement Notre Dame des Sept-Douleurs, mais aussi Notre Dame de Pitié. Ce dernier vocable nous dit la part que la Vierge-Mère prit aux souffrances de son Fils et celle qu’elle prend aux nôtres. Aussi les sanctuaires où l’on trouve des images de Notre Dame de Pitié sont-ils fort nombreux. Avant la Révolution, la plupart des églises de Nantes possédaient un autel dédié à Marie sous ce vocable, ou du moins une Pietà. Saint Nicolas avait son autel Saint-Sauveur, dont le retable était orné d’une Notre Dame de Pitié, en relief, entourée des douze apôtres. Mais c’est à Saint-Vincent que cette dévotion possédait le plus remarquable monument. Cette église existe encore partiellement, sur la place qui porte son nom ; mais le transept sud a été récemment démoli et remplacé, rue Beau Soleil, par une annexe de l’Hôtel de Bretagne. C’était là que se trouvait la chapelle de Briord, fondée par la famille du célèbre Pierre Landais, trésorier de Bretagne et seigneur de Briord. L’autel portait une statue de Notre-Dame de Pitié, puis à droite, sous un arceau voûté, on voyait « la représentation du Saint Sépulcre de Nostre Seigneur, en bosse, contenant, oultre la figure de Nostre-Seigneur, neuf personnages ».

Le vocable de Notre-Dame de Pitié évoque surtout le souvenir des maladreries et des hôpitaux que la charité chrétienne avait semés partout sur le sol de notre pays et consacrés souvent à la Compassion de Marie. On compte une douzaine de ceux-ci au moins dans le diocèse et plusieurs dans la ville de Nantes. C’est ainsi que, dès le milieu du XIVe siècle, nous trouvons, dans la rue du Port-Maillard, un hôpital de Notre Dame de Pitié, qui fut transporté plus tard à l’endroit que marque encore aujourd’hui la rue du Vieil Hôpital, sur la rive gauche et près de l’embouchure de l’Erdre.

Mais le principal était l’aumônerie de Saint Clément, Notre Dame hors la ville, comme on disait alors, parce qu’il était situé en dehors de l’enceinte, a proximité de la porte Saint Pierre, à peu près à l’endroit qu’occupe actuellement la caserne des pompiers. Lui aussi était dédié à Notre-Dame de Pitié, c’était le plus ancien hôpital de la ville et il remontait, croit-on, au IXe siècle. C’est là, au milieu des pauvres, que les évêques de Nantes allaient coucher, la veille de cette entrée solennelle où les plus puissants seigneurs de leur diocèse, les barons d’Ancenis, de Châteaubriant, de Raiz et de Pontchâteau, les portaient triomphalement sur leurs épaules ; c’est la que, le Jeudi Saint, ils lavaient les pieds à douze pauvres, qu’ils gratifiaient ensuite d’une généreuse aumône. La paroisse de Saint Clément posséda plus tard un autre sanctuaire de Notre-Dame de Pitié. Il fut construit, au XVe siècle, dans le cimetière de Champfleuri, dont les terrains sont occupés aujourd’hui par l’Hôtel du Grand Monarque. C’est sans doute pour honorer Notre-Dame de Pitié, dont la tête se célébrait la veille des Rameaux, que la procession de ce dimanche se rendait au Champ fleuri. Tous les curés se réunissaient a la Cathédrale pour se diriger ensuite vers le but traditionnel. « En quittant le cimetière, après avoir entendu le prédicateur, la procession retournait a la ville. Elle en trouvait la porte fermée ; et c’est devant la porte de ville que le premier choeur entonnait le Gloria, tous, auquel le second choeur répondait du haut des remparts ». J’imagine que c’est en souvenir de ce culte envers la Compassion de Marie, tant de fois séculaire sur le territoire de la paroisse Saint Clément, que M. le curé Bouyer demanda et obtint d’ériger dans son église, en 1833, la Confrérie de Notre Dame des Sept Douleurs. Elle y est encore très prospère et, chaque année, vers la fin de septembre, elle y célèbre sa neuvaine avec un grand concours de fidèles.

Une des plus belles et des plus importantes églises paroissiales de notre diocèse est dédiée à Notre Dame de Pitié. Plus d’un sans doute, parmi ceux qui m’écoutent ce soir, l’a admirée, défiant, dans sa robe de granit, l’effort de la tempête et appelant, de sa tour monumentale, les matelots en péril : c’est l’église du Croisic. Ce n’était d’abord qu’une modeste chapelle très vénérée, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps. Au XVe siècle (20 janvier 1432), une bulle du pape Sixte IV accorde des indulgences « à tous ceux qui contribueront à réparer, entretenir, embellir la chapelle de la Bienheureuse Marie de Pitié, en la paroisse de Saint-Guénolé de Batz ». Cinquante ans plus tard, Innocent VIII en attribue d’autres à ceux qui visiteront la chapelle à certains jours. Excités par ces faveurs spirituelles et sans doute aussi parle désir d’égaler, voire même de surpasser l’église mère, les riches armateurs croisicais se montrèrent généreux. Ils bâtirent la splendide église que nous admirons encore. Le peuple qui l’avait élevée à l’honneur de Dieu et de la Vierge, sa mère, sut aussi la défendre. A deux reprises (en 1558 et en 1562), les huguenots y pénétrèrent et eurent l’audace d’y faire leur prêche. Ils en furent promptement délogés et Notre Dame de Pitié continua d’être. honorée dans son temple. N’est-il pas vrai qu’elle y est bien a sa place ? Pour ma part, je ne puis songer, sans en être ému, a la touchante pensée qui, pour rassurer tant de mères inquiètes sur le sort de leurs enfants, et pour essuyer tant de larmes versées sur les disparus, sur « les péris en mer », comme on dit chez nous, a voulu placer là, sur la presqu’île battue des vagues et balayée par les rafales, la Vierge-Mère, pleurant sur le cadavre de son enfant.

Je veux signaler, enfin, un sanctuaire plus humble, mais d’une inspiration aussi touchante, bâti à une autre frontière de notre diocèse, sur une colline d’où il domine la Vendée.

Avant la Révolution, une toute petite et très pauvre chapelle, dédiée à Notre-Dame de Pitié, s’élevait a l’entrée du gros bourg de Legé. Simple était son histoire, aussi les archives n’ont-elles jamais révélé aux chercheurs que son nom. Durant les mauvais jours, elle partagea le sort de la bourgade, qui fut, à plusieurs reprises, témoin de terribles batailles, inondée de sang et livrée aux flammes. La torche incendiaire anéantit la petite chapelle ; mais auparavant elle avait vu des drames émouvants.

C’était en janvier 1794, plusieurs habitants de Touvois, Froidefond et Falleron, 70, d’après les notes manuscrites de l’abbé Gilliers, 90, d’après les mémoires de Lucas de la Championnière, sur la foi d’une proclamation répandue par Turreau, avaient rendu leurs armes, décidés à vivre paisiblement chez eux. Bien accueillis d’abord, ils furent enfermés dans la chapelle de Pitié pour y passer la nuit. Le lendemain, ils furent dépouillés, attachés deux par deux, les mains derrière le dos, et conduits dans le chemin qui longe le vieux manoir de Charbonneau, maintenant le presbytère. Là, on les força de s’agenouiller et on les fusilla sans autre forme de procès. Leurs cadavres furent jetés dans les carrières, au chevet du monument actuel.

Dans le même mois (12 janvier), une autre scène de mort se déroulait à cet endroit. Deux révolutionnaires de Saint Etienne de Corcoué avaient convié les habitants de leur village et des hameaux voisins à un banquet. Soixante-huit acceptèrent, vingt-neuf hommes, trente-deux femmes et sept enfants. Au milieu du festin, la troupe, qui était prévenue, arriva, et les pauvres paysans furent traînés à Legé. Les femmes et les enfants furent parqués, sous bonne garde, sur la place de la chapelle, et les hommes introduits dans la maison d’en face. Cette fois, on instruisit le procès. Pour juge, on constitua un mendiant du pays, sourd-muet de naissance. Lorsqu’on lui amenait un de ces hommes, il faisait le geste de le mettre en joue : c’était un arrêt de mort ; une fois, une fois seulement, il prit un des prévenus par le bras et l’attira près de lui: ce fut l’unique sentence d’absolution. Cet homme avait en jadis l’occasion de faire l'aumône a son juge. C’est lui qui raconta plus tard ces faits à celui-la même dont j’utilise les notes. Les victimes furent dépouillées connue les précédentes, puis conduites dans une prairie voisine, où on les fusilla. Le lendemain matin, après une nuit affreuse, au milieu des insultes et des menaces, on entraîna les femmes et les enfants auprès des cadavres de leurs époux et de leurs pères, qu’on les força de dévisager, puis on les renvoya.

Aujourd'hui rien ne reste de la vieille chapelle pour rappeler les horribles spectacles dont elle fut le muet témoin, rien, si ce n’est un débris de la croix qui en surmontait le fronton, que l’on voit encore dans le jardin du presbytère. Mais une autre chapelle, digne de ces grands et tristes souvenirs qu’elle est chargée de commémorer, s’élève à la place de l’ancienne. Sous la Restauration, des hommes de cœur eurent la délicate pensée de consacrer un monument religieux a la mémoire des héros qui s’étaient levés pour la cause de Dieu et des martyrs immolés pour leur fidélité a la foi. Legé fut choisi, et c’est sur les ruines de l’antique chapelle dédié à Notre Dame de Pitié que, le 2 mai 1825, l’évêque de Nantes, assisté des plus grands personnages et d’une foule immense de Vendéens, bénit la première pierre de l’édifice. Pouvait-on faire mieux que de lui laisser son nom ? Deux messes y sont célébrées chaque année pour les âmes des Vendéens, et tous ceux qui se souviennent - ils sont nombreux là-bas, aiment aller prier dans ce sanctuaire auquel son architecte, bien inspiré, a donné presque la forme d’un tombeau.

 

Après ce trop long exposé, que me reste-t-il a dire ? Trois mots seulement. Comme nos pères, si heureux dans les applications qu’ils avaient faites de ce vocable, demandons à Notre Dame pitié pour ceux qui souffrent, pitié pour ceux qui pleurent, pitié pour ceux que l’on persécute.

Pitié pour ceux qui souffrent ! Nos pères avaient confié leurs pauvres et leurs malades à Notre Dame. Hélas ! Malgré les progrès du siècle et le bien être que l’on prétend assurer à tous, les pauvres et les malades sont aussi nombreux qu’autrefois. Ils sont aussi plus malheureux, puisque beaucoup n’ont plus la foi, la foi qui fait accepter la souffrance, la foi qui donne le courage de la supporter, la foi qui la rend féconde et méritoire. Prions Notre Dame de donner du pain au pauvre qui a faim, de donner la santé au malade, de donner a tous la foi des anciens jours ; prions-la aussi de faire en sorte que la religion ne soit pas, chez nous comme ailleurs, bannie des hospices et des hôtels-Dieu.

Pitié pour ceux qui pleurent ! L’Evangile ne dit nulle part que Notre-Seigneur ait souri ; deux fois au moins, il nous apprend que le divin Maître a pleuré. C’est l’image de l’humanité dont il était le représentant. L’humanité pleure encore aujourd’hui : elle pleure sur ses illusions envolées, sur ses amours trompées, sur ses bien-aimés disparus. Mais ses larmes sont souvent plus amères qu’autrefois. Autrefois, elle pleurait avec Notre-Dame, au pied du crucifix, et ces deux grandes douleurs du Fils et de la Mère lui faisaient trouver les siennes plus douces. Autrefois, elle priait les yeux fixés au ciel, et la pensée du bonheur qui l’attendait là-haut, avec tous ceux qu’elle aimait et dont jamais plus elle ne serait séparée, mêlait des sourires a ses pleurs. Et aujourd'hui ?... Hélas ! les crucifix tombent en poussière ou descendent à la voirie, et l’espérance s’en va. Demandons à Marie de prendre nos larmes en pitié et de l’aire que nous ne pleurions plus comme ces païens dont parle saint Paul, et qui n’ont point d'espérance.

Pitié pour ceux que l’on persécute ! Il fut un temps chez nous où l’on pouvait croire que l’ère des persécutions était close : hélas ! Voilà qu’elle vient de se rouvrir, nous montrant qu’elle est vraie toujours la parole du Maître : Vous serez: haïs à cause de moi : on vous citera devant les proconsuls et l’on vous traînera dans les tribunaux : voilà que les prêtres, les moines, les vierges consacrées se pressent sur les chemins de l’exil ; voilà que les soutanes et les frocs remplissent les tribunaux ; voilà que, demain peut-être, vont se fermer les temples et se rouvrir les catacombes !... Prions encore Notre Dame : demandons-lui le repentir pour les bourreaux, et pour les autres, non pas d’échapper au martyre, mais d’avoir la force de le subir.

 

ND de Nantes

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11 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne8

Douzième jour

Notre Dame des Langueurs

 

Après la fête de la Chandeleur, ne tarde pas a venir celle de la Compassion ou de Notre Dame des Sept Douleurs, que l’Eglise célèbre le vendredi, avant-veille du dimanche des Rameaux. Pour suivre l’ordre des mystères, dans lequel je me tiens le plus possible, je viens vous parler ce soir d’un pèlerinage relativement récent, mais vénérable pourtant déjà par son antiquité, puisqu’il comptera bientôt trois siècles d’existence ; vénérable surtout par son origine et par la dévotion qu’il inspire a toute la contrée environnante : Notre Dame des Langueurs.

Au mois de juillet 1637, un terrible fléau, la peste, apparaît subitement et jette l’épouvante dans la paroisse de Joué. Il sévit dès l’abord avec une intensité effrayante. Le cimetière paroissial étant devenu bientôt insuffisant, et le transport des cadavres pouvant d’ailleurs contribuer à répandre la contagion, on enterre à la chapelle rurale de Saint Donation ; on improvise même un nouveau cimetière, a une lieue du bourg, au milieu d’une lande solitaire située entre les gros villages de Franchaud et de la Mulonnière, en un lieu désigné maintenant a la piété du peuple par la croix du Désert.

Deux pieuses filles, les sœurs Martin, habitant cette partie de la paroisse dont on a formé depuis la chapellenie de Notre Dame des Langueurs, eurent la pensée de faire un vœu à la sainte Vierge. Les paysans des villages voisins approuvèrent leur initiative et tous promirent d’ériger une chapelle à Marie, si elle écartait le fléau. Notre-Dame entendit ce confiant appel : la peste cessa immédiatement dans ces villages, alors qu’elle continua de désoler le reste de la paroisse jusqu’au mois de décembre.

Les villageois se mirent en devoir de tenir leur promesse. Mais qui posséderait la précieuse chapelle, ex-voto de la commune reconnaissance ? Le village de Franchaud prétendait y avoir des droits incontestables, sans doute parce qu’il était la plus importante agglomération du quartier ; les habitants de quelques pauvres maisons, juchées sur la lande de Vioreau, y prétendaient aussi. C’est alors, au dire du moins de la légende, que le Ciel intervint en faveur de ceux-ci.

Un fait merveilleux se produisit, qui rappelle l’apparition de l’archange saint Michel au mont Gargan, et dont témoigne la tradition unanime du pays. Un cultivateur de la Lirais, hameau de la paroisse d’Abbaretz, situé sur les confins de Joué, envoyait chaque jour, comme d’ailleurs tous ses voisins, paître ses troupeaux sur l’immense lande alors indivise de Vioreau. Vers ce temps, il remarqua qu’un de ses bœufs devenait sensiblement plus gras et plus beau que les autres. Craignant, dans sa délicatesse, que, par défaut de surveillance, l’animal ne quittait la lande pour faire des excursions dans les champs, il interrogea le patour. Celui-ci répondit que le bœuf restait constamment sur le pâtis commun et qu’il prenait la même nourriture que les autres. Le propriétaire voulut en avoir le cœur net et fit suivre le boeuf. On remarqua que celui-ci, au sortir de l’étable, relevait la tète, finirait l’air d’un certain côté, puis, d’un pas ferme et rapide, sans courir toutefois, se dirigeait vers un point de la lande, toujours le même. Il s’arrêtait près d’un buisson de houx et y restait de longues heures, jusqu’à ce qu’on le forçât de rentrer à l’étable. Il ne mangeait pas, seulement il léchait de temps en temps une grosse pierre cachée sous la verdure. La curiosité du paysan fut piquée au vif, et bientôt tous les voisins, informés de ce fait étrange, accoururent. Ils soulevèrent, a force de bras, l’énorme bloc et, ô prodige ! ils aperçurent, dans une cavité souterraine, une statue assez grande et deux autres plus petites. La première était une Pietà, c’est-à-dire représentait Marie, la mère des douleurs, avec, sur ses genoux, le corps inanimé de son Jésus ; les statuettes représentaient Saint Eutrope, premier évêque de Saintes, et sainte Marguerite d’Ecosse.

On comprend l’enthousiasme de ces bons villageois, à cette merveilleuse découverte. Ils se rappelèrent alors que la tradition signalait l’existence d’une antique chapelle dans ces lieux et que, plus d’une fois, leur enfance avait pâli au récit d’une légende la même d’ailleurs que l’on raconte aux abords de tous les vieux sanctuaires de nos campagnes. On disait, et l’on dit encore a Joué, qu’un paysan du voisinage, pénétrant un jour dans la chapelle, y avait trouvé un prêtre prêt a célébrer la sainte messe, qui l’avait prié de la lui servir. Le saint sacrifice terminé, l’officiant avait disparu. Non sans promettre a son clerc improvisé une place près de lui dans le paradis. C’était pure légende, mais qui prouvait l’existence de la chapelle. Il est une autre preuve qui ne permet pas de la contester : une très ancienne charte du cartulaire de Saint-Florent mentionne, au XIIe siècle, dans la paroisse de Joué, une chapelle dédiée à Sainte-Marie de la Lande.

Les paysans n’hésitèrent plus ; là, de par Dieu lui-même, devait s’élever la chapelle votive. On se mit immédiatement à extraire de la pierre et deux premières charretées furent transportées sur la lande. Cependant, malgré le miracle, si l’on en croit les gens de Langueur, le village de Franchaud s’obstina dans ses prétentions, et il fallut une seconde manifestation du Ciel pour qu’il avouât sa défaite. Quelques-uns de ses habitants vinrent clandestinement enlever les pierres déjà déposées sur la lande et les transportèrent, a l’entrée de leur village, dans un champ que la tradition désigne encore. Mais le lendemain matin, sans qu’on pût relever aucune trace de pas ou de chariot, les pierres se retrouvèrent sur le premier emplacement. Cette fois, tout le monde fut d’accord. On commença sur le champ la construction et l’on fit reposer un des angles de la chapelle sur le bloc de pierre qui avait préservé, pendant des siècles peut-être, la statue de Notre-Dame.

La première pierre de l’humble monument fut solennellement bénite, le 12 octobre 1637, par missire Thomas Gaultier, recteur de Joué, qu’assistaient Nicolas Guybour, prêtre de la paroisse, et Jean Foret, vicaire d’Abbaretz. L’oeuvre enfin terminée, la Pietà miraculeuse fut mise à la place d’honneur, entourée des deux statuettes, et on la salua du titre désormais consacré de Notre-Dame des Langueurs.

Je n’ai pas besoin de dire avec quel empressement les pieux fidèles de la contrée vinrent lui rendre leurs hommages. Les archives nous donnent la preuve de l’attachement de ces braves gens a leur chapelle. Malgré leur peu de fortune, plusieurs y firent des fondations, et, au premier rang des donateurs, on trouve les Martin, de la Braudiére, peut-être les deux vieilles filles qui avaient en l’initiative du vœu, du moins quelqu’un de leur parenté.

L’origine doublement merveilleuse de la chapelle la rendit chère, non seulement aux habitants de Joué et des paroisses voisines, mais a ceux de toute la région. La fête patronale fut nécessairement la Compassion de la sainte Vierge, et un grand pardon y attira chaque année la foule. Il avait lieu le samedi, veille du dimanche des Rameaux, jour où dans le diocèse de Nantes on honorait alors ce mystère. Les pèlerins accouraient de tous les villages d’alentour, même d’Ancenis, même des paroisses angevines de la rive gauche de la Loire. Les Rogations fournissaient aux fidèles de Joué une autre occasion de montrer leur dévotion à Notre Dame des Langueurs : un des trois jours, la procession s’y rendait, et l’on y célébrait la messe de station. La paroisse y retournait encore le 15 août. De bonne heure dans l’après-midi, malgré la chaleur et la longueur du chemin,clergé et fidèles se mettaient en rangs de procession, pour se rendre à la chapelle de Notre-Dame, où, sitôt arrivés, ils chantaient solennellement les vêpres ; et c’était un spectacle à la fois curieux et touchant de voir tous ces bons paysans assis ou agenouillés sur la lande, pendant que les prêtres officiaient dans la chapelle, trop étroite pour contenir la foule.

La Révolution respecta la chapelle et le pèleninage continua. Seulement, à l’aurore du XIXe siècle (1811), le grand pardon de la Compassion changea de caractère : une foire fut établie par l’autorité civile au village de Langueur, et ce ne fut plus seulement la piété qui attira le peuple.

En 1864, la chapelle fut érigée en succursale de Joué, et il fallut l’agrandir. Depuis ce temps, des transformations plus radicales ont été opérées. Une église plus spacieuse et plus belle a été construite à quelques pas de l’ancienne, et celle-ci a été renversée. L’antique Pietà a été transportée dans le nouveau monument ; mais les deux statuettes, ses compagnes de tant de siècles, n’ont pas été jugées dignes d’occuper une place a ses côtés. Un bon chrétien, ami des antiques traditions, celui-là même a qui nous devons une bonne part de nos renseignements, les a pieusement recueillies.

Les pèlerinages continuent à Notre Dame des Langueurs, et le grand pardon des temps passés n’a pas complètement disparu. Les paysans n’y viennent pas seulement faire des achats ou des ventes ; beaucoup ont pour but principal d’honorer la sainte Vierge. On y chante solennellement la messe, et, depuis l’ouverture de la halte du Pavillon, les pèlerins, amenés par le chemin de fer et dont on a soin d’attendre l’arrivée avant de commencer l’office, se présentent plus nombreux encore qu’autrefois.

 

Vous savez, mes Frères, pourquoi Marie est appelée Notre Dame des Sept-Douleurs : c’est parce qu’elle a souffert tous les jours de sa vie, particulièrement au Calvaire ; c’est parce qu’en elle s’est réalisée la prophétie du vieillard Siméon : « Un glaive de douleur transpercera votre âme ». Mais savez-vous pourquoi Marie, la toute pure, l’lmmaculée, a souffert de la sorte ? Savez-vous pourquoi la compassion de la Vierge accompagna la passion du Sauveur ? La douleur est l’expiation nécessaire du péché, et c’est pour cela qu’elle apparut dans le monde immédiatement après le péché, comme châtiment du péché : « In dolore paries, Tu enfanteras dans la douleur ». Pour expier dignement le péché, il fallait qu’un homme, représentant de ses frères, endurât une immense douleur, il fallait de plus que cette douleur fût soufferte par un cœur très pur, et qu’elle fût infinie. C’est la raison d’être de l’Incarnation : pour expier les péchés de ses frères, Jésus-Christ, l’Homme Dieu, mérita d’être appelé l’Homme de la douleur. Mais une femme, Eve, avait concouru au péché de l’homme : ne semblait-il pas convenable qu’une femme, toute sainte et toute pure, participât à la douleur de l’Homme-Dieu ? Voilà, mes frères, la raison de la compassion de Marie. Notre Dame des Sept-Douleurs, c’est la corédemptrice.

Si la très sainte Vierge nous donne de la sorte une grande preuve d’amour, elle nous donne en même temps une grande leçon de choses. Rappelez-vous le mot si connu de saint Paul : « J’accomplis dans ma chair, disait-il, ce qui manque à la passion de Jésus-Christ », et il ajoutait : « Voilà pourquoi je me réjouis dans les maux que je souffre pour vous ». C’est la douleur qui expie,Jésus-Christ a pris a sa charge la grosse part du fardeau, mais il a voulu, et ce n’est que justice, que nous en portassions une petite part aussi. Donc nous devons souffrir, sans cela la passion, pour ce qui nous concerne, resterait incomplète, et nous ne pourrions pas être sauvés : voilà ce que Marie, plus éloquemment que saint Paul, nous prêche du pied de la croix. Au lieu donc de murmurer contre la douleur, apprenons, par l’exemple de notre Mère, a rester debout quand elle nous frappe, et a porter vaillamment notre fardeau. En même temps demandons-lui de nous obtenir du courage dans nos souffrances et nos peines. Demandons-lui enfin, car sa bonté nous y autorise, d’imiter les mères de la terre qui partagent et conscient les douleurs de leurs enfants, et d’alléger notre fardeau, en nous procurant secours et consolation.

 

ND de Nantes

 

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10 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

720_001

Onzième jour

Notre Dame de Recouvrance

 

Le Diocèse de Nantes comptait, il y a un siècle, cinq chapelles dédiées à Marie sous le nom de Notre-Dame de Recouvrance : deux seulement subsistent aujourd’hui. Ce sont d’ailleurs les plus vénérées : ce sont elles aussi que nous allons étudier ce soir.

La première est sur le territoire de Gétigné, paroisse privilégiée entre toutes, puisqu’elle possède deux pèlerinages de Notre Dame, tous deux antiques, tous deux vénérés, tous deux fréquentés assidûment par les populations d‘alentour : Toutes Joies et Recouvrance. Le premier sans doute est plus connu au loin ; mais il serait difficile de déterminer lequel des deux est le plus aimé des gens de Gétigné eux-mêmes. Le jour de l’Assomption ils vont processionnellement à la chapelle de Toutes-Joies ; mais le dimanche suivant, fête de sainte Radegonde, leur patronne, ils se rendent de même a celle de Recouvrance. Il est vrai, celle-ci porte trop visiblement la marque des siècles qu’elle a vécus, tandis que l’autre, fière de ses murailles neuves, de ses lignes architecturales, de son autel et de ses vitraux, semble la préférée du peuple qui l’a rajeunie ; mais Recouvrance n’est point oubliée, et les habitants de Gétigné, aussi généreux pour elle que pour sa sœur, la veulent également belle, parce qu’elle n’est pas moins aimée. Il y a cependant une différence entre elles, c’est que Toutes Joies, la voisine des sires de Clisson, possède une page dans leur histoire, tandis que Recouvrance, plus humble et presque ignorée, n’a qu’une légende, gravée dans la mémoire du peuple. Mais si l’histoire de Toutes Joies est a la fois gracieuse et touchante, la légende de Recouvrance est bien gracieuse et bien touchante aussi. Écoutez.

