02 août 2008

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 12/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

Num_riser0038

Deuxième Mystère Douloureux: La Flagellation de Jésus


Jésus est emmené par quatre soldats dans la cour au-delà de l'atrium. Dans cette cour, toute pavée de marbre de couleur, il y a au milieu une haute colonne semblable à celle du portique. A environ trois mètres du sol elle a un bras de fer qui dépasse d'au moins d'un mètre et se termine en anneau. On y attache Jésus avec les mains jointes au-dessus de la tête, après l'avoir fait déshabiller. Il ne garde qu'un petit caleçon de lin et ses sandales. Les mains, attachées aux poignets, sont élevées jusqu'à l'anneau, de façon que Lui, malgré sa haute taille, n'appuie au sol que la pointe des pieds... Et cette position doit être aussi une torture. J'ai lu, je ne sais où, que la colonne était basse et que Jésus se tenait courbé. Possible. Moi, je dis ce que je vois. Derrière Lui se place une figure de bourreau au net profil hébraïque, devant Lui une autre figure pareille. Ils sont armés d'un fouet fait de sept lanières de cuir, attachées à un manche et qui se terminent par un martelet de plomb. Rythmiquement, comme pour un exercice, ils se mettent à frapper. L'un devant, l'autre derrière, de manière que le tronc de Jésus se trouve pris dans un tourbillon de coups de fouets. Les quatre soldats auxquels il a été remis, indifférents, se sont mis à jouer aux dés avec trois autres soldats qui se sont joints à eux. Et les voix des joueurs suivent la cadence des fouets qui sifflent comme des serpents et puis résonnent comme des pierres jetées sur la peau tendue d'un tambour. Ils frappent le pauvre corps si mince et d'un blanc de vieil ivoire et qui se zèbre d'abord d'un rosé de plus en plus vif, puis violet, puis il se couvre de traces d'indigo gonflées de sang, qui se rompent en laissant couler du sang de tous côtés. Ils frappent en particulier le thorax et l'abdomen, mais il ne manque pas de coups donnés aux jambes et aux bras et même à la tête, pour qu'il n'y eût pas un lambeau de la peau qui ne souffrît pas. Et pas une plainte... S'il n'était pas soutenu par les cordes, il tomberait. Mais il ne tombe pas et ne gémit pas. Seulement, après une grêle de coups qu'il a reçus, sa tête pend sur sa poitrine comme s'il s'évanouissait. "Ohé ! Arrête-toi ! Il doit être tué vivant" crie et bougonne un soldat. Les deux bourreaux s'arrêtent et essuient leur sueur. "Nous sommes épuisés" disent-ils. "Donnez-nous la paie, pour que l'on puisse boire pour se désaltérer..." "C'est la potence que je vous donnerais ! Mais prenez... !" et le décurion jette une large pièce à chacun des deux bourreaux. "Vous avez travaillé comme il faut. Il ressemble à une mosaïque. Tito, tu dis que c'était vraiment Lui l'amour d'Alexandre ? Alors nous le lui ferons savoir pour qu'il en fasse le deuil. Délions-le un peu." Ils le délient et Jésus s'abat sur le sol comme s'il était mort. Ils le laissent là, le heurtant de temps en temps de leurs pieds chaussés de caliges pour voir s'il gémit. Mais Lui se tait. "Qu'il soit mort ? C'est possible ? Il est jeune et c'est un artisan, m'a-t-on dit... et on dirait une dame délicate." "Maintenant je m'en occupe" dit un soldat. Et il l'assoit, le dos appuyé à la colonne. Où il était, il y a des caillots de sang... Puis il va à une fontaine qui coule sous le portique, remplit d'eau une cuvette et la renverse sur la tête et le corps de Jésus. "Voilà ! L'eau fait du bien aux fleurs." Jésus soupire profondément et il va se lever, mais il reste encore les yeux fermés. "Oh ! bien ! Allons, mignon ! Ta dame t'attend !..." Mais Jésus appuie inutilement les mains au sol pour tenter de se redresser. "Allons ! Vite ! Tu es faible ? Voilà pour te redonner des forces" raille un autre soldat. Et avec le manche de sa hallebarde il Lui donne une volée de coups au visage et il atteint Jésus entre la pommette droite et le nez, qui se met à saigner. Jésus ouvre les yeux, les tourne. Un regard voilé... Il fixe le soldat qui l'a frappé, s'essuie le sang avec la main, et ensuite se lève grâce à un grand effort. "Habille-toi. Ce n'est pas décent de rester ainsi. Impudique !" Et ils rient tous en cercle autour de Lui. Il obéit sans parler. Il se penche, et Lui seul sait ce qu'il souffre en se penchant vers le sol, couvert de contusions comme il l'est et avec des plaies qui lorsque la peau se tend s'ouvrent plus encore et d'autres qui se forment à cause des cloques qui crèvent. Un soldat donne un coup de pied aux vêtements et les éparpille et chaque fois que Jésus les rejoint, allant en titubant où ils sont tombés, un soldat les repousse ou les jette dans une autre direction. Et Jésus, qui éprouve une souffrance aiguë, les suit sans dire un mot pendant que les soldats se moquent de Lui en tenant des propos obscènes.


Fruit du Mystère, demandons l'esprit de pénitence


Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 11/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

Num_riser0037

Premier Mystère Douloureux: L'Agonie de Jésus à Gethsémani


La route est entièrement silencieuse. Seule l'eau d'une fontaine qui retombe dans un bassin de pierre rompt le profond silence. Le long des murs des maisons, du côté de l'orient, il y a encore de l'obscurité, alors que de l'autre côté la lune commence à blanchir le sommet des maisons et là où la route s'élargit pour former une petite place voilà que la clarté laiteuse et argentée de la lune descend pour embellir aussi les cailloux et la terre de la route. Mais sous les nombreux archivoltes qui vont d'une maison à l'autre, semblables à des pont-levis ou à des étais pour ces vieilles maisons aux ouvertures peu nombreuses sur les rues, et qui à cette heure sont toutes closes et sombres comme si c'étaient des maisons abandonnées, c'est l'obscurité complète, et la torche rougeâtre portée par Simon acquiert une singulière vivacité et une utilité encore plus grande. Les visages, dans cette lumière rouge et mobile, se montrent avec un relief net et tous, tant qu'ils sont, révèlent autant d'état d'âme différents. Le plus solennel et le plus calme, c'est celui de Jésus. Pourtant la fatigue le vieillit en y faisant paraître des lignes inhabituelles qui font déjà apparaître la future effigie de son visage recomposé dans la mort. Jean, qui est à côté de Lui, tourne un regard étonné, dolent sur tout ce qu'il voit. On dirait un enfant terrorisé par quelque récit qu'il a entendu ou quelque promesse effrayante et qui demande de l'aide à qui il sait être plus que lui. Mais qui peut l'aider ? Simon, qui est de l'autre côté de Jésus, a le visage fermé, sombre, de quelqu'un qui rumine des pensées atroces, et c'est encore le seul qui après Jésus montre un aspect plein de dignité. Les autres, qui en deux groupes ne cessent de se déformer, sont tous en fermentation. De temps à autre la voix rauque de Pierre ou celle de baryton de Thomas s'élèvent avec une résonance étrange. Puis ils baissent la voix comme effrayés de ce qu'ils disent. Ils dis­cutent sur ce qu'il faut faire, et l'un propose une chose et l'autre une autre. Mais toutes les propositions tombent car réellement va commencer "l'heure des ténèbres" et les jugements humains restent obscurs et confus. "Il fallait me le dire plus tôt" dit Pierre fâché. "Mais personne n'a parlé. Pas le Maître..." "Oui ! Justement Lui te le disait. Mais, frère ! Il semble que tu ne le connaisses pas !..." "Moi je ressentais quelque trouble et j'ai dit : "Allons mourir avec Lui". Vous vous le rappelez ? Mais, par notre Très Saint Dieu, si j'avais su que c'était Judas de Simon !..." tonne Thomas d'une voix menaçante. "Et que voulais-tu faire ?" demande Barthélemy. "Moi ? Je le ferais encore maintenant si vous m'aidiez !", "Quoi ? Tu partirais pour le tuer ? Et où ?"

