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23 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Vingt-quatrième jour

La presse de France et de l'étranger, polémique, le Chef de l'État, Jean-Marie Tambourné

 

I. L'Ordonnance de l'Évêque constituant une Commission d'examen, et l'Analyse de M. Filhol enlevaient à M. le baron Pardoux, à M. Gustave R. et à M. Dominique tout prétexte de continuer la violence, tout prétexte de maintenir autour de la Grotte des prohibitions rigoureuses, des barrières et des Gardes. Pour justifier l'interdiction du terrain communal, on avait dit : « Considérant qu'il importe, dans l'intérêt de la Religion, de mettre nun terme aux scènes regrettables qui se passent à la Grotte de Massabielle... » Or, en déclarant les choses assez graves pour intervenir, et en prenant en main l'examen de tous ce qui importait « à l'intérêt de la Religion », l'Evêque désarmait le pouvoir civil de ce motif si hautement invoqué. Pour justifier l'interdiction d'aller boire à la Source jaillie sous les mains de Bernadette en extase, on avait dit : « Considérant que le devoir du Maire est de veiller à la santé publique ; considérant qu'il y a de sérieuses raisons de croire que cette eau contient des principes minéraux, et qu'il est prudent, avant d'en permettre l'usage, d'attendre qu'une analyse scientifique fasse connaître les applications qui en pourraient être faites par la Médecine... » Or, en déclarant que l'eau n'avait aucun principe minéral et en établissant qu'elle pouvait être bue sans inconvénient, M. Filhol anéantissait, au nom de la Science et de la Médecine, cette prétendue raison de la « santé publique ».

Donc le Pouvoir civil n'avait qu'à lever toutes ses défenses, toutes ces prohibitions, toutes ses barrières : il n'avait qu'à laisser les peuples absolument libres de boire à cette Source, dont la parfaite innocuité était proclamée par la Science ; il n'avait qu'à reconnaître leur droit d'aller s'agenouiller au pied de ces Roches mystérieuses, où désormais l'Eglise veillait. Il n'en fut pas ainsi. A cette solution, si clairement indiquée par la logique et par la conscience, il y avait un obstacle puissant : l'orgueil. L'orgueil régnait du bas en hait de l'échelle, depuis Dominique et Vital jusqu'au Ministre, en passant par le baron Pardoux et par toute la secte philosophante. Il leur semblait dur de reculer et de rendre les armes. L'orgueil ne se soumet jamais. Il aime mieux se camper audacieux dans l'illogique, que de s'incliner devant l'autorité de la raison. Furieux, hors de lui-même, absurde, il se dresse contre l'évidence. Il résiste, il refuse de plier, il se raidit, jusqu'à ce que tout à coup la force survienne et le brise violemment, non sans dédain.

II. Il restait aux ennemis officiels de la Supersition une dernière arme à employer, une suprême lutte à essayer. Si la bataille semblait définitivement perdue dans les Pyrénées, peut-être pouvait-on reconquérir la position à Paris, et s'emparer, en France et en Europe, de l'opinion publique, avant que le peuple cosmopolite des touristes et des baigneurs, en retournant dans ses foyers, eût répandu partout ses impressions fâcheuses et ses sévères jugements. On le tenta. Une campagne formidable fût organisée par la presse irréligieuse de Paris, de la province et de l'étranger, contre les événements de Lourdes et l'ordonnance de l'Evêque. Pendant que les généraux de la Libre Pensée livraient sur ce vaste terrain le combat décisif, le Préfet des Hautes Pyrénées, comme Kellermann à Valmy, eut pour consigne de maintenir, quoi qu'il advint, sa ligne d'opération, de ne pas reculer d'une semelle et de ne capituler à aucun prix devant l'ennemi. On connaissait l'intrépidité du baron Pardoux et on n'ignorait point que les arguments, ni la raison, ni les considérations morales, ni le spectacle des Miracles les plus éclatants ne triompheraient de sa fermeté invincible. Il tiendrait bon sur son terrain effondré.

L'absurde était bien défendu. Le Journal des Débats, le Siècle, la Presse, l'Indépendance Belge et plusieurs feuilles étrangères donnèrent à la fois et attaquèrent avec violence. Les plus petits journaux des plus petits pays tinrent à l'honneur de figurer dans cette levée de bouclier contre le Surnaturel. Les uns, comme la Presse ou le Siècle, attaquaient le Miracle en principe, déclarant qu'il avait fait son temps, qu'on ne discutait pas avec lui, et que, dans une question déjà jugée a priori par les lumières de la philosophie, examiner n'était pas de la dignité du Libre examen. D'autres journaux s'employaient vaillamment à défigurer les faits. En même temps qu'il attaquait le Miracle en principe, le Siècle, malgré l'évidence des choses et l'énorme jaillissement d'une Source de cent et quelques mille litres d'eau par jour, en était encore, en sa qualité de journal avancé, à la thèse arriérée de l'hallucination et du suintement. « Il nous semble difficile, disait-il doctoralement, que d'une hallucination, vraie ou fausse, d'une fillette de quatorze ans et d'un suintement d'eau pure dans une grotte, on parvienne à faire un miracle ». Quant aux guérisons miraculeuses, on s'en débarrassait d'un seul mot : « Les hydropathes aussi prétendent faire les cures les plus brillantes avec l'eau pure, mais il n'ont pas encore crié sur les toits qu'ils font des miracles ».

En dehors des événements eux-mêmes et du Miracle, le centre d'attaque était l'ordonnance de l'Evêque de Tarbes. La philosophie, au nom de l'infaillibilité de ses dogmes, s'indignait contre l'examen, contre l'étude scientifique, contre l'expérience. « Il n'y a pas lieu à une enquête quand il s'agit de miracle. Examiner les faits surnaturels, ce serait les admettre comme possibles et renier par là même ses propres principes. En de telles matières, les preuves et les témoignages ne sont rien. On ne discute pas avec l'impossible, on hausse les épaules et tout est dit ». Tel était le thème sur lequel roulait, en mille variations diverses, la polémique ardente et irritée de la presse irréligieuse. Vainement, elle s'obstinait à nier ou à dénaturer, elle avait peur de l'examen, devinant, avec un instinct très sûr que la défaite l'y attendait. Dans cette lutte désespérée contre l'évidence des faits et les droits de la raison, quelques uns invitaient le Gouvernement à empêcher cette enquête au nom de l'ordre public. Dans les départements, les journaux se faisaient l'écho des feuilles parisiennes. La bataille se livrait partout et par tous. A Tarbes, l'Ere Impériale, inspirée par le Préfet, bourrait son escopette des arguments venus de Paris, et tirait à bout portant, tous les deux jours, contre le Surnaturel. Le Petit Lavedan, lui-même avait retrouvé quelques brins de poudre, fortement mouillés, il est vrai, par l'eau de la Grotte, et il s'efforçait, aidé, disait-on, par Dominique, de diriger contre le Miracle son pistolet hebdomadaire qui ratait tous les sept jours.

III. L'univers, l'Union, la plupart des journaux Catholiques soutinrent vaillamment le choc universel. De puissants talents se mirent au service de la Vérité, plus puissante encore. La presse chrétienne rétablit la réalité de l'histoire et dissipa les misérables arguties du fanatisme philosophique. « Devant les faits inexpliqués auxquels la Foi ou la crédulité de la multitude attribue un caractère surnaturel, l'Autorité civile, disait M. Louis Veuillot, a tranché, sans information, mais aussi sans succès, par la négative. L'Autorité spirituelle intervient à son tour ; c'est son droit et son devoir. Avant de juger, elle informe. Elle institue une Commission, une sorte de tribunal d'enquête pour rechercher les faits, pour les étudier, pour en déterminer le caractère. S'ils sont vrais, et s'ils ont un caractère surnaturel, la Commission le dira. S'ils sont faux, ou s'ils n'ont qu'un caractère naturel, elle le dira de même. Que peuvent désirer de plus nos adversaires ? Veulent-ils que l'Evêque s'abstienne, au risque de méconnaître une grâce que Dieu daignerait accorder à son Diocèse ou, dans le second cas, de laisser s'enraciner une superstition ? Quant à empêcher la Commission épiscopale de fonctionner, nous doutons qu'il y ait des lois qui donnent ce pouvoir à l'Etat ; et, s'il y en a, la sagesse de l'Etat devrait s'abstenir d'en user. D'une part, rien ne saurait davantage favoriser la Superstition. Sans l'enquête épiscopale, la crédulité populaire s'égarerait comme elle le voudrait, car il n'y a pas de loi qui puisse obliger l'Evêque à prononcer sur un fait qu'il n'a pu connaître et qu'on lui interdit même de connaître... Les ennemis de la Superstition n'ont qu'une chose à faire, c'est d'instituer eux-mêmes une Commision, de faire une contre-enquête et de publier le résultat, dans le cas bien entendu où l'enquête épiscopale conclurait au miracle. Car si elle conclut que les faits sont faux, ou qu'il y a illusion, tout sera dit ». Avec une réserve véritablement admirable au milieu de l'animation des esprits, la presse Catholique se refusa à se prononcer sur le fond même des événements. Elle ne voulut prématurer en rien l'avis de la Comission épiscopale. Elle se borna à redresser les calomnies, les fables grossières, les sophismes, à maintenir la grande thèse historique du Surnaturel, et à revendiquer, au nom de la raison, les droits de l'examen et la liberté de la lumière. « Le fait de Lourdes, disait l'Univers, n'est encore ni vérifié ni caractérisé. Il peut y avoir là un Miracle, il peut n'y avoir qu'une illusion. C'est la décision de l'Evêque qui tranchera le débat ».

IV. On le voit, dans la vaste polémique qui s'agitait sur cette illustre question des Miracles au sujet des événements de Lourdes, les deux camps étaient absolument tranchés. D'un côté les catholiques faisaient appel à un loyal examen ; de l'autre les pseudo-philosophes tremblaient devant la lumière. Les premiers disaient: « Qu'on ouvre une enquête », les seconds s'écriaient: « Qu'on coupe court à tout débat ». Ceux-là avaient pour devise la liberté de conscience; ceux-ci conjuraient César d'opprimer violemment ce mouvement religieux et de l'étouffer, non par la puissance des arguments, mais par la brutalité de la force. Tout esprit impartial, placé par. ses idées ou par sa position en dehors de la mêlée, ne pouvait s'empêcher de voir avec la dernière évidence que la justice, la vérité, Ja raison étaient du côté des catholiques. Il suffisait pour cela de ne pas être aveuglé par la fureur de la lutte ou par un parti pris absolu. Bien que, dans la personne d'un Commissaire, d'un Préfet et d'un Ministre, l'Administration eût malheureusement pris en cette grave affaire un rôle des plus passionnés, il existait un homme puissant qui n'avait agi en rien et qui se trouvait, quelles que fussent ses idées religieuses, philosophiques et politiques, dans les conditions d'une parfaite impartialité. Que le Surnaturel se fût manifesté ou non aux portes de Lourdes, cela était indifférent aux plans de sa pensée et à la marche de ses affaires. Ni son ambition, ni son amour-propre, ni ses doctrines, ni ses antécédents n'étaient engagés en cette question. Quelle est l'intelligence qui, dans de telles conditions, ne soit équitable et ne donne raison à la justice et à la vérité? On ne viole la Justice et on n'outrage la Vérité que lorsqu'on croit utile de les fouler aux pieds, en vue de quelque puissant intérêt de fortune, d'ambition ou d'orgueil. L'homme dont nous parlons s'appelait Napoléon III et était, d'aventure, Empereur des Français. Impassible, suivant sa coutume , muet comme les sphinx de granit qui veillent aux portes de Thèbes, il suivait la polémique, regardant osciller la bataille et attendant que la conscience publique lui dictât, pour ainsi dire, sa décision.

V. Pendant que Dieu livrait ainsi son œuvre aux disputes humaines, il ne cessait d'accorder des grâces visibles aux âmes humbles et croyantes qui venaient à la Source miraculeuse implorer la souveraine puissance de la Vierge-Mère. Un enfant de Saint-Justin, dans le département du Gers, Jean-Marie Tambourné, était .depuis quelques mois absolument infirme de la jambe droite. Il y ressentait des douleurs tellement aiguës qu'elles avaient tordu les membres violemment et que le pied, complètement tourné en dehors par ces crises de souffrance, en était venu à former un angle droit avec l'autre pied. La santé générale avait été promptement altérée et désorganisée par cet état de douleur continuelle qui enlevait à l'enfant le sommeil comme l'appétit. Jean-Marie dépérissait. Ses parents, qui étaient dans une certaine aisance, avaient épuisé pour le guérir tous les traitements indiqués par les médecins du pays. Rien n'avait pu Vaincre ce mal invétéré. On avait eu recours aux eaux de Blousson et à des bains médicinaux. Tout avait à peu près échoué. Les très-légères améliorations momentanées aboutissaient constamment à des rechutes désastreuses. Les parents en étaient venus à perdre toute confiance dans les moyens scientifiques. Dégoûtés de la médecine, ils tournèrent leurs espérances vers la mère de miséricorde qui, disait-on, était apparue aux Roches Massabielle. Le 23 septembre 1858, la femme Tambourné conduisit Jean-Marie à Lourdes par la voiture publique. La distance était longue. Elle est d'environ 50 kilomètres.

Arrivée à la ville, la mère, portant dans ses bras son malheureux fils, se rendit à la Grotte. Elle le baigna dans l'eau miraculeuse, priant avec ferveur Celle qui a voulu être nommée dans le Rosaire la « Santé des Infirmes ». L'enfant était tombé dans une sorte d'état extatique. Ses yeux étaient grands ouverts, sa bouche demi-béante. Il semblait contempler quelque spectacle inconnu. « Qu'as-tu? » lui dit sa mère. « Je vois le bon Dieu et la Sainte Vierge », répondit-il. La pauvre femme, à ces mots, éprouva une commotion profonde en l'intime de son cœur. Une sueur étrange mouilla son visage. L'enfant était revenu à lui. « Mère, s'écria-t-il, mon mal est parti. Je ne souffre plus. Je puis marcher. Je me sens fort comme autrefois ». Jean-Marie disait vrai: Jean-Marie était guéri. Il rentra à pied à Lourdes. Il y mangea, il y dormit. En même temps que la douleur et l'infirmité s'en étaient allées, l'appétit et le sommeil étaient revenus. Le lendemain la femme Tambourné retourna baigner encore son fils à la Grotte et y fit célébrer dans l'église de Lourdes une messe d'actions de grâces. Puis ils repartirent tous deux, non plus en voiture, mais à pied. Lorsque, après avoir couché en route, ils arrivèrent à Saint-Justin, l'enfant aperçut son père qui se tenait sur la route, regardant sans doute si quelque voiture ne lui ramenait pas les pèlerins. Jean-Marie, le reconnaissant de loin, quitta la main de sa mère et se mit à courir. Le père, à ce spectacle, manqua défaillir. Mais son enfant bien-aimé était déjà dans ses bras. « Père! s'écriait-t-il, la sainte Vierge m'a guéri ». Le bruit de cet événement se répandit bien vite dans le bourg où tout le monde connaissait Jean-Marie. De tous côtés on accourait pour le voir. Ces guérisons et beaucoup d'autres continuaient d'attester, d'une façon irrécusable, l'intervention directe de Dieu. Dieu manifestait sa puissance en rendant la santé aux malades, et il était évident que, s'il avait permis la persécution, cela était nécessaire à la conduite de ses desseins. Il dépendait de Lui de la faire cesser, et, pour cela, d'incliner comme il lui plaisait la volonté des grands ce la terre.

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Prière pour la presse

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, vous avez livré votre œuvre aux disputes humaines et vous avez voulu qu'elle sortit triomphante des attaques furieuses de cette puissance, redoutable entre toutes qu'on appelle la Presse et qui, depuis qu'elle existe, a égaré tant de consciences et accumulé tant de ruines. Qu'elles sont sages, ô Marie, les prescriptions, aujourd'hui si méconnues, de l'Église notre Mère, qui refusent très-justement au mensonge, à l'immoralité, à l'irréligion, le droit d'employer la Presse pour tromper et corrompre les peuples, comme on refuse aux scélérats le droit de prendre les armes, de se réunir en bandes et d'attaquer la société. La Presse ne devrait être qu'un instrument admirable pour la propagation du bien, de la justice, de la vérité parmi les hommes; et voilà que, par la faiblesse insensée ou parla complicité coupable des pouvoirs publics, elle s'est retournée contre son but véritable et semble avoir pris pour mission monstrueuse de répandre dans tout l'univers l'impiété de l'esprit, la dépravation des mœurs, l'iniquité des consciences, l'erreur, la haine, les révolutions, la mort. Très Sainte Vierge Marie, dont les lèvres infiniment pures, loin de profaner le don de Dieu, ne se sont jamais ouvertes que pour la prière, pour la charité, pour les louanges du Seigneur et l'édification des hommes, Très-Sainte Vierge Marie, considérez les multitudes envahies par ce déluge, et venez à notre secours! Envoyez vos plus puissantes bénédictions aux écrivains qui servent Dieu, qui servent l'Église, qui servent les hommes, qui défendent le vrai contre le faux, le beau contre le laid, le bien contre le mal, et qui essayent d'opposer quelque digue aux flots mortels qui envahissent la terre. Donnez-leur le don de convaincre, de persuader, de convertir. Que dans la grande mêlée des esprits, l'Archange saint Michel les inspire, les soutienne, combatte avec eux, afin que, comme lui et avec lui, ils mettent enfin en déroute l'armée de Satan et de ses anges, et que, sur la terre transfigurée, comme dans les profondeurs du Ciel, on n'entende plus qu'un seul cri, que la Presse regénérée fera retentir à tous les coins du monde: « Qui est comme Dieu? Vive le Seigneur! » Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit il.

 

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22 mai 2012

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes 7/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Dix-huitième apparition

23 février 1858

22 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Vingt-troisième jour

La saison des eaux, le public européen, dernière Apparition, visiteurs illustres, ordonnance de l'Evêque constituant une Commission, lettre du Ministre des Cultes à l'Évêque de Tarbes, réponse de ce dernier, analyse définitive du professeur

 

I. A mesure que juin s'inclinait vers son terme, on entrait cependant dans la grande période des eaux pyrénéennes. Bernadette était retournée à Lourdes chez ses parents. De tous côtés arrivaient aux stations thermales des baigneurs, des touristes, des curieux, des voyageurs, des explorateurs, des savants venus des mille chemins de l'Europe. Ces sévères montagnes, solitaires et sauvages durant tout le reste de l'année, se peuplaient peu à peu de tout un monde, appartenant généralement à la haute société des grandes villes. A partir de juillet, les Pyrénées sont un faubourg de Paris, de Londres, de Rome, de Berlin. Dieu suivait ses plans éternels. De même qu'autrefois, à Bethléem, il s'était montré aux bergers, bien avant de se montrer aux Rois Mages; de même, à Lourdes, il avait d'abord appelé les humbles et les petits, les montagnards et les pauvres; et c'était seulement après ceux-là qu'il convoquait- le monde riche et brillant, les souverains de la fortune, de l'intelligence et de l'art, au spectacle de son œuvre. De Cauterets, de Baréges, de Luz, de Saint-Sauveur, des Eaux-Bonnes, de Bagnères-de-Bigorre, les étrangers accouraient à Lourdes. La ville était sillonnée par des équipages étincelants, traînés, comme c'est l'usage dans ces pays, par quatre vigoureux chevaux, harnachés et fanfreluches de couleurs voyantes et de grelots sonores. La plupart des pèlerins ou des voyageurs se gardaient bien de respecter les consignes et les barrières. Ils bravaient les procès-verbaux et se rendaient à la Grotte; les uns, par Un sentiment de foi religieuse; les autres, par un vif sentiment de curiosité. Bernadette recevait d'innombrables visites. On voulait voir et on voyait les personnes guéries. Dans les mille salons des eaux thermales, les événements que nous avons racontés étaient l'objet de toutes les conversations. Peu à peu se formait l'opinion publique, non plus l'opinion de ce petit coin de terre de quarante à soixante lieues qui s'étend a la base des Pyrénées, depuis Bayonne jusqu'à Toulouse ou à Foix, mais l'opinion de la France et de l'Europe, représentées en ce moment au milieu des montagnes par des visiteurs de toutes les classes, de toutes les idées et de tous les pays.

Les violences du baron Pardoux, aussi vexatoires pour la curiosité des uns que pour la piété des autres, étaient hautement blâmées par tous les partis. Ceux-ci les déclaraient illégales, ceux-là les trouvaient inopportunes; tous s'accordaient pour les proclamer absolument impuissantes à vaincre le prodigieux mouvement dont la Grotte et la Source miraculeuse étaient le centre. Il était des circonstances où le zèle de la Police et le courage civil de Dominique lui-même étaient mis à de rudes épreuves. D'illustres personnages violaient la clôture. Grave embarras. Un jour, on arrête brusquement un homme, un étranger aux traits accentués et puissants, qui, arrivait vers le poteau avec la visible intention d'aller aux Roches Massabielle. « On ne passe pas ». « Vous allez voir que l'on passe », répond vivement l'inconnu, en entrant sans se troubler sur le terrain communal et se dirigeant vers le lieu de l'Apparition. « Votre nom? Je vous dresse procès -verbal ». « Je me nomme Louis Veuillot », répondit l'étranger.

Pendant qu'on verbalisait contre le célèbre écrivain, une dame avait franchi la limite à quelques pas en arrière, et était allée s'agenouiller contre la barrière de planches qui fermait la Grotte. A travers les fissures de cette palissade, elle regardait couler la Source miraculeuse et priait Que demandait-elle à Dieu? Son âme se tournait-elle vers le présent ou vers l'avenir? Priait-elle pour elle-même, ou pour d'autres, qui lui étaient chers et dont la destinée lui était confiée? Implorait-elle les bénédictions et la protection du Ciel pour une personne ou pour une famille? Il n'importe. Cette femme en prières n'avait pas échappé aux yeux vigilants qui représentaient la politique préfectorale, la magistrature et la police. L'Argus quitte M. Veuillot et court vers cette femme à genoux. « Madame, dit- il, il n'est pas permis de prier ici. Vous êtes prise en flagrant délit; vous aurez à en répondre devant M. le Juge de Paix, jugeant au correctionnel et en dernier ressort. Au nom de la Loi; je vous dresse procès-verbal. Votre nom? » « Volontiers, dit la dame: je suis Madame l'Amirale Bruat, Gouvernante de son Altesse le Prince Impérial ». Le terrible Dominique avait plus que personne le sentiment des hiérarchies sociales et le respect des puissances établies. Il ne verbalisa point. De telles scènes se renouvelaient souvent. Certains procès-verbaux effrayaient les agents du Préfet et eussent probablement effrayé le Préfet lui-même. Chose déplorable: l'Arrêté était violé impunément par les puissants, tandis qu'on sévissait contre les faibles. On avait deux poids et deux mesures.

II. La question soulevée par les faits surnaturels, par les Apparitions vraies ou fausses de la Vierge, par le jaillissement de la Source, par les miraculeuses guérisons, réelles ou controuvées, ne pouvait cependant, de l'avis de tous, demeurer éternellement en suspens. Il était nécessaire que toutes choses fussent soumises à un examen compétent et sévère. Les croyants, devant l'évidence des faits miraculeux, se considéraient comme certains d'un jugement solennel, en faveur de leur foi. Un très-grand nombre parmi les étrangers n'avaient point de conviction ou de parti arrêté, et demandaient à être tirés de leur incertitude par une enquête définitive. « A quoi sert l'Autorité religieuse, disaient-ils, si ce n'est à juger de pareils débats et à fixer la foi de ceux qui, à cause de la distance, du manque de documents ou de toute autre chose, ne peuvent examiner et décider par eux-mêmes? » D'incessantes réclamations arrivaient de la sorte à l'Evêché. Au murmure des multitudes se joignait la voix des classes qu'on a coutume d'appeler éclairées, bien que, souvent, les petites lumières de la terre leur fassent perdre de vue la Grande Lumière des Cieux. De toutes parts on demandait une enquête. Les cures surnaturelles continuaient à se produire. De tous côtés on adressait à l'Evêché les procès-verbaux authentiques de ces guérisons miraculeuses, signes par de nombreux témoins. Le 16 juillet, fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, Bernadette avait entendu en elle-même la voix qui s'était tue depuis quelques mois et qui l'appelait, non plus aux Roches Massabielle, alors fermées et gardées, mais sur la rive droite du Gave, dans ces prairies où la foule se rassemblait et priait, à l'abri des procès-verbaux et des vexations de la Police. Il était huit heures du soir. A peine l'enfant se fut-elle agenouillée et eut-elle commencé la récitation du chapelet, que la très-sainte Mère de Jésus-Christ lui apparut. Le Gave, qui séparait Bernadette de la Grotte, avait en quelque sorte cessé d'exister aux yeux de l'extatique. Elle ne voyait devant elle que la Roche bénie, dont il lui semblait être aussi près qu'autrefois, et la Vierge Immaculée q û lui souriait doucement, comme pour confirmer tout le passé et illuminer tout l'avenir. Aucune parole ne sortit des lèvres divines. A un Certain moment, Elle inclina la tête vers l'enfant, comme pour lui dire un « Au revoir » très-lointain ou un adieu suprême. Puis , Elle disparut et rentra dans les cieux. Ce fut la dix-huitième Apparition: ce devait être la dernière.

III. Des hommes considérables dans le monde chrétien, tels que Mgr de Salinis, archevêque d'Auch; Mgr Thibaud, évêque de Montpellier; Mgr de Garsignies, évêque de Soissons; M. Louis Veuillot, rédacteur en chef du journal l'Univers; des personnages moins connus, mais d'une haute notabilité, M. de Rességuier, ancien député; M. Vène, Ingénieur en chef des Mines, Inspecteur général des eaux thermales de la chaîne des Pyrénées, et un grand nombre de catholiques éminents, se trouvaient alors dans ces contrées. Tous avaient étudié les faits extraordinaires qui font l'objet de cette histoire; tous avaient vu ou interrogé Bernadette; tous avaient cru ou inclinaient à croire. On citait un évêque, des plus vénérés, qui n'avait pu contenir son émotion au récit si vivant, si naïf et si éclatant de vérité, de la jeune Voyante. En contemplant cette petite enfant sur le front de laquelle l'ineffable Vierge, Mère de Dieu, avait reposé ses regards, le Prélat n'avait point su résister au premier mouvement de son cœur attendri. Il s'était prosterné, lui prince de l'Église, devant la majesté de cette humble paysanne. « Priez pour moi, bénissez-moi, moi et mon troupeau », lui dit-il d'une voix étouffée, et se troublant au point de plier les genoux. « Relevez-vous, Monseigneur! C'est à vous de bénir cette enfant », s'écria le Curé de Lourdes, présent a cette scène, et prenant vivement l'Évêque par là main pour l'aider à se remettre debout. Quelque brusque et rapide qu'ait été le mouvement du prêtre, Bernadette l'avait déjà devancé; et, toute confuse en son humilité, elle courbait la tête sous la main du Prélat. L'Évêque la bénit, non sans verser des larmes.

