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23 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Vingt-quatrième jour

La dévotion à la Sainte Vierge

 

Le mercredi, 3 mars, fut une journée d'épreuve pour Bernadette : il fallait bien que la Croix marquât son âme apostolique. La Dame attendue n'apparut point. Mais l'apôtre se montra à tous comme un modèle de dévotion à la Dame. La vraie dévotion à la Vierge doit être faite de fidélité aux promesses du passé.

Nous avons tous vu la Dame, par la Foi : consacrés à elle, dès notre baptême, au soir de notre première communion et, plus officiellement encore, lors de notre réception comme enfants de Marie, nous lui avons promis d'être fidèles à certaines pratiques : récitation quotidienne du rosaire, du chapelet ou de quelques dizaines ; port du scapulaire, d'une médaille ; abstinences, mortifications, petit office, les samedis ; communion en chacune de ses fêtes ; fuite de telle occasion dangereuse, correction de tel défaut.... Que faisons-nous de ces promesses ?... Que ne ressemblons-nous à la fidèle Bernadette ? Au matin du 3 mars, elle récita pieusement son chapelet à la Grotte, mais elle ne donna aucun des signes qui caractérisaient ses extases. Elle alla faire sa prière accoutumée sous l'églantier, baisa la terre et revint s'agenouiller à sa place habituelle. Sans regarder davantage au rocher, elle inclina la tête pour se recueillir, demeura quelques instants dans cette attitude ; puis, ayant baisé la terre de nouveau, elle fit le signe de la croix et se leva.

La vraie dévotion à la Vierge doit être faite de résignation aux contrariétés du présent. On comptait sur telle date pour tel événement. On a beaucoup prié et souffert dans ce but : l'événement avorte. La Dame ne paraît pas !... Tombé, depuis quelque temps, en pleine sécheresse spirituelle, on soupirait après une retraite, un pèlerinage, une confession, pour recevoir comme une pluie de grâces. Vaine attente : on reste sec. La Dame ne paraît pas !... Pour peu que ces désappointements se prolongent, on se décourage, on se dégoûte, on se mutine, on lâche tout.... Que n'imitons-nous la sereine Bernadette ? Les personnes qui l'entouraient se mirent à l'interroger comme d'habitude. L'enfant répondit simplement : « La Dame n'est pas venue aujourd'hui ».

La vraie dévotion à la Vierge doit être faite de confiance dans les dédommagements de l'avenir. Dieu a ses raisons de ne pas nous exaucer sur-le-champ. Les événements futurs nous l'apprendront, un peu du moins, si nous savons écouter, comprendre leurs leçons. Mais, en attendant, il faut s'opiniâtrer à croire en sa bonne et intelligente Providence. Il fait le sourd, ne l'est point, et, à son heure, il nous montrera qu'il avait entendu. Vous qui seriez porté, sur les conseils perfides du Malheur, à vous laisser aller à la désespérance en jalousant, jusqu'à  la rage, le bonheur apparent de ceux et celles qui vivent près de vous, gardez votre âme en une sainte patience : Dieu vous témoignera sa compassion. La Dame reviendra... Ainsi se conduisait la confiante Bernadette.

« Peut-être que les apparitions sont finies ? », fit observer l'un des assistants. « Je n'en sais rien, reprit l'enfant, mais en tout cas la quinzaine n'est pas terminée et je reviendrai encore demain ». Comme on le voit, Bernadette ne cherchait jamais à se composer ou à déguiser ce qui se passait à  l'intérieur de la Grotte. Elle acceptait les événements tels qu'ils se présentaient. Sans croire faire de la vertu, elle était toujours soumise et toujours véridique. Ce sont bien là  les traits caractéristiques de la vraie dévotion à la Très Sainte Vierge !...

Cependant le dernier jour de la quinzaine allait luire. On pressentait une manifestation imposante. En prévision des. affluences qui arriveraient en ville le lendemain, le maire de Lourdes adressait, le 3 mars, au capitaine commandant le fort, la réquisition suivante : « La présence considérable d'étrangers que l'on m'annonce pour demain, jour de marché, m'oblige à venir vous demander, dans l'intérêt du bon ordre, de mettre votre troupe à ma disposition. Je vous prie, en conséquence, de vouloir faire que vos soldats disponibles soient rendus demain matin, à six heures, à l'hôtel de la mairie ». Le lendemain, en effet, se produisait la quinzième Apparition.

 

Examen

 

Avons-nous d'abord de la dévotion à la Sainte Vierge ?... Grand serait notre malheur si nous n'avions point de dévotion pour elle ! Nous ressemblerions, en pratique, aux Protestants dont la religion est hélas ! Stérile, parce qu'ils n'ont ni l'arbre, ni le fruit, ni la femme que le Sauveur Jésus a replacés dans le paradis de l'Incarnation : l'arbre, c'est la croix ; le fruit, l'Eucharistie ; la femme, Marie. Sans l'Eve nouvelle, on n'atteint pas à l'arbre ; à plus forte raison ne cueille t-on pas le fruit ! Cette trilogie, divinement réparatrice de la Chute dans l'Eden, est de nécessité dogmatique et morale.... Sans Marie, nous n'aurions plus de Mère, et il y aurait alors les orphelins de la grâce comme il y aies orphelins de la nature...

Notre dévotion à la Sainte Vierge est-elle une dévotion d'esprit avant d'être, ou tout en étant, une dévotion de cœur ? Est-elle raisonnée pour être raisonnable... autant du moins que la raison éclairée par la Foi peut nous permettre de comprendre les sublimités de Marie ?... Avons-nous fait, continuons-nous à faire, une étude approfondie des grandeurs, des fonctions, des beautés de cette Divine Mère ? Connaissons-nous l'histoire de sa vie, telle qu'en des traits saillants et suffisamment révélateurs l'a contée l'Evangile ?... Affectionnons-nous la lecture des livres sérieux qui parlent d'elle ?... Comment devenir convaincu, et la conviction est le premier facteur naturel de toute dévotion, quand on n'a rien étudié, rien appris ? On s'expose à ne faire que de la sentimentalité, et la sentimentalité, fille de l'ignorance, devient logiquement, dès l'irruption de la première épreuve, la mère du caprice.... La crème peut être le dessert du repas spirituel, mais non certes le plat de résistance : les âmes se nourrissent d'idées fortes et se détraquent le tempérament avec les fadaises du cœur...

Ne regardons-nous pas nos consécrations réitérées à Marie comme de pures formalités n'entraînant aucune conséquence de conduite... Ne portons-nous pas le titre d'enfants de Marie comme un titre simplement honorifique qui ne saurait en rien lier la liberté ?... Avons-nous tenu vis-à-vis de la Sainte Vierge nos promesses passées, je n'ose dire nos vœux ?... Qu'avons-nous fait de notre scapulaire, de notre médaille, du supplément d'exercices de piété ou de pratiques de mortification qu'en une heure de ferveur ou d'épreuve sous le coup d'un gros événement contraire, nous nous étions imposés.... Mieux vaudrait ne rien promettre du tout, plutôt que de ne point tenir... On indispose, on afflige ainsi la Vierge au lieu de se concilier ses faveurs et de la réjouir... Quels saints nous serions si nous avions été fidèles à tous nos engagements dans l'ensemble et le détail de notre vie chrétienne !...

Quelle est notre résignation aux contrariétés du présent ?... Il est rare qu'un jour se passe sans que de notre côté, du côté de notre famille ou de la société, nous n'ayons à éprouver quelque déconvenue... Se résigner, d'après l'étymologie latine du terme, c'est signer de nouveau, c'est-à-dire apposer soi-même courageusement sa signature au bas du décret de souffrance que Dieu a permis ou voulu contre nous.... La résignation est la marque caractéristique de l'amour vrai, du dévouement qui, au lieu de se payer de sourires ou de mots, s'affirme par les œuvres...

Encore que nos prières ne soient point exaucées depuis longtemps peut-être, avons-nous toujours foi en notre Etoile, je veux dire en Marie?... Elle n'est point sourde à nos supplications, elle n'a pas cessé d'être puissante et bonne.... Elle reviendra, et son retour, rémunérateur de notre longue et douloureuse attente, nous comblera de joie...

 

Prière

 

O Notre Dame, notre dévotion pour vous doit être une dévotion filiale. Ce mot résume tout : n'êtes-vous pas notre Mère ? Ne sommes-nous pas vos enfants ? Or, entre une mère et son enfant quelles relations existe-t-il ? Il y a identité de vie, communauté de biens, air de famille, échange réciproque de confiance et d'amour. L'identité de vie m'impose donc l'obligation de fuir le péché et de garder la grâce ; la communauté de biens m'oblige à m'enrichir de plus en plus par la pratique des vertus ; l'air de famille m'excitera à rester humble, aimant, innocent comme vous, et la réciprocité de confiance amoureuse deviendra l'enchantement, le soleil sans ombre de ma vie.... Elle m'aime, je l'aime.... Elle me comprend, je la comprends. Qu'importe dès lors qu'elle paraisse, cette Vierge chérie, ou ne paraisse point !... Elle est ma Mère et la sera toujours...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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22 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Vingt-troisième jour

Pourquoi les Processions

 

Mais pourquoi la Dame veut-elle des processions ? Ne pourrions-nous pas éclaircir, si peu soit-il, ce mystère de sa volonté ?... Marie veut « qu'on vienne en procession » pour imposer des sacrifices.

« Je veux qu'on vienne ». Mais, pour venir, il faudra traverser des distances plus ou moins longues : de là, un premier sacrifice de déplacement ; les inventions modernes, avec leurs prodigieuses facilités de locomotion, le rendront plus commode, sans réussir à le supprimer. Mais les déplacements sont nécessairement dispendieux, de là, un second sacrifice : l'argent ; les excursions lointaines, même à prix réduit, ne laissent pas, en fin de compte, que de coûter fort cher. Ceux qui voyagent beaucoup se sanctifient rarement, s'il faut en croire l'auteur de l'Imitation ; il aurait pu ajouter qu'à  moins de voyager pour affaires, ils s'enrichissent difficilement... Or, en voyage, si confortablement installé qu'on soit, on se heurte toujours à quelque contrariété, à  quelque surmenage, à quelque lassitude : de là  un troisième sacrifice de gêne, de fatigue ; il n'est point de plaisir, même permis, sans peine.Mais tout cela nécessite une trêve aux occupations journalières, personne n'est, en ce monde, un privilégié de la bilocation : il faut fermer son magasin, son bureau, sa porte, ou pourvoir à son remplacement : de là  un quatrième sacrifice de temps... Enfin, on ne peut aller en pèlerinage, ni figurer dans les rangs d'une procession, sans afficher son catholicisme, sans subir le contrôle des voisins, des spectateurs, sinon des policiers : de là  un cinquième sacrifice de respect humain ; sacrifice quelquefois le plus onéreux de tous, et même héroïque, quand, par exemple, la Religion ne jouissant plus des faveurs, que dis-je des tolérances loyales de l'Etat, il suffit de se montrer catholique, pour être aussitôt traité en ennemi... La Dame, telle une reine, entend faire, à Lourdes, la revue de ses troupes, l'inspection des plus braves d'entre ses sujets, et elle les oblige à accepter ces divers sacrifices : en une phrase laconique comme un ordre souverain, elle mande : « Je veux qu'on y vienne en procession ».

Marie veut « qu'on vienne en procession », pour recevoir des hommages. On sait les triomphes décernés par le peuple de Rome aux Césars victorieux. Les chefs de nation : rois, reines, empereurs, impératrices, ont leurs jours d'apothéoses populaires. Le Sauveur a consenti à avoir sa fête triomphale des Rameaux. Pourquoi la Dame de toutes les Victoires n'aurait-elle pas ses grandioses ovations ? Elle les eut, pendant les siècles où la France fut son royaume : Regnum Gallicae, regnum Mariae : les villes et les villages rivalisèrent d'entrain pour organiser sur les places publiques, à  travers les campagnes, à la saison des fleurs, les plus idéales théories. Mais les mœurs ont changé : les saltimbanques ont la liberté de la rue, les serviteurs de Marie en sont presque partout frustrés... Or, la Dame ne se résigne point à la suppression de ces hommages extérieurs du Culte : pour les recevoir de la part de l'élite des foules, elle choisit, dans le cadre d'un site admirable, un vaste emplacement : « Je veux qu'on y vienne en procession », c'est-à-dire en pèlerin et non en touriste, car la procession, faite dans l'esprit qui la doit animer, est la plus vibrante manifestation de foi, de charité...

Marie veut « qu'on y vienne en procession », pour offrir des réparations. Elle fit la première procession du Très Saint-Sacrement lorsque, avec la célérité de l'amour, elle s'en alla, escortée par les anges, vers les montagnes de Judée, dans la maison de Zacharie, portant, près de son Cœur, vivant ciboire, l'Emmanuel, le Verbe nouvellement incarné. Et, depuis la Visitation, chacune de ses démarches a été comme une procession, en l'honneur de son Fils... Ce Fils aurait voulu la continuation des processions eucharistiques que la Fête-Dieu ramenait jadis si belles en notre pays. Nous n'avons plus voulu : en ces dernières années, les processions, trop souvent, n'étaient guère dans la composition des cortèges, qu'une exhibition de décadence religieuse dans le corps social. Des enfants, des femmes au déclin de l'âge, des veuves, quelques jeunes gens, une poignée d'hommes, débris des fidélités d'autrefois : c'était tout. Dieu a trouvé que ce n'était point assez, et il a permis à l'impiété, laquelle trouvait que c'était encore trop, d'interdire ces pompes du dehors. Moins favorisé que les charlatans et les courtisanes, le Christ, de par la haine, n'avait plus le droit de sortir de ses temples : il fallait qu'il restât captif dans son tabernacle comme en une prison... La Vierge prévoyait cette séquestration, et afin de donner à Jésus un dédommagement, elle ferait de Lourdes un refuge de la liberté, un centre de communions et d'adorations ferventes, un théâtre où se déploieraient, en une physionomie à part, les files variées des plus solennelles processions du Très Saint Sacrement : « Je veux qu'on y vienne en procession ».

Marie veut « qu'on vienne en procession », pour affirmer sa puissance. On devra acheter le terrain, construire une chapelle, frayer des chemins, pratiquer des lacets dans la montagne, reculer le Gave, aménager une esplanade, trouver, pour tant de frais, des monceaux d'or : la Dame, intermédiaire toute-puissante sur les éléments résoudra, comme en se jouant, ces difficultés matérielles... On devra canaliser l'eau de la fontaine, installer des piscines, faciliter les libations, les immersions, mettre en contact direct le mal physique avec l'onde miraculeuse : la Dame toute-puissante sur les corps, rendra, tant qu'elle voudra, la santé aux malades.... Il faudra guerroyer avec l'ennemi du Bien, avec les passions humaines et restituer aux pécheurs la grâce, la vertu : la Dame, toute-puissante sur les démons et les âmes y vaincra les résistances diaboliques, intellectuelles, morales, et multipliera les miracles d'ordre spirituel... Il faudra, enfin, imprimer aux multitudes un mouvement irrésistible et provoquer, à la Grotte, des quatre coins du monde, de merveilleux rassemblements : la Dame, toute-puissante sur les masses, fera circuler en elles je ne sais quel courant d'électricité divine qui les ébranlera et les rassemblera.... Et ainsi le déploiement des processions sera la synthétique et colossale démonstration de sa puissance ! « Je veux qu'on vienne en procession ».

Est-on venu ? Les sacrifices ont-ils été accomplis ? les hommages reçus ? les réparations offertes ? la puissance affirmée ? Les faits se chargent aujourd'hui de répondre, sur quel ton affirmatif ! On est venu, sans entente préalable, de tous les points du globe, en une unanimité dont le Catholicisme seul a le secret ; on vient encore, on continuera, si la Dame le veut, à venir : voilà, avec la plus belle prophétie, le plus grand miracle de Lourdes !...

 

Examen

 

Comprenons-nous pour Dieu la nécessité du sacrifice ?... Pour qui sont nos déplacements... nos dépenses d'argent... nos fatigues... notre temps... nos victoires de respect humain ?... Que de déplacements, de dépenses, de fatigues ne s'impose-t-on pas pour ceux et celles qu'on aime !... Ce n'est jamais trop loin... ce n'est jamais trop cher,... ce n'est jamais trop pénible... On a toujours le temps.... On s'expose à toutes les critiques, à toutes les disgrâces... même pour le mal notoire, on secoue tout préjugé d'honnêteté, on brave, on nargue l'opinion.... Et pour Dieu... pour Jésus... pour la Vierge... que faisons-nous ?... Quels hommages de vénération, de reconnaissances, de louange et d'amour offrons-nous à la Très Sainte Vierge?... S'en sommes-nous pas arrivés à nous contenter avec elle de ces formules obséquieuses que la banalité routinière a vidées de tout sens et que nous trouvons stéréotypées aux dernières lignes de nos lettres, ou au commencement et à la fin de nos visites de cérémonie ?... Avons-nous le sentiment des réparations personnelles, domestiques et sociales que Marie et Jésus attendent de nos cœurs délicats ?... J'ai cherché des consolateurs, des consolatrices, et je n'en ai point trouvé... La vue de la puissance exercée par la Sainte Vierge, à Lourdes, sur le Cœur de Dieu, les éléments, les démons, les corps, les âmes, les multitudes, a-t-elle donné à notre confiance pratique en cette bonne Mère un regain d'actualité ?... Peuple ingrat, auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir !...

Assistons-nous, si elles se font encore dans notre paroisse, aux processions du Saint-Sacrement et de la Sainte Vierge ?... Quand nous ne voulons pas qu'un usage tombe en désuétude ou qu'en nous traite en quantité négligeable, nous devons témoigner de notre attachement à cet usage en en suivant, aussi nombreux que possible, les prescriptions... Ne pas affirmer sa vitalité, c'est être, socialement, près de mourir... En cas d'interdiction municipale, assistons-nous aux processions dans l'église ?... Ce serait le moyen de prendre une pacifique et significative revanche... Dieu permettra que l'impiété ferme les églises, le jour où la piété des fidèles ne saura plus les remplir... Religieusement, on a le pouvoir de se suicider... Pas n'est besoin alors des coups de l'ennemi. Comment assistons-nous aux processions ? Par habitude ?... par esprit de parti politique ?... par vanité ?... par intérêt ?... ou par foncière dévotion.... Ceux qui y assistent doivent être autrement fervents que ceux qui, par curiosité ou impuissance, les voient passer... A l'instar de la Très Sainte Vierge, faisons-nous de chacune de nos visites, de chacun de nos voyages, de tous nos déploiements d'activité, comme une procession en l'honneur de Dieu... en attendant que l'Eglise, au jour de nos funérailles, fasse faire, jusqu'à la paroisse et au cimetière, une procession à notre corps, tandis que notre âme, si elle fut toute pure, fera, escortée par les Anges, son entrée processionnelle en Paradis ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, si, d'après le proverbe : « Ce que femme veut, Dieu le veut », à  plus forte raison Dieu veut-il ce que vous voulez ! Vous étiez donc sûrement l'interprète du vouloir divin, lorsque vous disiez : « Je veux des processions ». Vous les avez eues magnifiques en la terre de Lourdes et, pour prouver votre joie d'en contempler les files, vous avez fait, surtout au passage du Très Saint Sacrement, les plus impressionnants miracles. Ainsi avez-vous décerné au culte extérieur, public, qu'on vous rend sur votre demande, une éclatante récompense. Multipliez les prodiges ; nous multiplierons les sacrifices, les hommages, les réparations, les enthousiasmes que la ferveur des processions comporte, jusqu'au jour où, vous ayant honorée ici-bas avec toute la pompe dont nous étions capables, vous nous admettrez près de vous, à la suite de l'Agneau, au défilé des processions du Ciel : Fête-Dieu qui n'aura pas de fin...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

 

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21 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Vingt-deuxième jour

Nouvelle démarche chez le Curé de Lourdes

 

La réponse dilatoire du curé de Lourdes appelait une réplique : la Dame la donna, le mardi 2 mars, en la Quatorzième Apparition, sous la forme d'une seconde ordonnance, complément de la première, l'apostolat de la voyante s'accusait de plus en plus. Après l'extase, la tante Basile, qui accompagnait Bernadette ce jour-là à la Grotte, ne tarda pas à s'apercevoir de l'état soucieux de sa nièce. En rentrant en ville, elle lui demanda ce qui la rendait ainsi rêveuse. « Ah ! Répondit l'enfant d'un ton chagrin, c'est que je suis en vérité dans un grand embarras. La Dame m'a chargée de redire à  M. le curé qu'elle voulait avoir une chapelle à Massabielle, et je ne sais comment faire pour me présenter au presbytère ». Se rapprochant ensuite de sa tante et la prenant par le bras, elle lui dit : « Tante, si vous saviez comme vous me feriez plaisir en venant avec moi chez M. le curé ! »

La tante Basile ne demandait pas mieux que d'être agréable à Bernadette, mais elle n'était guère plus brave que sa nièce pour soutenir le regard et la parole un peu rude de l'austère doyen... Toutefois, jugeant des terreurs de sa nièce par les siennes propres, elle consentit à accompagner Bernadette au presbytère. L'accueil du curé fut froid. Aussitôt que les deux visiteuses furent entrées au salon, l'abbé Peyramale se tourna vers Bernadette et lui dit : « Eh bien ! Que viens- tu m'apprendre ? La Dame a-t-elle parlé ? » « Oui, monsieur le curé ; elle m'a chargée de vous répéter qu'elle désire avoir une chapelle à Massabielle ; de plus, elle a ajouté : « Je veux qu'on y vienne en procession ». ». « Ma fille, il ne manquait plus que ce dernier complément à toutes tes histoires. Ou tu mens, ou la Dame qui te parle n'est que le masque de Celle qu'elle veut paraître. Elle exige une procession et pourquoi ? Sans doute, pour faire rire les gens et déconsidérer la religion. Le piège n'est pas habile. Tu lui diras de ma part qu'elle connaît mal les attributions hiérarchiques du clergé. Si elle était réellement Celle dont elle emprunte les traits, elle saurait que je n'ai pas qualité pour prendre l'initiative d'une pareille manifestation. C'est à l'évêque de Tarbes, et non à moi, qu'elle aurait dû t'envoyer ».

« Mais, monsieur le curé, interrompit timidement Bernadette, la Dame ne m'a pas dit qu'elle voulût dès à présent une procession à la Grotte : elle m'a dit simplement : « Je veux qu'on y vienne en procession », et, si j'ai bien compris, c'est de l'avenir, et non du présent, qu'elle voulait parler ». Le curé s'arrêta court à cette réflexion et jeta un regard scrutateur sur l'enfant. Que signifiait l'explication tardive qui arrivait sur les lèvres de la petite messagère ? Est-ce que, sans y prendre garde, lui, curé, se trouvait en présence d'une rusée comédienne qui jetait de la poudre aux yeux par ses airs d'innocence? La nuance qu'elle faisait ressortir dans les désirs de la Dame était plausible et même vraisemblable, mais cette nuance n'était-elle pas une subtilité mise au profit de son rôle, et la petite fille ne s'en servait-elle que pour se tirer adroitement d'embarras ? L'abbé Peyramale sentait revenir ses anciennes préventions, et, craignant d'être trompé, il continuait à regarder l'extatique avec un certain air de défiance. Celle-ci, au contraire, se tenait tranquille sur son siège, ne montrant dans sa physionomie que la sérénité d'une âme qui n'a rien à feindre ni à cacher. Enfin le curé rompit le silence et dit à l'enfant :

« Il est temps de sortir de l'imbroglio dans lequel la Dame et toi vous essayez de m'enchevêtrer. Tu lui diras qu'avec le curé de Lourdes il faut parler clair et net. Elle veut une chapelle ? elle veut une procession ? Où sont ses titres aux honneurs qu'elle réclame? Qui est-elle? D'où vient-elle, et par quels actes s'est-elle recommandée ? Allons droit au but ; si ta Dame est celle dont tu laisses deviner le nom, je vais lui indiquer un moyen de se faire reconnaître et de donner de l'autorité à ses messages. Elle se tient à la Grotte, m'as-tu dit, au-dessus d'un rosier. Eh bien, demande-lui de ma part qu'un de ces jours, en présence de la foule assemblée, elle fasse fleurir subitement le rosier en question. Le matin où tu viendras m' annoncer que ce prodige est accompli, je croirai à ta parole, et je te promets de t' accompagner à Massabielle ». Un sourire de la tante et de la nièce répondit à ce langage ; puis le curé ayant cessé de parler, les deux visiteuses s'inclinèrent et sortirent.

Le prêtre ne saurait trop s'envelopper de prudence dans ses jugements sur des révélations prétendues surnaturelles : les supercheries ne sont point rares ; les mystifications entraînent les plus déplorables conséquences. On est toujours ridiculisé, souvent amoindri, quelquefois annihilé, pour avoir été trop crédule. Le métier de dupe est le plus désastreux des métiers, surtout lorsque, prêtre, on solidarise nécessairement sa personne avec sa fonction. Le curé de Lourdes faisait donc preuve d'une grande sagesse en même temps que de beaucoup d'esprit, en ripostant comme nous l'avons entendu, et en demandant, pour donner sa créance et prêter son concours, la corroboration d'un miracle...