Le seigneur de la Roche, dont le manoir s’élevait a quelques toises de ce dernier sanctuaire, perdit un serviteur qui avait vécu en grande réputation de sainteté. On l’entera à l’ombre même de la chapelle où, suivant une coutume très répandue en ce temps-là, se trouvait sans doute un petit cimetière. Les fidèles du voisinage, pleins de confiance dans l’intercession du saint homme, ne tardèrent pas à faire des pèlerinages sur sa tombe. La fille du seigneur, qui avait vu de près la vertu du vieux serviteur, se faisait remarquer par une plus grande vénération et des visites plus assidues. Elle prenait soin de la modeste tombe et y avait fait quelques plantations. Elle y cultivait particulièrement un précieux arbuste. À quelque temps de là, le sire de la Roche devint aveugle. Sa fille, désolée mais pourtant confiante, multiplia les prières ; on la voyait plus souvent encore agenouillée sur la tombe qu’elle entourait de tant de respect. Un matin, elle eut tout a coup la pensée de recueillir la rosée que la nuit avait déposée sur les feuilles de l’arbuste, et elle en baigna les paupières fermées de son malheureux père. Ô merveille ! Elles s’ouvrirent de nouveau a la lumière, la cécité disparut. De là, dit-on, vint à la chapelle voisine le nom de Recouvrance.

Les siècles passés ne nous ont transmis aucun document sur l’origine et l’histoire de ce modeste pèlerinage. Toutefois les traditions du pays le font remonter a une haute antiquité. La toiture porte la date de 1745 ; mais il s‘agit certainement d’une reconstruction. Cinq prêtres résidaient jadis sur le territoire de Gétigné, le recteur, son vicaire et trois chapelains. Ceux-ci, titulaires de petits bénéfices, en acquittaient les messes, soit à l’église paroissiale, soit dans les chapelles rurales : l’un d’eux était attaché à N.-D. de Recouvrance.

Notre chapelle, plus heureuse que sa sœur de Toutes Joies, fut épargnée par les Mayençais et les Colonnes Infernales : et les fidèles ne cessèrent point de la fréquenter. Ils ont grande confiance dans la protection de la Bonne Mère et ne se lassent point de la prier. Ils s’agenouillent de préférence devant un bas-relief, taillé dans la pierre, qui représente l’Assomption de Marie. Cette image, trouvée naguère dans un champ voisin, provenait évidemment de l’ancienne chapelle, saccagée peut être dans les guerres de religion ; on l’y a replacée avec honneur, et le peuple la regarde connue miraculeuse.

La seconde chapelle de N. D. de Recouvrance appartient a la paroisse de Casson. Elle est située, non loin du bourg et près du village de la Hacherie, sur une petite éminence qui borde la route de Héric, dans un vallon plein de solitude et de fraîcheur, au fond duquel un ruisseau serpente capricieusement, en murmurant doucement sa chanson, sous les saules et la ramure des grands chênes.

Il y a plusieurs siècles déjà que l’on vient prier Marie dans cet oratoire, et il nous serait impossible de fixer la date de son origine. Cependant il ne peut remonter à une époque très reculée, puisque le peuple redit encore, sans qu’aucun document écrit vienne en aide à sa mémoire, le nom, la profession, le village de son fondateur. Pourtant la légende a déjà fleuri sur le récit populaire et même plusieurs versions du même fait circulent aux alentours. On raconte donc qu’un col porteur mercier, du village de la Hacherie, nommé Savary, s’était endormi, par une journée très chaude, sur le tertre où s’élève aujourd’hui la chapelle. Suivant les uns, il se trouva tout a coup si fortement pressé contre terre, et il éprouva une si violente douleur, qu’il se sentit près d’expirer ; dans ce moment d’angoisse, il appela la Vierge à son secours et, grâce a cette céleste protectrice, il recouvra sur le champ la santé. Suivant les autres, quand le donneur se réveille après un long somme, il s’aperçut que des voleurs lui avaient enlevé son gagne-pain, sa balle de colporteur avec toutes les marchandises qu’elle contenait. Le pauvre homme, tout désolé, cria sa détresse à Marie et recouvra son bien. Quelle que soit la faveur qu’il eût obtenue de la très Sainte Vierge, il est certain que le colporteur fut reconnaissant. Son petit commerce ayant prospéré, il en consacra le bénéfice à construire un oratoire à Notre Dame de Recouvrance.

Nous constatons l’existence de la chapelle en 1649, puisque, le 13 février de cette année, le recteur Despinose y bénissait le mariage de deux notables paroissiens, après avoir reçu publiquement l’abjuration de la fiancée, qui avait vécu jusque-là dans le protestantisme. L’hérésie avait eu de nombreux sectateurs a Casson, sans doute à cause du voisinage de Sucé, dont le temple est bien connu dans l'histoire de notre pays. Casson avait même son ministre particulier, nommé Guénet, en 1570. C’est surtout dans le bourg et autour de Recouvrance que se trouvaient les huguenoteries. On cite : la Cherbaudière, les Glands, la Gandonnière, la haute et la basse Hacherie, la Galpâtière, la Grohinière, la Pyronmière ; et l’on ajoute qu’en ce dernier lieu habita longtemps un ardent sectaire, le comte d’Estrées, qui tourmentait fort les catholiques.

Marie finit par convertir ses voisins qui abandonnèrent l’hérésie et devinrent tous de dévoués serviteurs de Notre Dame. Ils l’invoquaient Spécialement pour leurs brebis, et ces braves gens, dans leur langage imagé, avaient pris l’habitude d’appeler leur madone Sainte Berge, façon pittoresque de rappeler qu’elle était la protectrice des bergers.

Chaque année, le jour du mardi gras, avait lieu le pardon de Recouvrance. Il y avait messe et procession a la chapelle. Toutefois la population était pauvre, et les décors étaient modestes. On rapporte que ces bonnes gens, n’ayant pas de riche brancard pour y poser leur madone, se servaient d’une simple chaise, trône bien humble, assurément, et bien indigne de la Reine du ciel, mais que l’amour de son peuple transformait à ses yeux.

Les offrandes se ressentaient aussi de la pauvreté des visiteurs. Une pieuse femme, chargée de veiller sur l’oratoire, les recueillait fidèlement. C’était, pour l’ordinaire, de la laine. On voulait obtenir ainsi de la sainte Vierge qu’elle protégeât les bergeries.

Les pèlerins étaient nombreux, le mardi gras. On accourait de tous les points de la paroisse, même de Grandchamp et de Héric. Une bonne vieille racontait, en 1850, que ce jour-là, dans sa jeunesse, « sa maison ne désemplissait pas de gens de Héric venant s’y reposer après leur voyage ». M. Dupas, recteur de Casson, écrivait, en 1778, que l’oratoire de Notre-Dame de Recouvrance était un petit sanctuaire isolé, mais assez proprement entretenu. Au sortir de la Révolution, il n’en était plus ainsi : l'abandon avait amené la décadence, presque la ruine. On cessa de célébrer la messe dans la chapelle trop misérable. Toutefois, pendant la première moitié du XIXe siècle, on continua d’y faire la procession traditionnelle, transférée au jour de l’Assomption. Les habitants des villages voisins cachaient pieusement sous la verdure les crevasses des murailles et la pauvreté de l’autel ; des jonchées de roseaux, empruntés au ruisseau du vallon, tenaient lieu de tapis ; et les fidèles, agenouillés autour de la chapelle croulante, s’unissaient au clergé qui chantait les litanies.

En 1860, M. le curé Philippe, profitant de la présence des ouvriers qui travaillaient au château du Chalonge. fit enfin relever ces ruines : la chapelle fut complètement reconstruite. Elle est là, dans son vallon solitaire, petite et modeste comme autrefois, et toujours vénérée. L’antique madone devant laquelle s’agenouillaient les pères et repris sa place au-dessus de l’autel, pour recevoir les hommages des fils ; et les bienheureux particulièrement honorés dans la paroisse sont rangés a ses côtés, connue pour lui faire une cour, savoir : saint Pierre et saint Fiacre, sainte Anne et sainte Germaine. Une plaque commémorative porte les noms de M. Paré, maire de Casson, et des principaux bienfaiteurs : Melle de Grammont, MM. de Bouillé et de la Cadinière. Enfin, à droite, en entrant, l’on voit un bas-relief représentant Notre-Dame et, devant elle, a genoux, trois personnages lui offrant une chapelle.

 

Notre Dame de Recouvrance ! Ai-je besoin de vous indiquer le mystère que nous rappelle ce titre ? Jésus avait douze ans; pour obéir aux prescriptions de la loi Mosaïque, il accompagna ses parents a Jérusalem, au temps de la pâque. « Les jours saints étant passés, ils prirent le chemin du retour. Or, l’Enfant Jésus était resté à Jérusalem, sans que ses parents s’en fussent aperçus. Supposant qu’il était dans l’une ou l’autre compagnie, ils firent une journée de voyage. Alors ils le cherchèrent anxieusement parmi ceux de leur parenté et parmi leurs connaissances. Ne l'ayant point trouvé, ils retournèrent à Jérusalem, le cherchant toujours. Après trois jours, ils le trouvèrent dans le Temple ».

Nous aussi, chrétiens, nous avons Dieu avec nous, et l’on peut dire que nous le possédons surnaturellement de deux manières, par la foi et par la grâce. Mais nous aussi, nous pouvons le perdre. Toutefois, la différence est grande entre la Vierge et nous. Marie perdit l'Enfant-Dieu sans commettre aucune faute, et uniquement parce que Jésus voulut lui imposer une épreuve méritoire en nous donnant une leçon. Pour nous, au contraire, si nous perdons Dieu, c’est toujours par notre faute. En effet, que l’homme perde la foi ou la grâce, il y a toujours en quelque faute de sa part.

Heureusement, Dieu peut être retrouvé, et la sainte Vierge nous en donne l’exemple. Mais, pour retrouver Dieu, il faut d’abord, comme elle, éprouver quelque peine de l’avoir perdu. Les hommes d’orgueil ou de plaisir qui vivent heureux, tranquilles, sans souci de la perte qu’ils ont faite, ne retrouveront jamais Dieu. C’est la preuve qu’ils n’ont aucun repentir de la faute commise ; c’est la preuve aussi qu'ils ne comprennent pas quel grand bien c’est que de posséder Dieu. Je puis bien ajouter que, en général. l’homme heureux éprouve rarement le besoin de Dieu, tandis que celui qui souffre est tout naturellement incliné vers lui. Comment, après cela, se plaindre de la douleur et dire que les heureux de ce monde ont la meilleure part ?

Pour retrouver Dieu, il faut ensuite le chercher, c’est-à-dire montrer quelque bonne volonté, faire quelques efforts pour retrouver la foi ou la grâce. Alors, Dieu fait le reste du chemin et, comme il a fait dans l’Incarnation, il marche vers nous à pas de géant: exultavit ut gigas ad currendam viam.

Pour retrouver Dieu, il faut le chercher dans le temple, c’est-à-dire en priant et en étudiant. Pour retrouver Dieu, il faut le chercher avec Marie. Si donc, vous aviez perdu la foi, et ce malheur n’est point rare en ce siècle d’ignorance et de blasphème ; si donc vous aviez perdu la grâce, priez, étudiez, mortifiez-vous, frappez-vous la poitrine, et ne manquez pas d’invoquer en même temps Notre-Dame de Recouvrance.

 

ND de Nantes

 

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10 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Onzième jour

Notre Dame de Recouvrance

 

Le Diocèse de Nantes comptait, il y a un siècle, cinq chapelles dédiées à Marie sous le nom de Notre-Dame de Recouvrance : deux seulement subsistent aujourd’hui. Ce sont d’ailleurs les plus vénérées : ce sont elles aussi que nous allons étudier ce soir.

La première est sur le territoire de Gétigné, paroisse privilégiée entre toutes, puisqu’elle possède deux pèlerinages de Notre Dame, tous deux antiques, tous deux vénérés, tous deux fréquentés assidûment par les populations d‘alentour : Toutes Joies et Recouvrance. Le premier sans doute est plus connu au loin ; mais il serait difficile de déterminer lequel des deux est le plus aimé des gens de Gétigné eux-mêmes. Le jour de l’Assomption ils vont processionnellement à la chapelle de Toutes-Joies ; mais le dimanche suivant, fête de sainte Radegonde, leur patronne, ils se rendent de même a celle de Recouvrance. Il est vrai, celle-ci porte trop visiblement la marque des siècles qu’elle a vécus, tandis que l’autre, fière de ses murailles neuves, de ses lignes architecturales, de son autel et de ses vitraux, semble la préférée du peuple qui l’a rajeunie ; mais Recouvrance n’est point oubliée, et les habitants de Gétigné, aussi généreux pour elle que pour sa sœur, la veulent également belle, parce qu’elle n’est pas moins aimée. Il y a cependant une différence entre elles, c’est que Toutes Joies, la voisine des sires de Clisson, possède une page dans leur histoire, tandis que Recouvrance, plus humble et presque ignorée, n’a qu’une légende, gravée dans la mémoire du peuple. Mais si l’histoire de Toutes Joies est a la fois gracieuse et touchante, la légende de Recouvrance est bien gracieuse et bien touchante aussi. Écoutez.

Le seigneur de la Roche, dont le manoir s’élevait a quelques toises de ce dernier sanctuaire, perdit un serviteur qui avait vécu en grande réputation de sainteté. On l’entera à l’ombre même de la chapelle où, suivant une coutume très répandue en ce temps-là, se trouvait sans doute un petit cimetière. Les fidèles du voisinage, pleins de confiance dans l’intercession du saint homme, ne tardèrent pas à faire des pèlerinages sur sa tombe. La fille du seigneur, qui avait vu de près la vertu du vieux serviteur, se faisait remarquer par une plus grande vénération et des visites plus assidues. Elle prenait soin de la modeste tombe et y avait fait quelques plantations. Elle y cultivait particulièrement un précieux arbuste. À quelque temps de là, le sire de la Roche devint aveugle. Sa fille, désolée mais pourtant confiante, multiplia les prières ; on la voyait plus souvent encore agenouillée sur la tombe qu’elle entourait de tant de respect. Un matin, elle eut tout a coup la pensée de recueillir la rosée que la nuit avait déposée sur les feuilles de l’arbuste, et elle en baigna les paupières fermées de son malheureux père. Ô merveille ! Elles s’ouvrirent de nouveau a la lumière, la cécité disparut. De là, dit-on, vint à la chapelle voisine le nom de Recouvrance.

Les siècles passés ne nous ont transmis aucun document sur l’origine et l’histoire de ce modeste pèlerinage. Toutefois les traditions du pays le font remonter a une haute antiquité. La toiture porte la date de 1745 ; mais il s‘agit certainement d’une reconstruction. Cinq prêtres résidaient jadis sur le territoire de Gétigné, le recteur, son vicaire et trois chapelains. Ceux-ci, titulaires de petits bénéfices, en acquittaient les messes, soit à l’église paroissiale, soit dans les chapelles rurales : l’un d’eux était attaché à N.-D. de Recouvrance.

Notre chapelle, plus heureuse que sa sœur de Toutes Joies, fut épargnée par les Mayençais et les Colonnes Infernales : et les fidèles ne cessèrent point de la fréquenter. Ils ont grande confiance dans la protection de la Bonne Mère et ne se lassent point de la prier. Ils s’agenouillent de préférence devant un bas-relief, taillé dans la pierre, qui représente l’Assomption de Marie. Cette image, trouvée naguère dans un champ voisin, provenait évidemment de l’ancienne chapelle, saccagée peut être dans les guerres de religion ; on l’y a replacée avec honneur, et le peuple la regarde connue miraculeuse.

La seconde chapelle de N. D. de Recouvrance appartient a la paroisse de Casson. Elle est située, non loin du bourg et près du village de la Hacherie, sur une petite éminence qui borde la route de Héric, dans un vallon plein de solitude et de fraîcheur, au fond duquel un ruisseau serpente capricieusement, en murmurant doucement sa chanson, sous les saules et la ramure des grands chênes.

Il y a plusieurs siècles déjà que l’on vient prier Marie dans cet oratoire, et il nous serait impossible de fixer la date de son origine. Cependant il ne peut remonter à une époque très reculée, puisque le peuple redit encore, sans qu’aucun document écrit vienne en aide à sa mémoire, le nom, la profession, le village de son fondateur. Pourtant la légende a déjà fleuri sur le récit populaire et même plusieurs versions du même fait circulent aux alentours. On raconte donc qu’un col porteur mercier, du village de la Hacherie, nommé Savary, s’était endormi, par une journée très chaude, sur le tertre où s’élève aujourd’hui la chapelle. Suivant les uns, il se trouva tout a coup si fortement pressé contre terre, et il éprouva une si violente douleur, qu’il se sentit près d’expirer ; dans ce moment d’angoisse, il appela la Vierge à son secours et, grâce a cette céleste protectrice, il recouvra sur le champ la santé. Suivant les autres, quand le donneur se réveille après un long somme, il s’aperçut que des voleurs lui avaient enlevé son gagne-pain, sa balle de colporteur avec toutes les marchandises qu’elle contenait. Le pauvre homme, tout désolé, cria sa détresse à Marie et recouvra son bien. Quelle que soit la faveur qu’il eût obtenue de la très Sainte Vierge, il est certain que le colporteur fut reconnaissant. Son petit commerce ayant prospéré, il en consacra le bénéfice à construire un oratoire à Notre Dame de Recouvrance.

Nous constatons l’existence de la chapelle en 1649, puisque, le 13 février de cette année, le recteur Despinose y bénissait le mariage de deux notables paroissiens, après avoir reçu publiquement l’abjuration de la fiancée, qui avait vécu jusque-là dans le protestantisme. L’hérésie avait eu de nombreux sectateurs a Casson, sans doute à cause du voisinage de Sucé, dont le temple est bien connu dans l'histoire de notre pays. Casson avait même son ministre particulier, nommé Guénet, en 1570. C’est surtout dans le bourg et autour de Recouvrance que se trouvaient les huguenoteries. On cite : la Cherbaudière, les Glands, la Gandonnière, la haute et la basse Hacherie, la Galpâtière, la Grohinière, la Pyronmière ; et l’on ajoute qu’en ce dernier lieu habita longtemps un ardent sectaire, le comte d’Estrées, qui tourmentait fort les catholiques.

Marie finit par convertir ses voisins qui abandonnèrent l’hérésie et devinrent tous de dévoués serviteurs de Notre Dame. Ils l’invoquaient Spécialement pour leurs brebis, et ces braves gens, dans leur langage imagé, avaient pris l’habitude d’appeler leur madone Sainte Berge, façon pittoresque de rappeler qu’elle était la protectrice des bergers.

Chaque année, le jour du mardi gras, avait lieu le pardon de Recouvrance. Il y avait messe et procession a la chapelle. Toutefois la population était pauvre, et les décors étaient modestes. On rapporte que ces bonnes gens, n’ayant pas de riche brancard pour y poser leur madone, se servaient d’une simple chaise, trône bien humble, assurément, et bien indigne de la Reine du ciel, mais que l’amour de son peuple transformait à ses yeux.

Les offrandes se ressentaient aussi de la pauvreté des visiteurs. Une pieuse femme, chargée de veiller sur l’oratoire, les recueillait fidèlement. C’était, pour l’ordinaire, de la laine. On voulait obtenir ainsi de la sainte Vierge qu’elle protégeât les bergeries.

Les pèlerins étaient nombreux, le mardi gras. On accourait de tous les points de la paroisse, même de Grandchamp et de Héric. Une bonne vieille racontait, en 1850, que ce jour-là, dans sa jeunesse, « sa maison ne désemplissait pas de gens de Héric venant s’y reposer après leur voyage ». M. Dupas, recteur de Casson, écrivait, en 1778, que l’oratoire de Notre-Dame de Recouvrance était un petit sanctuaire isolé, mais assez proprement entretenu. Au sortir de la Révolution, il n’en était plus ainsi : l'abandon avait amené la décadence, presque la ruine. On cessa de célébrer la messe dans la chapelle trop misérable. Toutefois, pendant la première moitié du XIXe siècle, on continua d’y faire la procession traditionnelle, transférée au jour de l’Assomption. Les habitants des villages voisins cachaient pieusement sous la verdure les crevasses des murailles et la pauvreté de l’autel ; des jonchées de roseaux, empruntés au ruisseau du vallon, tenaient lieu de tapis ; et les fidèles, agenouillés autour de la chapelle croulante, s’unissaient au clergé qui chantait les litanies.

En 1860, M. le curé Philippe, profitant de la présence des ouvriers qui travaillaient au château du Chalonge. fit enfin relever ces ruines : la chapelle fut complètement reconstruite. Elle est là, dans son vallon solitaire, petite et modeste comme autrefois, et toujours vénérée. L’antique madone devant laquelle s’agenouillaient les pères et repris sa place au-dessus de l’autel, pour recevoir les hommages des fils ; et les bienheureux particulièrement honorés dans la paroisse sont rangés a ses côtés, connue pour lui faire une cour, savoir : saint Pierre et saint Fiacre, sainte Anne et sainte Germaine. Une plaque commémorative porte les noms de M. Paré, maire de Casson, et des principaux bienfaiteurs : Melle de Grammont, MM. de Bouillé et de la Cadinière. Enfin, à droite, en entrant, l’on voit un bas-relief représentant Notre-Dame et, devant elle, a genoux, trois personnages lui offrant une chapelle.

 

Notre Dame de Recouvrance ! Ai-je besoin de vous indiquer le mystère que nous rappelle ce titre ? Jésus avait douze ans; pour obéir aux prescriptions de la loi Mosaïque, il accompagna ses parents a Jérusalem, au temps de la pâque. « Les jours saints étant passés, ils prirent le chemin du retour. Or, l’Enfant Jésus était resté à Jérusalem, sans que ses parents s’en fussent aperçus. Supposant qu’il était dans l’une ou l’autre compagnie, ils firent une journée de voyage. Alors ils le cherchèrent anxieusement parmi ceux de leur parenté et parmi leurs connaissances. Ne l'ayant point trouvé, ils retournèrent à Jérusalem, le cherchant toujours. Après trois jours, ils le trouvèrent dans le Temple ».

 

Nous aussi, chrétiens, nous avons Dieu avec nous, et l’on peut dire que nous le possédons surnaturellement de deux manières, par la foi et par la grâce. Mais nous aussi, nous pouvons le perdre. Toutefois, la différence est grande entre la Vierge et nous. Marie perdit l'Enfant-Dieu sans commettre aucune faute, et uniquement parce que Jésus voulut lui imposer une épreuve méritoire en nous donnant une leçon. Pour nous, au contraire, si nous perdons Dieu, c’est toujours par notre faute. En effet, que l’homme perde la foi ou la grâce, il y a toujours en quelque faute de sa part.

 

Heureusement, Dieu peut être retrouvé, et la sainte Vierge nous en donne l’exemple. Mais, pour retrouver Dieu, il faut d’abord, comme elle, éprouver quelque peine de l’avoir perdu. Les hommes d’orgueil ou de plaisir qui vivent heureux, tranquilles, sans souci de la perte qu’ils ont faite, ne retrouveront jamais Dieu. C’est la preuve qu’ils n’ont aucun repentir de la faute commise ; c’est la preuve aussi qu'ils ne comprennent pas quel grand bien c’est que de posséder Dieu. Je puis bien ajouter que, en général. l’homme heureux éprouve rarement le besoin de Dieu, tandis que celui qui souffre est tout naturellement incliné vers lui. Comment, après cela, se plaindre de la douleur et dire que les heureux de ce monde ont la meilleure part ?

 

Pour retrouver Dieu, il faut ensuite le chercher, c’est-à-dire montrer quelque bonne volonté, faire quelques efforts pour retrouver la foi ou la grâce. Alors, Dieu fait le reste du chemin et, comme il a fait dans l’Incarnation, il marche vers nous à pas de géant: exultavit ut gigas ad currendam viam.

 

Pour retrouver Dieu, il faut le chercher dans le temple, c’est-à-dire en priant et en étudiant. Pour retrouver Dieu, il faut le chercher avec Marie. Si donc, vous aviez perdu la foi, et ce malheur n’est point rare en ce siècle d’ignorance et de blasphème ; si donc vous aviez perdu la grâce, priez, étudiez, mortifiez-vous, frappez-vous la poitrine, et ne manquez pas d’invoquer en même temps Notre-Dame de Recouvrance.

 

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9 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Dixième jour

Notre Dame de la Chandeleur

 

Missire Vincent Charron, chanoine de la Cathédrale, écrivait en 1637, dans son Calendrier historial de la glorieuse Vierge Mère de Dieu : « A Nantes, en Bretagne, il y a une très belle et très ancienne Confrairie érigée en l‘église parroissiale de Saint-Nicolas, sous le nom de Nostre-Dame de Chandeleur ». Guillaume Greslan, notable commerçant et prévôt en charge de cette Confrérie, renchérissait encore sur ces éloges, dans un mémoire rédigé vers 1727 : « La Confrairie de Notre Dame de la Chandeleur est, de toutes celles qui sont établies en l’honneur de la Sainte Vierge en la ville de Nantes, peut-être même dans le royaume, la plus célèbre par son ancienneté, par le sujet de son établissement et par le nombre de ses membres ». C’est de cette dévotion, si chère à vos ancêtres, que je voudrais vous entretenir ce soir.