"Non. J'éloignerais le Maître. C'est plus simple." "Il ne viendrait pas !" "Je ne Lui demanderais pas de venir. Je l'enlèverais comme on enlève une femme." "Ce ne serait pas une mauvaise idée !" dit Pierre. Et, impulsif, il revient en arrière, se met dans le groupe des deux fils d'Alphée qui avec Matthieu et Jacques parlent doucement comme des conjurés. "Écoutez : Thomas dit d'éloigner Jésus. Tous ensemble. On pourrait... du Get-Samni par Bethphagé à Béthanie et de là... en route pour quelque endroit. Le faisons-nous ? Une fois Lui mis en lieu sûr, on revient et on extermine Judas." "C'est inutile. Israël n'est qu'une trappe" dit Jacques d'Alphée. "Et maintenant elle est tout près de se fermer. On le comprenait. Trop de haine !" "Mais, Matthieu ! Tu me fais enrager ! Tu avais plus de courage quand tu étais pécheur ! Philippe, parle." Philippe, qui vient tout à fait seul et paraît se faire un monologue, lève le visage et s'arrête. Pierre le rejoint et ils parlent entre eux. Puis ils rejoignent le groupe de tout à l'heure. "Moi, je dirais que le meilleur endroit, c'est dans le Temple" dit Philippe. "Es-tu fou ?" crient les cousins, Matthieu et Jacques. "Mais si là on veut sa mort !" "Chut ! Quel vacarme ! Je sais ce que je dis. Ils le chercheront partout, mais pas là. Toi et Jean avez de bonnes amitiés parmi les serviteurs d'Anna. On donne une bonne poignée d'or... et tout est fait. Croyez-le ! Le meilleur endroit pour cacher quelqu'un que l'on recherche, c'est la maison du geôlier." "Moi, je ne le fais pas" dit Jacques de Zébédée. "Mais écoute aussi les autres, Jean pour commencer. Et si ensuite ils l'arrêtent ? Je ne veux pas qu'on dise que c'est moi le traître..." "Je n'y avais pas pensé. Et alors ?" Pierre est anéanti. "Et alors je dirais qu'il faut faire une chose par pitié. La seule que nous puissions : éloigner la Mère" dit Jude d'Alphée. "Bon !... Mais... qui y va ? Qu'est-ce qu'on lui dit ? Vas-y toi, son parent." "Moi, je reste avec Jésus. C'est mon droit. Vas-y toi." "Moi ?! Je me suis armé d'une épée pour mourir comme Eléazar de Saura. Je traverserai des légions pour défendre mon Jésus et je frapperai sans retenue. Si la force de ceux qui sont plus nombreux me tue, n'importe. Je l'aurai défendu" proclame Pierre. "Mais es-tu vraiment sûr que c'est l'Iscariote ?" demande Philippe au Thaddée. "J'en suis sûr. Aucun de nous n'a un cœur  de serpent. Il n'y a que lui... Va, Matthieu, trouver Marie et dis-lui..." "Moi ? La tromper ? La voir, ignorante, à côté de moi, et puis ?... Ah ! non. Je suis prêt à mourir, mais pas à trahir cette colombe..." Les voix se confondent en un murmure. "Tu entends ? Maître, nous t'aimons" dit Simon. "Je le sais. Je n'ai pas besoin de ces paroles pour le savoir. Et si elles donnent la paix au cœur du Christ, elles blessent son âme." "Pourquoi, mon Seigneur ? Ce sont des paroles d'amour." "D'un amour tout humain. En vérité, en ces trois ans, je n'ai rien fait, car vous êtes encore plus humains qu'à la première heure. Il fermente en vous tous les ferments les plus fangeux, ce soir. Mais ce n'est pas votre faute..." "Sauve-toi, Jésus !" dit Jean en gémissant. "Je me sauve." "Oui ? Oh ! mon Dieu, merci !" Jean paraît une fleur qui plie en se desséchant et qui redevient fraîche sur sa tige. "Je le dis aux autres. Où allons-nous ?" "Moi à la mort. Vous à la Foi." "Mais n'avais-tu pas dit maintenant que tu te sauves ?" Le préféré est de nouveau accablé. "Je me sauve, en fait, je me sauve. Si je n'obéissais pas au Père, je me perdrais. J'obéis, donc je me sauve. Mais ne pleure pas ainsi ! Tu es moins brave que les disciples de ce philosophe grec dont je t'ai parlé un jour. Eux restèrent près de leur maître que faisait mourir la ciguë, pour le réconforter par leur virile douleur. Toi... tu sembles un enfant qui a perdu son père." "Et n'en est-il pas ainsi ? C'est plus que si je perdais mon père ! Je te perds Toi..." "Tu ne me perds pas puisque tu continues de m'aimer. Est perdu quelqu'un qui est séparé de nous par l'oubli sur la Terre et par le jugement de Dieu dans l'au-delà. Mais nous ne serons pas séparés. Jamais. Ni par celui-ci, ni par celui-là." Mais Jean n'entend pas raison. Simon s'approche encore plus près de Jésus et Lui confie à voix basse : "Maître... moi... Simon Pierre et Moi, nous espérions faire quelque chose de bon... Mais... Toi qui sais tout, dis-moi : dans combien d'heures penses-tu être capturé ?" "Avant que la lune ne soit au sommet de son arc." Simon fait un geste de douleur et d'impatience, pour ne pas dire de dépit. "Alors tout a été inutile... Maître, je vais t'expliquer. Tu as presque reproché à Simon Pierre et à moi de t'avoir laissé seul dans ces derniers jours... Mais nous nous éloignions pour Toi... Par amour pour Toi. Pierre, dans la nuit de lundi, impressionné par tes paroles, est venu me trouver pendant mon sommeil et il m'a dit : "Toi et Moi, je me fie à toi, nous devons faire quelque chose pour Jésus. Même Judas a dit vouloir s'en occuper" Oh ! pourquoi n'avons-nous pas compris alors ? Pourquoi ne nous as-tu rien dit, Toi ? Mais dis-moi : tu ne l'as dit à personne ? Vraiment à personne ? Peut-être l'as-tu compris seulement il y a quelques heures ?" "Je l'ai toujours su. Avant même qu'il fût au nombre des disciples. Et pour que son crime ne fût pas parfait, du côté divin et du côté humain, j'ai cherché de toutes les manières de l'éloigner de Moi. Ceux qui veulent que je meure sont les bourreaux de Dieu. Lui, mon disciple et ami, est aussi le Traître, le bourreau de l'homme. Mon premier bourreau car il m'a déjà fait mourir par l'effort de l'avoir à côté de Moi, à ma table, et de devoir le protéger de Moi-même contre vous." "Et personne ne le sait ?" "Jean. Je lui l'ai dit à la fin de la Cène. Mais qu'avez-vous fait ?" "Et Lazare ? Il ne sait vraiment rien Lazare ? Aujourd'hui nous sommes allés chez lui. En effet, il est venu de grand matin, a sacrifié et est reparti, sans même s'arrêter à son palais et sans aller au Prétoire, car lui y va toujours par suite d'une habitude prise par son père. Et Pilate, tu le sais, est dans la ville, ces jours-ci..." "Oui. Ils y sont tous. Il y a Rome, la nouvelle Sion, avec Pilate. Il y a Israël avec Caïphe et Hérode. Il y a tout Israël, car la Pâque a rassemblé les enfants de ce peuple au pied de l'autel de Dieu... As-tu vu Gamaliel ?" "Oui.  Pourquoi me le demandes-tu ? Je dois le revoir aussi, demain..." "Gamaliel, ce soir est à Bethphagé. Je le sais. Quand nous serons arrivés au Gethsémani tu iras trouver Gamaliel et tu lui diras : "Sous peu tu auras le signe que tu attends depuis vingt et un ans". Rien d'autre. Et puis tu reviendras avec tes compagnons." "Mais comment le sais-tu ? Oh ! Maître, mon pauvre Maître qui n'as même pas le réconfort d'ignorer les œuvres d'autrui !" "Tu dis bien ! Le réconfort d'ignorer ! Pauvre Maître ! Car il y a plus d'œuvres mauvaises que de bonnes. Mais je vois aussi celles qui sont bonnes et je m'en réjouis." "Alors tu sais que..." "Simon, c'est l'heure de ma passion. Pour la rendre plus complète, le Père me retire la lumière à mesure qu'on approche. D'ici peu, je n'aurai que ténèbres et la contemplation de ce que sont les ténèbres : c'est-à-dire tous les péchés des hommes. Tu ne peux, vous ne pouvez pas comprendre. Personne, à moins d'y être appelé par Dieu pour une mission spéciale, ne comprendra cette passion dans la grande Passion. Puisque l'homme est matériel, même dans l'amour et dans la méditation, il y en aura qui pleureront et souffriront à cause des coups que j'ai reçus, et de mes tortures de Rédempteur, mais on ne mesurera pas cette torture spirituelle qui, croyez-le vous qui m'écoutez, sera la plus atroce... Parle-moi donc, Simon. Guide-moi sur les sentiers où ton amitié est allée pour Moi, car je suis un pauvre qui perd la vue et qui voit des fantômes, et non des choses réelles..." Jean le serre contre lui et demande : "Quoi ? Tu ne vois plus ton Jean ?" "Je te vois, mais les fantômes surgissent du brouillard de Satan, visions de cauchemar et de douleur. Nous sommes tous enveloppés dans ce miasme d'enfer, ce soir. En Moi, il cherche à créer la lâcheté, la désobéissance et la douleur. En vous, il créera la déception et la peur. En d'autres, qui pourtant ne sont ni peureux ni criminels, il amènera le crime et l'effroi. En d'autres, qui déjà appartiennent à Satan, il donnera la perversion surnaturelle. Je parle ainsi car leur perfection dans le mal sera telle qu'elle dépassera les possibilités humaines et atteindra la perfection qui est toujours dans le surhumain. Parle, Simon." "Oui. Depuis mardi, nous ne faisons que nous déplacer pour savoir, pour prévenir, pour chercher de l'aide." "Et qu'avez-vous pu faire ?" "Rien, ou bien peu." "Et le peu sera "rien" quand la peur paralysera les cœurs." "Je me suis heurté aussi à Lazare... La première fois que cela m'arrive... Heurté car il me paraît inerte... Lui pourrait agir. C'est un ami du Gouverneur. C'est toujours le fils de Théophile ! Mais Lazare a repoussé toutes mes propositions. Je l'ai quitté en criant : "Je pense que l'ami dont parle le Maître, c'est toi ! Tu me fais horreur !" et je ne voulais plus retourner chez lui. Mais, ce matin, il m'a appelé et m'a dit : "Peux-tu encore penser que je suis le traître ?" J'avais déjà vu Gamaliel, et Joseph et Chouza, et Nicodème et Manaën, et enfin ton frère Joseph... et je ne pouvais plus croire cela. Je lui ai dit : "Pardonne-moi, Lazare. Mais je sens ma pensée bouleversée plus que quand j'étais moi-même un condamné". Et c'est ainsi, Maître... Je ne suis plus moi... Mais pourquoi souris-tu ?" "Parce que cela confirme ce que je t'ai dit auparavant. Le brouillard de Satan t'enveloppe et te trouble. Qu'a répondu Lazare ?" "Il a dit : "Je te comprends. Viens aujourd'hui avec Nicodème. J'ai besoin de te voir". Et j'y suis allé pendant que Simon Pierre allait chez les galiléens, car ton frère qui vient de si loin sait plus de nouvelles que nous. Il dit qu'il a été informé par hasard en parlant avec un vieux galiléen, ami d'Alphée et de Joseph, qui habite près des marchés." "Ah !... oui... Un grand ami de la maison..." "Il est ici avec Simon et les femmes. Il y a aussi la famille de Cana." "J'ai vu Simon." "Eh bien, Joseph, par son ami, qui est ami aussi de quelqu'un du Temple qui est devenu son parent par les femmes, a su qu'est décidée ta capture, et il a dit à Pierre : "Je l'ai toujours combattu, mais par amour et tant qu'il était encore fort. Mais maintenant qu'il devient comme un enfant à la merci de ses ennemis, moi, son parent qui l'ai toujours aimé, je suis avec Lui. C'est un devoir de sang et de cœur" Jésus sourit en reprenant pour un instant le visage serein des heures de joie. "Et Joseph a dit à Pierre : "Les pharisiens de Galilée sont des aspics comme tous les pharisiens. Mais la Galilée n'est pas toute pharisienne. Et il y a ici beaucoup de galiléens qui l'aiment. Allons leur dire de se rassembler pour le défendre. Nous n'avons que des couteaux, mais les bâtons aussi sont des armes quand on les manie bien. Et, si les milices romaines n'interviennent pas, nous aurons , vite raison de cette lâche canaille que sont les sbires du Temple". Et Pierre est allé avec lui. Moi, pendant ce temps, j'allais chez Lazare, avec Nicodème. Nous avions décidé de le persuader de venir avec nous et d'ouvrir la maison pour rester avec Toi. Il nous a dit : "Je dois obéir à Jésus et rester ici. Pour souffrir le double..." Est-ce vrai ?" "C'est vrai, Je lui ai donné cet ordre." "Pourtant il m'a donné les épées, elles sont à lui : une pour moi, une pour Pierre. Chouza aussi voulait me donner des épées. Mais... que sont deux lames de fer contre tout un monde ? Chouza ne peut croire que soit vrai ce que tu dis. Il jure que lui ne sait rien et qu'à la cour on ne pense qu'à jouir de la fête... Une ripaille comme à l'ordinaire. Si bien qu'il a dit à Jeanne de se retirer dans une de leurs maisons en Judée. Mais Jeanne veut rester ici, renfermée dans son palais comme si elle n'y était pas. Mais elle ne s'éloigne pas. Elle a avec elle Plautina, Anne et Nique, et deux dames romaines de la maison de Claudia. Elles pleurent, prient et font prier les innocents. Mais ce n'est pas un temps de prière. C'est un temps de sang. Je sens renaître en moi le "zélote" et je brûle de tuer pour faire vengeance !..." "Simon, si j'avais voulu te faire mourir maudit, je ne t'aurais pas enlevé à la désolation !..." Jésus est très sévère. "Oh ! pardon, Maître... pardon. Je suis comme ivre, je délire." "Et Manaën, que dit-il ?" "Manaën dit que cela ne peut être vrai, et que si c'était vrai, lui te suivra même au supplice." "Comme tous vous avez confiance en vous !... Que d'orgueil il y a dans l'homme ! Et Nicodème et Joseph ? Que savent-ils ?" "Rien de plus que moi. Il y a quelque temps, dans une assemblée. Joseph s'en est pris au Sanhédrin. Il les traita d'assassins parce qu'ils voulaient tuer un innocent, et il dit : "Tout est illégal là dedans. Lui le dit bien : c'est l'abomination dans la maison du Seigneur. Cet autel sera détruit car il est profané". Ils ne le lapidèrent pas parce que c'est lui. Mais depuis lors ils l'ont tenu dans l'ignorance totale. Seuls Gamaliel et Nicodème sont restés ses amis. Mais le premier ne parle pas et le second... Ni lui ni Joseph n'ont plus été convoqués au Sanhédrin pour les décisions les plus vraies. Il se réunit illégalement ici et là, à des heures différentes, car ils ont peur d'eux et de Rome. Ah ! j'oubliais !... Les bergers. Eux aussi sont avec les galiléens. Mais nous sommes peu nombreux ! Si Lazare avait voulu nous écouter et aller trouver le Préteur ! Mais il ne nous a pas écoutés... Voilà ce que nous avons fait... Beaucoup... et rien... et je suis tellement accablé que je voudrais aller à travers la campagne en criant comme un chacal, en m'abrutissant dans une orgie, en tuant comme un brigand, pour m'enlever cette pensée que "tout est inutile" comme l'a dit Lazare, comme l'ont dit Joseph et Chouza, et Manaën et Gamaliel..." Le Zélote ne semble plus lui-même. "Qu'a dit le rabbi ?" "Il a dit : "Je ne connais pas exactement les intentions de Caïphe, mais je vous dis que seulement pour le Christ est prophétisé ce que vous dites. Et comme je ne reconnais pas le Christ en ce prophète, je ne trouve pas qu'il y ait lieu de s'agiter. Un homme sera tué, bon, ami de Dieu. Mais de combien de ses semblables, Sion a bu le sang ? !" Et comme nous insistions sur ta Nature divine, il a répété avec entêtement : "Quand je verrai le signe, je croirai". Il a promis de s'abstenir de voter ta mort et même, si possible, de persuader les autres de ne pas te condamner. Cela, rien de plus. Il ne croit pas ! Il ne croit pas ! Si on pouvait arriver à demain... Mais tu dis que non. Oh ! qu'allons-nous faire, nous ?!" "Tu iras chez Lazare et tu chercheras à y amener autant que tu peux. Non seulement des apôtres, mais aussi des disciples que tu trouveras errants sur les chemins de la campagne. Tu essaieras de voir les bergers et de leur donner cet ordre. La maison de Béthanie est plus que jamais la maison de Béthanie, la maison de la bonne hospitalité. Que ceux qui n'ont pas le courage d'affronter la haine de tout un peuple se réfugient là, pour attendre..." "Mais nous ne te laisserons pas." "Ne vous séparez pas... Divisés vous ne seriez rien. Unis, vous serez encore une force. Simon, promets-moi cela. Tu es paisible, fidèle, tu sais parler et commander, même Pierre. Et tu as une grande obligation envers Moi. Je te le rappelle pour la première fois pour t'imposer l'obéissance. Regarde : nous sommes au Cédron. De là tu es monté vers Moi lépreux et d'ici tu es parti purifié. Pour ce que je t'ai donné, donne-moi. Donne à l'Homme ce que Moi j'ai donné à l'homme. Maintenant le lépreux c'est Moi..." "Non ! Ne le dis pas !" disent ensemble en gémissant les deux disciples. "Il en est ainsi ! Pierre, mes frères seront les plus accablés. Mon honnête Pierre se sentira comme un criminel et n'aura pas de paix. Et mes frères.., Ils n'auront pas le courage de regarder leur mère et la mienne... Je te les recommande..." "Et moi, Seigneur, de qui serai-je ? Tu ne penses pas à moi ?" "O mon petit enfant ! Tu es confié à ton amour. Il est si fort qu'il te guidera comme une mère. Je ne te donne pas d'ordre ni de direction. Je te laisse sur les eaux de l'amour. Elles sont en toi un fleuve si calme et si profond que je ne me mets pas en peine pour ton lendemain. Simon, tu as entendu ? Promets, promets-moi !" Il est pénible de voir Jésus tellement angoissé... Il reprend : "Avant que viennent les autres ! Oh ! merci ! Sois béni !" Tout le groupe se réunit. "Maintenant, séparons-nous. Moi, je monte là-haut pour prier. Je veux avec Moi Pierre, Jean et Jacques. Vous, restez ici. Et si vous êtes accablés, appelez. Et ne craignez pas. On ne touchera pas à un cheveu de votre tête.. Priez pour Moi. Déposez la haine et la peur. Ce ne sera qu'un instant... et ensuite la joie sera pleine. Souriez. Que j'ai dans le cœur vos sourires. Et encore, merci de tout, amis. Adieu. Que le Seigneur ne vous abandonne pas..." Jésus se sépare des apôtres et va en avant pendant que Pierre se fait donner par Simon la torche. Celui-ci auparavant a allumé avec elle des rameaux résineux qui brûlent en crépitant au bord de l'oliveraie et répandent une odeur de genièvre. Je souffre de voir le Thaddée qui regarde Jésus d'un regard tellement intense et douloureux que ce dernier se retourne et cherche qui l'a regardé. Mais le Thaddée se cache derrière Barthélemy et se mord les lèvres pour se calmer. Jésus fait de la main un geste qui est bénédiction et adieu, puis il continue son chemin. La lune, maintenant très haute, entoure de sa lumière sa haute figure et paraît la faire plus grande, en la spiritualisant, en rendant plus clair son vêtement rouge et plus pâle l'or de ses cheveux. Derrière Lui, hâtent le pas Pierre avec la torche et les deux fils de Zébédée, Ils continuent jusqu'à ce qu'ils rejoignent le bord du premier escarpement du rustique amphithéâtre de l'oliveraie, auquel sert d'entrée la petite place irrégulière et de gradins les différents escarpements qui montent par échelons des oliviers sur le mont. Puis Jésus leur dit : "Arrêtez-vous, attendez-moi ici pendant que je prie. Mais ne dormez pas. Je pourrais avoir besoin de vous. Et, je vous le demande par charité : priez ! Votre Maître est très accablé." Et en effet il est déjà profondément accablé. Il paraît chargé d'un fardeau. Où est désormais le viril Jésus qui parlait aux foules, beau, fort, l'œil dominateur, souriant paisiblement, avec sa voix retentissante et pleine de charme ? Il paraît déjà pris par l'angoisse. Il est comme quelqu'un qui a couru ou qui a pleuré. Sa voix est lasse et angoissée. Triste, triste, triste... Pierre répond au nom de tous : "Sois tranquille, Maître. Nous veillerons et nous prierons. Tu n'as qu'à nous appeler et nous viendrons." Et Jésus les quitte alors que les trois se penchent pour ramasser des feuilles et des branches pour faire un feu qui serve à les tenir éveillés et aussi pour combattre la rosée qui commence à descendre abondamment. Il marche, en leur tournant le dos, de l'occident vers l'orient, ayant donc en face la lumière de la lune. Je vois qu'une grande douleur dilate encore davantage son œil; c'est peut-être un bistre de lassitude qui l'élargit, peut-être est-ce l'ombre de l'arcade sourcilière. Je ne sais pas. Je sais qu'il a l'œil  plus ouvert et plus enfoncé. Il monte, la tête penchée, seulement de temps en temps il la lève en soupirant comme s'il se fatiguait et haletait, et alors il tourne son œil si triste sur l'oliveraie paisible. Il fait quelques mètres en montée, puis il tourne autour d'un escarpement qui se trouve ainsi entre Lui et les trois qu'il a laissés plus bas. L'escarpement, qui au début ne monte que de quelques décimètres, ne cesse de monter, et il a bientôt atteint deux mètres, de sorte qu'il met complètement Jésus à l'abri de tout regard indiscret ou ami. Jésus continue jusqu'à un gros rocher qui à un certain point barre le petit sentier, peut-être mis pour soutenir la côte qui descend avec plus de rapidité et nue jusqu'à un espace désolé qui précède les murs au-delà desquels est située Jérusalem, et qui vers le haut continue à monter avec d'autres escarpements et d'autres oliviers. Justement au-dessus du gros rocher se penche un olivier tout noueux et tordu. Il semble un bizarre point d'interrogation mis par la nature pour poser quelque question. Les branches touffues au sommet donnent une réponse à la question du tronc, en disant tantôt oui quand elles se penchent vers la terre, tantôt non en se déplaçant de droite à gauche, sous un vent léger qui passe par vagues successives à travers les feuillages et qui parfois exhale seulement l'odeur de la terre, parfois l'odeur légèrement amère de l'olivier, parfois un parfum mêlé de roses et de muguets dont on se demande d'où il peut bien venir. Au-delà du petit sentier, vers le bas, il y a d'autres oliviers et l'un, justement au-dessous du rocher, frappé par la foudre et ayant pourtant survécu, ou découpé je ne sais comment, a, du tronc primitif, fait deux troncs qui se dressent comme les deux branches d'un grand V moulé et les deux feuillages se présentent d'un côté et de l'autre du rocher comme si en même temps ils voulaient voir et cacher, ou lui faire une base d'un gris argenté tout paisible. Jésus s'arrête à cet endroit. Il ne regarde pas la ville qui se fait voir tout en bas, toute blanche dans le clair de lune. Au contraire il lui tourne le dos et il prie, les bras ouverts en croix, le visage levé vers le ciel. Je ne vois pas son visage car il est dans l'ombre, la lune étant pour ainsi dire perpendiculaire au-dessus de sa tête, c'est vrai, mais ayant aussi le feuillage épais de l'olivier entre Lui et la lune dont les rayons filtrent à peine entre les feuilles en produisant des taches lumineuses en perpétuel mouvement. Une longue, ardente prière. De temps en temps il pousse un soupir et fait entendre quelque parole plus nette. Ce n'est pas un psaume, ni le Pater. C'est une prière faite du jaillissement de son amour et de son besoin. Un vrai discours fait à son Père. Je le comprends par les quelques paroles que je saisis : "Tu le sais... Je suis ton Fils... Tout, mais aide-moi... L'heure est venue... Je ne suis plus de la Terre. Cesse tout besoin d'aide à ton Verbe... Fais que l'Homme te satisfasse comme Rédempteur, comme la Parole t'a été obéissante... Ce que Tu veux... C'est pour eux que je te demande pitié... Les sauverai-je ? C'est cela que je te demande. Je les veux ainsi : sauvés du monde, de la chair, du démon... Puis-je te demander encore ? C'est une juste demande, mon Père. Pas pour Moi. Pour l'homme qui est ta création, et qui voulut rendre fange jusqu'à son âme. Je jette dans ma douleur et dans mon Sang cette boue pour qu'elle redevienne l'incorruptible essence de l'esprit qui t'est agréable... Il est partout. C'est lui le roi ce soir : au palais royal et dans les maisons, parmi les troupes et au Temple... La ville en est pleine, et demain ce sera un enfer..." Jésus se tourne, appuie son dos au rocher et croise ses bras. Il regarde Jérusalem. Le visage de Jésus devient de plus en plus triste. Il murmure : "Elle paraît de neige... et elle n'est que péché. Même dans elle, combien j'en ai guéris ! Combien j'ai parlé !... Où sont ceux qui me paraissaient fidèles ?"... Jésus penche la tête et regarde fixement le terrain couvert d'une herbe courte et que la rosée rend brillante. Mais bien qu'il ait la tête penchée je comprends qu'il pleure car des gouttes brillent en tombant de son visage sur le sol. Puis il lève la tête, desserre ses bras, les joint en les tenant au-dessus de sa tête et en les agitant ainsi unis. Puis il se met en route. Il revient vers les trois apôtres assis autour de leur feu de branchages. Il les trouve à moitié endormis. Pierre appuie ses épaules à un tronc, et les bras croisés sur la poitrine il balance sa tête, dans le premier brouillard d'un sommeil profond. Jacques est assis, avec son frère, sur une grosse racine qui affleure et sur laquelle ils ont mis leurs manteaux pour moins sentir les aspérités, mais malgré cela, bien qu'ils soient moins à l'aise que Pierre, eux aussi somnolent. Jacques a abandonné sa tête sur l'épaule de Jean qui a penché la tête sur celle de son frère comme si le demi-sommeil les avait immobilisés dans cette pose. "Vous dormez ? Vous n'avez pas su veiller une seule heure ? Et Moi j'ai tant besoin de votre réconfort et de vos prières !" Les trois sursautent confus. Ils se frottent les yeux, ils murmurent une excuse, accusant la digestion pénible d'être la première cause de leur sommeil : "C'est le vin... la nourriture... Mais maintenant cela passe. Cela n'a été qu'un moment. Nous ne désirions pas parler et cela nous a endormis. Mais maintenant nous allons prier à haute voix et cela ne nous arrivera plus." "Oui. Priez et veillez. Pour vous aussi, vous en avez besoin." *Oui, Maître. Nous allons t'obéir." Jésus s'en retourne. La lune Lui frappe le visage si fort que sa clarté d'argent fait pâlir de plus en plus son vêtement rouge comme si elle le couvrait d'une poussière blanche et lumineuse. Je vois dans cette clarté son visage découragé, affligé, vieilli. Le regard est toujours dilaté mais paraît embué de larmes. La bouche a un pli de lassitude. Il revient à son rocher plus lentement et tout penché. Il s'y agenouille en appuyant ses bras au rocher qui n'est pas lisse, mais à mi-hauteur il a une sorte de sein, comme si on l'avait travaillé exprès. Sur ce sein de dimension réduite, il a poussé une petite plante qui me semble de ces fleurettes semblables à de petits lys que j'ai vues aussi en Italie. Les petites feuilles sont rondes mais dentelées sur les bords et charnues avec des fleurettes sur les tiges très grêles. On dirait des petits flocons de neige qui saupoudrent la grisaille du rocher et les feuilles d'un vert foncé. Jésus appuie ses mains près d'elles et les fleurettes Lui frôlent la joue car il pose sa tête sur ses mains jointes et il prie. Après un moment il sent la fraîcheur des petites corolles et il lève la tête. Il les regarde, les caresse, leur parle : "Vous êtes pures !... Vous me réconfortez ! Dans la petite grotte de Maman, il y avait aussi de ces fleurettes... et elle les aimait car elle disait : "Quand j'étais petite, mon père me disait : "Tu es un lys si petit et tout plein de la rosée céleste' "... Maman ! Oh ! Maman !" Il éclate en sanglots. La tête sur ses mains jointes, retombé un peu sur ses talons, je le vois et l'entends pleurer, alors que ses mains serrent ses doigts et se tourmentent l'une l'autre. Je l'entends qui dit : "A Bethléem aussi... et je te les ai apportées, Maman. Mais celles-ci, qui te les apportera désormais ?..."