Mais le miracle qu'il spécifiait accusait la légèreté inhérente à tout homme mis en demeure de démêler, en certaines occasions, le Surnaturel. Solliciter la floraison insolite d'un rosier pouvait être piquant; c'était, en l'occurrence, puéril. Le rosier fleuri se fût peu à peu desséché, et n'aurait laissé, que dans quelques mémoires, un poétique souvenir. Beaucoup n'y auraient vu qu'un phénomène de végétation extraordinaire, et les faits de Massabielle n'y auraient rien gagné en certitude, pas plus que les idées, cachées sous ces faits, en clarté. Celle qui venait fleurir surnaturellement les âmes n'avait nul souci de parer miraculeusement un églantier. La grâce ne dépend pas d'une question de botanique...

Ainsi, tout en étant un maître-homme au point de vue humain, on peut n'être, accidentellement, qu'un enfant en face du Surnaturel. Ce fut le cas pour l'abbé Peyramale, ce jour-là ; et c'est avec moins d'excuses et plus de sottise, par conséquent, notre propre cas, dans la plupart de nos appréciations et de nos prières. Nous nous préoccupons, nous nous passionnons pour des bagatelles : il faut réussir dans telle combinaison, obtenir telle faveur temporelle, tel avancement, tel succès tout terrestre. Faisant de l'accessoire le principal, nous avons la hantise même absurde des rosiers en fleurs ; et nous négligeons la culture, l'épanouissement, en nous et autour de nous, du royaume de Dieu et de sa justice : nous sacrifions le devoir à la vanité. Quels enfantillages !

 

Examen

 

Quand les événements nous ont mis en demeure de faire une démarche qui nous coûtait, n'avons-nous pas observé comment la Providence, si nous nous étions confiés à elle dans notre embarras, plaçait près de nous, au moment psychologique, la personne la plus apte à nous secourir ?... Nous venons de voir tante Lucile se mettre à la disposition de Bernadette...

Avons-nous accepté avec politesse, avec esprit de foi, les contradictions, les observations, voire les remontrances de l'autorité ecclésiastique, quand des divergences ou des conflits d'idée entre elle et nous se produisaient ?... En matière religieuse, n'avons-nous pas prétendu en savoir plus long que les prêtres, nous imaginant sottement que chacun peut se faire sa religion... Bernadette était très polie, très déférente pour son curé.... Combien de personnes extérieurement pieuses deviennent, par leur entêtement, leurs fausses illuminations, leurs cabales et leurs incessants coups de langue, les bourreaux de leur curé !... Un fin observateur n'a-t-il pas dit de ces dévotes à rebours qu'elles sont « des anges dans l'église, des perroquets dans les rues, des diables dans leurs maisons » ?... Elles s'érigent volontiers en prêtresses de chapelles particulières.... Plus grande qu'elles, Bernadette se contentait d'être une petite paroissienne...

Remarquez-vous chez le spirituel curé de Lourdes le respect de la hiérarchie, le soin qu'il a de ne point empiéter sur les attributions de son évêque ?... Savoir rester à sa place, c'est le meilleur moyen d'éviter les maladresses et de s'épargner une foule d'ennuis... C'est aussi une excellente façon de s'assurer dans sa conduite le concours si nécessaire des grâces d'état... Ne sommes-nous pas d'une crédulité enfantine pour les horoscopes qu'on tire en inspectant les lignes de notre main, en jouant aux cartes, ou en faisant appel aux sorciers et aux sorcières ?... N'accueillons-nous pas avec la même puérilité le récit de prophéties, de visions, que les naïfs, les malades ou les vils exploiteurs, colportent au préjudice de notre Religion sainte.... Le curé de Lourdes avait raison d'éprouver l'authenticité des dires de Bernadette.... Pour quiconque réfléchit, le Surnaturel authentique a d'ailleurs des signes qui le distinguent du premier coup, de la contrefaçon... Là  où, sous un vernis de religiosité, vous trouverez la recherche de soi, l'orgueil, la légèreté et les satisfactions plus ou moins déguisées de la nature, dites- vous qu'il y a mystification au lieu de mysticité vraie...

N'avons-nous pas un peu le culte des éphémères rosiers ?... Rosier, l'apostolat en surface... Rosier, la multiplicité des prières vocales sans amendement du caractère ni augmentation des vertus... Rosier... le souci humain de l'opinion publique... le désir de plaire aux supérieurs pour capter leurs suffrages et bénéficier de leur protection, après les avoir honteusement flattés... Rosier... les préoccupations exagérées d'argent et d'avenir... Aux floraisons terrestres, il faut préférer les floraisons de Dieu, de Jésus, de la Vierge en nos cœurs... Bernadette préférait la Dame au rosier...

 

Prière

 

O Notre Dame, en envoyant pour la seconde fois Bernadette au presbytère, vous montriez qu'entre toutes les maisons de la paroisse vous aimez la maison curiale... C'est elle qui abrite l'homme de Dieu : c'est vers elle que s'achemine à nouveau, sur votre ordre, la petite ambassadrice. Ainsi autrefois Gabriel avait-il été envoyé de Dieu, à Nazareth, vers la maison qu'embaumait de célestes parfums votre présence !... Vous vous troublâtes devant l'ange ; Bernadette se trouble devant son curé ; à Nazareth, votre réponse fit fleurir pour le monde la tige divine de Jessé ; au presbytère de Lourdes, la demande sacerdotale ne fit point fleurir l'inutile rosier, mais l'ambassade, plus tard comprise, de l'enfant détermina la merveilleuse floraison de la chapelle et des processions auprès de votre Grotte. Tous voulez en nos cœurs une chapelle mystique : il y a longtemps que la grâce et notre dévotion l'ont pour vous construite : embellissez-la pendant ce Mois de Mai, et que le démon ne la ferme et ne la démolisse jamais !... Vous voulez des processions : faites défiler dans notre tête, théorie sans pareille, les innombrables souvenirs de vos bontés, et que ces souvenirs, allumant en nous les flammes de la reconnaissance, replacent sur nos lèvres les cantiques de bénédiction qu'au plus beau temps de nos ferveurs nous chantâmes pour vous !....

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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20 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Vingt-et-unième jour

Le Chapelet

 

Le lendemain, 1er Mars, la Treizième Apparition fut marquée par un incident sans conséquence, mais non sans signification. Une personne de Lourdes, désirant attacher un souvenir pieux à son chapelet, l'avait remis à Bernadette avec prière de vouloir bien le réciter à la Grotte pendant l'apparition de la Dame céleste. Bernadette ne fit aucune difficulté pour se rendre au désir de cette personne. Le matin du 1er Mars, en arrivant à la Grotte, la voyante se mit à genoux, et prit, au hasard, le premier chapelet qu'elle rencontra dans sa poche. Quand elle voulut le porter à son front, sa main fut arrêtée, et la Dame lui demanda sur le ton du reproche, ce qu'était devenu son chapelet. Bernadette, étonnée, avança le bras pour montrer celui qu'elle tenait à la main : « Vous vous trompez, lui dit la Dame, ce chapelet n'est pas le vôtre ». Bernadette regarda, et reconnut, en effet, que le chapelet dont elle voulait se servir était le chapelet qu'on lui avait confié. Elle le remit prestement dans sa poche, en retira le sien et le présenta à la Dame en allongeant son bras vers la Grotte. La Dame fit un signe de tête affirmatif et la voyante, dès lors, put commencer sa prière.

Il y avait, en cette observation de la Vierge, une leçon de respect à l'endroit du chapelet matériel. On tient tellement à ses objets de toilette, à ses instruments de travail, à ses bibelots, à ses souvenirs artistiques, qu'on en devient parfois maniaque. On en a le culte comme artiste, collectionneur ou amateur : on s'en réserve l'usage exclusif ; mais, par indifférence ou inintelligent ; calcul, on échangera son chapelet, quand on en a un. On commet ainsi une irrévérence envers un objet de piété que l'on devrait garder pour soi. Afin d'obvier à ces échanges puérils, lorsqu'ils ne sont pas sacrilèges, l'église a dépouillé des indulgences tout chapelet prêté avec l'intention de les faire gagner. La Dame, par sa remontrance à Bernadette, consacre la propriété personnelle du chapelet. A chacun de veiller sur son outil de prière et de l'utiliser... Mais cet hommage de respect au chapelet matériel contient surtout, pour nous, une invitation à le bien réciter. Or, comment le devons-nous réciter ? comme le prêtre, son bréviaire :

Dignement. Ayons d'abord la dignité du maintien. Il est une étiquette des cours : n'y sont admis que ceux qui se conforment aux prescriptions du protocole. Les salons n'ouvrent leurs porte qu'à  ceux et celles qui ont, au moins extérieurement, de la tenue. Mais quelle politesse de manières a-t-on pour Dieu ? La Dame n'est souvent guère mieux respectée, même par nous. Quel vagabondage de regards, quelle désinvolture de mouvements, pendant la récitation du chapelet !... Et la dignité de la prononciation, qu'en fait-on pareillement ? On mange certains mots, on en mutile d'autres, on en saute, on en invente, on improvise des phrases qui sont une insulte sonore à la grammaire et au bon sens ; ou bien, on dit tout exactement, mais avec une déplorable accentuation.

Attentivement. L'attention est l'application de l'esprit à ce qu'on pense, à ce qu'on dit, à ce qu'on fait. La dignité discipline l'extérieur ; l'attention, l'intérieur. L'une et l'autre s'aident réciproquement. Le manque de dignité vient souvent du manque d'attention : le corps est irrespectueux à cause de l'esprit inattentif. Joindre les mains, baisser les yeux, bien articuler, sont autant d'excellents moyens de prévenir, diminuer, chasser les distractions. Or, pour une bonne récitation du chapelet, une triple attention est requise.

Attention aux paroles. Parler sans se rendre compte du sens des termes employés, c'est déchoir de son rang de créature pensante et surtout baptisée. S'il importe de savoir ce qu'on dit aux hommes, à  plus forte raison importe-t-il de savoir ce qu'on dit à la Reine des hommes et à Dieu ! D'autant que les paroles qui composent le chapelet sont les plus vénérables, les plus sanctifiantes, les plus instructives, qu'il soit donné à une bouche humaine de proférer....

Attention à la Dame. Elle mérite que nous soyons particulièrement respectueux. S'il est impoli de parler, fût-ce à un domestique, en affectant des airs distraits, comment qualifier l'attitude de ceux qui, tout en égrenant le chapelet, se laissent envahir, dans leur imagination trop complaisante, par une foule d'étrangères pensées ? Il y a là  un sans-gêne qui, loin de nous concilier la bienveillance de Celle dont nous implorons machinalement la protection, risque de nous faire encourir son dédain, son mécontentement, sinon même son courroux. Il serait bon peut-être de ne pas oublier, à ce point, les distances qui la séparent de nous.

Attention à l'entourage. La Dame nous voit comme elle voyait Bernadette, comme elle voyait, sans leur manifester sa présence, tous les assistants qui la priaient en union avec l'enfant. Mais Marie n'est point seule à nos côtés : Dieu nous voit par son immensité qui embrasse tous les êtres, par sa science à laquelle rien n'échappe, par sa providence qui dirige toutes choses, par sa grâce qui informe divinement nos âmes comme nos âmes informent humainement nos corps ; Jésus nous voit par ses attributs divins et, quand nous prions la Dame à l'église, par son Eucharistie ; le Saint-Esprit nous pénètre, à son tour, de son action sanctificatrice, et nos anges gardiens sont également témoins de nos supplications. Mais, à cet entourage invisible dont nous ne saurions trop respecter la présence, se mêle souvent l'entourage visible des parents, des enfants, des voisins, des amis. Or, cet entourage extérieur n'est point à négliger : nos exemples, jamais neutres, le scandalisent ou l'édifient.

Dévotement. La dévotion est le résultat d'une double chaleur. On regarde la Dame à la lumière de la foi. A mesure qu'on la contemple, on assiste, par la réflexion, au défilé de ses grandeurs. Et de ces grandeurs dont la contemplation, si imparfaite soit-elle, confond notre petitesse, se dégage un arôme de bonté qui attire. Nous la voyons toute grande, mais nous sentons qu'elle est en même temps toute bonne. L'idée que nous nous faisons d'elle se convertit ainsi de lumière en chaleur. C'est d'abord la chaleur de la conviction. Mais cette chaleur de la tête pénètre logiquement dans notre cœur, et c'est alors la chaleur de l'amour : double chaleur dont la vertu fécondante produit dans les âmes, à l'heure de la prière, la dévotion.

 

Examen

 

Avons-nous un chapelet ?... Ne pas en avoir un serait une indélicatesse, une imprudence, une infidélité... Prétendre y suppléer habituellement avec ses dix doigts est une irrévérence et une pitoyable excuse... Portons-nous notre chapelet ?... Ne le laissons-nous pas négligemment dans la poche des vêtements que nous avons quittés, ou en un étui ou sur une table parmi les objets qui composent notre petit musée religieux... Le chapelet surtout est un porte-bonheur... Le faisons-nous réparer en toute hâte en cas de besoin ? Nous en procurons-nous un neuf en cas d'usure ?... Avons-nous à cœur de le faire enrichir de toutes les indulgences dont la libéralité de l'Eglise le rend susceptible...

Comment le récitons-nous ?... Avons-nous la dignité du maintien, de la prononciation ? Quelle est notre intensité d'attention aux paroles, à la Vierge, à  l'entourage ?... Y préludons-nous par un peu de recueillement ?... Choisissons-nous, pour le dire, l'heure, l'endroit le plus propices ?... Nous ressaisissons-nous à chaque dizaine en formulant une intention particulière pour nous, pour les morts ou les vivants ?... Au Credo, pensons-nous aux Martyrs qui ont souffert pour la Foi, aux Apôtres qui l'ont défendue ?... Au Pater, songeons-nous à Jésus qui nous l'a enseigné, à nos mères qui nous l'ont appris?... Aux Ave, nous rappelons-nous dès les premières paroles Gabriel qui les prononça ?... Nous unissons-nous à Sainte Elisabeth qui les compléta ?... Invoquons-nous la Mère de Dieu avec la foi des conciles, la dévotion des aïeux, la sérénité des mourants ?... Aux Gloria Patri, adorons-nous la Trinité Sainte en union avec les anges et les élus du Ciel ?... Le récitons- nous, en partie ou en totalité, chaque jour ? Ainsi faisait la digne, l'attentive, la dévote, la fidèle Bernadette.

 

Prière

 

O Notre Dame, vous tenez tant au chapelet que vous vous montrâtes à Bernadette avec un chapelet aux grains d'albâtre et à la chaîne d'or.... Au surplus, vous ne favorisâtes l'enfant de aucune de vos apparitions sans l'obliger à réciter devant vous cette prière Et, tout à l'heure, nous vous avons vue donner à la voyante distraite la leçon que nous venons de méditer.... Si nous n'avions su que le chapelet vous était agréable, vous vous seriez chargée de nous l'enseigner à la Grotte, magistralement. Merci, ô maternelle Educatrice, de l'enseignement et des exemples que vous nous avez apportés dans la niche bénie.... Nous aimions le chapelet, nous l'aimerons davantage.... Nos mains se plairont à en effeuiller quotidiennement les roses qui pour vous sentent si bon ; et, après vous avoir saluée tant de fois, ici-bas, pleine de grâce, vous nous obtiendrez d'aller, quand nous serons morts, égrener devant votre trône les Ave Matin de la gloire....

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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19 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Vingtième jour

Intimités

 

Au matin du 28 février, plus de deux mille spectateurs se trouvaient réunis autour du rocher de Massabielle, attendant fiévreusement l'arrivée de la voyante. Bernadette se présenta toute proprette, revêtue de ses modestes habits du dimanche et accompagnée de sa plus jeune tante Lucile... L'entretien mystérieux de la Dame avec sa petite confidente ne donna lieu, en cette douzième Apparition, qu'à des communications intimes et toutes personnelles. Le dessein de la Vierge en ces communications était, semble-t-il, de faire goûter à Bernadette un triple bienfait.

Le bienfait du calme dans le recueillement ! L'apostolat expose aux agitations, aux fièvres du dehors. On finit par s'énerver, par se troubler pour beaucoup de choses, comme disait Jésus à Marthe, son hôtesse. La Dame protège l'enfant contre cette évaporation nuisible à la sérénité. Bernadette devenait de plus en plus un personnage public, elle venait d'être ambassadrice auprès du clergé : autant d'extériorisations qui devaient ou pouvaient l'enfiévrer... Le calme est un agent de première nécessité pour la conduite de la Vie. Il rend maître de soi, et cette maîtrise permet de se connaître à  fond, de se dominer. Il favorise l'audition des voix de la conscience, de la grâce et des événements : la conscience a comme des pudeurs d'intonations que le bruit effarouche et absorbe ; Dieu a des appels discrets que la dissipation empêche de saisir; les événements, même les plus insignifiants, apportent des leçons dont l'écho, pour être nettement perçu, ne peut être recueilli qu'à  tête reposée. Sans calme, on a des légèretés de pensées, des absences de mémoire, des précipitations de jugement, des inégalités d'humeur, des saillies de caractère, des fuites de délicatesse, qui paralysent notre influence, en nous aliénant, plus ou moins, l'estime, la confiance, les sympathies d'autrui. La Dame, voulant faire de Bernadette un modèle de vie à la fois contemplative et active, en faisait une recueillie.

Le bienfait de la lumière dans la réflexion ! On se livre aux autres et, sous couleur de les sanctifier, on se néglige soi-même. L'examen de conscience, fait trop sommairement, ne révèle plus les points faibles qu'il faudrait fortifier, les exercices de piété tronqués, faute de temps, perdent peu à peu, faute d'attention, leurs saveurs primitives. La mortification, sous prétexte de santé à conserver pour faire face aux exigences du labeur quotidien, ne figure presque plus dans notre régime de vie. L'accoutumance conduit à la banalité. Nos œuvres extérieures nous donnent la réputation d'hommes éminents, de femmes remarquables : il est si facile d'être éminent, illustre, aux époques de décadence où les nivellements égalitaires abaissent toutes les toises, tandis que les engouements les relèvent ! Au lieu d'observations que personne n'ose plus nous faire, on reçoit des compliments que tout le monde, j'entends le monde des naïfs ou des intéressés, nous prodigue. Et nous contractons toute sorte de défauts qui font subir autant de déchets à l'oeuvre interne de notre sanctification. La Dame ne veut pas que Bernadette s'imagine être suffisamment sacrée par ses nouvelles fonctions et, pour la prémunir contre une illusion si ravageante, elle la contraint de réfléchir sur soi, par des communications particulières...

Le bienfait de la force dans l'amour ! Notre-Seigneur disait : « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire... Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits ». Il est indispensable d'être toujours uni au Christ pour ne sentir sa faiblesse ni dans les tentations que le Démon suggère, ni dans les luttes que les vertus imposent, ni dans les désappointements que les hommes ménagent. Être uni, surtout avec son Dieu, c'est être fort : l'union fait la force ; c'est aussi aimer : l'union vient de l'amour et l'entretient. Or, cette union génératrice de la force, conservatrice de l'amour, est d'une nécessité encore plus impérieuse, quand croissent les difficultés, compagnes inévitables de toute croissance d'action apostolique. Pour vaincre, il faut redoubler d'intensité et de tendresse dans l'union. Malheur à l'âme qui se relâcherait : elle perdrait sa chaleur de pénétration, sa force, son amour. La fin détruirait l'oeuvre, loin de la couronner... La Dame entend que Bernadette échappe à cette crise, et, pour l'obliger à mener une vie d'union plus amoureuse, elle lui fait de maternelles et toutes spéciales communications, l'ayant déjà  protégée contre toute fièvre par le recueillement, contre toute illusion par des jets de lumière, elle complète l'apostolique éducation de cette enfant, en la munissant d'une plus ample provision de force et d'amour pour la protéger contre tout découragement : rien ne pénètre profondément dans les intelligences, les cœurs et les volontés, comme le caractère personnel, intime, des communications. On se dit tout alors, et on comprend, et on aime, et on accepte tout...

 

Examen

 

Nous présentons-nous toujours propres à l'église ? La propreté est une vertu... Notre corps, temple du Saint-Esprit, doit avoir pour Dieu sa parure... L'Eglise pare magnifiquement le corps de ses ministres à l'autel.... Nous devrions être propres pour nous... pour les autres, mais surtout le dimanche, pour Dieu... Bernadette se présenta proprette le dimanche à la Grotte.... Je sais bien qu'à  certaines Messes, les mondaines apparaissent endimanchées.... Mais leur toilette, au lieu d'être inspirée par la piété, n'est-elle pas provoquée par une vanité sacrilège qui transforme la maison de Dieu en rendez- vous, en salle d'exposition, ou en vitrine de magasins de nouveautés ?... D'autres, au contraire, irréprochables en leur mise quand ils vont en visite, sont d'un négligé humiliant lorsqu'ils se rendent à l'église pour remplir le premier des devoirs...

Quel est notre recueillement ? Ne menons-nous pas une vie presque toute en façade, n'analysant à  peu près jamais nos impressions, ne nous livrant à aucun examen de conscience, à aucun inventaire spirituel, nous dispensant de donner audience aux pensées sérieuses pour ne pas être contraints de regarder en face notre âme et le Bon Dieu ? C'est faire de la piété automatique que de se contenter du culte extérieur : le Royaume de Dieu est au dedans de nous...

Quelle portée ont nos réflexions ? Réfléchissons-nous sur le passé pour le réparer... sur le présent pour le sanctifier... sur l'avenir pour le préparer... sur les droits de Dieu pour le servir... sur la perte des âmes pour les sauver... sur les causes de nos joies pour les épurer, de nos tristesses pour les diminuer, de nos défaillances pour les prévenir.... Peut-être ne réfléchissons-nous que sur les insuccès de notre amour-propre, sur nos mécomptes financiers pour les déplorer, ou sur l'élévation des autres pour les jalouser ?...

Quelles sont nos amours ? Aimons-nous véritablement Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces, par dessus toutes choses... Faisons-nous en sorte qu'il soit en nous et autour de nous le plus et le mieux aimé ?

Aimons-nous Jésus comme Dieu, comme Rédempteur, comme Docteur, comme Pasteur, comme Ami, comme Frère ? L'aimons-nous plus que ceux et celles qui nous entourent ?... Ayant plus reçu, nous devons plus aimer... Aimons-nous la Très Sainte Vierge comme le chef-d'oeuvre de Dieu, comme la Mère de Jésus, comme notre Médiatrice, notre Avocate et notre Mère ?... La Mère de Dieu est aussi ma mère... Aimons nous l'Eglise sans laquelle nous ne connaîtrions ni Dieu, ni Jésus, ni Marie, ni l'éternité ? L'aimons-nous pour sa beauté, pour ses bienfaits, pour ses souffrances?... Si jamais je t'oublie, sainte Eglise romaine, que ma droite se sèche et que ma langue s'attache à mon palais !... Aimons-nous les âmes, surtout celles de nos parents, de nos bienfaiteurs, de nos amis, vivants ou morts ? On reconnaît qu'on aime sans illusion à trois signes : la fidélité du souvenir, l'acceptation de la souffrance, le don de soi... Pour qui sont nos pensées, nos douleurs, nos donations ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, nous voulons être recueillis, réfléchis, aimants ; faites-nous vos communications. Mais apprenez-nous en même temps à les saisir sans ambiguïté, à  les observer sans inconstance Vous devez avoir, dans l'intimité, tant de choses à nous dire ; si grand est en nous, à défaut du désir, le besoin d'un tenir compte !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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18 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Dix-neuvième jour

Les Prêtres

 

En confiant à Bernadette la mission dont nous l'avons vue s'acquitter auprès de son curé, que faisait la Dame ? Elle reconnaissait d'abord le droit sacerdotal : « Allez dire aux prêtres ». Le prêtre est l'intermédiaire obligé entre Dieu et l'homme. Personne ne peut se passer de lui : trait d'union vivant, infrangible. Toutes les religions ont eu leurs prêtres ; les prêtres existeront toujours. Lorsqu'on se targuera d'avoir divorcé avec les représentants des sacerdoces authentiques, on s'en ira dans les Loges s'inféoder aux Vénérables. La parodie sera justicière de l'idée outragée. On ne voulait pas de la dignité réelle, on embrassera la mascarade.

« Allez dire aux prêtres », dit la Dame, pour mieux mettre en saillie le droit sacerdotal. Ce droit, elle l'avait reconnu quand, quarante jours après la naissance de Son Divin Fils, elle s'était rendue au Temple pour s'y purifier, comme si la blancheur, en son essence, pouvait devenir plus blanche encore. Ce droit, elle le reconnaît, à nouveau, en s' adressant à Bernadette : il est sacré, imprescriptible, inaliénable ; il ressort de la volonté positive de Dieu, et Jésus Lui-même, grand-prêtre éternel, fondateur du sacerdoce évangélique, l'a respecté ; il envoyait les lépreux aux prêtres, et il ordonna, à Paul, terrassé sur le chemin de Damas, de s'en référer, pour l'oeuvre de sa sanctification, à Ananie. Quiconque voudra se dispenser du prêtre supprimera le grand ressort, le moteur nécessaire, dans le fonctionnement de l'organisme religieux. On ne peut mettre en branle le Surnaturel dans le monde que par les prêtres. Tous les rêves, toutes les tentatives de séparations laïques, ne prévaudront jamais contre ce droit.