Des actes authentiques prouvent que notre Confrérie existait déjà à l'aurore du XVe siècle (1402). E11c dut sa fondation a la pieuse initiative de quelques fidèles qui voulaient, comme son nom l’indique, honorer d’ une manière particulière le Mystère de la Purification de Marie et de la Présentation de Notre-Seigneur au temple, ainsi que la sainte joie du vieillard Siméon.

A sa tête se trouvaient deux prévôts, élus chaque année et choisis parmi « les gens solvables et sans reproche », l’un « pour la ville et paroisse », l'autre « pour la Fosse et le Bignon-Létard », c’est-à-dire le quartier qui s’étend aujourd’hui de la rue Crébillon a la rue du Calvaire. Ils étaient assistés, dans leur gestion, par six commissaires, trois de la ville et trois de la Fosse, élus aussi chaque année et choisis parmi les anciens prévôts résidant sur la paroisse. Enfin, le plus ancien prévôt était toujours commissaire-né et réputé syndic de la Confrérie ; en cette qualité, il était dépositaire d'une des trois clefs des archives et de la caisse. Un procureur pouvait, en outre, être chargé de surveiller l'entretien des immeubles sur lesquels étaient assises les fondations.

La Confrérie de Chandeleur comptait à Nantes parmi les plus cotées ; aussi les confrères, prêtres ou laïques, étaient-ils fort nombreux. Vincent Charron prétend que la plupart des habitants en faisaient partie. Cela peut sembler exagéré. Nous savons du moins que, au commencement du XVIIIe siècle, alors que la célèbre association commençait à déchoir, le nombre des confrères dépassait encore deux mille. Les paroissiens de Saint Nicolas tenaient à honneur d’en être prévôts, « ceux même qui y primaient par leur rang et par leur bien » ; et la liste de ceux qui occupèrent cette charge, bien qu’elle soit incomplète, pourrait constituer le livre d’or du haut commerce nantais. C'était une douce satisfaction, pour les anciens prévôts, d’occuper a l’église une place dans l’un des trois bancs marqués aux armes de la Confrérie. Le pape Paul V lui accorda des indulgences, en 1612, et la bulle en fut publiée l’année suivante, par mandement de l’évêque de Nantes. Ces pièces étaient conservées précieusement « dans l’armoire aux archives » et, à certains jours, une. traduction sur vélin en était affiché sur la porte du « chapitreau ».

La Purification était naturellement la fête patronale de la Confrérie. La veille, le bresteur ou bedeau, en surplis et dalmatique, s’en allait, avec sa cloche, annoncer la fête et ses indulgenes dans toutes les places publiques « de la ville et fauxbourgs, et au-devant des maisons des anciens prévôts ». Le jour même de la fête, on exposait, dès le matin, le Très Saint-Sacrement et l’on chantait matines et laudes. Toutefois, pour ne pas gêner la paroisse qui célébrait solennellement la Chandeleur et avait, comme toute l’Eglise, sa procession des cierges ; et sans doute aussi pour que sa propre procession ne passât point inaperçue, la Confrérie la transportait au dimanche suivant. Ce jour-là, donc, à l’issue de la grand’messe paroissiale, la « cloche de la Confrairie » sonnait en branle durant un quart d’heure. La cérémonie commençait par l’installation des prévôts entrants, dont les noms avaient été proclamés au salut, un des dimanches précédents. Les deux élus s’agenouillent à la balustrade de l’autel de la Confrérie. Un prêtre, revêtu de la chape blanche et assisté d’un diacre et d’un sous-diacre, se lient au-dedans. ll entonne le Veni Creator, puis a la strophe : « Accende lumen sensibus », il met dans la main droite des prévôts un cierge allumé, auquel est attachée une plaque d’argent représentant la Sainte-Vierge. Les récipiendaires lui baisent la main.

Après l’oraison, deux prêtres entonnent les Litanies de la Sainte Vierge auxquelles le choeur. et les assistants répondent. À « Sancta Maria », le bresteur, en surplis et dalmatique blanche, annonce le départ de la procession avec sa cloche qu’il fait sonner de temps en temps durant tout le parcours.

Alors, sous les regards Curieux de la foule, défile le cortège. En tête, les quatre grosses torches de la Confrérie, portées par des laïques en surplis ; puis, le bresteur agitant sa cloche ; le crucigêre assisté de deux enfants de choeur heureux d’arborer les grands chandeliers d’argent de la Confrérie, avec des cierges ornés de plaques aussi d’argent, à l’effigie de la Vierge; le clergé, cierges en main ; le célébrant, assisté de ses ministres et portant la statue d’argent de la Sainte Vierge, du poids de vingt-trois marcs, onze livres et demie, chef d’oeuvre d’un artiste nantais du XVIIe siècle, Thomas Jus, dont la Confrérie de la Chandeleur est si justement fière ; enfin, derrière le célébrant, les prévôts anciens et nouveaux, en habit noir, et tous les membres de la Confrérie, tous avec des cierges, tous rangés sur deux lignes.

On se rend à la chapelle Saint Julien, au centre de la place actuelle du commerce, et l’on y chante l’antienne de la fête avec les verset et oraison. Puis on revient dans le même ordre à Saint-Nicolas, où est célébrée, à l’autel de la Confrérie, une messe solennelle de la Purification. À l’offertoire, tous les prévôts avertis, chacun, par un coup de cloche du bresteur, vont baiser la paix que le célébrant leur présente. Enfin, on distribue a tous le pain bénit. La veille de l’Octave de la Fête-Dieu, le bresteur fait encore sa ronde. En outre, les prévôts en charge envoient aux anciens prévôts et à des confrères, « gens de probité, pour remplir le nombre de 70, des billets dattez et signez d’un d’eux pour les inviter de se trouver en habit noir ledit jour d’Oclave, a cinq heures après midi, au chapitreau, pour y recevoir de leurs mains une torche et marcher a la procession du Très Saint Sacrement qui se fait à six heures, de l’église de Saint-Nicolas a la chapelle de Saint-Julien ».

La Confrérie n'honorait pas seulement le Saint-Sacrement et Notre-Dame, elle songeait aussi à honorer et à soulager ses membres défunts. Après le décès de chaque confrère, le bresteur, revêtu d’un surplis et d'une dalmatique noire, s'en allait par les rues de la ville annoncer ses obsèques, comme il faisait pour les indulgences. On portait à la cérémonie funèbre les quatre grosses torches jaunes de la Confrérie. On y voyait aussi la « quarrée », ou catafalque de l’Association, avec ses quarante cierges, et, s’ils étaient demandés, ses ornements de velours aux riches garnitures d’argent, ornements blancs pour les garçons et les filles, noirs pour les autres défunts. Mais cet appareil n’était transporté que dans les églises paroissiales et dans les chapelles de Toussaints, de l’Hôtel Dieu et du Sanitat. De plus, les prévôts faisaient célébrer, à l’autel de la Confrérie, un service et trente messes basses pour le repos de son âme.

La Confrérie avait beaucoup d’autres exercices que le temps ne me permet pas d’énumérer ; par exemple, tous les dimanches et fêtes de Notre Dame, un Salut de la Sainte-Vierge, où l’on chantait l’Ave Maris Stella, ou un autre hymne, suivant le temps, avec trois fois l’Ave Maria. Pourtant il est une touchante pratique qui ne peut être passée sous silence, c’est la messe de « la porte ouvrante ». L’église de Saint Nicolas attenait aux remparts dont on peut voir encore quelques restes a deux pas d’ici, et la porte du même nom était proche. Elle s’ouvrait a 4 heures du matin en été, il 5 en hiver. Pour procurer « une messe sûre aux voyageurs, artisans et ouvriers sans attendre », la Confrérie en faisait célébrer une aussitôt l’ouverture. C’était « la messe de la porte ouvrante », et elle était offerte pour les confrères défunts.

Pendant des siècles, la Confrérie fut florissante et riche. C’est alors qu’elle acquit ces pièces d’orfèvrerie et ces magnifiques ornements qu'elle était fière d’étaler aux yeux de toute la ville et qu’elle gardait avec un soin jaloux. Elle était fière aussi et jalouse de sa cloche, la plus grosse de Saint Nicolas, peut-être de la ville, qui pesait plus de 2,000 livres. Surtout, elle était fière de ses tapisseries. Elles avaient été faites, en 1649, par un artiste nantais, Gabriel Pierron. Brodées en soie et dessinées avec art, elles étaient vraiment splendides. Huit grandes pièces représentaient la Nativité de Marie, sa Présentation, l’Annonciation, la Nativité de Notre Seigneur, la Purification, l’Adoration des Mages, le Retour des Bergers, l’Assomption ; elles décoraient le choeur dans l’ordre où je viens de les énumérer. Une neuvième pièce, plus petite, représentait la Fuite en Egypte : elle était placée entre le maître-autel et celui de la Confrérie. Les marguillers de Saint-Nicolas avaient l‘autorisation de s’en servir, ainsi que de la cloche et quelquefois de l’argenterie, mais il une condition, « que messieurs les nouveaux fabriqueurs fassent, au commencement de leur charge, civilité à ce sujet aux prévôts » de la Confrérie.

Aux jours de sa splendeur, la Confrérie savait se montrer généreuse: elle vient en aide aux hôpitaux dans les épidémies ; elle accorde d’importants secours aux victimes des incendies ; elle contribue à la construction d’une salle de catéchisme à Saint Nicolas, « la seule paroisse du diocèse que l’on sache avoir un lieu destiné a cela » ; elle paie un riche vitrail à l’église paroissiale ; enfin, elle offre, pendant de longues années, un don de 60 livres au prédicateur du carême.

Hélas ! avec le XVIIIe siècle vint la décadence : la dépréciation de l‘argent réduisit considérablement la valeur des fondations, alors que, d’un autre côté, les honoraires des services étaient augmentés ; puis ce fut la perturbation amenée dans les affaires par la banque de Law. Les cotisations diminuèrent et toutes les ressources décrurent : ce fut le déficit. Des prévôts intelligents et dévoués firent des réformes, rédigèrrnt des statuts, tinrent la main a la bonne gestion des finances et réussirent à conserver un peu de vie a leur chère Confrérie. Toutefois, elle ne revit plus les beaux jours d’antan et elle ne faisait guère que végéter quand la Révolution lui porta le dernier coup.

 

Le cierge de la Chandeleur symbolise Jésus-Christ, et c’est la Sainte-Vierge qui nous donne Jésus Christ : c’est elle qui, dans le mystère adorable de l’Incarnation, a été choisie de Dieu pour le donner a la terre ; c’est elle qui, depuis dix-neuf siècles, continue et, jusqu’à la fin des temps, continuera de nous le donner. « Il n’est route, en effet, ni plus sûre ni plus facile que Marie pour aller à Jésus et pour obtenir, moyennant Jésus, cette parfaite adoption des fils, qui rend saint et sans tache sous le regard de Dieu ». Qui, mieux que Marie possède la connaissance de notre divin Sauveur, qu’elle a porté dans son sein, qu’elle a suivi d’un regard maternel pendant toute sa vie, dont elle a médité sans cesse les mystères ? Qui, par conséquent, est plus capable de nous mener à la connaissance de Notre Seigneur Jésus-Christ ? L’Evangile fait la remarque que le miracle de Cana fut le premier accompli par Jésus et qu’à sa vue, ses apôtres crurent en lui ; or, c’est Marie qui l‘avait obtenu ; d’où nous pouvons conclure que c‘est Marie qui procura aux apôtres la vraie connaissance de Jésus. C’est le.premier acte du rôle qu’elle remplit a travers les âges.

Nous pouvons le dire, ce qui manque le plus au monde, particulièrement à cette époque, c’est la connaissance de Jésus-Christ. Elle manque aux infidèles qui couvrent les trois quarts de notre globe ; elle manque aux hérétiques qui ont déchiré la robe sans couture de l’Eglise en se séparant d’elle ; elle manque aux catholiques apostats et rebelles, qui se multiplient tous les jours ; elle manque aux indifférents et aux mondains qui sont la foule ; elle manque même aux bons catholiques, qui ne savent pas comprendre le Maître ou qui n’ont pas le courage de le suivre.

Demandons à Marie de nous montrer, comme autrefois à Siméon, « cette lumière venue pour éclairer les nations ». Et répétons la prière de nos ancêtres : « Notre Dame de la Chandeleur, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

 

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8 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Neuvième jour

Notre Dame de Créé-Lait

 

A l’entrée de la chaussée de la Madeleine, à Nantes, entre les numéros 7 et 9, on aperçoit, au fond d’une ruelle, une vieille maison, portant l‘enseigne de la Boule d’Or. En face de cette maison, sur le terrain qu’occupe actuellement le square de l’Hôtel-Dieu, se voyait naguère un édicule, dégradé par le temps et dont les restes mutilés indiquaient une oeuvre du XVe siècle. On l’appelait le « Pilier de Notre-Dame », ou bien encore, d’un nom plus vulgaire et plus expressif : « Notre-Dame de Crée-Lait ». La chaussée, sorte de pont qui s’allongeait pendant trois à quatre cents pas, sur des arcades de pierre, à travers les prairies basses de la Madeleine, ne commençait alors qu’à l’auberge de la Boule d’Or, et la voie étroite et courte qui, du pont de la Belle-Croix, aboutissait à la chaussée, s’appelait « rue de la Bonne Vierge de Crée-Lait », nom très compréhensible dont la foule ignorante avait fait « rue Bonne-Vierge-Grêlée ».

L’origine de cette humble construction et la dévotion qui y conduisit nos pères, pendant près de quatre siècles, méritent qu’on les signale. Vous avez tous entendu parler de ce Gilles de Raiz, dont l’histoire s’est confondue chez nous avec la légende de Barbe Bleue. C’était un riche et puissant seigneur, ses terres étaient immenses et ses revenus dépassaient un million de notre monnaie ; c’était un brave aussi : il avait combattu vaillamment aux côtés de Jeanne d’Arc et, dès l’âge de 27 ans, il avait conquis, à la pointe de son épée, le bâton de maréchal de France. Mais il avait été gâté par des parents trop faibles, et des passions ardentes que nul, dans son enfance, ne s’était occupé de réprimer, l’avaient emporté vers l’abîme et avaient fait de lui le monstre hideux et lubrique dont le souvenir nous fait horreur. C’est par centaines que l’on compte les enfants qui furent ses victimes, et les mères ne peuvent entendre prononcer son nom sans tressaillir d’effroi.

L’évêque de Nantes, Jean de Malestroit, sans se laisser effrayer par la puissance du monstre et par les liens de parenté qui l’unissaient à deux familles souveraines, dénonça ses forfaits. Le duc Jean V lui donna des juges et, le 25 octobre 1440, Gilles de Laval, baron de Batz et maréchal de France, fut condamné à être brûlé vif. Ce fut un événement public : les pères et les mères jeûnèrent trois jours pour lui obtenir la miséricorde divine et infligèrent, dit-on,la peine du fouet à leurs enfants, afin qu’ils gardassent dans leur mémoire le souvenir du châtiment terrible qui allait frapper ce grand criminel. La sentence fut exécutée sur la prairie de la Madeleine ; les cloches de toutes les églises tintèrent des glas et une procession précéda le coupable jusqu’au lieu du supplice ; le clergé, l’évêque, le duc lui-même étaient là. En considération de son rang et de son repentir, Gilles de Raiz fut d‘abord étranglé et son cadavre, à peine touché par les flammes, fut enseveli dans l‘église des Carmes.

En exécution des dernières volontés du défunt, on érigea, sur le lieu de son supplice, une croix de pierre, la Belle Croix. Dans le soubassement qui la portait, ou,ce qui me parait plus probable, dans une sorte de mur étroit ou de pilier élevé il quelque distance, on creusa trois grottes en style gothique de l‘époque et l’on y plaça l’image des saints préférés du seigneur de Raiz, celle de Notre Dame au milieu, puis, à droite et a gauche, celles de saint Gilles et de Saint Laud.

Avant de mourir, le grand coupable, repentant de ses crimes, avait déclaré « que sa mauvaise éducation était cause de tous ses désordres, que l’oisiveté l’avait perdu, que les mères devaient refuser a leurs enfants des mets trop délicats et, au contraire, les nourrir de bons principes ». Les mères chrétiennes prirent l’habitude de venir au Pilier de Notre Dame prier pour le malheureux qui les avait tant fait pleurer et demander, en même temps, à leur bonne Mère du Ciel, la grâce pour leurs propres enfants de ne pas marcher sur ses traces. Elles faisaient ordinairement ce pèlerinage dans les mois qui suivaient immédiatement leur délivrance, alors qu’elles nourrissaient encore ces chers petits. Naturellement, elles ne se contentaient pas de solliciter pour eux des grâces d’ordre surnaturel, mais elles demandaient aussi des avantages temporels, et particulièrement le lait dont elles avaient besoin pour les nourrir. Bientôt, comme il arrive presque toujours, hélas ! Les préoccupations temporelles l’emportèrent sur les autres et l’on ne demanda plus guère a Notre Dame que la nourriture nécessaire aux petits enfants. De là ce vocable singulièrement expressif, inventé par le peuple : Notre-Dame de Crée-Lait.

Pendant des siècles, un courant de dévotion conduisit les mères au Pilier de Notre-Dame. Malgré l’encombrement de la rue, plus étroite à cet endroit qu’elle ne l’est aujourd’hui et voie unique de communication de la rive gauche avec la ville, on y voyait souvent des mères agenouillées, et parfois même des foules considérables. Marie ne pouvait manquer d’exaucer les prières qu’inspirait cette foi simple et touchante. Le Bureau de ville, qui s’intéressait à tous les souvenirs de la cité, arrêtait, le5janvier 1578, de faire établir un auvent protecteur au-dessus des trois statues pour assurer leur conservation. La Terreur mit fin à ce modeste pèlerinage. Les trois statues furent enlevées et probablement détruites. Toutefois, les niches subsistèrent jusqu’en 1867. A cette époque, le Pilier de Notre-Dame fut renversé pour l’aménagement du square de l’Hôtel-Dieu. En d’autres temps, on ont regardé connue un devoir de dresser, sur cet emplacement consacré par la piété populaire, au milieu de la verdure et des fleurs du jardin, un autre « pilier » et une nouvelle image de Notre-Dame ; le Bureau de ville de l’an de grâce 1578 n’y eût pas manqué ; notre société laïque, pour ne pas dire païenne, n’a plus de ces pieuses délicatesses et la naïve dévotion à Notre-Dame de Crée-Lait a pour toujours disparu. Pour trouver quelques restes du vieux monument, il faut aller au Musée archéologique, où sa partie supérieure a été recueillie et gît mélancoliquement au milieu d’autres débris du passé. Il est vrai pourtant que, sur le pont voisin, se dresse toujours la « Belle-Croix ».

 

La leçon qui se dégage de ce court historique est surtout pour les mères : permettez-moi donc, Mesdames, en terminant, de m’adresser plus spécialement il vous. À l’exemple de vos devancières, demandez la nourriture corporelle pour vos enfants. Elle est nécessaire, et c’est Dieu qui la donne ; c’est Dieu qui féconde le sein des mères et y distille mystérieusement la liqueur précieuse qui fortifie et fait grandir ces êtres chéris : c’est à Dieu donc qu’il faut la demander. Mais si l’on veut être plus sûrement exaucé, il est bon d’employer l’intermédiaire de Notre-Dame. Demandez en même temps la grâce de comprendre et d’aimer ces grands devoirs de la maternité que Dieu impose, mais que le monde rejette ou dédaigne, parce que l’égoïsme les redoute ou simplement parce que la mode les prescrit.

Demandez à Marie de comprendre et de pratiquer les conseils que Gilles de Raiz mourant donnait, de son échafaud, a toutes les mères de tous les temps. Gardez-vous, dans l‘éducation que vous donnez à vos enfants, de la mollesse et de l’oisiveté. Un orateur catholique le disait au siècle dernier : « La mollesse énerve l’âme et en détruit le ressort; tout languit dans l’enfant a qui l’on ne refuse rien. Si vous voulez faire de votre enfant un homme, ne l’amollissez pas par des soins exagérés, sinon le sentiment de l’honneur s’affaiblira dans son âme et son sang s’appauvrira dans ses veines. Inconnu aux hommes, oubliant Dieu, il ne sera rien, ni en cette vie, ni en l’autre. Vous lui aurez appris a manger et non il travailler, a dormir et non à veiller, à céder et non il vaincre, a véiller et non à vivre : votre mollesse aura tout perdu ».

Appliquez-vous surtout à « nourrir vos enfants de bons principes ». Et qu’est-ce donc que nourrir ses enfants de bons principes ? C’est mettre sur leurs lèvres les noms de Dieu, de Jésus et de Marie, et ces premières prières, les prières de l’enfance, qui restent gravées dans la mémoire jusqu’au dernier souffle, et que l’on aime toujours, même quand on n’a plus le courage de les redire ; c’est mettre dans leur intelligence, avec la connaissance des choses de Dieu et de la religion, une foi que les attaques de l'impiété non plus que les séductions du vice ne sauraient ébranler ; c’est mettre sur leur front l’orgueil de cette foi, le sent orgueil permis, celui qui fait que l’on ne rougit pas de son baptême, que l’on ne s’incline pas devant les idoles, que l’on ne s’abaisse pas devant les puissances ; c’est mettre dans leur cœur la volonté qui fait les hommes, les héros et les saints. Voilà, mes Frères, la leçon qui ressort de notre vocable; voilà ce que signifie cette invocation qui, peut-être, vous fait sourire : « Notre-Dame de Crée-Lait, priez pour nous ! »

 

ND de Nantes

 

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7 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Huitième jour

Notre Dame de Fréligné

 

A l’extrémité sud-ouest de la paroisse de Touvois, à deux pas du Falleron, petit fleuve sans gloire, qui sépare la Bretagne de la Vendée, s’élève une modeste chapelle chère, depuis les âges les plus reculés, aux habitants voisins des deux provinces: on l’appelle Notre Dame de Fréligné. À la fin du XVIIe siècle (1689), on la disait déjà fort ancienne et, de fait, l’observateur attentif qui la visite et qui remarque son architecture, mélange assez incohérent de roman et de gothique, est naturellement incliné a lui donner, pour date d’origine, la seconde moitié du XIIe siècle.

La légende rapporte que de riches Anglais, battus par la tempête et menacés de naufrage, firent vœu de bâtir un oratoire a la Sainte Vierge près du lieu de leur débarquement, si elle les sauvait de la mort. La Vierge puissante exauça leur prière et les voyageurs, reconnaissants, réalisèrent leur vœu. Aussi, Notre Dame de Fréligné passe pour avoir été bâtie par les Anglais et, dans le pays, on l’appelle généralement la chapelle des Anglais.

Ces faits ne paraissent nullement improbables quand on se rappelle que, dans le courant du XIIe siècle, le Poitou fut apporté en dot au roi d’Angleterre, par Eléonore d’Aquitaine et quand on songe que la mer, en ce temps-là, pénétrait beaucoup plus avant dans les terres. La fondation nouvelle, a une date que nous ne pouvons préciser, fut donnée, avec quelques revenus, â l’abbaye augustine de Geneston, et les moines prirent l’engagement d’y célébrer une messe chaque semaine. Toutefois, ils s’entendirent de bonne heure avec le recteur de la paroisse, pour assurer le service. Pendant des siècles, on y célébra la première messe du dimanche ; et les jours de fêtes de la Vierge, tout le clergé paroissial s’y transportait pour chanter solennellement les offices. Les habitants du voisinage, tout dévoués â Notre-Dame, réclamaient souvent la faveur de dormir leur dernier sommeil à l’ombre de son sanctuaire, et un assez vaste cimetière s’étendait tout autour. Le cimetière n’est plus qu’un souvenir, mais le placis verdoyant qui le remplace est toujours dominé par la croix.

L’Archidiacre de Nantes, qui visita Fréligné au XVIIe siècle, nous a laissé une curieuse relation. Il prend soin de signaler l’antiquité de l’oeuvre, le joli clocher qui surmonte la chapelle et les deux cloches qui s’y balancent harmonieusement pour appeler les pèlerins, les vastes greniers où l’on dépose les dons en nature offerts par la piété généreuse des fidèles, les fresques a demi effacées par le temps qui décorent les vieilles murailles, les ex-voto de cire qui disent la puissance de Notre Dame et la reconnaissance de ses pauvres suppliants, enfin « la très vieille image d’une Vierge allaitant son enfant, taillée en bosse dans une grande pierre carrée ». Surtout il remarque avec satisfaction qu’il y a à Fréligné « de très grandes dévotions ». Peut être, s’il avait en le temps d’interroger les anciens du pays, eut-il appris que ce pèlerinage était jadis célèbre parmi les habitants du Bas-Poitou et que. son renom s’étendait au loin ; peut-être eut-il noté, dans sa relation, qu’aux temps lointains du XIVe siècle, durant la guerre qui mit aux prises pendant cent ans l’Angleterre et la France, les belligérants accordaient des laissez-passer aux pèlerins de Fréligné ; peut-être eut-il recueilli quelques uns de ces curieux jetons dont on retrouve encore des spécimens aux archives de Poitiers.

Pendant la Révolution, la chapelle fut d‘abord livrée à des usages profanes, puis incendiée, avec tout le village, par les colonnes infernales. La vieille charpente s‘abîma dans les flammes, mais les épaisses murailles, que six siècles n’avaient pu ébranler, résistèrent à l’action du feu. Au printemps de 1794, 2,000 soldats s’établirent dans un camp fortement retranché, à quelques pas des ruines. Leurs déprédations incessantes, les incendies et les meurtres qu’ils multipliaient tous les jours exaspérèrent les Vendéens. Charette résolut de les débusquer. Le 14 septembre, il convoque les paroisses du quartier; le 15, il est a Fréligné. Les paysans qui l’entourent et dont les demeures ont été brûlées, les familles massacrées, se précipitent, ivres de vengeance, â l’assaut. Leur colonne arrive sur le placis qui s’étend au-devant de la chapelle en ruines. Alors, d’un même mouvement, tous tombent a genoux, et, dans une fervente prière, demandent à Notre Dame la grâce de vaincre on de mourir de la mort des saints. Déjà les balles ennemies sifflent sur leurs tètes ; n’importe, ils achèvent leur prière. Puis, se relevant, ils s’élancent à la bataille. La résistance des soldats patriotes fut longue et vaillante ; mais que pouvaient-ils contre ces héros protégés par Marie ? La victoire, cette fois encore, fut pour la Vendée.