Puis il recommence à prier et à méditer. Elle doit être bien triste sa méditation, angoissée plutôt que triste car, pour y échapper, il se lève, va en avant et en arrière en murmurant des paroles que je ne saisis pas, levant son visage, le rabaissant, faisant des gestes, passant sur ses yeux, sur ses joues, sur ses cheveux, ses mains avec des mouvements machinaux et agités, comme ceux de quelqu'un qui est dans une grande angoisse. Ce n'est rien de le dire. Le décrire est impossible. Le voir, c'est partager son angoisse. Il fait des gestes vers Jérusalem. Puis il recommence à élever les bras vers le ciel comme pour demander de l'aide. Il enlève son manteau comme s'il avait chaud. Il le regarde... Mais que voit-il ? Ses yeux ne regardent pas autre chose que sa torture et tout sert à cette torture pour l'augmenter, même le manteau tissé par sa Mère. Il le baise et dit : "Pardon, Maman ! Pardon !" Il semble le demander à l'étoffe filée et tissée par l'amour de sa Mère... Il le reprend. Il est pris par un tourment. Il veut prier pour le surmonter, mais avec la prière reviennent les souvenirs, les appréhensions, les doutes, les regrets... C'est toute une avalanche de noms... de villes... de personnes... de faits... Je ne puis le suivre car il est rapide et irrégulier. C'est sa vie évangélique qui défile devant Lui... et Lui ramène Judas le traître. Son angoisse est si grande, que pour la vaincre il crie le nom de Pierre et de Jean. Et il dit : "Maintenant ils vont venir. Ils sont bien fidèles, eux !" Mais "eux" ne viennent pas. Il appelle de nouveau. Il paraît terrorisé comme s'il voyait je ne sais quoi. Il s'enfuit rapidement vers l'endroit où se trouve Pierre et les deux frères. Et il les trouve plus commodément et plus pesamment endormis autour de quelques braises qui vont mourir et produisent seulement des éclairs rouges dans la cendre grise. "Pierre ! Je vous ai appelés trois fois ! Mais que faites-vous ? Vous dormez encore ? Mais vous ne sentez pas à quel point je souffre ? Priez. Que la chair n'ait pas le dessus, ne vous vainque pas. En aucun de vous. Si l'esprit est prompt, la chair est faible. Aidez-moi..." Les trois, s'éveillent plus lentement, mais finalement ils y arrivent et s'excusent, les yeux ébahis. Ils se lèvent, en commençant par s'asseoir, puis ils se mettent vraiment debout. "Mais vois un peu !" murmure Pierre. "Ceci ne nous est jamais arrivé ! Ce doit être vraiment ce vin. Il était fort. Et aussi ce froid. On s'est couvert pour ne pas le sentir (en effet ils s'étaient couverts avec leurs manteaux, même la tête) et on n'a plus vu le feu, on n'a plus eu froid et voilà que le sommeil est venu. Tu dis que tu nous as appelés ? Et pourtant il ne me semblait pas que je dormais si profondément... Allons, Jean, cherchons des branches, remuons-nous. Cela va passer. Sois tranquille, Maître, que dorénavant !... Nous resterons debout..." et il jette une poignée de feuilles sèches sur la braise et souffle pour faire reprendre la flamme. Il l'alimente avec les branches apportées par Jean, pendant que Jacques apporte un quartier de genièvre ou d'une plante du même genre qu'il a coupé dans un buisson peu éloigné et le met par dessus le reste. La flamme monte haute et gaie éclairant le pauvre visage de Jésus, un visage vraiment d'une tristesse telle que l'on ne peut le regarder sans pleurer. Toute clarté de ce visage a disparu dans une lassitude mortelle. Il dit : "J'éprouve une angoisse qui me tue ! Oh ! oui ! Mon âme est triste à en mourir. Amis !... Amis ! Amis !" Mais même s'il ne le disait pas, son aspect dirait qu'il est vraiment comme quelqu'un qui meurt, et dans l'abandon le plus angoissé et le plus désolé. Il semble que chacune de ses paroles soit un sanglot... Mais les trois sont trop appesantis par le sommeil. Ils semblent presque ivres tant ils marchent en titubant les yeux mi-clos... Jésus les regarde... Il ne les mortifie pas par des reproches. Il secoue la tête, soupire et s'en va à la place qu'il occupait, Il prie de nouveau debout, les bras en croix. Puis à genoux comme avant, le visage penché sur les petites fleurs. Il réfléchit. Il se tait... Puis il se met à gémir et à sangloter fortement, presque prosterné tant il s'est relâché sur ses talons. Il appelle le Père avec toujours plus d'angoisse... "Oh !" dit-il. "Il est trop amer ce calice ! Je ne puis pas ! Je ne puis pas. Il est au-dessus de ce que je puis. J'ai tout pu ! Mais pas cela... Éloigne-le, Père, de ton Fils ! Pitié pour Moi !... Qu'ai-je fait pour le mériter ?" Puis il se reprend et dit : "Cependant, mon Père, n'écoute pas ma voix si elle te demande ce qui est contraire à ta volonté. Ne te souviens pas que je suis ton Fils, mais seulement ton serviteur. Que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne." Il reste ainsi un moment, puis il pousse un cri étouffé et lève un visage bouleversé. Un seul instant, puis il tombe sur le sol, le visage réellement contre terre et il reste ainsi. Une loque d'homme sur qui pèse tout le péché du monde, sur qui s'abat toute la Justice du Père, sur qui descendent les ténèbres, la cendre, le fiel, cette redoutable, redoutable, absolument redoutable chose qu'est l'abandon de Dieu, pendant que Satan nous torture... C'est l'asphyxie de l'âme, c'est être ensevelis vivants dans cette prison qu'est le monde quand on ne peut plus sentir qu'entre nous et Dieu il y a un lien, c'est être enchaînés, bâillonnés, lapidés par nos propres prières qui nous retombent dessus hérissées de pointes et pleines de feu, c'est se heurter contre un Ciel fermé où ne pénètrent pas la voix et les regards de notre angoisse, c'est être "orphelins de Dieu", c'est la folie, l'agonie, le doute de s'être jusqu'alors trompés, c'est la persuasion d'être chassés par Dieu, d'être damnés. C'est l'enfer !... Oh ! je le sais ! et je ne puis, je ne puis voir la douleur de mon Christ, et savoir qu'elle est un million de fois plus atroce que celle qui m'a consumée l'an passé et qui, quand elle me revient à l'esprit, me bouleverse encore... Jésus gémit, au milieu des râles et des soupirs d'une véritable agonie : "Rien !... Rien !... Va-t'en !... La volonté du Père ! Elle ! Elle seule !.., Ta volonté, Père. La tienne, non pas la mienne... Inutile. Je n'ai qu'un Seigneur : le Dieu très Saint. Une Loi : l'obéissance. Un amour : la rédemption... Non. Je n'ai plus de Mère. Je n'ai plus de vie. Je n'ai plus de divinité. Je n'ai plus de mission. C'est inutilement que tu me tentes, démon, avec la Mère, la vie, ma divinité, ma mission. J'ai pour mère l'Humanité et je l'aime jusqu'à mourir pour elle. La vie, je la rends à Celui qui me l'a donnée et me la demande, au Maître Suprême de tout vivant. La Divinité, je l'affirme en montrant qu'elle est capable de cette expiation. La mission, je l'accomplis par ma mort. Je n'ai plus rien, sauf de faire la volonté du Seigneur mon Dieu. Va-t'en, Satan ! Je l'ai dit la première et la seconde fois. Je le redis pour la troisième : "Père : s'il est possible, que ce calice s'éloigne de Moi. Mais pourtant que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite". Va-t'en, Satan. J'appartiens à Dieu." Puis il ne parle plus que pour dire entre ses halètements : "Dieu ! Dieu ! Dieu !" Il l'appelle à chaque battement de son cœur et il semble qu'à chaque battement le sang déborde. L'étoffe tendue sur les épaules s'en imbibe et devient sombre malgré le grand clair de lune qui l'enveloppe tout entier. Pourtant une clarté plus vive se forme au-dessus de sa tête, suspendue à environ un mètre de Lui, une clarté si vive que même le Prostré la voit filtrer à travers les ondulations des cheveux déjà alourdis par le sang et malgré le voile dont le sang couvre ses yeux. Il lève la tête... La lune resplendit sur le pauvre visage et encore plus resplendit la lumière angélique semblable au diamant blanc-azur de l'étoile Vénus. Et apparaît la terrible agonie dans le sang qui transsude des pores. Les cils, les cheveux, la moustache, la barbe sont aspergés et couverts de sang. Le sang coule des tempes, le sang sort des veines du cou, les mains dégouttent du sang. Il tend les mains vers la lumière angélique et quand les larges manches glissent vers les coudes, les avant-bras du Christ se voient en train de suer du sang. Dans le seul visage les larmes tracent deux lignes nettes à travers le masque rouge. Il enlève de nouveau son manteau et s'essuie les mains, le visage, le cou, les avant-bras. Mais la sueur continue. Il presse plusieurs fois l'étoffe sur son visage en la tenant pressée avec ses mains, et chaque fois qu'elle change de place, apparaissent nettement sur l'étoffe rouge foncé les empreintes qui, humides comme elles le sont, semblent être noires. Sur le sol l'herbe est rouge de sang. Jésus paraît près de défaillir. Il délace son vêtement au cou comme s'il se sentait étouffer. Il porte la main à son cœur et puis à sa tête et l'agite devant son visage comme pour s'éventer, en gardant la bouche entrouverte. Il se traîne vers le rocher, mais plutôt vers le sommet du talus, et s'y appuie le dos. Il reste les bras pendants le long du corps, comme s'il était déjà mort, la tête pendant sur la poitrine. Il ne bouge plus. La lumière angélique décroît tout doucement. Puis elle se trouve comme absorbée dans le clair de lune. Jésus rouvre les yeux. Il lève péniblement la tête. Il regarde. Il est seul, mais il est moins angoissé. Il allonge une main. Il tire à Lui le manteau qu'il a abandonné sur l'herbe et se met à s'essuyer le visage, les mains, le cou, la barbe, les cheveux. Il prend une large feuille, qui a poussé justement sur le bord du talus, toute couverte de rosée et avec elle il achève de se nettoyer en se lavant le visage et les mains et en s'essuyant de nouveau. Il le fait plusieurs fois avec d'autres feuilles, jusqu'à ce qu'il ait effacé les traces de sa terrible sueur. Seul son vêtement est taché, et spécialement sur les épaules et aux plis des coudes, au cou et à la ceinture, aux genoux. Il le regarde et secoue la tête. Il regarde aussi le manteau, mais il le voit trop taché. Il le plie et le pose sur le rocher, là où il forme un berceau, près des fleurettes. Difficilement, à cause de sa faiblesse, il se tourne pour se mettre à genoux. Il prie en appuyant la tête sur le manteau sur lequel sont déjà ses mains. Puis il s'appuie au rocher, se lève, et encore légèrement titubant, il va trouver les disciples. Son visage est très pâle, mais il n'est plus troublé. C'est un visage d'une beauté divine bien qu'il soit exsangue et plus triste qu'à l'ordinaire. Les trois dorment profondément, tout enveloppés dans leurs manteaux, tout à fait allongés près du feu éteint. On les entend respirer profondément en un commencement de ronflement sonore. Jésus les appelle, inutilement. Il doit se pencher et secouer Pierre généreusement. "Qu'est-ce ? Qui m'arrête ?" dit-il en sortant abasourdi et effrayé de son manteau vert foncé. "Personne. C'est Moi qui t'appelle." "C'est le matin ?" "Non. La seconde veille est à peu près terminée." Pierre est tout engourdi, Jésus secoue Jean qui pousse un cri de terreur en voyant penché sur lui un visage de fantôme tant il semble de marbre. "Oh !... tu me paraissais mort !" Il secoue Jacques et celui-ci croit que c'est son frère qui l'appelle et il dit : "Ils ont pris le Maître ?" "Pas encore, Jacques" répond Jésus. "Mais levez-vous maintenant et allons. Celui qui me trahit est proche." Les trois, encore étourdis, se lèvent. Ils regardent autour... Oliviers, lune, rossignols, brise, la paix... Rien d'autre. Cependant ils suivent Jésus sans parler. Les huit aussi sont plus ou moins endormis auprès du feu éteint. "Levez-vous !" tonne Jésus. "Pendant que Satan arrive, montrez à celui qui ne dort jamais et à ses fils que les fils de Dieu ne dorment pas !" "Oui, Maître." "Où est-il, Maître ?" "Jésus, moi..." "Mais qu'est-il arrivé ?" Et au milieu des questions et des réponses confuses, ils remettent leurs manteaux... A peine à temps pour apparaître en ordre à la troupe de sbires, commandée par Judas, qui fait irruption dans la petite place tranquille en l'éclairant violemment avec une foule de torches allumées. C'est une horde de bandits déguisés en soldats, des figures de galériens que déforme un sourire démoniaque. Il y a aussi quelques zélateurs du Temple. Les apôtres sautent tous dans un coin. Pierre devant, et les autres en groupe derrière. Jésus reste où il est. Judas s'approche soutenant le regard de Jésus, redevenu le regard étincelant de ses jours les meilleurs. Et il n'abaisse pas son visage. Au contraire il s'approche avec un sourire de hyène et le baise sur la joue droite. "Ami, et qu'es-tu venu faire ? C'est par un baiser que tu me trahis ?" Judas baisse un instant la tête, puis la relève... insensible au reproche comme à toute invitation au repentir.


Fruit du Mystère, demandons la contrition de nos péchés

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 10/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

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Cinquième Mystère Lumineux: L'Institution de l'Eucharistie