Or, tout droit implique un devoir, et nous trouvons, en la parole de la Dame, l'indication du devoir sacerdotal : « Allez dire aux prêtres qu'il doit se bâtir ici... » Bâtir est la mission du prêtre ; démolir, celle facile et grossière, de ses ennemis : le Bien a le génie de la construction ; le Mal, celui de la démolition. En bâtissant, le prêtre ressemble à Dieu qui a bâti toutes choses, et à Jésus qui a été, selon sa propre expression, le bâtisseur de son Eglise : « Tu es Pierre et sur cette pierre Je bâtirai Mon Eglise ». Or, à l'instar de Dieu qui a créé le monde des esprits et le monde des corps, le prêtre bâtit spirituellement et matériellement. Il édifie le temple spirituel avec le dogme, la morale, les sacrements : matériaux divins. Et il est, de la sorte, l'illuminateur, le purificateur, le sanctificateur, qu'on ne remplace point. En bâtissant les âmes, il bâtit, par concomitance, les familles et les peuples. L'Histoire nous l'apprend : de lui sont nés l'organisation française, l'esprit français, la langue française, le cœur français, la conscience française.

« Simon, fils d'Onias, est le grand-prêtre qui pendant sa vie répara la maison du Seigneur, et durant ses jours affermit le Temple. Par lui furent posées les fondations pour porter au double le mur élevé qui soutient l'enceinte du Temple » (Ecclésiastique 50, 1, 2). La construction matérielle continue à incomber au sacerdoce. Jéhovah avait résolu, depuis Salomon, d'habiter, parmi les enfants des hommes, en une maison sainte. Jésus, faisant déborder la mesure d'amour, a voulu assurer jusqu'à  la consommation des âges et multiplier, au gré des chrétiennes et des chrétiens, son eucharistique présence. C'est avec l'or des riches, les oboles des pauvres, les travaux des artistes et les sueurs des tâcherons, que le prêtre édifie le temple matériel dont il est le gardien. Et toujours, en quelque coin du monde, se répercutera, sûre d'être entendue, l'injonction de la Dame : « Allez dire aux prêtres qu'il doit se bâtir ici... »

Tous les emplacements, pour la construction du Surnaturel, ne sont pas propices. Heureux le prêtre à qui la Vierge, pour le récompenser de ses prières et le tirer de ses indécisions, fait dire : « ici ! » La localisation du devoir facilite, en le précisant, son accomplissement. Dans la parole de la Dame, se trouve la garantie de la liberté sacerdotale : « Allez dire aux prêtres qu'il doit se bâtir ici une chapelle ».

Comment sera bâtie cette chapelle, dans quelles proportions, quelle en sera l'organisation matérielle, comment devra y fonctionner le culte ? C'est l'affaire des prêtres : ils sont libres de construire, d'organiser, comme ils l'entendent. L'ordre émane de Dieu, l'exécution, en son ensemble et ses détails, est du ressort des prêtres. La Dame, respectueuse de leur autonomie, ne risque point d'emprisonner leur initiative personnelle, leur liberté d'action, leur ministère. Les dons de Dieu sont sans repentance ; les droits qu'il consent à nous départir ne sont jamais des leurres. Les hommes jaloux, étroits, sont forts pour les empiètements ; Dieu, immensément large, n'entrave aucune spontanéité, maintient, en leurs limites, toutes les tolérances. Seuls, les manoeuvres et les sots retirent en pratique ce qu'ils ont donné en théorie.... Quand donc la liberté mieux comprise permettra-t-elle à chacun de jouir, en toute tranquillité, de sa place au soleil ?.... Les églises appartiennent aux prêtres comme les prétoires aux juges, les tribunes politiques aux parlementaires, les casernes aux soldats : il faut les y laisser. Le caprice mène à la démence ; le despotisme à l'anarchie...

 

Examen

 

Respectons-nous les prêtres ? les nôtres surtout, car la Religion catholique étant la seule vraie ; nos prêtres sont les représentants du seul vrai sacerdoce.... Si les Protestants respectent leurs ministres, les Juifs leurs rabbins, les Musulmans leurs imams, et nous ne saurions trop les en louer, de quel respect ne devons-nous pas entourer nos prêtres !... Voyons-nous en eux les délégués, les mandataires de Jésus-Christ ? Ils remplissent ses fonctions, ils tiennent sa place, ils s'identifient avec sa personne auprès des âmes !... Les écoutons-nous ? leur obéissons-nous ? Les défendons-nous ?... Les persécutions dont on les accable à cause de Jésus nous les devraient rendre plus chers.... Comme les premiers chrétiens persécutés aimaient leurs prêtres !... Les aidons-nous à remplir leur devoir de bâtisseurs... L'impiété a volé leurs biens, mais ils ont gardé leur honneur.... Ce qu'a démoli la Politique haineuse, il faut que la Charité le reconstruise... Elle a démoli l'éducation par la neutralité laïque : à nous de la rebâtir par l'apostolat du Catéchisme.... Elle a démoli la Famille par le divorce, à nous de la rebâtir par l'apologie et indissolubilité... Elle a démoli la société par le bannissement de Dieu : à  nous de la rebâtir par le relèvement des chrétiennes et sociales vertus... Elle a appauvri les églises, en attendant, si elle le peut, de les fermer : à  nous de les doter de nos bonnes œuvres pour y conserver le culte et y tenir le plus grand nombre de cœurs ouverts à Dieu...

N'entravons-nous pas quelquefois, par nos mutineries, nos oppositions ou nos froideurs, la liberté sacerdotale ?... C'est aux prêtres qu'il appartient de mener les paroisses, et on rencontre des paroissiens et des paroissiennes qui, par leurs générosités, leurs ingérences ou leurs intrigues, voudraient mener les prêtres,... Laissons les prêtres libres : Dieu se charge d'asservir ceux qui abuseraient de leur liberté... Dans les églises, il y a, parmi les chapelles latérales ou circulaires, la chapelle de la Vierge : elle est même d'ordinaire le mieux ornée... Dans le temple de notre âme, notre dévotion à la Vierge, telle une chapelle mystique, est-elle l'objet de nos soins particuliers ?... « Je veux, nous dit la Vierge, qu'on bâtisse une chapelle ici » : dans votre cœur... Comment honorons-nous Marie ?... Ne laissons-nous passer inaperçue, sans décoration supplémentaire de notre âme, aucune de ses fêtes ?... Que sont, sous ce rapport, nos samedis ?... Comment sanctifions-nous jusqu'ici son Mois de Mai, déjà  à son déclin ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, si, enfant, vous vous montrâtes souverainement respectueuse, au temple, envers les prêtres de la vieille alliance, quel ne doit pas être votre respect pour les prêtres de votre Fils Jésus !... Comme il devait vous tarder, s'il est permis de vous attribuer la plus légitime impatience, de mettre Bernadette en relations avec les prêtres, seuls capables de continuer, après l'enfant, l'oeuvre de votre prédilection, à Lourdes!... Des prêtres, d'aucuns n'en voudraient plus.... Mais vous, vous en voulez, et vous les appelez.... On les maudit, bénissez-les ; on les dépouille, secourez-les ; on les attaque, défendez-les ; si on les expulse, ramenez-les. Les prétendus bâtisseurs de liberté ont donné leur mesure.... Il est temps que, pour sauver la France, vous inspiriez au peuple désabusé la résolution de s'éloigner des exploiteurs et de se rapprocher des prêtres en les chargeant, devant les ruines sociales, de rebâtir ici !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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17 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Dix-huitième jour

Le Curé de Lourdes

 

Vous avez dû vous demander quelle était l'attitude du clergé paroissial, en présence des Apparitions : il obéissait à son chef, M. l'abbé Peyramale, curé de Lourdes. Ce chef, d'une intelligence élevée, d'un grand cœur, d'une vertu rare, d'un sens pratique remarquable, tel, en un mot, qu'il le fallait pour ne rien compromettre et tout organiser, jouissait de la plus haute et de la plus légitime considération. Muet, devant ses paroissiens, au sujet des faits de Massabielle dont sa clairvoyance suivait, dans une ombre propice, le développement, il avait réuni un jour ses trois vicaires et leur avait recommandé de s'interdire toute allusion publique, toute descente à la Grotte...

Pendant que l'abbé Peyramale et ses vicaires se tenaient dans la plus stricte réserve, Bernardette, conformément à la promesse donnée, continuait ses visites de la quinzaine à la Dame du Rocher. Au matin du 27 février, jour de la Onzième Apparition, les contemplations et les joies de l'extatique se prolongèrent un peu plus que d'habitude. A la fin de l'entretien, la Dame, au rapport de la voyante, parut se recueillir et méditer. Elle sortit bientôt de ses réflexions et fit entendre ces mots à sa petite privilégiée : « Allez dire aux prêtres qu'il doit se bâtir ici une chapelle ».

Bernadette se releva de la vision toute soucieuse et toute absorbée. La mission qu'elle venait de recevoir n'était pas en elle-même ce qui la préoccupait le plus ; ce qui l'embarrassait et constituait pour elle une grosse affaire, c'était d'avoir à se présenter devant son austère curé. « Quoiqu'il soit bon, disait-elle, avec son sourire gracieux, j'en ai plus peur que d'un gendarme ». Toutefois, à son retour de la Grotte, après avoir fait une halte chez sa mère, Bernadette prit son courage à deux mains et se dirigea vers le presbytère. Au moment où elle se présenta à la maison curiale, l'abbé Peyramale récitait son bréviaire dans les allées de son jardin.... Quand l'enfant arriva près du Prêtre, celui-ci interrompit ses prières et demanda à la jeune visiteuse qui elle était et ce qu'elle voulait.

« Je suis Bernadette Soubirous », répondit timidement la petite voyante. « Ah ! C'est toi, reprit le curé, en fronçant le sourcil et en promenant son regard de la tête aux pieds de la timide enfant ; on raconte de toi de singulières histoires, ma pauvre fille. Suis-moi et entre ». Et, en même temps, le rigide pasteur, prenant les devants, se dirigea vers l'intérieur du presbytère... L'abbé Peyramale était un homme de haute stature, au regard imposant, à la figure sévère. Il parlait court et froid et, de prime abord, on ne se sentait pas attiré. Mais il y avait en lui deux hommes, l'un très rude, l'autre très bon, très simple, très digne. Le second faisait oublier le premier. Prêtre avant tout et toujours, il ne perdait jamais l'occasion de placer le mot qui édifie, le conseil qui éclaire. On l'écoutait avec respect, on subissait alors une irrésistible attraction et, en le quittant, on était son ami...

Quand ils furent arrivés au milieu du Salon de réception, l'abbé Peyramale se tourna vers sa jeune visiteuse et lui dit : « Eh bien§ voyons, que me veux-tu ? » Bernadette, debout, un peu rougissante, répondit : « La Dame de la Grotte m'a chargée de dire aux prêtres qu'elle d&sire avoir une chapelle à Massabielle, et c'est pour cela que je suis venue ». « Qu'est-ce que c'est que cette Dame dont tu parles ? » reprit le curé, en feignant de tout ignorer. « C'est une dame très belle qui m' apparaît sur le rocher de Massabielle ». « Oui, mais enfin, qui est cette Dame ? Est-elle de Lourdes ? la connais-tu ? » « Elle n'est pas de Lourdes, je ne la connais pas ». « Et tu acceptes d'une personne que tu ne connais pas des commissions comme celle que tu me fais ? » « Oh ! monsieur le curé, la Dame qui m'envoie ne ressemble pas aux autres dames ». « Que veux-tu dire ? » « Je veux dire qu'elle est belle comme on l'est, je pense, dans le ciel ».

Le curé fit semblant de hausser les épaules ; en réalité, il comprimait une émotion. « Et tu n'as jamais demandé son nom à cette Dame ? » « Si ; quand je le lui demande, elle incline la tête, sourit, mais elle ne répond pas ». « Elle est donc muette ? » « Non, puisqu'elle s'entretient tous les jours avec moi ; si elle était muette, elle n'aurait pas pu me dire de venir vous trouver ». « Raconte-moi, du moins, comment tu as fait sa rencontre ». Bernadette, de sa voix douce et persuasive, fit le récit de la première apparition. Quand elle eut fini : « Continue et dis-moi ce qui s'est passé aux jours suivants ». L'enfant entra dans le détail de tout ce qu'elle avait vu et entendu jusqu'alors à la Grotte. Pendant qu'elle parlait, le curé avait fait signe à Bernadette de s'asseoir et s'était assis lui-même. Il la regardait fixement et ne perdait pas une de ses paroles.... Quand la petite fille arriva à la fin de son récit, l'abbé Peyramale était plus qu'à  demi-gagné à la cause de la Grotte. Il dissimula néanmoins ses impressions et, faisant subir une dernière épreuve à la voyante, il continua de l'interroger sur le ton bourru des premières questions.

« Et tu prétends que la Dame qui t'a parlé t'a chargée de dire aux prêtres qu'elle désire avoir une chapelle à Massabielle ! » « Oui, monsieur le curé ». « Mais tu ne vois donc pas que cette Dame a voulu se moquer de toi et te livrer au ridicule ? Car enfin, si une dame de la ville t'avait chargée d'une pareille mission, est-ce que tu l'aurais écoutée ? » « Oh ! Monsieur le curé, il y a une grande différence entre les dames de la ville et celle que je vois ». « Elle est grande, en effet, la différence ! Comment ! une femme qui n'a pas de nom, qui vient on ne sait d'où, qui va se loger dans un rocher, les pieds nus, te paraît digne d'être prise au sérieux ? Ma fille, je ne crains qu'une chose, c'est que tu ne sois victime d'une illusion ».

Bernadette baissa la tête et ne répondit pas. Il y eut un moment de silence, pendant lequel le curé se leva de son siège et se mit à arpenter à grands pas son salon. Il revint se placer devant Bernadette et lui dit : « Tu répondras à la Dame qui t'a envoyée que le curé de Lourdes n'a pas l'habitude de traiter avec des gens qu'il ne connaît pas ; qu'avant toutes choses, il exige qu'elle fasse connaître son nom, et, de plus, qu'elle prouve que ce nom lui appartient. Si cette Dame a droit à une chapelle, elle comprendra le sens que j'attache à mes paroles ; si elle ne le comprend pas, tu lui diras qu'elle peut se dispenser d'envoyer de nouveaux messages à la cure ». Sans donner aucun signe d'approbation ou de désapprobation, Bernadette leva son regard serein sur le curé, fit sa petite révérence de paysanne et sortit. Le bon pasteur la suivit du regard jusqu'au fond de la cour. Quand elle eut disparu, il ne put s'empêcher de se dire à lui-même : « Cette enfant, à coup sûr, est une enfant de la Providence ».

 

Examen

 

Quelles sont nos relations avec notre curé ?.... Le connaissons-nous ?... Savons-nous où est son presbytère, même si, depuis la loi de Séparation, il a dû chercher un logement ailleurs ?... Bernadette enfant connaissait son curé et ne se trompa point de porte quand il s'agit pour elle d'aller chez lui.... Car il faut, un jour ou l'autre, aller chez lui : il est l'homme nécessaire : dans la vie, on a, à un moment donné, besoin de ses conseils... et, à l'heure de la mort, on est bien obligé, à moins de mourir comme une brute, de recourir à ses services.... Les deuils, l'éternité, contraignent à venir à lui ceux qui, dans le temps et la joie, espéraient s'en passer... Le curé, chargé de la sollicitude des âmes, était regardé jadis comme membre d'honneur, comme père spirituel, de toutes les familles... On le considérait dernièrement comme un fonctionnaire en soutane.... De récents événements nous ont appris qu'il est quelque chose de plus.... A nous de comprendre et, s'il y a lieu, de nous amender.... La vie paroissiale est l'extension obligatoire de la vie domestique...

Remarquez-vous la réserve, pleine de sagesse et d'intelligence, du clergé dans ces débuts de l'histoire de Lourdes ?... Il n'est pour rien dans les Apparitions et il requiert de nombreuses et très probantes preuves pour se déterminer à intervenir.... Les laïques vont souvent beaucoup plus vite que les prêtres.... Le zèle intempestif, la crédulité parfois naïve des premiers compromettraient la Religion ; la sage lenteur, le scepticisme initial des seconds, en cas de nouveauté religieuse, la sauvent.... Est-elle instructive et charmante la peur de Bernadette à l'endroit de son curé ?... Les enfants sont facilement intimidés par les grandes personnes, quand celles-ci sont élevées en dignité et ont des airs plutôt bourrus qu'affables.... L'esprit de foi, la pureté inspirent aux âmes, pour le prêtre, homme de Dieu, toujours auréolé, à leurs regards, du mystère des autels et des reflets de l'Au-delà, une crainte qui, dans le premier âge, devient de la frayeur.... Qui, enfant, n'a eu un peu peur de son curé, surtout si notre mère s'avisait de lui dire que nous n'avions pas été très sages?... Ajoutez qu'ici il s'agissait d'une ambassade émanant de la Vierge, que l'objet de l'ambassade était une tâche nouvelle et grosse de conséquences, imposée au curé.... et vous comprendrez que Bernadette en ait été d'autant impressionnée...

Les curés font principalement peur à deux catégories de gens :  ceux qui les détestent et voudraient, pour le Mal, supplanter leur influence.... à ceux qui ne les ont jamais vus de près.... La preuve en est que la plupart des ennemis du cléricalisme ne trouvent jamais rien de mieux à dire aux membres du clergé qu'ils rencontrent par hasard en société : « Ah ! Si tous les prêtres étaient comme vous, on irait à l'église par plaisir ! »... Compliment pitoyable : il faut aller au prêtre et à l'église par devoir. Ne sommes-nous pas trop impressionnables, susceptibles, formalistes, oubliant que les caractères à  écorce rude cachent parfois les sèves les plus fécondes de franchise et de bonté ?... Pourquoi juger les gens sur la mine ? Tel sourit habituellement en pleine rue qui se reprend à bouder, à maugréer, sitôt rentré dans sa maison... La sévérité du visage peut n'être qu'un écran dont l'esprit se sert contre le cœur pour empêcher les étincelles de la nature de nuire à la vertu.... Combien de fois aussi les brusqueries, les froideurs du dehors n'ont pas d'autre cause que les timidités excessives du dedans : on passe pour emporté, pour fier, et l'on n'est que pusillanime !... Les personnages publics provoquent ainsi des jugements injustes que corrige, quand l'occasion se présente, l'intimité des rapports.... Etre bon n'est pas le paraître : mieux vaut le bijou que l'écrin...

A l'arrivée de Bernadette, le curé interrompit ses prières.... Il quittait Dieu pour Dieu : « Celui qui reçoit un petit enfant en Mon Nom Me reçoit », a dit Jésus... Recevoir la voyante, c'était, au surplus, recevoir la Vierge qui la mandait.... Ne faisons-nous pas faire trop longtemps antichambre aux petites gens qui viennent nous visiter, et nos exercices de piété n'occasionnent-ils pas, parce que nous ne savons intelligemment les interrompre, maints mécontentements chez ceux et celles qui ont à subir notre sans-gêne ?... Ceux qui viennent nous visiter nous trouvent-ils de temps à autre en prière ?... Trouver un prêtre en prière : quelle édification, quelle poésie, quelle bénédiction anticipée sur la démarche qu'on va faire, quelle vision de Ciel quand le prêtre est un Saint !...

 

Prière

 

O Notre Dame, une des plus grandes grâces que Dieu puisse accorder à une paroisse, à une famille, à  une âme, c'est de lui ménager le contact d'un prêtre vraiment digne de ce nom.,.. L'impiété n'a que trop réussi à éloigner, en France, les curés du peuple.... Rétablissez, ô Vierge, les courants religieux interrompus, et multipliez les vocations sacerdotales pour multiplier dans les paroisses les ouvriers surnaturels qui y font seuls beaucoup de bien!...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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16 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Dix-septième jour

Le baiser pour les pécheurs

 

Le vendredi 26 février, en la dixième Apparition, Bernadette, dès son arrivée à la Grotte, avait franchi la place où elle s'arrêtait d'habitude, et était allée s'agenouiller sur le haut de la pente, au point où, la veille, elle avait gratté la terre. Elle n'avait manifesté aucune surprise de voir couler la nouvelle fontaine, et, s'étant signée, elle y avait bu et s'y était lavée. Après avoir essuyé son visage du coin de son tablier, elle était revenue en arrière s'installer à genoux sur la pierre qui lui servait de prie-Dieu. Entrée immédiatement en communication avec Celle qui faisait tressaillir son âme, elle s'abandonnait avec effusion et tendresse à la récitation de son chapelet, lorsque la voix amie, mais cette fois attristée, qui sortait pour elle du rocher, lui avait fait entendre ces paroles : « Vous baiserez la terre pour les pécheurs ». Tout est harmonique dans l'oeuvre de la Dame, tout converge au même but : la gloire de Dieu par la purification des pécheurs. Les deux grands moyens, déjà  indiqués, pour atteindre ce but, sont la Prière et la Pénitence. La Vierge, plus précise, entre dans le détail, signale un moyen spécial : « Vous baiserez la terre pour les pécheurs ».

Moyen imposé par la justice ! La peine du talion, en vigueur dans la loi mosaïque, obligeait à  rendre œil pour œil, dent pour dent. Elle a été supprimée par l'Evangile : il est interdit aux hommes de l'infliger. A défaut des hommes souvent ignorants, paresseux ou excessifs, les événements l'appliquent ; tôt ou tard, on est puni par où on a péché. Il y a des baisers d'hypocrisie comme celui de Judas, ou de volupté comme ceux qu'inspire la passion sensuelle : il faut qu'il y ait des baisers d'expiation, en haine du péché. Il y a des lèvres menteuses, impudiques, qui répandent le mal en répandant le souffle : il faut des lèvres véridiques, virginales, qui purifient l'ambiance par des senteurs de vérité, de chasteté. Jésus reprochait à son hôte Simon de ne lui avoir point donné de baiser, tandis que Madeleine en couvrait les pieds divins. Ce reproche, le Sauveur l'adresse à une grande partie de l'Humanité dénuée, à son endroit, de toute attention de cœur : « Tu ne m'as pas donné de baiser » (Luc 7, 45). Et la Dame, qui sait le désir, le besoin, le droit, qu'a son Fils de recevoir des baisers four la justice, nous trace notre conduite : « Vous baiserez la terre pour les pécheurs ».

Moyen rehaussé par l'humilité ! « Vous baiserez la terre ! » Est-ce là, dira l'orgueil, un geste digne d'une créature humaine ? Ne faut-il pas laisser ce soin à l'animal ? La Religion prescrivant ou conseillant de telles pratiques : quelle trivialité, quelle stupidité !... Convenons-en : c'est trivial, stupide, en apparence, mais en réalité, c'est profondément noble, intelligent, beau. Dans la grotte de Gethsémani qui aurait servi, suivant une légende, de retraite à Adam et Eve après la Chute, Jésus, le nouvel Adam, baisa la terre, mordit la poussière : il s'étendit sur le sol, pour exhaler sa tristesse mortelle et prier. Pourquoi, en sa grotte de Lourdes, l'Eve nouvelle ne nous inviterait-elle pas à baiser la terre pour vaincre le péché ?... En baisant la terre, on reconnaît son origine : il y en a tant qui désavouent leur extraction, qui, parvenus au faîte de leurs visées ambitieuses, se prennent pour des dieux auxquels rien ne manque que l'immortalité... Le contact de nos lèvres avec la terre nous fait descendre de ces hauteurs factices où l'imbécillité humaine se plaît à  élire domicile : on se rappelle qu'on est homme, c'est-à-dire un peu de terre animée par un souffle, et cette sensation d'argile fait davantage apprécier le souffle... On reconnaît aussi sa destinée : on se souvient que, poussière à l'origine, on doit, dans son corps, retourner en poussière. Et pour se spiritualiser davantage, on se traite comme un mort vivant, on procède soi-même aux préliminaires de ses funérailles, à un commencement d'inhumation... Et Dieu, nous voyant nous rapetisser, nous courber, par bon sens, nous grandit par sa grâce, se plaisant à nous faire sentir qu'en nous le fils de la gloire, par nature, est en même temps, par adoption, fils de la gloire éternelle, en Paradis Quiconque s'abaisse sera exalté.

Moyen consacré par l'amour ! Il est des baisers qui, ne rencontrant aucune répugnance, ne coûtent aucun effort et procurent même un plaisir délicat : ils se dégagent spontanément, sans secousse, des lèvres, comme le parfum, des fleurs. Tels ceux qu'échangent, sous le regard encourageant de Dieu, les parents et les enfants, les frères et les sœurs, les épouses et les époux chrétiens. Ne parlons point de ceux que recherche et multiplie, dans l'ombre, la coupable passion : ceux-là  ne coûtent rien à la nature, mais ils coûtent effroyablement cher à la conscience : ils entraînent la perte des vertus... Mais baiser la terre pour les pécheurs, qu'on ne connaît point ou qu'on peut ne point connaître, et qui sont, au surplus, tout ce qu'il y a au monde de plus dégoûtant, car il n'est rien de plus dégoûtant que le péché : voilà qui ne peut être imaginé, pratiqué, consacré, que par l'amour !... On a admiré des Saints baisant, pour en mieux faire la spirituelle conquête, les ulcères des malades les plus rebutants. Il est peut-être plus méritoire et plus admirable de se jeter à terre et d'imprégner de boue ses lèvres, sans être vu de personne autre que de Dieu.... Ami des pécheurs, Jésus agonisant au jardin des Oliviers n'a point reculé, pour eux, devant ce geste : son amour vainquit son effroi, sa tristesse, son dégoût. A nous d'imiter ce modèle : ces sortes de baisers doivent faire partie des manifestations de nos amours. « Vous baiserez la terre pour les pécheurs ».