IV. L' ensemble des événements, le témoignage de tant d'hommes graves, le spectacle de leur conviction après examen, étaient faits pour frapper vivement l'esprit clair et sagace de l'Évêque de Tarbes. Mgr Laurence jugea que l'heure était venue de parler, et il sortit enfin de son silence. Le 28 juillet, il rendit une Ordonnance, qui fut immédiatement connue dans tout le diocèse, et qui produisit une immense émotion; car chacun comprit que la situation extraordinaire dont on était préoccupé depuis si longtemps allait enfin marcher vers sa solution. Par son Ordonnance, en effet, Monseigneur nommait officiellement une Commission d'enquête pour examiner ces faits extraordinaires et préparer la décision qu'il devait rendre lui-même plus tard. Monseigneur venait à peine de rendre cette Ordonnance qu'une lettre de M. Gustave R., ministre des Cultes, arriva à i'Évêché. Le ministre niait en bloc Apparitions et Miracles, et, désespérant de réussir- par ses agents à maîtriser la situation, appelait en quelque sorte le Prélat à son secours. Son Excellence conjurait Sa Grandeur d'intervenir, d'arrêter le mouvement, et de porter une condamnation contre les événements de la Grotte. Bien qu'il dût être singulièrement étonné et indigné devant l'étrange démarche du ministre, l'Évêque sut répondre avec mesure à la lettre de Son Excellence. Sans se prononcer encore sur le fond même des choses, dont il ne voulait, en sa prudence, prématurer en rien la solution, il répondit en signalant la gravité de ces faits extraordinaires, et en même temps il exposa avec une grande netteté de franchise la ligne de conduite qu'il avait suivie et fait suivre au Clergé, jusqu'à ce que le flot montant des événements l'eût enfin obligé d'intervenir et de nommer une Commission d'enquête. Au Ministre qui, sans rien connaître et sans rien étudier, lui disait: « Condamnez », il répondait: « J'examine ». Telle fut la lettre de Mgr Laurence à M. Gustave R. Elle était claire, elle était concluante; il n'y avait rien à y répondre. Le Ministre des Cultes ne répliqua point. Il rentra dans le silence : cela était sage. Peut-être eût-il été plus sage encore de ne pas en sortir.

V. Au moment où Mgr Laurence venait, au nom de la Religion, d'ordonner l'examen de ces faits étranges, que l'autorité civile avait condamnés, persécutés et voulu étouffer a priori, sans daigner même les étudier et les discuter; le jour même où partait pour le Ministère des Cultes, la lettre du Prélat, M. Filhol, l'illustre professeur de chimie de la Faculté de Toulouse, rendait sur l'eau de la Grotte de Lourdes le verdict définitif de la Science. Le consciencieux et très-complet travail du grand chimiste réduisait à néant l'analyse officielle de M. L. de Trie, ce savant de la Préfecture dont M. le baron Pardoux avait fait tant de bruit. « Cette eau, disait le rapport de M. Filhol, ne renferme aucune substance active capable de lui donner des propriétés thérapeutiques marquées. Les effets extraordinaires qu'on assure avoir obtenus à la suite de cette Eau, ne peuvent pas, au moins dans l'état actuel de la science, être expliqués par la nature des sels dont l'Analyse y décèle l'existence. Elle peut être bue sans inconvénient ». Ainsi s'écroulait devant l'examen du célèbre chimiste tout l'échafaudage pseudo-scientifique, sur lequel les Libres Penseurs, les doctes et le Préfet avaient péniblement construit leur théorie des guérisons extraordinaires. De par la vraie Science, l'eau de la Grotte n'était point minérale; de par la vraie Science, elle n'avait aucune vertu curative, Et cependant elle guérissait. Il ne restait à ceux qui avaient audacieusement mis en avant ces explications imaginaires que la confusion de leur tentative, et l'impossibilité de retirer désormais l'aveu public qu'ils avaient fait des guérisons accomplies. Le mensonge ou l'erreur s'étaient pris dans leurs propres filets.

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Prière pour demander la rénovation chrétienne de l'Enseignement

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, le nom du Professeur illustre qui fut chargé de prononcer le verdict de la Science sur l'eau miraculeuse de la Grotte de Lourdes, amène notre pensée vers les Professeurs et les Maîtres, vers tous ceux qui sont chargés de la grave mission d'instruire la jeunesse, et c'est pour eux que nous vous prions aujourd'hui, pour eux et pour les générations qu'ils préparent à l'avenir. Hélas! si les doctrines les plus funestes et les mœurs les plus déplorables trouvent un accès si facile dans l'âme affaiblie les hommes de notre temps; si la Société, sans base, sans foi, sans loi, s'agite dans les convulsions les plus douloureuses, n'est-ce point, ô Notre Mère, parce que, dès la jeunesse et l'enfance, une éducation antichrétienne a présidé à notre entrée dans la vie, et, en ôtant Dieu de nos cœurs, nous a préparés à toutes les défaillances du caractère, à tous les dérèglements de l'esprit, à tous les égoïsmes et à toutes les dépravations ? Arrêtez, ô Marie, ce satanique travail d'un enseignement impie et scélérat. Arrêtez les grands coupables qui corrompent l'Humanité dans les écoles ou dans les collèges, et qui jettent du poison dans toutes les sources où vient s'abreuver l'âme sacrée des enfants. On demande aux grands de la terre, aux chefs, aux gouvernants, aux législateurs, la réforme de l'enseignement. C'est à vous-même que nous la demandons, ô toute puissante Reine de la Terre et du Ciel. Faites souffler l'Esprit de Dieu sur nos sociétés corrompues, et qu'il chasse de toutes les chaires les indignes et les pervers. O Marie, au nom du genre humain dont vous êtes la Mère, obtenez-nous de la Providence divine, le véritable enseignement chrétien; cet enseignement qui formera des âmes religieuses, des âmes honnêtes et droites, bonnes et vertueuses, en même. temps que des intelligences instruites et des esprits éclairés. Que le jour se lève enfin sur le monde où la sublime fonction d'élever les enfants sera l'apanage des plus parfaits, des meilleurs, des plus sages, afin que dans l'ordre du bien, le point d'arrivée de la génération qui finit soit le point de départ de la génération qui commence. Hélas! ô Très-Sainte Vierge, en présence de ce qui existe et au milieu de cet effroyable courant de décadence qui nous emporte, un tel idéal nous semblerait insensé et irréalisable, si nous ne connaissions la miséricorde de Dieu et si nous ne pensions à la toute-bonté et à la toute-puissance de Notre Mère qui est au Cieux. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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21 mai 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 6/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Sixième apparition

21 février 1858

21 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

 Bertrand-Sévère_Laurence

Vingt-deuxième jour

Le juge Jean D, réserve de l'Êvêque, murmures des multitudes, fermentation populaire

 

I. Il y avait à Lourdes un Juge de Paix. Cet homme se nommait Jean D. Il était aussi acharné contre la Superstition que les Dominique, les Pardoux, les Vital et autres autorités constituées. Ce juge, ne pouvant en telles circonstances condamner les délinquants qu'à une amende minime, imagina un moyen détourné de rendre l'amende énorme et véritablement redoutable pour les pauvres gens qui, de tous côtés, venaient prier devant la Grotte et demander à la Vierge, celui-ci, le retour d'une santé perdue; celui-là, la guérison d'un enfant bien-aimé; un troisième, quelque grâce spirituelle, quelque consolation à une grande douleur. M. Jean D., agissant au correctionnel, condamnait ces malfaiteurs à cinq francs d'amende. Mais, par une conception digne de son génie, il englobait en un seul jugement tous ceux, qui avaient violé la défense préfectorale soit en faisant partie de la même foule, soit même, paraît-il, en se rendant à la Grotte dans le cours de la même journée. Et il prononçait, contre eux tous, une condamnation solidaire aux dépens. De sorte que, pour peu que cent ou deux cents personnes se rendissent ainsi aux Roches Massabielle, chacune d'elles se trouvait exposée à payer non seulement pour elle-même, mais pour les autres, c'est-à-dire à verser une somme de 500 à 1000 francs. Et cependant, comme la condamnation individuelle et principale n'était que de cinq francs, la décision de ce magistrat était sans appel devant un tribunal supérieur et il n'y avait aucun moyen de la faire réformer. Le juge Jean D. était tout-puissant, et c'est ainsi qu'il usait de sa toute-puissance.

II. Le Clergé continuait à ne pas se rendre, à la Grotte et à se tenir entièrement en dehors du mouvement. Les ordres de Mgr Laurence à ce sujet étaient strictement observés dans tout le diocèse. Les populations, cruellement agitées par les persécutions administratives, se tournaient avec anxiété vers les autorités ecclésiastiques chargées par Dieu de la conduite et de la défense des Fidèles, et elles s'attendaient à voir l'Évêque protester énergiquement contre la violence faite à leur liberté religieuse. Attente vaine. Monseigneur gardait un silence absolu, et laissait faire le Préfet. Bien plus, M. Pardoux faisait imprimer dans ses journaux qu'il agissait de concert avec l'autorité ecclésiastique, et, à la stupéfaction générale, l'Evêque ne démentait point une telle assertion. L'âme des peuples était troublée. Déjà, dès les commencements, la foi ardente des multitudes avait peu compris l'extrême prudence du Clergé. Au point où en étaient les événements, après tant de preuves de la réalité des Apparitions de la Vierge, après le jaillissement de la Source, après tant de guérisons et de miracles, cette réserve excessive de l'Ëvêque en présence d'un Pouvoir persécuteur leur paraissait une inexplicable défection. Le respect qu'on avait pour son caractère ou pour sa personne ne suffisait pas complètement pour contenir l'expression des murmures populaires. Pourquoi ne pas se prononcer sur le fait, alors que les éléments de certitude affluaient de toute part? Pourquoi au moins ne pas ordonner une enquête, une étude de la question, un examen quelconque pour guider la foi de tous et l'empêcher de s'égarer? Les événements qui suffisaient pour bouleverser le Pouvoir civil et pour soulever d'innombrables populations n'étaient-ils donc pas dignes de l'attention de l'Évêque? Par la logique des événements et la pente naturelle du cœur humain, ce vaste mouvement d'hommes et d'idées, si essentiellement religieux dans son principe, menaçait de devenir anti ecclésiastique. Les multitudes s'irritaient de plus en plus contre l'abstention si prolongée du Clergé Mgr Laurence continuait cependant de demeurer dans son immobile réserve. Quelles étaient les raisons du prélat pour résister à cette voix du peuple qui est quelquefois la voix du Ciel? Était-ce prudence divine? Était-ce prudence humaine? Était-ce sagesse? Était-ce faiblesse?

III. Croire n'est pas facile. Malgré tant de preuves éclatantes, Mgr Laurence conservait encore des doutes et hésitait à agir. Sa foi très- savante n'allait pas aussi vite que la foi des simples. Comme l'apôtre Thomas, refusant de croire aux témoignages des autres Disciples et des saintes Femmes, Mgr Laurence aurait voulu voir toutes choses de ses yeux et les toucher de ses mains. Bien que, par moments, il fût vivement frappé de tant d'événements extraordinaires, il craignait tellement d'affirmer légèrement le Surnaturel, qu'il eût peut être risqué de le méconnaître ou de ne le confesser que trop tard, si la grâce de Dieu n'eût tempéré en lui et renfermé dans les limites d'une juste mesure cette pente native que nous venons d'indiquer. Non-seulement Mgr Laurence hésitait à se prononcer, mais il hésitait même à ordonner une enquête officielle. Evêque catholique, fortement pénétré de la dignité extérieure de l'Église, il avait quelque peur de compromettre la gravité de cette mère du genre humain, en l'engageant prématurément dans le solennel examen de tous ces faits singuliers dont il n'avait pas une connaissance personnelle suffisante, et qui pouvaient, après tout, n'avoir pour base que les enfantillages d'une petite bergère et les vaines illusions de pauvres, âmes fanatisées. Dans cet esprit de prudence et d'expectative, l'Evêque ordonna au Clergé diocésain de prêcher hautement le calme aux populations, et d'employer son influence à les faire se soumettre à l'Arrêté du Préfet. Éviter tout désordre matériel, ne créer aucun embarras nouveau, favoriser même, par respect pour le principe d'Autorité, l'exécution des mesures prises au nom du Pouvoir et voir venir les événements, paraissait à l'Évêque le plus sage de tous les partis. Peut-être, un autre en sa place eût-il raisonné d'autre sorte. Mais il était bon qu'il raisonnât et qu'il agît ainsi; il était bon qu'il ne crût pas encore.

Plus l'Évêque se tenait en dehors du mouvement, plus il était rebelle ou même un peu hostile a la foi populaire, et plus l'œuvre surnaturelle montrait sa force en triomphant sans aucune aide extérieure, par elle-même, par sa vérité intrinsèque, par sa puissance propre, et malgré l'animosité ou l'abstention de tout ce qui, en ce monde, porte le nom de Pouvoir. La Providence avait résolu qu'il en fût ainsi, et que le grand fait de l'Apparition de la Très-Sainte Vierge au dix-neuvième siècle, traversât, comme le Christianisme naissant, les épreuves et les persécutions. Elle voulait que la foi universelle commençât par les petits et les humbles, de façon que là, comme au Royaume du Ciel, les derniers fussent les premiers et les premiers les derniers. Il était donc nécessaire, dans la pensée divine, que l'Évêque, bien loin d'avoir l'initiative, fût des plus longs, j'allais dire des plus durs à se rendre, pour ne céder enfin, après tous les autres, qu'à la gravité irrécusable des témoignages et à l'irrésistible évidence des faits. Et voilà pourquoi il avait plu à Dieu de ne pas donner tout d'abord à Mgr Laurence la foi en l'Apparition et de le maintenir dans le doute, malgré tant de faits éclatants.

IV. Moins calmes et moins patientes que l'Évêque, emportées par l'enthousiasme des grandes choses qui se passaient sous leurs yeux, et^par l'émouvant spectacle des guérisons miraculeuses qui se multipliaient, les populations, cependant, ne se laissaient nullement arrêter par les mesures violentes de l'Administration. Les plus intrépides, bravant les tribunaux et leurs amendes, franchissaient les barrières et venaient prier devant la Grotte, après avoir jeté leur nom aux Gardes qui veillaient à l'entrée du terrain communal. Parmi ces Gardes, plusieurs croyaient comme la foule et commençaient, en arrivant, et avant de se mettre en faction, par s'agenouiller à l'entrée du lieu vénéré. Placés entre le morceau de pain que leur donnait leur modeste emploi de Sergent de ville ou de Cantonnier et la besogne répugnante qu'on leur imposait, ces pauvres gens, dans leur prière à la Mère des indigents et des faibles, rejetaient la responsabilité de la douloureuse consigne qu'ils exécutaient sur les Autorités qui les forçaient d'agir. Malgré cela, ils remplissaient strictement leur tâche et verbalisaient régulièrement contre les délinquants.

Bien que, dans leur zèle impétueux, beaucoup de croyants s'exposassent volontiers au péril pour aller publiquement invoquer la Vierge au lieu de l'Apparition, la jurisprudence de M. Jean D. dont l'amende, en apparence de 5 francs, pouvait s'élever, ainsi que nous l'avons expliqué, à des sommes énormes, était faite pour effrayer la multitude. Pour un grand nombre, pour tous ceux du menu peuple, une telle condamnation eût été une ruine complète. Aussi, la plupart essayaient-ils d'échapper à la rigoureuse surveillance du Pouvoir persécuteur. Parfois les croyants, respectant les barrières, où stationnaient les Gardes à la frontière du terrain communal, parvenaient à la Grotte par des chemins détournés. Quelqu'un d'entre eux, laissé en arrière, faisait le guet et prévenait, par un signal convenu, de l'arrivée de la Police. Des malades furent ainsi péniblement transportés jusqu'à la Source miraculeuse. L'autorité officielle, informée de ces infractions, doubla les postes, et intercepta tous les sentiers. On en vit alors, malgré la violence des eaux, traverser le Gave à la nage pour venir prier devant la Grotte et boire à la sainte Fontaine. La nuit favorisait de telles infractions qui se multipliaient de plus en plus, en dépit du bon vouloir et de l'activité des Agents.

L'influence du Clergé était diminuée, presque compromise, par les raisons que nous avons exposées. Malgré les efforts qu'ils faisaient pour se conformer aux injonctions de l'Évêque, les prêtres étaient impuissants à cal- mer les esprits agités et à faire comprendre que les actes, mêmes arbitraires, du Pouvoir devaient être respectés. L'ascendant personnel du Curé de Lourdes, si aimé et si vénéré, commençait à échouer devant l'irritation populaire. L'ordre était menacé par les mesures mêmes que l'on avait prises sous prétexte de le maintenir. Les populations, froissées dans leurs croyances les plus chères, oscillaient entre la soumission et la violence. Si, d'un côté, on signait dans toutes les maisons des pétitions à l'Empereur pour demander, au nom de la liberté de conscience, le retrait de l'Arrêté préfectoral, de l'autre, à trois ou quatre reprises, les planches qui fermaient la Grotte furent brisées nuitamment et jetées dans le Gave. Dominique s'efforça en vain de découvrir les croyants, peu respectueux pour l'Autorité, qui se livraient à ce délit jusqu'ici inconnu dans nos Codes: la prière nocturne, avec effraction et bris de clôtures.

Un jour la foule plus nombreuse que de coutume ne put se contenir et franchit Ta barrière en niasse compacte, sais rien répondre aux interpellations et aux cris effarés des agents. La Police, se troublant devant ces milliers d'hommes, recula et laissa passer le torrent. Le lendemain, les ordres et les remontrances du Préfet vinrent réconforter la Police et prescrire une surveillance de plus en plus sévère. On augmenta les forces: on fit entendre aux agents le mot de destitution. La rigueur. redoubla. Des bruits sinistres, absolument faux mais habilement répandus et facilement acceptés par les multitudes, parlaient de prison pour les délinquants. La pénalité réelle ne suffisant pas, on essayait de faire naître dans l'âme des croyants une sorte de terreur par des menaces imaginaires. D'une façon ou d'une autre, on parvint à empêcher pendant quelques jours le renouvellement des infractions ouvertes. Parfois, des malheureux, venus de loin, des infortunés en proie à la paralysie, à la cécité, à quelqu'une de ces tristes infirmités que la médecine abandonne, et que Dieu seul a le secret de guérir, arrivaient chez le Maire, et ils suppliaient à mains jointes de leur permettre d'aller chercher une suprême chance de salut à la Source miraculeuse. Le Maire, obstiné dans la consigne préfectorale, et montrant, dans l'exécution des mesures prises, cette énergie de détail par laquelle les natures faibles se trompent elles-mêmes, le Maire refusait, au nom de l'Autorité supérieure, la permission demandée.

Le plus grand nombre allait alors sur la rive droite du Gave en face de la Grotte. Il y avait là, à certains jours, un peuple innombrable, sur lequel on n'avait aucune prise; car le terrain que foulaient ces multitudes appartenait à des particuliers, qui croyaient attirer sur eux la bénédiction du ciel en autorisant les pèlerins à venir s'agenouiller dans ces prairies, et à y prier les yeux tournés vers le lieu des Apparitions et la Fontaine des Miracles. Durant ce concours prodigieux, la jeune Bernadette, épuisée par son asthme, fatiguée sans doute aussi partant de visiteurs, qui voulaient la voir et l'entendre, tomba malade. Dans son vif désir de calmer les esprits et d'éloigner toute cause d'agitation, Monseigneur profita de cette circonstance pour faire conseiller aux parents d'envoyer Bernadette aux eaux de Gauterets qui sont toutes voisines de Lourdes. C'était un moyen de soustraire la Voyante à ces dialogues, à ces interrogations, à ces récits de l'Apparition dont tout le monde était avide et qui entretenaient l'émotion populaire. Les Soubirous, inquiets de l'état de Bernadette et trouvant, de leur côté, que ces perpétuelles visites la brisaient, la confièrent a une tante qui allait elle-même à Cauterets et qui se chargea gratuitement des menues dépenses de ce voyage, d'ailleurs très-peu coûteux à cette époque de l'année où les thermes sont encore presque déserts. Les privilégiés et les riches n'y viennent qu'un peu plus tard et il n'y a guère à Cauterets, pendant le mois de juin, que quelques pauvres gens de la Montagne. Malade, cherchant le silence et le repos, essayant de se soustraire le plus possible à la curiosité publique, Bernadette y prit les eaux pendant deux ou trois semaines.

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Prière pour les Evêques

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Qu'elle est grande, ô Notre-Dame de Lourdes, la responsabilité qui pèse sur les Évêques du monde chrétien! Et combien ils ont besoin de grâces particulières et surabondantes pour accomplir dignement leur charge redoutable. Ne sont-ils pas parmi la grande multitude des âmes, attaquées par Satan et ses anges, ce que sont les généraux dans une armée en bataille. Leurs vertus, leur vigilance, leur savoir, leur courage sont le salut des peuples; leurs fautes, même légères, leurs négligences, leurs défaillances devant un devoir ont des conséquences incalculables, et compromettent invisiblement tantôt quelques êtres isolés, tantôt des groupes considérables, tantôt le troupeau tout entier confié à leurs soins, et dont ils répondent âme pour âme. Les hommes voient chaque jour de tels désastres s'accomplir à la lettre dans les armées où il s'agit du salut matériel. Dieu les voit s'accomplir mystérieusement dans le sein de l'Église, où il s'agit du salut moral et de l'éternelle vie. O notre Mère, qu'elle est terrible la responsabilité qui pèse sur les Évêques! Priez pour eux. Priez pour eux, Épouse du Saint-Esprit, et faites pénétrer jusqu'en la substance de leur âme les sept Dons divins qu'au sacrement de Confirmation leurs mains épiscopales ont le pouvoir de faire descendre sur le Fidèle agenouillé. Obtenez-leur le don de Sagesse afin que, n'aimant en ce monde que la volonté de Dieu, et ne trouvant de saveur qu'aux joies de la vertu, ils gouvernent la terre avec une âme toute céleste. Obtenez -leur le don d'Intelligence pour qu'ils comprennent la Vérité, qui est Dieu même, et qu'ils sachent la préserver de toute attaque, violente ou captieuse, de tout piège inventé par la malice des hommes. Obtenez-leur le don de Conseil, afin que, pénétrés de la gravité de chacun de leurs actes, ils s'inspirent toujours d'une prudence divine quand il s'agit du choix des hommes ou de la direction des choses. Qu'ils ne se laissent abuser, ni par les ruses des habiles, ni par l'intrigue des ambitieux, ni par les sophismes profanes qui essayeraient de mêler les scories de la terre à l'Église de Jésus-Christ. Qu'ils ne fassent que des œuvres saintes, qu'ils les fassent saintement, et qu'ils ne les confient qu'à des saints. Obtenez-leur le don de Force. Qu'à l'extérieur, nulle puissance ne les intimide quand il s'agit de défendre les droits de Dieu et de son Église. Qu'à l'intérieur nul abus ne les trouve faibles, que nulle influence, nulle considération humaine, nulle difficulté, nul obstacle ne les arrêtent quand il faut arracher les méchantes herbes, et émonder les mauvais rameaux dans la vigne de Jésus-Christ. Obtenez-leur le don de Science, afin que leurs paroles et leurs écrits soient, au milieu de nos ténèbres, comme des lampes ardentes éclairant toute la maison. Obtenez-leur le don de Piété, afin que leurs âmes étant continuellement en commerce avec Notre-Seigneur, ils ne vivent plus de leur vie propre, mais que, comme dans le cœur de saint Paul, ce soit Jésus-Christ lui-même qui vive en eux. Obtenez-leur le don de la Crainte de Dieu, afin qu'ils ne redoutent rien en ce monde, sinon de manquer en quoi que ce soit à leur devoir et d'encourir les jugements du Seigneur. Priez pour les Évêques, ô Marie, surtout en ces temps difficiles, pleins d'embûches et de périls. Ils sont Je sel de la terre: ne permettez jamais qu'il s'affadisse. En ce siècle d'incrédulité, de désolation et d'égoïsme, qu'ils soient des hommes de Foi, des hommes d'Espérance, des hommes de Charité. Que l'Évêque n'aime que Jésus-Christ, ne comprenne que Jésus-Christ, ne consulte que Jésus-Christ, ne sache que Jésus-Christ, n'adore que Jésus-Christ, ne craigne que Jésus-Christ, ne croie que Jésus-Christ, n'espère que Jésus-Christ et, encore une fois, à la fin comme au commencement, au point d'arrivée comme appoint de départ, n'aime que Jésus-Christ. Que chaque matin l'Evêque se dise: « Ce que Jésus-Christ ferait aujourd'hui à ma place, je le ferai ». Que chaque soir il puisse se dire: « Ce que Jésus-Christ aurait fait à ma place, je l'ai fait ». Ô Marie, Reine des Apôtres, bénissez les Evêques. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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20 mai 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 5/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Cinquième apparition

20 février 1858

20 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Vingt-et-unième jour

Foi persévérante et tranquillité des multitudes, protestation contre l'analyse de Trie, la Ville de Lourdes s'adresse à M. Filhol, première communion de Bernadette, marche irrésistible des événements, violences administratives, arrêtés du 8 juin: interdiction de boire à la Source et d'aller à la Grotte, le maire Anselme

 

I. La presse de Paris et de la province commençait à s'occuper des événements de Lourdes; et, bien au delà des contrées pyrénéennes, l'attention publique se tournait peu à peu vers la Grotte de Massabielle. Impuissant et dépité, M. le baron Pardoux voyait grandir et se généraliser ce soulèvement pacifique et prodigieux qui portait des multitudes chrétiennes, sans cesse renaissantes, à venir s'agenouiller et boire au pied d'une roche déserte. Contrairement à l'espérance des Libres Penseurs, à la crainte des Fidèles, à l'attente de tous, aucun désordre, absolument aucun, ne se produisait dans ce mouvement inouï d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, de croyants, d'incrédules, d'indifférents, de curieux. Une main invisible semblait protéger ces foules contre elles-mêmes, alors que, sans chefs et sans guides, elles se précipitaient chaque jour au nombre de plusieurs milliers de pèlerins vers la Source miraculeuse. Malgré les injonctions spoliatrices de M. le Préfet, la Grotte était souvent remplie de cierges allumés, de fleurs, d'ex-voto, et même de pièces d'argent ou d'or, pour, l'érection du monument demandé par la Vierge. De pieux fidèles voulaient en cela marquer à la Reine des dieux leur bonne volonté, même inutile, leur zèle et leur amour. Dominique et ses agents venaient tout enlever. Très-enhardi depuis qu'il avait échappé au péril du 4 mai, le Commissaire affectait les formes les plus dédaigneuses et les plus brutales, jetant parfois les objets dans le Gave, sous le regard scandalisé des croyants. Parfois aussi il se voyait contraint de conserver, malgré lui, leur air de fête à ces lieux bénis. C'était lorsque, l'ingénieuse piété des croyants ayant effeuillé des roses innombrables autour de la Grotte, il lui était impossible de ramasser les mille débris de fleurs et les pétales sans nombre de ce tapis éclatant et parfumé. Les foules agenouillées continuaient cependant de prier, sans rien répondre aux allures de provocation, et elles laissaient tout faire avec une de ces patiences extraordinaires comme Dieu seul peut en donner aux multitudes indignées. La population restant calme, le prétexte de faire de la rigueur au nom de l'ordre ne se présentait pas.