C'est le commencement de la souffrance du Jeudi Saint. Les apôtres - ils sont dix - s'occupent activement de préparer le Cénacle. Judas, grimpé sur la table, regarde s'il y a de l'huile dans tous les lampions du grand lampadaire qui ressemble à une corolle de fuchsia double, car la tige de suspension est entourée de cinq ampoules qui ressemblent à des pétales, puis un second tour, plus bas, qui est une vraie couronne de petites flammes; puis il y a enfin trois petits lampions suspendus à des chaînettes qui semblent les pistils de la fleur lumineuse. Puis il saute par terre et aide André à disposer avec art la vaisselle sur la table sur laquelle on a étendu une nappe très fine. J'entends André qui dit : "Quel lin splendide !" Et l'Iscariote : "Un des meilleurs de Lazare. Marthe a voulu absolument l'apporter." "Et ces calices ? et ces amphores, alors ?" observe Thomas qui a mis le vin dans les amphores précieuses et les regarde avec admiration en se regardant dans leurs fines panses et il en caresse les poignées ciselées d'un œil de connaisseur. "Qui sait quelle valeur, hein ?" demande Judas Iscariote. "C'est travaillé au marteau. Mon père en serait fou. L'argent et l'or en feuilles se plient facilement à la chaleur. Mais traité ainsi... Un moment peut tout abîmer. Il suffit d'un coup mal donné. Il faut en même temps de la force et de la légèreté. Tu vois les poignées ? Elles sont tirées de la masse et ne sont pas soudées. Choses de riches... Pense que toute la limaille et le dégrossissement se perdent. Je ne sais pas si tu me comprends." "Hé ! si je comprends ! C'est comme fait un sculpteur." "Tout à fait cela." Tous admirent, puis retournent à leur travail. Tel dispose les sièges et tel autre prépare les crédences. Pierre et Simon entrent ensemble. "Oh ! vous êtes venus finalement ! Où êtes-vous allés de nouveau ? Après être arrivés avec le Maître et nous, vous vous êtes enfuis de nouveau" dit l'Iscariote."Encore une tâche avant l'heure" répond brièvement Simon. "Tu es mélancolique ?" "Je crois qu'avec ce qu'on a entendu en ces jours et de ces lèvres que jamais on ne trouve mensongères, il y en a bien une raison." "Et avec cette puanteur de... Bon ! tais-toi, Pierre" murmure Pierre entre ses dents. "Toi aussi !... Tu me sembles fou depuis quelques jours. Tu as la figure d'un lapin sauvage qui sent derrière lui le chacal" répond Judas l'Iscariote. "Et toi, tu as le museau de la fouine. Toi aussi, tu n'es pas très beau depuis quelques jours. Tu regardes d'une façon... Tu as même l'œil de travers... Qui attends-tu ou qu'espères-tu voir ? Tu sembles plein d'assurance, tu veux le faire paraître, mais tu as l'air de quelqu'un qui a peur" réplique Pierre. "Oh ! Quant à la peur !... Tu n'es certainement pas un héros, toi non plus !" "Personne de nous ne l'est, Judas. Tu portes le nom du Macchabée, mais tu ne l'es pas. Moi, je dis avec mon nom : "Dieu fait grâce", mais je te jure que j'ai en moi le tremblement de qui sait porter malheur et d'être surtout dans la disgrâce de Dieu. Simon de Jonas, rebaptisé "la pierre", est mou maintenant comme de la cire près du feu. Il ne se cramponne plus par sa volonté. Lui, que je n'ai jamais vu trembler dans les plus violentes tempêtes ! Matthieu, Barthélemy et Philippe semblent des somnambules. Mon frère et André ne font que soupirer. Les deux cousins, qui ont la douleur de la parenté avec celle de l'amour pour le Maître, regarde-les. Ils semblent déjà des vieillards. Thomas a perdu son entrain, et Simon semble redevenu le lépreux épuisé d'il y a maintenant trois ans tant il est creusé par la douleur, je dirais corrodé, livide, avili" lui répond Jean. "Oui. Il nous a tous suggestionnés par sa mélancolie" observe l'Iscariote. "Mon cousin Jésus, mon Maître et Seigneur et le vôtre, est et n'est pas mélancolique. Si tu veux dire par ce nom qu'il est triste à cause de la douleur excessive que tout Israël est en train de Lui donner, et que nous voyons, et l'autre douleur cachée que Lui seul voit, je te dis : "Tu as raison". Mais si tu uses de ce terme pour dire qu'il est fou, je te l'interdis" dit Jacques d'Alphée. "Et n'est-ce pas de la folie qu'une idée fixe de mélancolie ? J'ai fait aussi des études profanes, et je sais. Il a trop donné de Lui-même. Maintenant il a l'esprit épuisé." "Ce qui signifie de la démence. N'est-ce pas ?" demande l'autre cousin Jude, apparemment calme. "Tout à fait cela ! Il avait bien vu ton père, juste de sainte mémoire, à qui tu ressembles pour la justice et la sagesse ! Jésus, triste destin d'une illustre maison trop vieille et frappée de sénilité psychique, a toujours eu une tendance à cette maladie, d'abord douce, puis toujours de plus en plus agressive. Tu as vu comme il a attaqué pharisiens et scribes, sadducéens et hérodiens. Il s'est rendu la vie impossible comme un chemin couvert d'éclats de quartz. Et c'est Lui qui les a semés. Nous... nous l'aimions tant que l'amour nous l'a caché. Mais ceux qui l'ont aimé sans l'idolâtrer : ton père, ton frère Joseph, et Simon au début, ont vu juste... nous devions ouvrir les yeux en les écoutant. Au contraire, nous avons été tous séduits par sa douce fascination de malade. Et maintenant... Hélas !" Jude Thaddée qui, aussi grand que l'Iscariote, est justement en face de lui et paraît l'écouter paisiblement, a un déclic violent et d'un puissant revers de main il couche Judas sur un des sièges et avec une colère contenue, sans éclat de voix, se penchant, siffle sur son visage de lâche, et Judas ne réagit pas, craignant peut-être que le Thaddée soit au courant de son crime : "Voilà pour la démence, reptile ! Et c'est seulement parce que Lui est à côté et que c'est le soir de Pâque que je ne t'étrangle pas. Mais réfléchis, réfléchis bien ! S'il Lui arrive du mal et qu'il n'est plus là pour arrêter ma force, personne ne te sauve. C'est comme si déjà tu avais la corde au cou et ce seront ces mains honnêtes et fortes d'artisan galiléen et de descendant du frondeur de Goliath qui feront ton affaire. Lève-toi, mollasson libertin ! Et surveille ta conduite." Judas se lève, livide, sans la moindre réaction. Et, ce qui me surprend, personne ne réagit au nouveau geste du Thaddée. Au contraire !... Il est clair que tous approuvent. L'ambiance est à peine redevenue tranquille que Jésus entre. Il se présente au seuil de la petite porte par laquelle sa grande taille passe difficilement, met le pied sur le petit palier et, avec son sourire doux et triste, dit en ouvrant les bras : "La paix soit avec vous." Sa voix est lasse comme celle de quelqu'un qui souffre physiquement et moralement. Il descend, caresse la tête blonde de Jean qui est accouru près de Lui. Comme s'il ignorait tout, il sourit à son cousin Jude et il dit à l'autre cousin : "Ta mère te prie d'être doux avec Joseph. Tout à l'heure il a demandé aux femmes de mes nouvelles et des tiennes. Je regrette de ne l'avoir pas salué." "Tu le feras demain." "Demain ?... Mais j'aurai toujours le temps de le voir... Oh ! Pierre ! Nous allons rester finalement un peu ensemble ! Depuis hier, tu semblés pour Moi un feu follet. Je te vois, puis je ne te vois plus. Aujourd'hui je puis presque dire que je t'ai perdu. Toi aussi, Simon." "Nos cheveux plutôt blancs que noirs peuvent t'assurer que nous ne nous sommes pas absentés par désir de la chair" dit Simon avec sérieux. "Bien que... à tout âge on peut avoir cette faim... Les vieux ! Pires que les jeunes..." dit l'Iscariote offensif. Simon le regarde et il va répliquer. Mais Jésus le regarde aussi et dit : "Tu as mal aux dents ? Tu as la joue droite enflée et rouge." "Oui, j'ai mal. Mais ce n'est pas la peine de s'en occuper." Les autres ne disent rien, et l'affaire se termine ainsi. "Avez-vous fait tout ce qu'il fallait faire ? Toi, Matthieu ? Et toi, André ? Et toi, Judas, as-tu pensé à l'offrande au Temple ?" Les deux premiers, aussi bien que l'Iscariote, disent : "Tout est fait de ce que tu avais dit de faire pour aujourd'hui. Sois tranquille." "Moi, j'ai apporté les primeurs de Lazare à Jeanne de Chouza, pour les enfants. Ils m'ont dit : "Elles étaient meilleurs ces pommes !" Elles avaient la saveur de la faim, celles-là ! Et c'était tes pommes" dit Jean souriant et rêvant. Jésus aussi sourit à un souvenir... "J'ai vu Nicodème et Joseph" dit Thomas. "Tu les as vus ? Tu as parlé avec eux ?" demande l'Iscariote avec un intérêt exagéré. "Oui. Qu'y a-t-il d'étrange ? Joseph est un bon client de mon père." "Tu ne l'avais pas dit avant... C'est pour cela que j'ai été étonné !..." Judas essaie de dépailler l'impression, qu'il avait donnée d'abord, de son inquiétude pour la rencontre de Joseph et de Nicodème avec Thomas. "Il me semble étrange qu'ils ne soient pas venus ici pour te vénérer. Ni eux, ni Chouza, ni Manaën... Aucun des..." Mais l'Iscariote, avec un faux rire, interrompt Barthélemy et il dit : "Le crocodile se terre quand il le faut." "Que veux-tu dire ? Qu'insinues-tu ?" demande Simon, agressif comme il n'a jamais été. "Paix, paix ! Mais qu'avez-vous ? C'est la soirée pascale ! Jamais nous n'avons eu un si digne apparat pour consommer l'agneau. Consommons donc la cène dans un esprit de paix. Je vois que je vous ai beaucoup troublés par mes instructions de ces derniers soirs. Mais, vous voyez ? J'ai fini ! Maintenant je ne vous troublerai plus. Tout n'est pas dit de ce qui se rapporte à Moi. Seulement l'essentiel. Le reste... vous le comprendrez par la suite. Il vous sera dit... Oui. Il viendra Celui qui vous le dira ! Jean, va avec Judas et un autre, prendre les coupes pour la purification. Et puis assoyons-nous à table." Jésus est d'une douceur déchirante. Jean avec André, Jude Thaddée avec Jacques, apportent la vaste coupe, y versent l'eau et offrent l'essuie-mains à Jésus et à leurs compagnons qui font la même chose avec eux. La coupe (qui est un bassin de métal) est mise dans un coin. "Et maintenant à vos places. Moi ici, et ici (à droite) Jean et de l'autre côté mon fidèle Jacques. Les deux premiers disciples. Après Jean ma Pierre forte et après Jacques celui qui est comme l'air. On ne le remarque pas, mais il est toujours présent et réconforte : André. Près de lui, mon cousin Jacques. Tu ne te plains pas, doux frère, si je donne la première place aux premiers ? Tu es le neveu du Juste dont l'esprit palpite et plane sur Moi en cette soirée plus que jamais. Aie la paix, père de ma faiblesse enfantine, chêne à l'ombre duquel se restaurèrent la Mère et le Fils ! Aie la paix !... Après Pierre: Simon... Simon, viens ici un moment. Je veux fixer ton visage loyal. Après, je ne te verrai plus que mal car les autres me couvriront ta figure honnête. Merci, Simon. De tout" et il l'embrasse. Simon, quand il le laisse, va à sa place portant ses mains à son visage en marquant son affliction. "En face de Simon, mon Bartholmaï, deux honnêtetés et deux sagesses qui se reflètent. Ils sont bien ensemble. Et tout près, toi, Jude mon frère. Ainsi je te vois... et il me semble être à Nazareth... quand quelque fête nous réunissait tous à une table... Et aussi à Cana... Tu te souviens ? Nous étions ensemble. Une fête... une fête de noces... le premier miracle... l'eau changée en vin... Aujourd'hui aussi une fête... et aujourd'hui aussi il y aura un miracle... le vin changera de nature... et il sera..." Jésus se plonge dans ses pensées, la tête inclinée, et comme isolé dans son monde secret. Les autres le regardent et ne parlent pas. Il relève la tête et fixe Judas Iscariote auquel il dit : "Tu seras en face de Moi." "Tu m'aimes à ce point ? Plus que Simon, que tu veux toujours m'avoir en face de Toi ?" "Tellement. Tu l'as dit." "Pourquoi, Maître ?" "Parce que tu es celui qui a fait plus que tous pour cette heure." Judas jette un regard changé sur le Maître et sur ses compagnons. Sur le premier avec un air de compassion, sur les autres avec un air de triomphe. "Et à côté de toi, d'une part Matthieu, de l'autre Thomas." "Alors Matthieu à ma gauche et Thomas à ma droite." "Comme tu veux, comme tu veux" dit Matthieu. "Il me suffît d'avoir bien en face de moi mon Sauveur." "Le dernier, Philippe. Voilà, vous voyez ? Qui n'est pas à côté de Moi du côté d'honneur, a l'honneur d'être en face de Moi." Jésus, debout à sa place, verse dans le grand calice placé devant Lui (tous ont de hauts calices, mais Lui en a un beaucoup plus grand en plus de celui des autres. Ce doit être le calice rituel). Il verse le vin. Il l'élève, l'offre, le repose. Puis tous ensemble demandent sur le ton du psaume : "Pourquoi cette cérémonie ?" Question de pure forme, on le comprend, rituelle. Jésus, en chef de famille, y répond : "Ce jour rappelle notre libération de l'Égypte. Que soit béni Jéovah qui a créé le fruit de la vigne." Il boit une gorgée de ce vin qu'il a offert et passe le calice aux autres. Puis il offre le pain, en fait des morceaux, le distribue, ensuite les légumes trempés dans la sauce rougeâtre qui est dans quatre saucières. Une fois terminée cette partie du repas, ils chantent des psaumes tous en chœur. On apporte de la crédence sur la table et on place en face de Jésus le grand plateau de l'agneau rôti. Pierre qui a le rôle de... première partie du chœur, si vous voulez, demande: "Pourquoi cet agneau ainsi présenté ?" "En souvenir de quand Israël fut sauvé par l'agneau immolé. Le premier-né ne mourut pas là où le sang brillait sur les montants de la porte et sur l'architrave. Et ensuite, alors que l'Égypte pleurait ses fils premiers-nés qui étaient morts, depuis le palais royal jusqu'aux taudis, les hébreux, commandés par Moïse, se mirent en marche vers la terre de la libération et de la promesse. Les côtés déjà ceints, les sandales aux pieds, le bourdon en main, le peuple d'Abraham s'empressa de se mettre en marche en chantant les hymnes de la joie" Tous se lèvent debout et entonnent : "Quand Israël sortit d'Égypte et la maison de Jacob du milieu d'un peuple barbare, la Judée devint son sanctuaire"et cætera. Maintenant Jésus découpe l'agneau, verse un nouveau calice, le passe après en avoir bu. Puis ils chantent encore: "Enfants, louez le Seigneur. Que soit béni le Nom de l'Éternel maintenant et toujours dans les siècles. De l'orient à l'occident Il doit être loué"et cætera. Jésus donne les parts en faisant attention que chacun soit bien servi, exactement comme un père de famille parmi ses fils qui lui sont tous chers. Il est solennel, un peu triste, alors qu'il dit: "j'ai ardemment désiré de manger avec vous cette Pâque. Cela a été mon désir des désirs depuis qu'éternellement j'ai été le "Sauveur". Je savais que cette heure précéderait cette autre, et la joie de me donner mettait à l'avance ce soulagement à mon martyre... J'ai ardemment désiré de manger avec vous cette Pâque car jamais plus je ne goûterai du fruit de la vigne jusqu'à ce que soit venu le Royaume de Dieu. Alors je m'assiérai de nouveau avec les élus au Banquet de l'Agneau, pour les noces des Vivants avec le Vivant. Mais y viendront seulement ceux qui auront été humbles et purs de cœur comme je le suis." 