 

Examen

 

Quel usage faisons-nous de nos lèvres ?... Pensons-nous à leur grande fonction d'interprètes sonores de notre esprit et de notre cœur ?... Les ouvrons-nous pour la prière... pour la sainte Communion... pour la vérité... pour la Charité... Restent-elles fermées aux blasphèmes... aux récriminations et aux mensonges,... aux calomnies.... aux médisances... aux conversations inconvenantes ?... Se ressentent-elles du sel de la sagesse qu'elles reçurent au baptême ?... Se disposent-elles par leur pureté à l'onction suprême qu'elles recevront à l'approche de la mort ? Avec elles, nous exprimons nos pensées par la parole, nos amours par le baiser.... Dieu nous baisa en créant notre âme : mon âme, émission d'un divin souffle, est un baiser de Dieu.... à notre tour, nous devons baiser Dieu, en rendant l'âme : une mort sainte, dernière émission du souffle humain en ce monde, est un baiser de l'âme à Dieu : in osculo Domini...

Le Prêtre baise l'autel.... Il baise aussi le Saint Evangile.... Les ministres sacrés dans les cérémonies baisent la main du célébrant.... On donne, à la grand'messe, le baiser de paix.... Bernadette baisa souvent la terre à la Grotte.... Les spectateurs l'imitèrent.... Bien avant elle, Sainte Jeanne d'Arc disait : « Quand Saint Michel et les anges se séparent de moi, je baise aussi la terre où ils se sont tenus, et je m'incline devant eux ».... Saint Bernard a défini le Saint-Esprit « l'éternel baiser que le Père et le Fils se donnent l'un à l'autre »... Que sont, que valent nos baisers?... Brutus baisa la terre par reconnaissance filiale : pourquoi ne la baiserions-nous pas pour expier les péchés, innombrables et de toute nature, que les lèvres font commettre, depuis la sensualité du paradis terrestre, à l'Humanité dégénérée ?... D'autant que, sur ce point, nous avons pu être, dans une ombre recherchée, fils d'Adam, filles d'Eve...

 

Prière

 

O Notre-Dame, vos lèvres, dont la grâce fut la gardienne et l'inspiratrice, ne servirent qu'aux effusions les plus saintes et ne connurent, sur le front de Jésus enfant, que les plus chastes et les plus délicats baisers.... Les nôtres n'ont pas été consacrées par un semblable usage : plus d'une fois, le péché les a marquées de sa hideuse empreinte. Pour vous être agréable et réparer nos fautes, nous baiserons la terre pour les pécheurs.... C'est ce que fit Bernadette, c'est ce qu'on fait à Lourdes...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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15 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Seizième jour

La contrition et la satisfaction

 

Bernadette but et Se lava : ce que nous faisons pour la Contrition. La contrition est le broiement de l'âme sous les coups de la douleur et des regrets d'avoir offensé Dieu si bon en sa nature, si aimable en ses perfections, si magnifique en ses bienfaits, si redoutable en ses justices, si digne, à  tous égards, d'être servi, aimé. Or l'âme, ainsi broyée par la douleur et le regret, épand, tel le fruit de la vigne sous le pressoir, un vin exquis appelé par le Psalmiste « vin de componction ». Ce que voyant. Dieu agrée son repentir, commande au prêtre de lever la main pour absoudre la pécheresse, et l'âme contrite boit le pardon avec l'absolution, et, ô merveilleuse instantanéité de l'effet sacramentel ! Elle est aussitôt lavée, purifiée : « Allez boire et vous laver à la fontaine ». Et elle y alla, elle but et se lava. La fontaine du sacrement guérit les âmes ; celle de Massabielle dont les premiers filets coulèrent sous le doigt tremblant de Bernadette ne guérit que les corps.

Bernadette mangea de l'herbe : ce que nous faisons par la Satisfaction. On s'est examiné, on s'est confessé, on s'est repenti, on a été absous, on satisfait : soit que, nos dispositions n'ayant pas été de tout point parfaites, la peine temporelle, due à nos péchés remis, demeure comme un reliquat de justice à solder ; soit que, épris d'un amour de générosité pour Dieu envers nous si indulgent, ou enflammés de haine pour le péché, cause de nos désastres, nous nous décidions à mener désormais une vie pénitente pour réparer encore davantage le passé, mieux sanctifier le présent et assurer l'avenir.

Or, cette satisfaction s'accomplit par la pénitence sacramentelle qui fait partie intégrante du sacrement reçu, et à laquelle nous devons apporter, par conséquent, toute notre ferveur avec tout notre empressement. Elle se complète, par d'autres prières, des mortifications intérieures, des abstinences, des jeûnes et des aumônes. Herbe amère que, malgré les répugnances de la nature sensuelle, il nous faut manger, si nous voulons diminuer notre purgatoire, après la mort, et prévenir, de notre vivant, les aggravantes rechutes. En ces amertumes gît principalement ce que j'appellerai l'hygiène de la sainteté... De nos jours, on refuse d'être le végétarien intelligent de la vertu, on trouve préférable de s'animaliser physiquement, intellectuellement, moralement. Et la satisfaction, complément nécessaire de la Pénitence en sa trilogie essentielle, est en train de devenir un vieux mot frappé de désuétude en attendant d'être rayé du dictionnaire, comme de l'usage des modernes chrétiens. Erreur ! Erreur ! Dût le vieux mot disparaître, Vidée qui en est l'âme demeurera, et, plus forte que le fait accompli qui aura essayé de la détruire, elle exercera de terribles représailles contre les grands enfants qui l'auront insultée : les folies passent, les idées saines restent...

Revenons à Bernadette. Tous les spectateurs suivaient les phases de cette scène étrange avec un sentiment pénible et une espèce de stupeur. Quand l'enfant se releva pour retourner à sa place, elle avait encore le visage barbouillé d'eau boueuse. A cette vue un cri de déception et de pitié sortit de toutes les bouches : « Bernadette n'est plus ! La pauvre enfant devient folle ». Bernadette revint à sa place sans paraître s'émouvoir, ni même se rendre compte de l'exclamation qui retentissait à ses oreilles. Après qu'on lui eut essuyé la figure, plus heureuse que jamais, le sourire des anges sur les lèvres, elle se remit à contempler la céleste vision. L'heure de l'admiration était passée ; le prestige était évanoui et l'on ne regardait plus la pauvre petite voyante que pour s'attendrir et la plaindre. Les augures de la libre pensée à Lourdes avaient déjà prophétisé que la démence serait le terme de l'état de la jeune visionnaire. On crut le moment venu où la prophétie allait s'accomplir. Pendant que la foule se détachait de la Grotte, Bernadette continua, tranquille et recueillie, à se délecter dans les douceurs de la prière, sous le regard de Celle qu'elle aimait. Enfin, vers sept heures, heure à laquelle la vision disparaissait, elle fit son magnifique signe de croix et reprit le chemin de la ville. La plupart des assistants, ce jour-là, se retirèrent de Massabielle les yeux baissés et le cœur rempli d'une poignante tristesse.

Voilà  le monde ! Il éclate en transports d'admiration devant tout ce qui brille, quelque artificielles et trompeuses que puissent être les lueurs. Mais il hausse les épaules, sourit de pitié, s'ombrage de mépris, se plisse de colère, crie à la démence, sitôt qu'il assiste aux prétendus abaissements de la nature, aux détériorations apparentes du sacrifice. Pour lui, on est sage, grand, et même propre, lorsqu'on est barbouillé, couvert de boue par le vice, pourvu que le vice ait encore un vernis d'élégance. Mais on n'y est plus, on est fou, quand on se défigure, si peu soit-il, extérieurement, pour se transfigurer intérieurement : « Bernadette n'y est plus ! La pauvre enfant devient folle ! »

Et cette mentalité toute mondaine pénètre, au point de l'impressionner et de la modifier, dans la mentalité de certains milieux chrétiens. C'est incroyable, comme les singularités de la sainteté sont vite assimilées à des excentricités pathologiques, ou, du moins, à des déchéances sociales ! Les vrais pénitents n'ont cure de ces suffrages du monde dont la langue est aussi épaisse sous l'action des fièvres que sa main est grossière sous la poussée des convoitises, et, le cas échéant, ils ont des réponses spirituelles pour réduire au silence ceux-mêmes qui, par diplomatie professionnelle, feignent de les critiquer.

Telle Bernadette, le jour où les membres de la commission nommée par l'évêque se transportèrent à la Grotte pour instrumenter. Le président lui ayant dit : « Vous venez de nous raconter qu'au moment de la découverte de la source vous aviez mangé un brin d'herbe. Pourquoi ? » « Je ne sais, répondit-elle, la Dame m'y a poussé et me l'a fait comprendre ». « Mais, mon enfant, il n'y a que les animaux qui mangent de l'herbe crue ! » « Oh ! Pour cela, monsieur l'abbé, vous vous trompez : nous mangeons bien, nous, des salades crues. Il est vrai, continua-t-elle en souriant, que nous y ajoutons un peu d'huile et de vinaigre ».

 

Examen

 

Nous excitons-nous, et comment, à la contrition de nos péchés ?... Les Saints s'y excitaient en faisant mentalement quatre stations très fortifiantes au point de vue de l'idée et du sentiment : une au cimetière... une autre en enfer... la troisième au Ciel... la quatrième au Calvaire.... Les Morts, les Damnés, les Elus, le divin Crucifié les éclairaient sur le péché et la haine que nous lui devons vouer.... Nous pourrions faire aussi une station au Purgatoire, au pied de l'Autel eucharistique, devant une image de Notre Dame des sept douleurs... Quelles stations faisons-nous ? Peut-être seulement celle qui nous oblige à attendre, impatiemment et plus ou moins longtemps, notre tour au confessionnal.... Et cependant telle est l'importance de la Contrition que, sans elle, la Confession même entière est nulle.... Que de confessions nulles, par défaut de contrition, nous avons peut-être faites en notre Vie !... Cela ne nous expliquerait-il pas leur peu de fruit ?... Songeons à la nullité hypothétique de ces confessions, traitons désormais plus sérieusement les choses les plus sérieuses... et prenons l'habitude d'englober, dans la teneur de nos aveux et dans notre acte de contrition, les fautes graves de notre vie passée dont nous nous sommes repentis.... Aimons aussi à répéter, à part nous et avec attention, la formule de l'acte de contrition avec laquelle il importe tant de ne se point familiariser.... « Bernadette but et se lava... ».

Quand et comment faisons-nous la pénitence que nous impose le confesseur ?... La faisons-nous ?... Sans elle le sacrement n'est pas complet.... Plus sévères que le confesseur, nous infligeons-nous à nous-mêmes des pénitences plus onéreuses ?... La mortification entre-t-elle, comme un peint capital et pratiquement observé, dans notre régime de vie, dans la réglementation de nos journées.... Un jour sans pénitence risque fort d'être un jour sans vertu.... Nous portons la croix d'or ou d'argent autour de notre cou... Aimons-nous surtout à nous étendre sur la croix de bois, à en sentir les cordes, les clous, les captivités, les humiliations, les tourments ?... C'est la croix de bois qui a sauvé le monde.... Bernadette mangea l'herbe et fit litière des sarcasmes et du revirement de l'opinion... Gardons-nous l'abstinence des vendredis, des jeûnes, des Quatre-Temps et du Carême ?... On invoque parfois une mauvaise santé, voire l'anémie, pour ne point faire maigre ni jeûner.... Et il arrive que des personnes soi-disant maladives, anémiques, ont, heureusement pour les médecins qui auraient trop d'ouvrage, et pour la société qui ne compterait bientôt plus que des générations rachitiques, assez de forces pour aller en soirée et danser, de temps en temps, jusqu'à quatre heures du matin...

 

Prière

 

O Notre Dame, le péché est le seul mal qui soit au monde et dont nous devions prévenir l'invasion.... Sans lui les berceaux n'auraient jamais été avoisinés par les tombes : par privilège, nous aurions été immortels.... Sans lui l'enfer n'aurait jamais ouvert ses portes, le Ciel n'aurait jamais fermé les siennes, et Jésus, le Dieu fait homme, n'aurait jamais souffert. Vous, non plus, vous n'auriez point connu le dénuement de la Crèche, les douleurs du Calvaire... Hélas ! Ce péché, mal de Dieu, mal de l'homme, a pour notre nature déchue tant d'attirances que nous le commettons. Obtenez-nous de ne le plus commettre. Dessillez nos yeux, broyez nos âmes, fortifiez nos volontés, et que, contrits et humiliés, nous vivions en pénitents pour mourir en prédestinés !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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14 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Quinzième jour

La Confession ou La Fontaine

 

Jusqu'ici, la Dame avait montré à Bernadette seulement sa beauté et sa bonté comme Visiteuse, sa sainteté comme Orante, son habileté comme Educatrice. Le matin du jeudi 25 février, pendant la Neuvième Apparition, Elle manifesta à tous sa puissance comme Thaumaturge. Relatons les faits :

Après quelques minutes de méditation, Bernadette se leva pour s'avancer vers la Grotte. Elle écarta en passant les branches de l'églantier et alla baiser la terre sous la roche, au delà  du buisson. Bile redescendit ensuite la pente, et, s'étant recueillie, elle retomba dans l'extase. Au bout de deux ou trois dizaines de chapelet, la voyante se leva de nouveau, se montra embarrassée ; tout hésitante, elle se tourna vers le Gave et fit deux ou trois pas en avant. Tout à coup, elle s'arrêta brusquement, regarda en arrière, comme quelqu'un qui s'entend appeler et écouta des paroles qui semblaient lui venir du côté du rocher. Elle fit un signe affirmatif, se remit en marche, non plus vers le Gave, mais vers la Grotte, à l'angle gauche des excavations. Aux trois quarts de la montée, elle fit halte et promena autour d'elle un regard troublé. Elle leva la tête comme pour interroger la Dame, puis, résolument, elle se courba et se mit à gratter la terre. La petite cavité qu'elle venait défaire se remplit d'eau ; après avoir attendu un moment, elle but et s'y lava la figure ; elle prit aussi un brin d'herbe qui poussait sur le sol et le porta à sa bouche...

Les quelques personnes qui, après l'extase, se trouvèrent à côté de Bernadette, l'amenèrent à s'expliquer sur la scène insolite qui venait de se produire à Massabielle. S'adressant à la jeune fille, elles lui dirent : « Mais, Bernadette, tu t'es montrée ce matin bien distraite à la Grotte. Pourquoi ces allées et venues ? Pourquoi gratter la terre ? Pourquoi boire de l'eau qui devait te répugner ? » « Voici, répondit l'enfant d'une manière toute simple et toute naturelle, pendant que j'étais en prières, la Dame m'a dit d'une voix amicale, mais en même temps sérieuse : « Allez boire et vous laver à la fontaine ». Comme je ne savais pas où était cette fontaine et que je croyais que cela n'y faisait rien, je me suis dirigée vers le Gave. La Dame m'a rappelée et m'a fait signe du doigt de me rendre sous la Grotte à gauche, j'ai obéi, mais je ne voyais pas d'eau. Ne sachant où en prendre, j'ai gratté la terre et il en est arrivé. Je l'ai laissée s'éclaircir un peu, puis j'ai bu et je me suis lavée ».

« Tu as aussi mangé de l'herbe, pourquoi cela ? » « Je ne sais, la Dame me l'a fait comprendre ». La Vierge, ayant préalablement demandé à Bernadette de prêcher la Pénitence, devait lui en indiquer le moyen pratique entre tous : se laver, laver son âme à la mystique fontaine du Sacrement de Pénitence. Or, toute l'économie de ce sacrement, pour ce qui nous concerne, se trouve en ce qu'a fait l'apôtre de la Grotte corroborant, par l'exemple, sa précédente prédication. Elle gratta la terre après s'être déplacée : ce que nous faisons par la Confession.

Pour se confesser, il faut se déplacer : on quitte ses idées, ses occupations, ses relations habituelles, et on vient à l'église, dans la direction des confessionnaux. Instinctivement, telle Bernadette allant, ignorante, vers le Gave, nous voudrions aller du côté opposé. Croyant que cela n'y fait rien, nous irions trouver les mondains tumultueux, emportés comme certaines eaux de rivière ; nous irions vers quelque cœur compatissant, ami ; ou même, à l'instar de nos frères égarés les Protestants, nous nous adresserions directement à Dieu. Mais cela y fait quelque chose, cela y fait tout : Dieu n'a établi, pour la purification des âmes, qu'une fontaine : celle du sacrement de pénitence, et il n'y a que le prêtre, son fondé de pouvoir, qui en puisse faire jaillir les flots. C'est donc à l'église, chez le prêtre, et non ailleurs, pas même à Dieu, eût-on la prétention de se passer d'intermédiaire sacerdotal, que tous doivent aller boire et se laver. « Allez boire et vous laver à la fontaine ».

Là, en présence du prêtre, on gratte son âme.Gratter la terre paraît, de prime abord, un geste d'une banalité humiliante ; l'emploi même de ce verbe, qui est pourtant le mot propre, chatouille peu agréablement les oreilles des dilettantes du langage. Et cependant, c'est en grattant la terre, au moment du labour, que le soc des charrues prépare les semailles, espoir des moissons. Gratter la terre, c'est donc le geste initial du paysan, premier bienfaiteur de tout pays ! Et cependant encore, c'est en grattant la terre que le fossoyeur permet aux corps humains de descendre dans les fosses pour y attendre, sous la garde de la croix, la résurrection des chairs flétries et des os desséchés. Gratter la terre c'est donc aussi le geste initial de la Mort ! Double geste sacré !...

Or, gratter la terre, c'est découvrir ce qui était caché. Cette découverte en l'âme se fait par l'examen de conscience. Absorbés par le dehors, nous ne connaissons presque pas en nous le dedans. Vienne la confession : on pénètre dans les plis et replis de sa conscience, on recherche les faits, on en étudie les causes : on découvre par cette inquisition intérieure ce qui échappait au contrôle extérieur des yeux : on a gratté son âme. Gratter la terre, c'est encore la débarrasser de ce qui la recouvrait : ce qui se fait en l'âme par la confession proprement dite, par l'aveu. L'examen découvre le mal ; l'aveu l'expulse, nous en délivre. En vain, se connaîtrait-on, si, après avoir creusé du regard l'abîme de ses misères, on ne les chasse point à coups d'aveux, les misères y subsistent toujours. L'examen fait comprendre le besoin qu'on a d'être lavé ; l'aveu rejette la souillure, prépare la purification....

Se déplacer, découvrir son âme, la dégager de tout ce qui est terrestre, limoneux : tel est le triple effort préparatoire à la réception du sacrement de pénitence ! Partout ailleurs, ce triple effort de nos pieds, de nos yeux, de nos mains, serait en pure perte. « Ne sachant où prendre de l'eau, j'ai gratté la terre, racontait l'enfant, et il en est arrivé ». Quand on gratte son âme, il arrive d'abord l'eau du repentir : on est humilié d'avoir été si sot, si ingrat, si paresseux, si criminel ; on est ému jusqu'aux larmes de constater que, par contre. Dieu a été si clément, et l'eau de nos componctions fait sourdre et éclater en cascades sublimes l'eau des miséricordes du Seigneur.

 

Examen

 

Nous avons un notaire, un médecin, un pharmacien.... Avons-nous un confesseur ?... Nous déplaçons-nous sans retard pour aller le voir, sitôt que nous avons eu le malheur de pêcher.... Ne restons-nous pas des mois, je n'ose dire des années, sans nous confesser, malgré l'urgent besoin que nous en aurions ?... Le péché, pendant ce temps, pourrit dans l'âme... Quelle putréfaction !... Nous confessons-nous la veille des fêtes de la Sainte Vierge pour être spirituellement plus reluisants de propreté à ses yeux réjouis ?... Bernadette, docile aux indications de la Dame, se dirigea vers la Grotte, à l'angle gauche des excavations...

Arrivés près du confessionnal, nous mettons-nous en présence de Dieu, puis en présence de notre âme pour nous examiner ?... Combien de temps consacrons-nous à l'examen de conscience ?... sur quoi le faisons-nous porter ? Nous étudions-nous à fond pour connaître le mal dans sa racine et non pas seulement dans ses manifestations externes.... Après avoir dit : « Qu'ai-je fait, qu'aurais-je dû faire ? » ajoutons-nous : « pourquoi l'ai-je fait ? Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? »... L'examen de conscience est lamentablement négligé... On rencontre des pénitentes qui se préparent à entrer au confessionnal, en babillant avec leurs voisines, en regardant à droite, à gauche, pour contrôler tout ce qui se passe, en consultant la pendule ou leur montre pour savoir le temps que dure la confession des autres, en demandant le nom de celle-ci, en observant la toilette ou la physionomie de celle-là... Quelle préparation !... Bernadette, sans s'occuper de l'assistance, gratta, sous la Grotte, tranquillement la terre...

Nous voici au confessionnal ! Voyons-nous Jésus-Christ dans le prêtre ? Quelle foi, quelle humilité nous animent ? quelle loyauté nous inspire ! Nous confessons-nous avec méthode : suivant l'ordre des commandements de Dieu et de l'église, évoquant les péchés capitaux et nos devoirs d'état pour ne rien oublier ?... Nous confessons nous avec intelligence, indiquant, après les avoir recherchées, les causes et les circonstances aggravantes de nos chutes ?... Nous confessons-nous avec franchise, ne cachant aucun péché, éclaircissant tout doute, ne recourant à aucun palliatif, à aucune excuse ?... Nous confessons-nous avec netteté, exposant les situations telles qu'elles sont et ne parlant pas à  voix basse, n'entrecoupant pas nos moitiés d'aveux par une toux diplomatique... de façon à ne pas être compris ou même entendus de notre confesseur ?... Nous confessons-nous avec prudence, ne disant que ce qu'il faut, que tout ce qu'il faut, sans exciter notre imagination par le rappel de souvenirs inutiles, dangereux, troublants?... « J'ai gratté la terre, disait Bernadette, et l'eau est arrivée »... Quand on approfondit l'étude de son âme et du sacrement de pénitence, la lumière se fait et tous les aveux, quelque longs et pénibles qu'ils soient, arrivent au bout des lèvres.

 

Prière

 

O Notre-Dame, soyez remerciée d'avoir fait de Bernadette le modèle de l'âme qui va à confesse, examine sa conscience et accuse ses fautes : elle se déplaça et gratta la terre.... Nous nous déplaçons assez souvent pour aller nous confesser, nous les habitués des pratiques religieuses... Mais la routine nous empêche de retirer de ces déplacements tous les avantages qui, pour notre âme, en devraient résulter.... « Que je me connaisse, disait Augustin, afin que je me déteste !... » Que je me connaisse, vous dirai-je à mon tour, afin que je me confesse, et que je me confesse méthodiquement, intelligemment, loyalement, prudemment, immédiatement, afin que, découvrant mes misères et m'en débarrassant à coups d'aveux, je sois plus digne, eu égard à votre miséricorde, d'obtenir le pardon du prêtre, représentant de votre divin Fils !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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13 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Quatorzième jour

La Pénitence

 

Des personnes étrangères commençaient à se montrer à la Grotte, et les gens de Lourdes continuaient à y accourir plus nombreux, plus empressés. Le mercredi 24 février, jour de la huitième Apparition, Bernadette était arrivée à son heure habituelle, et, sans faire attention aux égards qu'on lui témoignait, elle était allée s'agenouiller sur la pierre qu'elle s'était choisie dans les journées précédentes. Cette place, à l'approche de la voyante, était toujours respectée de la foule...

Tandis que Bernadette était plongée dans l'extase, un nuage de tristesse vint s'arrêter sur sa figure jusqu'alors radieuse. la voyante se mit du côté du rocher ; puis, comme quelqu'un qui apprend une nouvelle douloureuse, elle laissa tomber ses bras, et des larmes abondantes coulèrent sur ses joues. Dans une attitude humiliée, elle se leva et gravit la pente qui précédait la niche en collant à chaque pas ses lèvres contre terre. Arrivée sous l'églantier, elle renouvela ses prostrations, puis leva la tête vers l'ouverture ogivale comme pour y prendre un mot d'ordre mystérieux. L'extatique se tourna ensuite du côté des spectateurs, et, le visage toujours en pleurs et des sanglots dans la voix, elle répéta à trois reprises : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! »

Disciple, témoin, éprouvée, initiée de la Dame, Bernadette en devenait l'Apôtre. Et elle inaugurait son apostolat en termes identiques à ceux de Jean-Baptiste et de Jésus inaugurant leur ministère : le précurseur, au Jourdain ; le Maître, en Galilée : « Faites pénitence, car le royaume des cieux approche. Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! » Pourquoi la Dame fait-elle dire trois fois à Bernadette : « Pénitence » ? Tout a une raison. Serait-ce par pléonasme, répétition de rhétorique employée avec intention pour donner plus de force à l'idée ? Ne serait-ce pas, plutôt, pour signaler la triple nécessité de la Pénitence correspondant aux trois catégories d'âmes ici-bas ?