Avec la paix reprirent les pèlerinages. La chapelle était en ruines, sans doute : quatre murs, un autel fait de quelques planches, un drap au-dessus de l’autel... Mais c‘était le sanctuaire aimé de Notre Dame, et le vieux curé retour d'exil y célébrait la messe, et les survivants de la grande guerre s’agenouillaient au milieu des débris. Enfin, revinrent les beaux jours. En 1820, on reconstruisit la toiture ainsi que le clocher, et toutes les paroisses voisines se réunirent pour transporter dans le sanctuaire rajeuni la nouvelle statue, remplaçante de la « vieille image » de pierre que la tempête n’avait pas respectée.

Depuis 1839, on ne célèbre plus la première messe du dimanche a Notre-Dame de Fréligné, l’église paroissiale garde jalousement son privilège. Cependant, sept fois par an, les lundis de Pâques et de la Pentecôte, et a cinq fêtes de la Sainte Vierge, le clergé paroissial, entouré des dévots serviteurs de Notre Dame, vient y célébrer tous les offices.

C’est le 8 septembre, fête patronale du pèlerinage, qu’il faut aller a Fréligné. La chapelle et ses alentours sont gracieusement décorés, et la foule pieuse accourt de cinq et six lieues a la ronde. À 9 heures et demie, deux processions s’ébranlent, l’une vient de Touvois, c’est la procession bretonne ; l’autre, la Vendéenne, part de l’église de Falleron. Le rendez-vous est sur le placis de la chapelle,car la nef est trop étroite pour contenir la foule, et c’est sous une tente, à l’abri du calvaire, dont le piédestal est transformé en autel, que le prêtre célèbre le saint sacrifice. Dans la soirée, on chante solennellement les vêpres et l’on donne, du haut de l’estrade, la bénédiction du très saint sacrement. Dans l’intervalle des deux cérémonies, la foule, en longues files, s’en va prier dans la chapelle, et de la se dirige pieusement vers « la bonne fontaine », pour demander des grâces et des miracles à Marie. C‘est toujours par milliers que l’on compte les pèlerins, des prêtres nombreux accompagnent leurs paroissiens, et, deux fois au moins, depuis vingt ans, on y a vu Monseigneur l’évêque de Nantes.

 

Un procès-verbal authentique, nous venons de le voir témoigne que l’ancienne statue de Frétigné représentait la Vierge-Mère allaitant son enfant. C’est donc Marie, nourricière de Jésus, que l’on honorait en ce lieu. Marie, nourricière de Jésus ! A ces mots, quel tableau a la fois plein de réalisme et de gracieuse poésie se déroule à nos yeux ! Le Fils de Dieu, en se faisant homme, a voulu se soumettre a toutes les faiblesses du jeune âge, et Marie dut l’entourer des soins que les autres mères prodiguent a leurs enfants. L’Evangile nous apprend, en effet, qu’à sa naissance la mère de Jésus l’enveloppa de langes, puis le coucha sur la paille d’une crèche : ces détails du saint Livre nous permettent de conjecturer ce que fut la première enfance du Sauveur et de contempler la Vierge-Mère penchée, nuit et jour, sur son enfant. La voyez-vous, mes Frères, présentant à sa lèvre altérée le breuvage qu’elle réclame, couvrant ses membres débats des pauvres vêtements qui les défendront contre la froidure, veillant amoureusement sur le sommeil de l’Enfant-Dieu, guidant ses pas mal assurés dans leurs premiers essais et enseignant ses lèvres inhabiles â bégayer des mots ? Quels abaissements ! Mais quelle grandeur pour Marie !

Marie est aussi notre mère. N’est-ce pas une conséquence qu’elle soit la grande nourricière de l’humanité ? Dieu, qui se sert de son intermédiaire pour nous communiquer les trésors de sa grâce, doit en user également pour nous communiquer tous les autres biens. Les pauvres, les malheureux, les affligés l’ont compris, et ils se pressent aux autels de Marie, et ils la supplient d’apaiser leur faim, de vêtir leur nudité, de soulager leur misère, de leur donner tous les biens qu’ils n’ont pas. Et Marie les écoute, et leur confiance n’est point trompée. Ce sont surtout les tout petits qui réclament une mère nourricière ; ce sont eux surtout qu’elle assiste. Regardez au fronton de nos orphelinats catholiques : vous y verrez la Vierge-Mère qui tend les bras et sourit aux petits enfants. Cette image n’est pas seulement un symbole, c’est un portrait. La mère qui veille sur ces asiles, c’est Marie, et il semble parfois qu’elle emprunte la robe de bure et la cornette de la fille de charité pour traverser les rangs de ses chers petits, pour leur distribuer des caresses et du pain.

Marie, nourricière de Jésus et par la même des frères de Jésus, inspire confiance à notre misère, elle nous donne aussi d’instructives leçons. Elle encourage de son sourire les mères de la terre et leur recommande les petits frères de son Jésus : les soins dont il faut entourer leur enfance délicate sont un devoir bien deux pour les vrais Coeurs des mères ; mais ils semblent parfois une charge trop pesante aux âmes moins généreuses : Marie, nourricière de Jésus, c’est la récompense des unes, c’est le remords des autres. Enfin, elle nous montre à tous les tout petits qui n’ont pas de mères, les tout petits qui n’ont pas de pain, et nous rappelle éloquemment que celui qui possède est l’économe de Dieu et le nourricier du pauvre.

 

ND de Nantes

 

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6 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Notre Dame de Bethléem de Saint Jean-Boiseau

Septième jour

Notre Dame de Bethléem

 

Nous avons étudié précédemment un vocable qui rappelle la plus belle des vertus de Marie, celle qui attira sur la pure jeune fille les regards de Dieu : je voudrais ce soir en étudier un autre qui rappelle sa principale grandeur, source de toutes celles qui suivirent.

Le voyageur qui se dirige du Pellerin a Saint Jean de Boiseau ne tarde pas a rencontrer, sur sa gauche, une fort jolie chapelle. Abritée contre les vents du Nord par le coteau de la Combe, presque cachée sous la feuillée, elle n’attire pas l’attention ; et pourtant c’est un bijou architectural du XVe siècle. Les paysans du voisinage, tout ignorants qu’ils sont des principes de l’art, se montrent fiers de leur chapelle. Ils disent volontiers qu’elle surpasse Saint Pierre de Nantes et que c’est le même architecte qui l’a construite.

Cette dernière assertion, si elle n’est pas prouvée, est du moins vraisemblable, car la chapelle, ai-je dit, date du XVe siècle, et elle n’est pas indigne de ce Mathurin Rodier, maître maçon, comme il s’intitulait, qui a donné a Nantes la façade de sa cathédrale et le choeur de Saint Antoine de Fade.

Je n’essaierai point de décrire les beautés de ce charmant édifice. Disons seulement que des fondations mêmes s’échappe une source limpide au-dessus de laquelle l’artiste a sculpté une jolie grotte ; et que, dans l’intérieur, on lit ces mots,gravés en lettres gothiques, sur une clé de voûte : « Templum Virgini dicatum Bethleem ». C’est le nom même de la chapelle : Notre Dame de Bethléem.

Quelle est l’origine de ce sanctuaire ? Est-ce, comme la légende le rapporte, le vœu d’un chevalier, ramené de la croisade par la protection de Marie, et qui voulut immortaliser ainsi le souvenir de son pèlerinage au berceau du Sauveur ? Est-ce, comme le conjecture un érudit, le zèle éclairé d’un pasteur qui voulut faire disparaître des pratiques superstitieuses, en honorant Notre-Dame de Bethléem, sur l’emplacement occupé par une idole celtique, dont le nom de « Bétélian », « Pierre folle », est resté aux champs voisins ? Je n’en sais rien. Ce qui paraît plus certain, c’est que l’édifice actuel a été construit par les Goheau, seigneurs de Saint ignan, et est dû surtout a la piété magnifique de l’un d’eux, abbé de Geneston. Cette noble famille n’était pas à ses débuts dans la générosité, et, dès le XIIe siècle, elle avait déjà donné à Sainte Marie de Geneston cette terre de la Pierre folle, Petra stella, sur laquelle frère Jehan Goheau devait lui élever plus tard ce splendide monument.

De tous ces détails retenons seulement que le culte de Marie dans ce lieu date au moins de sept siècles. Nous pouvons ajouter qu’il n’est point déchu. Les curés de Saint Jean ont restauré la chapelle, sans pouvoir, hélas ! lui rendre sa splendeur d’antan, et l’entretiennent avec amour. Chaque année, le mardi de Pâques, c’est grand pardon au pays : on va en procession à la chapelle, les femmes prennent part à la communion générale, les plus mécréants parmi les hommes franchissent ce jour-là le seuil du vieux et cher sanctuaire, et retrouvent dans leur mémoire quelques-unes des prières d’autrefois. Et savez-vous comment le peuple explique cette date du mardi de Pâques choisie pour le pardon ? C’est que le pèlerinage a pour but de consoler Marie de toutes les tristesses qu’elle a éprouvées pendant la Passion de son Fils. N’est-ce pas à la fois touchant et gracieux ?

Nantes avait aussi, et c‘était encore sur la paroisse de Saint Nicolas, son pèlerinage de Notre Dame de Bethléem. Faute de détails, contentons-nous de le nommer. C’était un simple autel érigé sous ce vocable, dans la chapelle Sainte-Catherine. Les Nantais cependant ne manquaient pas d’y aller prier, et nous avons vu que, en 1487, ils y firent une procession solennelle.

Mais si, dans les siècles passés, notre ville n’avait érigé qu’un autel à Notre Dame de Bethléem, elle lui a construit de nos jours une chapelle et tout un vaste établissement. Mieux que moi sans doute, vous connaissez l’histoire intéressante et simple de cette création. C’était… à l’époque où le choléra jetait la terreur a Nantes, principalement dans les quartiers populaires, en 1854. Dans la pauvre et toute récente paroisse de Saint Félix. le fléau avait fait dix orphelins. Il y avait la un vicaire au cœur d’or, M. l’abbé Gilbert Bauduz, qui s’est éteint pieusement, il y a quelques années, et que vous avez tous connu. Il prit les orphelins a sa charge. Le nombre s’en accrut rapidement, et il fallut, pour les loger, bâtir une vaste maison. Le bon M. Bauduz, sachant peut être que la propriété voisine de la Houssinière avait possédé jadis une chapelle dédiée à Notre Dame de Bethléem et dans laquelle, chaque dimanche, on célébrait une messe fondée par de pieux chrétiens, voulut donner ce même nom a son établissement. C’était d’ailleurs un nom plein de promesses et admirablement choisi : M. Bauduz n’ignorait pas que Bethléem veut dire maison du pain, et que la Mère de Jésus, émue par le souvenir des angoisses de la nuit de Noël, servirait de mère à ses pauvres orphelins et saurait bien leur procurer du pain. Vous savez le reste, et que, depuis cinquante ans, des milliers d’enfants ont dû la vie du corps et la vie de l’âme, le pain matériel et le pain céleste à Notre Dame de Bethléem.

 

Notre Dame de Bethléem ! Quel mystère ineffable nous rappelle ce nom ! Relisons l’Evangile selon Saint Luc : « Vers cette époque parut un édit de César Auguste ordonnant d’opérer le dénombrement universel de la population. Ce dénombrement, qui était le premier, fut exécuté par Cyriuus, gouverneur de Syrie. Chacun devait aller en son lieu d’origine se faire enregistrer sur les rôles. Joseph qui était de la tribu et de la Famille de David partit donc de Nazareth, ville de la Galilée, pour monter au pays de Judée et se rendre a Bethléem, la cité de David, afin d’y être inscrit avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Or, pendant qu’elle était a cet endroit, il advint que le moment d’enfanter arriva ; et elle mit au monde son Fils premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche ; car, pour eux, il n’y avait pas de place a l’hôtellerie ».

Quelques pauvres bergers, convoqués par les anges, accourent aussitôt ; ils adorent Jésus, le Fils de Dieu devenu le Fils de Marie; ils vénèrent aussi la Mère après avoir adoré l’Enfant : les premiers, ils rendent leurs pieux hommages à Notre-Dame de Bethléem. Des mages, guidés par l’étoile mystérieuse, viennent à leur tour du fond de l’Orient : eux aussi adorent le Dieu fait homme ; eux aussi vénèrent la Mère en même temps qu’ils adorent l’Enfant : après les pauvres les riches, après les ignorants les savants rendent leurs hommages à Notre Dame de. Bethléem.

Depuis ce temps, la grotte de la Nativité est devenue un lieu de pèlerinage pour les chrétiens : qu’y vont-ils faire ? Ah ! Sans doute, tout d’abord et principalement, comme les bergers et les mages, ils vont adorer Jésus, le Dieu fait homme, le Sauveur du Monde ; mais ils vont aussi vénérer sa Mère. Aujourd’hui l’on voit dans la grotte une étoile d’argent éclairée par seize lampes, qui se détache sur le marbre blanc dont les parois sont revêtues, et une inscription commémorative : « Hic de Virgine Maria Jesus Christus natus est : Ici de la Vierge Marie est né Jésus Christ » C’est l’Enfant-Dieu, c'est Jésus-Christ que l’on y vient adorer; mais on y vénère en même temps la Vierge sa mère, Notre Dame de Bethléem.

Voilà la signification de ce vocable ; il rappelle la plus grande gloire de Marie, principe de toutes les autres, qu’elle est la Mère de Jésus, la Mère de Dieu! C’est de son sang virginal que le corps de l’Homme-Dieu a été façonné, c’est dans son sein qu’elle l'a porté, c‘est dans ses bras qu’elle l’a reçu. Comme Adam, apercevant pour la première fois la femme que Dieu lui donnait pour compagne, Marie peut dire en contemplant Jésus : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair ! » Oui, Marie est mère de Jésus, Marie est mère de Dieu !

Mais elle est aussi notre mère a nous, et l’on peut dire c’est la doctrine exposée récemment par Pie X, que Marie, dès là qu’elle est mère de Jésus-Christ est nécessairement mère des hommes. Il y a en Jésus comme une double manière d’être, l’une physique, l’autre morale. Il y a Jésus, Fils du Père Eternel ; et il y a Jésus, chef de l’humanité régénérée, attirant a lui, en se communiquant a eux, tous les membres de l’humanité pour ne faire avec eux qu’un seul corps dont lui est la tête et dont ils sont, eux, les membres. Mais ces deux manières d’être sont inséparables en Jésus, et Marie, mère du Christ, Fils de Dieu, est par là-même mère du Christ, chef de l’humanité, mère du Christ dans ses membres, mère de tous ceux qui surnaturellement ne font qu’un avec le Christ. On ne peut donc séparer en Marie la Mère de Dieu et la Mère des hommes. Jésus n’a fait que proclamer cette doctrine quand il a jeté, du haut de sa croix, ces mots que l’humanité a pieusement recueillis et qui alimentent la piété catholique depuis dix neuf siècles : « Voilà votre Fils ! Voilà votre Mère ! »

Il n’est rien de plus propre a fortifier notre confiance que cette belle doctrine catholique de la double maternité de Marie. Il n’est donc pas de vocable plus doux que celui qui nous la rappelle : Notre Dame de Bethléem.

 

ND de Nantes

 

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5 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Sixième jour

Notre Dame de Bonne Nouvelle

 

Dans la commune de Puceul, au chef-lieu de la paroisse de la Chevallerais, nous trouvons une modeste et gracieuse église consacrée à Notre-Dame de Bonne Nouvelle. Écoutons d’abord parler la légende.

C’était, il y a longtemps, bien longtemps, sur les bords de l’Isac. Des bois s’étendaient entre Saffré et Blain, jusqu’à ceux du Cuivre, avec lesquels ils ne formaient sans doute qu’une seule et immense forêt. Un jour, un pauvre bûcheron, qui travaillait dans les halliers, aperçut une belle Dame, auprès d’une source d’eau vive ; et, comble de bonheur ! la belle Dame se fit connaître et dit qu’elle voulait, en ces lieux, une chapelle dédiée il son nom. Le lendemain, revenant au même endroit, il trouva une statuette de la Sainte Vierge cachée dans les broussailles.

Le bûcheron était pauvre et, par conséquent, incapable d’élever, a lui seul, un superbe édifice : il mit sa cognée au service de la belle Dame, fit disparaître les broussailles, tailla des poutres dans la forêt, et bientôt la madone eut sa chapelle, bien humble il est vrai, avec ses cloisons et son toit de feuillage, mais monument touchant de foi et d’amour. Puis, quand la statuette eut été placée dans son sanctuaire, le dévot serviteur de Marie se prosterna devant elle, et les foules vinrent après lui prier devant l’image miraculeuse et boire à la source bénie.

Or les seigneurs du voisinage, pour se délasser de leurs chevauchées guerrières, venaient souvent chasser dans la forêt, aux environs du pauvre oratoire. Un jour, l’un d’eux, croyant frapper une bête fauve, atteignit et blessa grièvement un de ses compagnons. Dans sa désolation, le chevalier, de la le nom de Chevallerais, promit d’élever une chapelle à la Vierge, si le blessé guérissait. Quelque temps après, informé de cette bonne nouvelle, le noble seigneur accomplit sa promesse, et une chapelle convenable remplaça, avec le titre de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, la hutte du pauvre bûcheron.

Quoi qu’il en soit de cette gracieuse légende, nous connaissons, par les archives de Saffré, l’existence de la chapelle en 1620, et nous avons appris naguère, en compulsant un vieux registre de Puceul, que le recteur de cette dernière paroisse fit restaurer, en 1722, la chapelle de la Chevallerais.

Pendant des siècles, les pèlerins allèrent prier dans ce modeste sanctuaire et, peu a peu, des habitations se groupèrent aux alentours. Le hameau ne tarda pas à devenir une fratrie distincte et posséda son chapelain. Les mauvais jours arrivèrent, et le troisième chapelain de la Chevallerais, Jean-Martin Chrétien de la Cour, périt, malgré ses quatre-vingts ans, dans les eaux de la Loire. Marin Leroy, son successeur, jeune mais infirme, ne fut pas plus heureux et périt avec lui.Les révolutionnaires de Blain tirent une expédition contre la chapelle et la livrèrent aux flammes. Mais l’un d'eux, pris de remords sans doute, sauva la statuette et la remit à une femme du village, qui la conserva avec amour.

La frairie de la Chevallerais restait fidèle à Dieu et à Notre-Dame. Un prêtre non sermenté, M. l'abbé Chédeville, y fixa sa résidence et y entretint ces sentiments chrétiens. Aussi, dès 1795, les habitants relevèrent la chapelle de ses ruines et, quand le Concordat de 1802 ramena définitivement le calme et la liberté religieuse, la statuette vénérée reparut sur son autel. Un prêtre du voisinage, M. l’abbé Le Bastard, vint s’installer au milieu de ces braves gens et, pendant plusieurs années, il y dirigea un petit séminaire qu’il avait fondé à l’ombre du sanctuaire de Marie.

Depuis, la frairie est devenue paroisse ; une église simple, mais de bon goût, a remplacé la chapelle croulante ; et les habitants y invoquent, avec plus de confiance que jamais, Notre Dame de Bonne Nouvelle. Les fidèles du voisinage y font souvent des pèlerinages. Puceul Surtout, la paroisse-mère, qui ne se console pas d’avoir perdu sa perte la plus précieuse, se fait remarquer par sa fidélité au culte de la Bonne Mère. Quand quelque danger la menace, quand la sécheresse ou des pluies persistantes mettent les récoltes en péril, quand le croup, le terrible croup porte la désolation au cœur des mères et le deuil a tous les foyers, elle se forme en procession et court invoquer Marie. Dans son église neuve, elle s’est fait un devoir d’élever un autel à Notre Dame de Bonne Nouvelle ; et, pour traduire aux yeux du peuple le mystère de cette dévotion tant aimée, un de nos meilleurs artistes nantais, délicieusement inspiré,a taillé dans la pierre une Vierge-Mère présentant son Fils au monde.

Dans les temps anciens, N. D. de Bonne Nouvelle n’était pas Seulement honorée a la Chevallerais ; elle possédait, elle possède encore une petite chapelle à Donges. Cet humble édifice, que l’on aperçoit, a droite du chemin de fer, quelques minutes après avoir quitté la gare de Savenay, n’est pas éloigné de la Loire ; aussi les marins invoquaient-ils volontiers sa madone tandis que, de leur côté, les parents inquiets s’en allaient, pendant les voyages trop prolongés des leurs, demander à Marie de bonnes nouvelles.

A Nantes, dans la chapelle Saint Yves, on voyait un autel de N. D. de Bonne-Nouvelle où, chaque vendredi, sur la fin du jour, se chantait le Stabat ; on on voyait un autre à la Cathédrale. Ecoutez messire Vincent Charron : «Yves du Quirisec, issu d’une ancienne et noble famille de Bretagne, Scolastique de Vannes et chanoine de Nantes, fut fort affectionné à la Sainte-Vierge, en l’honneur de laquelle il fonda un beau salut a la Cathédrale dudit Nantes, qui se chante tous les samedys de l’an, après Complies, devant l’autel de N. D. de Bonne Nouvelle en ladite église, et y fonda depuis deux chapellanies, de deux messes par semaine chacune, et voulut être enterré devant ledit autel, après son décès qui arriva à tel jour (l6 janvier) l’an 1518. Il git sous une belle grande tombe de cuivre ».

 

Il y a bientôt dix neuf siècles, au milieu d’une froide nuit d’hiver, de pauvres bergers de Palestine furent favorisés d’une ravissante vision. Un ange tout resplendissant de lumière leur apparut et, connue ils étaient saisis d’épouvante, la douce voix du céleste messager leur dit : « Ne craignez point, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie : c’est qu’ilvous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur ». La bonne nouvelle par excellence, c’est la naissance du Messie, c’est la Rédemption prochaine, c’est le salut du monde. Et, à cause de cela, l’ange de Bethléem a été regardé, dans tous les siècles chrétiens, connue le messager de la Bonne Nouvelle.

Mais ne pouvons-nous pas dire que c’est Marie qui, la première, annonce cette bonne nouvelle au monde ? Je le faisais observer hier ; Marie, dès l’origine, a entretenu l'espérance de l’humanité; je puis bien ajouter aujourd’hui que la raison c'est la bonne nouvelle qu’elle annonçait. Je ne veux pas me répéter ; disons cependant que l‘apparition de Marie a été l’annonce de l’arrivée prochaine de Jésus; que le monde, a sa naissance, pouvait déjà la saluer du beau nom de Notre Dame de Bonne Nouvelle ; qu’ils ont été bien inspirés ceux qui ont choisi la Nativité de la Sainte Vierge pour fête patronale de notre sanctuaire. Tous les Pères de l’Eglise se sont plu à appeler Marie l’aurore du soleil de justice. Est-ce que l’aurore, à sa naissance, ne donne pas au monde l’heureuse nouvelle de l’apparition prochaine du soleil ? De même Marie, a sa naissance, donne au monde l’heureuse nouvelle de l’apparition du Messie.

Ce n’est pas tout. Nous disions avec Bossuet : les dons de Dieu sont sans repentance : le rôle qu’il a confié jadis à Marie, la Vierge le remplit encore. C’est elle qui annonça le Rédempteur a la terre, le salut au monde ; c’est elle encore qui annonce le salut il chacun d’entre nous et, plus particulièrement aux pécheurs. On le répète souvent, et c’est un fait d'expérience, la piété envers Marie est un sûr indice et connue un gage certain de sanctification et de salut. Ne regarde-t-on pas, dans l’Eglise catholique, la dévotion à la Sainte Vierge comme un signe de prédestination ? N’est-on pas accoutumé a désespérer presque du salut des insulteurs de Marie ?

N’a-t-on pas pour habitude de dire, avec preuves à l’appui, le serviteur de Marie ne périra pas ? Je puis donc bien l’affirmer, l’amour de Marie, la dévotion à Marie est l’annonce du salut assuré, et c’est encore pour cela que nous avons raison de l’appeler Notre Dame de Bonne Nouvelle. Je vais plus loin, et ma déduction est logique, le culte de Marie est le gage et l’annonce du salut pour les nations. La France était jadis couverte de sanctuaires dédiés à son nom et le peuple ne se lassait pas de les visiter. La France alors était prospère et glorieuse ; la France surtout était chrétienne. Durant le XVIIIe siècle, les pèlerins s’y rendirent moins nombreux, les chapelles furent négligées, plusieurs même tombèrent en ruines. La Révolution fit le reste et, durant les premières années du XIXe siècle, on acheva de démolir les précieux débris de ces sanctuaires désolés. La France, hélas ! vit s’évanouir ses gloires et la foi s’éteignit chez la plupart de ses fils.

Depuis un peu plus de quarante ans (Mois de Marie publié en 1904, ndlr), à la suite des apparitions de la Salette, de Lourdes et de Pontmain, la France s’est reprise à aimer Marie ; les vieux sanctuaires ont été relevés ou rajeunis et la foule en a retrouvé les chemins ; de nouvelles basiliques ont été fondées et les voies, ouvertes aux voyageurs par le génie moderne, ont été tout étonnées de voir des milliers de pèlerins, revenants d’un autre âge, traverser la France entière, jeter au vent leurs Avé et leurs refrains pieux. Alors la religion a relevé la tête. Ah ! Sans doute l’impiété blasphème plus que jamais, je le sais bien ; mais c’est de rage, et parce qu'elle sent qu‘elle joue sa dernière partie. Le nombre des timides diminue; le nombre des croyants, des courageux surtout, s’accroît d’une manière consolante ; on ne craint plus, comme autrefois, de se montrer publiquement chrétien, et, si le temps des persécutions revenait, ce serait aussi le temps des martyrs. Nous sommes loin du triomphe, c’est vrai ; mais courage ! Si nous voulons que notre France redevienne chrétienne, si nous voulons opérer notre propre salut, honorons Marie, aimons, invoquons Notre Dame de Bonne Nouvelle.