"Maître, tout à l'heure tu as dit que qui n'a pas l'honneur de la place, a celui d'être en face de Toi. Comment alors pouvons-nous savoir qui est le premier d'entre nous ?" demande Barthélemy. "Tous et personne. Une fois... nous revenions fatigués... avec la nausée de la rancœur des pharisiens. Mais vous n'étiez pas las pour discuter entre vous qui était le plus grand... Un enfant accourut près de Moi... un de mes petits amis... Et son innocence adoucit mon dégoût de tant de choses. Ce n'était pas pour dernière votre humanité opiniâtre. Où es-tu maintenant, petit Benjamin à la réponse sage, venue à toi du Ciel car, ange comme tu l'étais, l'Esprit te parlait ? Je vous ai dit alors : "Si quelqu'un veut être le premier qu'il soit le dernier et le serviteur de tous". Et je vous ai donné en exemple l'enfant sage. Maintenant je vous dis : "Les rois des nations les dominent. Et les peuples opprimés, tout en les haïssant, les acclament et on les appelle les rois 'Bienfaiteurs', 'Pères de la Patrie', mais la haine couve sous le respect menteur". Mais parmi vous qu'il n'en soit pas ainsi. Que le plus grand soit comme le plus petit, le chef comme celui qui sert. Qui, en fait, est le plus grand ? Celui qui est à table ou celui qui sert ? C'est celui qui est à table. Et pourtant, Moi je vous sers, et d'ici peu, je vous servirai davantage. Vous êtes ceux qui ont été avec Moi dans les épreuves, et Moi je dispose pour vous d'une place dans mon Royaume, de même que j'y serai Roi selon la volonté du Père, afin que vous mangiez et buviez à ma table éternelle et que vous soyez assis sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël. Vous êtes restés avec Moi dans les épreuves... Il n'y a que cela qui vous donne de la grandeur aux yeux du Père." "Et ceux qui viendront ? Ils n'auront pas de place dans le Royaume ? Nous seuls ?" "Oh ! que de princes dans ma Maison ! Tous ceux qui auront été fidèles au Christ dans les épreuves de la vie seront des princes dans mon Royaume, car ceux qui auront persévéré jusqu'à la fin dans le martyre de l'existence seront pareils à vous qui êtes restés avec Moi dans mes épreuves. Je m'identifie avec ceux qui croient en Moi. La Douleur que j'embrasse pour vous et pour tous les hommes, je la donne comme enseigne à ceux qui sont particulièrement élus. Celui qui me sera fidèle dans la Douleur sera un de mes bienheureux, pareil à vous, ô mes aimés." "Nous avons persévéré jusqu'à la fin." "Tu le crois, Pierre ? Et Moi, je te dis que l'heure de l'épreuve n'est pas encore venue. Simon, Simon de Jonas, voilà que Satan a demandé de vous vanner comme le grain. J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne vacille pas. Toi, quand tu te seras repenti, confirme tes frères." "Je sais que je suis un pécheur. Mais je serai fidèle à Toi jusqu'à la mort. Je n'ai pas ce péché. Je ne l'aurai jamais." "Ne sois pas orgueilleux, mon Pierre. Cette heure changera une infinité de choses qui avant étaient ainsi et qui maintenant seront différentes. Combien !... Elles apportent et imposent des nécessités nouvelles. Vous le savez. Je vous l'ai toujours dit, même quand nous allions par des chemins écartés, parcourus par des bandits : "Ne craignez pas, il ne vous arrivera aucun mal parce que les anges du Seigneur sont avec nous. Ne vous préoccupez de rien". Vous rappelez-vous quand je vous disais : "N'ayez pas d'inquiétudes pour ce que vous devez manger et pour le vêtement. Le Père sait de quoi nous avons besoin" ? Je vous disais aussi : "L'homme est beaucoup plus qu'un passereau et que la fleur qui aujourd'hui est de l'herbe et demain est du foin. Et pourtant le Père a soin aussi de la fleur et du petit oiseau. Pouvez-vous alors douter qu'il n'ait pas soin de vous ?" Je vous disais encore : "Donnez à qui vous demande, à celui qui vous offense présentez l'autre joue". Je vous disais : "N'ayez pas de bourse ni de bâton". Parce que je vous ai enseigné l'amour et la confiance. Mais maintenant... Maintenant ce n'est plus ce temps. Maintenant je vous dis : "Vous est-il rien manqué jusqu'à maintenant ? Avez-vous jamais été offensés ?" "Rien, Maître, Et Toi seul as été offensé." "Vous voyez donc que ma parole était vraie. Mais maintenant les anges ont tous été rappelés par leur Seigneur. C'est l'heure des démons... Avec leurs ailes d'or, eux, les anges du Seigneur, se couvrent les yeux, s'enveloppent et souffrent de ce que leurs ailes ne soient pas couleur du chagrin, car c'est une heure de deuil, de deuil cruel, sacrilège... Il n'y a pas d'anges sur la Terre ce soir. Ils sont près du trône de Dieu pour couvrir de leur chant les blasphèmes du monde déicide et les pleurs de l'Innocent. Et nous sommes seuls... Vous et Moi : seuls. Et les démons sont les maîtres de l'heure. Aussi maintenant nous allons prendre les apparences et les mesures des pauvres hommes qui se défient et n'aiment pas. Maintenant que celui qui a une bourse prenne aussi une besace, que celui qui n'a pas d'épée vende son manteau et en achète une, car cela aussi est dit de Moi dans l'Écriture et doit s'accomplir : "Il a été compté parmi les malfaiteurs. En vérité tout ce qui me concerne a son but." Simon, qui s'est levé pour aller au coffre où il a déposé son riche manteau — c'est en effet que ce soir tous ont pris leurs meilleurs habits, et ont par conséquent leurs poignards, damasquinés mais très courts, plutôt couteaux que poignards, à leurs riches ceintures — prend deux épées, deux épées véritables, longues, légèrement courbes, et les porte à Jésus : "Pierre et moi, nous sommes armés ce soir. Nous avons celles-ci, mais les autres n'ont que le court poignard" Jésus prend les épées, les observe, en dégaine une et essaie le tranchant sur l'ongle. C'est une vue étrange et cela fait une impression encore plus étrange de voir cette arme féroce dans les mains de Jésus. "Qui vous les a données ?" demande l'Iscariote alors que Jésus observe en silence. Et Judas paraît sur les épines... "Qui ? Je te rappelle que mon père était noble et puissant." "Mais Pierre..." "Eh bien ? Depuis quand dois-je rendre compte des cadeaux que je veux faire à mes amis ?" Jésus lève la tête après avoir rengainé l'arme et la rend au Zélote. "C'est bien, elles suffisent. Tu as bien fait de les prendre. Mais maintenant, avant que l'on boive le troisième calice, attendez un moment. Je vous ai dit que le plus grand est pareil au plus petit et que Moi je suis le serviteur à cette table, et que je vous servirai davantage. Jusqu'à présent je vous ai donné de la nourriture, service pour le corps. Maintenant je veux vous donner une nourriture pour l'esprit. Ce n'est pas un plat du rituel ancien. Il appartient au nouveau rite. J'ai voulu me baptiser avant d'être le "Maître". Pour répandre la Parole, ce baptême suffisait. Maintenant le Sang sera répandu. Il faut un nouveau baptême même pour vous qui pourtant avez été purifiés, par le Baptiste en son temps, et même aujourd'hui au Temple. Mais cela ne suffit pas encore. Venez que je vous purifie. Suspendez le repas. Il y a quelque chose de plus élevé et de plus nécessaire que la nourriture donnée au ventre pour le remplir, même si c'est une nourriture sainte comme celle du rite pascal. Et c'est un esprit pur, disposé à recevoir le don du Ciel qui déjà descend pour se faire un trône en vous et vous donner la Vie. Donner la Vie à qui est pur." Jésus se lève, fait lever Jean pour sortir plus facilement de sa place, va à un coffre et quitte son vêtement rouge pour le plier et le déposer sur le manteau déjà plié, se ceint la taille d'un grand essuie-mains, puis va à un autre bassin encore vide et propre. Il y verse de l'eau, le porte au milieu de la pièce près de la table, et le met sur un tabouret. Les apôtres le regardent étonnés. "Vous ne me demandez pas ce que je fais ?" "Nous ne savons pas. Je te dis que nous sommes déjà purifiés" répond Pierre. "Et je te répète que cela n'a pas importance. Ma purification servira à celui qui est déjà pur à être plus pur." Il s'agenouille, délace les sandales de l'Iscariote et lui lave les pieds l'un après l'autre. Il est facile de le faire car les lits-sièges sont tournés de façon que les pieds sont vers l'extérieur. Judas est stupéfait et ne dit rien. Seulement quand Jésus, avant de chausser le pied gauche et de se lever, fait le geste de lui baiser le pied droit déjà chaussé, Judas retire vivement son pied et frappe avec la semelle la bouche divine. Il le fait sans le vouloir. Ce n'est pas un coup fort, mais il me donne tant de douleur. Jésus sourit et à l'apôtre qui Lui demande : "T'ai-je fait mal ? Je ne voulais pas... Pardon", il dit : "Non, ami. Tu l'as fait sans malice et cela ne me fait pas mal." Judas le regarde. Un regard troublé, fuyant... Jésus passe à Thomas, puis à Philippe... il suit le côté étroit de la table et arrive à son cousin Jacques. Il le lave, et en se levant le baise au front. Il passe à André qui rougit de honte et fait des efforts pour ne pas pleurer, il le lave, le caresse comme un enfant. Puis c'est Jacques de Zébédée qui ne cesse de murmurer : "Oh ! Maître ! Maître ! Maître ! Tu t'anéantis, mon sublime Maître !" Jean a déjà délacé ses sandales et alors que Jésus se penche pour lui essuyer les pieds, il s'incline pour baiser ses cheveux. Mais Pierre !... Il n'est pas facile de le persuader de se prêter à ce rite ! "Toi, me laver les pieds ? N'y pense pas ! Tant que je suis en vie, je ne le permettrai pas. Je suis un ver, tu es Dieu. Chacun à sa place." "Ce que je fais, tu ne peux le comprendre maintenant, mais par la suite, tu le comprendras. Laisse-moi faire." "Tout ce que tu veux, Maître. Veux-tu me couper le cou ? Fais-le. Mais me laver les pieds, tu ne le feras pas." "Oh ! mon Simon ! Tu ne sais pas que si je ne te lave pas tu n'auras pas part à mon Royaume ? Simon, Simon ! Tu as besoin de cette eau pour ton âme et pour le tant de chemin que tu dois faire. Tu ne veux pas venir avec Moi ? Si je ne te lave pas, tu ne viens pas dans mon Royaume." "Oh ! mon Seigneur béni  Mais alors lave-moi tout entier ! Pieds, mains et tête !" "Celui qui, comme vous, a pris un bain n'a besoin que de se laver les pieds, puisqu'il est entièrement pur. Les pieds... L'homme avec ses pieds va dans les ordures. Et ce serait encore peu car, je vous l'ai dit, ce n'est pas ce qui entre et sort avec la nourriture qui souille, et ce n'est pas ce qui va sur les pieds, en route, qui contamine l'homme. Mais c'est ce qui couve et mûrit dans son cœur et sort de là pour contaminer ses actions et ses membres. Et les pieds de l'homme à l'âme impure vont aux orgies, à la luxure, aux commerces illicites, aux crimes... Ce sont donc parmi les membres du corps, ceux qui ont une grande partie à purifier... avec les yeux, avec la bouche... Oh ! homme ! homme ! Créature parfaite un jour, le premier ! Et ensuite tellement corrompu par le Séducteur ! Et il n'y avait pas de malice en toi, ô homme, et pas de péché !... Et maintenant ? Tu es tout entier malice et péché, et il n'y a pas de parties de toi qui ne pèche pas !" Jésus lave les pieds à Pierre, les baise, et Pierre pleure et il prend dans ses grosses mains les mains de Jésus, les passe sur ses yeux et les baise ensuite. Simon aussi a quitté ses sandales et se laisse laver. Mais ensuite, quand Jésus va passer à Barthélemy, Simon s'agenouille et Lui baise les pieds en disant : "Purifie-moi de la lèpre du péché comme tu m'as purifié de la lèpre du corps, pour que je ne sois pas confondu à l'heure du jugement, mon Sauveur !" "Ne crains pas, Simon. Tu viendras dans la Cité céleste blanc comme la neige." "Et moi, Seigneur ? A ton vieux Bartholmaï que dis-tu ? Tu m'as vu sous l'ombre du figuier et tu as lu dans mon cœur . Et maintenant que vois-tu, et où me vois-tu ? Rassure un pauvre vieux qui craint de ne pas avoir la force et le temps pour arriver à ce que tu veux qu'il soit." Barthélemy est très ému. "Toi aussi, ne crains pas. J'ai dit alors : "Voici un vrai Israélite en qui il n'y a pas de fraude". Maintenant je dis: "Voilà un vrai chrétien, digne du Christ''. Où je te vois ? Sur un trône éternel, vêtu de pourpre. Je serai toujours avec toi." C'est le tour de Jude Thaddée. Celui-ci, quand il voit Jésus à ses pieds, ne sait pas se contenir, il penche la tète sur son bras appuyé à la table et il pleure. "Ne pleure pas, doux frère. Tu es maintenant comme quelqu'un qui doit supporter qu'on lui enlève un nerf et il te paraît ne pas pouvoir le supporter. Mais ce sera une brève douleur. Puis... oh ! tu seras heureux parce que tu m'aimes. Tu t'appelles Jude, et tu es comme notre grand Jude: comme un géant. Tu es celui qui protège. Tes actions sont du lion et du lionceau qui rugit. Tu découvriras les impies qui reculeront devant toi, et les gens iniques seront terrifiés. Moi, je sais. Sois courageux. Une éternelle union resserrera et rendra parfaite notre parenté dans le Ciel." Il le baise lui aussi sur le front comme l'autre cousin, "Je suis pécheur, Maître. Pas à moi..." "Tu étais pécheur, Matthieu. Maintenant tu es l'Apôtre. Tu es une de mes "voix". Je te bénis. Ces pieds, que de chemin ils ont fait pour avancer toujours, vers Dieu... L'âme les excitait et ils ont quitté tout chemin qui n'était pas mon chemin. Avance. Sais-tu où finit le sentier ? Sur le sein du Père qui est le mien et le tien" Jésus a fini. Il enlève la serviette, se lave les mains dans de l'eau propre, reprend son vêtement, retourne à sa place et dit alors qu'il s'assied à sa place : "Maintenant vous êtes purs, mais pas tous. Seulement ceux qui ont eu la volonté de l'être." Il fixe Judas de Kériot qui fait semblant de ne pas entendre, occupé à expliquer à son compagnon Matthieu comment son père se décida à l'envoyer à Jérusalem, conversation inutile dont le seul but est de donner une contenance à Judas qui, malgré son audace, doit se sentir mal à l'aise. Jésus pour la troisième fois verse du vin dans le calice commun. Il boit, fait boire. Puis il entonne et les autres font un chœur : "J'aime parce que le Seigneur écoute la voix de ma prière, parce qu'il tend son oreille vers moi. Je l'invoquerai toute ma vie. J'étais entouré des douleurs de mort" et cætera. Un moment d'arrêt, puis il recommence à chanter : "J'ai eu foi, c'est pour cela que j'ai parlé. Mais j'ai été fortement humilié. Et je disais dans mon trouble : "Tout homme est menteur"." Il regarde fixement Judas. La voix de mon Jésus, fatiguée ce soir, reprend sa force quand il s'écrie : "Elle est précieuse devant Dieu la mort des saints" et "Tu as brisé mes chaînes. Je te sacrifierai une hostie de louange en invoquant le nom du Seigneur" et cætera. Un autre bref arrêt dans le chant et puis il reprend : "Louez tous le Seigneur, ô nations; louez-le tous les peuples. Car elle s'est affermie sur nous sa miséricorde et la vérité du Seigneur dure éternellement." Un autre arrêt bref et puis un long hymne: "Célébrez le Seigneur car Il est bon, car sa miséricorde dure éternellement..." Judas de Kériot chante tellement faux que par deux fois Thomas lui redonne le ton de sa puissante voix de baryton et le regarde fixement. Les autres aussi le regardent car généralement il est bien dans le ton de sa voix, j'ai compris, qu'il en est orgueilleux comme du reste. Mais ce soir ! Certaines phrases le troublent au point qu'il chante faux et de même des regards de Jésus qui soulignent certaines phrases. L'une d'elles : "Il vaut mieux avoir confiance en Dieu que d'avoir confiance en l'homme." Une autre : "Bousculé, j'ai vacillé et j'allais tomber, mais le Seigneur m'a soutenu." Une autre c'est : "Je ne mourrai pas, mais je vivrai et je raconterai les œuvres du Seigneur." Et enfin ces deux, que je dis maintenant, étranglent la voix dans la gorge du Traître : "La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la pierre d'angle" et "Béni celui qui vient au nom du Seigneur !" Le psaume fini, pendant que Jésus découpe des tranches de l'agneau et les présente, Matthieu demande à Judas de Kériot : "Mais tu te sens mal ?" "Non. Laisse-moi tranquille. Ne t'occupe pas de moi." Matthieu hausse les épaules. Jean, qui a entendu, dit : "Le Maître aussi n'est pas bien. Qu'as-tu mon Jésus ? Ta voix est faible comme celle d'un malade ou de quelqu'un qui a beaucoup pleuré" et il l'embrasse en restant la tête sur la poitrine de Jésus. "Il a seulement beaucoup parlé, comme moi j'ai beaucoup marché et pris froid" dit Judas nerveux. Et Jésus, sans lui répondre, dit à Jean : "Tu me connais désormais... et tu sais ce qui me fatigue..." L'agneau est presque consommé. Jésus, qui a très peu mangé en buvant seulement une gorgée de vin à chaque calice et en buvant par contre beaucoup d'eau comme s'il était fiévreux, recommence à parler : "Je veux que vous compreniez mon geste de tout à l'heure. Je vous ai dit que le premier est comme le dernier, et que je vous donnerai une nourriture qui n'est pas corporelle. C'est une nourriture d'humilité que je vous ai donnée, pour votre esprit. Vous m'appelez Maître et Seigneur. Vous dites bien car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez le faire l'un pour l'autre. Je vous ai donné l'exemple afin que vous fassiez comme j'ai fait. En vérité je vous dis : le serviteur n'est pas plus que le Maître, et l'apôtre n'est pas plus que Celui qui l'a fait tel. Cherchez à comprendre ces choses. Si ensuite, en les comprenant, vous les mettez en pratique vous serez bienheureux. Mais vous ne serez pas tous bienheureux. Je vous connais. Je sais qui j'ai choisi. Je ne parle pas de tous de la même manière, mais je dis ce qui est vrai. D'autre part doit s'accomplir ce qui est écrit à mon sujet: "Celui qui a mangé le pain avec Moi, a levé son talon sur Moi". Je vous dis tout avant que cela n'arrive, pour que vous n'ayez pas de doutes sur Moi. Quand tout sera accompli, vous croirez encore davantage que Je suis Moi. Celui qui m'accueille, accueille Celui qui m'a envoyé: le Père Saint qui est dans les Cieux, et celui qui accueillera ceux que je lui enverrai il m'accueillera Moi-même. Car je suis avec le Père et vous êtes avec Moi... Mais maintenant accomplissons le rite." Il verse de nouveau du vin dans le calice commun et avant d'en boire et d'en faire boire il se lève, et tous se lèvent avec Lui et il chante de nouveau un des psaumes d'auparavant : "J'ai eu foi, et c'est pour cela que j'ai parlé..." et puis un autre qui n'en finit pas. Beau... mais sans fin ! Je crois le retrouver, pour le commencement et la longueur, dans le psaume 118. Ils le chantent ainsi. Un morceau tous ensemble, puis à tour de