Pénitence pour la Justice ! Et cette première pénitence vise les pécheurs. Toute infraction à une loi entraîne le désordre, tout désordre entraîne un châtiment : le péché, infraction à la loi la plus haute, désordre le plus grave, entraîne le plus redoutable des châtiments, la justice intransigeante l'infligerait sans pitié ni retard. Mais la miséricorde est intervenue, et, pour obtenir des sursis, voire des pardons pléniers de la justice, elle a inventé cette admirable combinaison diplomatique, cette reprise de conversation avec Dieu, qui a nom : la pénitence, la pénitence, fille endolorie de la miséricorde, désarme l'inflexible justice. Mais elle est seule à remporter cette victoire, et, là où elle n'apparaîtra point, avec ses regrets du passé, ses douleurs du présent, son ferme propos pour l'avenir, la justice reprendra aussitôt l'usage de ses droits. De là  l'impérieuse nécessité de la pénitence comme condition sine qua non de salut pour les individus, les familles et les sociétés coupables. Ou souffrir par la pénitence, ou périr par la justice. Impossible de combiner un moyen terne d'imaginer un expédient, un faux-fuyant. « Si vous ne faites pénitence, disait Jésus, vous périrez tous semblablement ». La Dame voudrait nous voir échapper à cette perdition inexorable, et elle nous dit par Bernadette : « âmes, familles, sociétés pécheresses, pénitence pour la Justice ! »

Pénitence pour la Fidélité ! Et cette seconde pénitence vise les justes. Remède curatif du péché, la pénitence en est aussi le remède préventif. Pour garder la grâce, il est nécessaire de contrarier la nature. Or, contrarier la nature, c'est la faire souffrir. Le chrétien, la chrétienne qui supprimeraient de leur règlement le chapitre des mortifications ou le regarderaient comme d'une application facultative, tomberaient, à courte échéance, dans les abîmes du péché. Pas plus que la grâce, les vertus infuses, qui en sont le merveilleux mécanisme, ne peuvent être conservées sans la pénitence. La foi impose des sacrifices d'esprit ; l'espérance, des abnégations de volonté ; la charité, des renoncements de cœur. Il n'est pas davantage possible de rester prudent, juste, fort, tempérant, si l'on ne contracte l'habitude de se mortifier. A leur tour, les dons du Saint-Esprit, les grâces actuelles n'agissent efficacement qu'à cette même condition. Se contraindre afin d'éviter les rechutes et de persévérer dans l'état de grâce : tout est là pour quiconque tient à demeurer fidèle à son devoir. La Vierge veut que les justes observent sans faiblir cette règle de conduite chrétienne et, par Bernadette, elle leur dit : « Pénitence pour la Fidélité ! »

Pénitence pour la Sainteté ! Et cette troisième pénitence vise les saints, en formation. On a été pécheur, on est devenu juste ; mais, ennemi de la banalité bourgeoise, on s'applique à accroître, tant qu'on peut, pour l'éternité, son capital de gloire : on travaille comme un émule, un successeur des Saints. Ce noble labeur dispensera-t-il de la pénitence ? Loin de là : il y astreint plus que jamais. La sainteté est faite d'amour ; un saint est celui qui aime plus et mieux que les autres. Or, sans douleur on ne vit point dans l'amour, disait l'auteur de l'Imitation. La passion de Notre Seigneur n'a été le plus grand excès de ses souffrances que parce qu'elle a été le plus grand excès de son amour, et inversement... La sainteté est faite de progression continuelle : un saint est celui qui va sans cesse de l'avant sur le chemin où Dieu le veut. Or, à marcher ainsi en gênant la nature, on se fatigue vite et beaucoup. Toute croissance physique, intellectuelle, morale et surtout surnaturelle, est douloureuse. Chez l'enfant, les membres ne se développent pas, la taille ne s'élance point sans malaise ni indispositions. L'élève endure plus d'une fatigue cérébrale pour progresser en savoir. Le jeune homme, la jeune fille, ne peuvent voir s'épanouir en eux la vie morale qu'en se roidissant contre les contagions du plaisir. Pour s'exhausser et s'étendre de tout son long sur la croix, le Christ a dû consentir à être écartelé, martyrisé. La sainteté est faite d'immolations pour autrui : un saint n'est un paratonnerre social qu'autant qu'il se traite en victime. Or, se traiter en victime, c'est se vouer, pour les autres, à toutes sortes d'holocaustes mystiques. Là où, chez un peuple, il n'y aurait plus de victimes innocentes payant pour les coupables, il n'y aurait plus de salut. Les Saints sauvent le monde par les mérites de leurs sacrifices et le sacrent par la royauté de leurs vertus. Qu'adviendrait-il du monde, disait Jésus à Sainte Thérèse, si Je n'avais égard aux Saints ? Ce sont comme des contribuables qui équilibrent, avec l'or de leurs bonnes œuvres, les plateaux de la divine justice : ils sont les premiers bienfaiteurs d'une nation ; une nation se suicide comme une folle en les éliminant. La Vierge veut que les Saints en fleur acceptent la souffrance pour devenir des Saints en fruit, et, par Bernadette, elle leur dit : « Pénitence par la sainteté ! »

 

Examen

 

Sommes-nous tristes en voyant de quelle façon, dans notre pays de France, la passion de Jésus-Christ, notre Dieu Sauveur, est renouvelée par les péchés personnels, domestiques et sociaux ?... De quoi nous attristons-nous ? de nos insuccès, de nos mécomptes, de nos impuissances, de nos maladies, de notre pauvreté, de la mort de nos proches ?... C'est la grande tristesse de l'amour divin qu'il faudrait ressentir !... « L'amour n'est pas aimé », criait Saint François à travers les rues d'Assise, avec des sanglots mal contenus.... Un nuage de tristesse vint s'arrêter sur la figure jusqu'alors radieuse de Bernadette.... On se photographie moralement dans ses tristesses... Le mot pénitence vient-il sur nos lèvres ?... plaît-il à nos oreilles ?... est-il inscrit dans nos cœurs ?... figure-t-il dans le programme de notre vie quotidienne ?... Au lieu de pouvoir dire comme les chrétiens d'autrefois : « Je suis mortifié », n'aurions-nous pas des tendances à dire : « Je suis capitonné » ?...

Nous souvenons-nous de nos péchés pour nous humilier, nous dompter et liquider notre situation d'âme avec la Divine Justice ?... Avec Dieu plus encore qu'avec les hommes, les bons comptes font les bons amis... Nos rechutes, périodiques et d'une périodicité trop fréquente, ne proviennent-elles pas de notre habituelle immortification ?... La faiblesse de nos vertus n'a-t-elle pas la même cause ?... N'est-ce pas pour la même raison que les dons du Saint-Esprit et les grÄces actuelles demeurent en nous presque sans effet ?... On ne peut vivre chrétiennement qu'en devenant un crucifix vivant... Nous devrions être saints pour donner toute notre mesure surnaturelle, ressembler à Jésus-Christ, conquérir des âmes et contribuer, comme hosties volontaires, au salut de la France... Notre défaut de sainteté ne procède-t-il pas de notre défaut de pénitence ?... Les raisons de nous mortifier abondent; le courage, la persévérance manquent. De là les vies sans justification ni sanctification personnelle, sans utilité sociale.... De là  la stagnation ou le recul du Bien, l'aggravation et l'extension du Mal...

 

Prière

 

O Notre Dame, nous aussi, comme Bernadette, nous aurions éclaté en sanglots et les larmes auraient inondé notre visage si nous avions été témoins de votre désolation.... Et dire que nous sommes pour une large part dans vos inénarrables douleurs ! Ne devrions-nous pas être des disciples plus fervents, des apôtres infatigables de la pénitence, que par trois fois vous nous avez prêchée ? Mais c'en est fait. Dites-moi, ô Mère désolée, ce qui vous déplaît en moi. Mes yeux, trop souvent immodestes ? Je les mortifierai.... Mes lèvres, trop souvent imprudentes, légères ? Je les mortifierai.... Mes mains, trop souvent, dans l'ombre, complices du mal ? Je les mortifierai.... Mon esprit, inattentif, frondeur, revêche ? Je le mortifierai.... Mon cœur, en proie à quelque amitié dangereuse, à quelque attache coupable ? je le mortifierai.... Ma volonté, indisciplinée, paresseuse, inconstante ? Je la mortifierai.... Et toutes ces mortifications, je me les imposerai comme pécheur, comme juste, comme saint en formation, comme apôtre, comme membre de famille chrétienne, comme victime pour le salut de la patrie française.... Et à ceux qui me demanderont : « Pourquoi vous mortifiez-vous ainsi ? » Je répondrai : « Jésus me l'avait dit, je l'avais oublié ; la Dame en pleurs me l'a enseigné de nouveau, je la veux consoler :j'obéis à la Dame !... »

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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12 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Treizième jour

Les Secrets

 

Le lendemain, mardi 23 février, avait lieu la septième Apparition. Interrogée sur ce que la Dame lui avait dit, Bernadette répondait qu'elle avait reçu trois secrets, mais que ces secrets ne regardaient qu'elle seule. La voyante ajoutait que les confidences qui lui avaient été faites ne pouvaient être communiquées à personne, pas même à son confesseur. Des indiscrets ont cherché bien souvent, soit par insinuation, soit par ruse, soit par des promesses, à arracher à l'enfant les révélations de la Vierge. Toutes les tentatives ont échoué, et Bernadette a emporté avec elle ses secrets dans la tombe. Les Apparitions avaient fait de la voyante un disciple du Surnaturel ; les dépositions en avaient fait un témoin ; les contrariétés, une éprouvée ; les secrets en firent une initiée. Ainsi le voulait la logique progression de l'oeuvre : on est élu, on parle, on souffre : dès avant l'entrée définitive dans la lice, on est récompensé par l'initiation.

Or, l'initiation, nécessairement mystérieuse, revêt toujours la forme du Secret. Ce qu'il y a au monde de plus vital et de plus captivant est ce qui est le plus caché. Aussi, innombrables sont les secrets, et les ausculteurs de la curiosité sont sans cesse en éveil. Il y a les secrets de la nature, les secrets de la religion, les secrets du génie ; les secrets de l'intelligence : les secrètes pensées ; les secrets du cœur : les secrètes amours; les secrets d'état, les secrets professionnels ; les secrets de société : les sociétés secrètes Seuls, les intimes, sont les initiés. En latin, le mot secret est synonyme de sacrement : « Sacramenta regis abscondere bonum est : il est bon de cacher les secrets du roi, disait l'archange Raphaël à Tobie ». Le secret pourrait être défini le sacrement de l'amitié : signe sensible institué par le cœur pour produire, comme autant de grâces naturelles, les initiations et les intimités. Bernadette, recevant des secrets de la Dame, devenait une amie intime, une initiée...

Or, le secret, qu'apporte-t-il ? Il apporte, toujours une révélation de haute estime. Avant de s'ouvrir, quand on a le souci de sa dignité et qu'on ne veut pas s'exposer aux mécomptes, on sonde le terrain, on étudie, on tâte ceux en qui on pourra s'épancher. Et l'on ne se décide aux aveux, enveloppés jusque-là d'ombres épaisses, que lorsqu'on a acquis la certitude d'être bien compris, mieux aimé. Le secret communiqué est alors, non une expectoration d'enfant, une prurition de vanité maladroitement satisfaite, mais un hommage judicieux rendu à l'intelligence, à la délicatesse de celui, de celle à qui nous le livrons. Sur cette estime intellectuelle, morale, se greffe la confiance qu'on ne sera point trahi. Et l'estime et la confiance font éclore, selon les circonstances et les personnes, l'amour ou l'amitié.

Ainsi agit la Dame envers Bernadette : elle la juge prête aux communications confidentielles, et lui témoigne la plus haute estime avec le plus profond attachement ! Le secret apporte, quelquefois, la révélation d'une joie. Une bonne aubaine, depuis longtemps désirée, arrive enfin : on réserve la primeur de la nouvelle aux amis : joie individuelle. La famille nourrit l'espoir d'un prochain rejeton, un héritage est sur le point d'échoir, une amélioration notable de situation se prépare : on en prévient les amis : joie familiale. Mis au courant des arcanes de la diplomatie, des élaborations de la politique, on est, dès la veille, renseigné sur l'événement, coup de bourse, coup d'état, vrai coup de baguette magique, qui rendra plus riant l'aspect des lendemains : on en cause, à mots couverts mais suffisamment compréhensibles, avec ses amis : joie sociale. Le projet d'une fête a été conçu, une décision importante pour le fonctionnement de la paroisse, pour la dignité et l'indépendance de l'église, pour la prospérité d'une congrégation, là où la liberté permet aux congrégations de fleurir, va être prise : on le sait, on en parle aux amis : joie religieuse.

Les secrets de la Dame renfermèrent sûrement une part de joie pour Bernadette : pendant l'Apparition, ses yeux eurent les étincellements, ses lèvres les sourires, ses traits la grâce que nous avons décrits. Il fallait que l'enfant fût d'une pureté, d'une humilité, d'une efflorescence d'âme bien agréable à Dieu, pour que la Vierge, se confiant à elle, lui ménageât ces jubilations, ces transports de céleste bonheur. La Dame est-elle aussi contente de nous ? Ses secrets, pour nous, seraient-ils un écho de sa joie maternelle ? Heureuses les âmes qui inspirent à Marie un tel contentement !

Le secret apporte, souvent la révélation d'une grande souffrance. On n'en peut plus ; à l'insu du voisinage, parce qu'on a des coquetteries de pudeur, on est martyrisé en son âme, sinon en son corps ; on mugira comme un torrent, si l'on n'a pas l'occasion de murmurer comme un ruisseau ; on a trouvé le consolateur, la consolatrice, et les sons qu'on exhale ressemblent à des glas. Le mystère de la plupart des existences humaines est fait de larmes que les yeux se refusent à verser devant les yeux d'autrui : on nous voyait sourire, on nous entend gémir... Les notes tristes ne manquèrent certes point aux secrets de la Dame : à la fin de l'extase, on vit Bernadette se traîner à genoux, jusque sous l'églantier, se recueillir, baiser terre et retourner, toujours sur ses genoux, à la place momentanément abandonnée. Cette souffrance de Marie ne pouvait venir que des pécheurs pour lesquels déjà elle avait conseillé de prier.

Ah ! Si, quand le tentateur nous incite au péché, nous prenions l'habitude de songer à la Dame, et de nous écrier en un bond d'indignation : « Non, je ne veux point pêcher : la Dame souffrirait », quel réconfort nous puiserions, pour la lutte, en cette évocation filiale ! Ainsi peut-être, s'il n'est pas inconvenant de risquer une interprétation des intimités de la Vierge avec son initiée, les trois secrets commis à Bernadette furent : le premier, une révélation d'estime ; le second, une révélation de joie ; le dernier, une révélation de douleur. Trilogie sacrée dont nous ne pourrons jamais, profanes, connaître au juste le motif musical et l'harmonie, ici-bas !...

 

Examen

 

N'aurions-nous pas aimé recevoir comme Bernadette les secrets de la Dame ? Quelle lumière, quel honneur, quelle sécurité pour cette enfant !... Le secret est créateur d'amitié : on se met toujours un peu, pour quelques minutes au moins, sur un pied d'égalité avec celui, celle à qui on se livre.... Le secret est illuminateur de conduite : ce qui nous manque, c'est de voir les choses de Dieu, et celles de notre âme : l'initiation aux arcanes donne le mot de quelques-unes des énigmes qui entourent notre être.... Le secret est inspirateur d'amour : un lien plus fort unit ceux qui se sont parlé, en excluant les autres du mystère des intimités.... Le secret est sanctificateur de vie quand il émane, directement ou indirectement, de Dieu : voyant mieux, aimant plus, se sentant moins seul, on se sanctifie davantage...

Telle grâce de lumière plus vive, telle impulsion spirituelle plus vigoureuse, n'ont-elles pas été, au cours de notre vie, comme des secrets que nous communiquait la Vierge ?... Je n'ai rien entendu, disait le Père Ratisbonne, mais j'ai tout compris.... De même, sans rien entendre matériellement, nous comprenons tout au fond de notre cœur, comme si nous avions tout entendu.... Il en est beaucoup parmi les dévots de la Vierge à qui sont parvenus de la sorte quelques-uns des célestes secrets...

Etudions-nous, éprouvons-nous nos amis avant de les initier à nos pensées intimes ? On en trouve si peu qui soient capables de porter, de garder, de comprendre un secret !... Trop parler nuit... La parole est d'argent et le silence est d'or... On ne se repent jamais de s'être tu, quand le devoir ne commande pas de parler... Avons-nous été sobres dans nos épanchements de joie ?... La joie est si facilement mauvaise conseillère.... Il faut beaucoup de vertu pour rester Saint, avec un peu de cette joie qu'apporte, par intervalles, la réussite dans la vie.... La prospérité est un vin capiteux pour les petites cervelles.... Le plaisir, rendant très expansif, est surtout redoutable.... La révélation de son secret à Dalila fit de Samson le bouc émissaire et la victime de ses ennemis...

Avons-nous été plus sobres encore de paroles au temps de la douleur ?... C'est alors qu'il faut du flair pour le choix de ses confidentes et de ses confidents.... La souffrance nous incline à mendier la consolation comme des enfants.... On s'affaiblit en s'ouvrant, et par l'ouverture où a passé la compassion passe vite, si l'on n'y veille, le péché... Au deuil du bonheur s'ajoute, en ces occurrences, le deuil plus navrant des vertus... On aurait dû se taire, on a parlé, on s'est découronné... Le secret confié a-t-il été pour nous un dépôt sacré ? Ne nous sommes-nous jamais départis de la discrétion, de la reconnaissance, de la fidélité, que le secret impose ?... Que de fois les petits mots préparent les gros mots !...

 

Prière

 

O Notre Dame, nous ne sommes point assez saints pour mériter vos secrètes communications, à l'instar de Bernadette. Mais si vous vous décidiez, malgré notre indignité, à révéler vos impressions sur nous, serait-ce de la joie ou de la tristesse que notre conduite ferait monter de votre cœur à vos lèvres ?... Nous ne sommes pas assez délicats pour vous rendre joyeuse, et nous sommes assez indifférents, je n'ose dire criminels, pour vous faire pleurer... Parlez-moi quand même dans le tête-à-tête, dans le cœur-à-cœur de la grâce dont vous êtes la distributrice... Dites vos secrets mécontentements, je me corrigerai ; vos secrètes angoisses, je les consolerai ; vos secrètes allégresses, je tâcherai de les accroître et les partagerai !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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11 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Douzième jour

Les épreuves

 

Quand on a le grand honneur d'être disciple et témoin du Surnaturel, on doit s'attendre à en devenir l'éprouvé. L'Histoire est pleine des épreuves, conséquence des fidélités religieuses et des témoignages apostoliques. Bernadette ne pouvait se soustraire à cette universelle loi : elle fut une éprouvée. M. Jacomet venait de la menacer, sans résultat, des gendarmes ; la porte du prétoire s'ouvrit, un homme du peuple montra timidement la tête.

« Que réclamez-vous ? » demanda le commissaire. « Je suis le père de cette enfant », répondit l'ouvrier en désignant Bernadette de la main. « Ah ! C'est vous, père Soubirous, vous faites bien d'arriver, car j'allais vous envoyer chercher. Vous connaissez le rôle que joue votre fille depuis quelques jours ; endoctrinée sans doute par quelque commère du quartier, elle fait l'inspirée et se livre à des singeries faisant tourner la tête aux imbéciles. Il faut que cette comédie finisse, car elle constitue un danger pour le repos de la ville. Je vous préviens que si vous n'avez pas assez d'autorité pour retenir votre fille chez vous, j'en aurai, moi, assez pour la faire retenir ailleurs ». « Oh ! Monsieur le commissaire, laissez-moi parler avec toute ma franchise : pour moi, je ne doute pas que l'enfant ne soit sincère dans ce qu'elle raconte ; maintenant, se trompe-t-elle ? C'est là notre embarras.... Je vous avoue que ma femme et moi, nous sommes bien fatigués des importunités que nous subissons. Depuis trois ou quatre jours, notre maison ne désemplit pas, et nous ne savons comment faire pour renvoyer les curieux. Je suis heureux de pouvoir me servir de vos ordres pour refuser ma porte au public. Quant à Bernadette, nous veillerons à ce qu'elle n'aille plus du côté de Massabielle ». Le commissaire félicita le père Soubirous de ses bonnes dispositions et le congédia avec sa fille. Triste dut être, au foyer, la soirée du dimanche...

Les épreuves intérieures commençaient pour Bernadette. Que ferait-elle ? Désobéir à son père ? Le Décalogue ne le permettait point. Ne plus retourner vers la Dame ? Ses engagements de dévotion s'y opposaient. En quelle perplexité la jeta ce dilemme, ceux-là le comprendront qui ont eu des embarras de conscience, des situations les obligeant à se dire : que dois-je faire ? Bernadette opta pour le Décalogue contre la Dévotion.

Le lendemain, lundi 22 février, le père et la mère Soubirous donnèrent ordre à leur fille de se rendre à l'école, avec recommandation de ne dévier ni à droite, ni à gauche. Sans témoigner aucun mécontentement, Bernadette mit son alphabet dans son petit panier et se dirigea vers l'hospice. Elle revint à la maison un peu avant midi, prit son modeste repas et repartit bientôt après pour la classe du soir.

Une autre épreuve intime l'attendait. Arrivée sur le haut de la côte qui mène du pont des Ruisseaux à l'hospice, elle fut subitement arrêtée : « Une barrière invisible, a-t-elle raconté, m'empêchait de passer ». A différentes reprises, elle chercha à avancer, mais la résistance était toujours la même, et elle ne se sentait libre que pour revenir en arrière. Troublée et presque épouvantée, elle songea à retourner chez elle lorsqu'un petit reproche s'éleva au fond de sa conscience. Une voix intérieure lui demandait si elle était bien d'accord avec les engagements pris par elle à la Grotte. La voyante comprit, son cœur se gonfla et, sans plus hésiter, elle redescendit la côte. Ah ! les barrières invisibles ! Elles jouent un grand rôle dans la Vie.... Qui n'a eu sa barrière invisible : épreuve de l'orientation intérieure succédant à l'épreuve de l'indécision ?....

Bernadette, redescendue au pont des Ruisseaux, au lieu de remonter la rue qui traverse la ville, s'enfonça dans le quartier de Lapaca et alla prendre, pour se rendre à Massabielle, un sentier longeant le fort. Les gendarmes l'atteignirent près du moulin où elle était née et lui demandèrent sur le ton du commandement où elle allait. « Je vais à la Grotte », répondit froidement l'enfant sans ralentir le pas ni détourner la tête. Les gendarmes ne firent pas d'autres questions ; ils se bornèrent à la suivre. C'était la première épreuve extérieure : l'épreuve de la surveillance.

Elle existe, et de quelle manière ! Pour les gens de religion, en notre pays de soi-disant liberté. On peut aller au café, au théâtre, au cirque, aux repaires du vice, impunément. Mais qu'on se garde bien d'entrer dans une église pour y entendre une messe et y adorer Dieu : on serait surveillé... Les habitués de nos églises n'ont-ils pas à compter aussi avec la surveillance des voisins et des voisines dont les agences de renseignements réclament chaque jour une abondante pâture ?...

Parvenue à la Grotte, calme, sereine, modeste, entre les deux gendarmes, Bernadette tomba à genoux. Les gendarmes, debout à petite distance d'elle, ne la troublèrent point durant sa prière qui fut longue. Quand elle se releva, ils l'interrogèrent, et elle avoua n'avoir rien vu. La foule s'écoula et avec elle disparut la voyante ». C'était, pour elle, la seconde épreuve extérieure de la non-apparition

Bernadette devait boire jusqu'à la lie, ce jour-là, le calice de la douleur : sa mère lui ménagea, au moulin de Savy, l'audition d'une parole particulièrement attristante. Mademoiselle Estrade lui ayant demandé si elle connaissait l'enfant : « Ah ! mademoiselle, répondit la femme Soubirous, je suis sa malheureuse mère ! » « Comment, malheureuse ? et pourquoi dites-vous cela ? » « Si vous saviez ce que nous souffrons ! Les uns se moquent de nous ; les autres disent que notre fille est folle. Il y en a qui prétendent que nous recevons de l'argent et que l'on va nous poursuivre en justice ». C'était, pour Bernadette, la troisième épreuve extérieure : l'épreuve domestique qui atteignait en elle la fille.

On reconnaît, dans les doléances de la mère Soubirous, l'écho des critiques adressées aux parents de la plupart des enfants qui se destinent au sacerdoce, à la vie religieuse, ou à la vie de piété dans le monde. l'exhaussement social et moral de ces enfants suscite les jaloux du voisinage, lesquels se font, par leurs jeux de physionomie, par leurs procédés et leurs sarcasmes, les insulteurs des parents. On aborde de préférence les prétendus avantages financiers, ravalant les questions de vocation à des questions d'argent.

 

Examen

 

Nous faisons-nous de la Vie, surtout de la Vie chrétienne, une idée juste ? Elle est une épreuve à traverser, une croix à porter, non une partie de plaisir à organiser... Comprenons-nous la nécessité, le bienfait de cette épreuve ?... Comment nous comportons-nous avec elle, quand de la théorie les faits brutaux nous obligent à passer à la pratique ?... Ne sommes-nous pas de ceux qui font consister la religion dans des dévotions particulières et qui, tout en priant et honorant certains Saints ou certaines Saintes, mettent Dieu en quarantaine à peu près toute l'année ?... La Religion, pour ce que nous avons à pratiquer, se résume dans l'observation des Commandements de Dieu et de l'Eglise : hors de là, point de salut.... Bernadette opta pour le Décalogue contre la dévotion.... Comment obéissons-nous aux ordonnances ecclésiastiques, aux préceptes divins ?...