 

ND de Nantes

 

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4 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Cinquième jour

Notre Dame d‘Espérance

 

L’ordre logique de nos études m’amène à vous parler aujourd’hui d’un vocable de la très sainte Vierge, dont on peut vraiment dire qu’il est aussi vieux que le monde : Notre Dame d’Espérance. Quand, au soir de la chute, le grand Justicier prononça contre nos premiers parents la terrible sentence, il joignit il la parole de colère une parole de miséricorde : Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, entre sa postérité et la tienne, et elle t’écrasera la tête. Et lorsque, plus tard, les tristes exilés du Paradis terrestre sentaient le poids des malédictions divines peser trop lourdement sur leurs épaules, ils voyaient apparaître, comme une vision réconfortante, la femme, prédite par le Très-Haut, qui leur souriait doucement dans le lointain de l’avenir : c’était Notre Dame d’Espérance.

Quand, aux derniers jours du déluge, Noé, jetant un regard sur la terre désolée et songeant, non sans effroi peut être, à l’immense solitude qu’était devenu le monde, aperçut la colombe qui revenait dans l‘arche, tenant dans son bec un rameau d’olivier, il dut voir, dans cette messagère de paix et de pardon, la gracieuse image de Notre Dame d’Espérance.

Quand le prophète Isaïe, palpitant sous le souffle de Dieu, criait au peuple d’Israël : « Ecce Virgo concipiet : Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils que l’on appellera Emmanuel, l’Homme-Dieu » ; celle qu'il annonçait de la sorte, sept siècles avant sa venue, c’était Notre Dame d’Espérance.

Quand nos druides gaulois, dépositaires inconscients des traditions primitives, étranges interprètes des oracles divins, élevaient des autels il la Vierge qui devait enfanter, Virgini pariturae, ces surprenants hommages s'adressaient encore à Notre-Dame d'Espérance.

Quand sainte Elisabeth, saisie d’un transport céleste, disait à l'humble jeune fille qui venait de franchir le seuil de sa maison : « D‘où me vient cet honneur que la Mère de mon Dieu daigne me visiter ; et quand la Vierge répondait par ce sublime cantique que le monde chrétien ne se lasse pas de chanter, c’était la terre acclamant Notre Dame d‘Espérance, c’était Notre-Dame d’Espérance entonnant l‘hymne de la reconnaissance et de l’amour.

Vous étonnerez-vous maintenant que la piété catholique ait élevé, sur tous les points du globe, d’innombrables églises dédiées, sous ce vocable, à la très sainte Vierge Marie ? Le diocèse de Nantes ne fait pas exception. Dans la nouvelle église de Saint Nazaire, au dessus de l’autel de la sainte Vierge, un vitrail du transept gauche représente l’archange Gabriel, portant une banderole, avec l’inscription : « Spes nostra, notre Espérance ». C’est pour perpétuer le souvenir d’une chapelle ancienne et très vénérée que beaucoup sans doute parmi vous ont jadis visitée. Les vieillards l’appellent ordinairement la chapelle du Gand Cimetière, du lieu, autrefois et pendant des siècles principal cimetière de Saint Nazaire, où elle était située ; les jeunes la désignent plus habituellement sous le nom de chapelle du Fort, à raison de la batterie voisine qui défendait, il n’y a pas encore longtemps, l'entrée du port ; mais tous savent qu‘elle est consacrée à Notre Dame d‘Espérance.

On ignore son origine et l‘histoire de sa fondation; toutefois on remarque, sur la porte d’entrée, le blason de la famille de Carné, qui posséda la vicomté de Saint-Nazaire, dans la seconde moitié du XVIIe siècle (1660-1706), ce qui prouve que le monument actuel remonte au moins a cette époque.

A la Révolution, la commune s’en empara, et elle devint successivement magasin à fourrages, halle, écurie, pour être élevée enfin à la dignité de maison d’école. Un arrêté préfectoral la rendit à la fabrique en 1829, et elle redevint ce qu’elle était dans le passé, le sanctuaire très aimé de Marie. Plus tard, en 1861, M. l’abbé Bouyer, curé de la paroisse, fit procéder à sa restauration complète. Pendant toute la fin de ce siècle, elle fut un centre de piété. L’archiconfrérie pour la conversion des pécheurs y avait son siège. Les habitants du vieux Saint-Nazaire, héritiers des traditions de leurs pères, allaient volontiers la visiter, prier Notre Dame pour leurs marins, faire brûler des cierges devant son image, déposer des ex-voto, témoins authentiques de la bonté compatissante de la Mère et de l’amour reconnaissant des fils. Placée tout au bord de l'Océan, dont les embruns la recouvraient parfois, elle apparaissait bien vraiment connue l’espérance des marins, mis en péril par la tempête ; bâtie au centre d'un ancien cimetière, elle s’offrait bien naturellement aussi connue l’espérance des âmes ballottées sur la mer de ce monde et qui abordent au port de l’éternité.

Malheureusement, à l’occasion des travaux de la nouvelle entrée du bassin, la vieille chapelle, tant aimée de nos pères, a été récemment aliénée et désaffectée. Le cœur se serre de la revoir : à la place des bancs et des prie-Dieu, des sacs de plâtre ou de ciment ; à la place des pieux fidèles en prières, des ouvriers qui fredonnent des couplets profanes ou qui profèrent des blasphème !… Encore un vieux souvenir qui s'en va, encore un lambeau de nos antiques dévotions qui disparaît !

Machecoul posséda, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, sa chapelle de Notre-Dame d’Espérance. Elle était située dans le faubourg Saint Martin. Le temps et les hommes l‘ont renversée, et ses derniers débris ont depuis longtemps disparu. Je ne voudrais pas assurer que ceux qui foulent chaque jour le sol qui la porta en ont gardé même le souvenir.

En revanche, la ville de Nantes, qui n’avait jadis aucune église de ce nom, s’est enrichie, au siècle dernier, d’un beau sanctuaire dédié à Notre Dame d‘Espérance.

Vous connaissez, pour les avoir vues, empressées et délicates, a votre chevet peut-être, sûrement a celui de quelqu’un des vôtres, les religieuses hospitalières qui portent ce nom si doux. Fondées, à l’aurore du XIX° siècle, dans la ville de Bordeaux, elles vinrent s’établir à Nantes, en 1838, sous l’épiscopat et avec l’appui de Mgr de Hercé. J’aime a proclamer que c’est un missionnaire diocésain, de la maison de Saint François, M. l’abbé Briand, nom cher aussi d’ailleurs à cette paroisse qu’il administra pendant deux ans (1848-1850), qui leur en facilita les moyens et mérita d’être appelé « leur fondateur et leur père nourricier ». Elles s’installèrent d’abord à l’extrémité du territoire de Saint Nicolas, rue du Boccage, je crois, dans la maison qui fait face à la rue Bonne-Louise. La pauvreté des débuts ne leur permettait point d’avoir aumônier, ni chapelle. Mais l’église voisine de Saint-François s’ouvrait a leur piété, et les missionnaires étaient là.

Depuis, l’arbrisseau a été transplanté et a pris des proportions gigantesques. Les sœurs garde-malades ont bâti un vaste établissement et construit une superbe chapelle, dédiée, comme leur œuvre, à Notre-Dame d'Espérance. N’est-ce pas le nom qui convient à ces filles du ciel ? Et ne portent-elles pas vraiment l’espérance avec elles ? Oui, l’espérance ! Parfois l’espérance de la guérison et de la santé que hâtent leurs soins délicats; plus souvent encore, peut être, l’espérance du ciel qu’elles ouvrent a bien des pêcheurs endurcis, et dont elles rendent, aux autres, l’accès plus facile.

 

Invoquez donc, mes Frères, Notre-Dame d’Espérance. Invoquez-la pour vous. Qui donc peut se passer d’espérance ? Et l’espérance parfois nous manque. Les jours heureux sont clair-semés dans la vie et, bien souvent, au milieu des souffrances et des peines, le cœur le mieux trempé sent faiblir son courage. Les luttes pour la vertu fatiguent plus vite encore peut être ; que d’âmes, effrayées par les difficultés qu’il faut surmonter, par les tentations qu’il faut vaincre, par l’effort qu’il faut faire, et qui croient la lutte impossible, et qui désespèrent d’atteindre le but, et qui s’abandonnent au courant, comme le naufragé, épuisé par l’effort, qui finit par lâcher la branche qu’il avait saisie et se laisse emporter au fil de l’eau ! c’est alors, surtout, qu’il importe de jeter un regard et un cri suppliants vers Marie. Elle nous permet de lui demander ces biens et ces joies de la terre qu’elle dédaigna pour elle-même et, souvent, sa pitié maternelle les accorde à notre faiblesse; en tout cas, elle ne refuse jamais le baume qui adoucit, l’affection qui console et, réconforté par son sourire, en se relève et l’on marche son chemin plus vaillant et plus fort. Surtout elle accueille les pauvres âmes désemparées, elle ne manque jamais de leur accorder secours et protection, elle les lire de la l’ange et les prend dans ses bras pour les porter à Dieu.

Invoquez-la pour l’Eglise. Certes, l’Eglise n’a rien à craindre des orages qui grondent sur sa tête : les orages passent et l’Eglise demeure. C’est le chêne, cramponné au sol depuis des siècles, et qui, sans fléchir, affronte la tempête. Mais le souffle de la tempête, s’il n’ébranle pas le tronc, emporte par milliers les feuilles de nos grands chênes, celles surtout qui commencent à jaunir et dans lesquelles la sève ne circule plus qu’imparfaitement ; et elles s’en vont, roulées par l’ouragan, à la fange, à l’abîme. De même, les tempêtes qui soufflent contre l’Eglise font tomber, hélas ! Bien des âmes, surtout les âmes anémiées, il la foi affaiblie, a la vertu branlante, dans laquelle ne circule plus qu'imparfaitement la sève de la grâce : et elles s’en vont, à la fange, à l’abîme. Demandez donc à Marie d’écarter la tempête de l’Eglise, pour empêcher la perdition des âmes.

Invoquez-la surtout pour la France ! On dit que la France est a son déclin. Serait-elle donc finie, la glorieuse journée que Dieu lui accorda de vivre ? Va-t-il donc disparaître ce grand astre dont l’éclat illuminait le monde, comme ce soleil que nous voyons à la fin du jour s’incliner sur l’horizon et se coucher majestueusement dans l’azur ? La France est l’apanage, le royaume de Marie, et, durant les quinze siècles qu’elle a vécus, aux jours sombres de son histoire, Marie fut toujours sa suprême espérance. Elle ne peut faillir aujourd’hui aux promesses de son passé. Confiance donc, mes Frères, et ne vous lassez pas d’invoquer Notre Dame d’Espérance.

 

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3 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Quatrième jour

Notre Dame de Grâce

 

Dans la partie sud-est de la commune de Guenroüet, sur la rive gauche et a deux pas de l’Isac, pour ainsi dire à l’ombre du château princier et des hautes futaies de Carheil, s’élève une modeste église paroissiale : Notre-Dame de Grâce. Il y a seulement soixante ans, le 22 juillet 1844, qu’elle a été décorée de ce titre; jusque là, ce n’était qu’une chapelle rurale de Guenroüet. Mais elle n’en est pas moins célèbre dans les fastes de la contrée, et peut-être remonte-t-elle aussi haut que la paroisse- mère, qui, pourtant, n’est pas jeune.

Les seigneurs du château voisin des Carheil d’abord, ensuite des Coislin, revendiquaient les titres de seigneurs fondateurs et prééminenciers dans la chapelle de Grâce, ainsi que dans l’église de Guenroüet ; ils y conservaient jalousement leurs droits de banc et de tombeau ; leurs armoiries, peintes sur la litre des murailles aussi bien que sur les vitraux, témoignaient orgueilleusement de ces droits. Et connue l’intérêt se mêle à tout dans la vie, les Cambout de Coislin, qui n’étaient pas sans voir, des fenêtres de leur manoir, l’affluence des pèlerins a certains jours, en conclurent qu’il serait bon d’établir des foires a leur profit sur le « pâtis » de la chapelle. Ils en sollicitèrent la création, et voilà comment, le 1er mars 1578, le Parlement de Bretagne opposait son visa sur une ordonnance royale accordant a M. de Cambout, vicomte de Carheil, trois foires par chacun an « au bourg de Grasse », a savoir, le mardi de la Pentecôte, le jour de Saint Jean-Baptiste et à la fête patronale du lieu « Nostre-Dame de Septembre ».

Les seigneurs de Carheil montraient leur sollicitude pour Notre-Dame de Grâce en cherchant surtout a en tirer honneur et profit ; d’autres seigneurs, bien autrement puissants, manifestèrent la leur d’une manière plus désintéressée, en comblant la modeste chapelle de leurs bienfaits. C’étaient les ducs de Bretagne, ou du moins deux princes, ducs de cette maison de Montfort si pieusement généreuse, qui couvrit de monuments splendides, consacrés à Dieu et à la Vierge, toute la terre de Bretagne, et particulièrement le sol nantais.

Mais pourquoi nos ducs pensaient-ils à cette humble et lointaine chapelle de N. D. de Grâce ? Hasardons d’abord des conjectures. Alain le Grand, roi de Bretagne, après avoir battu glorieusement les pillards Normands, vers la fin du IXe siècle, s’était retiré dans son château de Plessé - Plebs Sei, comme l’écrit l’auteur de la Chronique nantaise ; Plou Sé, d’après la traduction de notre grand historien breton A. de la Borderie. C’était, non pas au chef-lieu actuel de cette paroisse, mais a 5 kilomètres de là, sur un rocher abrupt qui domine l’Isac et que marque toujours l’antique chapelle de Saint Clair,probablement contemporaine du grand batailleur, si elle n’est plus ancienne encore. Alain y tenait cour nombreuse, seigneurs et hommes de guerre s’y pressaient autour de lui. La Chronique de Nantes nous apprend que l'évêque de cette ville, Foulcher, y vint lui rendre visite et lui demander des faveurs pour son Eglise désolée.

Sur la rive opposée de l’Isac, s’étalant au flanc d’un coteau encore plus élevé que celui de Saint-Clair, on voyait la petite bourgade de Guenroüet. Alain la fit ériger en paroisse et la dota de sa première église. Est-ce vers la même époque qu’on éleva la chapelle de Grâce, dont l’origine se perd dans la nuit des temps ? L’apparition de la Vierge en ce lieu, dont parle la légende, fut-elle connue du châtelain de Plessé ? Est-ce pour cela que les sires de Carheil, seigneurs de ce pays après Alain le Grand, possédèrent connue lui des droits de fondateurs dans les deux églises ? Est-ce pour cela, enfin, que les ducs du XVe siècle, gardiens des pieuses traditions de leurs devanciers, conservèrent une grande dévotion envers la sainte Dame de ces lieux ? Ce sont la des questions auxquelles je ne saurais répondre ; et pourtant je me sens incliné à chercher dans ce lointain passé l’origine de la dévotion de nos ducs a Notre-Dame de Grâce.

Un historien nantais, que tous les autres ont copié, affirme, malheureusement sans donner de preuves, qu’Arthur III aimait et avait considérablement enrichi la chapelle de Grâce. En effet, pendant que ce prince n’était encore que le comte de Richemond, connétable de France, et qu’il bataillait aux côtés de Jeanne d’Arc, pour délivrer notre pays du joug de l’Anglais, son frère, le duc. Jean V, lui avait abandonné la jouissance de la seigneurie du Gâvre. Arthur aimait cette terre où, mieux que partout ailleurs, il pouvait se livrer au plaisir de la chasse, cette vivante image de la guerre qu’il aimait tant. Ce fut même lui qui rebâtit le château, jadis détruit par Olivier de Clisson. « Je veu a Dieu, disait-il, je ferai ici une belle place et maison ». Et, pendant de longues années, il consacra à cette entreprise les 25,000 livres, somme énorme à l’époque , que lui donnait le Roi de France pour sa charge de connétable. Notre Dame de Grâce n’était qu’à une courte distance du château, et l’on comprend que le prince, qui était un Montfort, pieux par conséquent, malgré sa rudesse de soldat, ait fait souvent ce pèlerinage et y ait laissé des marques de sa munificence. Nous pouvons donc, sans preuves, croire les historiens.

Mais ce qu’aucun d’entre eux n’a dit, et ce qui est pourtant bien certain, c’est que Jean V, son frère et son troisième prédécesseur sur le trône de Bretagne, fit un vœu et un pèlerinage à Notre Dame de Grâce en des circonstances solennelles.

On connaît la guerre de succession de Bretagne et la lutte entre les deux maisons rivales de Penthièvre et de Montfort. Celle-ci finit par l’emporter, et Jean IV, un Montfort, fut reconnu de tous connue duc de Bretagne. Son fils, Jean V, lui succéda sans conteste sur le tronc ducal. Il régnait depuis vingt ans quand la haine sournoise et félone des Penthièvre faillit renouveler le fléau de la guerre civile. Jean V, invité par eux à les visiter dans leur terre de Châteauceaux, fut traîtreusement arrêté, chargé de chaînes, accablé d’injures, menacé d’une mort horrible, traîné de château en château, de forteresse en forteresse, pendant plusieurs mois, et finalement jeté dans un cachet à Châteauceaux même. Toute la Bretagne se leva et vint tirer le duc de sa prison.

Mais Jean V, s’il comptait sur ses féaux sujets et ses preux chevaliers, comptait surtout sur ses protecteurs du Paradis. Il avait multiplié les vœux. Il en avait fait à Notre Dame des Carmes, dont nous reparlerons ; il en avait fait à Notre Dame du Folgoët et à saint Yves ; il en a fait fait aussi à Notre Dame de Grâce. J’en trouve la preuve dans un mandat de paiement par lequel il ordonne à son trésorier de rembourser quarante écus d’or empruntés pour acquitter les vœux faits, dans sa prison, « à Saint-Julien-de-Vovantes, à Redon, à Nostre-Dame de Graices, à Prières et ès-chapclles de Nostre-Dame du Bodou et du Méné ».

Jean V, a peine délivré, avait voulu accomplir ses vœux. Il commença par Notre Dame des Carmes ; ensuite il envoya des représentants aux sanctuaires trop éloignés qu’il ne pouvait visiter immédiatement, tels que le Folgoët et Saint Yves de Tréguier. Mais il n’en était pas ainsi des églises que j’ai nommées tout a l’heure. Les Etats de Bretagne étaient convoqués à Vannes pour juger les Penthièvre. Jean V résolut d’acquitter ses vœux avant que de s’y rendre, ou plutôt en s’y rendant. Délivré le 6 juillet 1420, il était, dans le courant du même mois, à Châteaubriant, d’où il se rendit à Saint-Julien ; de là, à l’abbaye de Saint Sauveur de Redon, d’où il était facile de faire le voyage de Grâce ; puis à l’abbaye de Prières ; puis enfin à Vannes, où se trouvaient les chapelles du Bondon et du Méné. Le duc n‘avait oublié que de remplir sa bourse ; peut-être ne l’avait-il pas pu, car son trésor était à sec : il avait tout donné à Notre-Dame des Carmes.

Depuis, l’humble chapelle a-t-elle reçu d‘aussi nobles visiteurs ? Peut-être, car la belle fille de Jean V, Françoise d’Amboise, passa six mois dans son château du Gâvre, où elle perdit sa mère, et il ne serait point surprenant qu’elle eût fait un pèlerinage au sanctuaire tant aimé de son beau-père et de son oncle. De plus, un historien prétend qu’une Marguerite de Bretagne, qui ne peut être que la soeur de Jean V et d’Arthur III, femme d’Alain de Rohan, laissa, en 1428, trente sous de rente à Notre Dame de Grâce pour la célébration d’une messe annuelle ; et, si le fait est exact, nous pouvons en conclure que la pieuse princesse aima, connue ses frères, notre petite chapelle et la visita souvent. Sans doute, en des temps plus rapprochés de nous, les grands seigneurs du voisinage, les Coislin de Carheil, les Rohan de Blain, la visitèrent â leur tour ; mais les Coislin et les Rohan eux-mêmes étaient de petits compagnons auprès des Ducs de Bretagne.

L’histoire ne dit presque plus rien de notre sanctuaire. Nous savons cependant que la piété du peuple y entretenait un chapelain et que les fidèles d‘alentour s’y rendaient assidûment le dimanche et les jours de fête. La preuve, c’est que, le 14 janvier 1656, une sentence de l’officialité faisait défense aux prêtres de Grâce de célébrer la messe dans la chapelle aux heures des offices paroissiaux.

La défense n’a plus de raison d’être. Notre Dame de Grâce est désormais paroisse. On n’y célèbre plus, il est vrai, comme fête patronale, N.-D. de Septembre ; mais la piété et la confiance en Marie n‘ont pas faibli : le peuple répète toujours qu’une apparition de la Sainte Vierge a fait ériger ce sanctuaire, la foule va toujours demander des guérisons a l’eau miraculeuse de la fontaine de Riavau ; et de toutes les paroisses du voisinage, de Guenrouët, de Plessé, de Campbon, de Quilly, de Montoir même, on s’y rend en pèlerinage.

 

Que nous ayons le droit d’appeler Marie Notre Dame de Grâce, il semble superflu de le démontrer. L’Archange disait à la Vierge de Nazareth, en s’inclinant devant elle : « Ave, gratia plena : Je vous salue, pleine de grâce ». Marie possède donc la grâce dans sa plénitude, c’est-à-dire qu’elle possède autant de grâces que tous les anges et tous les saints réunis ; autant de grâces que peut en recevoir une simple créature. Une seule en a possédé davantage, Jésus Christ, mais Jésus-Christ n’était pas une simple créature, Jésus Christ était Dieu.

Pleine de Grâce, avait dit Gabriel, et c’était pour signifier toutes les grâces et toutes les grandeurs prodiguées par Dieu à Marie, c’était pour nous apprendre aussi que la Vierge, mère de Dieu et mère des hommes, serait chargée de répandre sur ses fils indigents tous les trésors spirituels. Elle est, en effet, ta mère de la divine grâce et d‘elle on peut dire, dans une certaine mesure, ce que saint Jean a dit de son Fils : « De ptenitudine ejus omnes nos uccepimus : Nous avons tous reçu de sa plénitude ». Il y a toutefois une différence entre eux, et elle est essentielle, c’est que Jésus est le créateur de la grâce qu’il nous a méritée au Calvaire, tandis que Marie n’en est que la dispensatrice, c’est l’aqueduc, c’est le canal dont Dieu se sert pour la faire parvenir jusqu’à nous.

Il y a longtemps que saint Augustin l’avait dit : « La Vierge incomparable, étant mère de notre Chef selon la chair, a dû être, selon l’esprit, la Mère de tous ses membres, en coopérant par sa charité a la naissance spirituelle des enfants de Dieu ». Il y a longtemps aussi déjà que Bossuet avait ajouté : « Dieu ayant une fois voulu nous donner Jésus-Christ par la Sainte Vierge, cet ordre ne se change plus, et les dons de Dieu sont sans repentance. Il est et sera toujours véritable, qu’ayant reçu par elle une t’ois le principe universel de la grâce, nous en recevions encore, par son entremise, les diverses applications dans tous les états différents, qui composent la vie Chrétienne. Sa charité maternelle ayant tant contribué à notre salut dans le mystère de l’Incarnation, qui est le principe universel de de la grâce, elle y contribuera éternellement dans toutes les autres opérations, qui n’en sont que des dépendances ».

Mais Bossuet, mais saint Augustin lui-même, n’étaient que des voix particulières, et voici que la voix même de l’Eglise, que le Pape a parlé, que Pie X a proclamé Marie le ministre suprême de la dispensation des grâces. Nos pères avaient donc raison de dire, et nous, après eux, nous avons raison de répéter : Notre Dame de Grâce, priez pour nous.

 

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Notre Dame de grâce de nos jours

 

« La paroisse de Grâce a été crée en 1845 par ordonnance de Louis-Philippe, notifiée par l’évêque de Nantes. Le 12 janvier un curé y fut installé. La situation de ce dernier était bien précaire : presbytère inhabitable, une chapelle insuffisante et délabrée, puisque l’eau filtrait sur l’autel à travers les lambris, pas de sacristie, pas de cloche, puisque l’ancienne avait été envoyée à Savenay par les révolutionnaires pour être fondue. En 1855, le conseil de fabrique (paroissial) votait le projet définitif de construction d’une église dont le marché de travaux, après bien des difficultés et vicissitudes, fut conclu fin juillet 1866, entre un architecte Blinois et une entreprise de St Nicolas de Redon. Les travaux durèrent deux ans, le clocher, faute de moyens, ne fut pas construit. L’aménagement intérieur, la fabrication des bancs et des autels latéraux terminés en 1875, l’église pouvait accueillir 450 personnes. Le curé Héry a réalisé l’autel de la Vierge et a participé à la fabrication des bancs et des confessionnaux. Il fallu attendre le 29 septembre 1877 pour voir enfin le clocher terminé et ses quatre cloches carillonner. Ce carillon continua de marquer les heures joyeuses et douloureuses du pays, jusqu’au 7 décembre 1944, durant la poche de Saint-Nazaire.

Ce jour là, après de nombreux bombardements par les américains, une averse d’obus plus violente, qui dura trois heures, troua les murs, fit écrouler la moitié de la toiture de la nef et toucha le clocher. Le cadran de l’horloge traversa la place et la grosse cloche rendue inutilisable, le clocher restait suspendu dans le ciel  par quatre tiges de fer énormes ancrées dans la maçonnerie. Après la libération, une messe célébrée dans les ruines de l’église, le 13 mai 1945, rassembla les paroissiens rescapés et ceux qui avaient pu rentrer au pays. La démolition de l’édifice commença en 1949. La flèche du clocher fut jugée dangereuse, et un tracteur de l’armée américaine, au moyen d’un filin, la tira vers le sol, mutilant un peu plus le clocher, dont les trois cloches rescapées avaient été préalablement démontées ; la plus grosse des trois, dont les oreilles de fixation étaient brisées, tomba sur un tas de gravats et se fendit un peu plus. Elle faisait 1200 Kg et fut envoyée à la fonderie.