rôle chacun dit un verset et les autres un morceau ensemble, et ainsi jusqu'à la fin. Je crois qu'à la fin ils ont soif ! Jésus s'assied, il ne s'allonge pas. Il reste assis, comme nous, et il parle : "Maintenant que l'ancien rite est accompli, je célèbre le nouveau rite. Je vous ai promis un miracle d'amour. C'est l'heure de le faire. C'est pour cela que j'ai désiré cette Pâque. Dorénavant voilà l'Hostie qui sera consommée dans un perpétuel rite d'amour. Je vous ai aimés pour toute la vie de la Terre, mes chers amis. Je vous ai aimés pour toute l'éternité, mes fils. Et je veux vous aimer jusqu'à la fin. Il n'y a pas de chose plus grande que celle-là. Rappelez-vous-en. Je m'en vais, mais nous resterons unis pour toujours grâce au miracle que maintenant j'accomplis." Jésus prend un pain encore entier, le met sur le calice rempli. Il bénit et offre l'un et l'autre, puis il partage le pain, en fait treize morceaux et en donne un à chacun des apôtres en disant: "Prenez et mangez. Ceci est mon Corps. Faites ceci en mémoire de Moi qui m'en vais." Il donne le calice et dit : "Prenez et buvez. Ceci est mon Sang. Ceci est le calice du nouveau pacte dans le Sang et par mon Sang qui sera répandu pour vous pour la rémission de vos péchés et pour vous donner la Vie. Faites ceci en mémoire de Moi." Jésus est très triste. Tout sourire, toute trace de lumière, de couleur l'ont abandonné. Il a déjà un visage d'agonie. Les apôtres le regardent angoissés. Jésus se lève en disant : "Ne bougez pas. Je reviens tout de suite." Il prend le treizième morceau de pain, prend le calice et sort du Cénacle. "Il va trouver sa Mère" murmure Jean. Et Jude Thaddée soupire : "Pauvre femme !" Pierre demande tout bas : "Crois-tu qu'elle sache ?" "Elle sait tout. Elle a toujours tout su." Ils parlent tous à voix très basse comme devant un mort. "Mais croyez-vous que vraiment..." demande Thomas qui ne veut pas encore croire. "Et en doutes-tu ? C'est son heure" répond Jacques de Zébédée. "Que Dieu nous donne la force d'être fidèles" dit le Zélote. "Oh! moi..." va dire Pierre. Mais Jean, qui est aux aguets, dit : "Chut! Le voici." Jésus rentre. Il a dans les mains le calice vide. Sur le fond il y a à peine une trace de vin, et sous la lumière du lampadaire elle semble vraiment du sang. Judas Iscariote, qui a devant lui le calice, le regarde comme fasciné, et puis il détourne son regard. Jésus l'observe et il a un frisson que ressent Jean, appuyé comme il l'est sur sa poitrine. "Mais dis-le ! Tu trembles..." s'écrie-t-il. "Non. Je ne tremble pas de fièvre... Je vous ai tout dit et je vous ai tout donné. Je ne pouvais vous donner davantage. C'est Moi-même que je vous ai donné." Il a son doux geste des mains qui, d'abord jointes, se séparent maintenant et s'écartent alors qu'il baisse la tète comme pour dire : "Excusez-moi si je ne puis davantage. C'est ainsi." "Je vous ai tout dit, et je vous ai tout donné. Et je répète.Le nouveau rite est accompli. Faites ceci en mémoire de Moi. Je vous ai lavé les pieds pour vous apprendre à être humbles et purs comme votre Maître. Car je vous dis qu'en vérité les disciples doivent être comme le Maître. Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en. Même quand vous serez haut placés, souvenez-vous-en. Le disciple n'est pas plus que le Maître. Comme je vous ai lavés, faites-le entre vous. C'est-à-dire aimez-vous comme des frères, en vous aidant l'un l'autre, en vous vénérant réciproquement, en étant un exem­ple l'un pour l'autre. Et soyez purs. Pour être dignes de manger le Pain vivant descendu du Ciel et pour avoir en vous et par Lui la force d'être mes disciples dans un monde ennemi qui vous haïra à cause de mon Nom. Mais l'un de vous n'est pas pur. L'un de vous me trahira. De cela, mon esprit est fortement troublé... La main de celui qui me trahit est avec Moi sur cette table, et ni mon amour, ni mon Corps, ni mon Sang, ni ma parole ne le rappellent ni ne le font repentir. Je lui pardonnerais en allant à la mort pour lui aussi." Les disciples se regardent terrifiés. Ils se scrutent, se suspectant l'un l'autre. Pierre fixe l'Iscariote dans un réveil de tous ses doutes. Jude Thaddée se lève brusquement pour regarder à son tour l'Iscariote au-dessus de Matthieu. Mais l'Iscariote a tant d'assurance ! A son tour, il regarde fixement Matthieu comme s'il le suspectait, puis il fixe Jésus et sourit en demandant: "Serait-ce moi, celui-là ?" Il paraît le plus sûr de son honnêteté et qu'il parle ainsi pour ne pas laisser tomber la conversation. Jésus répète son geste en disant : "Tu le dis, Judas de Simon. Ce n'est pas Moi, c'est toi qui le dis. Je ne t'ai pas nommé. Pourquoi t'accuses-tu ? Interroge ton admoniteur intérieur, ta conscience d'homme, la conscience que le Dieu Père t'a donnée pour te con­duire en homme, et rends-toi compte si elle t'accuse. Tu le sauras avant tous. Mais si elle te rassure, pourquoi dis-tu une parole et penses-tu à une chose dont il est anathème même d'en parler ou d'y penser par plaisanterie ?" Jésus parle avec calme. Il semble qu'il soutienne la thèse pro­posée comme peut le faire un savant à sa classe. L'émoi est grand, mais le calme de Jésus l'apaise. Cependant Pierre qui soupçonne le plus Judas — peut-être le Thaddée aussi, mais il le paraît moins, désarmé comme il l'est par la désinvolture de l'Iscariote — tire Jean par la manche. Quand Jean, qui s'est tout serré contre Jésus en entendant parler de trahi­son, se tourne, il lui murmure: "Demande-lui qui c'est." Jean reprend sa position et lève seulement la tête comme pour baiser Jésus et en même temps Lui murmure à l'oreille: "Maître, qui est-ce ?" Et Jésus, très doucement, en lui rendant le baiser dans les cheveux : "Celui auquel je vais donner un morceau de pain trempé." Et prenant un pain encore entier, pas le reste de celui qui a servi pour l'Eucharistie, en détache une grosse bouchée, la trempe dans la sauce de l'agneau dans le plateau, il allonge le bras au-dessus de la table et dit: "Prends, Judas. Tu aimes cela." "Merci, Maître. Oui, j'aime cela" et ne sachant pas ce qu'est cette bouchée, il la mange, alors que Jean, horrifié, va jusqu'à fermer ses yeux pour ne pas voir l'horrible rire de l'Iscariote pendant qu'il mange à belles dents le pain accusateur. "Bon ! Va, maintenant que je t'ai fait plaisir" dit Jésus à Judas. "Tout est accompli, ici (il marque beaucoup ce mot). Ce qui reste encore à faire ailleurs, fais-le vite, Judas de Simon." "Je t'obéis de suite, Maître. Ensuite je te rejoindrai au Gethsémani. Tu vas là, n'est-ce pas, comme toujours ?" "J'y vais... comme toujours... oui.". "Qu'a-t-il à faire ?" demande Pierre. "Il va seul ?". "Je ne suis pas un enfant" plaisante Judas qui met son manteau. "Laisse-le aller. Lui et Moi savons ce qu'il y a à faire" dit Jésus. "Oui, Maître," Pierre se tait. Peut-être pense-t-il qu'il a péché en soupçonnant son compagnon. La main sur le front, il réfléchit. Jésus serre Jean sur son cœur et se tourne pour lui murmurer dans les cheveux : "Ne dis rien à Pierre pour le moment. Ce serait un scandale inutile." "Adieu, Maître. Adieu, amis." Judas salue. "Adieu" dit Jésus. Et Pierre : "Je te salue, garçon." Jean, la tête presque sur le sein de Jésus, murmure : "Satan !" Jésus seul l'entend et soupire. Ici tout s'arrête, mais Jésus dit: "Je suspends par pitié pour toi. Jeté donnerai la fin de la Cène à un autre moment." (la cène continue) Il y a quelques minutes de silence absolu. Jésus a la tête inclinée, en caressant machinalement les cheveux blonds de Jean. Puis il se secoue, lève la tête, tourne son regard, a un sourire qui réconforte les disciples. Il dit : "Quittons la table et asseyons-nous tous les uns près des autres, comme autant de fils autour de leur père." Ils prennent les lits-sièges qui étaient derrière la table {ceux de Jésus, Jean, Jacques, Pierre, Simon, André et du cousin Jacques) et ils les portent de l'autre côté. Jésus prend place sur le sien, toujours entre Jacques et Jean. Mais quand il voit qu'André va s'asseoir à la place laissée par l'Iscariote, il crie : "Non, pas là." Un cri impulsif que son extrême prudence ne réussit pas à empêcher. Puis il se reprend en parlant ainsi : "Il n'est pas besoin de tant de place. En restant assis, on peut tenir sur eux seuls. Ils suffisent. Je vous veux très proches." Jacques de Zébédée appelle Pierre : "Assieds-toi ici. Moi, je m'assois sur ce petit tabouret, aux pieds de Jésus." "Que Dieu te bénisse, Jacques ! Je le désirais tant !" dit Pierre, et il se serre contre son Maître qui est ainsi serré de près par Jean et Pierre, avec Jacques à ses pieds. Jésus sourit : "Je vois que commence à opérer la parole dite auparavant. Les bons frères s'aiment. Moi aussi, je te dis, Jacques : "Que Dieu te bénisse". Ce geste aussi, l'Éternel ne l'oubliera pas, et tu le trouveras là-haut. Moi je puis tout ce que je demande. Vous l'avez vu. Il a suffi d'un de mes désirs pour que le Père accorde au Fils de se donner en Nourriture à l'homme. Avec ce qui vient d'arriver le Fils de l'homme a été glorifié car c'est un témoignage de pouvoir le miracle qui n'est possible qu'aux amis de Dieu. Plus le miracle est grand et plus est sûre et profonde cette divine amitié. C'est un miracle qui, par sa forme, sa durée et sa nature, par son étendue et les limites qu'il atteint, est le plus fort qui puisse exister. Je vous le dis : il est si puissant, surnaturel, inconcevable pour l'homme orgueilleux, que bien peu le comprendront comme il doit être compris et que beaucoup le négligeront. Que dirai-je alors ? Condamnation pour eux ? Non. Je dirai : pitié ! Mais plus grand est le miracle, plus grande est la gloire qui en revient à son auteur. C'est Dieu Lui-même qui dit : "Voilà, mon bien-aimé a voulu cela, il l'a eu, et c'est Moi qui le Lui ai accordé, parce qu'il possède une grande grâce à mes yeux". Et ici Il dit: ''Il a une grâce sans limites comme est infini le miracle accompli par Lui". De même à la gloire qui revient à l'auteur du miracle de la part de Dieu il y a la gloire qui de son auteur revient au Père. Car toute gloire spirituelle, venant de Dieu, revient à sa source. Et la gloire de Dieu, bien qu'elle soit infinie, s'accroît toujours plus et brille par la gloire de ses saints. C'est pourquoi je vous dis : de même que le Fils de l'homme a été glorifié par Dieu, ainsi Dieu a été glorifié par le Fils de l'homme. J'ai glorifié Dieu en Moi-même. A son tour Dieu glorifiera son Fils en Lui. C'est bientôt qu'il va le glorifier. Exulte, Toi qui reviens à ton Siège, ô Essence spirituelle de la Seconde Personne ! Exulte, ô chair qui vas remonter après un si long exil dans la fange. Et ce n'est pas le Paradis d'Adam, mais le Paradis sublime du Père qui va t'être donné comme demeure. S'il a été dit que par la stupeur d'un commandement de Dieu, donné par la bouche d'un homme, le soleil s'est arrêté, que n'arrivera-t-il pas dans les astres quand ils verront le prodige de la Chair de l'Homme monter et prendre place à la droite du Père dans sa Perfection de matière glorifiée ? Mes petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je reste avec vous. Et vous, ensuite, vous me chercherez comme des orphelins cherchent leur père mort. Et en pleurant, vous irez en parlant de Lui et vous frapperez en vain à son tombeau muet, et puis encore vous frapperez aux portes azurées du Ciel, avec votre âme lancée dans une suppliante recherche d'amour, disant : "Où est notre Jésus ? Nous le voulons. Sans Lui, il n'y a plus de lumière dans le monde, ni de joie, ni d'amour. Rendez-le-nous, ou bien laissez-nous entrer. Nous voulons être où il est". Mais, pour le moment, vous ne pouvez venir où je vais. Je l'ai dit aussi aux juifs: "Ensuite vous me chercherez, mais où je vais vous ne pouvez venir". Je le dis aussi à vous. Pensez à la Mère... Elle non plus ne pourra venir où je vais. Et pourtant j'ai quitté le Père pour venir à elle et me faire Jésus dans son sein sans tache. Et pourtant c'est de l'Inviolée que je suis venu dans l'extase lumineuse de ma Naissance. Et c'est de son amour, devenu lait, que je me suis nourri. Je suis fait de pureté et d'amour car Marie m'a nourri de sa virginité fécondée par l'Amour parfait qui vit dans le Ciel. Et pourtant c'est par elle que j'ai grandi, en lui coûtant fatigues et larmes... Et pourtant je lui demande un héroïsme tel que jamais il n'en a été accompli, et par rapport auquel celui de Judith et de Jahel sont des héroïsmes de pauvres femmes discutant avec leur rivale près de la fontaine de leur village. Et pourtant personne ne lui est pareil quand il s'agit de m'aimer. Et, malgré cela, je la laisse et je vais où elle ne viendra que dans beaucoup de temps. Pour elle ce n'est pas le commandement que je vous donne à vous : "Sanctifiez-vous année par année, mois par mois, jour par jour, heure par heure, pour pouvoir venir à Moi quand ce sera votre heure". En elle est toute grâce et toute sainteté. C'est la créature qui a tout eu et qui a tout donné. Il n'y a rien à ajouter ni à enlever. C'est le très saint témoignage de ce que peut Dieu. Mais pour être certain qu'il y a en vous la capacité de pouvoir me rejoindre, et d'oublier la douleur du deuil de la séparation de votre Jésus, je vous donne un commandement nouveau. Et c'est que vous vous aimiez les uns les autres. Comme je vous ai aimés, de même aimez-vous l'un l'autre. C'est par cela que l'on saura que vous êtes mes disciples. Quand un père a de nombreux fils, par quoi reconnaît-on qu'ils sont tels ? Pas tellement par l'aspect physique - car il y a des hommes qui sont semblables à un autre homme avec lequel ils n'ont aucun rapport de sang ni non plus de nation - mais par l'amour commun pour la famille, pour leur père, et entre eux. Et le père une fois mort, la bonne famille ne se désagrège pas, parce qu'il y a un même sang et que c'est toujours celui qui vient de la semence du père, et il noue des liens que la mort elle-même ne délie pas parce que l'amour est plus fort que la mort. Or, si vous vous aimez même après que je vous aurai quittés, tous reconnaîtront que vous êtes mes fils et par conséquent mes disciples et que vous êtes frères entre vous, ayant eu un seul père." "Seigneur Jésus, mais où vas-tu ?" demande Pierre. "Je vais où, pour le moment, tu ne peux me suivre. Mais plus tard tu me suivras." "Et pourquoi pas maintenant ? Je t'ai toujours suivi depuis que tu m'as dit : "Suis-moi". J'ai tout quitté sans regret... Or, si tu t'en allais sans ton pauvre Simon, en me laissant sans Toi, mon Tout, alors que pour Toi j'ai quitté le peu de bien que j'avais, ce ne serait pas juste ni beau de ta part. Tu vas à la mort ? C'est bien. Mais moi aussi je viens. Allons ensemble dans l'autre monde. Mais auparavant je t'aurai défendu. Je suis prêt à donner ma vie pour Toi." "Tu donneras ta vie pour Moi ? Maintenant ? Maintenant non. En vérité, oh ! c'est en vérité que je te le dis : le coq n'aura pas encore chanté que tu m'auras renié trois fois. Maintenant c'est encore la première veille. Puis viendra la seconde... et puis la troisième. Avant que résonne le chant du coq tu auras par trois fois renié ton Seigneur." "Impossible, Maître ! Je crois à tout ce que tu dis, mais pas à cela. Je suis sûr de moi." "Maintenant, pour l'instant tu es sur, mais c'est parce que tu m'as encore. Tu as Dieu avec toi. D'ici peu le Dieu Incarné sera pris et vous ne l'aurez plus. Et Satan, après vous avoir déjà appesantis - ton assurance elle-même est une ruse de Satan, un poids pour t'appesantir - vous effraiera. Il vous insinuera : "Dieu n'existe pas. Moi j'existe". Et pourtant, bien que votre esprit sera aveuglé par l'épouvante, vous raisonnerez encore, et vous comprendrez que quand Satan est le maître du moment, le Bien est mort et le Mal agissant, l'esprit abattu et l'humain triomphant. Alors vous resterez comme des guerriers sans chef, poursuivis par l'ennemi, et dans votre frayeur de vaincus vous courberez l'échiné devant le vainqueur, et pour n'être pas tués vous renierez le héros tombé. Mais, je vous en prie, que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, et croyez aussi en Moi. Croyez en Moi, contre toutes les apparences. Qu'il croie dans ma miséricorde et dans celle du Père aussi bien celui qui reste que celui qui fuit. Aussi bien celui qui se tait que celui qui ouvrira la bouche pour dire : "Je ne le connais pas". Croyez également dans mon pardon. Et croyez que quelles que soient dans l'avenir vos actions, dans le Bien et dans ma Doctrine, dans mon Église par conséquent, elles vous donneront une même place dans le Ciel. Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. S'il n'en était pas ainsi, je vous l'aurais dit. Car je vais en avant, vous préparer une place pour vous. N'agissent-ils pas ainsi les bons pères quand ils doivent amener ailleurs leur petite famille? Ils vont à l'avance préparer la maison, le mobilier, les provisions, et puis ils viennent prendre leurs enfants les plus chers. Ils agissent ainsi par amour, pour que rien ne manque aux petits et qu'ils ne souffrent pas dans le nouveau village. J'agis de même et pour le même motif. Maintenant je m'en vais. Et quand j'aurai préparé une place pour chacun dans la Jérusalem céleste, je viendrai de nouveau, je vous prendrai avec Moi pour que vous soyez avec Moi où je suis, où il n'y aura ni mort, ni deuil, ni larmes, ni cris, ni faim, ni douleur, ni ténèbres, ni feu, mais seulement lumière, paix, béatitude et chant. Oh! chant des Cieux très hauts quand les douze élus seront sur les trônes avec les douze patriarches des douze tribus d'Israël, et chanteront dans l'ardeur du feu de l'amour spirituel, dressés sur la mer des béatitudes, le cantique éternel qui aura pour arpège l'éternel alléluia de l'armée angélique... Je veux que vous soyez là où je serai. Et vous savez où je vais et vous en connaissez le chemin." "Mais, Seigneur ! Nous ne savons rien. Tu ne nous dis pas où tu vas. Comment pouvons-nous savoir le chemin à prendre pour venir vers Toi et pour abréger l'attente ?" dit Thomas. "Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. Vous me l'avez entendu dire et expliquer plusieurs fois et, en vérité certains, qui ne savaient même pas qu'il existe un Dieu, se sont avancés sur le chemin, sur mon chemin et ont déjà de l'avance sur vous. Oh ! où es-tu, brebis perdue de Dieu que j'ai ramenée au bercail ? Où es-tu, toi dont l'âme est ressuscitée ?" "Qui ? De qui parles-tu ? De Marie de Lazare ? Elle est à côté, avec ta Mère. Tu la veux ? Ou bien tu veux Jeanne ? Certainement elle est dans son palais, mais si tu veux, nous allons l'appeler..." "Non. Pas elles... Je pense à celle qui ne sera dévoilée que dans le Ciel... et à Fotinaï... Elles m'ont trouvé et n'ont plus quitté mon chemin. A l'une j'ai indiqué le Père comme Dieu vrai et l'Esprit comme lévite dans cette adoration individuelle. A l'autre, qui ne savait même pas qu'elle avait un esprit, j'ai dit : "Mon nom est Sauveur. Je sauve celui qui a bonne volonté de se sauver. Je suis Celui qui cherche ceux qui sont perdus pour leur donner la Vie, la Vérité et la Pureté. Qui me cherche me trouve". Et toutes deux ont trouvé Dieu... Je vous bénis. Èves faibles devenues plus fortes que Judith... Je viens, où vous êtes je viens... Vous me consolez... Soyez bénies !..." "Montre-nous le Père, Seigneur, et nous serons pareilles à elles" dit Philippe. "Depuis si longtemps je suis avec vous, et toi, Philippe, tu ne m'as pas encore connu ? Qui me voit, voit mon Père. Comment donc peux-tu dire : "Montre-nous le Père" ? Tu n'arrives pas à croire que je suis dans le Père et le Père est en Moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de Moi-même. Mais le Père qui demeure en Moi accomplit toutes mes œuvres, et vous ne croyez pas que je suis dans le Père et Lui est en Moi? Que dois-je dire pour vous faire croire ? Mais si vous ne croyez pas aux paroles, croyez au moins aux œuvres. Je vous dis et je vous le dis avec vérité : celui qui croit en Moi fera les œuvres que je fais, et en fera encore de plus grandes, parce que je vais au Père. Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom je le ferai pour que le Père soit glorifié en son Fils. Et je ferai ce que vous me demanderez au nom de mon Nom. Mon Nom est connu, pour ce qu'il est réellement, à Moi seul, au Père qui m'a engendré et à l'Esprit qui procède de notre amour. Et par ce Nom tout est possible. Qui pense à mon Nom avec amour m'aime, et obtient. Mais il ne suffit pas de m'aimer. Il faut observer mes com­mandements pour avoir le véritable amour. Ce sont les œuvres qui ; témoignent des sentiments, et au nom de cet amour, je prierai le Père, et Lui vous donnera un autre Consolateur pour qu'il reste pour toujours avec vous. Quelqu'un que Satan et le monde ne peuvent atteindre, l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir et ne peut frapper, car il ne le voit pas et ne le connaît pas. Il s'en moquera. Mais Lui est si élevé que le mépris ne pourra l'atteindre alors que, compatissant au-delà de toute mesure, Il sera toujours avec celui qui l'aime, même s'il est pauvre et faible. Vous le con­naîtrez car Il demeure déjà avec vous et bientôt sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins. Je vous l'ai déjà dit: "Je reviendrai à vous". Mais je viendrai avant que ce soit l'heure de venir vous prendre pour aller dans mon Royaume. Je viendrai à vous. D'ici peu, le monde ne me verra plus. Mais vous me voyez et vous me verrez parce que je vis et vous vivez, parce que je vivrai et vous aussi vivrez. Ce jour-là, vous saurez que je suis en mon Père, et vous en Moi, et Moi en vous. En effet, celui qui accueille mes préceptes et les observe, celui-là m'aime, et celui qui m'aime sera aimé de mon Père et il possédera Dieu car Dieu est charité et celui qui aime a Dieu en lui. Et je l'aimerai car en lui je verrai Dieu, et je me manifesterai à lui en me faisant connaître dans les secrets de I mon amour, de ma sagesse, de ma Divinité Incarnée. Ce seront mes retours parmi les fils de l'homme que j'aime bien qu'ils soient faibles et même ennemis. Mais ceux-ci seront seulement faibles. Et je les fortifierai et je leur dirai : "Lève-toi !", je dirai : "Viens dehors !", je dirai : "Suis-moi", je dirai : "Écoute", je dirai : "Écris"... et vous êtes parmi ceux-ci." "Pourquoi, Seigneur, te manifestes-tu à nous et pas au monde ?" demande Jude Thaddée. "Parce que vous m'aimez et observez mes paroles. Celui qui agira ainsi sera aimé de mon Père et Nous viendrons à lui et Nous établirons notre demeure chez lui, en lui. Alors que celui qui ne m'aime pas n'observe pas mes paroles et agit selon la chair et le monde. Maintenant sachez que ce que je vous ai dit n'est pas parole de Jésus de Nazareth, mais parole du Père parce que je suis le Verbe du Père qui m'a envoyé. Je vous ai dit ces choses en parlant ainsi, avec vous, parce que je veux vous préparer Moi-même à la possession complète de la Vérité et de la Sagesse. Mais vous ne pouvez encore comprendre et vous souvenir. Pourtant, quand viendra à vous le Consolateur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, alors vous pourrez comprendre et Lui vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit. Je vous laisse ma paix. Je vous donne ma paix. Je vous la donne non comme la donne le monde, ni même comme jusqu'à présent je vous l'ai donnée: le salut béni du Béni à ceux qui sont bénis. Plus profonde est la Paix que maintenant je vous donne. En cet adieu, je vous communique Moi-même, mon Esprit de paix, comme je vous ai communiqué mon Corps et mon Sang, pour qu'en vous reste une force dans la bataille imminente. Satan et le monde vont déchaîner la guerre contre votre Jésus. C'est leur heure. Ayez en vous la Paix, mon Esprit qui est un esprit de paix, car je suis le Roi de la Paix. Ayez-la pour ne pas être trop abandonnés. Celui qui souffre avec la paix de Dieu en lui, souffre mais sans blasphème et sans désespoir. Ne pleurez pas. Vous avez bien entendu que j'ai dit : "Je vais au Père et puis je reviendrai". Si vous m'aimiez au-delà de la chair vous vous réjouiriez, car je vais au Père après un si long exil... Je vais vers Celui qui est plus grand que Moi et qui m'aime. Je vous l'ai dit maintenant, avant que cela s'accomplisse, comme je vous ai dit toutes les souffrances du Rédempteur avant d'aller vers elles afin que, quand tout sera accompli, vous croyiez toujours plus en Moi. Ne vous troublez pas ainsi ! Ne vous effrayez pas. Votre cœur a besoin d'équilibre... Je n'ai plus que peu à vous parler... et j'ai encore tant à dire ! Arrivé au terme de mon évangélisation, il me semble n'avoir encore rien dit et tant, tant, tant il reste encore à faire. Votre état augmente cette sensation. Et que dirai-je, alors ? Que j'ai manqué à mon devoir ? Ou que vous êtes si durs de cœur que cela n'a servi à rien ? Vais-je douter ? Non. Je me fie à Dieu et je vous confie à Lui vous, mes bien-aimés. Lui accomplira l'œuvre de son Verbe. Je ne suis pas comme un père qui meurt et n'a d'autre lumière que l'humaine. J'espère en Dieu. Et même en sentant en Moi se presser tous les conseils dont je vois que vous avez besoin et en voyant fuir le temps, je vais tranquille vers mon sort. Je sais que sur les semences tombées en vous, va descendre une rosée qui les fera toutes germer, et puis viendra le soleil du Paraclet, et elles deviendront un arbre puissant. Il va venir le prince de ce monde, avec qui je n'ai rien à faire. Et, si ce n'avait été dans un but de rédemption, il n'aurait rien pu sur Moi. Mais cela arrive afin que le monde sache que j'aime le Père et que je l'aime jusqu'à l'obéis­sance qui me soumet à la mort et que je fais ce qu'il m'a ordonné. C'est l'heure de partir. Levez-vous, et écoutez les ultimes paroles. Je suis la vraie Vigne et c'est mon Père qui la cultive. Tout sarment qui ne porte pas de fruit Lui le coupe et celui qui porte du fruit Il le taille pour qu'il en porte encore plus. Vous êtes déjà puri­fiés par ma parole. Demeurez en Moi et Moi en vous pour continuer à être tels. Le sarment détaché de la vigne ne peut faire de fruit. Il en est ainsi pour vous si vous ne restez pas en Moi. Je suis la Vigne et vous les sarments. Celui qui reste uni à Moi porte des fruits abondants. Mais si l'un se détache, il devient un rameau sec que l'on jette au feu et que l'on brûle, car sans l'union avec Moi, vous ne pouvez rien faire. Restez donc en Moi, et que mes paroles restent en vous, puis demandez ce que vous voulez et cela vous sera fait. Mon Père sera toujours d'autant plus glorifié que vous porterez davantage de fruit et que vous serez davantage mes disciples. Comme le Père m'a aimé, il en est de même pour Moi avec vous. Demeurez dans mon amour qui sauve. En m'aimant vous serez obéissants, et l'obéissance fait croître l'amour réciproque. Ne dites pas que je me répète. Je connais votre faiblesse, et je veux que vous vous sauviez. Je vous ai dit ces choses pour que la joie que j'ai voulu vous donner soit en vous et soit complète. Aimez-vous, aimez-vous ! C'est mon nouveau commandement. Aimez-vous réciproquement plus que chacun de vous ne s'aime lui-même. Il n'y a pas de plus grand amour que celui de qui donne sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis et Moi, je donne ma vie pour vous. Faites ce que je vous enseigne et commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, alors que vous, vous savez ce que je fais. Vous savez tout de Moi. Je vous ai manifesté non seulement Moi-même, mais aussi le Père et le Paraclet, et tout ce que j'ai entendu de Dieu. Ce n'est pas vous qui vous êtes choisis. Mais c'est Moi qui vous ai choisis et je vous ai élus pour que vous alliez parmi les peuples et que vous fassiez du fruit en vous et dans les cœurs de ceux qui seront évangélisés, et que votre fruit demeure, et que le Père vous donne tout ce que vous demanderez en mon nom. Ne dites pas: "Et alors si tu nous as choisis, pourquoi as-tu choisi un traître ? Si tu connais tout, pourquoi as-tu fait cela ?" Ne vous demandez pas non plus qui est celui-là. Ce n'est pas un homme, c'est Satan. Je l'ai dit à l'ami fidèle et je l'ai laissé dire par le fils aimé. C'est Satan. Si Satan ne s'était pas incarné, l'éternel singe de Dieu, en une chair mortelle, ce possédé n'aurait pas pu se soustraire à mon pouvoir de Jésus. J'ai dit : "possédé". Non. Il est beaucoup plus: il est anéanti en Satan." "Pourquoi, Toi qui as chassé les démons, ne l'as-tu pas délivré ?" demande Jacques d'Alphée. "Le demandes-tu par amour pour toi, craignant de l'être ? Ne le crains pas." "Moi alors ?" "Moi ?" "Moi ?" "Taisez-vous. Je ne dis pas ce nom. J'use de miséricorde, et vous, faites la même chose." "Mais pourquoi ne l'as-tu pas vaincu ? Tu ne le pouvais pas ?" "Je le pouvais. Mais pour empêcher Satan de s'incarner pour me tuer, j'aurais dû exterminer la race humaine avant la Rédemption. Qu'aurais-je racheté alors ?" "Dis-le-moi, Seigneur, dis-le-moi !" Pierre s'est glissé à genoux et secoue Jésus avec frénésie, comme s'il était en proie au délire. "Est-ce moi ? Est-ce moi ? Je m'examine ? Il ne me semble pas. Mais Toi... Tu as dit que je te renierai... Et je tremble... Oh ! quelle horreur si c'était moi !..." "Non, Simon de Jonas, pas toi." "Pourquoi m'as-tu enlevé mon nom de "Pierre" ? Je suis donc redevenu Simon ? Tu le vois ? Tu le dis !... C'est moi ! Mais comment ai-je pu ? Dites-le... dites-le vous... Quand est-ce que j'ai pu devenir traître ?... Simon?... Jean ?... Mais parlez !..." "Pierre, Pierre, Pierre ! Je t'appelle Simon parce que je pense à notre première rencontre quand tu étais Simon. Et je pense comment tu as toujours été loyal dès le premier moment. Ce n'est pas toi. Je te le dis Moi : Vérité." "Qui alors ?" "Mais c'est Judas de Kériot ! Tu ne l'as pas encore compris ?" crie le Thaddée qui n'arrive plus à se contenir. "Pourquoi ne me l'as-tu pas dit avant ? Pourquoi ?" crie aussi Pierre. "Silence. C'est Satan. Il n'a pas d'autre nom. Où vas-tu, Pierre ?" "Le chercher." "Dépose tout de suite ce manteau et cette arme. Ou bien je dois te chasser et te maudire ?" "Non, non ! Oh ! mon Seigneur ! Mais moi... mais moi... Je suis peut-être malade de délire, moi ? Oh ! Oh !" Pierre pleure après s'être jeté par terre aux pieds de Jésus. "Je vous donne le commandement de vous aimer et de pardonner. Avez-vous compris ? Si dans le monde il y a aussi la haine, qu'en vous il n'y ait que l'amour. Pour tous. Combien de traîtres vous trouverez sur votre route ! Mais vous ne devez pas haïr et rendre le mal pour le mal. Autrement le Père vous haïra. Avant vous, j'ai été haï et trahi, Moi. Et pourtant, vous le voyez, je ne hais pas. Le monde ne peut aimer ce qui n'est pas comme lui. Il ne vous aimera donc pas. Si vous lui apparteniez il vous aimerait, mais vous n'êtes pas du monde, car je vous ai pris du milieu du monde, et c'est pour cela que vous êtes haïs. Je vous ai dit : le serviteur n'est pas plus que le maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. S'ils m'ont écouté, ils vous écouteront vous aussi. Mais ils feront tout à cause de mon nom parce qu'ils ne connaissent pas, ne veulent pas connaître Celui qui m'a envoyé. Si je n'étais pas venu et si je n'avais pas parlé, ils ne seraient pas coupables, mais maintenant leur péché est sans excuse. Ils ont vu mes œuvres, entendu mes paroles, et pourtant ils m'ont haï, et avec Moi le Père, parce que le Père et Moi, nous sommes une seule Unité avec l'Amour. Mais il était écrit : "Tu m'as haï sans raison". Cependant quand sera venu le Consolateur, l'Esprit de vérité qui procède du Père, ce sera Lui qui rendra témoignage de Moi, et vous aussi, vous me rendrez témoignage parce que dès le début vous avez été avec Moi. Ceci je vous le dis pour que, quand ce sera l'heure, vous ne soyez pas abattus et scandalisés. Il va venir le temps où ils vous chasseront des synagogues et où celui qui vous tuera pensera rendre ainsi un culte à Dieu. Ils n'ont connu ni le Père ni Moi. C'est là leur excuse. Je ne vous ai pas dit ces choses en les développant autant avant maintenant, parce que vous étiez comme des enfants à peine nés. Mais maintenant la mère vous quitte. Je m'en vais. Vous devez vous accoutumer à une autre nourriture. Je veux que vous la connaissiez. Personne ne me demande plus : "Où vas-tu ?" La tristesse vous rend muets. Et pourtant, c'est un bien pour vous aussi que je m'en aille, autrement le Consolateur ne viendra pas. C'est Moi qui vous l'enverrai. Et quand Il sera venu, par le moyen de la sagesse et de la parole, les œuvres et l'héroïsme qu'il versera en vous, Il convaincra le monde de son péché déicide et de la justice de ma sainteté. Et le monde sera nettement divisé en réprouvés, ennemis de Dieu, et en croyants. Ces derniers seront plus ou moins saints, selon leur volonté. Mais le jugement du prince du monde et de ses serviteurs sera fait. Je ne puis vous en dire davantage car vous ne pouvez encore comprendre. Mais Lui, le Divin Paraclet, vous donnera la Vérité entière car Il ne parlera pas de Lui-même, mais II dira tout ce qu'il aura entendu de l'esprit de Dieu et Il vous annoncera l'avenir. Il prendra ce qui vient de Moi, c'est-à-dire de ce qui encore appartient au Père, et vous le dira. Encore un peu de temps pour se voir, ensuite vous ne me verrez plus. Et ensuite encore un peu de temps, et puis vous me verrez. Vous murmurez entre vous et dans votre cœur. Écoutez une parabole. La dernière de votre Maître. Quand une femme a conçu et arrive à l'heure de l'enfantement, elle est dans une grande affliction car elle souffre et gémit. Mais quand son petit enfant est venu au jour, et qu'elle le serre sur son cœur, toute peine cesse et la tristesse se change en joie parce qu'un homme est venu au monde. Ainsi pour vous. Vous pleurerez et le monde rira de vous, mais ensuite votre tristesse se changera en joie. Une joie que le monde ne connaîtra jamais. Vous êtes tristes maintenant, mais quand vous me reverrez, votre cœur deviendra plein d'une joie que personne n'aura plus le pouvoir de vous ravir. Une joie tellement pleine qu'elle estompera tout besoin de demander à la fois pour l'esprit et pour le cœur et pour la chair. Vous vous repaîtrez seulement de ma vue, oubliant toute autre chose. Mais justement, à partir de ce moment-là vous pourrez tout demander en mon nom, et cela vous sera donné par le Père pour que vous ayez toujours plus de joie. Demandez, demandez. Et vous recevrez. L'heure vient où je pourrai vous parler ouvertement du Père. Ce sera parce que vous aurez été fidèles dans l'épreuve et tout sera surmonté. Votre amour sera parfait du fait qu'il vous aura donné la force dans l'épreuve. Et ce qui vous manquera, je vous l'ajouterai en le prenant de mon immense trésor et en disant : "Père, tu le vois. Ils m'ont aimé en croyant que je suis venu de Toi". Descendu dans le monde, maintenant je le quitte et je vais au Père, et je prierai pour vous." "Oh ! maintenant, tu t'expliques. Maintenant nous savons ce que tu veux dire et que tu sais tout et que tu réponds sans que personne t'interroge. Vraiment tu viens de Dieu !" "Vous croyez maintenant ? A la dernière heure? Cela fait trois ans que je vous parle ! Mais déjà en vous opère le Pain qui est Dieu et le Vin qui est Sang qui n'est pas venu de l'homme et vous donne le premier frisson de la déification. Vous deviendrez des dieux si vous persévérez dans mon amour et dans ma possession. Non pas comme l'a dit Satan à Adam et Ève, mais comme je vous le dis. C'est le vrai fruit de l'arbre du Bien et de la Vie. Le Mal est vaincu en qui s'en nourrit, et la Mort est morte. Qui en mange vivra éternellement et deviendra "dieu" dans le Royaume de Dieu. Vous serez des dieux si vous restez en Moi. Et pourtant voilà... bien qu'ayant en vous ce Pain et ce Sang, puisque arrive l'heure où vous serez dispersés, vous vous en irez pour votre compte et vous me laisserez seul... Mais je ne suis pas seul. J'ai le Père avec Moi. Père, Père ! Ne m'abandonne pas ! Je vous ai tout dit... Pour vous donner la paix, ma paix. Vous serez encore opprimés. Maïs ayez foi. J'ai vaincu le monde." Jésus se lève, ouvre les bras en croix et dit avec un visage lumineux la sublime prière au Père. Jean la rapporte intégralement. Les apôtres pleurent plus ou moins ouvertement et bruyamment. Pour finir, ils chantent un hymne. Jésus les bénit, puis il ordonne : "Mettons nos manteaux maintenant et partons. André, dis au chef de maison de laisser tout ainsi, par ma volonté. Demain... cela vous fera plaisir de revoir ce lieu." Jésus le regarde. Il paraît bénir les murs, le mobilier, tout. Puis il prend son manteau et s'éloigne, suivi des disciples. Près de Lui se trouve Jean auquel il s'appuie. "Tu ne salues pas la Mère ?" Lui demande le fils de Zébédée. "Non, Tout est déjà fait. Ne faites pas de bruit." Simon, qui a allumé une torche à la lampe, éclaire le vaste corridor qui va à la porte. Pierre ouvre avec précaution le portail et ils sortent tous sur le chemin et puis, faisant jouer une clef, ils ferment du dehors et ils se mettent en route.