Quand nous sommes incertains de la voie à suivre pour plaire à Dieu, pour faire sa volonté, dans ces cas où il est plus difficile de connaître son devoir que de le remplir, consultons-nous notre confesseur , non pas après avoir agi, mais avant d'agir ? Car il en est qui ont ce que j'appellerais l'obéissance d'escalier, d'après coup : ils font, puis consultent ; ou bien, ils consultent, puis agissent à leur guise, préférant quelquefois dire qu'ils n'ont pas compris, passer pour sots, plutôt que d'abdiquer leur idée personnelle... Dans ces situations embarrassantes, attendons-nous, dans la prière et le calme, les événements qui nous éclaireront ?... Avons-nous en horreur la curiosité malsaine, l'inquisition méticuleuse, stupide, de ce que font les autres ?... Nous occupons-nous de nous-mêmes, ne craignant que Dieu et méprisant la surveillance que la sottise, la jalousie ou l'hostilité religieuse peuvent exercer, à l'église, dans les rues, ou sous les toits voisins, contre nous ?...

Nous résignons-nous aux éclipses de Dieu, de la Vierge, dans les événements dont nous avions escompté, même pour le Bien, la réalisation ?... Ne cherchons-nous pas trop dans nos exercices de piété les joies sensibles, les belles apparences.... Les non-apparitions de Dieu ne devraient point nous décourager, nous faire douter de lui.... Quand le soleil se cache derrière les nuages, ne savons-nous pas qu'il existe et que sans lui la lumière tamisée dont nous jouissons ne pourrait luire ?... Bernadette accepta la déconvenue de l'absence de la Dame, sans se plaindre ni se décourager... Sommes-nous sourds aux critiques que le monde nous prodigue, parce que nous sommes, comme on dit, des gens de religion, désireux de donner au Surnaturel, dans notre âme et dans l'âme de nos enfants, la première place à laquelle il a droit ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, comment nous étonnerions-nous que la Vie soit pour nous, successivement et quelquefois simultanément, une épreuve individuelle, domestique et sociale, quand, à la suite de Jésus, homme de toutes les douleurs, vous avez consenti à être la Reine des martyrs ?... Vous, du moins, vous étiez innocente, et nous sommes coupables ; vous étiez parfaite, et nous sommes couverts d'imperfections !... Bernadette et ses parents ne souffrirent qu'à cause de vous ; sans vous, ils auraient vécu pauvres mais à l'abri des interventions policières et des commérages des curieux et des jaloux.... Nos épreuves, au contraire, ne viennent souvent que de nous.... Apprenez-nous à les prévoir par bon sens, à les diminuer par sagesse, à les dominer par vertu.... Et s'il entre dans vos plans maternels que nous soyons éprouvés uniquement pour vous, sachez que, loin d'en être mécontents, nous en serons ravis : les Apôtres s'en allaient joyeux d'avoir été jugés dignes d'humiliations, de tortures et d'opprobres pour le nom de Jésus... Souffrir pour vous, passe ; avoir souffert, demeure....

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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10 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Onzième jour

Les Témoignages

 

Disciple de la Dame, Bernadette en devait être le témoin. Une grande animation ayant marqué, à Lourdes, la matinée du 21 février, les autorités chargées de veiller à la tranquillité locale : le maire, le procureur impérial, le commissaire de police, se réunirent à l'hôtel de la mairie, et décidèrent, après mûre réflexion, d'amener la voyante, par voie de conseil, à ne plus retourner à la Grotte... Dès sa sortie de la mairie, le procureur impérial mandait Bernadette dans son cabinet. Voici donc le témoin de la Dame devant le représentant du parquet : M. Dutour. Témoin catégorique. Point de silence intéressé ou complice ; point de morcellement de la vérité. Elle dépose sur la personnalité de la Dame.

« Ma pauvre enfant, votre Dame n'existe pas ; c'est un être purement imaginaire ». « Quand elle m'apparut pour la première fois, je le croyais aussi, et me frottais les yeux ; mais aujourd'hui je suis sûre que je ne me trompe pas ». « Comment le savez-vous ? » « Parce que je l'ai vue plusieurs fois, et encore ce matin ; puis elle s'entretient avec moi ». « Les Sœurs de l'Hospice chez qui vous allez en classe sont incapables de mentir ; et cependant elles vous disent que vous vous faites illusion ». « Si les Sœurs de l'Hospice voyaient comme moi, elles croiraient comme moi ».

Témoin incorruptible. « Prenez garde ; on finira peut-être par découvrir quelque chose de caché qui explique votre obstination ; on a déjà répandu le bruit que vous et les vôtres vous receviez des cadeaux en secret ». « Nous ne recevons rien de personne ». « Cependant hier vous êtes allée chez Madame Millet, et vous y avez accepté des douceurs ». « C'est vrai. Madame Millet m'a fait prendre un verre d'eau sucrée pour calmer mon asthme ; c'est tout ».

Témoin résolu. « Quoi qu'il en soit, votre conduite à la Grotte est un véritable scandale ; vous faites courir les gens, et il faut que toutes ces choses finissent ; me promettez-vous de ne plus retourner à Massabielle ? » « Monsieur, je ne vous le promets pas ». « Est-ce votre dernier mot ? » « Oui, monsieur ». « Alors, sortez, nous aviserons ».

Le témoin avait battu le procureur qui s'amusait spirituellement avec ses amis de sa propre défaite. Dans l'après-midi du dimanche 21 février, sans se préoccuper de l'insuccès de M. Dutour dans la matinée, le commissaire de police, le célèbre Monsieur Jacomet, se rendit sur la place du Porche, où il avait calculé qu'il trouverait Bernadette à la sortie des Vêpres. Heureux ceux et celles dont les policiers, tant au courant des allées et venues du public, ne peuvent calculer de faire la rencontre qu'à la sortie de nos églises : leur âme sereine aura vite déconcerté les finasseries policières !

Le commissaire, feignant de se trouver là en curieux, arriva bientôt devant la jeune fille, et, avec l'air de profiter d'une rencontre fortuite, il pria cette dernière de venir à son bureau. Bernadette, sans trouble, sans explications, suivit docilement l'agent de l'autorité. C'était un second témoignage que la Dame mettait Bernadette en demeure de lui rendre : l'enfant le para de qualités que n'avait point le témoignage précédent. Quelle simplicité, quelle netteté, quelle crânerie dans ses réponses au madré commissaire ! Elle dépose sur l'identité et la beauté de la Dame.

« Tu as sans doute déjà compris dans quel but je t'ai appelée chez moi ? On m'a parlé avec tant d'intérêt des belles choses que tu vois à Massabielle que, ma foi, comme tout le monde, j'ai été pris du désir de savoir de quoi il s'agissait. Est-ce que tu aurais de la peine à nous raconter, à M. Estrade et à moi, comment tu as fait la rencontre de la Dame de la Grotte ? » « Non, monsieur ».

Et témoin imperturbable, comme si elle eût été en face de l'un des siens, Bernadette fit le récit, plein de charmes, de la première apparition. Pendant qu'elle parlait, le commissaire faisait rapidement courir son crayon sur une feuille de papier blanc. Puis, relevant la tête : « Ce que tu nous racontes est en effet très intéressant ; mais enfin quelle est cette Dame dont tu es si engouée ? La connais-tu ? » « Je ne la connais pas ». « Tu dis qu'elle est belle. Comme qui est-elle belle ? » « Oh ! Monsieur, répondit-elle, témoin clairvoyant, elle est plus belle que toutes les dames que j'ai rencontrées jusqu'ici ». « Pas plus belle cependant que Madame N... ou Madame N... » (et ici le commissaire citait les dames de la ville le plus en renom pour leur beauté). « Elles ne peuvent pas y faire », riposta-t-elle en une tournure patoise dont la signification était : « Elles ne peuvent pas être comparées, elles ne peuvent rivaliser ».

M. Jacomet, suspendant l'interrogatoire, prit sa feuille de notes et commença une guerre de traquenards. Il essaya de faire tomber la voyante dans la contradiction : « Tu as dit que la Dame est âgée de dix-neuf à vingt ans ? » « Non, j'ai dit de seize à dix-sept ». « Qu'elle est revêtue d'une robe bleue et d'une ceinture blanche ? » « C'est le contraire, monsieur ; il faut mettre une robe blanche et une ceinture bleue ». « Que ses cheveux tombent en arrière ? » « Vous avez mal entendu ; c'est le voile qui tombe en arrière ». Témoin perspicace, Bernadette avait redressé sans hardiesse, mais sans timidité, toutes les variantes que le commissaire, à dessein, avait introduites, pour l'embrouiller, dans sa narration. Force fut à M. Jacomet de changer de tactique :

« Ma chère Bernadette, j'ai voulu te laisser aller jusqu'au bout de ton récit ; mais je dois te déclarer que je connaissais l'histoire de tes prétendues visions ; cette histoire est de pure invention, et je sais qui te l'a apprise ». « Monsieur, je ne vous comprends pas ». « Je vais être plus clair : est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un qui t'a conseillée en secret de dire que la Vierge t'apparaissait à Massabielle, et qu'en le disant, non seulement tu passerais pour une sainte, mais encore que la Vierge t'en saurait gré ? Fais attention avant de répondre, car j'en sais à ce sujet plus long que tu ne penses ». « Personne, monsieur, ne m'a conseillé les choses dont vous parlez », répartit le témoin humble, inaccessible au piège du mensonge enduit d'orgueil. « Je sais à quoi m'en tenir ; mais je ne veux pas faire de scandale, ni te chercher une mauvaise querelle. Je ne réclame pas d'aveux, mais j'exige de toi une simple promesse. Me donnes-tu l'assurance que tu ne reviendras plus à la Grotte ? » « Monsieur, j'ai promis à la Dame d'y revenir ». « Ah ! Oui, s'écria M. Jacomet en se levant de son siège et feignant la colère ; tu crois donc que nous serons toujours d'humeur à écouter tes sornettes et à céder à tes entêtements ? Si, à l'instant, tu ne prends pas l'engagement de ne plus retourner à Massabielle, j'envoie chercher les gendarmes et te fais mettre en prison ». Bernadette demeura témoin inflexible, fidèle.

 

Examen

 

Quels témoins sommes-nous de Dieu, de Jésus, de la Vierge ? Témoignons-nous catégoriquement, résolument, imperturbablement, de leur existence réelle ? Oui, Dieu existe et les autres êtres n'existent que par lui... Oui. Jésus existe : Il est de toute éternité comme Fils de Dieu, depuis (vingt siècles siècles comme Fils de l'homme : Réalité divine, il est historiquement la grande réalité humaine. Il est l'Homme-Dieu : par lui nous avons tous été rachetés.... Oui, la Vierge existe.... Elle est l'Eve nouvelle, la femme bénie entre toutes les femmes parce que, Mère de Dieu, elle est Mère des hommes, et Reine de la terre et du Ciel... Nous sommes convaincus théoriquement de ces trois augustes réalités.... Que ne le sommes-nous pratiquement ? Nous nous déprendrions des figures qui passent pour étreindre amoureusement ces Réalités qui demeurent...

Témoignons-nous avec la même netteté, la même incorruptibilité, la même crânerie, de la Beauté supérieure de Dieu, de Jésus, de Marie ?... Oui, Dieu est le plus beau, et il n'y a de beau que Dieu.... Et après Dieu ce qu'il y a de plus beau, c'est Jésus splendeur du Père, figure de sa substance, incarnation de la Beauté incréée... Et après Dieu et Jésus, ce qu'il y a de plus beau, c'est Marie la pleine de grâce, la pleine de lumière, la pleine de vertus et partant la toute belle aux yeux de Dieu... les beautés humaines qui nous attirent et nous passionnent sont souvent de vraies caricatures physiques et des laideurs morales... En tout cas, ce ne sont que des étincelles fugitives de beauté. Marie en est, de par Dieu et pour Jésus, l'inextinguible, l'incandescent foyer....

Bernadette ne se laissa ni séduire par la flatterie et l'argent, ni intimider par le mensonge et la menace.... Combien d'hommes et de femmes sont pris à la glu des compliments !... Combien de femmes vendent en secret leurs vertus à prix d'argent... Combien d'hommes sont à la remorque des menteurs qui parlent ou écrivent contre la Religion !... Combien d'hommes, par ambition et peur de l'impiété au pouvoir y désertent les églises, abandonnent extérieurement toute pratique religieuse, et traitent Dieu, le Christ, la Vierge en étrangers, sinon en ennemis... Les procureurs et les commissaires, les jouisseurs et les impies, ont beau jeu avec de si pitoyables témoins d'une Religion dont les premiers disciples furent pourtant des martyrs et des héros... On n'accepte plus guère aujourd'hui que le martyre du plaisir, on semble ne plus connaître que l'héroïsme au rabais....

 

Prière

 

O Notre Dame, c'est la Foi qui a vaincu le monde, c'est l'amour qui est fort comme la mort. Donnez-nous une foi vive en Dieu, en Jésus, en vous... A la Foi, lumière de l'esprit, ajoutez en notre âme l'amour, chaleur du cœur. Croyant, nous parlerons ; aimant, nous combattrons. Et à ceux et celles qui chercheront à opérer contre nous l'exploitation, le trafic des consciences, nous répondrons comme Bernadette : « Oui, j'irai encore à la Grotte, à l'église, aux chapelles, aux rendez-vous divins... » Allez-vous en, adorateurs du veau d'or, valets de la Politique, tentatrices du Mal : qui est semblable en vitalité, en beauté, en bonté, en fidélité, en puissance, à la Vierge, à Jésus, à Dieu ?...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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9 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Dixième jour

La prière pour les pécheurs

 

Le dimanche 21 février, l'Apparition se produisait pour la sixième fois. Ce qui s'y passa, Bernadette le conta aussitôt après au docteur Dozous, médecin de Lourdes qui était à la Grotte, ce jour-là, à côté de l'enfant : « La Dame, en me quittant un instant de son regard, l'a dirigé au loin par-dessus ma tête. Ensuite, reportant son regard sur moi qui lui demandais ce qui l'attristait, elle m'a dit : « Priez pour les pécheurs ».

Décidément la Dame tenait école de prière. Elle avait appris à l'enfant à prier pour soi. Mais l'égoïsme n'est pas chrétien ; on a beau être petit, on peut, on doit avoir un cœur grand, catholique, vaste comme le monde : elle lui demande de prier pour les autres. Et parmi les autres, elle signalait les plus besogneux : les pécheurs : « Priez pour les pécheurs ». Elle en est le refuge, ils sont l'unique sujet de ses tristesses. Ils ont été les bourreaux de son Fils ; ils sont les empoisonneurs de son âme, si on peut ainsi s'exprimer. Tout ce qu'elle a souffert, tout ce qu'elle est susceptible de souffrir encore, lui vient d'eux tous. Elle a la perception de leur sort malheureux, avec l'ardent désir de leur cure prochaine. Elle voudrait les sauver. Or, sauvés, il ne peuvent l'être que par le recouvrement de la grâce ; et la grâce, ils ne la peuvent recouvrer que par la prière : « Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus nécessaire. Le monde moral repose sur l'équilibre de la justice divine comme sur son axe. Quand les droits de Dieu sont respectés par l'obéissance des hommes, le monde moral est dans son assiette ; quand les péchés prévalent contre les œuvres saintes, l'équilibre est rompu. Cette rupture entraînerait les pires catastrophes. Quel agent interviendra pour y remédier, en rétablissant l'ordre bouleversé ? La prière. Les justes prient et la prière des justes est comme l'impôt payé par les riches à la place des pauvres : la somme des devoirs est atteinte, les droits de Dieu ne sont plus méconnus, sa justice suspend les coups que son bras s'apprêtait à frapper... Au surplus, pour rompre avec le péché et les habitudes criminelles, la grâce est nécessaire. Or la grâce. Dieu ne la donne qu'aux sollicitations de la prière : soit qu'on prie soi-même pour ses propres besoins, soit qu'on s'entremette comme avocat des autres. Ainsi est-il de toute nécessité qu'on plaide la cause des pécheurs, pour obtenir leur conversion. Or, plaider une cause pareille, c'est prier. Ici surtout devient parfaite la synonymie du mot : « Oratio », qui, en latin, signifie à la fois prière et discours. On appelle de la même manière l'Oraison de Jésus au Jardin des Oliviers, et le discours d'un Cicéron ou d'un Hortensius au forum : Oratio : prier, c'est parler ; et parler, surtout au nom des pécheurs, c'est prier : « Oremus, prions, parlons : Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus pratique. En dépit de sa bonne volonté et de son talent, on risque d'être pendant longtemps un avocat sans cause, un médecin sans malade : il est si difficile, en des jours d'encombrement des carrières comme ceux que nous traversons, de faire sa trouée sociale pour faire son chemin. Et l'attente de l'utilisation de ses capacités foncières doit être douloureuse, lorsque, désireux d'être utile aux autres, on est obligé de constater que les clients n'arrivent pas. Le succès, comme le génie, en ces conjonctures, est une longue patience, et la patience n'est jamais exempte de douleurs... Or les clients, je veux dire les pécheurs, pullulent dans le monde, et l'on n'a pas à attendre pour pouvoir efficacement utiliser sa sainteté personnelle et leur prêter secours. « Il y aura toujours des pauvres parmi vous », disait Jésus à ses apôtres ; il y aura aussi toujours des pécheresses et des pécheurs. Les médecins et les plaideurs spirituels sont assurés d'avoir toujours de la besogne : « Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus méritoire. Le mérite de la prière vient du Surnaturel dont elle est imprégnée : plus elle est faite de foi, d'espérance, de charité, d'humiliation, plus elle est méritoire. Or, ne faut-il pas être particulièrement croyant, confiant, aimant, humble, pour ne s'occuper que des âmes et de leur sanctification ? Les malades, les pauvres peuvent provoquer notre pitié naturelle, sensible, par le spectacle de leurs souffrances physiques et de leur dénuement. Il faut avoir un oeil baigné de foi, un cœur trempé d'espérance et d'amour, une volonté oublieuse d'elle-même pour ne voir, ne soulager et n'aimer que les âmes : « Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus négligée. On s'occupe de soi, de ses intérêts matériels, des intérêts matériels d'autrui, comme lorsqu'on se dépense en prière et en dévouement pour les pauvres et les malades. Mais qui sont ceux et celles, à notre époque de matérialisme et de positivisme, qui placent, au sommet de leurs affections et de leurs préoccupations, les intérêts des âmes ? La Vierge veut que Bernadette, et nous, à l'exemple de Bernadette, préférions les âmes aux corps, l'esprit à la matière, l'Eternité au Temps. Voilà pourquoi elle donne ce conseil, ce programme de vie dévouée : « Priez pour les pécheurs ».

Quel bien nous ferions, quelle œuvre excellemment sociale, puisque les œuvres sociales sont de mode et de nécessité aujourd'hui, nous accomplirions, si nous priions le matin, le soir, pour les pécheurs !... La Dame serait consolée, car, disait Bernadette à M. Dozous : « Je fus bien vite rassurée par l'expression de bonté et de sérénité que je pus revoir sur son visage, et aussitôt elle disparut ». Dieu appliquerait à des âmes dont nous ne ferions la connaissance que dans l'éternité le mérite de nos prières réparatrices : « Priez pour les pécheurs ».

Mais, entre les pécheurs, sans exclure, de parti pris, personne, faisons un délicat triage : si nos pères, nos mères mêmes, nos enfants, nos frères, nos sœurs, nos autres proches, nos amis, nos employés, nos domestiques, déserteurs du devoir religieux, vivent loin de la grâce, assignons-leur une place à part dans nos supplications pieuses ; transformons-nous, pour eux surtout, en avocats infatigables ; et, à coups de prières, les bras en croix ou à genoux, arrachons-les, coûte que coûte, au Mal, au Malheur, à l'éternelle faillite de la Vie... « Priez pour les pécheurs ».

 

Examen

 

Si nous sommes savants, sommes-nous loyaux et, devant les évidences et les supériorités du Surnaturel, faisons-nous de la Science, pour que son enflure ne nous tue point, la servante de la Foi ?... Nous taisons-nous humblement, quand nous ignorons ? Affirmons-nous, quand le divin rayon a lui ?... Le docteur Dozous apporta aux Apparitions le premier suffrage de la Science loyale. Et depuis, les savants, en grand nombre, se sont inclinés devant les faits de Lourdes... Avons-nous le regard profond, lointain, ouvert, le plus possible, sur les hommes, les choses, le passé, le présent, l'avenir, le Temps, l'éternité ?... C'est être médiocre et superficiel que d'avoir intellectuellement la vue courte... Ouvrir un grand oeil, c'est se creuser souvent une source de tristesses ; mais les tristesses qui viennent des hommes se changent en joies quand, plus loin et plus haut que les créatures, on contracte l'habitude de voir Dieu... La Dame dirigea son regard au loin, par-dessus la tête de Bernadette...

Prions-nous pour les pécheurs ? Si nous étions intelligents, ce serait-là notre prière favorite. N'est-elle pas la grande prière illuminatrice ? Elle nous rappelle le pourquoi de l'Incarnation, le mode de la Rédemption : l'expiation du péché par la souffrance d'un Dieu. Elle met ainsi en relief la synthèse dogmatique de notre admirable Religion... Prions-nous pour les pécheurs ? Si nous étions soucieux de notre persévérance dans le Bien, ce serait-là encore notre prière favorite. N'est-elle pas la grande prière préservatrice ? En nous obligeant à songer à la laideur, à la malfaisance du péché, elle entretient chez nous la culture des idées saines, et ce sont les idées qui mènent les âmes ; elle alimente notre horreur, notre haine du Mal, et c'est la Haine du Mal qui détermine les victoires du Bien. Ainsi établit-elle un cordon sanitaire de plus en plus protecteur entre nous et les occasions de péché !... Prions-nous pour les pécheurs, pour ceux surtout que nous avons positivement scandalisés en les poussant au Mal, pour ceux encore que nous n'avons pas assez édifiés, en les portant insuffisamment au Bien.... C'est étrange comme on se préoccupe peu de réparer le Mal que, d'une manière positive ou négative, on a pu faire aux autres ! N'y a-t-il pas là cependant non plus une question de charité mais une formidable question de justice ?...

Prions-nous pour les membres de notre famille qui vivent en état de péché, pour ceux d'entre eux surtout qui, pécheurs, sont malades et même en danger de mort ?... Que de larmes de regrets, pour avoir trahi un si facile devoir, on versera plus tard !... Prions-nous, spécialement et chaque jour pour cette grande pécheresse qu'est la France : seule nation en Europe et au monde qui, en ses lois, ait chassé Dieu ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, si nous avions eu le sens chrétien et la délicatesse apostolique de prier pour les pécheurs, ainsi que vous nous l'avez demandé, il y a beau temps que nous serions sauvés... Prier pour les pécheurs, c'est le moyen de salut le plus nécessaire, le plus pratique, le plus méritoire, le plus intelligent, le plus bienfaisant, le plus facile, puisque, partout et toujours, même dans l'enfance et la vieillesse, il est à la portée de tous. Mais il a été par notre faute le moyen le plus négligé... Les parleurs, les agités, les surmenés ne manquent point autour de nous : leur nombre va sans cesse grandissant. Mais les orants et les orantes, mais les avocats, les avocates de la prière sainte, où sont-ils ?... Nous, du moins, nous voulons vous consoler des angoisses que vous causent les impénitentes et les impénitents. Agréez donc notre promesse de prier pour les pécheurs. Mais comme, parmi les pécheurs, nous ne sommes peut-être pas au dernier rang, alors que nous devrions être les premiers d'entre les justes, permettez-nous de vous dire avec une filiale insistance : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il !

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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8 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Neuvième jour

Prière personnelle

 

A la date où nous sommes arrivés, la nouvelle des Apparitions était généralement connue à Lourdes, et l'on commençait à s'en entretenir à voix haute et d'une manière publique dès que l'on apprit que la voyante se rendait tous les matins à la Grotte, un grand nombre d'habitants de Lourdes se hâtèrent d'y accourir. Dans la matinée du samedi 20 février, le dessous des excavations et le Gave étaient entièrement occupés. Ainsi croissent graduellement les œuvres de Dieu ! Ainsi le grain de sénevé devient, sous l'action insensible mais persévérante de la grâce, un arbre gigantesque !

Bernadette, accompagnée de sa mère, arriva à Massabielle vers six heures et demie. Elle ne fut ni étonnée ni émue d'y trouver la foule qui l'attendait. Elle se présenta sous le rocher avec le même air que si elle eût été simple spectatrice, et alla s'agenouiller à sa place ordinaire. Sans faire attention que tous les yeux étaient fixés sur elle, elle prit naturellement son chapelet et se mit à prier. Le moment des grandes expansions était venu, et Bernadette envoyait l'expression de ses hommages, de ses remerciements, de ses joies, à la Dame cachée du rocher. Une grâce surhumaine accompagnait ses mouvements, et sa propre mère, qui se tenait, émue, à ses côtés, disait en pleurant : « Je perds la tête et ne reconnais plus ma fille ».