 

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L’Eglise provisoire

 

Des bâtiments en bois montés à Savenay par les anglais, pour y loger les troupes en 1940, étaient disponibles. Le démontage de deux éléments par les artisans de Notre Dame de Grâce, ont été réassemblés sur le terrain, où aujourd’hui, est situé le parking derrière l’église. Un bâtiment de vingt mètres de long par huit de large se trouva rapidement bâti, permettant d’accueillir les paroissiens pour toutes les cérémonies religieuses. Un clocher fut érigé indépendamment, sur le coté. Les cloches épargnées par les obus furent électrifiées et motorisées avec du matériel provenant de la démolition d’une église de Saint Nazaire. L’ensemble des bâtiments fut mis en service le 15 août 1945 et a servi d’église jusqu’au 2 juin 1952. Après quoi elle fut désaffectée et servit de salle de théâtre et de cinéma paroissial, puis démolie au cours des années 1959/60. A noter que la cloche brisée, refondue à Annecy en compagnie de celles de Guenrouët, après une cérémonie de bénédiction le 25 octobre 1948, prit une place avec ses sœurs dans le clocher provisoire.

 

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L’église actuelle

 

En 1947, le conseil municipal commença à se préoccuper des églises de la commune, toutes deux touchées lors de la poche de Saint Nazaire. Notre église paroissiale trop touchée par les obus, fût jugée irréparable lors la venue à Nantes du ministre de la reconstruction (un délégué se déplaça sur les lieux). Les travaux de démolition commencèrent en 1949. A la fin de l’année 1950, les plans acceptés, la reconstruction de cette nouvelle église commença. Les travaux furent rondement menés. La première pierre fut posée, le 2 mars 1951. Sous cette première pierre, située à droite dans le choeur et au pied de la fresque, un cylindre métallique renfermant les documents récupérés de l’ancienne église démolie, auxquels ont été ajoutés la narration des tribulations vécues et les noms des contemporains de cette nouvelle histoire. Le 2 juin 1952 restait les finitions intérieures. Les vieux bancs et chaises étaient tout justes assez nombreux pour accueillir la foule des paroissiens et voisins, venue avec les personnalités civiles et religieuses, participer à sa consécration par Monseigneur Villepelet, alors évêque de Nantes ».

L'église Notre Dame de Grâce a été reconnue « Patrimoine du XXe siècle en mai 2015.

(D'après un texte extrait du site www.guenrouet.ft)

 

ND de Nantes

 

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2 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Notre Dame la Blanche de Guérande

Troisième jour

Notre Dame la Blanche

 

La piété naïve du moyen âge, prenant à la lettre le mot de l’Ecriture, souvent appliqué à la sainte Vierge, « Nigra sum sed formosa, Je suis noire, mais belle », vénérait parfois des Vierges noires, et le pèlerin de Notre Dame de Chartres s’agenouille toujours avec respect devant une de ces antiques statues. Mieux inspirés par la pureté sans tache de la Vierge des vierges, les fidèles aimaient a surnommer Marie Notre Dame-la-Blanche. Ce vocable n’est point inconnu dans le diocèse de Nantes.

Le voyageur, qui se dirige de Rezé vers l’ancien monastère de la bienheureuse Françoise, devenu le petit séminaire de Notre Dame des Couëts, ne tarde pas â rencontrer un modeste édifice. C’est à l’endroit même où la colline se hausse pour contempler le splendide panorama qui se déroule a ses pieds, la verdoyante vallée de la Loire, les vaisseaux chargés de richesses qui descendent ou remontent notre beau fleuve, Chantenay avec ses bruyants ateliers et ses hautes cheminées fumantes, enfin Nantes avec ses églises et ses palais, assise connue une reine sur les coteaux de la rive droite. On aperçoit tout d’abord un édicule surmonté de la croix, abritant sous un arc une statuette de Marie ; au dessous se lit l’invocation : « Notre Dame la Blanche, priez pour nous ». En arrière, séparé des autres constructions par un chemin de ronde, on voit un bâtiment quelconque, assez délabré : un rez-de-chaussée, éclairé par deux fenêtres carrées sans caractère, une vieille porte en anse de panier, et, à l’angle sud, un contrefort de granit. Au dessus, un étage moderne, ressemblant à toutes les maisons voisines. A l’intérieur, un dallage usé, partie en briques, partie en granit, un bénitier poussiéreux, une crédence, trois niches vides creusées au chevet. C’est tout ce qui reste d’une chapelle dédiée à Notre Dame la Blanche.

Rien dans cette masure qui attire l’attention, et pourtant elle est digne de notre respect ; c’est peut être, avec la chapelle de saint Etienne, dans le cimetière de Saint Donatien, la plus vieille église du diocèse de Nantes. Les antiquaires, dont les manies parfois nous font sourire, mais dont les recherches sont souvent fort utiles â l’histoire, ont examiné attentivement ces pauvres murailles ; et ils ont démontré qu’une partie au moins, car l’antique chapelle a été bien des l’ois remaniée, présente des caractères fort anciens. Ils vont jusqu’à prétendre et il semble qu’ils n’ont point tort, que cette insignifiante construction est antérieure au IIIe siècle de l’ère chrétienne. Rezé était alors, sous le nom de Ratiate, une ville plus riche et plus importante que Nantes ; et peut-être ce modeste édifice, resté debout malgré le poids des siècles, est-il le premier temple, consacré, sur cette terre, au culte chrétien. Si nous ne pouvons l’affirmer, du moins est-il permis de conjecturer que c‘est le premier sanctuaire dédié a Marie dans le diocèse de Nantes.

Est-ce pour ce motif qu’il était si vénéré de nos pères ? Peut-être. Ce qui est certain, c’est que Nantes, qui possédait dans ses murs et à ses portes tant d’églises de la Sainte Vierge. tant de pèlerinages fréquentés, allait jusqu’à Rezé invoquer Notre Dame la Blanche. Dans les temps troublés qui précédèrent la réunion de la Bretagne a la France, quand les armées royales, campées à Richebourg, menaçaient Nantes, pointaient leurs canons sur son château ducal et faisaient craindre pour l’indépendance de la patrie bretonne, les fidèles de la ville multiplièrent les processions et visitèrent tour à tour les divers sanctuaires consacrés à Marie : la Collégiale, N.-D. de Bon-Secours, N.D. des Carmes, N.-D. de-Bethléem que l’on vénérait a deux pas d’ici, dans la chapelle de Sainte Catherine, et enfin Notre Dame la Blanche en Rezé.

N’est-il pas vrai que ce sanctuaire, tout modeste qu’il est, mérite un respectueux souvenir ? L’ancien curé de Rezé pensait comme nous et avait acquis, au prix de. lourds sacrifices, ces restes précieux. Je sais que son successeur partage ses sentiments et que le défaut de ressources l’empêche seul, avec les malheurs du temps présent, de restaurer ce cher monument, et de rouvrir a la piété de ses paroissiens ce qui fut le berceau du christianisme chez eux.

Il existait, dans la paroisse de la Chapelle Launay, un établissement religieux, dont les bâtiments sécularisés sont encore intacts, et dont le nom semblerait indiquer qu’on y honorait Notre Dame la Blanche : c’est l’abbaye de Blanche Couronne.

Mais ce n’est qu’une conjecture, et j’aime mieux vous rappeler un autre sanctuaire, plus célèbre et plus beau, et bien dédié, celui-là, â Notre Dame-la-Blanche. Il était, il est encore un des ornements de l’antique cité guérandaise.

Durant les guerres désastreuses qu’occasionna, au XIVe siècle, la succession de Bretagne, Guérande avait pris parti pour le comte de Montfort, dont elle était d’ailleurs l’apanage, et luttait avec énergie pour le triomphe de la cause qu’elle avait embrassée. Louis d’Espagne, qui combattait pour Charles de Blois, vint, a la tête d’une troupe d’Espagnols et de Gênois, mettre le siège devant cette ville. Malgré le courage de ses défenseurs, Guérande fut prise, ses murailles furent rasées, ses maisons réduites en cendre ; ses cinq églises suffirent le même sort et huit mille habitants périrent. C’était, pouvait-on croire, la ruine pour jamais. Heureusement les Montforts furent reconnaissants. Le duc Jean IV, ou plutôt sa mère, l’héroïque Jeanne de Flandre, releva, dès avant son triomphe sur son adversaire, les ruines de Guérande (1348). Non seulement les murailles de la ville, mais les maisons particulières furent reconstruites aux frais du prince. Saint-Aubin fut restauré, incomplètement il est vrai, car il ne devait retrouver que dans les dernières années du XIXe siècle sa splendeur disparue. C’est à ce moment-là que, par les soins du duc, fut élevée la gracieuse chapelle de Notre Dame la Blanche. Remplaçait-elle une ancienne église consacrée à Marie ? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est que le duc Jean IV aimait Guérande et y séjournait souvent, c’est qu’il aimait aussi spécialement Notre Dame-la-Blanche.

C’est dans la cité fidèle, qui avait tant souffert pour lui, qu’il voulut signer le traité de paix qui consacrait ses droits à la couronne de Bretagne ; et quand, seize ans plus tard, de nouvelles conventions réconcilièrent la Bretagne et la France, c’est encore dans la ville de Guérande que Jean IV voulut les accepter. Le premier traité avait été signé devant le grand autel de Saint Aubin ; le second fut juré sur la vraie croix, dans l’église de Notre Dame la Blanche.

Ce fut un beau jour pour notre chapelle, et jamais assemblée plus brillante ne fut réunie dans ses murs. Pour la France, représentant le roi, on voyait l’évêque de Chartres, le seigneur de Chevreuse et Arnault de Corbie, premier président du parlement de Paris ; pour la Bretagne, l’élite de ses fils : le duc d’abord, les évêques de Rennes et de Vannes, puis des Rohan, des Rochefort, des Laval, et le sire de Beaumanoir, dont les échos de Mi-Voie redisent toujours la vaillance. Oui, ce fut un beau jour, mais suivi de plus beaux jours encore.

De ce jour date en effet la fin des guerres civiles qui, depuis Si longtemps, désolaient la Bretagne. Notre Dame la Blanche donna cent ans de paix à notre pays, et jamais, dans toute la suite des âges, la Bretagne n’a été florissante comme en ce temps-là. Parcourez nos côtes et nos campagnes bretonnes, vous verrez partout des témoins qui le répètent encore : les cathédrales de Nantes, de Vannes, de Quimper, de Tréguier, et le Folgoët, cette fleur de granit épanouie sur nos landes, et ces flèches gothiques qu’on rencontre, à chaque pas au fond de la Cornouailles et du Léon, sortirent du sol breton en cet âge d’or de la patrie.

Le peuple fut reconnaissant à Notre Dame la Blanche ; chaque mois, a la suite du Chapitre de Saint Aubin, il se rendait processionnellement a la chapelle,et dans la plupart des paroisses de la presqu’île guérandaise, à Piriac, â Saint Molf, à Saillé, ailleurs encore, on éleva des sanctuaires dédiés sous ce nom. La Révolution chassa Notre Dame la Blanche de sa chapelle et. la Vierge, protectrice de la Bretagne, en fut exilée pendant soixante ans. Mais elle y est rentrée, et depuis 1853, la glorieuse chapelle a retrouvé sa splendeur d’autrefois. Les princes n’y vont plus sans doute, mais la piété et la charité en ont fait, pour ainsi dire, leur quartier général, et nous pouvons affirmer que la chapelle n’est point déchue.

Citons enfin, dans le cimetière de Saint Jean de Corcoué, au sommet de ce coteau pittoresque d’où l’on domine la gracieuse vallée de la Logne, ainsi que le bourg et l’église de Saint Etienne, une toute petite chapelle, sous le vocable de Notre Dame la Blanche. Hélas ! maintenant on pourrait l’appeler la Rouge et la dédier à Notre Dame des Martyrs. Écoutez.

Le 28 janvier 1794, un détachement de soldats patriotes venait s’établir à Saint Jean. Un révolutionnaire de Saint Etienne de Corcoué, qui s’était réfugié précédemment a Nantes, arrivait avec eux. Le misérable parcourut ce dernier bourg, et les villages environnants, engageant toutes les personnes qu’il rencontrait a se rendre au camp, sous prétexte de pacification. Deux semaines auparavant, plusieurs personnes de cette paroisse avaient été surprises dans un guet-apens dont nous reparlerons et odieusement massacrées ; malgré ce précédent, une quinzaine de paysans se laissèrent persuader et montèrent a Saint Jean. On les emprisonna à Notre Dame la Blanche. Le traître alors s’en alla trouver le commandant et lui demanda de faire fusiller ces malheureux, le menaçant d’une dénonciation s’il y refusait. Saisi d’horreur et de dégoût, l‘officier lui répondit qu’il pouvait faire lui-même ce qu’il voudrait de ses prisonniers, mais qu’aucun des soldats placés sous ses ordres n’accepterait de les mettre à mort. Le bandit ne recula pas devant le forfait, il pénétra dans la chapelle et, de son sabre, il égorgea tous les voisins et amis qu’il y avait attirés. Le lendemain, les soldats quittaient Saint Jean, mais le commandant, fou de honte et de remords, se brûlait la cervelle avant le départ. Le bourreau, lui, vécut de longues années encore, au milieu des parents de ses victimes. Dieu lui laissait le temps du repentir. Il n’en profita point, et la justice divine le frappa enfin : il périt d’une mort horrible. La petite chapelle est là toujours : il me souvient d’y avoir présidé naguère une procession du mois, et, dans les moisissures dont le temps et l’humidité ont couvert ses vieux murs, je croyais voir les traces sanglantes des martyrs.

 

Faut-il exposer maintenant les raisons de ce poétique vocable ? Il nous rappelle le plus beau fleuron de la couronne de Marie et il nous désigne les vertus que nous devons surtout pratiquer a son exemple.

Quand vous contemplez vos chères petites filles, charmantes et radieuses dans leur costume de communiantes, vous demandez-vous pourquoi ces robes et ces voiles a la blancheur neigeuse ? C’est le symbole de la pureté sans tache avec laquelle il convient de recevoir Celui qui se plaît au milieu des lis. La blancheur, c’est le symbole de la pureté, c’est la couleur des vierges. Telle est la raison d’être du vocable que nous étudions ce soir : Marie s’appelle Notre Dame la Blanche parce qu’elle est pure, parce qu’elle est vierge.

Elle était pure et c’est par là qu’elle attira principalement les regards du Très Haut. Les saints Pères nous l’assurent, et vous mêmes, vous aimez a chanter ce couplet d’un de nos plus gracieux cantiques : « C’est le lis de la vallée dont le parfum précieux, Sur la terre désolée, attira le Roi des cieux ». Elle était vierge aussi. Nous affirmons chaque jour notre foi à ce dogme en récitant notre symbole : « Je crois en Jésus Christ... qui est né de la Vierge Marie ». Non seulement elle était vierge, mais les docteurs catholiques s’accordent à dire qu’elle avait fait à Dieu le vœu de virginité. Tel est, en effet, le sens de sa réponse à l’archange Gabriel : « Comment ces choses s’accompliront-elles, puisque je ne connais point d’homme », c’est-à-dire puisque je suis vierge et que je me suis engagée à le rester toujours ? Ai-je besoin de vous dire après cela quelles vertus nous prêche la Vierge très pure ? Elle prêche, avec l’éloquence de l’exemple, la virginité â l’élite, la chasteté à tous.

Je le sais, tous ne sont pas appelés à garder la virginité : c’est la vertu des anges. Le Maître lui même l’a déclaré : « Tous ne la sauraient comprendre ». Mais il a dit aussi : « Que celui qui peut comprendre comprenne ! » Ses apôtres ne comprirent pas tout d’abord, mais un jour vint bientôt où le Saint Esprit ouvrit leurs oreilles a ce chant des vierges que Jean devait ouïr dans les cieux, chant harmonieux comme un concert de lyres, que nul ne sait ni n’entend, que ceux qui suivent l’Agneau partout ou il va.

Bien des âmes, depuis dix neuf siècles, ont compris a leur tour et ont marché à la suite de l’Agneau : elles ne faisaient que s’engager dans la route tracée par Marie, la Vierge des vierges. Le démon les a poursuivies de cette haine infernale qu’il garde a la femme incomparable dont le pied lui a broyé la tête ; il les poursuit encore. Mais l’exemple de Marie continuera de porter ses fruits et, jusqu’à la fin des temps, le monde verra des fleurs virginales s’épanouir dans le parterre de l’Eglise.

Pour vous, mes Frères, que Dieu n’a point appelés a cette perfection, n’oubliez pas que Marie prêche en même temps la chasteté a tous. C’est la vertu qui faille plus d’honneur a l’homme, puisqu’elle le dégage de la matière pour le faire vivre de la vie des esprits, puisqu’elle le tire de la fange où il s’enlise pour l’élever à la hauteur des anges. mettez votre orgueil à la pratiquer, et, si votre fragilité vous effraie, demandez à Marie de vous tendre la main et de vous aider a gravir ces sommets où règne la divine pureté. Aimez à répéter le gracieux vocable qui a fait le sujet de cet entretien : c’est adresser à notre Mère du ciel la plus délicate des louanges et en même temps la plus efficace des prières que de lui dire : « Notre Dame la Blanche, priez pour nous ».

 

ND la Blanche de Guérande

La Chapelle Notre Dame la Blanche de Guérande

 

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1 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Nantes, Chapelle de l'Immaculée Conception 2

Deuxième jour

Notre Dame de l'Immaculée Conception

 

De tous les vocables sous lesquels on honore la très Sainte-Vierge, le plus populaire à notre époque, c’est bien celui de l’Immaculée Conception. C’est aussi le mystère qui, logiquement, se présente le premier a notre pensée.

Le 8 décembre 1854, après avoir consulté toutes les Eglises de la catholicité, Pie IX, entouré de 54 cardinaux, de 42 archevêques et de 92 évêques, venus de tous les points du monde, proclamait solennellement le dogme de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge. L’univers applaudit ; Rome donna le signal par des fêtes splendides et toutes les nations unirent leurs acclamations a celles de la Ville éternelle. Au premier rang se distingua la France, le royaume de Marie ; et parmi toutes les cités de notre pays se distingua la cité nantaise. L‘évêque d’alors écrivait, le 16 décembre 1854 : « On prépare pour demain la plus belle illumination que Nantes ait jamais vue ». C’était une prophétie, l’illumination fut belle, incomparable, féerique. Plusieurs peut être de ceux qui m’écoutent ce soir en ont gardé le souvenir. C’est la première fête a laquelle ait pris part votre basilique. Elle ne devait être livrée au culte que huit jours plus tard; mais elle était débarrassée déjà de ses échafaudages, et, sous la nuit embrasée, elle apparut toute blanche dans sa robe de pierre avec une ceinture de feux aux couleurs de la Vierge, symbole de celle qui devait apparaître bientôt sur les monts Pyrénéens dans la blancheur immaculée de ses voiles de lin et le bleu céleste de son écharpe. De cette fête, que je n’ai point vue, mais dont les échos sont venus jusqu’à moi, je ne veux retenir qu’un mot qui nous révèle, dans sa simplicité touchante, la foi naïve et délicate de l’âme populaire. « Apercevant au fond d’une cour misé able une pauvre vieille qui allumait quelques chandelles, une dame de charité s’écria : « Que faites-vous ? Vous êtes sans pain ! D’ailleurs, qui viendra ici ? » « Ah ! fit la vieille, ce n’est pas pour le monde que j'illumine, c'est pour ma bonne Mère du Ciel ».

Vingt cinq ans plus tard, Nantes célébrait avec le même enthousiasme le premier jubilé de la proclamation du dogme, et il nous souvient encore de l’effet magique produit par les feux de l’illumination sur le blanc manteau de neige dont le sol était revêtu..Je n’ai pas à vous apprendre, à vous qui vous pressiez naguère si nombreux et si recueillis dans les nefs de votre vaste église, pour célébrer la cinquantaine de l’Immaculée, que l'ardeur de la piété nantaise ne s’est pas refroidie.

Mais les catholiques n’avaient pas attendu le le XIXe siècle pour honorer la conception immaculée de leur Mère, et c’est bien le cas de répéter les paroles de Mgr Dupanloup : « Si l’Eglise n’en avait pas fait encore un dogme de foi, nos coeurs en avaient fait un dogme d’amour ».

L'Eglise grecque célébrait la fête de la Conception de Marie depuis le VIe siècle, l’Espagne dès le VIIIe, et nous Savons que l’Angleterre, à la suite d’un éclatant miracle, l‘adopta au Xie. Elle ne tarda point a passer le détroit et de la Normandie s’étendit a toute la France où l’on prit l'habitude de l’appeler « la fête aux Normands ».

On la trouve à Nantes, dès le XIe siècle ; toutefois, elle s'appela d’abord l’Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie, et plus tard, a raison de la période de l’année liturgique où elle tombait, elle fut surtout connue sous le nom de Notre-Dame des Avents. Plusieurs confréries, érigées en l’honneur de l’Immaculée Conception, s’abritaient sous ce titre ; il y en avait à Saint Saturnin, à Sainte Croix, à Saint Clément ; la plus célèbre était à Saint Similien. La fête patronale de cette dernière confrérie était célébrée avec le plus d‘éclat possible : la veille, ou chantait solennellement les premières vêpres ; le matin même de la fête, les matines et les landes suivies de la grand-messe, et il ne fallait pas moins de 1,600 livres de gâteaux pour le pain bénit des confrères.

Le prieuré de Pennebé honorait l’Immaculée Conception dès le XIe siècle. Une église du diocèse, celle de Bouée, autrefois trêve de Savenay, est aussi depuis longtemps dédiée à Marie sous ce vocable. Mais, mes Frères, et il me plaît de vous le dire, c’est la circonscription paroissiale de Saint Nicolas qui posséda le premier sanctuaire consacré, dans la ville de Nantes, a l’Immaculée.

Le jour de la Chandeleur de l’année 1623, les religieuses bénédictines du Calvaire, que venait de fonder l’ami de Richelieu, le célèbre Père Joseph, arrivaient a Nantes et tentaient de s’y établir. Mais de graves difficultés surgirent. Alors elles tirent un vœu a la Sainte Vierge, promettant de dédier leur église à Son immaculée conception, si elle aplanissait les obstacles. Peu de jours après, ces obstacles tombèrent et les religieuses signaient le contrat qui les rendait propriétaires de « la motte de Ballüe ». C’étaient les terrains occupés aujourd’hui par le quartier Delorme, et la rue du Calvaire marque l’allée qui conduisait au nouveau cloître.

Telle fut l’origine de la première chapelle de l'Immaculée Conception dans notre cité : plus de deux siècles devaient s’écouler avant que Nantes en possédât une seconde.

C’était en 1845, le jour même de la fête instituée par l’Eglise pour honorer le mystère de l’Immaculée Conception. Un saint prêtre, M. l’abbé Lusson, ancien curé de Saint-Jacques, forma le projet de donner une église à Marie. Il était en prières dans la chapelle de la Retraite quand la pensée lui vint que « sa bonne Mère n’avait à Nantes qu’un pied a terre et qu’il fallait lui consacrer une chapelle ». Celle de l’Oratoire était en vente, il résolut de l’acquérir. Une pieuse dame, ravie de cette entreprise, lui promit 6000 fr. Encouragé par ce premier succès, le vaillant prêtre multiplia les démarches. Hélas ! ce fut en vain. L’autorité ecclésiastique ne lui prêtait point son concours ; un jour même, le vicaire général Vrignaud, fatigué de ses instances, lui répondit brusquement: « Quand vous aurez 25,000 francs, vous pourrez commencer votre oeuvre ». M. Lusson n’en avait que 7,000. La protection de Marie lui procura le reste. L’infatigable quêteur de Notre Dame priait un jour dans l’oratoire de Saint Vincent-de-Paul. Tout à coup, connue inspiré du Ciel, il étend les bras vers la statue de la Sainte-Vierge : « Ma bonne Mère, donnez moi a l’instant ces 18,000 francs. Vous-même ou bien indiquez-moi la personne qui me les procurera ». Un nom lui vint à la pensée ; le lendemain, il heurtait a la porte d’une demeure dont il n’avait jamais franchi le seuil, et, naïvement, racontait son histoire. On lui donna les 18,000 francs.

D’autres obstacles se dressent devant lui. Mais qu’était-ce que des obstacles humains devant cette foi obstinée? M. Lusson part bientôt pour Paris ; le 20 février 1848, il obtient une audience du Ministre ; le 22, les dernières formalités doivent être remplies, et, le 22 février, Paris se réveille au bruit de l’émeute ..... Tout semble bien fini à cette fois, et d’autant plus irrémédiablement que l’Oratoire est vendu. Mais non, l’oeuvre va s’accomplir, le rêve du saint homme va se réaliser enfin !

Mgr Jaquemet vient d’arriver a Nantes, il encourage l’entreprise de l’abbé Lusson et celui-ci se remet à l’oeuvre avec plus d’ardeur que jamais. L’Oratoire est vendu, c’est vrai, mais l’église des Minimes est la. Toutefois, il faut se hâter, car elle vient d’être adjugée aux enchères publiques. Vite on met une surenchère et, le 19 septembre 1849, la vieille église devient propriété de l’Evêque de Nantes.

C’était l’antique chapelle bâtie par François II, à l’entrée des jardins du château, et dédiée pendant plus de trois siècles a saint Antoine-de-Pade. La Révolution l'avait profanée, et le vieux sanctuaire ducal, tour à tour atelier de serrurerie et magasin a fourrages, était bien déchu de sa splendeur première. Toutefois, l’oeuvre vive était intacte ; une réparation sommaire, reprise magnifiquement plus tard, lui rendit la décence convenable et, le 8 décembre 1840, la piété nantaise en reprenait possession et l’offrait, gage de filial amour, a l’Immaculée Conception.