II. Le Préfet sentait de plus en plus tout moyen coercitif lui échapper par suite de cette tranquillité surprenante, de celte paix aussi irritante que merveilleuse, qui régnait d'elle-même parmi ces foules innombrables, Pas même un accident matériel. Rien. Il fallait retourner sur ses pas dans la voie suivie jusqu'alors et laisser franchement les populations libres, ou bien en venir purement et simplement à la violence et à la persécution et élever devant ces multitudes, en inventant un prétexte quelconque, des barrières arbitraires. Il fallait reculer ou aller plus avant. D'autre part, on contestait de tous côtés la rigueur de la décision scientifique portée par M. L. de Trie. Un chimiste du pays, M. Thomas Pujo, prétendait que celte eau n'était que de l'eau ordinaire et qu'elle n'avait par elle-même aucune propriété médicale. Plusieurs professeurs très-compétents de ces contrées confirmaient ces assertions. La Science commençait à déclarer entièrement erronée l'analyse de Trie. Ces rumeurs avaient pris une telle consistance que le Conseil municipal de Lourdes s'en émut. Le Maire ne put, devant le vœu unanime, se refuser à faire faire une seconde étude des eaux de la Source. Sans consulter le Préfet, ce qui lui sembla inutile (tant il était personnellement convaincu de l'exactitude des recherches de M. L. de Trie), il fit rendre par le Conseil municipal une délibération l'autorisant à charger un des grands chimistes de notre époque, M. le professeur Filhol, d'une nouvelle et définitive analyse. Le Conseil vota en même temps les fonds nécessaires pour les honoraires du célèbre savant. M. Filhol était un homme autorisé clans la science moderne, et son verdict devait évidemment être sans appel. Qu'allait être son Analyse ? M. le Préfet n'était point assez chimiste pour le savoir. Mais nous croyons, sans grande crainte de nous tromper, qu'il devait être inquiet. Le verdict de l'éminent professeur de chimie à la Faculté de Toulouse pouvait déranger en effet les combinaisons et les plans de M. Pardoux. Il était urgent de se presser. Là encore, il fallait reculer, ou aller plus avant.

III. Au milieu de ces passions si diverses et de ces multiples calculs, on n'avait point manqué de tenter sur Bernadette de nouvelles épreuves aussi inutiles que les précédentes. Elle se préparait à faire sa première communion, et elle la fit le 3 juin, jeudi de la Fête-Dieu. C'était le jour même où le Conseil municipal de Lourdes chargeait M. Filhol d'analyser la Source mystérieuse, jaillie naguère sous la main de la Voyante en extase. Dieu entrant dans ce cœur d'enfant et de jeune fille faisait aussi l'analyse d'une onde pure, et nous imaginons qu'il dut admirer et bénir, dans cette âme virginale, la source la plus fraîche et le plus limpide cristal. Malgré la retraite où elle eût aimé à se cacher et a se recueillir, on continuait à la visiter. Elle était toujours l'enfant innocente et simple dont nous avons essayé de tracer le portrait. Par sa candeur, par son éclatante bonne foi, par son parfum délicat de sainteté paisible, elle charmait tous ceux qui l'approchaient. Un jour, une dame, après s'être entretenue avec elle, voulut, dans un mouvement de vénération enthousiaste assez concevable pour ceux qui ont connu Bernadette, échanger son chapelet de pierres précieuses centre celui de l'enfant: « Gardez le vôtre madame, répondit-elle en montrant sen modeste instrument de prières. Voici le mien; et je ne veux point le changer. Il est pauvre comme moi et convient mieux à mon indigence ». Un ecclésiastique essaye de lui faire accepter une pièce d'argent. Elle refuse, il insiste. Nouveau refus, si formel, qu'une plus longue insistance semble inutile. Le prêtre pourtant ne se tient pas pour battu: « Prenez, dit-il: ce ne sera point pour vous, ce sera pour les pauvres, et vous aurez le plaisir de faire l'aumône ». « Faites-la de vos mains à mon intention, monsieur l'abbé; et cela vaudra mieux que si je la faisais moi-même », répondit l'enfant. La pauvre Bernadette entendait servir Dieu gratuitement, et remplir, sans sortir de sa noble pauvreté, la mission qu'elle avait reçue d'en haut. Et cependant, elle et sa famille manquaient quelquefois de pain. En ces jours-là, le traitement de M. le Préfet, baron Pardoux, fut élevé à 25 000 fr. Le Dominique reçut une gratification. Le Ministre des Cultes, dans une lettre qui fut communiquée à plusieurs fonctionnaires, témoignait au Préfet de sa haute satisfaction, et, le louant de tout ce qu'il avait fait jusque-là, il le pressait de prendre des mesures énergiques, et ajoutait qu'il fallait en finira tout prix avec la Grotte et les miracles de Lourdes. De ce côté-là, comme de tous les autres, il fallait reculer ou aller plus avant. Que restait-il à faire cependant? Il restait à se raidir contre l'évidence et à faire violence à la multitude.

IV. Au milieu de toutes ces péripéties, la question des écuries de la Préfecture s'était de plus en plus animée et avait porté à son comble l'exaspération du Préfet. On était arrivé au mois de juin. La saison des eaux thermales commençait: elle allait amener aux Pyrénées les baigneurs et les touristes de toute l'Europe, et les rendre témoins du scandale que faisait le Surnaturel dans le département administré par le baron Pardoux. Les instructions de M. Gustave R. devenaient des plus pressantes et poussaient aux coups d'autorité. Le 6 juin, M. Fould, ministre des Finances, se rendant à sa terre, s'arrêta à Tarbes et conféra longuement avec M. Pardoux. Le bruit courut que leur conférence avait eu pour .sujet les événements de la Grotte. Le fait d'aller boire à une Source en passant sur les communaux de la Ville n'avait cependant aucun caractère criminel aux yeux de la Loi. Le génie des adversaires de la Superstition devait donc, avant toutes choses, inventer un prétexte.

L'habile Préfet eut à ce sujet une inspiration aussi ingénieuse que simple, Le terrain des Roches Massabielle appartenant à la commune de Lourdes, le Maire, comme administrateur, pouvait défendre d'y entrer sous un motif quelconque ou même sans motifs, de même qu'un propriétaire interdit, quand il lui plaît, d'entrer sur sa terre et dans sa maison. Une telle défense, publiquement édictée, créait pour chaque visiteur un délit caractérisé, le délit de violation de propriété. Par cette très-habile mesure on transformait un acte, absolument innocent en lui-même, en un fait délictueux, passible des peines voulues par la Loi. Tout le plan du baron Pardoux gravita autour de cette idée. Ce plan une fois trouvé, le Préfet se décida à agir et à faire du despotisme. Le lendemain, le Maire de Lourdes reçut l'ordre de prendre l'arrêté suivant:

« Le Maire de la ville de Lourdes, Vu les instructions à lui adressées par l'Autorité supérieure; Vu les lois du 14-22 décembre 1789, du 16-24 août1790, du 19-22 juillet 1791, et celle du 18 juillet 1837, sur l'Administration Municipale; Considérant qu'il importe, dans l'intérêt de la Religion, de mettre un terme aux scènes regrettables qui se passent à la Grotte de Massabielle, sise à Lourdes, sur la rive gauche du Gave; Considérant, d'un autre côté, que le devoir du Maire est de veiller à la santé publique locale; Considérant qu'un grand nombre de ses administrés et de personnes étrangères à la commune viennent puiser de l'eau à une Source de ladite Grotte; Considérant qu'il y a de sérieuses raisons de penser que cette eau, contient des principes minéraux, et qu'il est prudent, avant d'en permettre l'usage, d'attendre qu'une analyse scientifique fasse connaître les applications qui en pourraient être faites par la Médecine; que d'ailleurs, la Loi soumet l'exploitation des Sources d'eau minérale à l'autorisation préalable du Gouvernement, Arrête : Article premier. Il est défendu de prendre de l'eau à ladite Source. Art. 2. Il est également interdit de passer sur le communal dit rive de Massabielle. Art. 3. Il sera établi à l'entrée de la Grotte une barrière pour en empêcher l'accès. Des poteaux seront également placés qui porteront ces mots: Il est défendu d'entrer dans cette propriété. Art. 4. Toute contravention au présent Arrêté sera poursuivie conformément à la Loi. Art. 5. M. le Commissaire de Police, La Gendarmerie, Les Gardes Champêtres, Et les Autorités de la commune. Demeurent chargés de l'exécution du présent Arrêté. Fait à Lourdes, en l'hôtel de la Mairie, le8 juin 1858. Le maire, Anselme. Vu et approuvé, Le préfet, Pardoux ».

V. Ce ne fut pas sans quelque hésitation que M. Anselme consentit a signer un pareil Arrêté et à se charger de l'exécution d'une semblable mesure. Sa nature un peu incertaine, amie du juste milieu et se plaisant à nager, comme l'on dit, entre deux eaux, devait s'effrayer d'un acte d'hostilité aussi accentué contre l'étrange puissance qui planait invisiblement sur tous les événements dont La Grotte de Lourdes était le centre. M. Anselme espéra tout concilier, en demandant, comme condition de sa signature, à M. le préfet Pardoux, d'insérer en tête de l'Arrêté et comme première phrase: « Vu les instructions à lui adressées par l' Autorité supérieure ». Une fois rassuré de la sorte, M. Anselme veilla à l'exécution de l'Arrêté préfectoral. Il le fit publier à son de trompe et afficher dans toute la Ville. Eu même temps, sous la protection de la force armée et sous la direction de Dominique, des barrières furent élevées autour des Roches Massabielle, de façon à empêcher complètement, à moins d'effraction ou d'escalade, tout accès à la Grotte et à la Source miraculeuse. Des poteaux avec des indications furent plantés çà et là, à tous les points par où on pouvait pénétrer sur le terrain communal qui entourait les Roches vénérées. Ils portaient défense d'entrer sur ce terrain sous peine de poursuite devant les tribunaux. Des Sergents de ville et des Gardes veillaient jour et nuit, se relevant d'heure en heure, et dressant des procès-verbaux contre quiconque franchissait les poteaux pour aller s'agenouiller aux environs de la Grotte.

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Prière pour demander l'amour de l'Eucharistie

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, tandis que le prêtre enseignait à Bernadette le catéchisme et le dogme, c'est vous-même, dans le silence de la pensée solitaire, qui prépariez cœur à cœur votre enfant privilégiée à recevoir le corps sacré de Jésus-Christ. Faites sur nous tous, ô très-sainte Mère, faites sur chacun de nous un semblable travail, si digne, en vérité, de votre compatissante tendresse pour nous et de votre amour infini pour l'Hôte divin qui vient nous visiter. Préparez en nos âmes une demeure aussi digne de Lui qu'il est possible à une créature d'être digne du Créateur. Donnez- nous, ô Vierge incomparable, les sentiments que vous eûtes vous-même lorsque, pour la première fois, Dieu incarné descendit en ce monde et que vous reçûtes dans votre sein Celui que les cieux ne peuvent contenir. Apprenez-nous à faire le discernement du corps infiniment saint de Notre- Seigneur. Embrasez nos cœurs de l'amour de l'Eucharistie. Faites-nous comprendre, quand nous sommes faibles, que là est la force; quand nous sommes lâches, que là est le courage; quand nous sommes dans les souillures du péché, que là est la pureté ; quand nous sommes malheureux, que là est la consolation; quand nous sommés pauvres, que là est la richesse; quand nous sommes esclaves, que là est la délivrance; quand nous sommes égarés, que là est la voie; quand nous sommes dans les tâtonnantes ténèbres de l'esprit, que là est la vérité; quand nous sommes morts, que là est la résurrection et la vie. Donnez-nous d'aimer, comme il mérite d'être aimé, ce pain des Anges, cette chair et ce sang de Dieu. Que, sans ce pain vivant, tout nous soit fade: tendresse partagée, plaisirs et joies, ambitions réalisées, fortune conquise. Qu'avec lui toute amertume nous soit douce; qu'il donne à toutes choses sa saveur divine: au travail pénible, au devoir difficile, à l'injure reçue, à l'humiliation subie, à tout ce qui répugne ici-bas. O Marie! donnez-nous d'aimer le corps de Jésus-Christ, l'âme de Jésus-Christ, la divinité de Jésus-Christ. Donnez-nous d'aimer l'Eucharistie. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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19 mai 2012

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes 4/18

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes

Quatrième apparition

19 février 1858

19 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Vingtième jour

Nouvelle attitude des incroyants, les explications médicales, analyse L. de Trie, Catherine Latapie Chonat

 

I. Les ennemis de la superstition avaient perdu un terrain considérable dans leur lutte désespérée contre les événements qui, depuis dix ou douze semaines, scandalisaient leur philosophie aux abois. De même qu'il était devenu impossible de nier la Source, dont les limpides flots s'écoulaient magnifiques aux yeux des populations émerveillées, de même il devenait impossible de nier plus longtemps les guérisons qui s'effectuaient, à toute heure et partout, par l'usage de cette eau mystérieuse. Ces Messieurs comprirent alors qu'à moins de rendre les armes ou de nier la pleine évidence, il devenait urgent de procéder à une évolution rapide, et d'imaginer une autre tactique. Renonçant à invoquer devant ces guérisons le thème banal de l'imagination, ils les attribuèrent hautement aux vertus naturelles que possédait indubitablement cette eau singulière, nouvellement jaillie par le plus grand des hasards. Ils la comparaient, mais en la déclarant beaucoup plus forte, aux sources de Barèges et de Cauterets. Cette explication une fois admise et proclamée pour certaine, les médecins furent moins revêches à constater les guérisons opérées par l'eau de la Grotte; et, dès ce moment, ils se mirent a généraliser leur thèse et à l'appliquer presque indistinctement à tous les cas, même à ceux qui avaient un caractère de soudaineté en quelque sorte foudroyant, caractère assez peu conciliable pourtant avec l'action ordinaire des eaux minérales. Les doctes personnages du lieu se tiraient de ce mauvais pas en prêtant à l'eau de la Grotte des qualités d'une extrême puissance, d'une puissance inconnue jusque-là. Il se trouvait parmi les croyants quelques esprits taquins qui troublaient par des réflexions importunes les explications et les théories de la coterie incrédule.

« Comment se fait-il, venaient-ils objecter, que cette source minérale, si exceptionnellement puissante qu'elle opère des guérisons soudaines, ait été précisément découverte par Bernadette en état d'extase, à la suite de prétendues Visions célestes, et comme preuve de ces Apparitions surnaturelles? Comment se fait-il d'abord que cette Source ait jailli juste au moment où Bernadette croyait entendre la Voix divine lui dire d'aller boire et se laver? Comment se fait-il ensuite que cette Source, surgie soudainement, au vu et su de toute la population, dans des conditions si prodigieusement étonnantes, donne, non pas de l'eau ordinaire, mais une eau qui, de votre propre aveu, a guéri déjà tant de malades désespérés, lesquels y ont eu recours sans aucune direction médicale, et par simple esprit de foi religieuse? » Ces objections, répétées sous mille formes différentes, agaçaient outre mesure les Libres Penseurs, les Philosophes et les Savants, et les poussaient à trancher la question par des actes d'intolérance. « Si ces eaux sont minérales, commençaient-ils à dire, elles relèvent de l'État ou de la municipalité: on ne doit y aller qu'avec une ordonnance de la Faculté; et ce qu'il faut y construire, c'est un établissement de bains et non une chapelle ». La science de Lourdes, forcée de convenir des faits, en était arrivée à cette situation d'esprit et à ces dispositions intellectuelles, lorsque survinrent les mesures du Préfet, relatives aux objets déposés à la Grotte, et cette tentative d'incarcération de Bernadette sous prétexte de folie, tentative avortée par suite de l'intervention inattendue de M. le curé Peyramale.

II. A toutes ces thèses de la secte médicale aux abois, il manquait un point d'appui certain et officiel. M. Pardoux avait déjà songé à demander ce point d'appui à l'une des sciences les plus admirables et les plus incontestées de notre temps : la Chimie. Dans ce but il s'était adressé, par l'intermédiaire du maire de Lourdes, à un chimiste assez renommé dans le département, M. L. de Trie. Faire constater, non en détail par l'examen de chaque cas particulier, mais en général et en bloc, que toutes ces guérisons qui se multipliaient et se dressaient comme des objections formidables étaient absolument naturelles de par la constitution intime de la Source nouvelle, lui parut un coup de maître; et il crut en cela bien mériter de la Science, de la Philosophie, et, pour ne rien oublier, de l'Administration supérieure, représentée par le ministre Gustave R.

Le chimiste de la Préfecture se mit donc à l'œuvre pour faire cette précieuse étude de l'eau jaillie à Massabielle, et, avec une conscience entière, sinon avec une science complète, il trouva au fond de ses cornues une solution absolument conforme aux explications des médecins, aux thèses des philosophes et aux désirs de M. le Préfet. Il terminait en ces termes son rapport officiel: « Nous ne croyons pas trop préjuger en disant, vu l'ensemble et la qualité des substances qui constituent l'eau de la Grotte de Lourdes, que la science médicale ne tardera peut-être pas à lui reconnaître des vertus curatives spéciales qui pourront la faire classer au nombre des eaux qui forment la richesse minérale de notre département. Daignez agréer, etc. A. L de Trie ». M. le baron Pardoux était un homme actif. Le 4 mai, vers midi, il avait fait son discours aux maires du canton de Lourdes et donné ses ordres. Le 4 mai, au soir, la Grotte avait été dépouillée des offrandes et des ex-voto. Le 5 mai, au matin, il avait appris l'impossibilité d'arrêter la Voyante, et renoncé à cette mesure. Le 6 mai, au soir, il avait en main l'Analyse de son chimiste. Muni de cette dernière et importante pièce, il attendait les événements. Qu'allait-il se passer à Lourdes? Qu'adviendrait-il à la Grotte? Que ferait Bernadette dont les moindres pas étaient épiés par les yeux d'argus de Dominique et de ses agents? Avec les chaleurs qui commençaient à arriver, l'eau de la Grotte, comme plusieurs le disaient, ne viendrait-elle pas à tarir, ce qui couperait court à toutes choses? Quelle attitude allaient avoir les populations? Telles étaient les préoccupations, les espérances et les inquiétudes de M. le baron Pardoux, préfet de l'Empire.

III. A la Grotte, la Fontaine miraculeuse coulait toujours, abondante et limpide, avec ce caractère de pérennité tranquille que l'on remarque dans les belles sources qui jaillissent des rochers. L'Apparition surnaturelle ne cessait de s'affirmer et de se prouver par des bienfaits. Tantôt rapide comme l'éclair qui fend la nue, tantôt lente comme la lumière de l'aurore qui se lève et grandit rayon par rayon, la grâce de Dieu continuait de descendre visiblement et invisiblement sur les multitudes. Nous ne pouvons parler que des grâces visibles.

A six ou sept kilomètres de Lourdes, à Loubajac, vivait une brave femme, une paysanne, jadis rude au travail, qu'un accident avait condamnée depuis dix-huit mois à la plus pénible inaction. Elle se nommait Catherine Latapie-Chouat. En octobre 1856, étant montée sur un chêne pour abattre des glands, elle avait perdu l'équilibre et fait une chute violente qui avait causé une forte luxation au bras droit et surtout à la main. La réduction, disent le compte rendu et le procès-verbal que nous avons sous les yeux, la réduction, opérée immédiatement et avec succès par un habile médecin, avait à peu près rétabli le bras dans l'état normal sans pouvoir cependant le guérir d'une extrême faiblesse. Mais les soins les plus intelligents et les plus suivis échouèrent contre la rigidité des trois doigts les plus importants de la main. Le pouce, l'index et le médius demeurèrent absolument recourbés et paralysés, sans qu'il fût possible, ni de les redresser, ni de leur faire faire un seul mouvement. La malheureuse paysanne, encore jeune, car elle avait à peine trente-huit ans, ne pouvait ni coudre, ni filer, ni tricoter, ni vaquer aux soins du ménage, Après l'avoir inutilement traitée pendant très-longtemps, le docteur lui avait dit qu'elle était incurable et qu'elle devait se résigner à ne plus se servir de sa main. Un tel arrêt, d'une bouche si compétente, était pour cette infortunée l'annonce d'un irréparable malheur. Les pauvres n'ont d'autres ressources que le- travail: pour eux l'inaction forcée, c'est la misère inévitable.

Dix-huit mois environ s'étaient écoulés dans cette situation désespérée. D'autres douleurs lui étaient venues. Elle était malade et marchait difficilement. La tristesse de cette malheureuse était des plus poignantes et vainement elle cherchait en son âme à concevoir une espérance. C'était à l'époque où venaient de s'accomplir les divers événements de Massabielle et où le souffle de Dieu avait passé sur ces contrées. Une nuit, Catherine se sent éveillée tout à coup comme par une idée soudaine. « Un Esprit intérieur, racontait-elle à l'auteur de ce livre, un Esprit intérieur me disait en moi-même avec une force irrésistible: « Va à la Grotte! Va à la Grotte, tu seras guérie! » Quel était cet être mystérieux qui parlait de la sorte, et que cette paysanne ignorante, ignorante du moins de tout savoir humain, nommait « un Esprit? » L'Ange Gardien sait sans doute ce secret. Il était trois heures du matin. Catherine appelle ses deux enfants pour l'accompagner. « Reste au travail, dit-elle à son mari; je vais à la Grotte ». « Dans cet état de maladie, c'est impossible, reprend-il: aller à Lourdes et revenir, c'est une course de trois fortes lieues ». « Tout est possible. Je vais guérir ». Nulle objection ne la put retenir. Elle partit avec ses deux enfants. Il faisait un beau clair de lune. Le silence redoutable de la nuit, troublé de moment en moment par les bruits inconnus, la solitude profonde des campagnes, vaguement éclairées et peuplées de formes indécises, effrayaient les enfants. Ils tremblaient et s'arrêtaient à chaque pas, mais Catherine les rassurait. Elle n'avait nulle peur et sentait qu'elle marchait vers la Vie.

Elle arriva à Lourdes à la naissance du jour. Elle rencontra Bernadette. Quelqu'un lui dit que c'était la Voyante. Catherine ne répondit point; mais, s'avançant vers l'enfant bénie du Seigneur et aimée de Marie, elle lui toucha humblement la robe. Puis elle continua son chemin vers les Roches Massabielle, où, malgré l'heure matinale, une multitude de pèlerins se trouvaient réunis et agenouillés. Catherine et ses enfants s'agenouillent aussi et prient. Et, après avoir prié, Catherine se lève et va baigner paisiblement sa main dans l'eau merveilleuse. Et aussitôt ses doigts se redressent. Et aussitôt ses doigts s'assouplissent et revivent. La Vierge divine venait de guérir l'incurable. Que fait Catherine? Catherine n'est pas surprise, Catherine ne pousse pas un cri, mais elle retombe à genoux et rend grâces a Marie et à Dieu. Pour la première fois depuis dix-huit mois, elle prie à mains jointes, et croise avec ses autres doigts ses doigts ressuscites. Elle resta ainsi longtemps, absorbée dans un acte de reconnaissance. De tels moments sont doux; l'âme se complaît à s'y oublier, et il semble que l'on soit dans le Paradis retrouvé. Il fallut cependant s'arracher à cette prière. « Levons-nous maintenant et partons », dit Catherine à ses deux enfants. Et voilà qu'elle reprend, en les tenant par la main, le chemin de Loubajac. Heureuse, plus que nous ne saurions le dire, elle parcourut paisiblement et sans se hâter la longue route et les mauvais chemins qui la séparaient de sa maison. Les deux enfants n'avaient plus peur comme durant la nuit: le soleil s'était levé et leur mère était guérie. A la même époque, une femme de Lamarque, Marianne Garrot, avait vu disparaître en moins de dix jours, par de simples lotions d'eau de la Grotte, une dartre laiteuse qui lui couvrait entièrement le visage et qui, depuis deux années, résistait à tous les traitements. Le docteur Amadou, de Pontacq, son médecin, avait constaté le fait et en fut plus tard l'irrécusable témoin devant la Commission épiscopale.

IV. A Bordères, près de Nay, la veuve Marie Lanou-Domengé, âgée de quatre-vingts ans, était depuis trois années atteinte dans tout le côté gauche d'une paralysie incomplète. Elle ne pouvait faire un pas sans un secours étranger, et elle était, par suite de son infirmité, incapable de tout travail. M. le docteur Poueymiroo, de Mirepoix, après avoir inutilement employé quelques remèdes pour ramener la vie dans les membres atrophiés, avait cessé de la soigner, tout en continuant à la voir. L'espérance s'en va pourtant difficilement de l'esprit des malades. « Quand donc guérirai-je? » disait la bonne femme à M. Poueymiroo, toutes les fois qu'elle le rencontrait. « Vous guérirez quand le bon Dieu voudra », répondait invariablement le docteur, qui était loin de se douter, en s'exprimant ainsi, qu'il prononçait un mot prophétique. « Pourquoi ne croirais-je pas cette parole et ne m'adresserais-je pas à la bonté divine? » se dit un jour la vieille paysanne, en entendant parler de la Source de Massabielle.