Une rumeur confuse d'admiration s'était déjà élevée du milieu de la foule, et la plupart des assistants se haussaient sur la pointe des pieds afin de mieux voir et contempler l'extatique. Absorbés par le tableau présenté par l'enfant, les spectateurs craignaient d'en perdre un autre : par une attraction dont ils ne pouvaient se défendre, ils portaient alternativement leurs regards de Bernadette au rocher et du rocher à Bernadette. Les yeux du corps ne voyaient rien du côté de la Grotte : mais les yeux de l'âme voyaient... Après l'extase, Bernadette, interrogée sur son entretien avec la Dame, répondit que celle-ci avait eu la bonté de lui apprendre mot par mot une prière particulière et spéciale pour elle. C'est tout ce que nous savons de la Cinquième Apparition. Pourquoi la Dame, se faisant complaisamment maîtresse d'école de Bernadette, lui apprit-elle, mot par mot, une prière spéciale ? Afin de lui apprendre, d'abord, à se connaître pour s'humilier.

Nous ne nous connaissons pas, et nous ne voulons pas nous connaître. La constatation de certaines réalités nous fait peur ; l'entretien de certaines illusions nous enchante. Tels les malades qui ajournent la consultation de l'homme de l'art pour s'épargner l'ennui de servitudes redoutées ; telles encore les vieilles vaniteuses qui refusent de se regarder à la glace pour ne point constater sur leurs traits, savamment mais inutilement travaillés, les injures des ans.... Et alors on prie, je le veux bien supposer ; mais les prières faites, même avec ferveur sensible, sont vagues, imprécises, sans aucune adaptation aux besoins. Or, les besoins changent à chaque âge, avec chaque situation. La prière de l'enfant ne doit pas être celle du jeune homme, de la jeune fille, du père, de la mère, du prêtre, de l'ouvrier, du magistrat, du vieillard. Je comprends la Dame apprenant à Bernadette une prière en harmonie avec ses besoins nouveaux. Il fallait que l'enfant se connût et que, se connaissant mieux, elle s'humiliât plus encore à cause des avances divines...

Avec quelle ferveur l'élève ne dut-elle point réciter cette prière !!! C'était la sienne, et c'était la Reine des Anges elle-même, et non point Gabriel porteur du message divin, qui la lui avait enseignée. La Dame apprit mot par mot à Bernadette une prière spéciale, afin de lui apprendre à se bien exprimer, pour se faire écouter. En se connaissant mieux, on s'humilie davantage, et on donne à sa prière une note subjective qui frappe l'attention et attire la bienveillance de Dieu : ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. Mais encore faut-il, quand la prière doit être un exposé de situation et non pas seulement une supplique brève, être au courant du vocabulaire à employer.

En même temps que la langue nationale, en chaque peuple, il y a la langue des cours, des académies, des parlements, des prétoires, des lettres, des sciences et des arts. A plus forte raison, doit-il y avoir une langue de la Religion. Elle existe. C'est la fonction des mères d'apprendre à leurs enfants l'alphabet, les premiers mots de la langue courante ; nous avons tous commencé à bégayer, à épeler, sur les genoux maternels. C'est la fonction des éducateurs d'apprendre la terminologie scientifique, artistique, philosophique, littéraire. C'est la fonction de l'Eglise d'apprendre les vocables, les tournures, les constructions, de la langue religieuse... Je ne m'étonne plus que la Dame se soit faite la pieuse et patiente éducatrice de Bernadette. Il fallait que l'enfant, appelée à une vocation spéciale, fût capable, dans ses rapports avec Dieu, de s'exprimer selon les besoins de son intelligence et de son cœur. Et la Vierge lui distillait les mots propres ; et, pour être mieux comprise, elle se servait du patois pyrénéen. Il est facile de deviner le succès d'une telle méthode pédagogique, employée par une telle institutrice...

La Dame apprit une prière à Bernadette, afin de lui apprendre à s'élever pour se détacher. C'est le rôle de l'éducation de nous meubler de connaissances, d'idées, de sentiments, pour le fond, et de mots pour la forme. Or, en nous munissant de ce double bagage, l'éducation élève. Les sujets de l'éducation se nomment des élèves ; dans l'ensemble, les meilleurs élèves sont les mieux élevés. Moyen primordial d'éducation religieuse, la prière est, par excellence, une élévation : elle élève jusqu'à Dieu. Les chrétiens les mieux élevés sont ceux qui prient le mieux... Or, en s'élevant, on se détache nécessairement, et en se détachant, on conquiert une liberté plus grande. Plus élevé que tous, puisqu'il atteint par son ascension dans l'intimité de Dieu même, celui qui prie est le plus détaché et partant le plus libre...

Force était à Bernadette de se déprendre d'elle-même et du monde pour être plus à la hauteur de sa mission d'extatique, de témoin, d'apôtre. Et afin de réaliser en elle ce détachement indispensable, la Dame lui apprend à prier, c'est-à-dire à s'élever. Elle lui forge des ailes, et, de la sorte, lui assure, avec les joies de l'âme parmi les tristesses qui l'attendent, les libertés du cœur en vue des menaces d'asservissement dont elle sera l'objet... La Dame apprit une prière à Bernadette, afin de lui apprendre à s'unir à Dieu pour se sanctifier. C'est le but de la prière. On s'humilie devant Dieu en se connaissant ; on se fait écouter de Lui en s'exprimant ; on s'élève jusqu'à lui en se détachant. Pourquoi ? Pour arriver à s'unir amoureusement à lui en se sanctifiant. La sanctification est l'union amoureuse de l'âme avec Dieu, de Dieu avec l'âme, et il n'est point d'union possible sans prière.

Or, les degrés de sanctification varient selon l'afflux des grâces auxquelles on correspond et la dignité de la vocation à laquelle on est appelé : de grandes grâces accompagnent une grande vocation ; une grande vocation requiert une sanctification égale. Donc, pour monter en sainteté, il faut monter en ferveur, en valeur de prière. Bernadette, élue d'une vocation à part, avait besoin d'une sanctification spéciale, et cette œuvre de sanctification, elle ne la pouvait accomplir dans sa plénitude et ses nuances, qu'en devenant toute sainte en son âme et son corps. De là, pour elle, une plus impérieuse nécessité de la prière : de là, la leçon que lui donne la Vierge...

 

Examen

 

Avez-vous remarqué la simplicité de Bernadette ? Sans souci de la foule qui la regarde, elle prend naturellement son chapelet et se met à prier.... Que voilà bien la caractéristique du vrai Surnaturel ! On s'occupe de Dieu avant tout, avant tous... Est-ce là notre attitude à l'église, chez nous, quels que soient nos voisins et voisines ?... Nos yeux nous perdent trop souvent. La curiosité, la vanité, la sensualité les ouvrent, quand la prière les devrait tenir clos.... On ne nous reconnaîtrait bientôt plus, si nous pratiquions, en priant, la modestie des yeux.... En outre des prières communes que nous avons apprises ou que nous lisons dans les livres, adressons nous à Dieu des prières personnelles qui soient la traduction exacte de nos sentiments, le cri actuel de nos besoins ?... Ainsi priaient tous les malades, tous les pécheurs dont l'Evangile cite les paroles ... Ils se racontaient eux-mêmes, au lieu de parler par la bouche des autres.... On n'est pas assez soi dans ses rapports oraux avec Dieu. Bernadette, grâce à la Dame, fut elle...

A force de répéter les mêmes prières le matin et le soir, si nous sommes de ceux qui les font, ne les estropions-nous pas, surtout quand nous les disons en latin ?... Dieu se charge sans doute de toutes les interprétations, aucune mutilation verbale ne le peut embarrasser dans la compréhension des textes fabriqués par les hommes... Mais il est assez grand pour mériter, peut-être, que nous nous exprimions aussi correctement que possible avec lui... Nous prions pour recouvrer la santé, pour gagner de l'argent dans quelque entreprise ou quelque loterie, pour réussir en quelque projet de mariage ou autre affaire importante.... Tout en faisant de la prière un plaidoyer, en faisons-nous par dessus tout ce qu'elle doit être essentiellement : un colloque avec Dieu, une élévation, une union amoureuse ?... Bien peu savent prier !...

 

Prière

 

O Notre Dame, apprenez-nous la science, inspirez-nous la passion de la prière.... Modèle des parents, des maîtres et maîtresses d'école, dans votre leçon de prière à Bernadette, faites comprendre et pratiquer aux pères et mères ce grand devoir religieux qu'ils ont par trop négligé envers leurs enfants, et suscitez parmi nous, s'il en est temps encore, des éducateurs et des éducatrices qui, tenant tête glorieusement aux exigences des programmes devenus si variables, foulent aux pieds les questions de boutique et d'amour-propre, et placent la Religion invariable au-dessus des brevets et autres passeports des carrières uniquement laïques.... Avant d'être homme, femme, ou mieux, pour être homme, femme, il faut être chrétien. Qu'on rende à César ce qui est à César, mais qu'avant tout on rende à Dieu ce qui est à Dieu : Dieu se charge de prendre ce qu'on ne lui rend point...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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7 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Huitième jour

Extase et troubles diaboliques

 

« Bernadette se mit à genoux, éleva son chapelet à la hauteur du front et se marqua d'un beau signe de croix. Un moment après, le monde matériel n'existait plus pour elle, et son âme ravie était plongée dans les délices de la contemplation. Des sourires ineffables illuminaient son visage, des courants de joie céleste faisaient tressaillir tout son être ». L'état de grâce, à plus forte raison l'état extatique, donne à la figure des chrétiens des sourires, des reflets à part. Allez en pays protestant : vous serez frappé de l'expression morne des visages. N'avez-vous point remarqué, au contraire, l'épanouissement des vierges, des femmes et même des hommes, dans nos paroisses encore pratiquantes, les jours de fête et surtout de communion pascale ?

La mère et la tante avaient déjà entendu faire le tableau de ce qu'était Bernadette à la Grotte. Leur imagination ne s'était pas élevée à l'idéal des sublimes réalités qui les attendaient. Quand elles virent la voyante sous les rayonnements de l'extase, le corps penché en avant comme pour s'envoler, elles furent saisies d'un tremblement nerveux, et la mère de s'écrier : « O mon Dieu, je vous en conjure, ne m'enlevez pas mon enfant ». C'était le cri de la nature ! Elle est sujette à ces affolements. Très attachée à la terre, elle a toujours peur que la terre ne lui échappe. Que n'est-elle plus clairvoyante ? Elle comprendrait que le Surnaturel, en enlevant, élève ; qu'en tuant, il vivifie. La Mort vient d'en bas, la Vie, d'en haut. Les parents mondains ne veulent, à aucun prix, de la vocation sacerdotale ou religieuse pour leurs fils ou leurs filles, et ils consentent de gaieté de cœur à ce que le monde leur enlève, pour les dégrader, ceux et celles que Dieu, à qui ils les refusent, transfigurerait... Heureusement, la nature n'est point seule à émettre son suffrage.

Une autre voix, celle d'une assistante disait en même temps : « Oh ! qu'elle est belle ! » C'était le cri de la grâce ! Et la grâce, ici comme toujours, avait raison. La vraie beauté n'est point celle du corps qu'exagère le prisme des sensualités ; c'est celle de l'âme perçue à la lumière précise de la foi. Au milieu des laideurs morales qui nous environnent, il faudrait qu'on pût dire de l'âme de chacun de nous : « Oh ! qu'elle est belle ! » Les sociétés, pour vivre, ont besoin, plus qu'on ne pense, de mystiques beautés...

Des larmes d'attendrissement montèrent à tous les yeux : on se mit à prier dans un silence admirable. Bernadette demeura dans le ravissement environ une demi-heure ; cette demi-heure parut un siècle au cœur anxieux de la mère et de la tante ; ce ne fut qu'un éclair, mais un éclair échappé des demeures célestes pour les autres personnes présentes à cette scène. La voyante revint de son extase en se frottant les yeux et comme accablée sous le poids de son bonheur. Heureuse, elle se rapprocha affectueusement de sa mère et de sa tante, qui la reçurent dans leurs bras avec une inexprimable tendresse. Toutes trois, elles remontèrent la pente escarpée de Massabielle au milieu des femmes qui avaient suivi au départ. Celles-ci entouraient Bernadette de mille égards et se répandaient en admiration sur ce qu'elles avaient vu. Chemin faisant, Bernadette raconta que la Dame s'était montrée satisfaite de sa fidélité à revenir à la Grotte.

En cette quatrième Apparition, la Dame témoigna donc, d'abord, sa satisfaction. Elle était contente de la fidélité de l'enfant. Rien ne lui plaît davantage que la fidélité. Elle la considère comme la pierre de touche de l'amour. Un sursaut, un bond de cœur, peut être de la passion, de la frénésie, du dévouement, de l'héroïsme. Mais ce n'est là que l'accident de l'amour. Sa substance, sa force, son charme intime, est dans ce qui dure sans altération d'âme : dans la fidélité. Et Bernadette était fidèle. Et elle plaisait ainsi à la Dame, et la Dame le lui disait. Quelle joie !... Par nous-mêmes nous ne pouvons rien, et nous avons cependant le pouvoir de faire plaisir à la Vierge admirable, à l'être infini : Dieu. Faire plaisir à la terre, c'est le secret des âmes passionnées ou délicates ; faire plaisir au Ciel, c'est le secret des Saints.

Bernadette raconta, en outre, que la Dame lui avait dit que, plus tard, elle aurait des révélations à lui faire. En cette quatrième Apparition, la Dame, qui avait témoigné sa satisfaction, révéla donc aussi sa sagesse. Nous sommes pressés, surtout en ce siècle de vitesse folle. L'art des nuances, la science des gradations, nous font de plus en plus défaut, la Vierge très prudente ne nous ressemble point. Elle a le temps pour auxiliaire de ses projets : par le miroitement de révélations ultérieures, elle pique la curiosité de Bernadette, elle la tient en haleine, elle laisse mûrir en cette enfant les fruits du Surnaturel, et cette maturation qu'en toutes choses, matérielles ou spirituelles, rien ne supplée, la prépare, lentement mais sûrement, au prochain accomplissement de sa mission.

Bernadette parla encore d'un fait étrange qui s'était produit durant la vision. Pendant qu'elle était en prière, dit-elle, un tumulte de voix sinistres paraissant sortir des entrailles de la terre était venu éclater au-dessus des eaux du Gave ; ces voix s'interpellaient, se croisaient, se heurtaient, comme les clameurs d'une foule en querelle. L'une de ces voix, dominant les autres, avait crié d'une manière stridente et pleine de rage : « Sauve-toi ! Sauve-toi ! » A ce cri qui ressemblait à une menace, la Dame avait levé la tête et froncé le sourcil en regardant vers la rivière. Sur ce simple mouvement, les voix s'étaient prises d'épouvante et avaient fui dans toutes les directions. Les auteurs de ce vacarme et de ces insolences étaient sans nul doute les démons survenus en ces parages avec la permission de Dieu. Leur flair, étonnamment subtil, leur faisait pressentir quelque prochain coup d'éclat du Surnaturel en ce coin des Pyrénées ; et, n'étant pas fixés sur l'identité de la Dame, lions féroces, ils rugissaient. Selon toute probabilité, c'est le chef de la troupe diabolique qui, plus haineux que les autres, venait de signifier à la Dame, par un cri plus rageur, de se sauver. Mais celle qui apparaissait, dans l'anfractuosité de la roche, « fraîche comme l'aurore, belle comme la lune, pure comme le soleil », était aussi « terrible comme une armée en bataille ». Un regard, un changement de physionomie, un froncement de sourcil lui avaient suffi pour réduire au silence et disperser l'attroupement mystérieux. Ainsi, ayant témoigné sa satisfaction, révélé sa sagesse, la Dame en cette quatrième apparition manifestait-elle sa puissance...

 

Examen

 

Avons-nous une expression de visage qui raconte la sérénité de notre foi, la ferveur de nos prières, la pleine possession de notre âme, qui soit comme un texte vivant d'Evangile, comme une apologie vécue de christianisme ?... On a, pour un observateur perspicace, la figure de son âme... Des sourires illuminaient le visage de Bernadette en prière.... N'avons-nous pas peur des enlèvements de la grâce ? On ne se donne à Dieu qu'à demi par crainte d'être pris en entier : la nature, avare de son autonomie, redoute les concurrences, les mainmises de la grâce.... Il est rare qu'on se trouve trop intelligent, trop honoré, trop riche, trop bien portant.... Par peur de l'emprise surnaturelle, on se trouve presque toujours suffisamment saint... ou l'on préfère, pour échapper aux ennuis du contrôle, ne se point regarder à ce divin miroir, ne se point peser à cette inquiétante balance.... « O mon Dieu, je vous en conjure, ne m'enlevez pas mon enfant », disait la mère Soubirous...

Tout comme les mondains et les mondaines, ne nous laissons-nous pas prendre aux apparences trop sensibles, aux formes matérielles ?... Pour nous, la vraie beauté réside-t-elle dans la pureté de l'âme... « Oh ! Qu'elle est belle ! », disait une assistante. Réservons-nous ce suffrage aux splendeurs d'âme opérées par la grâce ?... Dans notre paroisse, méritons-nous, par nos assiduités aux offices, par notre contribution généreuse aux frais du culte, par l'édification de nos exemples et la promptitude de notre dévouement, le titre de fidèles ?... Hélas ! Que d'infidèles parmi les catholiques de nos paroisses !... On fait plaisir aux créatures... on se fait plaisir à soi-même.... Où sont ceux, celles qui font plaisir à l'Eglise, à la Dame, à Jésus, à Dieu ?...

Sommes-nous des amis de la sage lenteur qui produit, pour le bien, des fruits mûrs en leur temps... Réprimons-nous la mobilité de nos idées, la perpétuité de nos mouvements enfantins ?... La Vierge ne dit pas tout, dès la première entrevue à Bernadette : elle lui annonça, pour plus tard, les révélations plus importantes... Savoir attendre et, sans injustice ni indélicatesse, savoir faire attendre, surtout ceux qui sont jeunes et chez qui la griserie de l'arriviste peut être si néfaste : quel art !... Ne sommes-nous point de ces naïfs qui étonnent, déconcertent et découragent les fréquentes tentations du Démon ?... Le Démon n'est pas un être imaginaire, c'est un être réel. Entre les âmes, il déteste principalement celles qui sont dévotes à la Vierge.... Enfants de Marie, attendez-vous donc à être plus fréquemment, plus violemment tentés... Mais ne vous effrayez point... Invoquez la Dame : « Elle fronça le sourcil et la troupe infernale s'enfuit épouvantée »...

 

Prière

 

O Notre Dame, donnez-nous une expression de figure chrétienne, un courage chrétien, une beauté chrétienne... Rendez-nous fidèles à la grâce, à notre règlement particulier, à tous nos devoirs de paroissiens.... Enseignez-nous à penser avec réflexion, à parler avec prudence, à agir avec sagesse.... Le bien aimé Pie IX disait : « L'enfer est en réparation, tous les diables sont dehors ». On raconte, est-ce vrai ?, qu'apparaissant naguère dans une loge maçonnique, le démon aurait dit : « Faites vite, car la Femme de la montagne pourrait vous empêcher d'aboutir ». La Femme de la montagne, c'est vous, ô Femme du calvaire, Dame de Lourdes ! Froncez le sourcil, jetez un regard de colère sur les esprits malins qui ont trop longtemps vagabondé dans le monde pour y accumuler des ruines, et, sans plus tarder, faites-les rentrer tous dans l'abîme infernal...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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6 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Septième jour

Le Conseil de famille

 

« Dès que Mademoiselle Millet et Antoinette Peyret eurent disparu, Bernadette fit connaître à ses parents les paroles recueillies de la bouche de la Dame et l'engagement pris par elle de revenir pendant quinze jours à la Grotte. En entendant cette dernière communication, les époux Soubirous tombèrent dans un trouble indéfinissable. Jusque là ils avaient pensé que les yeux de l'enfant se laissaient éblouir à la Grotte par quelque forme vaporeuse plus ou moins brillante, mais que cette forme finirait par s'évanouir, comme s'évanouissent, dans les hauteurs de l'espace, les figures fantastiques créées par les nuages. Les nouveaux renseignements apportés par la voyante renversaient toutes leurs hypothèses. Ce quelque chose de vague, d'indécis, qu'ils avaient entrevu par leur imagination était un être réel, vivant, ayant une volonté propre et parlant comme l'un d'eux. Maintenant, et ici commençait leur embarras, à quelle catégorie d'esprits fallait-il rattacher la personnalité immatérielle, et toutefois sensible, qui se montrait à Massabielle ?

Aux traits resplendissants de la Dame décrite par Bernadette, à la nature des promesses qu'elle faisait, le père et la mère de l'enfant croyaient reconnaître la Reine du Ciel. Mais ils repoussaient bien vite cette pensée comme présomptueuse, et se confondaient dans leur néant. Ils se prenaient ensuite à examiner l'idée conçue par Antoinette Peyret, c'est-à-dire la possibilité d'une apparition, sous une forme humaine, d'une âme du purgatoire. Mais la sérénité de l'être mystérieux ne semblait pas se concilier avec l'expression d'une personne qui souffre. Puis, une âme du purgatoire serait-elle venue sans but à la Grotte ? Pourquoi cette âme n'aurait-elle pas formulé ses désirs, ses prières, au moment où elle y était expressément conviée ? La présence d'une âme du purgatoire sur le rocher de Massabielle, ne paraissait donc pas probable aux Soubirous.

Un troisième aspect de la question jetait ces derniers dans une espèce de saisissement qui approchait de l'épouvante. Sans doute la Dame de la Grotte se présentait sous des dehors pleins de charme et de bénignité ; sans doute elle portait sur elle un objet religieux qui fait la terreur de l'enfer ; sans doute elle donnait des promesses qui, par leurs restrictions mêmes, rappelaient les promesses évangéliques. Mais à tous ces beaux semblants, à toutes ces belles assurances, pouvait-on se fier ? L'esprit du mal n'est-il pas capable de toutes les fourberies et de tous les mensonges ? En dehors de ces sujets de crainte, ne demeurait-il pas encore d'autres points noirs à éclaircir ? Que signifiait le silence de la Dame à l'égard de son nom ? Entrevoyant d'un côté la lumière et d'un autre les ténèbres, les époux Soubirous étaient en proie aux incertitudes les plus inextricables. Ils se sentaient enveloppés de surnaturel, et ce surnaturel, ils n'osaient ni l'accueillir, ni le combattre. Les braves gens arrivaient à la question finale sans pouvoir la résoudre : devaient-ils, ne devaient-ils pas autoriser Bernadette à retourner à la Grotte ?

Voyez-vous la maison de Bernadette devenue soudain comme une petite annexe de l'antique Sorbonne ? On y tient école de haute théologie ; on y envisage le cas sous toutes ses faces, on en fait, avec le scalpel d'un gros bon sens, l'anatomie savante : le mari et la femme s'y improvisent théologiens. Des grâces d'état les éclairaient sans doute, à leur insu ; il fallait néanmoins qu'ils offrissent à l'action de Dieu l'apport d'un jugement rare et d'une religion profonde, pour déployer tant de discernement en une semblable dissection. Voilà ce que faisait jadis le Christianisme chez les ignorants de la classe ouvrière : il mettait de la rectitude dans les cerveaux, de la modération dans les appétits, de l'honnêteté dans les cœurs ! Que les transformateurs modernes en fassent autant !

Dans les conjonctures un peu difficiles, les Soubirous ne manquaient jamais de consulter la tante Bernarde, la marraine de leur fille, et il était rare que son avis ne fût pas adopté. Au cours de la journée du 18 février, la mère de la voyante alla trouver sa sœur aînée pour lui faire part de ses perplexités. Bernarde écouta, mais elle ne voulut donner aucun conseil avant d'avoir réfléchi. Le soir, à la veillée, elle se présenta chez les Soubirous, et leur dit que son opinion était faite et qu'elle ne voyait pas de motif sérieux pour empêcher Bernadette de se rendre à l'invitation de la Dame. « Si la vision, fit-elle observer, est de nature céleste, nous n'avons rien à redouter ; si ce n'est qu'une supercherie diabolique, il n'est pas possible que la Vierge laisse tromper une enfant qui se confie à elle avec tout l'abandon de son innocence. Au surplus, ajouta Bernarde, il est un tort que nous nous sommes déjà donné : c'est celui de n'être pas allés nous assurer par nous-mêmes des faits qui s'accomplissent à Massabielle. Il est nécessaire que cette démarche se fasse ; puis, selon ce que nous aurons observé, nous déciderons de la conduite qu'il conviendra de tenir ».

C'était parler d'or. Il serait difficile d'entendre, à la veillée, dans les chaumières contemporaines, propos marqués au coin de plus de finesse d'esprit et de justesse d'observation. En désapprenant la Religion, le peuple n'a guère fait que s'abrutir... Déférant à la manière de voir de la tante Bernarde, la mère Soubirous et sa fille sortaient, le lendemain 19 février, au point du jour, de leur domicile des Petits-Fossés et se dirigeaient, enveloppées dans leurs capulets, vers la rue du Baous. Elles prirent en passant la tante Bernarde, puis, sans proférer une parole, les trois femmes, Bernadette au milieu, s'acheminèrent vers les bas-fonds du Gave.