 

Vous savez, mes Frères, en quoi consiste le mystère de l’Immaculée Conception. Tous les hommes, enfants d’Adam et Eve, enveloppés avec eux dans la malédiction qui suivit leur chute, reçoivent avec la vie la marque du péché et naissent enfants de colère. Marie seule fait exception. Dieu suspendit, pour cette créature privilégiée, l’universelle loi portée par sa justice et lui appliqua par avance les mérites de son Fils. Il est de foi qu’au moment même où Dieu unit l’âme de Marie au corps qu’elle devait animer, cette âme a jamais bénie, non seulement ne contracta point la tache originelle, mais fut remplie de grâces et de vertus. Bien plus, la sainte enfant était, conséquence naturelle, soustraite par la même à toutes les suites du péché, mise à l’abri des entraînements de la concupiscence et des attaques de la tentation, si bien que, durant tout le cours de sa vie, elle ne contracta pas, elle ne put pas contracter la moindre souillure.

Privilège unique et incomparable, mais privilège nécessaire, sans lequel on ne conçoit pas la Rédemption. Ainsi l’exigu1it le respect que Dieu porte à sa propre sainteté. La bonté de la mère, en effet, rejaillit sur l’enfant, et pour Dieu, le Saint par excellence, il n’est pas de honte comparable au péché : est-il donc croyable que la Mère de Jésus, que la Mère de Dieu ait subi cette honte ?

Ainsi l’exigeait l’amour de Jésus pour Marie. N’est-il pas vrai que l’enfant bien né rêve pour sa mère toutes les perfections et toutes les gloires, et que si, par impossible, Dieu nous avait consultés avant d'appeler notre mère à la vie, nous l’aurions supplié de déposer toutes les vertus et tous les dons dans son berceau ? Le Fils de Marie est en même temps Fils de Dieu, il pouvait ce qui nous est impossible a nous, pauvres mortels: comment donc eût-il permis que celle qu’il entourait de tant d’amour et prédestinait a tant de grandeur fût courbée, même un seul instant, sous le joug flétrissant du démon ?

Ainsi l’exigeait l’oeuvre même de la Rédemption. Future mère de celui qui venait détruire le péché, chargée d’infuser dans ses veines le sang qui allait purifier le monde en coulant sur la croix, Marie de fait être pure et sans tache, Marie devait être immaculée dans sa conception.

Marie est aussi notre mère et notre modèle. À l’exemple de ces fils qui redisent sans cesse les gloires de leurs aïeux, aimons à redire les gloires de notre Mère et a la saluer du beau titre d’Immaculée. À l’exemple de ces fils qui, non seulement Se glorifient des exploits et des hautes dignités de leurs ancêtres, mais qui lâchent de s’en montrer dignes, ne soyons pas seulement fiers des grandeurs de notre Mère et, dans la mesure du possible, efforçons nous de lui ressembler.

Je le sais bien, nous sommes venus au monde honteusement souillés par le péché. Mais, avec l’eau sainte du baptême, le sang du Rédempteur a coulé sur nos fronts, nos âmes ont été purifiées, nous sommes devenus frères de Jésus-Christ, enfants bien-aimés du Très Haut. Dans cette naissance nouvelle, qui s’appelle le baptême, naissance à la vie de chrétien, naissance à la grâce, à l’amitié de Dieu, à l’espérance du Ciel, nous aussi, nous sommes immaculés, et de ce titre nous devons être fiers.

Ce n’est pas tout et Dieu veut autre chose : Immaculée dans sa conception, Marie le fut encore durant tout le cours de sa vie. À son exemple, nous aussi, immaculés dans notre baptême, nous aurions dû le rester toujours. Nous le pouvions, car Dieu, s’il n’avait pas éteint complètement en nous les feux de la concupiscence, en avait tempéré les ardeurs ; nous le pouvions, car Dieu, s’il ne nous avait pas soustraits aux attaques des tentations, nous avait donné des armes pour les vaincre ; nous le pouvions, car Dieu, s’il nous avait laissés faibles et peccables, nous avait cependant, en nous dispensant largement sa grâce, fait participer à sa force divine.

Hélas ! Malgré tout, nous avons péché ! Jetons-nous donc aux pieds de l’Immaculée Conception ; demandons-lui de nous aider a redevenir immaculés comme elle et promettons-lui de le rester toujours.

 

ND de Nantes

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30 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Premier jour

Notre Dame de Nantes

 

Le plus célèbre et le plus beau des sanctuaires dédiés à Marie, dans notre pays, celui dont le nom résume tous les autres, c’est l’église que l’on avait coutume d’appeler simplement Notre Dame, ou bien encore Notre Dame de Nantes. Écoutez l’abrégé de son histoire.

Trois fois au moins, durant le cours du IXe siècle, la ville de Nantes avait été prise et détruite par les barbares Normands, et nos annales racontent, non sans nous faire frémir encore, ces scènes de pillage et d’incendie, ces massacres surtout qui firent couler des flots de sang chrétien et mirent une auréole au front de l’évêque Gohard et de ses compagnons. Ces vainqueurs féroces s’étaient même établis dans les îles de la Loire, spécialement dans l’île de Biesse, et, de la, continuaient à rançonner le pays. Alain le Grand, l’un des plus illustres de nos rois bretons, les chassa et Nantes, grâce a sa protection, grâce surtout aux efforts de son évêque Foulcher, sortit enfin de ses ruines.

Hélas ! Ce n’était pas pour longtemps. Le grand roi descend dans la tombe et les barbares accourent, impatients de laver dans le sang leurs défaites. Nantes est pris de nouveau, les survivants de la bataille s’enfuient épouvantés, la ville entière est saccagée, livrée aux flammes. Elle resta déserte pendant vingt ans. Gardiens jaloux de ces débris, les vainqueurs s'installent sur les rives de notre beau fleuve, ravageant a plaisir le Comté Nantais et la Bretagne entière. On ne voit partout que champs en friche et ruines fumantes ; la résistance se décourage ; la plupart des Bretons, princes en tête, se réfugient en Angleterre. C’est de là qu’allait venir le vengeur.

Il était petit-fils d’Alain le Grand et, lui aussi, portait ce nom plein d’espérance, auquel le peuple ajouta l’étrange surnom de Barbetorte, que la gloire et la reconnaissance ont transmis à la postérité. Comme les Bretons de tous les temps, le jeune Alain souffrait dans l’exil ; il avait hâte de revoir sa Bretagne. Dès qu’il fut en âge de batailler, il traversa la Manche à la tête d’une troupe de fidèles. Il surprit et culbuta les envahisseurs à Dol d’abord, puis à Saint Brieuc. Mais c’est à Nantes qu’ils avaient leur établissement principal, c’est à Nantes qu’il fallait les vaincre. Barbetorte traversa toute la haute Bretagne et vint les attaquer dans leur repaire.

Les Barbares étaient retranchés dans l’angle formé par la Loire et l’Erdre, sur la rive droite de cette dernière rivière : c’était alors une vaste prairie appelée le pré Saint-Aignan, in prato sancti Antoni, c’est aujourd’hui le quartier Sainte Catherine, et la rue du Pré-Nian rappelle encore ce nom célèbre dans les fastes de Nantes et de la Bretagne. Les Bretons attaquent avec furie ces hordes étrangères campées sur le sol de la patrie. Mais les Normands sont braves et fortement retranchés ; ils repoussent les assaillants. Alain remonte lentement les pentes abruptes qui conduisent à la colline du Marchix. Harassé par le combat, dévoré par une soif ardente, brisé d’émotion, tremblant pour sa Bretagne, il appelle Marie a son secours et la supplie de lui procurer un peu d’eau pour apaiser sa soif et celle de ses soldats : la Vierge écouta sa prière et lui découvrit une source d’eau vive. Elle existe encore, on l’appelle depuis ce temps la fontaine Sainte Marie et vous pouvez la vénérer a quelques pas d’ici, au fond de la rue Paré.

Réconfortés par ce breuvage, exaltés par la protection visible de la Mère de Dieu, Alain et ses soldats recommencèrent la lutte et mirent cette fois les Barbares en fuite. Nantes était délivré. Mais Nantes existait-il encore ?... Les vainqueurs se dirigèrent vers l’église Saint Pierre pour rendre grâces à Dieu. Hélas ! Ils furent obligés, pour se frayer un passage, de trancher les ronces et les épines avec leurs épées ; le temple n’était plus qu’une ruine informe. Alain pourtant ne se découragea point et il releva la ville, dont il fit sa capitale.

Gardons ces souvenirs, mes Frères, et n’oublions pas que, sans Alain Barbetorte, sans la protection de Marie surtout, Nantes peut-être, comme Rezé sa voisine et tant d’autres cités, aurait pour jamais disparu. Alain fut reconnaissant. Il ne pouvait songer à bâtir une église près de la fontaine Sainte Marie, situé: aux portes de la ville, exposée à toutes les attaques de l’ennemi, mais il avait existé, non loin de la Cathédrale, une chapelle de la Vierge, disparue comme tout le reste. Alain la releva splendidement et la dédia à Notre-Dame. C’est là qu’il fut enseveli.

Écoutez ce que raconte la Chronique de Nantes : on enterra le libérateur à Saint-Donatien, mais le lendemain matin la tombe était ouverte et le cadavre sur la terre nue. Soigneusement on le replaça dans le sépulcre, qu’on chargea de grosses et lourdes pierres et qu’on entoura de gardiens. Le lendemain, en dépit des pierres et des soldats, le cadavre était déterré. Un familier d’Alain dit alors : « Le noble Duc a toujours aimé la sainte Mère de Dieu plus que tous les autres saints et l’a toujours invoquée dans ses besoins, portez-le dans l’église qu’il a reconstruite en l’honneur de la Vierge et il y trouvera le repos ». On suivit le conseil et le grand batailleur y trouva le repos pendant dix siècles. Quatre cents ans plus tard, l’évêque Daniel Vigier, poussé par la piété des Nantais envers Notre-Dame, érigeait son église en collégiale et y plaçait dix-neuf chanoines chargés de chanter les louanges de Marie.

Bientôt l’antique église, que tous les siècles avaient embellie, revêtit une splendeur nouvelle. Pierre de Bretagne et Françoise d’Amboise, plus tard souverains de ce pays, se promettent par serment de n’appartenir qu’à Dieu, si la mort les sépare, et, pour consacrer cette promesse. ils font rebâtir magnifiquement le choeur de Notre-Dame. Ils y érigent en même temps leur tombeau et y fondent une messe solennelle quotidienne. Le Duc y descendit le premier et, chaque jour, pendant qu’elle résidait à Nantes, la pieuse Françoise s’y rendait à pied pour y répandre ses larmes et ses prières. La sainte veuve ne devait jamais y reposer près de lui, l’affection de ses chères Carmélites des Couëts rendit vaines les réclamations des chanoines de Notre Dame.

Nos ducs continuèrent la reconstruction de la collégiale et la reine Anne y mit la dernière main. L’édifice était digne de ceux qui l’avaient construit et son clocher en pierres, le plus beau de la ville, s’élevait jusqu’à deux cents pieds. Les ducs n’étaient pas seuls dévots à Notre-Dame ; tous les Nantais y venaient prier, tous les Nantais y répandaient leurs largesses. Au XVe siècle, les fondations y étaient si nombreuses que cinquante prêtres ne suffisaient pas à les acquitter.

Hélas ! Toute cette gloire a disparu. L’église, vendue nationalement à la Révolution, devint un atelier de fondeur. On ne tarda pas à la démolir. Aujourd’hui, nous savons encore qu’elle était sur la place Dumoutiers ; mais c’est en vain que nous y cherchons quelques débris d’un temple autrefois si glorieux. Il n’en reste plus rien qu’une petite chapelle mutilée, incomparable joyau dédié jadis a saint Thomas et dû probablement au ciseau de Michel Columb, le grand artiste qui sculptait, à la même époque, le chef d’oeuvre que nous appelons aujourd’hui le tombeau des Carmes. Ce débris d’une splendeur évanouie a été placé naguère dans l’ancienne chapelle de l’Oratoire.

Le temple est détruit, mais non pas notre amour pour Marie : aujourd’hui connue autrefois, nous pouvons l’appeler Notre Dame de Nantes. Et quel est le sens de cette expression : « Notre Dame » ?

Vous savez, mes Frères, ce qu’était un seigneur des siècles passés. Dans le principe, c’était un chef de bande, un vaillant capitaine, ou même simplement un possesseur de fief, un puissant propriétaire, autour duquel se rangeaient des soldats, des paysans, des hommes du peuple, qui se plaçaient sous sa dépendance et réclamaient son appui contre les ennemis, petits et grands, qui pullulaient alors. Le seigneur devait protéger ses vassaux, défendre leurs intérêts, leur rendre la justice ; les vassaux, de leur côté, devaient au seigneur hommage et fidélité. Bientôt les fiefs devinrent héréditaires et leurs possesseurs furent seigneurs de père en fils. Plus tard, après le XIIe siècle, à défaut d’enfants mâles, les femmes héritaient des fiefs et elles portaient alors le nom de dames. De même qu’on écrivait dans les actes publics haut et puissant seigneur, on écrivait aussi haute et puissante dame.

A cette époque de foi ardente et naïve, ces expressions ne tardèrent pas a passer dans la langue religieuse; on disait couramment alors Monsieur saint Michel et Madame sainte Anne. Tout naturellement le mot Seigneur, pris d’une manière absolue, sans adjonction d’un nom propre, fut attribué à Jésus, notre divin Sauveur, c’est lui par excellence qui est le Maître, c’est lui que tous appelaient le Seigneur, Notre Seigneur. Les Livres saints d’ailleurs avaient donné l’exemple et l’on ne faisait guère que les traduire. Tout naturellement aussi le mot Dame, sans adjonctif, fut appliqué à Marie, car, suivant la belle expression de Saint Bernard, elle est bien vraiment « la Dame de tout le monde ». N’est-elle pas dépositaire des pouvoirs de son Fils ? N’a-t-elle pas été associée à sa grandeur ? N’est-telle pas chargée d’exercer sa puissante protection sur les hommes ? N’a-telle pas, en conséquence, droit a leur fidélité et a leurs hommages ? Nos pères savaient ces choses, et ils croyaient à la puissance de Marie, et ils l’invoquaient dans toutes les difficultés de la vie, et ils la servaient avec fidélité, et ils lui rendaient leurs hommages, et ils l’appelaient du nom expressif de Notre Dame. N’est-il pas délicat et juste, ce nom ? Ne traduit-il pas admirablement les relations de Marie avec les chrétiens et des chrétiens avec Marie ?

Ce n’est pas tout ; ce terme avait encore un autre sens, un peu différent du premier, et emprunté aux coutumes de la chevalerie. Les hommes de ce temps-là, les nobles surtout, les chevaliers, étaient passionnés pour les luttes courtoises des tournois et pour les combats plus terribles de la guerre; mais ils avaient appris de l’Eglise a respecter tout ce qui est faible, les prêtres, les orphelins, les femmes. Aussi la plupart avaient à cœur d’honorer les nobles dames, les belles et vertueuses châtelaines. Lejeune homme, devenu chevalier, ne manquait pas d’adresser l’hommage de son cœur à quelque noble damoiselle, et, dans les joutes brillantes des tournois, dans les luttes sanglantes de la guerre, il arborait les couleurs de sa Dame et faisait mainte prouesse en son honneur. Tel Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Mais plusieurs, parmi les plus chrétiens et les plus purs, ne voulaient avoir d’autre Dame que la Vierge Marie : c’est à elle seule qu’ils donnaient leur cœur, se sont ses couleurs qu’ils portaient, et quand ils frappaient d’estoc et de taille, quand ils faisaient fuir l’ennemi devant leur vaillante épée, quand ils se couvraient de gloire dans les tournois ou dans les combats, c’était en l’honneur de Marie, leur Maîtresse et leur Dame. Ne vous souvient-il pas que notre grand connétable breton avait pour cri de guerre : « Notre Dame Guesclin » ?

Le peuple du Moyen-Age, plus que le peuple d’aujourd’hui sans doute, était épris d’idéal et de poésie, et il comprenait ces délicats symboles. Tous avaient adopté Marie pour leur Dame, et tous aimaient a lui donner ce titre. Et s’ils travaillaient, s’ils combattaient, s’ils accomplissaient fidèlement leurs devoirs de chrétiens, c’était sans doute et tout d’abord pour l’honneur de Notre-Seigneur, mais c’était aussi pour l’honneur de Notre Dame.

Cette belle et touchante expression a presque disparu de la langue religieuse, au moins dans notre pays : nous désignons encore par ces mots les églises et les pèlerinages consacrés à Marie, nous disons Notre Dame de Bon Port, Notre Dame de Toutes Aydes, Notre Dame de Lourdes ; nous ne disons plus simplement Notre Dame, en parlant de la Sainte Vierge elle-même. Il est permis de le regretter. Du moins, ayons dans le cœur les sentiments exprimés par ces mots : confions-nous à la protection de Marie, soyons empressés a son service, adressons-lui fréquemment nos hommages, donnons-lui toujours notre amour ; et nous aurons, aujourd’hui connue autrefois, le droit de l’appeler Notre Dame.

 

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Notre Dame du Précieux Sang

Vénérée en l'église Saint Guénolé de Batz-sur-Mer

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30 avril 2017

Neuvaine pour la France par l'intercession de Sœur Josépha Menendez

Neuvaine pour la France par l'intercession de Sœur Josépha Menendez

Du 29 avril au 7 mai 2017

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La Servante de Dieu Josepha Menendez

1890-1923

 

Maria Josefa Menendez naît à Madrid le 4 février 1890. Elle est placée par ses parents dans une école où elle apprend le métier de coutûrière. Après de nombreux délais dûs à l'opposition de sa famille, elle entre dans la Société du Sacré-Coeur en 1920, et est admise au noviciat du couvent des Feuillants, à Poitiers. Objet de grâces d'oraison extraordinaires, elle est la dépositaire du message du Sacré Coeur au monde et aux âmes consacrées. En effet, Notre Seigneur lui apparaît chaque jour et lui demande de coucher ses paroles sur le papier puis de les transmettre à son évêque qui devra les communiquer au monde entier. Soeur Josefa meurt à 33 ans, le 29 décembre 1923.

 

Prière pour obtenir des grâces par l'intercession de Sœur Josefa Menendez

 

O Jésus qui ne pouvez résister à la supplication d'une âme qui attend tout de Vous, donnez-nous la foi, la confiance et l'abandon qui touchent votre Cœur, afin que sûrs de Vous, nous puissions obtenir de votre Toute-Puissante Bonté, ce que nous Vous demandons humblement pour votre Gloire et l'accomplissement de votre Règne d'Amour et de Miséricorde. O Jésus, glorifiez votre Cœur en nous accordant la grâce (conversion ou guérison, faveur spirituelle ou temporelle) que nous sollicitons, par l'intercession de votre humble servante Josefa.

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Neuvaine pour la France par l'intercession de Sœur Josépha Menendez

 

« France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »

 

Chers amis,

 

En ces temps troublés, à l'heure où nous allons élire notre futur chef d'Etat, nous vous proposons une neuvaine afin de confier la France au Cœur de Jésus. Au-delà de la politique qui limite souvent nos débats, au-delà des tensions de ces dernières semaines, il s'agit par cette neuvaine de nous abandonner avec confiance à la Providence, abandon qui passe par une vraie conversion du cœur. A nous, par nos efforts quotidiens, nos prières, de supplier le Ciel de sauver la France. Que nos gouvernants soient inspirés en vue du bien commun et du salut des âmes ! Cette neuvaine sera placée sous l’intercession de Sœur Josépha Menendez, mystique morte en 1923 à 33 ans à Poitiers. C’est en France que le Cœur de Jésus fait d'elle sa confidente et sa messagère. Par elle, Il renouvelle au monde l'appel d'une Miséricorde et d'un Amour infinis et demande en retour la confiance qui attend tout de Lui. C’est un véritable « Appel à l'amour » que nous adresse le Cœur de Jésus par son intermédiaire. La neuvaine commencera le samedi 29 avril pour s’achever le dimanche 7 mai, jour des élections. En plus de la prière quotidienne, vous trouverez un texte de méditation pour chaque jour tiré des paroles même du Christ confiée à sœur Josépha. Ce texte nous aidera à nous plonger et à nous abandonner dans l’Amour de Dieu.

 

Les 9 thèmes des méditations de cette prière pour la France :

 

  1. Qui suis-Je ?

  2. Appel à l’Amour

  3. Appel au pardon

  4. Les trésors de mon Cœur

  5. Appel à la vie intime avec Jésus

  6. Appel à l’assistance dominicale

  7. Appel à la Foi

  8. Appel à la confiance

  9. La victoire de l’Amour

 

Pour son Amour et pour la France, devenons des saints à l’école de Sœur Josépha Menendez.

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Pourquoi une neuvaine à sœur Josépha ?

 

Ultimes paroles de Sœur Josépha : « Vous prierez pour la France lui demandèrent ses Mères : « Ah ! Mes chères Mères, répondit-elle je crois bien ! C’est la patrie de mon âme ! Elle m’a donné ma vie religieuse ! Ici, j’ai trouvé un petit coin pour vivre et mourir ».

 

Révélation de Notre-Seigneur à Sœur Josépha

 

La France est au cœur de ce message divin peu connu aujourd’hui « … comme Dieu veut régner par l’amour, il demande à ses âmes et principalement à celles de cette nation (en parlant de la France) de réparer, d’abord pour obtenir le pardon mais surtout pour attirer de nouvelles grâces à cette nation qui, je le répète, est la première qui a connu mon Cœur et où cette dévotion s’est répandue ».

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Prière de la Neuvaine pour la France par l'intercession de Sœur Josépha Menendez

à dire chaque jour

 

Ô Jésus qui ne pouvez résister à la supplication de ceux qui attendent tout de Vous, donnez-nous la confiance, la foi et l’abandon qui touchent Votre Cœur afin que sûrs de Vous, nous obtenions de Votre toute puissante bonté la grâce pour la France que nous Vous demandons pour Votre gloire et l’accomplissement de Votre règne d’amour et de miséricorde. Ô Jésus, glorifiez Votre Cœur en nous accordant pour la France la grâce que nous sollicitons par l'intercession de Votre humble servante Josépha. Ô Jésus, à Votre Cœur, nous vous confions notre pays ; regardez, puis faites ce que Votre Cœur Vous dira ; laissez agir Votre Cœur ; Ô Jésus, nous comptons sur Vous, nous nous fions à Vous, nous sommes sûrs de Vous !

 

Premier jour

« Qui suis-je »

 

« Je suis l’Amour ! Mon Cœur ne peut plus contenir la Flamme qui Le dévore. J’aime à tel point les âmes, que J’ai donné ma vie pour elles. Pour leur amour, J’ai voulu rester emprisonné dans le tabernacle. Depuis vingt siècles, Je demeure là, nuit et jour, voilé sous les apparences du pain et caché dans l’Hostie, supportant, par amour, l’oubli, la solitude, les mépris, les blasphèmes, les outrages, les sacrilèges… Pour l’amour des âmes, J’ai voulu leur laisser le Sacrement de Pénitence, afin de leur pardonner, non pas une fois ou deux, mais aussi souvent qu’elles auront besoin de recouvrer la grâce. Là, Je les attends… là, Je désire qu’elles viennent se laver de leurs fautes, non avec de l’eau, mais dans mon propre Sang. Au cours des siècles, J’ai révélé, de différentes manières, mon Amour pour les hommes : Je leur ai montré combien le désir de leur salut Me consume. Je leur ai fait connaître mon Cœur. Cette dévotion a été comme une lumière répandue sur le monde. Elle est aujourd’hui le moyen dont se servent, pour toucher les cœurs, la plupart de ceux qui travaillent à étendre mon Règne ». (Notre-Seigneur à Josefa le 11 juin 1923).

 

Deuxième jour

Appel à l'amour

 

Pour y former sa privilégiée, le doux maître lui rappelait sa divine présence, si l’activité à l’ouvrage la lui faisait un peu oublier. C’est ainsi que dans le feu d’un travail pressé, elle entendit tout à coup la voix bien connue lui demander : « Josefa, que fais-tu ? – Ah ! Seigneur, Vous êtes-là ? » Il reprit : « À quoi penses-tu ? – Mon Jésus, je ne pensais à rien. – Mais tu M’aimes, n’est-il pas vrai ? » (21 février 1920).

Un soir, à la tombée de la nuit, Josefa se perdait dans un long corridor qui n’était pas éclairé ; soudain, une grande lumière parut à l’autre extrémité et elle vit Notre-Seigneur ! Il semblait vouloir la rejoindre ; elle courut à sa rencontre : « D’où viens-tu ? – lui demanda-t-Il. – De fermer les fenêtres. « Où vas-tu ? – Je vais achever de fermer. – Tu ne sais pas répondre ! Je viens de l’amour ! Je vais à l’amour ! Que tu montes ou que tu descendes tu es toujours dans mon Cœur qui est l’abîme de l’amour et Je suis avec toi. » Josefa ne nommera plus ce passage que le « corridor de l’amour ». (23 octobre 1920).