Elle envoya quelqu'un à Lourdes chercher à la Source même un peu de celte eau qui guérissait. Lorsqu'on la lui apporta, elle fut prise d'une grande émotion. « Sortez-moi de mon lit, dit-elle, et tenez-moi debout ». On la leva, on l'habilla en toute hâte, presque fiévreusement. Les spectateurs et les acteurs de cette scène étaient troublés. Deux personnes la soulevèrent et la tinrent debout en la soutenant sous les épaules. On lui présenta un verre d'eau de la Grotte. Marie étendit sa main tremblante vers l'eau libératrice, et y plongea ses doigts. Puis elle fit sur elle-même un grand signe de Croix, après lequel elle porta le verre à ses lèvres et en but lentement le contenu, absorbée sans doute en quelque fervente prière qu'elle faisait tout bas. Elle était pâle, si pâle qu'on crut un instant qu'elle allait s'évanouir. Mais tandis qu'on faisait effort pour prévenir une chute, elle se redressa, tressaillit et regarda autour d'elle. Puis elle poussa comme un cri de joie triomphale: « Lâchez-moi! lâchez-moi vite! Je suis guérie ». Ceux qui la soutenaient retirèrent leurs bras à moitié et en hésitant. Marie s'élança aussitôt et se mit à marcher avec assurance, comme si elle n'eût jamais été malade. Quelqu'un qui conservait, malgré tout, quelque crainte, lui présenta un bâton pour s'appuyer. Marie regarda le bâton en souriant. Puis elle le prit, et, d'un geste dédaigneux, elle le jeta au loin, comme un objet désormais inutile. A partir de ce jour, elle retourna aux rudes travaux des champs. Quelques visiteurs, étant venus la voir pour vérifier le fait, lui demandèrent si elle pourrait marcher en leur présence. « Marcher? messieurs, s'écria-t-elle; mais je vais courir! » Et, disant ces mots, elle prit sa course devant eux. Ceci se passait au mois de mai. Au mois de juillet suivant, on se montrait, de l'un à l'autre, comme un phénomène, Marie, la vigoureuse octogénaire, qui fauchait vaillamment les blés et qui était loin d'être la dernière dans la fatigante besogne des moissonneurs. Son médecin, l'honorable docteur Poueymiroo, louait Dieu de ce miracle évident, et plus tard, il signait, avec la Commission d'examen, le procès-verbal des faits extraordinaires que nous venons de raconter, et devant lesquels il n'hésitait pas à reconnaître « l'action directe et évidente de la puissance divine ».

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Prière pour la conversion de la Science

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Qu'il était beau dans les desseins de Dieu, qu'il était sublime, ô Notre-Dame de Lourdes, le rôles de la Science humaine! La Science, n'est-ce point en effet l'esprit fini de la créature, pénétrant de plus en plus, par son travail, dans l'esprit infini du Créateur ? La Science, n'est-ce point comme une révélation progressive à laquelle l'homme coopère par son propre effort? Chaque pas qu'il fait dans la Science lui découvre de plus en plus l'incommensurable sagesse de Celui qui a tout créé, tout fondé, tout établi, tout prévu, et qui, de toute éternité, règle dans les profondeurs des cieux le mouvements des étoiles, des soleils et de,s univers, comme il dirige ici-bas la vie éphémère de l'insecte et l'humble végétation du brin d'herbe. Chaque progrès de l'homme dans l'étude des la nature lui apprend quelque nouveau mystère de la puissance de Dieu, quelque secret de sa bonté, quelque calcul admirable de son intelligence suprême, quelque invention merveilleuse de son insondable génie. O Marie, la Science n'a-t-elle pas pour mission de nous faire de plus en plus tomber à genoux, pénétrés à la fois de cette double pensée d'humilité et d'adoration, que nous ne sommes rien, et que Dieu seul est tout? Et cependant, ô notre Mère, au lieu d'admirer, dans les harmonies et dans les lois de la nature, l'Auteur et le Législateur de l'Univers, voilà que l'homme coupable, l'homme insensé, ne songe, par un renversement de toute justice, qu'à s'admirer lui-même du très faible mérite d'avoir découvert ces lois et reconnu ces harmonies. Poussant jusqu'à la déraison la plus extrême et à l'ingratitude la plus inouïe l'orgueilleuse perversité de son cœur, il essaye de tourner les vérités relatives que la Science lui révèle contre la Vérité absolue dont elles ne sont qu'un rayon détaché, et il s'efforce d'employer le bienfait universel contre le bienfaiteur souverain. Et c'est ainsi, ô Notre-Dame de Lourdes, qu'apparaissant en ce monde et guérissant les malades, vous avez vu aussitôt la Science humaine se. dresser contre Vous. O notre Mère, guérissez ce délire d'orgueil et de méchanceté qui, réparant ces hommes de Dieu, de Dieu, l'unité de tout, les sépare d'eux-mêmes par une conséquence rigoureuse, et fiait par les jeter les uns contre les autres dans des révolutions sanglantes, dans des guerres et des mêlées affreuses dont la confusion de Babel semble dans le passé comme un premier pressentiment et une lointaine prophétie. La Science, ayant renié Dieu, ne pouvait que devenir homicide et s'employer, comme elle le fait aujourd'hui, à inventer par-dessus toutes choses des engins de guerre et des machines de destruction pour exterminer le genre humain.... O notre Mère! regardez ce spectacle navrant de l'humanité dans sa chute. Tournez vers Dieu vos mains suppliantes et priez-le pour la conversion de la Science. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous! Ainsi soit-il.

 

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18 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Dix-neuvième jour

Dépouillement de la Grotte

 

I. Le bruit que le Préfet avait donné l'ordre de spolier la Grotte s'était répandu rapidement et avait jeté l'agitation dans toute la ville. La population tout entière était consternée comme en présence d'un sacrilège monstrueux. « La très Sainte Vierge a daigné descendre chez nous, disait-on, et y opérer des miracles, et voilà comment on la reçoit! Il y a de quoi attirer la colère du Ciel ! » Les âmes les plus froides étaient émues; une sourde effervescence se manifestait peu à peu dans la population et allait grandissant. Dès les premiers moments et avant l'entrevue que nous venons de raconter, le curé Peyramale et les Prêtres de la ville avaient fait entendre au uns et aux autres des paroles de paix, et tâché de calmer les plus irrités. « Mes amis, disait le Clergé, ne compromettez pas votre cause par des désordres; subissez la loi, même mauvaise. Si la sainte Vierge est en tout cela, elle saura bien tourner les choses à sa gloire; et vos violences, si vous vous en permettiez, seraient à son égard un manque de foi, une injure à sa toute-puissance. Voyez les martyrs: se sont-ils révoltés contre les empereurs? Et ils ont triomphé par cela même qu'ils n'ont pas combattu ». L'autorité morale du Curé était grande, mais les têtes étaient ardentes et les cœurs indignés. On était à la merci d'un hasard. Les objets et les ex-voto déposés à la Grotte formaient une masse considérable, et qui ne pouvait être transportée à main d'homme, M. Dominique se rendit à la Poste, chez M. Barioge, pour demander une charrette et des chevaux. « Je ne prête point mes chevaux pour de pareilles choses », répondit le Maître de poste. « Mais vous ne pouvez refuser vos chevaux à qui les paye », s'écria M. Dominique. « Mes chevaux sont faits pour le service de la Poste et non pour cette besogne. Je ne veux être pour rien en ce qui va se commettre. Faites-moi un procès si cela vous convient. Je refuse mes chevaux ». Le Commissaire alla ailleurs. Dans tous les hôtels, chez tous les loueurs de chevaux, assez nombreux à Lourdes à cause du voisinage des eaux~thermales, chez lès particuliers, auxquels il s'adressa en désespoir de cause, il rencontra les mêmes refus. Sa situation était des plus cruelles. La population, troublée et frémissante, le voyait ainsi aller inutilement de maison en maison, suivi des Sergents de ville, et assistait à ses déceptions successives. Il entendait les murmures, les rires, les paroles dures de la foule. Le poids de tous les regards tombait sur lui, en cette course pénible et infructueuse qu'il faisait à travers les places et les rues de la ville. Il avait vainement augmenté successivement la somme d'argent qu'il offrait pour le prêt d'une charrette et d'un cheval. Les plus pauvres avaient refusé, bien qu'il eût offert jusqu'à trente francs et que la course ne fût que de quelques centaines de mètres. La foule, entendant ce chiffre de trente francs, le comparait aux trente deniers.

Enfin, il trouva chez un maréchal ferrant une fille qui, pour cette somme, lui prêta ce dont il avait besoin. Quand on le vit sortir de cette maison avec une charrette attelée, la multitude fut d'autant plus indignée que nulle misère urgente n'avait pu déterminer la complaisance vénale des propriétaires du chariot. Ces gens n'étaient point pauvres. Dominique se dirigea vers la Grotte. Les Sergents de ville conduisaient la charrette. Une foule immense les suivait, silencieuse, sombre, inquiète, sentant s'amonceler en elle la terrible électricité des orages. On arriva ainsi devant les Roches Massabielle. La charrette, ne pouvant parvenir jusque là, stationna à quelque distance. Sous la voûte de la Grotte brûlaient çà et là des cierges, portés sur des chandeliers ornés de mousse et de rubans. Des croix, des statues de la Vierge, des tableaux religieux, des chapelets, des colliers, des bijoux reposaient sur le sol ou dans les anfractuosités du rocher. A certaines places, sous les images de la Mère de Dieu, on avait étendu des tapis. Des milliers de bouquets avaient été portés là en l'honneur de Marie par de pieuses mains, et les prémices du mois des fleurs embaumaient ce sanctuaire champêtre. Dans une ou deux corbeilles d'osier et sur le sol brillaient des pièces de cuivre, d'argent ou d'or dont le tout formait quelques milliers de francs, premier don spontané des fidèles pour l'érection, en ce lieu, d'un temple à la Vierge sans tache, pieuse offrande, dont le caractère sacré avait frappé de respect l'audace même des malfaiteurs et sur laquelle, malgré la facilité de la solitude et des nuits, nul n'avait osé jusque-là porter une main sacrilège. M. Dominique franchit la balustrade construite par les ouvriers et entra dans la Grotte. Il paraissait troublé. Les Sergents de ville étaient près de lui; la foule qui l'avait suivi le regardait, mais sans pousser une clameur. La tranquillité extérieure de cette multitude avait quelque chose d'effrayant.

Le Commissaire commença d'abord par s'assurer de l'argent. Puis, éteignant les cierges un à un, ramassant les chapelets, les croix, les tapis, les divers objets qui remplissaient la Grotte, il les remettait au fur et à mesure aux Sergents de ville pour les porter sur la charrette. Ces pauvres gens paraissaient souffrir de la besogne qu'ils faisaient, et c'était avec un visible sentiment de tristesse et de respect qu'ils portaient sur le chariot tout ce dont le Commissaire dépouillait la Grotte, honorée et sanctifiée naguère par la visite de la Mère de Dieu, parle jaillissement de la Source, par la guérison des malades. A cause de la distance de la charrette, tout cela se faisait assez lentement. M. Dominique appela un petit garçon qui se trouvai4 là, un peu en avant de la foule. « Tiens, prends ce tableau et porte-le à la charrette ». Le petit garçon tendit les mains pour prendre le cadre. Un autre enfant, à côté de lui, lui cria: « Malheureux! Que vas-tu faire? Le bon Dieu te punirait! » L'enfant, effrayé, recula alors, et aucun appel nouveau du Commissaire ne put le déterminer à avancer.

Les mouvements du Commissaire avaient je ne sais quoi de convulsif. Quand il ramassa le premier bouquet, il voulut, le considérant comme une non-valeur, le jeter dans le Gave, mais un vague murmure de la foule arrêta son geste commencé. Il parut comprendre que la mesure de la patience populaire était comble et que le moindre incident pouvait la faire déborder. Les bouquets furent alors, avec tout le reste, transportés sur le chariot. Un instant après, une statuette de la Vierge se brisa entre les mains du Commissaire, et ce petit fait produisit encore dans la foule un mouvement redoutable. Quand la Grotte fut dépouillée de tout, M. Dominique voulut encore enlever la balustrade. Il lui manquait une hache. Des gens qui taillaient du bois à une scierie annexée au moulin de M. de Laffitte lui refusèrent successivement celles dont ils se servaient. Un autre ouvrier, qui travaillait un peu à l'écart des autres, n'osa pas lui résister et laissa prendre la sienne. M. Dominique mit lui-même la main à l'œuvre, et donna quelques coups de hache sur la balustrade qui était peu solide et qui céda presque aussitôt. La vue de cet acte de violence matérielle, le spectacle de cet homme frappant le bois à coups de hache, fit plus d'effet sur la multitude que tout le reste, et il y eut une explosion menaçante. La Gave était là, rapide et profond; et il suffisait de quelques instants d'égarement pour que le malheureux Commissaire y fut précipité, dans un de ces irrésistibles mouvements de colère comme les foules en ont parfois. Dominique se retourna et montra son visage pâle et bouleversé. « Ce que je fais; dit-il avec une apparente tristesse, je ne le fais pas de moi-même, et c'est avec le plus grand regret que je me vois forcé de l'exécuter. J'agis d'après les ordres de M. le Préfet. Il faut que j'obéisse, quoi qu'il m'en coûte, à l'autorité supérieure. Je ne suis point responsable, et il ne faut pas s'en prendre à moi ». Des voix dans la foule s'écrièrent: « Demeurons calmes, pas de violence; laissons tout à la main de Dieu ». Les conseils et l'activité du Clergé portaient leurs fruits, et il n'y eut aucun désordre. Le Commissaire et les Sergents de ville conduisirent sans obstacle la charrette à la mairie, où ils déposèrent tous les objets recueillis à la Grotte. L'argent fut remis à M. le Maire.

II. Le soir, pour protester contre les mesures du Préfet, une foule innombrable se rendit à la Grotte, qui fut soudainement remplie de fleurs et illuminée. Seulement, pour éviter que la Police vînt saisir les cierges, chacun tenait, le sien à la main; et, au retour, le remportait chez lui. Le lendemain, deux faits eurent lieu qui impressionnèrent vivement la population. La fille qui avait loué le cheval et le chariot à M. Dominique tomba du haut d'un grenier et se brisa une côte. Le même jour, l'homme qui avait prêté la hache au Commissaire pour renverser la balustrade de la Grotte eut les deux pieds écrasés par la chute d'un madrier qu'il voulait placer lui-même sur un établi. Les Libres Penseurs virent là une coïncidence irritante et malencontreuse. La multitude considéra ce double événement comme une punition céleste. M. le Préfet était peu troublé par ces menus incidents. Il ne croyait pas plus aux maladies qu'aux guérisons venant du Ciel. L'attitude, non point menaçante, mais inflexible, de l'abbé Peyramale, la détermination prise par ce dernier d'intervenir de sa personne pour protéger Bernadette contre l'arrestation projetée, le préoccupaient bien plus que les marques du courroux céleste. Dieu, en un mot, l'inquiétait moins que le Curé.

Le refus de M. Anselme de procéder à cette violente mesure; sa démission offerte, circonstance très-étrange de la part de ce fonctionnaire timide; le visible mécontentement des maires du canton au discours du conseil de révision; les symptômes de grave effervescence qui avait accueilli l'enlèvement des ex-voto de la Grotte; l'incertitude où l'on était peut-être de la passive obéissance des Gendarmes et des Soldats, lesquels partageaient à l'égard de Bernadette l'enthousiasme et la vénération populaires, lui donnèrent également à réfléchir. Il comprit que, dans un tel ensemble de conjonctures, l'incarcération de la Voyante pourrait avoir les conséquences les plus désastreuses. Ce n'est point qu'il n'eût bravé volontiers une émeute. Quelques-uns des détails que nous avons racontés donneraient à penser qu'il l'avait secrètement désirée. Mais un soulèvement des populations précédé de la démission du Maire, compliqué de l'intervention d'un des prêtres les plus respectés du diocèse, suivi, selon toute probabilité, d'une plainte au Conseil d'État pour séquestration arbitraire, accompagnée d'une énergique protestation de la presse catholique ou simplement indépendante, avait un caractère de gravité qui ne pouvait manquer de frapper vivement un homme aussi intelligent et aussi attaché à ses fonctions que M. le baron Pardoux.

Il devait pourtant en coûter singulièrement à l'orgueilleux Préfet de s'arrêter dans l'exécution de cette mesure radicale qu'il avait si publiquement annoncée la veille au conseil de révision; et assurément il n'eût point agi de la sorte si le rapport des médecins, au lieu d'être une simple et hésitante hypothèse, peu sûre d'elle-même, avait constaté la folie ou l'hallucination de la Voyante. Que Bernadette eût été réellement atteinte d'aliénation mentale, rien n'était plus facile au Préfet que d'ordonner un second examen: rien de plus aisé que de faire constater le trouble cérébral de l'enfant par deux autres docteurs, choisis parmi les notabilités scientifiques du pays, et assez autorisés comme gens de savoir et d'honneur pour imposer leur décision à l'opinion publique. Mais M. Pardoux., au courant de tous les interrogatoires de Bernadette, comprit qu'il ne se trouverait pas un médecin sérieux qui ne reconnût et ne proclamât avec tout le monde la pleine raison, la droite intelligence et la bonne foi de l'enfant. Devant l'évidence d'une telle situation, en présence des impossibilités morales, presque matérielles, qui se dressaient inopinément devant lui, le sage Préfet, malgré son entêtement proverbial, se vit forcé de s'arrêter net et de ne pas aller plus avant. Il était condamné à l'inaction par la force des choses. Quant à retourner complètement sur ses pas et à révoquer les mesures déjà exécutées publiquement par Dominique aux Roches Massabielle, une telle solution ne pouvait même pas aborder la pensée du baron Pardoux. L'enlèvement des objets de la Grotte, étant un fait accompli, fut maintenu. Mais la Voyante demeura, libre, ignorant sans doute, entre ses prières du matin et celles du soir, l'orage qui venait de passer sur elle et qui n'avait point éclaté.

L'autorité civile, par cette tentative avortée et non reprise, constatait elle-même l'impossibilité absolus de convaincre Bernadette du moindre trouble cérébral. En laissant la Voyante libre, après avoir tenté de l'enfermer, le Pouvoir officiel rendait, malgré lui, un public hommage à la pleine intégrité de cette raison et de cette intelligence. L'incrédulité, par de tels coups mal dirigés, se blessait avec ses propres armes et servait précisément la cause qu'elle prétendait attaquer. Ne l'accusons pourtant pas de maladresse. Il doit être difficile de lutter contre l'évidence, et, en un tel combat, les fautes les plus lourdes sont inévitables. Toutefois, si M. Pardoux modifiait en quelques circonstances la forme de ses projets, il s'obstinait invinciblement dans le fond même de ses desseins. L'unique concession qu'il consentait parfois à faire aux événements, c'était d'abandonner un moyen reconnu inutile ou périlleux pour en prendre quelque autre d'une apparence plus efficace, et de tourner les obstacles, quand il était impossible de les briser ou de les franchir. En un mot, s'il changeait de tactique, il ne changeait jamais ses résolutions. Il ne reculait pas, il évoluait. Or, l'incarcération de Bernadette n'était qu'un moyen. Le principe premier et le but suprême, c'était le renverraient radical de la superstition et la défaite définitive au Surnaturel.

M. Pardoux ne perdit en rien l'espérance. Il avait « là Certitude, disait-il hautement, de venir bientôt à bout des difficultés grandissantes de la situation. Être vaincu, lui préfet de l'Empire, lui baron, lui Pardoux, par les contes bleus d'une enfantine bergère, terrassé parle fantôme d'une Apparition chimérique eût été insupportable à son orgueil et paraissait impossible à son génie. Donc, s'il dut renoncer, malgré sou discours du 4 mai, à faire enfermer la pauvre Bernadette comme folle, il n'en lut que plus acharné à mettre un terme d'une façon ou d'une autre aux envahissements du fanatisme. Les doctrines et les explications qui, depuis quelques jours, étaient devenues le thème favori des libres penseurs de ces contrées méridionales, suggérèrent à son esprit, déjà embarrassé, un moyen nouveau qui lui sembla véritablement décisif. Pour bien comprendre comment le Préfet en vint à changer de la sorte son plan d'attaque, il est bon de jeter un coup d'oeil sur ce qui se passait en ce moment dans le camp des intelligences antichrétiennes.

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Prière pour la réforme des Caractères

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, à mesure que nous avançons dans les événements divins et humains dont se compose votre histoire, nous remarquons toute la gravité qu'a, dans la direction de la vie, ce fond mystérieux de notre nature que l'on appelle « le caractère ». Le Préfet, l'Évêque, le Maire, l'Homme de police, le Curé de Lourdes agissent si différemment, plus encore par la divergence de leur caractère que par l'opposition de leurs idées. Obtenez-nous, ô Marie, de faire un sérieux retour sur nous-mêmes, et de connaître notre propre caractère, afin d'en réformer les travers et d'en maîtriser les caprices. Les entêtés, les susceptibles, les boudeurs, les malveillants, les renfermés et les taciturnes, les jaloux, les faibles, les grondeurs, les contredisants, tous les caractères mauvais font leur malheur propre et le malheur d'autrui; et la déplorable constance de leur façon d'être est certainement de plus désastreuse conséquence que telle faute matérielle, grossière, palpable, que tout le monde flétrit, et dont la conscience se garde avec horreur. C'est que, contrairement à l'opinion du monde, s'abandonner aux fâcheuses pentes du caractère constitue, pour chacun de nous, plus qu'une faute, même grave. C'est là un crime, ô Mère de toute perfection, un crime permanent, un état des plus coupables, sur lequel nous nous aveuglons, parce que, au lieu de voir son ensemble effrayant, nous n'en considérons chaque fois que le minime détail. Éclairez-nous, Reine de la lumière, sur ce côté ténébreux et ignoré de nous-mêmes, et donnez-nous la force de nous corriger. Faites comprendre aux boudeurs, aux grondeurs, aux susceptibles, aux gens tourmentants, que donner à chaque instant des coups d'épingle n'est pas moins abominable que donner une fois un coup de poignard. Qui n'aimerait mieux, en effet, recevoir une fois un coup de poignard que des coups d'épingle toute sa vie? Apprenez aux malveillants que, dans la comptabilité de Dieu, le total de leurs petites haines accumulées pourrait bien dépasser parfois en gravité la fureur horrible, mais momentanée, de celui qui a commis un meurtre. Apprenez aux jaloux et aux taciturnes que notre prochain en général, et notre famille plus particulièrement, a un droit absolu à notre cordialité, à notre affabilité, à l'ouverture de notre cœur, et que le leur enlever, c'est se rendre aussi coupable que l'avare, devenu voleur, qui enfouirait l'argent d'autrui et refuserait déloyalement de le rendre à qui il appartient. Enseignez aux obstinés que ne point vouloir accepter par entêtement la vérité venant de la bouche d'autrui, est peut-être aussi condamnable que de combattre la vérité connue. Les Juifs, qui ont crucifié Jésus-Christ et volontairement fermé les yeux à l'évidence pour s'en tenir avec fureur à leurs idées, étaient des entêtés. Dites aux caractères faibles qu'être faible, c'est trahir, et que la faiblesse est inexcusable quand on peut avoir pour appui la grâce et la force même de Dieu. Illuminez chacun de nous sur ces choses intimes que les autres voient souvent si bien, et desquelles nous essayons de détourner nos propres regards, afin de ne pas faire d'efforts. Éclairez-nous et donnez-nous de profiter de la lumière, afin que, heureux nous-mêmes en étant dans le bien, nous rendions les autres heureux, et fassions en nos personnes aimer le nom de Chrétien. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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17 mai 2012

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes 3/18

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes

Troisième apparition

le 18 février 1858

17 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

 Anselme_Lacadé

Dix-huitième jour

Le Conseil de révision : le discours du Préfet, Tentative de séquestration

 

I. En apprenant que la Vierge était apparue de nouveau et avait dit son nom à Bernadette, M. le Préfet envoya chez les Soubirous une Commission composée de deux Médecins. Il les prit parmi ceux qui n'admettaient pas plus que lui le Surnaturel, parmi ceux qui avaient leurs conclusions écrites d'avance dans leur prétendue philosophie médicale. Ces deux Médecins qui étaient de Lourdes et dont l'un était l'ami particulier du Procureur impérial, s'épuisaient depuis trois semaines à soutenir toutes sortes de théories sur la catalepsie, le somnambulisme, l'hallucination, et se débattaient exaspérés contre l'inexplicable rayonnement de l'extase, contre le jaillissement de la Source, contre les guérisons soudaines qui venaient à chaque instant battre en brèche les doctrines qu'ils avaient rapportées de Paris. Ce fut à ces hommes et dans ces circonstances que M. le Préfet jugea bon de confier l'examen de Bernadette. Ces messieurs palpèrent la tête de l'enfant et n'y trouvèrent aucune lésion, aucun signe qui indiquât la folie. Les réponses de l'enfant étaient sensées, sans contradictions, sans bizarrerie. Rien d'exagéré dans le système nerveux: tout au contraire, un plein équilibre et je ne sais quoi de profondément calme. Un asthme fatiguait souvent la poitrine de la petite fille; mais cette infirmité n'avait aucune liaison avec un dérangement du cerveau.

Les deux Médecins, très consciencieux d'ailleurs malgré leurs préventions, consignèrent toutes ces choses dans leur rapport, et constatèrent l'état très sain et très normal de l'enfant. Toutefois, comme sur la question des Apparitions, elle persistait invariablement dans son récit, ces messieurs, qui ne croyaient point à la possibilité de pareilles visions, crurent pouvoir mettre à ce sujet dans leur rapport que Bernadette pourrait bien être hallucinée. Ils n'osèrent dire un mot de plus. Mais M. le Préfet n'y regardait pas de si près, et ce Rapport lui parut suffisant. Muni de cette pièce, et en vertu de la loi du 30 juin 1838, il résolut de faire arrêter Bernadette et de la faire conduire à Tarbes pour être internée provisoirement à l'hospice, et ensuite, sans doute, dans une maison de fous. Frapper cette enfant n'était pas tout: il fallait opposer enfin une digue à ce mouvement extraordinaire de la population. Le Ministre l'avait insinué dans sa lettre au Préfet, cela était possible sans sortir de la légalité. Il n'y avait pour cela qu'à considérer la Grotte comme un oratoire, et à la faire dépouiller des ex-voto et des offrandes des croyants. Si les croyants opposaient de la résistance, un escadron de cavalerie se tiendrait à Tarbes, prêt à tout événement. Une émeute eût comblé bien des vœux secrets. Restait à faire exécuter, contre Bernadette et contre la population, ces diverses mesures, dont l'infaillibilité préfectorale avait reconnu la nécessité et l'urgence pour parer à l'invasion croissante du surnaturel.