 

Examen

 

Initions-nous nos parents aux desseins de Dieu sur nous quand ces desseins, nettement perçus, sagement analysés, sont une invitation à une vie plus parfaite, à une vocation plus haute ?... Que d'âmes appelées à rester vierges dans le monde, à devenir religieuses dans les cloîtres, manquent leur vocation, gâchent leur vie, pour ne s'être point ouvertes en famille, respectueusement mais carrément, sur l'appel divin !... Aide- toi, le Ciel t'aidera.... Bernadette fit connaître à ses parents les paroles de la Dame.... On en est arrivé, dans les foyers chrétiens, à ne plus oser parler de Jésus-Christ.... La pluie, le beau temps, la politique, les questions d'argent, la chronique du quartier, offrent bien plus d'attraits...

Admirez-vous l'humilité des Soubirous repoussant la pensée de l'apparition de la Vierge comme présomptueuse et se confondant dans leur néant ?... Seul l'orgueil, issu de la Révolution, pouvait multiplier avec ses crédulités niaises, comme il l'a fait parmi le peuple, la race des jobards et des gobeurs... Admirez-vous aussi la souplesse intellectuelle, la pondération de jugement, la droiture d'âme dont font preuve le père et la mère de Bernadette en disséquant le cas, exposé par leur fille, à leur façon ? Les prétendus intellectuels auraient haussé les épaules, ricané, et, en dépit de leurs lumières, n'auraient rien compris du tout.... Qu'elle est belle la Religion qui affine à ce point le bon sens des ouvriers !... O peuple, redeviens religieux pour redevenir clairvoyant !...

Admirez-vous encore l'union qui règne dans la famille Soubirous ?... On s'y défie de soi, on va chercher la tante, on la consulte comme un oracle, on lui obéit comme à une envoyée de Dieu.... Les tantes, celles qui sont dignes de ce nom, du moins, quelles sympathiques figures ! Quels services, quand elles sont vertueuses, ne rendent-elles pas !... On connaît la réponse de Racine à Madame de Maintenon lui promettant de dissiper un nuage survenu contre le poète dans la tête et le cœur du Roi et de ramener ainsi le beau temps : « Non, non, Madame, lui dit-il, vous ne le ramènerez jamais pour moi. Et pourquoi avez-vous une pareille pensée ? Doutez-vous de mon cœur ou de mon crédit ? Je sais, Madame, quel est votre crédit, et je sais quelles bontés vous avez pour moi. Mais j'ai une tante qui m'aime d'une façon bien différente. Cette sainte fille demande tous les jours à Dieu pour moi des disgrâces, des humiliations, des sujets de pénitence, et elle aura plus de crédit que vous »... Les tantes ne rendent pas que ces services, appréciés des chrétiens robustes seulement : elles en rendent d'autres, très nombreux, dans l'ordre temporel.... Heureux ceux à qui Dieu ménage, surtout dans les conjonctures difficiles, l'intervention d'une tante judicieuse, délicate, dévouée, sainte...

La sortie de la tante Bernarde, de la mère Soubirous et de Bernadette au point du jour ne vous dit-elle rien ? Leur silence absolu en route est-il pour vous sans éloquence ?... A quelle heure, tardive peut-être et inégale, nous levons-nous ?... Il fait si bon, pour l'hygiène de l'âme plus que du corps, se lever de bon matin !... Dieu tient tant aux prémices !... Le Démon trouve tant son compte à nous attarder paresseusement dans notre lit !... Les Saintes Femmes allèrent au tombeau de Jésus à la pointe du jour.... La matinée avance la journée, dit-on.... Le lever matinal, le silence matinal, donnant plus de temps et favorisant la méditation, préparaient jadis les serviteurs et les servantes, les ouvriers et les ouvrières, à l'audition de la Messe quotidienne, et en faisaient comme des moines et des moniales dans le monde... Heureux temps, qui existent encore dans les nations chrétiennes, qu'êtes-vous en France devenus ?...

 

Prière

 

O Notre-Dame, mettez sur nos lèvres, dans nos conversations en famille, les paroles les plus propres à sanctifier nos parents et à promouvoir l'oeuvre de notre sanctification personnelle.... Suscitez aussi, dans les circonstances où de graves décisions s'imposeront à nous, des conseillers et des conseillères qui, comme les parents et la tante de Bernadette, nous éclairent de leur bon sens, nous échauffent de leur foi, nous accompagnent de leurs prières et nous amènent jusqu'à vous.... On vous invoque comme l'étoile du matin : inspirez-nous le dégoût du désordre, des retards sans excuse, des honteuses paresses, dans notre lever ; aidez-nous à utiliser saintement, par la mortification de la nature, par le recueillement et la méditation, les premières minutes matinales, et conduisez-nous, quelles que soient les rigueurs de la saison et même la longueur des distances, pour l'assistance quotidienne à la messe, la grande Apparition divine, à l'autel de Jésus !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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5 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Sixième jour

Demande de la Dame et Promesse

 

Et la Dame, ayant paru ensuite réfléchir un moment, ajouta : « Voulez-vous avoir la bonté de venir ici pendant quinze jours ? » Seconde parole : elle contenait une demande. Demande réelle : « Voulez-vous ? » Tel est le respect de Dieu pour notre volonté, dont il a fait la collaboratrice de ses vouloirs sur nous, pour ce qui se réfère à notre sanctification, que la Dame fait appel, d'abord, à la volonté, au libre arbitre de Bernadette. Elle aurait certes pu intimer un ordre, surtout à une fille de meunier, à une enfant ; elle formule une demande : « Voulez-vous ? »

Demande délicate : « Voulez-vous avoir la bonté ? » ou, selon une variante admise, parfois, dans la traduction de Bernadette : « Voulez-vous me faire la grâce ? » Peut-on rien concevoir comme forme de demande ! La volonté a été respectueusement consultée ; le cœur s'imprègne maintenant de bonté de grâce. La conversation de personnes bien élevées est un des plus grands charmes de société, ici-bas. Que doivent donc être les conversations du Ciel ? Nous en percevons un écho, par Marie : « Voulez-vous avoir la bonté, me faire la grâce ? » Vous qui aimez la Vierge, imitez son langage ; et qu'aucune parole maladroite n'éloigne jamais de vous ceux, si petits soient-ils, que vous avez le devoir d'édifier et convertir !

Demande particulièrement réjouissante : « Voulez-vous avoir la bonté de venir ici pendant quinze jours ? » Ainsi énoncé, l'objet inattendu de la demande apportait à Bernadette une double joie de précision et de durée. Rien ne paralyse comme l'incertitude, l'imprécision de ce qu'on a à faire, lorsqu'on voudrait s'employer pour Dieu ; rien aussi ne désenchante comme la rapidité des moments d'union plus intime avec le Surnaturel. Et Bernadette, maintenant, connaissait son devoir : « venir » ; et elle savait où le remplir : « ici ». Et cela durerait quinze jours ! La Dame me veut ici, devait-elle se dire à elle-même ; donc, ma mère ni personne ne pourra s'y opposer.... Quel apaisement dans son âme, quelle perspective de céleste bonheur !....

« Qu'as-tu répondu ? » lui demanda Antoinette Peyret. « J'ai répondu que oui ». « Mais pourquoi la Dame veut-elle que tu viennes ? » « Je l'ignore, elle ne me l'a pas dit ». « Mais, reprit à son tour Madame Millet, pourquoi nous as-tu fait signe de reculer quand nous étions tout à l'heure après toi ? » « Pour obéir à la Dame ». « Ah ! Soupira avec inquiétude Madame Millet, de grâce, Bernadette, demande-lui si ma présence ici ne lui serait pas importune ». Bernadette leva les yeux vers le haut du rocher, puis se retournant : « La Dame répond : « Non, sa présence ne M'est pas désagréable ». La voyante se remit à prier et avec elle les deux femmes. Dans cette seconde partie de l'Apparition, Madame Millet et Antoinette Peyret remarquèrent que Bernadette interrompait souvent sa prière pour se livrer à un colloque intime avec la Vision. Une heure se passa ainsi, puis tout disparut. Dès que Bernadette fut sortie de la Grotte, Madame Millet et Antoinette Peyret lui demandèrent si elle n'avait pas reçu de nouvelle communication de la Dame : « Si, répondit l'enfant, mi-attristée, mi-joyeuse ; elle m'a dit : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde, mais dans l'autre ».

Troisième parole : elle contenait une promesse. La dévotion à la Sainte Vierge a toujours été considérée comme un signe certain de pré-destination : « Enfant de Marie, dit l'adage ascétique, enfant du Paradis ». La Dame, pour rafraîchir cette conviction chez les chrétiens et chrétiennes modernes, tant oublieux de leur Salut, promet à Bernadette de la rendre heureuse non en ce monde, mais dans l'autre. Et les promesses de la Dame ne sont ni décevantes ni ruineuses, comme celles des hommes qui promettent tout et ne tiennent rien, soit qu'ils ne puissent ou ne veuillent plus. Il y a un autre monde dont celui-ci est le portique ; et c'est de l'autre monde, du monde de l'éternité bienheureuse, que d'ores et déjà, par nos aspirations et nos œuvres, nous devons faire partie. Mais qui pense à ce monde futur, aujourd'hui que la matière triomphante a jeté son voile sur les yeux de l'Esprit ? De n'y penser point ne le supprime pas. Il existe, et il sera le grand réformateur...

« Puisque la Dame consent à te parler, reprirent les femmes, pourquoi ne lui demandes-tu pas son nom ? » « Je l'ai fait ». « Eh bien ! Qui est-elle ? » « Je l'ignore ; elle a baissé la tête en souriant, mais elle n'a pas répondu ». La révélation du nom était une grâce qu'il fallait mériter. Elle se ferait plus tard.... Bernadette fut reconduite dans sa famille. Comme la meunière Nicolau, Madame Millet et Antoinette Peyret dirent à la mère : « Ah ! Que vous êtes heureuse d'avoir une pareille enfant ! »

Rien de plus vrai. La mère Soubirous, en proie à mille perplexités, n'appréciait peut-être pas alors tout son bonheur. Il était grand cependant. Mère, elle avait le bonheur de l'élection de sa fille par la Dame, supérieure à toutes ; chrétienne, elle avait le bonheur de la coopération directe à l'oeuvre sainte de la Grotte, par ses conseils, ses autorisations et ses souffrances ; femme, elle avait le bonheur de l'illustration même temporelle de son nom par les divulgations prochaines de la Renommée et de l'Histoire. Mais quand on est heureux, on a besoin de se l'entendre dire pour s'en bien pénétrer. Voilà pourquoi je me plais à dire à vous qui venez au Mois de Marie et servez la Vierge : « Vous êtes heureux, heureuse, de pouvoir jouir des intimités de la Dame. Comprenez votre bonheur ».

 

Examen

 

Connaissons-nous les vouloirs spéciaux de Dieu, de la Vierge, sur nous ?... On les connaît par les poussées de la grâce vers tel sacrifice ou telle action, par les élancements du cœur, par les incitations de la conscience, par les impasses auxquelles nous acculent les événements, par les indications de notre confesseur.... Répondons-nous : « Je veux », par un intelligent libre-arbitre, afin de ne pas être obligés, au jour de notre mort, de le dire par nécessité inexorable, alors que Dieu, ne nous demandant plus notre avis, nous dira d'un ton qui ne souffrira ni réplique ni délai : « Je veux ? »... Ouvrons-nous notre cœur, plus encore que notre esprit, aux désirs divins, aux ordonnances divines, mettant de la coquetterie à avoir toutes les bontés pour Dieu, à lui faire toutes les grâces, car ce qu'il regarde dans les œuvres c'est avant tout le cœur.... Bernadette répondit oui.

Ne sommes-nous point de ceux qui commencent avec entrain le mois de Marie, mais qui, avant la première quinzaine ou la fin de la seconde, ne remettent plus les pieds à l'église, non parce qu'ils sont retenus chez eux par la maladie ou les affaires, mais parce que rien ne leur plaît tant que l'inconstance, rien ne leur pèse plus que la continuité ?.... Sommes-nous bien convaincus que notre présence est fort agréable à Marie, à condition que dans ses sanctuaires nous sachions la prier avec ferveur et prendre des résolutions qui provoquent chez nous l'imitation plus parfaite de ses exemples et de ses vertus ?... Tout culte doit rendre imitateur.... Pensons-nous souvent au bonheur sans mélange ni terme qui nous attend au Ciel ?... Ne cherchons-nous pas plutôt être heureux sur cette terre, à la façon des mondaines et des mondains : désirant les richesses, les honneurs, les plaisirs qui deviennent si facilement des causes d'éternelle damnation ?...

Tout en ayant, je le veux supposer, une vraie dévotion intérieure à la Très Sainte Vierge, savons-nous faire pour elle, extérieurement, des sacrifices de toilette, par la simplicité de mise qui convient à des Enfants de Marie ?... Que de jeunes filles refusent aujourd'hui de s'habiller de blanc, de porter le voile virginal ! Si encore c'était pour économiser, elles pourraient être excusables. Mais elles ont peur de ne pas être assez belles, assez élégantes, pendant quelques heures, aux yeux du monde : des robes, des chapeaux, à la dernière mode, cadrent mieux avec leurs goûts de vanité qu'elles amalgament avec des airs et des pratiques de religion. Car à notre époque, par une anomalie tristement caractéristique, les personnes honnêtes ont la manie de se vêtir souvent comme celles qui ne le sont pas, afin de paraître, dirait-on, avoir quelque relent de légèreté ou de vice ; et celles qui ne sont pas honnêtes recourent à tous les vernis de l'hypocrisie pour reproduire les dehors de celles qui le sont.... C'est le monde renversé !.. La Dame plus belle, plus élégante que toutes, j'imagine, ne se montra pas si difficile : elle apparut à la Grotte tout juste avec le costume : robe blanche et ceinture bleue, admis dans l'association des Enfants de Marie à la paroisse de Lourdes, et elle consacra de la sorte, en l'irradiant d'une N'estimez-vous pas qu'une telle leçon de toilette ne devrait point passer inaperçue ?... 

 

Prière

 

O Notre-Dame, nous voulons avoir la bonté, vous faire la grâce de venir dans votre sanctuaire, non pas seulement pendant quinze jours, mais durant tout ce mois, qui n'aura que le tort très grand d'être trop court. Veuillez, en revanche, avoir la bonté, nous faire la grâce de nous promettre, comme à Bernadette, le bonheur du Paradis. « Salut, César, ceux qui vont mourir te saluent », disaient dans l'arène fatale les gladiateurs de Rome. Salut, disons-nous aussi, aux richesses, aux honneurs, aux plaisirs tyranniques : les enfants de la Vierge, uniquement épris des biens du Ciel, regardent la mort prochaine comme une libératrice, et ne vous accordent qu'un salut de pitié....

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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4 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Cinquième jour

Le papier et la plume

 

L'événement accompli pour la seconde fois à la Grotte s'ébruita dans Lourdes : les jeunes filles qui s'étaient séparées de Bernadette au moulin de Savy en parlèrent. On rit généralement du caquetage, on les traita de petites folles. Cependant deux personnes pieuses, Madame Millet et Antoinette Peyret qui faisait partie de la congrégation des Enfants de Marie établie dans la paroisse, prirent la chose au sérieux et, dans la journée du mercredi 17 février, décidèrent, pour s'éclairer à ce sujet, de se rendre, à la tombée de la nuit, au domicile des Soubirous.

« Elles se présentèrent juste au moment où Bernadette sollicitait de sa mère l'autorisation de retourner une troisième fois à la Grotte. Encore sous le coup des impressions reçues le dimanche précédent, la mère ne voulait pas renouveler ses alarmes et adressait à sa fille une sévère mercuriale. A la vue des deux visiteuses, elle s'arrêta un peu confuse, mais elle ne put cacher ni s'empêcher de dire le motif de son irritation. Madame Millet et Antoinette Peyret furent presque heureuses d'arriver en cette conjoncture ; elles s'employèrent à calmer la mère, à lui démontrer que ses craintes étaient exagérées. Elles appuyèrent ensuite la demande de Bernadette, et, plaidant autant pour elles-mêmes que pour l'enfant, elles firent remarquer qu'il y avait plus de danger à combattre ce désir qu'à le favoriser. Enfin elles s'engagèrent à accompagner Bernadette à la Grotte et à lui servir de protectrices ». L'opposition maternelle cessa. Le lendemain, jeudi 18 février, avait lieu la troisième Apparition.

« Avant le jour, afin de ne pas attirer l'attention des curieux, Madame Millet et Mademoiselle Peyret vinrent frapper discrètement à la porte des Soubirous, et Bernadette sortit avec elles. Elles avaient à peine fait quelques pas dans la rue, quand les cloches de la paroisse annoncèrent une messe basse : elles entrèrent à l'église. La messe entendue, elles s'acheminèrent vers Massabielle ; peu de personnes les virent passer, car les maisons n'étaient pas encore ouvertes. Madame Millet tenait ostensiblement le cierge traditionnel bénit à la Chandeleur, cierge qu'elle faisait brûler dans sa chambre aux jours de fête de la Vierge ou à l'approche des gros orages. Antoinette Peyret cachait de son côté sous les plis de son grand capuchon noir des Pyrénées une feuille de papier, une plume, de l'encre. Lorsqu'elles furent parvenues au sommet du mamelon de Massabielle, Bernadette, pressée d'arriver, laissa derrière elle ses protectrices et descendit rapidement vers la Grotte. Madame Millet et Antoinette Peyret, moins familiarisées avec le sentier, n'arrivèrent au bord du Gave que quelques minutes après la voyante. Elles trouvèrent cette dernière à genoux, récitant son chapelet, en face de la niche où pendait le buisson. Après avoir allumé le cierge bénit, les deux femmes imitèrent Bernadette et prirent leur chapelet. Le petit groupe agenouillé priait à voix basse depuis déjà quelques instants, lorsque la voyante jeta soudain un cri de joie : « Elle vient... La voilà ! » et Bernadette, frémissante de bonheur, inclinait en même temps la tête jusqu'à terre. Madame Millet et Madame Peyret se hâtèrent de porter leurs regards sur le rocher, mais hélas ! Pour elles rien n'y était changé.

« Bernadette était déjà en communication avec la céleste apparition. Elle priait et souriait tour à tour... Quand le chapelet fut récité, Antoinette Peyret dit à Bernadette en lui tendant le papier et la plume qu'elle avait apportés : « Demande, je te prie, à la Dame, si elle a quelque chose à nous communiquer et, dans ce cas, de vouloir bien le mettre par écrit ». La voyante fit trois ou quatre pas vers le rocher, puis comprenant sans se retourner que les deux femmes la suivaient, elle leur fit signe de la main de demeurer en arrière. Arrivée sous le buisson, Bernadette se haussa sur ses pieds et présenta le papier et la plume à la Vision. Elle demeura quelques instants dans cette attitude, regardant vers l'ouverture ogivale et paraissant écouter des paroles qui lui venaient du bout de la niche. Elle abaissa ensuite ses bras, fit une profonde inclination et revint à sa place première. Comme on le pense bien, le papier était demeuré blanc. Un peu attristée.

Antoinette Peyret se rapprocha de Bernadette et lui demanda ce qu'avait répondu la Dame. « Quand je lui ai présenté le papier et l'encre, elle s'est mise à sourire, puis, sans se fâcher, elle m'a répondu : « Ce que j'ai a vous dire, il n'est pas nécessaire que je le mette par écrit ».

Première parole de la Dame : elle contenait une triple leçon.

Leçon de respect. « Ce que j'ai à vous dire ». Elle lui disait vous. « La Vierge me dit vous », racontait-elle plus tard, en s'arrêtant à ce pronom, confuse et la tête baissée. Rien n'échappe aux enfants : ils saisissent bien vite la nuance des égards qu'on a pour eux. Ils nous mesurent à notre aune, d'après nos procédés à leur endroit. L'instinct de la dignité, affiné par l'amour-propre, leur donne des clairvoyances redoutables. Au foyer comme à l'école, les enfants ont perdu la majesté dont la Religion, pour protéger leur faiblesse, les avait recouverts : on les traite gentiment, sous maints toits, comme de petits animaux d'un dressage plus ou moins intéressant et long. Parents et maîtres ont besoin de se rappeler l'exemple de la Dame.

Leçon d'autorité doctrinale. « Ce que j'ai à vous dire, il n'est pas nécessaire que je le mette par écrit ». La Révélation, n'en déplaise à la Critique, vaut mieux que l'Histoire : elle en est la mère. Chez les individus comme chez les peuples, la pensée suggérée précède la parole, et la parole précède l'écriture. Les Livres Saints n'ont vu le jour qu'après que Dieu, qui les inspira au fur et à mesure de leur composition, a eu parlé à l'Humanité par des témoins spéciaux, et, plus tard, par le Verbe incarné. En dehors de nos Saintes Lettres, l'écriture, qui est une garantie en matière commerciale, est loin d'être toujours une certitude en Histoire. Plus d'une fois, le document authentique, passion des fouilleurs, réclame des fats, écueil des superficiels, doit renoncer à la prétention absolue d'apporter le rayon décisif.

Leçon de condescendance. « Ce que j'ai à vous dire ». Certaines grandes dames, moins grandes par leurs mérites que par leurs prétentions, le prennent de très haut, lorsqu'elles daignent adresser la parole à des inférieurs ou à ceux et celles que, malgré les nivellements démocratiques, elles regardent comme tels : fort peu avenantes, elles sont très laconiques. Les parvenues, favorites de la fortune et de l'intrigue, ont la spécialité de ces airs dédaigneux.

La Dame, elle, la plus grande Dame qui soit sur terre et au Ciel, ne se sert point de la plume naïvement présentée par Bernadette. Elle parle. Quel honneur pour cette enfant que d'entendre la Reine du monde s'entretenir en tête à tête avec elle ! Et elle parlait patois. Elle le devait pour se faire comprendre ; elle le devait davantage pour se faire aimer. « Un jour, raconte M. Estrade, que Bernadette causait avec nous, au salon, je lui adressai cette question : « Dis-moi, est-ce que la Dame de la Grotte te parle français ou patois ? » « Oh ! Patois !... » « Bah !... tu veux qu'une dame d'un rang si élevé sache parler patois ? » « Mais oui !... » Puis avec fierté et en employant une tournure patoise : « Et le patois de Lourdes, encore, qu'elle parle ! » Le don des langues, apanage des Apôtres après la Pentecôte, est encore plus l'apanage de Marie. Mère de tous les hommes, il faut bien que, le cas échéant, lorsqu'elle juge à propos de porter des messages, elle sache s'exprimer dans tous les idiomes.

 

Examen

 

Nous faisons-nous, non par vanité, par hypocrisie ou sotte indiscrétion, mais par zèle intelligent et sans peur aucune des critiques déraisonnables, les messagers, j'allais dire les gazettes vivantes et intéressantes du Bien ?... Les compagnes de Bernadette parlèrent de la Vision.... On parle de tout et quelquefois de tous dans les conversations contemporaines, excepté du Bon Dieu : on dirait qu'il est devenu, même parmi les professionnels de la piété, un étranger.... Chez les fidèles comme chez les prêtres, la bouche parlait jadis de l'abondance du cœur...

Avides de parler de Dieu, quand il le faut, et n'ayant rien de commun avec les intempérants de la langue qui ont le culte exagéré du moi comme les égoïstes ou du monologue comme les comédiens, avons-nous une avidité plus grande à entendre les autres, surtout ceux qui en savent plus que nous, parler de Dieu et de la Religion ?... Mesdames Millet et Antoinette Peyret se plurent à écouter, puis à défendre et à suivre Bernadette... Quelle que soit notre hâte de jouir des spectacles religieux les plus insolites, de satisfaire notre dévotion même envers la Très Sainte Vierge, préférons-nous cependant l'adoration de Jésus-Hostie, l'assistance au Saint Sacrifice, à tous les autres spectacles, à toutes les autres dévotions ?... Mesdames Millet, Antoinette Peyret et Bernadette, ayant entendu les cloches de la paroisse sonner la messe, entrèrent à l'église pour y assister....

Sommes-nous bien persuadés que ce que la Sainte Vierge a à nous dire, il n'est pas nécessaire qu'elle le mette par écrit ou qu'elle le traduise en paroles ?... Il lui suffit de le suggérer sous forme de pensée à notre esprit, de le faire passer comme un souffle de tendresse sur notre cœur. S'il est très doux d'ouïr comme Bernadette la Sainte Vierge, il est plus méritoire de la comprendre, sans avoir perçu d'une manière sensible l'émission de sa voix... Comment parlons-nous à nos inférieurs : enfants, élèves, employés, domestiques ?,,.Sommes-nous à leur égard calmes, respectueux, condescendants, dignes et non emportés, grossiers, boudeurs ou inégaux ?... Bien parler à ses subalternes c'est les édifier, les corriger, les instruire, les ennoblir... Ceux qui sont moins haut que nous tombent pour s'estimer trop et, plus souvent, pour ne s'estimer point assez...

 

Prière

 

O Notre Dame, ce que vous aviez à dire à Bernadette, vous le lui dites en temps opportun, avec respect, autorité, condescendance. Elle eut ainsi de vous le mot pour elle... Le mot pour soi ! On y tient tant ! Chacun de nous a besoin de l'entendre. Vous seule, après Dieu et votre Fils Jésus, le savez dire. Dites-le nous : qu'il soit compliment, conseil, ordre, reproche.... Et nous serons instruits, charmés, réconfortés...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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