Elle passait ensuite à d’autres travaux et Jésus restait avec elle. Il lui demanda : « Que fais-tu en ce moment ? – Jésus de mon âme, Vous le savez bien ; je Vous le dis, je Vous aime. » Il reprit : « Beaucoup d’âmes croient que l’amour consiste à dire : « Mon Dieu, je Vous aime. Mais non. L’amour est suave et travaille parce qu’il aime, il fait tout en aimant. Je veux que tu M’aimes ainsi avec suavité toujours, en tout ; dans le travail comme dans le repos, dans l’oraison, la consolation, la tristesse ou l’humiliation, aime toujours et montre ton amour par tes actes. Cela, c’est l’amour. Si beaucoup d’âmes le comprenaient, comme elles avanceraient dans la perfection et comme elles consoleraient mon Cœur. » (22 novembre 1920)

 

Troisième jour

Appel au Pardon

 

« Je suis Dieu, mais Dieu d’Amour ! Je suis Père, mais un Père qui aime avec tendresse et non avec sévérité. Mon Cœur est infiniment saint, mais aussi infiniment sage et, connaissant la misère et la fragilité humaines, Il s’incline vers les pauvres pécheurs avec une Miséricorde infinie. J’aime les âmes après qu’elles ont commis leur premier péché, si elles viennent Me demander humblement pardon… Je les aime encore, quand elles ont pleuré leur second péché et, si cela se répète, Je ne dis pas un milliard de fois mais des millions de milliards, Je les aime et leur pardonne toujours, et Je lave, dans le même sang, le dernier comme le premier péché ! Je ne Me lasse pas des âmes et mon Cœur attend sans cesse qu’elles viennent se réfugier en Lui, et cela d’autant plus, qu’elles sont plus misérables ! Un père n’a-t-il pas plus de soin de l’enfant malade que de ceux qui se portent bien ? Pour lui, sa sollicitude et ses délicatesses ne sont-elles pas plus grandes ? Ainsi, mon Cœur répand-Il sur les pécheurs, avec plus de largesse encore que sur les justes, sa Compassion et sa Tendresse. Voilà ce que Je désire expliquer aux âmes : J’enseignerai aux pécheurs que la Miséricorde de mon Cœur est inépuisable ; aux âmes froides et indifférentes, que mon Cœur est un Feu qui veut les embraser, parce qu’Il les aime ; aux âmes pieuses et bonnes, que mon Cœur est le Chemin pour avancer vers la perfection et arriver en sécurité au terme bienheureux. Enfin, aux âmes qui Me sont consacrées, aux prêtres, aux religieux, à mes Âmes choisies et préférées, Je demanderai, une fois de plus, qu’elles Me donnent leur amour et ne doutent pas du Mien, mais surtout qu’elles Me donnent leur confiance et ne doutent pas de ma Miséricorde ! Il est si facile d’attendre tout de mon Cœur. » (Notre-Seigneur à Josefa le 11 juin 1923).

 

Quatrième jour

Les Trésors de Mon Cœur

(le pardon et la miséricorde)

 

« Je ferai connaître que la mesure de mon Amour et de ma Miséricorde envers les âmes tombées n’a pas de limites. Je désire pardonner. Je Me repose en pardonnant. Je suis toujours là, attendant avec amour que les âmes viennent à Moi. Qu’elles ne se découragent pas ! Qu’elles viennent ! Qu’elles se jettent dans mes Bras ! Qu’elles ne craignent rien, Je suis leur Père ». (Notre-Seigneur à Josefa 6 août 1922).

« Mon amour arrive à ce point que, d’un rien, mes âmes peuvent tirer de grands trésors : si dès le matin elles savent s’unir à moi et offrir toute la journée avec l’ardent désir que mon cœur se serve de leurs actions au profit des âmes, et si, moment par moment, heure par heure, elles exécutent leur devoir avec amour, que de trésor elles acquièrent dans cette journée ! Je leur découvrirai de plus en plus mon amour qui est inépuisable et il est si facile à l’âme qui aime de se laisser guider par ce même amour. Aime et souffre, l’amour ne peut se séparer de la souffrance ! Abandonne-toi à l’amour du plus tendre des pères. » (Notre-Seigneur à Josefa le 30 novembre 1922).

« Je veux maintenant quelque chose de plus, car si Je demande l’amour pour répondre à celui qui Me consume, ce n’est pas le seul retour que Je désire des âmes : Je désire qu’elles croient en ma Miséricorde, qu’elles attendent tout de ma Bonté, qu’elles ne doutent jamais de mon Pardon ». (Notre-Seigneur à Josefa le 10 juin 1923).

 

Cinquième jour

Appel à la vie intime

 

« Je le répète encore : ce que Je dis maintenant, ce n’est rien de nouveau. Mais de même que la flamme a besoin d’aliment pour ne pas s’éteindre, de même les âmes ont besoin d’un nouvel élan qui les fasse avancer et d’une nouvelle chaleur qui les ranime. Je veux que l’on sache combien Je désire que mes âmes se raniment et se renouvellent dans cette vie d’union et d’intimité avec Moi. Qu’elles ne se contentent pas de Me parler quand elles sont au pied du tabernacle. Je suis là, présent, c’est vrai, mais Je vis aussi en elles et Je Me complais à ne faire qu’un avec elles. Qu’elles Me parlent de tout !… qu’elles Me consultent en tout !… qu’elles Me demandent tout !… Je vis en elles pour être leur vie. Je demeure en elles pour être leur force… oui, je le répète, qu’elles n’oublient pas que Je me complais à ne faire qu’un avec elles… qu’elles se souviennent que Je suis en elles… et que là, je les vois, Je les entends et Je les aime. Là, J’attends qu’elles correspondent à mon Amour. Il y a beaucoup d’âmes qui, chaque matin, font oraison. Mais n’est-ce pas plutôt une formule qu’une entrevue d’amour ?… Elles entendent ou disent la messe et Me reçoivent dans la communion, mais une fois sorties du saint Lieu, ne se laissent-elles pas absorber par leurs affaires, à tel point qu’elles pensent à peine à M’adresser un mot ?… Je suis dans cette âme comme dans un désert, elle ne Me dit rien, elle ne Me demande rien… Et lorsqu’elle a besoin de consolation, bien souvent elle la demande à une créature qu’elle doit aller chercher, plutôt qu’à Moi, son Créateur, qui suis et qui vis en elle !… N’est-ce pas manque d’union, manque de vie intérieure ou, ce qui revient au même, manque d’amour ?… » (Notre-Seigneur à Josefa le 5 décembre 1923).

 

Sixième jour

Appel à l'assistance à la Messe Dominicale

 

« Ainsi, quand vous avez passé toute une semaine à vos travaux, à vos affaires, à vos délassements aussi… Il vous demande de donner au moins une demi-heure à l’accomplissement de son précepte. Est-ce beaucoup exiger ? Allez donc à sa Maison à Lui. Il vous y attend jour et nuit ; et chaque dimanche ou jour de fête, réservez-Lui cette demi-heure en assistant au mystère d’Amour et de Miséricorde qu’on appelle la Messe. Là, parlez-Lui de tout : de votre famille, de vos enfants, de vos affaires, de vos désirs… Exposez-Lui vos difficultés et vos souffrances… Si vous saviez comme Il vous écoutera et avec quel amour !… Vous Me direz peut-être : « Je ne sais pas assister à la messe ! Il y a si longtemps que je n’ai pas foulé le seuil d’une église ! » Ne vous effrayez pas… Venez et passez seulement cette demi-heure à mes Pieds. Laissez votre conscience vous dire ce que vous devez faire, sans fermer l’oreille à sa voix. Ouvrez votre âme… alors ma Grâce parlera… Elle vous montrera peu à peu comment vous devez agir en chaque circonstance de votre vie, vous comporter avec votre famille ou dans vos affaires… Comment vous devez élever vos enfants, aimer vos inférieurs, respecter vos supérieurs… Elle vous demandera peut-être d’abandonner cette entreprise, de rompre cette amitié mauvaise, de vous éloigner énergiquement de cette réunion dangereuse… Elle vous dira que vous haïssez telle personne sans raison, et que de telle autre que vous fréquentez et aimez, vous devez au contraire fuir les conseils et vous séparer… Essayez seulement et, peu à peu, s’étendra la chaîne de mes grâces. Car il en est du bien comme du mal, il suffit de commencer. Les anneaux de la chaîne s’appellent les uns les autres. Si, aujourd’hui, vous écoutez ma Grâce et si vous la laissez agir en vous, demain vous l’entendrez mieux, plus tard mieux encore et ainsi, de jour en jour, la lumière viendra, la paix grandira et votre bonheur sera éternel ! (Notre-Seigneur à Josefa le 19 juin 1923).

 

Septième jour

Appel à la Foi

 

« Jeunesse, richesse, sagesse, gloire humaine, tout cela n’est rien… tout cela passe et finit, Dieu est le Seul qui subsiste pour l’éternité ! Si le monde et la société sont remplis de haines et en luttes continuelles, peuples contre peuples, nations contre nations, et individus contre individus, c’est que le grand fondement de la foi a presque entièrement disparu. Que la foi se ranime, et la paix reviendra et la charité régnera ! La foi ne nuit pas à la civilisation et ne s’oppose pas au progrès. Au contraire, plus elle est enracinée dans les individus et dans les peuples, plus grandissent en eux la sagesse et la science, car Dieu est Sagesse et Science infinies. Mais là où la foi n’est plus, la paix disparaît et, avec elle, la civilisation, la culture, le vrai progrès… car Dieu n’est pas dans la guerre… Il n’y a plus alors que division des opinions entre elles, soulèvement des classes les unes contre les autres et, dans l’homme lui – même, rébellion des passions contre le devoir. Alors disparaît tout ce qui fait la noblesse de l’homme : c’est la révolte, l’insubordination, la guerre ! Ah ! laissez-vous convaincre par la foi et vous serez grands. Laissez-vous dominer par la foi et vous serez libres ! Vivez selon la foi et vous ne mourrez pas éternellement ! » (Notre-Seigneur à Josefa le 19 juin 1923).

 

Huitième jour

Appel à la confiance

 

« De même, quand les âmes (les hommes) prient pour elles ou pour d’autres : si elles hésitent, si elles doutent de Moi, elles n’honorent pas mon Cœur, tandis qu’elles Le glorifient quand elles attendent avec sécurité ce qu’elles Me demandent, sachant bien que Je ne puis leur refuser que ce qui ne convient pas au bien de leur âme. Quand le Centurion vint Me supplier de guérir son serviteur, il Me dit avec une grande humilité : « Je ne suis pas digne que Vous entriez dans ma maison… » Mais plein de foi et de confiance, il ajouta : « Cependant, Seigneur, dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » Cet homme connaissait mon Cœur. Il savait que Je ne puis résister à la supplication d’une âme qui attend tout de Moi… Cet homme M’a grandement glorifié, car à l’humilité il a joint la ferme et entière confiance… Oui, cet homme connaissait mon Cœur. Et pourtant Je ne m’étais pas manifesté à lui comme Je me manifeste à mes Âmes choisies. C’est par la confiance qu’elles obtiendront d’innombrables grâces, non seulement pour elles, mais aussi pour les autres, et c’est ce que Je veux qu’elles comprennent à fond, car Je désire qu’elles révèlent les traits de mon Cœur aux pauvres âmes qui ne Me connaissent pas. » (Notre-Seigneur à Josefa le 5 décembre 1923).

 

Neuvième jour

La victoire de l'Amour et la diffusion du Message

 

« Je veux pardonner. Je veux régner. Je veux pardonner aux âmes et aux nations. Je veux régner sur les âmes, sur les nations et sur le monde entier. Je veux répandre ma Paix jusqu’aux extrémités du monde, mais, d’une manière spéciale, sur la France, cette terre bénie, berceau de la dévotion à mon Cœur. Oui, je veux être sa Paix, sa Vie, son Roi ! Je suis la Sagesse et le Bonheur, Je suis l’Amour et la Miséricorde, Je suis la Paix. Je régnerai ! Pour régner, Je commencerai par faire Miséricorde, car mon Règne est de Paix et d’Amour : Voilà la fin que Je veux réaliser, voilà mon Œuvre d’Amour ! » (Notre-Seigneur à Josefa le 12 juin 1923).

« Aucune de mes Paroles ne se perdra. Rien de ce que Je te dis ne s’effacera jamais », même si le démon « nourrit mille projets pour faire disparaître mes Paroles… il n’y réussira pas… » Je veux que mon Amour soit le soleil qui éclaire et la chaleur qui échauffe les âmes. C’est pourquoi Je désire que l’on fasse connaître mes Paroles… Toutes seront imprimées, lues et prêchées, et Je leur donnerai une grâce spéciale afin qu’elles éclairent et transforment les âmes. Ne sais-tu pas ce qui arrive lorsqu’un volcan s’ouvre ? La puissance de feu est si grande qu’elle est capable d’arracher les montagnes et de les détruire, et l’on connaît qu’une force irrésistible a passé par là. Ainsi, mes Paroles auront une telle force et ma Grâce les accompagnera de telle manière, que les âmes les plus obstinées seront vaincues par l’Amour. » (Notre-Seigneur à Josefa le 6 août 1922).

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Pour approfondir

 

Livre un « Un Appel à l’Amour » qui retranscrit le message du Cœur de Jésus pour chacune de nos âmes. Vous pouvez le lire en ligne (format pdf) en cliquant ici

Pour se le procurer, se mettre en contact avec les

Oeuvres du Sacré-Cœur de Poitiers

1 voie Malraux

86000 Poitiers

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Documentaire

"Josefa Menendez, un appel à l'Amour"

 

Portrait de soeur Josepha Menendez, religieuse du Sacré-Coeur, née le 4 février 1890. Après une enfance et une jeunesse particulièrement ferventes, elle entre au Noviciat de la Société du Sacré-Coeur, à Poitiers, le 4 février 1905. Elle est alors très rapidement l'objet de révélations divines : faire connaître au monde (Un reportage de 52 mn).

 

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29 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Ouverture du Mois de Marie

Le culte de la Très Sainte Vierge

« Toutes les générations me proclameront Bienheureuse ». (St Luc,1, 48).

 

J’imagine que si l’un de ces docteurs orgueilleux et suffisants, qui devaient plus tard traîner Jésus Christ au Calvaire, avait entendu ce cri, poussé par une jeune fille de quinze ans, fiancée d’un pauvre charpentier de village, il eut haussé dédaigneusement les épaules et se fut éloigné en esquisse… un sourire de pitié. Pourtant c’était une prophétie, et, pour prouver son accomplissement, il suffit de montrer l’univers catholique pressé au pied des autels dédiés il cette humble femme ; il suffit de prêter l’oreille aux discours et aux chants qui vont, durant ces quatre semaines, redire il tous les échos de la chrétienté ses incomparables grandeurs.

Ce verset du Magnificat appellerait un commentaire, le seul qui lui convienne, l’histoire du culte de la Très Sainte Vierge. Vous m’excuserez de ne point l’entreprendre ; ni le temps dont je dispose ici, ni mes forces ne me le permettent ; il y faudrait plus que la vie d’un homme. Je voudrais cependant apporter une pierre - fut-elle des plus modestes - à ce splendide monument, en étudiant avec vous le culte de Marie dans le diocèse de Nantes. Ce sera le sujet de nos entretiens durant ce mois. En guise d’introduction, disons deux. mots ce soir sur la légitimité du culte de Marie, et sur les avantages de ce que j’appellerai le culte local de Très Sainte Vierge.

Les théologiens, après avoir étudié il fond le mystère de l'Incarnation, et avoir exposé la vie de l’Homme Dieu, ne manquent pas d‘ajouter que la connaissance du Fils sans celle de la Mère serait imparfaite, et que le traité du Verbe incarné doit être suivi de celui de la Trés Sainte-Vierge. D’ailleurs, disent-ils encore, il n'est pas possible de séparer deux êtres si étroitement unis ; il n’est pas possible, quand on parle si longuement du Christ, de garder le silence sur sa divine Mère. C’est ce que le cardinal Mermillod exprimait ainsi familièrement : « La Sainte-Vierge est-elle donc de trop quand on parle de Jésus ? »

Ce que les théologiens disent de l’étude nécessairement simultanée de Jésus et de Marie, il me semble que je puis bien le dire de leur culte. Le culte du Fils, sans le culte de la Mère, serait incomplet; pour honorer pleinement Jésus, il faut honorer Marie. Le culte de la Très Sainte Vierge est, en effet, une conséquence nécessaire et comme le prolongement du culte de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Pourquoi honorons-nous Notre Seigneur Jésus Christ ? Parce qu’il est Dieu. Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu, dit Saint Jean, et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. Avec les apôtres, dont l’antique symbole résume notre foi Catholique ; avec tous les siècles chrétiens, héritiers et gardiens de leur doctrine, nous croyons que Jésus-Christ est Dieu, et nous tombons a genoux devant lui, disant comme Saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Eh bien ! Marie est la mère de Jésus, Marie est la mère de Dieu. Marie est mère de Dieu ! Ce sont encore tous les siècles chrétiens qui le proclament; c’est l’Eglise qui le définit aux applaudissements des peuples ; que dis-je ? C’est le ciel qui l’annonce il la terre. C’est sainte Elisabeth qui s’écrie, dans un élan inspiré : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Dieu daigne me visiter ? » C’est l’Archange Gabriel qui dit a la Vierge de la part de Dieu : « Celui qui naîtra de vous sera saint et on l’appellera le Fils du Très Haut : il régnera éternellement sur la maison de Jacob ».

Marie est mère de Dieu ! Savez-vous la conséquence ? La Vierge elle-même va vous la dire. Au seuil de la maison d’Elisabeth, elle entend le cri inspiré de sa cousine : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Dieu daigne me visiter ? ». Alors, dans une sublime extase, elle-même entrevoit l’avenir et à son tour elle s’écrie : « Voici que toutes les générations une proclameront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses ». Ces grandes choses accomplies en Marie par la toute puissance de Dieu, c’est la maternité divine, et, a cause de cela en effet, toutes les générations ont proclamé la Vierge bienheureuse ; et à cause de cela toutes les générations se sont prosternées respectueusement devant elle.

N’est-ce pas légitime ? N’est-ce pas nécessaire ? Eh quoi ! La mère d’un prince est exaltée au-dessus de toutes les autres femmes, et la mère de Dieu n’aurait pas droit a plus de respect et d’amour ? Non, non, cela n’est pas possible ; c’est le contraire qui doit être, c’est le contraire qui est. « Je vous salue, disaient Elisabeth et Gabriel, parce que vous êtes bénie au-dessus de toutes les femmes ». Et nous répétons après eux : « Je vous salue, Marie, je vous honore au-dessus de toutes les femmes, au-dessus de tous les saints, au-dessus de tous les anges, parce que vous êtes plus grande qu’eux tous ; parce que vous approchez de plus près le Maître du ciel et de la terre ; parce que vous êtes l’alliée, l’associée, que dis-je ? la mère de Dieu !

Pourquoi honorons-nous Notre Seigneur Jésus-Christ ? Nous l’honorons, non pas seulement parce qu’il est Dieu, mais aussi parce qu’il est homme. Vous connaissez la belle et profonde doctrine de l’lncarnation. Le péché, qui s’attaquait à Dieu, était, d’une certaine manière, infini. Donc, pour apaiser Dieu, pour expierle péché, il fallait une satisfaction infinie. Dieu seul est infini, Dieu seul est capable d’accomplir des actions infinies ; d’un autre côté, l’homme seul est capable de satisfaire et d’expier, parce que seul il est capable de souffrir. La conséquence, c’est que, pour offrir la satisfaction convenable, il fallait un Homme-Dieu. Saint Jean nous donne la solution du problème : « Et le Verbe s’est fait chair ». Le Fils de Dieu a pris notre nature humaine, a revêtu notre chair mortelle, et il a pu souffrir, mourir, apaiser Dieu, expier le péché, racheter le monde, rouvrir a l’homme coupable les portes éternelles. Vous savez ces choses, mes Frères, et tant d’amour vous confond et vous tombez aux genoux de l’Homme Dieu pour le bénir et pour l’adorer.

Mais comment le Verbe de Dieu s’est-il fait Homme ? N’est-ce pas en s’incarnant dans le sein de Marie ? Mais de qui le Verbe de Dieu tient-il cette chair, grâce a laquelle il a pu souffrir et mourir ? N’est-ce pas de sa Mère ? Écoutez, c’est Saint Augustin qui parle : « La chair du Christ est la chair de Marie, et bien qu’elle soit actuellement transfigurée par la gloire de la résurrection, elle reste la même, c’est toujours la chair qu’il a reçue de Marie ». C’est donc à Marie que nous devons ce petit enfant qui vagit à Bethléem, sur la paille d’une crèche ; c’est à Marie que nous devons ce divin ouvrier qui nous donne, il Nazareth, le fécond exemple du labeur humble et méritoire ; c’est à Marie que nous devons cet infatigable prêcheur qui, pendant trois années, parcourt la Palestine, en semant sa parole et ses miracles ; c’est à Marie que nous devons cette sainte et innocente victime qui gravit péniblement le Calvaire, et, pour nos péchés, expire sur la croix ; c’est à Marie que nous devons cette même victime perpétuellement immolée sur l’autel, perpétuellement donnée en nourriture à nos âmes, perpétuellement présente dans nos tabernacles ; c’est à Marie, en un mot, que nous devons, après Dieu, la rédemption du monde. N’est-ce pas ce qui justifie le beau titre de corédemptrice, qui lui a été décerné par les Pères ? N’est-ce pas ce qui justifie en même temps le culte que nous lui rendons ?

C’est pour cela que l’Eglise, appuyée sur l’exemple de l’archange Gabriel et de sainte Elisabeth, a, depuis dix-neuf siècles, prosterné ses fidèles au pied des autels de la Vierge et multiplié les fêtes en son honneur. C’est pour cela que toutes les générations chrétiennes, fières de pouvoir se dire les enfants de Marie, se sont ingéniées en mille façons à lui manifester leur amour. Je le répète, il nous serait impossible de passer en revue devant vous tous les pays et tous les siècles chrétiens, et de vous montrer, même en raccourci, ce qu’ils ont fait pour célébrer leur Mère; nous allons nous borner au culte local, c’est-à-dire, rechercher les honneurs rendus à Marie dans ce coin de terre catholique qui s’appelle le Diocèse de Nantes.

Je ne sais si je me trompe, séduit par mon amour passionné des vieilles choses et des vieux souvenirs de mon pays : il me semble que cette étude historique et religieuse n’est pas seulement curieuse, et qu’elle peut nous être également utile. C’est un moyen, et le meilleur peut-être, de dire la gloire de Marie sur la terre. En voyant comment elle a été honorée et aimée sur un point quelconque de la catholicité, en étudiant les détails de son culte dans un territoire restreint, ce qu’il serait impossible de faire pour des contrées plus vastes, on devine aisément quels honneurs elle a reçus dans l’univers Catholique, car ce qui s‘est fait chez nous s’est aussi fait ailleurs.

C’est un moyen, et l’un des plus doux à notre piété, de dire la gloire de notre petite patrie. Nous sommes fiers de notre foi bretonne, nous exaltons, quelquefois plus que de raison, ce vaste et beau diocèse de Nantes : son amour pour Marie, le soin qu’il a pris de l’honorer, les termes spéciales et multiples dont il s’est servi pour lui témoigner son filial attachement, tout cela est une preuve de notre foi, tout cela nous met en beau rang parmi les Eglises de France et du monde.

Mais ce qui importe davantage, c’est qu’une telle étude est de nature à fortifier notre foi et notre piété. Rien, pour obtenir ce résultat, comme la fidélité aux traditions religieuses d’un pays, la persévérance dans les pratiques pieuses des ancêtres. Les dévotions nouvelles sont bonnes assurément et nous pouvons les adopter quand elles ont été approuvées par l’Eglise. C’est dans l’ordre. Le progrès existe dans la piété comme en toutes choses. Je l’ai dit, les fêtes instituées dans la suite des âges, les pratiques diverses par lesquelles la piété des peuples a voulu honorer Marie sont une de ses gloires. Si l’on a pu les multiplier dans le passé, il est évident qu’on peut les multiplier dans le présent. Mais il y a un écueil : la tendance à embrasser toutes les nouveautés, d’où qu’elles viennent. C’est un signe d’inconstance et qui indique souvent plus de curiosité, d’humeur fantasque, de passion pour le changement et la mode que de fermeté dans la foi, de vivacité dans l’amour, de sérieux dans la piété. Peut être la piété contemporaine n’a-t-elle pas su se prémunir assez contre ce péril, et, en passant ainsi d’une dévotion à une autre, en accueillant, avec transport toute pratique nouvelle et surtout étrangère, a-t-elle montré qu’elle était plus superficielle que profonde. La fidélité aux dévotions anciennes, aux pratiques chères à nos pères, aux sanctuaires qu’ils ont aimés, est un indice de foi plus profonde et de piété plus sûre. Ces dévotions ont leurs racines dans le passé et nous rattachent à lui: la_ fidélité aux pratiques de nos pères entretient et fortifie la fidélité à leur foi.

N’ai-je pas le droit d’ajouter que ces dévotions locales, manifestations le plus souvent spontanées d’amour à Marie, convenaient au tempérament, aux habitudes, aux sentiments, aux mœurs de nos ancêtres ; que toutes ces choses qui constituent le caractère particulier d’une population, d’une province, ne se sont pas tellement modifiées qu’on ne puisse les retrouver chez nous, et que, par conséquent, ce qui plaisait à leur piété doit aussi plaire à la nôtre ? N’ai-je pas enfin le devoir de remarquer qu’un très grand nombre de ces pratiques, de ces dévotions, de ces pèlerinages, nés d’un cri d’angoisse ou d’un hommage de la reconnaissance, inspirés miraculeusement par Marie ou du moins approuvés par elle, sont une dette que nous n’avons pas le droit de protester, en même temps qu’un glorieux héritage dont nous avons le devoir d’être fiers ?

Venez donc, mes Frères, durant tout ce mois, étudier avec nous le culte de Marie au diocèse de Nantes. Sans doute nous ne dirons pas tout, nous ne citerons pas les quatre-vingt dix vocables sous lesquels on l’honorait dans notre pays ; nous n’énumérerons pas les quatre-vingt trois chapelles consacrées à son nom sur le territoire diocésain; nous ne calculerons pas le nombre des statues, ni même des autels qui lui furent dressés par la piété de nos pères ; nous ne cataloguerons pas toutes les congrégations et les confréries qui lui furent érigées ; nous ne signalerons pas toutes les processions qui se déroulaient en son honneur, chaque année, chaque mois, presque chaque semaine, dans les rues de nos villages et de nos villes ; nous ne mentionnerons pas tous ces curieux saluts de la Très Sainte-Vierge, dont le nom, sinon tout a fait la pratique, a disparu chez nous ; enfin nous ne dénombrerons pas les pèlerins qui ont tracé, à travers nos forêts et nos landes, les sentiers menant à nos sanctuaires locaux, pas plus d’ailleurs que ceux qui s’en vont aujourd’hui, emportés parla vapeur, à la Salette, à Pontmain et à Lourdes. J’espère toutefois que nous en dirons assez pour prouver que Nantes a toujours aimé Marie et que Marie le lui a bien rendu ; assez par conséquent pour vous déterminer à l’aimer toujours, et vous convaincre que toujours elle saura vous le rendre.

 

P7270017a

 

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