II. C'était l'époque du Conseil de révision. M. le Préfet eut dans cette circonstance l'occasion de se rendre à Lourdes, d'y voir tous les Maires du canton et de leur adresser un discours officiel. Il prétendit que les événements de la Grotte ne pouvaient que jeter de la défaveur sur la Religion entendue à sa manière. « Le fait de la création d'un oratoire à la Grotte, fait suffisamment constitué par le dépôt d'emblèmes religieux et de cierges, est d'ailleurs, ajouta-t-il, une atteinte a portée à l'autorité ecclésiastique et civile, une illégalité qu'il est du devoir de l'Administration de faire cesser, puisque, aux termes de la Loi, aucune chapelle publique ou oratoire ne peut être fondée sans l'autorisation du Gouvernement, sur l'avis de l'Évêque diocésain. Aussi ne serez-vous point surpris d'apprendre, Messieurs, que j'ai donné l'ordre au Commissaire de Police d'enlever et de transporter à la Mairie, où ils seront mis à la disposition de ceux qui les ont déposés, les objets placés dans la Grotte. J'ai prescrit, en outre, d'arrêter et de conduire à Tarbes, pour y être traitées comme malades, aux frais du Département, les personnes qui se diraient visionnaires, et je ferai poursuivre, comme propagateurs de fausses nouvelles, .tous ceux qui auraient contribué a mettre en circulation les bruits absurdes que l'on fait courir ». Ceci se passait le 4 mai. C'est ainsi que le très-religieux préfet inaugurait son Mois de Marie. Immédiatement après son discours, le Chef du Département avait quitté la ville, laissant s'exécuter hors de sa présence ce qu'il avait ordonné.

III. Les mesures de M. le Préfet se complétaient l'une par l'autre. Par l'arrestation de Bernadette, il atteignait la cause; par l'enlèvement des objets de la Grotte, il atteignait l'effet. Si, comme c'était probable, ces ardentes populations, blessées dans la liberté de leurs croyance, dans leur droit de prier, dans leur religion, essayaient quelque résistance ou se livraient à quelque désordre, l'escadron de cavalerie, mandé par dépêche, accourait à bride abattue, et, mettant toutes choses au régime de l'état de siège, réfutait la Superstition par le tout-puissant argument du sabre. De même qu'il venait de transformer une question religieuse en question administrative, M. Pardoux était prêt à transformer la question administrative en question militaire. Le Maire et le Commissaire de Police étaient chargés, chacun selon ce qui les concernait, d'exécuter les volontés du Préfet. Le premier avait ordre de faire arrêter Bernadette; le second, de se rendre aux Roches Massabielle et de dépouiller la Grotte de tout ce que la piété ou la reconnaissance des fidèles y avait déposé. Suivons-les tous les deux, et commençons par le Maire, ainsi que Je veut la hiérarchie.

IV. Bien que M. Anselme L., Maire de Lourdes, évitât de se prononcer sur les événements extraordinaires qui se passaient, il en était fortement impressionné, et ce ne fut point sans une certaine terreur qu'il vit l'Administration entrer dans cette voie de violences. Il était fort perplexe. Il ignorait quelle attitude allaient prendre les populations; il est vrai que M. le Préfet annonçait l'envoi possible d'un escadron de cavalerie pour maintenir la tranquillité, dans la ville de Lourdes à la suite de l'arrestation; mais cela même ne laissait pas que de l'inquiéter fortement. Le côté surnaturel et les Miracles l'alarmaient aussi. Il ne savait que faire entre l'autorité du Préfet, la force du peuple et les puissances d'en haut. Il aurait voulu ménager la terre et le ciel. Il s'adressa pour soutenir son courage, au Procureur impérial, M. Vital; et, tous deux ensemble, ils se rendirent chez M. le Curé de Lourdes pour lui communiquer l'ordre d'arrestation émané de la Préfecture. Ils expliquèrent à l'abbé Peyramale comment, d'après le texte de la loi du 30 juin 1838, le Préfet agissait dans la plénitude de son droit légal. Le Prêtre ne put contenir l'explosion de son indignation devant la cruelle iniquité d'une telle mesure, fût-elle à là rigueur possible d'après quelqu'une des innombrables lois enfantées un jour ou l'autre, par les Lycurgues d'occasion que le flux ou le reflux de nos douze à quinze révolutions politiques ont jetés sur la grève du Palais-Bourbon.

« Cette enfant est innocente! s'écria-t-il; et la preuve, monsieur le Procureur impérial, c'est que, comme Magistrat, vous n'avez pu, malgré vos interrogatoires de toute sorte, trouver un prétexte à la moindre poursuite. Vous savez qu'il n'y a pas un tribunal en France qui ne reconnût cette innocence, éclatante comme le soleil; qu'il n'y a pas un Procureur général qui, en de telles circonstances, ne déclarât monstrueuse et ne fit cesser, non-seulement une arrestation, mais une simple action judiciaire ». « Aussi la Magistrature n'agit-elle pas, répondait M. Vital. M. le Préfet, sur le rapport des médecins, fait enfermer Bernadette comme atteinte de démence, et cela dans son intérêt, pour la guérir. C'est une simple mesure administrative qui ne touche en rien à la Religion, puisque ni l'Évêque ni le Clergé ne se sont prononcés sur tous ces faits, qui se passent en dehors d'eux ». « Une telle mesure, reprit le Prêtre en s'animant de plus en plus, serait la plus odieuse des persécutions; d'autant plus odieuse, qu'elle prend un masque hypocrite, qu'elle affecte de vouloir protéger, qu'elle se cache sous le manteau delà légalité, et qu'elle a pour objet de frapper un pauvre être sans défense. Si l'Évêque, si le Clergé, si moi-même nous attendons qu'une lumière de plus en plus grande se fasse sur ces événements pour nous prononcer sur leur caractère surnaturel, nous en savons assez pour juger de la sincérité de Bernadette et de l'intégrité de ses facultés intellectuelles. Et dès qu'ils ne constatent aucune lésion cérébrale, en quoi vos deux Médecins seraient-ils plus compétents pour juger de la folie ou du bon sens que l'un quelconque des mille visiteurs qui ont interrogé cette enfant, et qui ont admiré la pleine lucidité et le caractère normal de son 'intelligence? Vos médecins eux-mêmes n'osent affirmer et ne concluent que par une hypothèse. M. le Préfet ne peut, à aucun titre, faire arrêter Bernadette ». « C'est légal ». « C'est illégitime. Prêtre, Curé-Doyen de la ville de Lourdes, je me dois à tous, et en particulier aux plus faibles. Si je voyais un homme armé attaquer un enfant, je défendrais l'enfant au péril de ma vie, car je sais le devoir de protection qui incombe au boa Pasteur. Sachez que j'agirai de même quand bien même cet homme serait un Préfet et que son arme serait le mauvais article d'une mauvaise loi. Allez donc dire à M. Pardoux que ses Gendarmes me trouveront sur le seuil de la porte de cette pauvre famille, et qu'ils auront à me renverser, à me passer sur le corps, à me fouler aux pieds avant de toucher à un cheveu de la tête de cette petite fille ». « Cependant.... » « Il n'y a pas de cependant. Examinez, faites des enquêtes, vous êtes libres, et tout le monde vous y convie. Mais si, au lieu de cela, vous voulez persécuter, à vous voulez frapper les innocents, sachez bien qu'avant d'atteindre le dernier et le plus petit dans mon troupeau, c'est par moi qu'il faudra commencer ».

Le Prêtre s'était levé. Sa haute taille, sa tête aux traits puissants, la plénitude de force qui éclatait en lui, son geste résolu, son visage ardent d'émotion, commentaient ses paroles et leur donnaient toute leur physionomie. Le Procureur et le Maire se turent un instant. Puis ils parlèrent des mesures relatives à la Grotte. « Quant à la Grotte, reprit le Prêtre, si M. le Préfet veut, au nom des lois de la Nation et au nom de sa piété particulière, la dépouiller des objets que d'innombrables visiteurs y ont déposés en l'honneur de la sainte Vierge, qu'il le fasse. Les croyants seront attristés et même indignés. Mais qu'il se rassure, les habitants de ce pays savent respecter l'Autorité, même quand elle s'égare. On dit qu'à Tarbes un escadron est en selle, attendant pour accourir à Lourdes un signal du Préfet. Que l'escadron mette pied à terre. Quelque ardentes que soient les têtes, quelque ulcérés que soient les cœurs, on écoute ma voix et je réponds, sans la force armée, de la tranquillité de mon peuple. Avec la force armée, je n'en réponds plus ».

V. L'attitude énergique prise par M. le Curé de Lourdes, que l'on savait incapable de plier dans tout ce qu'il considérait comme son devoir, introduisait dans la question un élément imprévu quoique très-aisé à prévoir. Le Procureur impérial, dès qu'il s'agissait d'une mesure administrative, n'avait point à intervenir; et ce n'était qu'officieusement que M. Vital avait accompagné M. Anselme au presbytère. Tout le poids de la décision à prendre portait donc sûr ce dernier. M. Anselme avait la certitude que le Curé de Lourdes ferait infailliblement ce qu'il avait dit. Quant à opérer par surprise et à arrêter brusquement Bernadette à l'insu du Pasteur, il n'y fallait point songer, maintenant que l'abbé Peyramale était prévenu et qu'il avait l'œil ouvert. Nous avons dit tout à l'heure les impressions que ressentait le Maire en présence du Surnaturel surgissant tout à coup sous ses yeux. L'apparente impassibilité du magistrat municipal cachait un homme très anxieux et très agité. Il fit part au Préfet de la conversation que M. Vital et lui venaient d'avoir avec le Curé-Doyen, de l'attitude et des paroles de l'homme de Dieu. L'arrestation de Bernadette, ajoutait-il, pourrait, en outre, dans l'état des esprits, soulever la ville et provoquer une révolte indignée contre les autorités constituées. Quant à lui, devant, la détermination si formellement exprimée par M. le Curé et en présence de si redoutables éventualités, il se Voyait à regret obligé de se refuser, fallût-il résigner les honneurs de la Mairie, à faire exécuter personnellement une pareille mesure. C'était au Préfet, s'il le jugeait bon, d'agir directement et de faire opérer l'arrestation par un ordre direct à la Gendarmerie. Pendant que le sort et la liberté de Bernadette étaient soumis à ces incertitudes, M. Dominique, en grande tenue et revêtu de son écharpe, se préparait à exécuter, aux Roches Massabielle, lès mesures prescrites par M. Pardoux.

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Prière pour demander la vertu de Courage et la vraie Charité

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes! Que le noble spectacle de résistance à l'iniquité, donné par un pasteur vigilant, par un prêtre plein de zèle et de charité pour toute brebis de son troupeau, ne soit pas perdu pour nos âmes! Obtenez-nous cette mâle vigueur, trop rare, hélas! parmi les chrétiens dégénérés de notre siècle. Si aujourd'hui les méchants dominent dans le monde, c'est moins encore par leur propre énergie que par l'inconcevable faiblesse des bons, par la lâcheté des gens d'ordre qui ne savent ni se concerter, ni s'unir, ni se lever, ni se défendre. Chacun s'enfermant dans son indolence ou dans son intérêt du moment, déserte la cause publique. Et, par un juste châtiment qui punit l'égoïsme par où il pèche, cette prudence à courte vue amène la ruine et la perte de tous. Et ainsi se réalise, ô Marie! cette parole de votre Fils: « Celui qui aime sa vie la perdra ». En présence des périls inouïs dont les pervers menacent le monde, donnez-nous, ô Mère des Chrétiens, donnez-nous de comprendre par l'esprit, de comprendre surtout par le cœur, cette absolue solidarité qui doit unir les uns aux autres tous les frères de la grande famille et n'en faire qu'une seule volonté, qu'une seule âme, qu'un seul troupeau. Ah! si l'amour nous unissait de la sorte, nous serions invincibles, et l'armée des scélérats le verrait elle-même si clairement qu'elle n'oserait nous attaquer. Mais qui donc embrasera nos âmes de cette charité mutuelle, si effacée, hélas! de nos mœurs qu'elle semble un rêve irréalisable? Qui nous unira les uns aux autres? Qui donc fera naître dans les cœurs ce sentiment de solidarité chrétienne qui semble à la fois, et si nécessaire à nos maux, et si impossible à nos natures déchues? O Mère très-sainte, mieux que personne vous savez le moyen! Obtenez-nous d'aimer Jésus-Christ, de l'aimer véritablement, sincèrement, droitement, par-dessus tout; et, rentrant ainsi dans l'ordre éternel, nous sentirons nos cœurs s'ouvrir à la charité fraternelle et nous aimerons notre prochain comme nous-mêmes. Jésus est l'unité du monde. Il est l'unité intime de ceux qui l'aiment, et c'est par Lui et en Lui qu'ils s'aiment entre eux. Il est l'unité factice de ceux qui le haïssent et qui se coalisent contre Lui. Quand Jésus cesse d'être leur centre d'attaque, ces misérables s'entre-déchirent. Dieu soit loué, ô Mère du Christ, nous n'avons pas la haine de Jésus! mais malheureusement nous n'en avons pas l'amour véritable; et la preuve en est dans ce manque de force, d'unité et de cohésion qui livre le monde à la violence des méchants. Donnez-nous d'aimer Jésus, ô Marie, et nous nous aimerons les uns les autres, et nous serons courageux, et nous serons unis, et nous serons forts et inexpugnables. Donnez-nous d'aimer Jésus, et le monde sera sauvé. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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16 mai 2012

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes 2/18

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes

Deuxième Apparition

Le 14 février 1858

16 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Dix-septième jour

Henri Busquet, Les écuries de la Préfecture, à l'épreuve, La loi du 30 juin 1858

 

I. Il y avait à Nay, dans les Basses-Pyrénées, un enfant de quinze ans nommé Henri Busquet dont la santé était perdue. Il avait eu, en 1856, une violente et longue fièvre typhoïde à la suite de laquelle s'était formé au côté droit du cou un abcès qui avait gagné insensiblement le haut de la poitrine et le bas de la joue. Cet abcès était gros comme le poing. L'enfant souffrait à se rouler par terre. Le médecin, M. le docteur Subervielle, très-renommé en ce pays, perça cet abcès, quatre mois environ après sa formation, et il en sortit une énorme quantité de matière séro-purulente. Mais Henri ne guérit point. Après plusieurs médications impuissantes, le docteur songea aux eaux de Cauterets. En 1857, dans le courant du mois d'octobre, époque de l'année où, les riches baigneurs étant déjà partis, les indigents se rendent à ces thermes célèbres, le jeune Busquet y prit une quinzaine de bains. Ils furent plus nuisibles qu'utiles et avivèrent ses plaies. La maladie s'aggravait malgré des soulagements momentanés. Le malheureux enfant avait aux régions que nous venons d'indiquer un ulcère étendu, béant, fournissant une suppuration abondante, couvrant le haut de la poitrine, tout un côté du cou, et menaçant le visage. En outre, deux nouveaux engorgements glandulaires très prononcés s'étaient déclarés à côté de cet affreux ulcère. Tel était l'état de ce pauvre enfant lorsque, entendant parler des effets merveilleux de l'eau de la Grotte, il pensa à y avoir recours. Il voulait partir et faire à pied son pèlerinage aux Roches Massabielle; mais il présumait trop de ses forces et ses parents refusèrent de l'y conduire.

Henri, qui était très pieux, était poursuivi par l'idée que la Vierge apparue à Bernadette le guérirait. Il demanda à une voisine qui allait à Lourdes de puiser pour lui un peu d'eau à la Soirée. Elle lui en apporta une bouteille dans la soirée du mercredi 28 avril, fête du Patronage de saint Joseph. Vers les huit heures du soir, au moment de se coucher, l'enfant s'agenouille, et adresse sa prière à la Très-Sainte Vierge. Sa. famille priait avec lui: son père, sa mère, plusieurs frères et sœurs. C'étaient de très-braves gens, simples et croyants: l'une des filles est aujourd'hui religieuse chez les sœurs de Saint André. Henri se met au lit. Le docteur Subervielle lui avait souvent recommandé de ne se jamais servir d'eau froide sous peine d'une complication fâcheuse de son mal; mais, en ce moment, Henri pensait à toute autre chose qu'aux prescriptions de la Médecine. Il enlève les bandages et la charpie qui couvrent son ulcère et ses tumeurs, et, à l'aide d'un linge qu'il imbibe dans l'eau de la Grotte, il baigne et lave ses plaies avec l'onde miraculeuse. La toi ne lui manquait point. « Il est impossible, pensait- il, que la sainte Vierge ne me guérisse pas ». Il s'endort sur cette espérance. Un sommeil profond .s'empare de lui. Au réveil, son espérance était une réalité: toutes ses douleurs avaient cessé, toutes ses plaies étaient fermées; les glandes avaient disparu; l'ulcère n'était plus qu'une cicatrice solide, aussi solide que si la main du temps l'avait fermée lentement. La puissance éternelle qui était intervenue, et qui avait guéri, avait fait en quelques instants l'œuvre de plusieurs mois ou de plusieurs années. La guérison avait été complète, soudaine et sans convalescence.

Le Rapport des médecins adressé à la Commission s'inclinait devant le Miracle manifeste survenu en cet enfant, et déclarait que ce fait s'écartait entièrement de l'ordre de la nature. « Nous le rangeons, disait-il, parmi les faits qui possèdent. pleinement et d'une manière évidente le caractère surnaturel ». Le médecin ordinaire du malade, M. le docteur Subervielle, déclarait merveilleuse et divine, comme tout le monde, cette soudaine guérison; mais le scepticisme inquiet qu'il y a souvent au fond de l'esprit des disciples de la Faculté, attendait la grande épreuve du temps. « Qui sait, disait souvent M. Subervielle, si, à dix-huit ans, ceci ne reviendra pas? Jusque-là, je serai toujours tourmenté ». L'éminent médecin qui parlait ainsi ne devait pas avoir la joie de voir cette guérison confirmée par le temps. Le pays eut le malheur de le perdre; il mourut quelque temps après. Quant au jeune Henri Basquet, l'auteur de ce livre, suivant sa coutume de vérifier par lui-même, a voulu le voir et l'entendre.

Henri nous a dit son histoire, que nous connaissions déjà par les rapports officiels et par plusieurs témoins. Il nous l'a racontée comme une chose toute simple, sans stupeur et sans surprise. Pour le ferme bon sens de ces chrétiens du peuple, dont les sophismes n'ont pas égaré l'esprit, le Surnaturel ne paraît point extraordinaire, et moins encore contraire à là raison. Ils le trouvent conforme aux vraies notions du sens commun. S'ils sont surpris parfois qu'un médecin leur rende la santé, ils ne sont jamais étonnés que Dieu, qui a été assez puissant pour créer l'homme, soit assez bon pour le guérir. Ils voient d'un regard très droit, que le Miracle, loin de troubler l'ordre, est au contraire une des lois de l'ordre éternel. Si Dieu, dans sa miséricorde, a donné à Certaines eaux la vertu d'enlever telles maladies, s'il guérit indirectement ceux qui usent, suivant certaines conditions, de ces choses matérielles, combien, à plus forte raison, saura-t-il guérir directement ceux qui, directement, s'adressent à Lui? Ainsi raisonne le peuple chrétien, et le peuple chrétien raisonne justement. Nous avons voulu voir de nos yeux et toucher de nos mains les traces de cette terrible plaie, si miraculeusement guérie. Une vaste cicatrice marque la place où était l'ulcère. Il y a longtemps que l'enfant a franchi la crise de la dix-huitième année, et rien n'a reparu de sa cruelle maladie. Nulle souffrance, nul écoulement, nulle tendance aux engorgements glandulaires. La santé est parfaite. Henri Busquet est aujourd'hui un homme de vingt-cinq ans, plein de vie et de force. Il exerce comme son père l'état de plâtrier. Le dimanche, à la fanfare de l'Orphéon, il remplit, non sans talent, sa partie de trombone parmi les instruments de cuivre. Il a une voix superbe. Si jamais vous allez dans la ville de Nay, vous l'entendrez sûrement à travers les fenêtres de quelque maison en construction ou en réparation, car, sur ces échafaudages, il a coutume de chanter à plein cœur, depuis l'aurore jusqu'au soir. Vous pouvez écouter sans crainte que vos oreilles soient blessées par quelque chanson grossière. Ce sont de gais et d'innocents couplets, parfois même des cantiques que module cette voix charmante. Celui qui chante n'a pas oublié que c'est a la sainte Vierge qu'il doit la vie.

II. Tandis que tous ces Miracles s'accomplissaient de divers côtés, il survint un incident, en apparence très étranger à l'objet de cette histoire, mais qui devait avoir, tout insignifiant qu'il parût, les conséquences les plus décisives sur la marche des événements. M. le Préfet des Hautes-Pyrénées trouva vers cette époque que ses chevaux de selle et de voiture étaient assez mal logés, et qu'il convenait de leur faire élever des écuries spacieuses et élégantes. Malheureusement le terrain faisait un peu défaut. Or, M. Pardoux tenait, avant toutes choses, à ne point défigurer par ces constructions, soit sa cour, soit son jardin. La Préfecture de Tarbes est toute voisine de la Cathédrale. Entre les deux édifices se trouvait l'ancien cimetière des prêtres et chanoines de cette Église. La tradition rapportait que plusieurs nobles familles de ce pays y avaient eu des caveaux et que là reposaient des cendres illustres. M. le Préfet se dit en lui-même que cet emplacement conviendrait parfaitement pour ses écuries et remises. De l'idée à l'exécution, il n'y avait jamais loin chez le baron Pardoux. Il fit donc creuser les fondations parmi les pierres et les ossements, et l'on vit bientôt s'élever sur le cimetière lès constructions nécessaires aux chevaux officiels. M. le Préfet plaça ses bâtiments juste en face de l'une des anciennes portes de la Cathédrale, à trois mètres au plus, de sorte que le brouhaha de l'écurie devait forcément retentir jusque dans le temple.

Un tel oubli des convenances ne pouvait qu'émouvoir et affliger vivement l'Évêché. Mgr Laurence essaya inutilement de faire comprendre à M. Pardoux que ce sol était sacré, qu'il appartenait à l'Église, et que le pied des chevaux ne devait troubler, ni la paix des morts, ni la prière des vivants. M. le Préfet, nous l'avons dit, ne savait pas reculer. Congédier les ouvriers, choisir un autre emplacement, c'eût été reconnaître qu'il avait eu tort. Aussi, malgré le désir très vif qu'il pouvait avoir de ménager l'Evêque, ne tint-il aucun compte des observations du prélat. Il maintint sur l'ancien cimetière les travailleurs qui construisaient ses écuries. Devant cette persistante violation des tombeaux, Mgr Laurence sortit de sa réserve, et Sa Grandeur fit entendre une protestation énergique. Elle s'adressa directement au Ministre pour qu'il eût à faire détruire ces bâtisses inconvenantes et scandaleuses. Le Préfet fut vivement blessé de l'attitude très ferme et très digne prise par l'Evêque. Suivant sa coutume, il s'obstina, de plus en plus. Il courut à Paris pour argumenter auprès du Ministre; il tâcha de mettre dans son parti le Conseil général; il se fit faire des consultations juridiques: bref, il se livra à une lutte désespérée dont il serait sans intérêt de raconter ici les épisodes: cette question devait durer plusieurs mois, pour être finalement décidée conformément aux très-sages réclamations de Mgr Laurence. Sur le terrain de ces écuries démolies, l'herbe croît aujourd'hui, et un arbre funéraire, placé au milieu, marque qu'en cet endroit repose la cendre des morts. Mais du jour où l'Évêque fit entendre sa protestation, l'harmonie qui existait jusque-là entre le chef du Département et le chef du Diocèse fut à jamais rompue. A cette harmonie succéda dans le cœur du Préfet un vif sentiment d'irritation. Il cessa d'être disposé aux ménagements: tout au contraire peut-être. De même qu'il voulait envahir sur le terrain de l'Église dans cette misérable question des écuries, de même, dans la question des Apparitions, il se sentit désormais plus porté qu'auparavant à empiéter violemment sur le domaine spirituel de l'Évêque. Le frein qui l'avait arrêté jusqu'à ce moment venait de se briser. Les petites causes produisent parfois de grands effets.

III. Dans le courant de ces mois de mars et d'avril, avant comme après la lettre du Ministre; M. le Préfet avait employé sa vive intelligence à trouver en dehors du Surnaturel la clef de ces étranges affaires de Lourdes. Les interrogatoires avaient été inutilement renouvelés par le parquet et par Dominique. Ni le Commissaire de Police ni le Procureur impérial n'avaient pu prendre l'enfant en défaut. Cette petite bergère de treize ou quatorze ans, ignorante et ne sachant ni lire, ni écrire, ni même parler français, déconcertait par sa simplicité profonde les habiles et les prudents. On avait appris qu'une famille étrangère et immensément riche ayant, comme tout le monde, subi le charme de Bernadette, lui avait proposé de l'adopter en offrant aux parents une fortune, cent mille francs, avec la faculté de rester auprès de leur enfant. Le désintéressement de ces braves gens n'avait pas même été tenté, et ils avaient voulu rester pauvres. Tout échouait, les pièges de la ruse, les offres de l'enthousiasme, la dialectique des esprits les plus déliés. Quelle que fût son horreur pour le fanatisme, M. la Procureur impérial ne pouvait trouver ni dans le Code d'Instruction Criminelle, ni dans le Code Pénal, aucun texte qui l'autorisât à sévir contre Bernadette et à la faire incarcérer. Une arrestation de cette nature eût été illégale au premier chef et aurait pu avoir pour le magistrat qui l'eût ordonnée des conséquences fâcheuse. Aux yeux de la loi pénale, Bernadette était innocente.

IV. M. le Préfet, avec sa très grande netteté d'esprit, se rendit compte de tout cela. Il songea alors à arriver au même résultat à l'aide d'un autre moyen, et à procéder par mesure administrative à cet emprisonnement qui lui semblait utile et dont la Magistrature, les codes à la main, ne se croyait pas le droit de prendre l'initiative. Il y a dans l'immense arsenal de nos lois et règlements une arme redoutable, imprudemment créée à notre avis dans la pensée très-louable de protéger l'individu contre lui-même, mais qui peut, entre les mains de la malveillance ou de l'aveuglement, donner lieu à la plus épouvantable des tyrannies, c'est-à-dire à la séquestration arbitraire et sans appel d'un innocent. Nous voulons parler de la„loi sur les Aliénés. Sans débat public, sans dépense possible, sur le certificat d'un ou deux médecins le déclarant atteint de trouble mental, un malheureux peut être saisi brusquement, par simple mesure administrative, et jeté dans la plus terrible, des prisons, dans le cabanon d'une maison de fous. Convaincu comme il l'était de l'impossibilité actuelle du Surnaturel, M. le Préfet Pardoux n'hésita pas dans l'impuissance où se trouvait la Magistrature, à chercher dans cette loi redoutable une solution à la question extraordinaire qui venait de surgir tout à coup dans son département.

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Prière pour les morts

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Dans le cours de votre histoire, ô Notre-Dame de Lourdes, vous avez voulu nous faire rencontrer le lieu que nous ne devrions jamais oublier; le lieu mélancolique où nous ont précédé tant d'êtres si chers et si regrettés; le lieu redoutable où Dieu lui-même nous attend: le Cimetière vers lequel nous marchons tous ci-bas. O Marie! Mère du Christ mort et ressuscité, Mère du divin Jésus qui descendit dans les domaines du trépas pour y chercher l'âme des justes, ayez pitié de ceux que nous avons aimés, et qui. privés de la contemplation de Dieu, souffrent encore dans ces sombres régions. Nous ne les voyons plus, ô Marie! nous ne les entendons plus; mais vous les voyez de vos yeux, Reine suprême des vivants et des morts, et vous entendez, tout aussi bien que nos propres paroles, l'accent de leurs supplications et le cri de leur repentir. Que l'ardente prière que nous vous adressons pour eux et que nous vous prions de porter auprès du Trône du Seigneur, que cette pieuse prière de notre cœur, tout rempli de leur souvenir, retentisse dans le lieu de leur peine! Miséricordieuse Mère du souverain Juge, intercédez auprès de Dieu, afin que, leur appliquant une nouvelle part des infinis mérites de Jésus-Christ, il termine pour eux le temps de l'expiation et les reçoive dans le séjour de la vie éternelle et de la félicité sans limites. Et vous, morts bénis et bien-aimés qui êtes déjà dans le Paradis, souvenez-vous de ceux qui voyagent encore sur la terre; intercédez pour nous et avec nous, pour que cous parvenions aussi au Ciel où vous régnez dans la gloire; et unissez-vous à nous quand nous disons: « Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous! » Ainsi soit-il.

 

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16 mai 2012

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes 1/18

Les Apparitions de Notre Dame de Lourdes

Première apparition

11 février 1858

15 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

Procureur_de_Lourdes_Dutour 

Seizième jour

Le ministre Gustave R., Prudence de l'Evêque, apparition du lundi de Pâques, le cierge, Les ex-voto, deux trimestres judiciaires, Bernadette et les visiteurs

 

I. La question qui était montée du Commissaire au Préfet avait continué son mouvement ascensionnel et était arrivés jusqu'au Ministre. Le 12 et le 26 mars, M. le Préfet avait fait ses rapports à Son Excellence, en se bornant, jusqu'à sa réponse, aux mesures que nous avons dites. M. Gustave R. était ministre. Ancien Procureur général et alors Ministre de l'Instruction publique, ce haut personnage était en grand ce que le Commissaire et le Préfet étaient en petit. II ne pouvait admettre un seul instant la réalité des Visions et des Miracles de Lourdes. Donc, à deux cent cinquante lieues des événements, sans autres documents que deux lettres préfectorales, il trancha net la question avec ce ton décisif qui do me le dernier mot des choses sans Saigner même les discuter. Malgré les conseils de prudence qu'il donnait au Préfet, il laissait voir son parti pris de ne pas tolérer les Apparitions et les Miracles. Comme toujours, en pareille circonstance, le Ministre se posait d'ailleurs en défenseur de la Religion. « Il importe, à mon avis, écrivit-il au Préfet, de mettre un terme à des actes qui finiraient par compromettre les véritables intérêts du Catholicisme et affaiblir le sentiment religieux dans les populations. En droit, nul ne peut constituer un oratoire ou lieu public de culte, sans la double autorisation du pouvoir civil et du pouvoir ecclésiastique. On serait donc fondé, dans la rigueur des principes, à fermer immédiatement la Grotte, qui a été transformée en une sorte de chapelle. Mais il y aurait vraisemblablement des inconvénients graves à vouloir user brusquement de ce droit. Il convient de se borner à empêcher la jeune fille visionnaire de retourner à la Grotte, et à prendre les mesures qui pourront insensiblement détourner l'attention du public en rendant chaque jour les visites moins fréquentes. Il sera indispensable que vous vous concertiez avec le Clergé, mais je ne saurais trop vous engager à traiter directement cette affaire délicate avec Mgr l'évêque de Tarbes, et je vous autorise à dire, en mon nom, au prélat, que je suis d'avis de ne pas laisser un libre cours à un état de choses qui ne manquerait pas de servir de prétexte à de nouvelles attaques contre le Clergé et la Religion ».

II. Sur cette lettre, le Préfet s'adressa à l'Évêque pour le prier de faire interdire formellement à Bernadette tout voyage à la Grotte. Il mit tout naturellement en avant l'intérêt de la Religion compromis pat ces hallucination? ou ces supercheries, et l'effet déplorable que de semblables choses produisaient sur tous les esprits sérieux, qui cherchaient en toute bonne foi à concilier le Catholicisme avec la saine philosophie et avec les idées modernes. Quant a l'hypothèse que les Apparitions fussent réelles, M. le baron Pardoux, pas pins que M. Gustave R., ne daignait s'y arrêter. Le Préfet et le Ministre avaient un égal dédain pour de telles superstitions. Le Préfet était habile, mais l'Évêque était sagace, et il était malaisé de lui cacher le fond sous la forme. Il comprit qu'il fallait, d'un côté, se refuser énergiquement à la pression du pouvoir temporel, et d'autre part, ne le point irriter; repousser ses exigences inadmissibles, et en même temps maintenir la bonne harmonie. Entre ces diverses difficultés, Mgr Laurence sut se tenir dans une sage mesure. Dans ces circonstances, défendre formellement à Bernadette d'aller à la Grotte quand elle s'y sentait appelée par une voix d'en haut, c'eût été attenter à la liberté la plus sacrée de l'âme, et les hommes de l'Église savent la respecter, même chez une enfant: mais user de la voix du conseil et engager Bernadette à ne point se rendre aux Roches Massabielle en dehors de cette irrésistible impulsion, c'est ce que l'Évêque crut prudent d'ordonner au curé de Lourdes, afin d'empêcher autant qu'il était en lui, le pouvoir civil d'entrer dans cette voie dangereuse des persécutions vers laquelle, avec sa très-grande sûreté de coup d'œil, il le voyait incliner. Mgr Laurence, ainsi que nous l'avons dit, était d'ailleurs dans le doute au sujet du jugement à porter sur les événements de Lourdes. N'étant point sur les lieux, ne voyant point directement les merveilles qui s'accomplissaient, ne les connaissant même que d'après les rapports d'ecclésiastiques qui n'en étaient point les témoins immédiats, il n'avait pas encore formé sa conviction. Il attendait.

III. Le jour de Pâques était arrivé. Malgré les pieuses appréhensions de M. le Ministre des Cultes, les merveilles accomplies à Lourdes n'avaient point « affaibli le sentiment religieux des populations ». Des conversions sans nombre avaient eu lieu: les confessionnaux étaient assiégés de monde. Des usuriers ou des voleurs avaient restitué: beaucoup de scandales avaient cessé. Les Fidèles se pressaient autour de la Table Sainte. Le lundi de Pâques, 5 avril, c'est-à-dire le jour même où le Préfet était allé chez Sa Grandeur, la Mère de Dieu avait fait de nouveau entendre un appel intérieur a la fille du meunier; et l'enfant, bientôt suivie d'une foule immense, s'était rendue à la Grotte où, comme précédemment, le ciel s'était ouvert devant elle et lui avait laissé voir la Vierge Marie dans sa gloire. Ce jour-là, aux yeux émerveillés de la multitude, s'accomplit un fait fort étrange. Le cierge que Bernadette avait apporté ou qu'on lui avait donné était très-grand, et elle l'avait appuyé par terre en le soutenant par le bout entre les doigts de ses mains à demi jointes. La Vierge lui apparut. Et voilà que, par un instinctif mouvement d'adoration, la Voyante, tombant en extase devant la Beauté immaculée, éleva un peu les mains et les laissa reposer doucement et sans y songer sur le bout du cierge allumé. Et alors la flamme se mit à passer entre ses doigts légèrement entr' ouverts et à s'élever au-dessus, oscillant çà et là, suivant le faible souffle du vent. Bernadette pourtant demeurait immobile et abîmée dans la céleste contemplation, ne s'apercevant même pas du phénomène qui faisait autour d'elle la stupéfaction de la multitude. Les témoins se pressaient les uns sur les autres pour mieux voir. M. Dozous, dès les premiers moments, avait tiré sa montre : cet état extraordinaire dura un peu plus qu'un quart d'heure. Tout à coup, un léger frissonnement se produit dans le corps de Bernadette. Ses traits redescendent. La Vision avait cessé et l'enfant était revenue à son état naturel. On lui prend la main, rien que de normal n'y apparaissait. La flamme avait respecté la chair de la Voyante en extase devant Marie. La foule, non sans raison, criait au miracle. L'un des spectateurs cependant, voulant faire la contre-épreuve, avait pris ce cierge encore allumé, et, sans qu'elle y fit attention, il l'approcha de la main de Bernadette. « Ah! monsieur, s'écria-t-elle en se retirant vivement, vous me brûlez! » Les événements de Lourdes avaient produit une telle commotion dans le pays et l'affluence des étrangers était telle que ce jour-là, bien qu'on ne fût point, comme dans la Quinzaine, prévenu à l'avance, la multitude réunie un instant autour de Bernadette s'était élevée à près de dix mille personnes.

IV. Le concours continuait sur le chemin des Roches Massabielle. Pas un cri tumultueux dans cette foule, pas une agitation dans ce fleuve populaire dont les flots se renouvelaient sans cessé. Des cantiques, des litanies, des vivats en l'honneur de la Vierge, voilà tout ce qu'on entendait, voilà tout ce que M.Dominique et sa police pouvaient enregistrer dans leurs Rapports C'était plus que l'ordre, c'était le recueillement. Les ouvriers de Lourdes avaient élargi le sentier, tracé depuis quinze ou vingt jours par les carriers sur les pentes de Massabielle; ils avaient fait jouer la mine et taillé le rocher en maint endroit; de sorte qu'ils avaient créé sur ces coteaux abrupts un chemin assez large et très praticable. C'était un travail considérable qui avait demandé de la peine, du temps, des frais. Ces braves gens accomplissaient ce labeur dans la soirée, en revenant des chantiers où ils étaient occupés du matin au soir. Ils se reposaient des fatigues de leur rude journée en travaillant à ce chemin qui conduisait à Dieu: « In labore requies ». Vers la tombée de la nuit, on les voyait attachés comme une fourmilière au flanc du tertre rapide, piochant, brouettant, creusant le roc, y mettant de la poudre et faisant voler en éclats le marbre ou le granit. « Qui vous payera? » leur disait-on. « La sainte Vierge », répondaient-ils. Avant de se retirer, ils descendaient tous ensemble à la Grotte et faisaient la prière en commun. Au milieu de cette superbe nature, sous ce beau ciel étoile, ces scènes chrétiennes avaient une simplicité et une grandeur primitives.

V. La Grotte changeait peu à peu d'aspect. Jusque-là, on y avait fait brûler des cierges en signe de vénération. On y déposa vers cette époque des vases de fleurs, naturelles ou découpées par de pieuses mains, des statues de la Vierge, des ex-voto en signe de reconnaissance. Les ouvriers avaient fait une petite balustrade pour protéger ces objets fragiles contre les involontaires accidents qu'aurait pu occasionner l'empressement de la multitude. Plusieurs personnes ayant reçu quelque grâce singulière par l'intervention de Notre-Dame de Lourdes, apportèrent comme un hommage au lieu de la Vision leur petite croix d'or avec la chaîne, confiant la garde de leur pieuse offrande à la foi publique. Comme dès ce moment tout le pays s'écriait qu'il fallait obéir à l'Apparition et construire une chapelle, on se mit également à jeter de l'argent dans la Grotte. Les sommes considérables, quelques milliers de francs, se trouvèrent ainsi exposés en plein air, sans nulle défense extérieure, durant la nuit et durait le jour; et, tel était le respect qu'inspirait ce lieu, naguère inconnu, tel était l'effet moral produit sur les âmes, qu'il ne se trouva pas un seul malfaiteur dans tout le pays pour commettre un larcin sacrilège. Et cela est d'autant plus merveilleux, que, quelques mois auparavant, plusieurs églises avaient été dévalisées. La Vierge ne voulait point que le moindre souvenir criminel se mêlât à l'origine du Pèlerinage qu'elle voulait établir.

VI. Une circonstance singulière qui passa peut-être inaperçue à cette époque fut relevée par la suite et frappa beaucoup de personnes. Nous ne pouvons nous empêcher de la faire remarquer. Un des plus beaux privilèges de la Souveraineté, c'est le droit de faire grâce, et quand un roi veut fêter son avènement, il amnistie les coupables. La Reine du Ciel pouvait plus et fit plus. Elle voulut qu'il n'y eût pas même de coupables. Les Apparitions qui avaient eu lieu déjà et celles qui eurent lieu plus tard se trouvèrent réparties sur deux trimestres judiciaires. Or, pendant ces deux trimestres, il n'y eut dans le Département, ni un seul crime commis, ni un seul criminel condamné. C'est un fait peut-être sans précédent La session des assises de mars n'eut à examiner qu'une seule affaire antérieure à la période des Apparitions, et qui se termina par un acquittement. La session suivante, qui devait avoir lieu en juin, n'eut que deux affaires à juger, l'une et Vautre relatives à des événements antérieurs à cette même période. Cette coïncidence étonnante, cette marque mystérieuse de l'invisible influence qui planait sur toute la contrée, cette preuve tout extérieure, ce prodige moral, ce miracle diocésain, nous semblent faits pour donner à réfléchir aux esprits les plus frivoles. Comment, pendant un aussi long temps, les criminels ont-ils eu le bras arrêté? Est-ce imposture, hallucination ou catalepsie? Comment le glaive de la justice n'a-t-il pas eu à sévir? D'où venait cette paix, cette trêve de Dieu, précisément en ce moment? En dehors de la raison que nous indiquons, nous invitons l'incroyance à essayer de trouver la cause de ce fait surprenant et de cette étrange coïncidence. Elle le tentera vainement. La Reine du ciel avait passé, la Reine du ciel avait béni.

VII. Bernadette était constamment visitée par les innombrables étrangers, que la piété ou la curiosité faisaient affluer à Lourdes. Il y en avait de toutes les classes, de toutes les professions, de toutes les philosophies. Nul ne prit en défaut cette parole simple et loyale; nul, après avoir vu et entendu la Voyante, n'osa dire qu'elle mentait. Au milieu des partis agités et des discussions sans nombre, cette petite enfant, par un privilège inconcevable, inspirait à tous le respect, et elle ne fut pas une seule fois en butte à la calomnie. L'éclat de cette innocence était tel, que sa personne ne fut ni atteinte ni attaquée: une invisible égide la protégeait. D'une intelligence très-ordinaire en toutes choses, Bernadette était au-dessus d'elle-même toutes les fois qu'elle avait à rendre témoignage de l'Apparilion. Aucune objection ne la troublait. Elle avait des réponses profondes. M. de Rességuier, conseiller général et ancien député des Basses-Pyrénées, vint la voir : il était accompagné de plusieurs dames de sa famille. Il se fit raconter les Visions dans le plus grand détail. Lorsque Bernadette lui dit que l'Apparition s'exprimait en patois béarnais, il se récria: « Tu ne dis point la vérité, mon enfant! Le bon Dieu et la sainte Vierge ne comprennent pas ton patois et ils ne savent pas ce misérable langage ». « S'ils ne le savaient pas, monsieur, répondit-elle, comment le saurions-nous nous-mêmes? Et s'ils ne le comprenaient pas, qui nous rendrait capables de le comprendre? » Elle avait des reparties spirituelles. « Comment la sainte Vierge a-t-elle pu t'ordonner de manger de l'herbe? Elle te prenait donc pour une bête? » lui disait un jour, un sceptique. « Est-ce que vous pensez cela de vous quand vous mangez de la salade? » lui répliqua-t-elle en souriant finement. Elle avait des réponses naïves. Ce même M. de Rességuier lui parlait de la beauté de l'Apparition de la Grotte : « Était-elle aussi belle que les personnes que voici? » lui demanda-t-il. Bernadette promena son regard sur le cercle charmant des jeunes filles et des dames qui avaient accompagné le visiteur, puis elle eut comme une moue de dédain: « Oh! c'était bien autre chose que tout cela! » fit-elle. Tout cela, c'était l'élite de la société de Pau. Elle déconcertait les subtilités de l'esprit par lesquelles on cherchait à l'embarrasser. « Si M. le Curé vous défendait formellement d'aller à la Grotte, que feriez-vous? » lui disait quelqu'un. « Je lui obéirais ». « Mais si vous receviez en même temps de l'Apparition l'ordre d'y aller, que feriez-vous alors entre ces deux ordres contraires? » L'enfant tout aussitôt, sans hésiter le moins du monde, répondit: « J'irais demander la permission à Monsieur le Curé ».

Rien, ni à cette époque ni plus tard, ne lui fit perdre sa simplicité pleine de grâce. Jamais, à moins d'être interrogée, elle ne parlait de l'Apparition. Elle se considérait toujours comme la dernière à l'école des Sœurs. On avait de la peine à lui apprendre à lire et à écrire. L'esprit de cette enfant était ailleurs, et, si nous osions pénétrer dans cette nature exquise et visitée par la grâce, nous dirions peut-être que son âme, peu curieuse sans doute de ce savoir humain, faisait l'école buissonnière dans les halliers du Paradis. Aux récréations, elle se confondait avec ses compagnes. Elle aimait à jouer. Quelquefois un visiteur, un étranger venu de loin demandait aux Sœurs de lui montrer cette Voyante, cette privilégiée du Seigneur, cette bien-aimée de la Vierge, cette Bernadette dont le nom était déjà si célèbre. « La voilà », disait la Sœur en la désignant du doigt parmi les autres enfants. Le visiteur regardait, et il voyait une petite fille chétive et misérablement vêtue, jouant aux barres, à cache-cache, à pigeon vole, sautant à la corde, tout entière aux innocents plaisirs de l'enfance. Mais ce qu'elle préférait à tout, c'était de figurer, elle la trentième ou la quarantième, dans une de ces rondes immenses que les enfants font en chantant et en se tenant par la main. La Mère de Dieu, en apparaissant à Bernadette, en lui donnant le rôle d'un témoin des choses célestes, en faisant d'elle le centre d'un concours innombrable et comme un objet de pèlerinage, avait protégé, par un miracle plus grand que tout autre, sa simplicité et sa candeur, et elle lui avait fait le don extraordinaire, le don divin de demeurer une enfant.

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Prière pour le salut du monde

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes qui avez, durant la période de vos Apparitions, arrêté, sur toute retendue d'un diocèse, le bras menaçant des criminels, étendez, étendez votre main protectrice sur la terre entière, sur ce globe qui vous doit être cher, car il fut votre passagère patrie, et vos pieds l'ont foulé jadis pendant les jours de votre pèlerinage mortel; sur ce globe qui est-devenu sacré depuis qu'y- fut plantée la Croix du Rédempteur et qu'il fut arrosé du sang de Jésus-Christ. Regardez, ô fille d'Adam et mère de Dieu, regardez les crimes et les forfaits qui couvrent les continents et les îles. Regardez régner en ce monde le vil amour de l'argent qui a envahi tous les cœurs; le dur égoïsme et la basse envie qui dissolvent tant de familles et qui divisent toutes les classes; les colères abominables qui les mettent aux prises en des procès sacrilèges ou de fratricides combats; l'orgueil, l'ambition, la fureur de dominer qui ensanglantent la terre de leurs honteuses révolutions et de leurs hideuses batailles; la luxure homicide qui corrompt ou tarit en leur source sacrée les principes mêmes de la vie; la lâche paresse qui dévore sans produire et qui n'a pas honte de voler de la sorte le patrimoine du genre humain; l'immonde gourmandise, l'ivrognerie, la sensualité des mets et des liqueurs qui abêtit les intelligences et ravale l'homme au-dessous des brutes. Au lieu de la Foi, l'incroyance; au lieu de la Charité, la haine; au lieu de l'Espérance, les rages sourdes et désolées des infortunes sans issue; au lieu de la paix, promise aux hommes de bonne volonté, partout les dissensions, les luttes, les insurrections et les guerres sortant des volontés coupables. Partout le nom sacré de Dieu blasphémé, partout son saint jour profané.... O Marie! est-il donc difficile de guérir de tels maux à Celui qui créa l'Univers, qui ressuscita Lazare déjà en proie à la corruption, et qui fera un jour surgir de son tombeau la race humaine ensevelie? Non! non! ce n'est pas de votre bouche; non, ce n'est pas du Ciel que nous viendra le mot « impossible »! « Impossible » n'est pas maternel; « impossible » n'est pas divin. De la part du Dieu tout-puissant, « impossible » n'est pas possible.... O notre Mère! depuis déjà des siècles, des âmes saintes que l'Église vénère ont répandu dans la chrétienté le pressentiment que c'est par Vous, Marie Immaculée, que le salut viendrait à nos temps malheureux! Elles ont cru que vous seriez l'aurore dès jours de Dieu sur notre terre régénérée. Étoile du matin, nous vous prions de justifier leur foi! Nous vous prions de réaliser nos espérances ! Comment cela se fera-t-il, ô Marie? Qu'importe ! si cela se fait. Un tel miracle, un si prodigieux renversement de ce qui existe, une telle fondation d'un ordre nouveau n'est ni au-dessus de votre bonté, ni au-dessus de votre puissance. Ayez donc pitié, ô notre Mère! Notre-Dame de Lourdes, délivrez-nous du péché, le seul mal d'ici-bas! Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous! Ainsi soit-il.

 

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14 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Quinzième jour

Attitude des philosophes, apparition du 25 mars 1858, Immaculée Conception

 

I. La philosophie incroyante, irritée cependant par ces événements qu'elle semblait mépriser, et contre lesquels elle n'osait pas tenter l'épreuve décisive d'une enquête publique, cherchait d'autres moyens de se débarrasser de ces faits écrasants. Elle eut recours à une manœuvre d'une habileté profonde, qui indique toutes les ressources d'esprit que la haine du Surnaturel faisait déployer au groupe des Libres-Penseurs. Au lieu d'examiner les vrais miracles, ils en inventèrent de faux dont ils se réservaient plus tard de dévoiler l'imposture. A Tarbes et autres lieux, leurs journaux ne parlèrent ni de Louis Bourriette, ni de l'enfant de Croisine Ducouts, ni de Blaise Maumus, ni de la veuve Crozat, ni de Marie Daube, ni de Bernarde Soubie, ni de Fabien Baron, ni de Jeanne Crassus, ni d'Auguste Bordes, ni de cent autres. Mais ils fabriquèrent perfidement une légende imaginaire, espérant la propager par la voie de la presse et la réfuter ensuite à leur aise. Une telle assertion peut sembler étrange, aussi ne marchons-nous que preuves en mains. « Ne vous étonnez pas, disait le journal de la Préfecture, l'Ère impériale, s'il y a encore des gens qui persistent à soutenir que la jeune fille est prédestinée, et qu'elle est douée d'une puissance surnaturelle. Pour ces gens-là, il est avéré: 1° Qu'une colombe a plané avant-hier sur la tête de l'enfant pendant le temps qu'a duré son extase; 2° Que la jeune fille a soufflé sur les yeux d'une petite aveugle et lui a rendu la vue; 3° Qu'elle a guéri un autre enfant dont le bras était paralysé; 4° Enfin qu'un paysan de la vallée de Campan, ayant déclaré qu'il n'était pas dupe de ces scènes d'hallucination, la petite fille avait obtenu que les péchés de ce paysan fussent changés en serpents, lesquels serpents l'avaient dévoré sans qu'on ait trouvé trace des membres de l'irrévérencieux ». Quant aux vraies guérisons, quant aux faits miraculeux réellement constatés, quant au jaillissement de la Source, l'habile rédacteur se gardait bien d'en parler. Avec un art non moins grand, il ne donnait aucun nom, afin d'éviter les démentis. Placé au centre même des événements, et par suite se sentant moins hardi contre l'évidence, le pauvre Lavedan, journal de Lourdes, se sentait écrasé par les faits, et se taisait résolument. Son silence devait durer plusieurs semaines. Il ne disait pas un mot de ces choses inouïes et de cette affluence de peuple. On aurait cru volontiers qu'il était rédigé à l'autre bout du monde, s'il n'eût rempli ses colonnes d'articles empruntés çà et là dans les feuilles publiques et dirigés contre la Superstition en général.

II. Durant la période; des Apparitions, un temps magnifique avait favorisé le mouvement populaire. Il y avait eu une série non interrompue de beaux jours comme on n'en avait pas vu depuis plusieurs années. A partir du 5 mars, le temps changea et il tomba une neige épaisse. Les rigueurs de la saison ralentirent naturellement pendant quelques jours le concours à la Grotte. Les guérisons miraculeuses continuaient du reste à se produire. La dame Benoîte Cazeaux, de Lourdes, retenue depuis trois ans dans son lit par une fièvre lente qui se compliquait de point de côté et de douleurs, avait eu vainement recours à la science médicale: tout avait échoué. L'eau de la Grotte l'avait guérie subitement. Blaisette Soupenne avait vu de la même manière et avec la même soudaineté disparaître une maladie chronique des yeux, dont la médecine avait désespéré jusque-là. Les faits merveilleux se multipliaient. Dieu faisait son oeuvre. La sainte Vierge montrait sa toute-puissance.

III. Depuis le dernier jour de la Quinzaine, Bernadette était retournée plusieurs fois à la Grotte, mais un peu comme tout le monde, c'est-à-dire sans ouïr en elle-même cette voix intérieure qui l'appelait irrésistiblement. Cette voix, elle l'entendit de nouveau le 25 mars, dans la matinée, et elle prit aussitôt le chemin des Roches Massabielle. « Bernadette va à la Grotte! », s'écria-t-on de l'un à l'autre en la voyant passer. Et, en un instant, sortant de toutes les maisons, accourant par tous les sentiers, la foule se précipita dans la même direction et arriva en même temps que l'enfant. Dans la vallée, la neige avait fondu depuis deux ou trois jours, mais elle couronnait encore la crête des cimes environnantes, Il faisait un temps clair et beau. Pas une tache dans le bleu paisible du firmament. Le Soleil Roi semblait naître en ce moment au sein de ces blanches montagnes et faisait resplendir son berceau de neige. C'était l'anniversaire du jour où l'ange Gabriel était descendu vers la très pure Vierge de Nazareth et l'avait saluée au nom du Seigneur. L'Église célébrait la fête de l'Annonciation. Tandis que la multitude courait vers la Grotte, et qu'on remarquait par elle la plupart de ceux qui avaient été guéris, Louis Bourriette, la veuve Crozat, Blaisette Soupenne, Benoît Cazeaux, Auguste Bordes et vingt autres, l'Église catholique, sur la fin de son office matinal, chantait ces parole étonnantes: « En ce moment, les yeux des aveugles seront ouverts, les oreilles des sourds auront recouvré l'ouïe, le boiteux bondira comme un cerf, parce que les eaux ont surgi dans le désert et les torrents dans la solitude ».

IV. Dès que l'enfant fut tombée à genoux, l'Apparition se manifesta. Comme toujours rayonnait autour d'Elle d'une auréole ineffable, dont la splendeur était sans limites, dont la douceur était infinie: c'était comme la gloire éternelle de la paix absolue. Comme toujours, son voile et sa robe aux chastes plis avaient la blancheur des neiges éclatantes. Les deux roses qui fleurissaient sous ses pieds avaient la teinte jaune qu'a la base du ciel aux premières lueurs, de l'aube virginale. Sa ceinture était bleue comme le firmament. Bernadette en extase avait oublié la terre devant la Beauté sans tache. « Ma Dame, lui dit-elle, veuillez avoir la bonté de me dire qui vous êtes et quel est votreNom? » La royale Apparition sourit et. ne répondit point. Mais en ce moment même, l'Église universelle, poursuivant les solennelles prières de son Office, s'écriait: « Sainte et immaculée Virginité, quelles louanges pourrai-je te donner? En vérité, je ne le sais, car tu as porté, enfermé dans ton sein, Celui que les Cieux ne peuvent contenir ».

Bernadette n'entendait point ces voix lointaines et ne pouvait soupçonner ces harmonies profondes. Devant le silence de la Vision, elle insista et reprit: « Ma Dame, veuillez avoir la bonté de me dire qui vous êtes et quel est votre Nom? » L'Apparition parut rayonner davantage, comme si sa joie allait grandissant, et Elle ne répondit point encore à la demande de l'enfant. Mais l'Église, en toute la chrétienté, continuait ses prières et ses chants, et elle était arrivée à ces mots: « Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur, parce que, étant encore tout enfant, le Très-Haut m'a aimée: et de mes entrailles fut enfanté l'Homme -Dieu. Les générations me proclameront bienheureuse, parce que Dieu a daigné jeter son regard sur son humble servante: et de mes entrailles maternelles fut enfanté l'Homme-Dieu ». Bernadette redoubla ses instances et prononça pour la troisième fois ces paroles: « Ma Dame, veuillez avoir la bonté de me dire qui vous êtes et quel est votre Nom? » L'Apparition semblait entrer de plus en plus dans la gloire bienheureuse; et, comme concentrée en sa félicité, Elle continua de ne point répondre. Mais, par une coïncidence inouïe, le chœur universel de l'Église faisait éclater à cette heure un chant d'allégresse et prononçait le nom terrestre de l'Apparition merveilleuse: « Je vous salue, Marie, pleines de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes ». Bernadette fit entendre encore une fois ces suppliantes paroles: « Ma Dame, je vous en prie, veuillez avoir la bonté de me dire qui vous êtes et quel est vôtre Nom? » L'Apparition avait les mains jointes avec ferveur et le visage dans le rayonnement splendide de la béatitude infinie. C'était l'Humilité dans la gloire. De même que Bernadette contemplait la Vision, la Vision, sans doute, contemplait, au sein de la Trinité divine. Dieu le père dont Elle était la Fille, Dieu le Saint-Esprit dont Elle était l'Épouse, Dieu le Fils dont Elle était la Mère. A la dernière question de l'enfant, Elle disjoignit les mains, faisant glisser sur son bras droit le chapelet au fil d'or et aux grains d'albâtre. Elle ouvrit alors ses deux bras et les inclina vers le sol comme pour montrer à 1a Terre ses mains virginales pleines de bénédictions. Puis, les élevant vers l'éternelle région d'où descendit, à pareil jour, le divin Messager de l'Annonciation, Elle les rejoignit avec ferveur, et, regardant le Ciel, avec le sentiment d'une indicible gratitude, Elle prononça ces paroles: « Je suis l'Immaculée Conception ». Ayant dit ces mots, la très-sainte Vierge disparut, et l'enfant se trouva, comme la multitude, en face d'un rocher désert.

V. A côté d'elle , la miraculeuse Fontaine, tombant par une rigole de bois dans son bassin rustique, faisait entendre le murmure paisible de ses flots. C'était le jour et c'était l'heure où la sainte Église entonnait en son office l'hymne magnifique: « La plus glorieuse des Vierges, éclatante parmi les astres.... » La Vierge, en ce moment, avait voulu attester par sa présence et par ses miracles le dernier dogme qu'a défini l'Église et qu'a proclamé saint Pierre, parlant par la voix de Pie IX. La petite bergère, à laquelle la Vierge divine venait d'apparaître, entendait pour la première fois ces mots: « Immaculée Conception ». Et, ne les comprenant point, elle faisait, en retournant à Lourdes, tous ses efforts pour les retenir. « Je les répétais en moi-même tout le long du chemin pour ne les 'point oublier, nous racontait-elle un jour; et, jusqu'au presbytère où j'allais, je disais: « Immaculée Conception, Immaculée Conception », à chaque pas que je faisais, parce que je voulais porter à M. le Curé les paroles de la Vision, afin que la chapelle se bâtit ».

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Prière à Marie Immaculée

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Que vous dire? ô Notre-Dame de Lourdes, en souvenir de ce jour, où, vous montrant dans votre gloire, vous avez révélé votre Nom, et prononcé ces paroles: « Je suis l'Immaculée Conception. » Que vous dire? sinon tomber à vos pieds et contempler votre Beauté sans tache qui a charmé, de toute éternité, le cœur même du Dieu Tout-Puissant. En vous voyant, ô Splendeur ineffable de la créature sans péché, la Trinité Sainte s'est émue dans les immuables profondeurs de l'immensité ; et, d'un pôle à l'autre des deux infinis, a retenti un cri d'admiration, de respect et d'amour, un cri triple et un, le cri de Dieu. Dieu le Père a dit: « Voilà ma Fille ». Dieu le Saint-Esprit a dit: « Voilà mon Epouse ». Dieu le Fils a dit: « Voilà ma Mère ». Et nous aussi, ô Vierge idéale, Archétype parachevé de l'Humanité sans souillure, de l'Humanité resplendissant dans la Gloire, nous aussi que Jésus a choisis pour frères au prix de son sang, nous qu'il vous a légués sur la Croix, nous osons vous dire avec une confiance filiale que vous ne trompâtes jamais: « Vierge Marie, Vous êtes notre Mère ». Venez donc à notre secours! Venez, Vous qui êtes née sans péché, qui avez vécu sans péché, qui êtes morte sans péché! Venez, Innocence absolue, Sainteté indéfinie, guérir la pauvre race humaine, toute couverte, hélas! de la lèpre du mal. Qui nous sauvera, ô Marie, si ce n'est Celle qui a enfanté le Sauveur? Qui aura assez de compatissance et de tendresse, si ce n'est notre Mère à tous? Qui aura encore assez de force et de puissance, si ce n'est la Fille de Dieu, l'Épouse de Dieu, la Mère de Dieu? Immaculée Conception, Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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13 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Quatorzième jour

Croisine et Justin Bouhohorts, guérisons diverses

 

I. A l'époque des Apparitions, plus encore peut-être qu'aujourd'hui, un va-et-vient perpétuel avait lieu sur le chemin de cette Grotte, désormais célèbre, que chacun examinait en tous sens, devant laquelle on priait, dont quelques-uns détachaient des fragments pour en faire de pieux souvenirs. Ce jour-là, vers quatre heures, il y avait encore cinq ou six cents personnes, stationnant de la sorte sur les rives du Gave. En ce même moment, une scène déchirante se passait autour d'un berceau dans une pauvre maison de Lourdes où demeurait une famille de journaliers, Jean Bouhohorts et Croisine Ducouts, sa femme. Dans ce berceau gisait un enfant de deux ans environ, infirme, mal constitué, n'ayant jamais pu marcher, constamment malade et épuisé depuis sa naissance par une fièvre lente, une fièvre de consomption, que rien n'avait pu vaincre. Malgré les soins éclairés d'un médecin du pays, M. Peyrus, l'enfant touchait à son heure dernière. La mort étendait ses teintes livides sur ce visage que de si longues souffrances avaient rendu d'une maigreur effrayante. Le père, calme dans sa douleur, la mère au désespoir le regardaient mourir. Une voisine, Françonnette Gozos, s'occupait déjà de préparer des linges pour ensevelir le corps,, et, en même temps, elle s'efforçait de faire entendre à la mère des paroles de consolation. Celle-ci était éperdue de douleur. Elle suivait avec anxiété les progresse l'agonie. L'œil était devenu vitreux, les membres étaient dans une immobilité absolue, la respiration avait cessé d'être sensible. « Il est mort », dit le père. « S'il n'est pas mort, dit la voisine, il va mourir, ma pauvre amie. Allez pleurer auprès du feu pendant que, tout à l'heure, je le plierai dans ce linceul ». Croisine Ducouts (c'était le nom de la mère) semblait ne pas entendre. Une idée soudaine venait de s'emparer de son âme, et ses larmes s'étaient arrêtées: « Il n'est pas mort, s'écria-t-elle, et la sainte Vierge de la Grotte va me le guérir », « La douleur la rend folle », dit tristement Bouhohorts. La voisine et lui essayèrent vainement de détourner la mère de son projet. Celle-ci venait de tirer du berceau le corps, déjà immobile, de l'enfant et l'avait enveloppé dans son tablier. « Je cours à la Vierge », s'écria-t-elle en se dirigeant vers la porte. « Mais, ma bonne Croisine, lui disaient son mari et Françonnette, si notre Justin n'est pas entièrement mort, tu vas le tuer tout à fait. La Mère, comme hors d'elle-même, ne voulut rien entendre. « Qu'il meure ici ou qu'il meure à la Grotte, qu'importe! Laissez-moi implorer la Mère de Dieu ». Et elle sortit, emportant son enfant.

II. Comme elle l'avait dit, « elle courait à la Vierge ». Elle marchait avec rapidité, priant à haute voix, invoquant Marie, et ayant, aux yeux de ceux qui la voyaient passer, les allures d'une insensée. Il était près de cinq heures. Quelques centaines de personnes se tenaient devant les Roches Massabielle. Chargée de son précieux fardeau, la pauvre mère perça la foule. A l'entrée de la Grotte, elle se prosterna et pria. Puis elle se traîna à genoux vers la Source miraculeuse. Sa figure était ardente, ses yeux animés et pleins de larmes, toute sa personne en un certain désordre occasionné par l'extrême douleur. Elle était arrivée près du bassin creusé par les carriers. Le froid était glacial. « Que va-t-elle faire? », se disait-on. Croisine tire de son tablier le corps tout nu de son enfant à l'agonie. Elle fait sur elle-même et sur lui le signe de la Croix. Et puis, sans hésiter, d'un mouvement rapide et déterminé , elle le plonge tout entier, sauf la tête, dans l'eau glacée de la Source. Un cri d'effroi, un murmure d'indignation sort de la foule. « Cette femme est folle! » s'écrie-t-on de toutes parts. Et on se presse autour d'elle pour l'empêcher. « Vous voulez donc tuer votre enfant? » lui dit brutalement quelqu'un. Il semblait qu'elle fût sourde. Elle demeurait comme une statue, la statue de la Douleur, de la Prière et de la Foi. L'un des assistants lui toucha l'épaule. La Mère se retourna alors, tenant toujours son enfant dans l'eau du bassin. « Laissez-moi, laissez-moi! dit-elle d'une voix à la fois énergique et suppliante. Je veux faire ce que je pourrai: le bon, Dieu et la sainte Vierge feront le reste ». Plusieurs remarquèrent la complète immobilité de l'enfant et sa physionomie cadavérique. « L'enfant est déjà mort, dirent-ils. Laissons-la faire: c'est une mère que la douleur égare ».

Non! sa douleur ne l'égarait point. Elle la conduisait au contraire dans le chemin de la foi la plus haute, de cette foi absolue, sans hésitation et sans défaillance, à laquelle Dieu a promis solennellement de ne jamais résister. La Mère de la terre sentait au fond d'elle-même qu'elle s'adressait au cœur de la Mère qui est au ciel. De là, cette confiance sans bornes, dominant la terrible réalité de ce corps moribond qu'elle tenait en ses mains. Sans doute, tout aussi bien que la multitude, elle voyait qu'une eau glaciale comme celle où elle plongeait son enfant était faite, suivant les lois ordinaires, pour tuer infailliblement ce pauvre petit être bien-aimé et achever soudainement cette agonie par le coup de la mort. N'importe! son bras demeurait ferme et sa Foi ne faiblissait point. Pendant un long quart d'heure, aux yeux stupéfaits de la multitude, au milieu des cris, des objurgations et des injures que la foule groupée autour d'elle ne cessait de lui adresser, elle tint son enfant dans cette eau mystérieuse, jaillie naguère sur un geste de la Mère toute-puissante du Dieu mort et ressuscité. Spectacle sublime de la foi catholique! Cette, femme précipitait son fils agonisant dans le plus imminent des périls terrestres, pour y chercher, au nom de la Vierge Marie la guérison venant du ciel. Elle le poussait naturellement vers la Mort pour le conduire surnaturellement à la Vie! Jésus loua la foi du centenier. En vérité, celle de cette mère nous paraît plus admirable encore. Devant cet acte de foi, si simple et si grand, le cœur de Dieu ne pouvait point ne pas être ému. Notre Père, ce Père si invisible et si manifeste, se penchait sans doute en même temps que la Vierge sainte sur cette touchante et religieuse scène, et II bénissait cette Chrétienne, cette croyante des premiers temps.

III. L'enfant, durant cette longue immersion, avait gardé immobilité du cadavre. La Mère le replia dans son tablier rentra chez elle en toute hâte. Le corps était glacé. « Tu vois bien qu'il est mort, dit le Père ». « Non, dit Croisine, il n'est pas mort! La sainte Vierge le guérira ». Et la pauvre femme coucha l'enfant dans son berceau. Il y était à peine depuis quelques instants, que l'oreille attentive de la Mère s'étant penchée sur lui: « Il respire! » s'écria-t-elle. Bouhohorts se précipita et écouta à son tour. Le petit Justin respirait en effet. Ses yeux étaient fermés, et il dormait d'un profond et paisible sommeil. La Mère, elle, ne dormit point. Le soir et pendant la nuit, elle venait à tout instant écouter cette respiration de plus en plus forte et régulière, et elle attendait avec anxiété le moment du réveil. Il eut lieu à la naissance du jour. La maigreur de l'enfant n'avait point disparu, mais son teint était coloré, et ses traits reposés. Dans ses yeux souriants, tournés vers sa mère, brillaient les doux rayons de la vie. Pendant ce sommeil, profond comme celui que Dieu avait envoyé à Adam, la main mystérieuse et toute-puissante de qui tout bien découle avait réparé et animé, nous n'osons dire ressuscité, ce corps, naguère encore immobile et glacé. L'enfant demanda le sein de sa mère, et il but à longs traits. Lui, qui n'avait jamais marché, il voulut se lever et se promener par la chambre. Mais Croisine, si courageuse la veille et si pleine de foi, n'osait croire à la guérison et tremblait à la pensée du danger disparu. Elle résista aux sollicitations réitérées de l'enfant et se refusa à le retirer de sa couche. Le jour se passa ainsi. A tout instant l'enfant demandai le sein maternel. La nuit vint et fut paisible comma la précédente. Le père et la mère sortirent dès l'aube pour aller au travail. Leur Justin dormait encore dans son berceau.

IV. Quand la Mère en rentrant ouvrit la porte, un spectacle se présenta tout à coup à elle, qui manqua la faire défaillir. Le berceau était vide. Justin s'était levé tout seul de sa couche, il était debout et il allait ça et là, touchant les meubles et dérangeant les chaises. Le petit paralytique marchait. Quel cri de joie poussa Croisine à cette vue, le cœur des mères peut seul le deviner. Elle voulut s'élancer, mais elle ne le put, tant elle était saisie. Ses jambes tremblaient. Elle était sans force contre son bonheur, elle s'appuya contre la porte. Une vague terreur se mêlait toutefois, malgré elle, à sa rayonnante allégresse! « Prends garde! tu vas tomber », cria-t-elle avec anxiété. Il ne tomba point; sa marche était assurée, et il courut se jeter dans les bras de sa mère, qui l'embrassa en pleurant. « Il était guéri depuis hier, pensait-elle, puisqu'il voulait se lever et marcher, et moi, comme une impie, dans mon manque de foi, je l'ai empêché ». « Tu vois bien qu'il n'était pas mort et que la sainte Vierge l'a sauvé », dit-elle à son mari lorsqu'il rentra. Ainsi parlait cette mère bienheureuse. Françonnette Gozos, celle qui avait assisté l'avant-veille à l'agonie et préparé le linceul pour l'ensevelissement du petit Justin, était survenue et en croyait à peine ses yeux. Elle ne pouvait se lasser de regarder l'enfant comme si elle eût voulu s'assurer de son identité. « C'est bien lui! s'écriait-elle. C'est bien pourtant lui! pauvre petit Justin! » Ils se mirent à genoux. La Mère joignit, pour les retourner vers le ciel, les deux mains de son enfant; et tous ensemble, ils remercièrent la Mère des miséricordes. La maladie ne revint pas. Justin grandit et n'eut point, de rechute. Voilà de cela onze ans. Celui qui a écrit ces pages a voulu le voir ces jours derniers. Il est fart, il est bien portant; seulement sa mère se désole de ce qu'il fait parfois l'école buissonnière, et elle lui reproche d'aimer trop à courir.

V. M. Peyrus, le médecin qui avait soigné l'enfant, convint avec la plus entière bonne foi de l'impuissance radicale de la Médecine à expliquer l'événement extraordinaire qui venait de s'accomplir. M.M. les docteurs Vergez et Dozous examinèrent séparément ce fait, d'un si haut intérêt pour la science et pour la vérité/et, pas plus que M. Peyrus, ils n'y purent voir autre chose que l'action toute-puissante de Dieu. D'autres faits miraculeux s'étaient produits. Le restaurateur Blaise Maumus avait vu guérir subitement et se fondre, en plongeant la main dans la Source, une loupe énorme qu'il avait à l'articulation du poignet. La veuve Grozat, sourde depuis vingt années, à ne pas entendre les offices, avait soudainement recouvré l'ouïe en faisant usage de cette eau. Auguste Bordes, boiteux depuis longtemps à la suite d'un accident, avait été favorisa d'un semblable prodige : sa jambe s'était redressée tout à coup et avait repris sa force et sa forme naturelles. Tous les gens que nous venons de nommer étaient de Lourdes, et chacun pouvait se rendre compte de ces faits extraordinaires. Devant les guérisons surnaturelles qui s'accomplissaient de toutes parts, l'incrédulité se refusa à tout examen et n'osa pas se hasarder à des enquêtes. Malgré les invitations qui lui furent faites, malgré les railleries des croyants, elle fit la sourde oreille à tout ce qui tendait à ouvrir un débat public sur ces cures miraculeuses. Elle affecta de ne pas s'occuper de ces éclatants et divins phénomènes qui tombaient sous les sens, qui étaient notoires, qui s'imposaient à l'attention universelle, qui étaient faciles à étudier, pour continuer de produire des théories sur les hallucinations, terrain vague et couvert de brumes, où l'on pouvait parler et déclamer à son aise sans être, comme pour le reste, terrassé par la brutalité d'un fait visible, palpable, manifeste, et impossible à renverser. Donc, le Surnaturel offrait le débat, le débat suprême et capital. Le Libre Examen le refusa et battit en retraite. C'était sa défaite et sa condamnation.

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Prière pour les mères

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, ô suprême Modèle de toute Maternité; ô Mère qui avez tant souffert, lorsque pauvre et sans asile, vous portiez à travers les chemins de l'hiver le fruit béni de vos entrailles; Mère qui avez tant souffert, quand vous n'avez trouvé pour recevoir votre Fils et votre Dieu d'autre retraite qu'une grotte sauvage et d'autre berceau qu'une crèche; Mère qui avez tant souffert, quand vous protégiez de la Judée à l'Egypte, l'enfance persécutée et indigente du Créateur de l'Univers; Mère qui avez tant souffert, lorsqu'au milieu de la haine des princes, des pharisiens et des prêtres, le Messie que vous aviez mis au monde, accomplissait sur la terre le pénible travail de son Apostolat; Mère qui avez tant souffert, lorsque vous avez assisté à la Passion de Jésus, et vu expirer sur la croix Celui qui était né de vous-même et qui avait sucé votre lait; Mère qui avez tant souffert, prenez en pitié ici-bas les souffrances de toutes les mères! Venez à leur aide dans leurs peines, comme vous avez se- couru le désespoir plein de foi de la pauvre Croisine. Portez auprès du trône de Dieu, les prières qu'un si grand nombre d'entre elles vous adressent pour la santé, pour la conversion, pour la persévérance de leurs filles ou de leurs fils. Donnez-leur, ô Mère de toute sagesse, les grâces nécessaires pour élever dans la vertu ceux qu'elles ont engendrés à la vie. Apprenez-leur que le crime de faiblesse, qui consiste à gâter un enfant, c'est-à-dire dans le sens rigoureux des mots à pourrir une âme, est plus funeste que le crime de malice qui consisterait à l'empoisonner. Au lieu d'obéir à tout caprice de leurs enfants avec une complaisance servile et d'être esclaves de leurs défauts; au lieu d'avoir pour eux une adoration imbécile et de flatter tous leurs égoïsmes; au lieu de- les parer d'ajustements frivoles et de les former pour la vanité; au lieu de n'avoir pour règle d'éducation que l'humeur changeante du moment, tantôt faible, tantôt impatiente, tantôt colère et injuste; au lieu de préparer de la sorte pour la société des êtres violents, despotiques, paresseux, pleins d'eux-mêmes, incapables de se dominer, et par suite très-malheureux, donner à toutes les mères de comprendre et de remplir chrétiennement et sérieusement, tous les devoirs de leur fonction auguste. Que leur amour ne soit pas aveugle, mais clairvoyant, qu'il soit égal et patient, qu'il soit toujours doux et ferme comme celui que Dieu a pour nous. Que, dès le berceau de l'enfant, elles sachent résister invinciblement à tout ce qui est mal, et déposer en leur cœur avec une constante sollicitude, le germe de tout ce qui est bien; qu'elles ornent ces jeunes âmes de qualités, de vertus, de bonnes habitudes; et qu'elles forment ainsi, pour la régénération de notre patrie, des races chrétiennes, des races fortes et saines, honnêtes et laborieuses, dévouées et vaillantes, des races heureuses dès ici-bas. Tel est l'esprit que nous vous prions, ô Vierge féconde, de faire dépendre et de maintenir à jamais dans le cœur de toutes les mères. Mais en vous demandant ainsi vos grâces pour toute maternité humaine, chacun- de nous, ô très-pieuse fille d'Anne et de Joachim, vous prie en particulier pour sa propre mère. Bénissez, ô Marie, celle qui nous a donné le jour! Bénissez-la, qu'elle ait ou non failli par faiblesse, à tel ou tel des devoirs que nous venons de marquer; bénissez-la, qu'elle soit encore ici-bas, ou qu'elle ait quitté cette terre. Bénissez notre mère, et qu'un jour, dans le Paradis, son époux et leur descendance, réunis à elle, goûtent ensemble, groupés autour de vous, ô Reine du Ciel, l'ineffable bonheur qui ne doit point finir. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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12 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Treizième jour

Trouble des libres penseurs, le clergé et l'administration, tentative d'intimidation, le dernier jour de la quinzaine, les immenses multitudes

 

I. Toutes ces guérisons miraculeuses, et notamment celle de Bourriette, jetèrent le trouble dans le camp des incroyants, qui essayèrent vainement de les expliquer, comme ils tentaient sans plus de succès, d'expliquer le jaillissement de la Source. Quelques-uns se convertirent, d'autres s'obstinèrent. Durant ce jour si chargé d'événements, Bernadette avait été appelée dans la chambre du Tribunal, avant ou après l'audience, et la dialectique exercée du Procureur Impérial, du Substitut et des Juges avait été aussi impuissante à la faire varier ou se contredire que l'avait été le génie policier de M. Dominique. Lors du jaillissement de la Source, l'Apparition n'avait point réitéré à Bernadette l'ordre d'aller demander aux prêtres l'élévation d'une chapelle. Le lendemain, comme nous l'avons raconté, la Vision ne s'était point manifestée, de sorte que, depuis ce moment, Bernadette n'avait point paru au presbytère. Le Clergé, malgré la marée montante de la foi populaire, malgré les croissantes rumeurs de miracles qui s'élevaient de la foule, le Clergé continuait de demeurer étranger à toutes les manifestations enthousiastes qui se faisaient autour de la Grotte. « Attendons », disait-il. Dans les choses humaines, c'est assez d'être une fois prudent. Il faut l'être septante fois dans les choses de Dieu. Pas un prêtre n'apparaissait en conséquence dans l'incessante procession qui se rendait à la Source miraculeuse.

II. A la Grotte, malgré cet immense concours de peuple, tout continuait de se passer avec le plus grand ordre. On puisait à la Source, on chantait des cantiques, on priait. Les soldats de la garnison, émus comme tout le peuple de ces pays, avaient demandé au Commandant du fort la permission d'aller, eux aussi, aux Roches de Massabielle. Avec l'instinct de discipline développé en eux par le régime militaire, ils veillaient d'eux-mêmes à éviter l'encombrement, à laisser libres certains passages, à empêcher la foule de se trop avancer sur les rives périlleuses du Gave; ils s'employaient de côté et d'autre, prenant spontanément une certaine autorité que personne, avec raison, ne songeait à leur contester. Quelques jours s'écoulèrent ainsi, pendant lesquels l'Apparition se manifesta sans aucune particularité nouvelle, sinon que la Source grandissait toujours et que les guérisons miraculeuses se multipliaient de plus en plus. Il y eut dans le camp de la Libre Pensée un moment de stupeur profonde. Les faits devenaient si nombreux, si constatés, si patents, qu'à chaque instant des défections avaient lieu parmi les incrédules. Les meilleurs et les plus droits se laissaient gagner par l'évidence. Toutefois, il restait un indestructible noyau d'esprits se disant forts, et dont la force consistait à se roidir contre les preuves et à refuser de se rendre à la vérité. Cela semblerait impossible si l'univers entier ne savait qu'une grande partie du peuple juif a résisté aux miracles même de Jésus-Christ et des Apôtres, et qu'il a fallu quatre siècles de prodiges pour ouvrir complètement les yeux du monde païen.

III. Le 2 mars, Bernadette se rendit de nouveau auprès de M. le Curé de Lourdes, et lui parla une seconde fois au nom de l'Apparition. « Elle veut qu'on construise une chapelle, et qu'on fasse à la Grotte des processions », dit l'enfant. Les faits avaient marché, la Source avait jailli, les guérisons avaient eu lieu, les miracles étaient venus témoigner au nom de Dieu de la véracité de Bernadette. Le prêtre n'avait plus de preuves à demander: il n'en demanda point. Sa conviction était faite. Le doute ne pouvait désormais effleurer sa foi. La « Dame » invisible de la Grotte n'avait point dit son nom. Mais l'homme de Dieu l'avait déjà reconnue à ses bienfaits maternels, et peut-être ajoutait-il déjà à ses oraisons du matin et du soir: « Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous ». « Je te crois, dit-il à Bernadette, lorsqu'elle se présenta de nouveau devant lui. Mais ce que tu me demandes au nom de l'Apparition ne dépend pas de moi. Cela dépend de Mgr l'Évêque, que j'ai déjà instruit de ce qui se passe. Je vais me rendre auprès de lui et lui faire part de cette nouvelle démarche. C'est à lui seul qu'il appartient d'agir ». M. l'abbé Peyramale se rendit donc à Tarbes et exposa à l'Évêque les faits surprenants dont la Grotte de Massabielle et la ville de Lourdes étaient le théâtre depuis bientôt trois semaines. Il raconta les extases et les visions de Bernadette, les paroles de l'Apparition, le jaillissement de la Source, les guérisons soudaines, l'émotion universelle. L'Évêque, homme des plus prudents, ne se prononça point. Il maintint la défense faite au Clergé de se rendre à la Grotte. Mais en même temps, de concert avec M. le Curé de Lourdes, il prit toutes sortes de mesures pour se faire renseigner chaque jour, par des témoins d'une loyauté à toute épreuve et d'une capacité reconnue, sur tout ce qui se passerait aux Roches Massabielle, et sur toutes les guérisons vraies ou fausses qui pourraient encore avoir lieu.

IV. Le Préfet des Hautes Pyrénées, tenu au courant des événements de Lourdes par les rapports de M. Dominique en qui il avait une foi véritablement aveugle, n'imita pas la sage réserve de l'Évêque. Il se laissa aller à sa première impression; et, ne croyant en rien à la possibilité de telles Apparitions et de tels Miracles, s'imaginant en lui-même qu'il pourrait arrêter dès qu'il lui plairait ce débordement populaire, il se prononça nettement, et résolut d'étouffer dans son berceau cette superstition nouvelle qui, à peine née, semblait menacer de grandir si rapidement. Le 3 mars, d'après les ordres venus de la Préfecture, le Maire de Lourdes écrivit au Commandant du Fort de mettre à sa disposition les troupes de la garnison, et de les tenir dès le lendemain prêtes à tout événement. Les soldats, en armes, devaient occuper le chemin et les abords de la Grotte. La Gendarmerie locale et tous les Officiers de Police avaient reçu de semblables instructions. En dépit de l'attitude inquiète et ombrageuse du monde officiel, la renommée de ces faits, merveilleux s'était propagée cependant dans toutes les contrées environnantes avec une électrique rapidité. Toute la Bigorre et tout le Béarn, déjà agités par les premiers bruits de l'Apparition, étaient entrés dans un profond émoi à la nouvelle du jaillissement de la Source et des guérisons miraculeuses. Toutes les routes du département étaient couvertes de voyageurs, accourant en, grande hâte. A tout instant, de tous les côtés, par tous les chemins, par tous les sentiers qui aboutissent à Lourdes, arrivaient en foule et pêle-mêle des véhicules de toute sorte, calèches, charrettes, chars à bancs, des cavaliers, des piétons. Il devint presque impossible d'héberger les nouvelles foules qui survenaient. On passait la nuit en prière devant la Grotte illuminée, afin de se trouver le lendemain plus, près de la Voyante.

V. Le jeudi 4 mars était le dernier jour de la quinzaine. Lorsque l'aurore commença, à blanchir l'horizon, une multitude plus prodigieuse encore que les jours précédents inondait les abords de la Grotte. La foule était telle que beaucoup de pèlerins et de curieux, pour échapper à la pression de ces masses humaines, étaient grimpés sur les arbres. Quelques militaires, appartenant au régiment de cavalerie de Tarbes ou au dépôt de Lourdes, étaient venus à cheval et se tenaient hors du tohu-bohu, dans le courant du Gave. Et, autour de ces têtes isolées qui dominaient les autres et ressortaient vivement, tous les champs, toutes les prairies, tous les chemins, tous les coteaux, tous les tertres, toutes les roches d'où on pouvait avoir vue sur la Grotte étaient littéralement couverts d'une multitude innombrable d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, de gens du monde, d'ouvriers, de paysans, de soldats, agités, pressés et ondoyants comme les épis mûrs. Les costumes pittoresques de ces pays se détachaient en voyantes couleurs aux premiers rayons du soleil, dont le disque commençait à paraître derrière les cimes du Jer. De loin, des coteaux de Vizens, par exemple, les capulets des femmes, les uns d'un blanc de neige, les autres d'un rouge flamboyant, les grands bérets bleus des paysans béarnais éclataient comme des marguerites, des coquelicots et des bleuets au milieu de cette moisson humaine. Les casques des cavaliers campés dans le Gave étincelaient à la naissante lueur qui venait de l'Orient. Il y avait bien là plus de vingt mille hommes répandus sur les rives du Gave, et cette multitude grossissait incessamment par l'arrivée de nouveaux pèlerins qui débouchaient de tous les côtés.

Autour de cette foule et sur le chemin couraient, allaient, venaient, criaient dans une sorte d'effarement les Sergents de ville et les Gendarmes. L'adjoint, revêtu de son écharpe, se tenait immobile. Attentifs à toutes choses et prêts à sévir au moindre désordre, on remarquait sur une petite hauteur M. Dominique et le Procureur Impérial. Une rumeur énorme, vague, multiple, confuse, indescriptible, composée de mille bruits divers, .de paroles, de conversations, de prières, de cris, sortait de cette multitude et ressemblait à l'inapaisable tumulte des flots. Tout à coup une clameur vole sur toutes les bouches, « Voilà la Sainte! voilà la Sainte ! » s'écrie-t-on de toutes parts, et une agitation extraordinaire se fait au milieu de cette foule. Tous les cœurs, même les plus froids, sont émus, toutes les têtes se dressent, tous les yeux se fixent sur le même point; instinctivement tous les fronts se découvrent. Bernadette, accompagnée de sa mère, venait de paraître sur le sentier que la Confrérie des carriers avait tracé les jours précédents, et descendait paisiblement vers cet Océan humain. Les Gendarmes cependant étaient accourus, et perçant la foule devant Bernadette, formaient une escorte à l'enfant et lui faisaient un passage jusqu'à la Grotte. Ces braves gens, de même que les Soldats, étaient croyants, et leur attitude sympathique, émue, religieuse, avait empêché la foule de s'irriter de ce déploiement de la force armée et trompé le calcul des habiles, qui avaient compté, par cet appareil menaçant, provoquer quelque explosion populaire. Les mille rumeurs de la multitude s'étaient tues peu à peu, et il s'était fait un grand silence. Quand Bernadette se prosterna, tout ce peuple, d'un mouvement unanime, tomba à genoux. Presque aussitôt les rayons surhumains de l'extase illuminèrent les traits transfigurés de l'enfant. Nous ne décrirons pas une fois de plus ce spectacle merveilleux, dont, à plusieurs reprises déjà, nous avons tâché de donner une idée au lecteur. L'Apparition, comme les jours précédents, avait commandé à l'enfant d'aller boire et se laver à la Fontaine, et de manger de cette herbe dont nous avons parlé; puis elle lui avait de nouveau ordonné de se rendre vers les prêtres et de leur dire qu'elle voulait une chapelle et des processions en ce lieu. L'enfant avait prié l'Apparition de lui dire son nom. Mais la « Dame » rayonnante n'avait point répondu à cette question. Le moment n'était point encore venu. D'autres guérisons continuaient à se produire de tous côtés.

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Prière pour les soldats

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, parmi le peuple prosterné devant Vous à l'heure mystérieuse de vos Apparitions, nous voyons se détacher le costume de nos Soldats. Nous vous invoquons, ô Marie, pour nos frères et nos enfants qui bivouaquent loin de nous, au service de notre France, risquant leur vie pour son salut. Nous vous prions pour ces armées, qui défendent la patrie contre les ennemis du dehors et contre ceux du dedans, contre l'invasion et contre l'anarchie. Protégez-les, ô Marie, contre tous les périls : gardez leurs corps contre le fer et le feu des batailles; gardez leur âme contre la séduction des hommes de désordre, contre l'oisiveté et la corruption des camps. Qu'au lieu de se perdre, comme cela arrive si souvent, au milieu des villes et des casernes, ils se maintiennent purs, religieux, honnêtes ; et qu'ils puisent, dans l'habitude de la discipline, dans les privations subies, dans les dangers affrontés, une vertu plus mâle, plus énergique et plus haute. Que pour eux, l'accomplissement du devoir soit infiniment préférable à la conservation de la vie. Qu'ils sachent mourir, pleinement assurés de trouver dans le sein de Dieu, la récompense qui ne manque jamais aux dévouements d'ici-bas. Qu'au lieu de se préparer des désastres et des déroute, par l'existence délétère des garnisons, ils se préparent à la victoire par la religion comprise et pratiquée, par la sobriété, par une vie chaste, parle travail, par ce triple et glorieux travail que Dieu a imposé à notre race: le travail du corps qui donne la force, le travail de l'esprit qui donne le savoir, le travail de l'âme qui donne la vertu. Qu'ils soient doux dans la paix et terribles dans la guerre, semblables en tout aux saints et héroïques soldats de l'illustre légion Thébaine. Que chacun d'eux, ô Notre-Dame de Lourdes, vous considère comme sa Mère et se fasse gloire d'être votre enfant. Bénissez ceux qui périssent pour le devoir; ouvrez-leur les portes du ciel et recevez-les à côté des martyrs. O Marie, Reine sublime de ces Royaumes bienheureux dont les neuf chœurs des Anges forment l'innombrable milice, donnez à la terre des armées chrétiennes jusqu'au jour béni, où la terre, enfin convertie, sera elle-même assez chrétienne pour pouvoir se passer d'armées. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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11 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

 9

Douzième jour

Louis Bouriette, Marie Daube, Bernarde Soubie, Fabien Baron Marie Grassus

 

I. Le lendemain la Source, poussée des mystérieuses profondeurs par une puissance inconnue, et grandissant à vue d'œil, portait du sol par un jaillissement de plus en plus fort. Elle coulait déjà de la grosseur du doigt. Toutefois, le travail intérieur qu'elle opérait à travers la terre pour se frayer son premier passage la rendait encore boueuse. Ce fut seulement au bout de quelques jours qu'après avoir augmenté pour ainsi dire d'heure en heure, elle cessa de croître et devint absolument limpide. Elle s'échappa dès lors de terre par. un jet très-considérable, qui avait à peu près la grosseur du bras; et elle donna à partir de ce moment plus de cent mille litres par jour, comme chacun peut le vérifier aujourd'hui. N'anticipons pas pourtant sur les événements, et continuons de les suivre jour par jour comme nous l'avons fait jusqu'ici. Reprenons-les au point précis où nous sommes arrivés, c'est-à-dire au jeudi matin, 25 février, vers sept heures, à l'instant où le jaillissement de la Source venait d'avoir lieu en présence d'une foule nombreuse.

II. Or, ce jeudi, le troisième du mois, était jour de grand marché à Tarbes. La nouvelle de l'événement merveilleux survenu le matin aux Roches Massabielle, fut donc portée au chef-lieu par une multitude de témoins oculaires, et répandue dès le soir même dans tout le Département et jusqu'aux villes les plus proches des départements voisins. Le mouvement extraordinaire qui depuis une huitaine attirait à Lourdes tant de pèlerins et de curieux prit dès ce moment un développement inouï. Un grand nombre de visiteurs vinrent coucher à Lourdes pour s'y trouver le lendemain; d'autres marchèrent toute la nuit; et, aux premiers rayons du jour, à l'heure où Bernadette avait coutume d'arriver, cinq à six mille personnes se pressant sur les rives du Gave, sur les tertres et sur les rochers, campaient en face de la Grotte. La Source, plus abondante que la veille, était déjà considérable. Quand la Voyante, humble, simple et paisible au milieu de cette agitation, se présenta pour prier, les populations s'écrièrent: « Voilà la Sainte! Voila la Sainte! » Plusieurs cherchaient à toucher ses vêtements, considérant comme sacré tout objet qui appartenait à celte privilégiée du Seigneur. La Mère des humbles et des petits ne voulait point cependant que ce cœur innocent succombât à la tentation de la vaine gloire, et que Bernadette put s'enorgueillir un instant des faveurs singulières dont elle était. l'objet. Il était bon que l'enfant, au milieu de ces acclamations, sentît qu'elle n'était rien et qu'elle constatât une fois de plus son impuissance à évoquer par elle-même la Vision divine. Vainement elle pria. On ne vit point se répandre sur ses traits l'éclat surhumain de l'extase, et quand elle se releva, après sa longue prière, elle répondit avec tristesse aux interrogations des multitudes qui l'entouraient, que la Vision d'en haut n'était point apparue .

III. En ce temps-là vivait à Lourdes un pauvre ouvrier connu de tous, qui traînait depuis de longues années la plus misérable des existences. Il se nommait Louis Bourriette. Quelque vingt ans auparavant un grand malheur l'avait frappé. Gomme il travaillait dans les environs de Lourdes à extraire de la pierre avec son frère Joseph, carrier comme lui, une mine mal dirigée avait fait explosion à côté d'eux. Joseph était tombé roide mort. Louis, celui dont nous parlons, avait eu le visage labouré par les éclats du rocher et l'œil droit à moitié écrasé. On eut les plus grandes peines du monde à le sauver. Les souffrances horribles qui suivirent cet accident furent telles qu'une fièvre ardente se déclara et qu'il fallut, pendant les premiers temps, le retenir dans son lit au moyen d'un appareil de force. Il se rétablit cependant peu à peu, grâce à des soins intelligents et dévoués. Toutefois, la Médecine avait été impuissante, malgré les opérations les plus délicates et les traitements les plus habiles, à guérir son œil droit, qui avait malheureusement été atteint dans sa constitution intime. Cet homme avait repris son état de carrier, mais il ne pouvait plus faire que des besognes grossières, son œil blessé lui refusant tout service et ne percevant plus les objets qu'à travers une brume invincible. Quand il avait besoin de faire un travail demandant un peu de soin, le pauvre ouvrier était obligé d'avoir recours à quelque autre personne.

Le temps n'avait amené aucune amélioration: tout au contraire. La vue de Bourriette avait diminué d'année en année. Cet affaiblissement progressif était devenu plus sensible encore dans les derniers temps et, au moment où nous sommes arrivés, le mal avait fait de tels progrès que l'œil droit était presque entièrement perdu. Quand il fermait l'œil gauche, Bourriette ne distinguait plus un homme d'un arbre. L'arbre et l'homme n'étaient plus pour lui qu'une masse noire et confuse se détachant dans une nuit sombre, La plupart des habitants de Lourdes avaient employé Bourriette une fois ou l'autre. Son état faisait pitié et il était fort aimé parmi la confrérie des carriers et des tailleurs de pierre, très-nombreux en ce pays. Ce malheureux, entendant parler de la Source miraculeusement jaillie à la Grotte, appela sa fille: « Va me chercher de cette eau, dit-il. La sainte Vierge, si c'est Elle, n'a qu'à le vouloir pour me guérir ». Une demi-heure après, l'enfant apportait dans un vase un peu de cette eau, encore sale et terreuse, ainsi que nous l'avons expliqué. « Père, dit l'enfant, ce n'est que de l'eau bourbeuse ». « N'importe! » dit le père qui se mit à prier. Il frotta avec cette eau son œil malade, que, quelques instants auparavant, il croyait à jamais perdu. Presque aussitôt il poussa un grand cri et se mit à trembler tant son émotion était grande. Un miracle soudain s'accomplissait en sa vue. Déjà, autour de lui, l'air était redevenu clair et baigné de lumière. Toutefois, les objets lui semblaient encore environnés d'une gaze légère qui l'empêchait d'en percevoir parfaitement les détails. Les brumes existaient encore, mais elles n'étaient plus noires comme depuis vingt ans : le soleil les pénétrait, et, au lieu de la nuit épaisse, c'était, devant l'œil du malade, la vapeur transparente du matin. Bourriette continua de prier et de laver son œil droit de cette eau bienfaisante. Le jour grandissait peu à peu sous son regard et il distinguait nettement les objets.

Le lendemain ou le surlendemain, il rencontre sur la place publique de Lourdes M. le docteur Dozous qui n'avait cessé de lui donner des soins depuis l'origine de sa maladie. Il court à lui: « Je suis guéri », lui dit-il. « Pas possible! s'écrie le médecin. Vous avez une lésion organique qui rend votre mal absolument incurable. Le traitement que je vous fais suivra a pour but de calmer vos douleurs, mais ne peut vous rendre la vue ». « Ce n'est pas vous qui m'avez guéri, répond avec émotion le carrier, c'est la sainte Vierge de la Grotte ». L'homme de la science humaine haussa les épaules: « Que Bernadette ait des extases inexplicables, cela est sûr; car je l'ai vérifié avec une infatigable attention. Mais que l'eau jaillie à la Grotte par je ne sais quelle cause inconnue, guérisse subitement des maux incurables, ce n'est pas possible ». Cela disant, il tire un agenda de sa poche et écrit quelques mots au crayon. Puis d'une main, il ferme l'œil gauche de Bourriette, c'est-à-dire l'œil valide par où ce dernier pouvait voir, et présente à l'œil droit, qu'il savait entièrement privé de la vue, la petite, phrase qu'il venait d'écrire. « Si vous pouvez lire ceci, je vous croirai », dit d'un air triomphant l'éminent docteur, qui se sentait fort de sa grande science et de sa profonde expérience médicale. Les gens qui se promenaient sur la place s'étaient groupés autour d'eux. Bourriette, de son œil naguère mort, regarde ce papier, et il lit aussitôt, à haute voix et sans la moindre hésitation: « Bourriette a une amaurose incurable, et il ne guérira jamais ». La foudre, tombant aux pieds du savant médecin, ne l'eût pas plus stupéfait que la voix de Bourriette lisant ainsi, paisiblement et sans effort, l'unique ligne d'une écriture fine, tracée légèrement au crayon sur une page de l'agenda.

M. le docteur Dozous était plus qu'un homme de science, c'était un homme de conscience. Il reconnut franchement et proclama sans hésiter, dans cette guérison soudaine d'un mal incurable, l'action d'une puissance supérieure. « Je ne puis le nier, disait-il, c'est un Miracle, un vrai Miracle, n'en déplaise à moi-même et à mes confrères de la Faculté. Cela me renverse, mais il faut bien se soumettre à la voix impérieuse d'un fait si évident et si en dehors de tout ce que peut la pauvre science humaine ». M. le docteur Vergez, de Tarbes, professeur agrégé de la Faculté de Montpellier, médecin des eaux de Barèges, appelé à se prononcer sur cet événement, ne put s'empêcher d'y voir également, de la façon la plus indéniable, la puissance surnaturelle.

IV. Cet événement fit un bruit énorme dans la ville de Lourdes. Bourriette, comme nous venons de le dire, était connu de presque tout le monde. La guérison merveilleuse n'avait d'ailleurs fait disparaître ni les traces profondes, ni les cicatrices de son terrible mal, de sorte que chacun pouvait vérifier le Miracle qui venait de s'accomplir. Le carrier, presque fou de joie, en racontait les détails à qui voulait l'entendre. Il n'était pas seul à faire éclater ainsi le témoignage d'un bonheur inespéré et l'expression de la reconnaissance. Des faits de même nature s'étaient produits dans d'autres maisons de la ville. Plusieurs personnes de Lourdes, Marie Daube, Bernarde Soubie, Fabien Baron, avaient tout à coup quitté leur lit de douleur, où les retenaient depuis des années diverses maladies réputées incurables, et ils proclamaient publiquement leur guérison par d'eau de la Grotte. La main de Jeanne Grassus, paralysée depuis dix ans, s'était redressée et avait retrouvé la plénitude de la vie dans l'eau miraculeuse. La précision des faits succédait donc, parmi les récits qui se faisaient, aux vagues rumeurs du premier moment. L'exaltation des populations était des plus grandes, exaltation touchante et bonne, qui se traduisait dans l'église par des prières ferventes, autour de la Grotte par des cantiques d'actions de grâces éclatant sur les lèvres joyeuses des pèlerins.

Vers le soir, un grand nombre d'ouvriers de l'association des carriers, dont Bourriette faisait partie, se rendirent aux Roches Massabielle et tracèrent dans le tertre escarpé qui se trouvait contre la Grotte un sentier pour les visiteurs. Devant le trou d'où la Source, déjà très forte, jaillissait, ils placèrent une rigole de bois, au-dessous de laquelle ils creusèrent un petit réservoir ovale, d'un demi-mètre de profondeur environ, ayant à peu près la forme et la longueur d'un berceau d'enfant. L'enthousiasme croissait d'instant en instant. Les multitudes allaient et venaient sur le chemin de la Source miraculeuse. Après le coucher du soleil, quand commencèrent à tomber sur la terre les premières ombres de la mit, on vit qu'une même pensée était née d'elle-même dans une foule d'âmes croyantes, et la Grotte s'illumina tout à coup de mille feux. Les pauvres, les riches, les enfants, les femmes, les hommes avaient spontanément apporté des bougies et des cierges. Durant toute la nuit, on put voir de l'autre côté du Gave rayonner cette lueur claire et douce, ces milliers de petits flambeaux placés çà et là sans ordre visible et répondant sur la terre au scintillement et à l'éclat des étoiles qui parsemaient le firmament. Il ne se trouvait parmi ces peuples ni prêtres, ni pontifes, ni chefs d'aucune sorte; et pourtant, sans que nul eût fait aucun signe, au moment où l'illumination éclaira la Grotte et les rochers, se reflétant toute tremblante dans le petit réservoir de la Source,toutes les voix s'élevèrent en même temps et se confondirent en un chant unanime. Les litanies de la Sainte Vierge se firent entendre, interrompant le silence du soir pour célébrer la Mère admirable, devant ce trône rustique où sa sagesse avait daigné apparaître, afin de combler de joie tous les coeurs chrétiens. « Mater admirabilis, Sedes Sapientae, Causa nostae laetitiae, ora pro nobis! »

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Prière pour les ouvriers

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Notre-Dame de Lourdes, en souvenir de cette guérison miraculeuse, la première de toutes, dont vous avez favorisé un humble tailleur dé pierre; en souvenir de cette pieuse corporation des carriers qui, la première, commença spontanément à travailler à votre sanctuaire, obtenez, nous vous en supplions, toutes les grâces du Divin Ouvrier qui créa le monde pour l'immense multitude des travailleurs, hommes, femmes et enfants, qui gagnent à la sueur de leur front le pain de chaque jour. Bénissez ceux qui remuent péniblement le sol de la terre sous le froid de l'hiver et sous les ardeurs de l'été. Bénissez ceux qui transforment la matière, dans l'air malsain des ateliers, au milieu du bruit des machines; bénissez ceux qui, loin du soleil, cherchent dans les profondeurs souterraines les charbons et les minerais; bénissez ceux qui ont dû abdiquer leur volonté pour la dévouer au service d'autrui: bénissez les cultivateurs, les artisans, les ouvriers, les mineurs, les domestiques; bénissez les esclaves dans les pays barbares où il en est encore. Bénissez les bons et les innocents; bénissez aussi les coupables et les pécheurs. Parmi cette multitude innombrable, ô Vierge Marie, combien, hélas! vous ignorent ou vous blasphèment; combien, perdus par les autres et par eux-mêmes, sont loin de vous et loin de Dieu! Combien vivent dans le mal et dans L'impiété! Combien, ne croyant pas en notre immortelle résurrection et plaçant toute leur destinée ici-bas, se révoltent, exaspérés, contre les douleurs, les souffrances de cette vallée de larmes, contre ces peines sans nombre que la foi rend, pour les chrétiens, supportables et même douces! Combien, se refusant à voir que le sentier de la vertu est le seul qui puisse conduire au bonheur, même dès ce monde, fuient l'Église, fuient la voie, fuient la vérité, fuient la vie pour se précipiter dans ces associations ténébreuses dont Satan est le chef; dans ces sociétés secrètes qui ont pour principe la haine, et pour but les révolutions, le pillage, les incendies, et le s meurtres! Suppliez votre divin Fils, ô Vierge puissante, suppliez Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui descendit aux enfers, de descendre aussi dans ces abîmes d'ignorance et d'iniquité. Lui seul peut rendre la vue à ces aveugles. Lui seul peut convertir ces cœurs bouillonnants de furie, comme jadis il convertit saint Paul et tant d'autres persécuteurs. Lui seul peut lier cet esprit terrible que la plume d'écrivains scélérats, que les fautes ou les crimes des classes dirigeantes ont déchaîné sur notre pays. Pour que ce grand miracle s'accomplisse, et pour que les sentiments et les pensées qui illuminaient l'atelier de votre terrestre époux, saint Joseph, éclairent encore ici-bas le vaste peuple des travailleurs, que faut-il, ô très-sainte Vierge Marie? Il faut la prière fervente de ceux qui croient en vous et en Notre-Seigneur. Cette prière, nous la faisons. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.

 

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