Fruit du Mystère, demandons l'amour de l'Eucharistie

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 9/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

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Quatrième Mystère Lumineux: La Transfiguration


Qui parmi les hommes n'a jamais vu, au moins une fois, une aube sereine de mars ? S'il s'en trouve quelqu'un, c'est un grand infortuné car il ignore une des grâces les plus belles de la nature, quand elle se réveille au printemps, redevenue vierge, petite fille, comme elle devait l'être au premier jour. C'est une grâce pure dans tout ce qu'elle présente, depuis les herbes nouvelles où brille la rosée, jusqu'aux fleurettes qui s'ouvrent comme des enfants qui naissent, jusqu'au premier sourire de la lumière du jour, jusqu'aux oiseaux qui s'éveillent dans un frôlement d'ailes et qui disent leur premier "cip ?" interrogateur qui prélude à tous leurs discours mélodieux de la journée, jusqu'à l'odeur même de l'air qui a perdu pendant la nuit, par l'action de la rosée et l'absence de l'homme, toute souillure de poussière, de fumée et d'exhalaisons de corps humains. C'est dans cette grâce que cheminent Jésus, les apôtres et les disciples. Avec eux se trouve aussi Simon d'Alphée. Ils vont vers le sud-est, franchissant les collines qui forment une couronne autour de Nazareth, ils passent un torrent et traversent une plaine étroite entre les collines de Nazareth et des montagnes vers l'est. Ces montagnes sont précédées du cône à moitié coupé du Thabor qui me rappelle étrangement en son sommet la coiffure de nos carabiniers vue de profil. Ils le rejoignent. Jésus s'arrête et dit : "Que Pierre, Jean et Jacques de Zébédée viennent avec Moi sur la montagne. Vous autres disséminez-vous à la base en vous séparant sur les routes qui la côtoient et prêchez le Seigneur. Vers le soir, je veux être de nouveau à Nazareth. Ne vous éloignez donc pas. La paix soit avec vous." Et s'adressant aux trois qu'il a appelés, il dit : "Allons." Et il commence la montée sans plus se retourner en arrière et d'un pas si rapide que Pierre a du mal à le suivre. A un arrêt Pierre, rouge et en sueur, Lui demande hors d'haleine : "Mais où allons-nous ? Il n'y a pas de maisons sur la montagne. Au sommet, il y a cette vieille forteresse. Veux-tu aller prêcher là !" "J'aurais pris l'autre versant, mais tu vois que je lui tourne le dos. Nous n'irons pas à la forteresse et ceux qui y sont ne nous verront même pas. Je vais m'unir à mon Père et je vous ai voulu avec Moi, parce que je vous aime. Allons, vite !" "Oh mon Seigneur Ne pourrions-nous marcher un peu plus doucement et parler de ce que nous avons entendu et vu hier et qui nous a tenus éveillés toute la nuit pour en parler ?" "Aux rendez-vous de Dieu il faut toujours se rendre rapidement. Allons, Simon Pierre ! Là-haut, je vous ferai reposer." Et il reprend la montée... Je suis avec mon Jésus sur une haute montagne. Avec Jésus, il y a Pierre, Jacques et Jean. Ils montent encore plus haut et le regard se porte vers des horizons ouverts dont une belle et tranquille journée permet de voir nettement les détails jusque dans les lointains. La montagne ne fait pas partie d'un ensemble montagneux comme celui de la Judée, elle s'élève isolée et, par rapport à l'endroit où nous nous trouvons, elle a l'orient en face, le nord à gauche, le sud à droite et en arrière à l'ouest la cime qui dépasse encore de quelques centaines de pas. Elle est très élevée et l'œil peut découvrir un large horizon. Le lac de Génésareth semble un morceau de ciel descendu pour s'encadrer dans la verdure, une turquoise ovale enserrée dans des émeraudes de différentes teintes, un miroir qui tremble et se ride sous un vent léger et sur lequel glissent, avec l'agilité des mouettes, les barques aux voiles tendues, légèrement penchées vers l'onde azurine, vraiment avec la grâce du vol d'un alcyon qui survole l'eau à la recherche d'une proie. Puis, voilà que de l'immense turquoise sort une veine, d'un bleu plus pâle là où la grève est plus large, et plus sombre là où les rives se rapprochent et où l'eau est plus profonde et plus sombre à cause de l'ombre qu'y projettent les arbres qui croissent vigoureux près du fleuve qui les nourrit de sa fraîcheur. Le Jourdain semble un coup de pinceau presque rectiligne dans la verdure de la plaine. Des petits villages sont disséminés à travers la plaine des deux côtés du fleuve. Quelques-uns sont tout juste une poignée de maisons, d'autres sont plus vastes, avec déjà des airs de villes. Les grand-routes sont des lignes jaunâtres dans la verdure. Mais ici, du côté de la montagne, la plaine est beaucoup mieux cultivée et plus fertile, très belle. On y voit les diverses cultures avec leurs différentes couleurs riant au beau soleil qui descend du ciel serein. Ce doit être le printemps, peut-être mars, si je tiens compte de la latitude de la Palestine, car je vois les blés déjà grands, mais encore verts, qui ondulent comme une mer glauque, et je vois les panaches des plus précoces parmi les arbres à fruits qui étendent des nuées blanches et rosées sur cette petite mer végétale, puis les prés tout en fleurs avec le foin qui a déjà poussé, dans lesquelles brebis qui paissent semblent des tas de neige amoncelée un peu partout sur la verdure. Tout à côté de la montagne, sur des collines qui en forment la base, des collines basses et de peu d'étendue, se trouvent deux petites villes, l'une vers le sud et l'autre vers le nord. La plaine très fertile s'étend particulièrement et avec plus d'ampleur vers le sud. Jésus, après un court arrêt à l'ombre d'un bouquet d'arbres, qu'il a certainement accordé par pitié pour Pierre qui dans les montées fatigue visiblement, reprend l'ascension. Il va presque sur la cime, là où se trouve un plateau herbeux que limite un demi-cercle d'arbres du côté de la côte. "Reposez-vous, amis, je vais là-bas pour prier" et il montre de la main un énorme rocher, un rocher qui affleure de la montagne et qui se trouve par conséquent non vers la côte mais vers l'intérieur, vers le sommet. Jésus s'agenouille sur l'herbe et appuie sa tête et ses mains au rocher, dans la pose qu'il aura aussi dans sa prière au Gethsémani. Le soleil ne le frappe pas, car la cime Lui donne de l'ombre. Mais le reste de l'emplacement couvert d'herbe est tout égayé par le soleil jusqu'à la limite de l'ombre du bouquet d'arbres sous lequel se sont assis les apôtres. Pierre enlève ses sandales, en secoue la poussière et les petits cailloux et il reste ainsi, déchaussé, ses pieds fatigués dans l'herbe fraîche, presque allongé, la tête sur une touffe d'herbe qui dépasse et lui sert d'oreiller. Jacques l'imite, mais pour être plus à l'aise, il cherche un tronc d'arbre pour s'y appuyer le dos couvert de son manteau. Jean reste assis et observe le Maître. Mais le calme de l'endroit, le petit vent frais, le silence et la fatigue viennent aussi à bout de lui, et sa tête tombe sur la poitrine et les paupières sur ses yeux. Aucun des trois ne dort profondément, mais ils sont sous le coup de cette somnolence estivale qui les étourdit. Ils sont éveillés par une clarté si vive qu'elle fait évanouir celle du soleil et qui se propage et pénètre jusque sous la verdure des buissons et des arbres sous lesquels ils se sont installés. Ils ouvrent leurs yeux étonnés et ils voient Jésus transfiguré. Il est maintenant tel que je le vois dans les visions du Paradis, naturellement sans les Plaies et sans la bannière de la Croix, mais la majesté du visage et du corps est pareille, pareille en est la clarté et pareil le vêtement qui est passé d'un rouge foncé à un tissu immatériel de diamant et de perles qui est son vêtement au Ciel. Son visage est un soleil qui émet une lumière sidérale, mais très intense, et ses yeux de saphir y rayonnent. Il semble encore plus grand, comme si sa gloire avait augmenté sa taille. Je ne saurais dire si la clarté, qui rend phosphorescent même le plateau, provient toute entière de Lui ou bien si à sa clarté propre se mélange toute celle qu'a concentrée sur son Seigneur toute la lumière qui existe dans l'Univers et dans les Cieux. Je sais que c'est quelque chose d'indescriptible. Jésus est maintenant debout, je dirais même qu'il est au-dessus de la terre car entre Lui et la verdure du pré il y a une sorte de vapeur lumineuse, un espace fait uniquement de lumière et sur lequel il semble qu'il se dresse. Mais elle est si vive que je pourrais me tromper et l'impossibilité de voir le vert de l'herbe sous les pieds de Jésus pourrait venir de cette lumière intense qui vibre et produit des ondes, comme on le voit parfois dans les incendies. Des ondes, ici, d'une couleur blanche incandescente. Jésus reste le visage levé vers le ciel et il sourit à une vision qui le transporte. Les apôtres en ont presque peur, et ils l'appellent, car il ne leur semble plus que ce soit leur Maître tant il est transfiguré. "Maître ! Maître !" appellent-ils doucement mais d'une voix angoissée. Lui n'entend pas. "Il est en extase, dit Pierre tout tremblant. Que peut-il bien voir ?" Les trois se sont levés. Ils voudraient s'approcher de Jésus, mais ils ne l'osent pas. La lumière augmente encore avec deux flammes qui descendent du ciel et se placent aux côtés de Jésus. Quand elles sont arrêtées sur le plateau, leur voile s'ouvre et il en sort deux personnages majestueux et lumineux. L'un est plus âgé, au regard perçant et sévère et avec une longue barbe séparée en deux. De son front partent des cornes de lumière qui m'indiquent que c'est Moïse. L'autre est plus jeune, amaigri, barbu et poilu, à peu près comme le Baptiste auquel je dirais qu'il ressemble pour la taille, la maigreur, la conformation et la sévérité. Alors que la lumière de Moïse est d'une blancheur éclatante comme celle de Jésus, surtout pour les rayons du front, celle qui émane d'Élie ressemble à la flamme vive du soleil. Les deux Prophètes prennent une attitude respectueuse devant leur Dieu Incarné et bien que Jésus leur parle familièrement ils n'abandonnent pas leur attitude respectueuse. Je ne comprends pas un mot de ce qu'ils disent. Les trois apôtres tombent à genoux, tremblants, le visage dans les mains. Ils voudraient regarder, mais ils ont peur. Finalement Pierre parle : "Maître, Maître! Écoute-moi". Jésus tourne les yeux en souriant vers son Pierre qui s'enhardit et dit : "C'est beau d'être ici avec Toi, Moïse et Élie... Si tu veux, nous faisons trois tentes pour Toi, pour Moïse et pour Élie, et nous nous tiendrons ici pour vous servir..." Jésus le regarde encore et il sourit plus vivement. Il regarde aussi Jacques et Jean, d'un regard qui les embrasse avec amour. Moïse aussi et Élie regardent fixement les trois. Leurs yeux étincellent. Ce doit être comme des rayons qui pénètrent les cœurs. Les apôtres n'osent pas dire autre chose. Effrayés, ils se taisent. Ils semblent un peu ivres et comme stupéfaits. Mais quand un voile qui n'est pas un nuage ni du brouillard, qui n'est pas un rayon, enveloppe et sépare les Trois glorieux derrière un écran encore plus brillant que celui qui les entourait déjà et les cache à la vue des trois, une Voix puissante et harmonieuse vibre et remplit d'elle-même tout l'espace, les trois tombent le visage contre l'herbe. "Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, en qui Je me suis complu. Écoutez-le." Pierre, en se jetant à plat ventre, s'écrie : "Miséricorde pour moi, pécheur ! C'est la Gloire de Dieu qui descend !" Jacques ne souffle mot. Jean murmure avec un soupir, comme s'il allait s'évanouir : "Le Seigneur parle !" Personne n'ose relever la tête, même quand le silence est redevenu absolu. Ils ne voient donc pas non plus le retour de la lumière à son état naturel de lumière solaire pour montrer Jésus resté seul et redevenu le Jésus habituel dans son vêtement rouge. Il marche vers eux en souriant, il les secoue, les touche et les appelle par leurs noms. "Levez-vous ! C'est Moi. Ne craignez pas" dit-il, car les trois n'osent pas lever le visage et invoquent la miséricorde de Dieu sur leurs péchés, craignant que ce soit l'Ange de Dieu qui veut les montrer au Très-Haut. "Levez-vous, donc. Je vous le commande" répète Jésus avec autorité. Eux lèvent le visage et ils voient Jésus qui sourit. "Oh ! Maître, mon Dieu !" s'écrie Pierre. "Comment ferons-nous pour vivre auprès de Toi, maintenant que nous avons vu ta Gloire ? Comment ferons-nous pour vivre parmi les hommes et nous, hommes pécheurs, maintenant que nous avons entendu la Voix de Dieu ?" "Vous devrez vivre auprès de Moi et voir ma gloire jusqu'à la fin. Soyez-en dignes car le temps est proche. Obéissez au Père qui est le mien et le vôtre. Retournons maintenant parmi les hommes, parce que je suis venu pour rester parmi eux et les amener à Dieu. Allons. Soyez saints en souvenir de cette heure, soyez forts et fidèles. Vous aurez part à ma gloire la plus complète. Mais ne parlez pas maintenant de ce que vous avez vu, à personne, pas même à vos compagnons. Quand le Fils de l'homme sera ressuscité d'entre les morts, et retourné dans la gloire de son Père, alors vous parlerez. Parce qu'alors il faudra croire pour avoir part à mon Royaume." "Mais Élie ne doit-il pas venir afin de préparer à ton Royaume ? Les rabbis le disent." "Élie est déjà venu et il a préparé les voies au Seigneur. Tout arrive comme il a été révélé. Mais ceux qui enseignent la Révélation ne la connaissent pas, ne la comprennent pas. Ils ne voient pas et ils ne reconnaissent pas les signes des temps et les envoyés de Dieu. Élie est revenu une première fois. Il reviendra une seconde fois quand les derniers temps seront proches pour préparer les derniers à Dieu. Mais maintenant il est venu pour préparer les premiers au Christ, et les hommes n'ont pas voulu le reconnaître, ils l'ont tourmenté et mis à mort. Ils feront la même chose au Fils de l'homme car les hommes ne veulent pas reconnaître ce qui est leur bien." Les trois penchent la tête, pensifs et tristes, et ils descendent par le chemin par où ils sont montés avec Jésus. ...Et c'est encore Pierre qui dit, dans une halte à mi-chemin : "Ah ! Seigneur ! Je dis moi aussi comme ta Mère hier : "Pourquoi nous as-tu fait cela ?" et je dis aussi: "Pourquoi nous as-tu dit cela ?" Tes dernières paroles ont effacé de nos cœurs la joie de la vue glorieuse ! C'est une grande journée de peur que celle-ci ! Ce qui nous a d'abord effrayé, c'est la grande lumière qui nous a éveillés, plus forte que si la montagne avait brûlé, ou que si la lune était descendue pour rayonner sur le plateau, sous nos yeux, puis ton aspect et ta façon de te détacher du sol, comme si tu allais t'envoler. J'ai eu peur que Toi, dégoûté des iniquités d'Israël, tu ne retournes aux Cieux, peut-être sur l'ordre du Très-Haut. Puis j'ai eu peur de voir apparaître Moïse que les gens de son temps ne pouvaient regarder sans voile tant resplendissait sur son visage le reflet de Dieu, et c'était un homme, et maintenant c'est un esprit bienheureux et enflammé de Dieu, et Élie... Miséricorde divine ! J'ai cru être arrivé à mon dernier moment, et tous les péchés de ma vie, depuis le temps où tout petit je volais des fruits dans le garde-manger du voisin, jusqu’au dernier quand je t'ai mal conseillé ces derniers jours, tous me sont venus à l'esprit. Avec quel tremblement je m'en suis repenti ! Puis il m'a semblé que ces deux justes m'aimaient... et j'ai osé parler. Mais même leur amour me faisait peur car je ne mérite pas l'amour de pareils esprits. Et après... et après !... La peur des peurs ! La voix de Dieu !... Jéhovah qui a parlé ! A nous ! Il nous a dit : "Écoutez-le" Toi. Et Il t'a proclamé : "Son Fils Bien-Aimé en qui Il se complaît". Quelle peur ! Jéhovah !... à nous !... Certainement il n'y a que ta force qui nous a gardés en vie !... Quand tu nous as touchés et tes doigts brûlaient comme des pointes de feu, j'ai eu la dernière épouvante. J'ai cru que c'était l'heure du jugement et que l'Ange me touchait pour me prendre l'âme et la porter au Très-Haut... Mais comment ta Mère a-t-elle fait pour voir... pour entendre... pour vivre, en somme, cette heure dont tu as parlé hier, sans mourir, elle qui était seule, jeune, sans Toi ?" "Marie, la Sans Tache, ne pouvait avoir peur de Dieu. Ève n'en eut pas peur tant qu'elle fut innocente. Et il y avait Moi. Moi, le Père et l'Esprit, Nous, qui sommes au Ciel, sur la terre et en tout lieu, et qui avions notre Tabernacle dans le cœur de Marie" dit doucement Jésus. "Quelle chose ! Quelle chose !... Mais après tu as parlé de mort... Et toute joie est finie... Mais pourquoi justement à nous trois tout cela ? Ce n'était pas bien de la donner à tous cette vision de ta gloire ?" "C'est justement parce que vous vous évanouissez en entendant parler de la mort, et mort par supplice, du Fils de l'homme, que l'Homme-Dieu a voulu vous fortifier pour cette heure et pour toujours, par la connaissance anticipée de ce que je serai après la Mort. Rappelez-vous tout cela pour le dire en son temps... Avez-vous compris ?" "Oh! oui, Seigneur. Il n'est pas possible d'oublier, et ce serait inutile de le raconter. Ils diraient que nous sommes "ivres"." Ils reprennent leur marche vers la vallée mais, arrivés à un certain endroit, Jésus tourne par un sentier rapide en direction d'Endor, c'est-à-dire du côté opposé à celui où il a quitté les disciples. "Nous ne les trouverons pas" dit Jacques. "Le soleil commence à descendre. Ils seront en train de se rassembler en t'attendant à l'endroit où tu les as quittés." "Viens et n'aie pas de sottes pensées."


Fruit du Mystère, demandons l'union à Jésus, et un esprit de contemplation et de prière

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Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 7/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

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Deuxième Mystère Lumineux: Les Noces de Cana


Les noces de Cana : Je vois une maison, une vraie maison orientale : un cube blanc plus large que haut, avec de rares ouvertures, surmontée d'une terrasse qui sert de toit et est entourée d'un muret de un mètre environ et ombragée par une tonnelle de vigne qui grimpe jusque là et étend ses rameaux au delà du milieu de cette terrasse ensoleillée. Un escalier extérieur monte le long de la façade au niveau d'une porte qui s'ouvre à mi-hauteur de la façade. Au dessous, il y a au niveau du sol des portes basses et rares, pas plus de deux de chaque côté, qui donnent accès dans des pièces basses et sombres. La maison s'élève au milieu d'une espèce de cour plutôt une pelouse, au centre de laquelle se trouve un puits. Il y a des figuiers et des pommiers. La maison donne sur la route sans être à bord de route. Elle est un peu en retrait et un sentier traverse la pelouse jusqu'à la route qui semble être une maîtresse route. On dirait que la maison est à la périphérie de Cana : maison de paysans propriétaires qui vivent au milieu de leur petit domaine. La campagne s'étend au delà de la maison avec ses lointains de tranquille verdure. Il fait un beau soleil et l'azur du ciel est très pur. Au début, je ne vois rien d'autre. La maison est solitaire. Puis je vois deux femmes avec de longs vêtements et un manteau qui sert aussi de voile. Elles avancent sur la route et puis sur le sentier. L'une plus âgée, sur les cinquante ans, en habits foncés de couleur fauve marron, comme de laine naturelle. L'autre est en vêtements plus clairs, avec un habit d'un jaune pâle et un manteau azur. Elle semble avoir à peu près trente cinq ans. Elle est très belle, svelte et elle a une contenance pleine de dignité bien que toute gentillesse et humilité. Quand elle est plus proche, je remarque la couleur pâle du visage, les yeux azurés et les cheveux blonds qui apparaissent sur le front, sous le voile. Je reconnais Marie la Très Sainte. Qui est l'autre, brune et plus âgée, je ne sais. Elles parlent entre elle et la Madone sourit. Quand elles sont tout à côté de la maison, quelqu'un sûrement chargé de guetter les arrivées, avertit et à leur rencontre arrivent des hommes et des femmes, tous en habits de fête. Tout le monde leur fait fête et surtout à Marie la Très Sainte. L'heure semble matinale, je dirais vers les neuf heures peut-être plus tôt, car la campagne a encore cet aspect de fraîcheur des premières heures du jour avec la rosée qui rend l'herbe plus verte et la pelouse qui n'est pas empoussiérée. La saison me paraît printanière car l’herbe des prés n'est pas brûlée par le soleil d'été et dans les champs, les blés sont en herbe, sans épis, tout verts. Les feuilles du figuier et du pommier sont vertes et encore tendres mais je ne vois pas de fleurs sur le pommier et je ne vois pas de fruits, ni sur le pommier ni sur le figuier ni sur la vigne. C'est que le pommier a déjà fleuri depuis peu, mais les petits fruits ne se voient pas encore. Marie, très fêtée et accompagnée par un homme âgé qui doit être le propriétaire, monte l'escalier extérieur et entre dans une grande salle qui paraît occuper tout ou en grande partie, l'étage. Je crois comprendre que les pièces du rez-de-chaussée sont les vraies pièces d'habitation, les dépenses, les débarras et les celliers et que l'étage est réservé à des usages spéciaux : fêtes exceptionnelles ou à des travaux qui demandent beaucoup de place ou à l'emmagasinage des produits agricoles. Pour les fêtes on la débarrasse et on l'orne, comme aujourd'hui de branches vertes, de nattes, de tables garnies. Au centre, il y en a une très riche, avec dessus déjà; des amphores et des plats garnis de fruits. Le long du mur, à ma droite une autre table garnie mais moins richement. A ma gauche une sorte de longue crédence avec dessus des plats de fromages et d'autres aliments qui me semblent des galettes couvertes de miel et de friandises. Par terre, toujours à ma gauche d'autres amphores et six grands vases en forme de brocs de cuivre, plus ou moins. Pour moi ce serait des jarres. Marie écoute avec bienveillance ce que tous lui disent puis gentiment quitte son manteau et aide à terminer les préparatifs pour la table. Je la vois aller et venir rangeant les lits de table, redressant les guirlandes de fleurs, donnant meilleur aspect aux coupes de fruits;veillant à ce que les lampes soient garnies d'huile. Elle sourit et parle très peu et à voix très basse. Par contre, Elle écoute beaucoup et avec combien de patience. Un grand bruit d'instruments de musique (peu harmonieux, en vérité) se fait entendre sur la route. Tout le monde, à l'exception de Marie, court dehors. Je vois entrer l'épouse toute parée et heureuse, entourée des parents et des amis, à côté de l'époux qui est accouru à sa rencontre le premier. Ici il se produit un changement dans la vision: Je vois, au lieu de la maison, un pays. Je ne sais si c'est Cana ou une autre bourgade voisine. Je vois Jésus avec Jean et un autre qui pourrait être Jude Thaddée, mais pour ce second, je pourrais me tromper. Pour Jean, je ne me trompe pas. Jésus est vêtu de blanc et a un manteau azur foncé. En entendant le bruit de la musique, le compagnon de Jésus demande un renseignement à un homme du peuple et en fait part à Jésus. " Allons faire plaisir à ma Mère" dit Jésus en souriant et il se met en route à travers les champs avec ses deux compagnons dans la direction de la maison. J'ai oublié de dire mon impression que Marie est ou parente ou très amie des parents de l'époux car je les vois en grandes confidences. Quand Jésus arrive, le veilleur habituel prévient les autres. Le maître de maison, en même temps que son fils, l'époux, et que Marie, descend à la rencontre de Jésus et le salue respectueusement. Il salue aussi les deux autres et l'époux fait la même chose. Mais, ce qui me plaît, c'est le salut plein d'un amoureux respect de Marie à son Fils et réciproquement. Pas d'épanchements, mais un tel regard accompagne les paroles de la salutation : "La paix avec Toi", et un tel sourire qui vaut cent baisers et cent embrassements. Le baiser tremble sur les lèvres de Marie, mais Elle ne le donne pas. Elle pose seulement sa petite main blanche sur l'épaule de Jésus et effleure une boucle de sa longue chevelure. Une caresse d'une pudique énamourée. Jésus monte à côté de sa Mère, suivi des deux disciples et du propriétaire et il entre dans la salle de réception où les femmes s'occupent à ajouter des sièges et des couverts pour les trois hôtes qu'on n'attendait pas, me semble-t-il. Je dirais que la venue de Jésus était incertaine et celle de ses deux compagnons absolument imprévue. J'entends distinctement la voix pleine, virile; très douce du Maître dire en entrant dans la salle: " La paix soit dans cette maison, et la bénédiction de Dieu sur vous tous." Salut cumulatif à toutes les personnes présentes et plein de majesté. Jésus domine tout le monde par sa stature et son aspect. C'est l'hôte et inattendu, mais il semble le roi de la fête, plus que l'époux, plus que le maître de maison. Tout en restant humble et condescendant, c'est Lui qui en impose. Jésus prend place à la table centrale, avec l'époux, l'épouse, les parents des époux et les amis plus influents. Aux deux disciples, par respect pour le Maître, on donne des sièges à la même table. Jésus tourne le dos au mur où sont les jarres. Il ne les voit donc pas, ni non plus l'affairement du majordome autour des plats de rôti qu'on amène par une trappe auprès des crédences. J'observe une chose. Sauf les mères des époux et Marie, aucune femme ne siège à cette table, Toutes les femmes se trouvent, et elles font un grand bruit, à la table le long du mur. On les sert après les époux et les hôtes de marque. Jésus est près du maître de maison et a en vis-à-vis Marie qui est à côté de l'épouse. Le repas commence, et je vous assure que l'appétit ne manque pas et encore moins la soif. Deux mangent et boivent peu, ce sont Jésus et sa Mère, qui aussi parle très peu. Jésus parle un peu plus. Mais tout en parlant peu, il n'est, dans sa conversation, ni renfrogné ni dédaigneux. C'est un homme courtois, mais pas bavard. Quand on l'interroge, il répond, s'intéresse à ce qu'on Lui dit et donne son avis, mais ensuite se recueille en Lui-même comme quelqu'un habitué à la méditation. Il sourit mais ne rit jamais. S'il entend quelque plaisanterie trop aventurée, il fait celui qui n'entend pas. Marie se nourrit de la contemplation de son Jésus et aussi Jean qui est au bout de la table et reste suspendu aux lèvres de son Maître. Marie s'aperçoit que les serviteurs parlottent avec le majordome et que celui-ci est gêné et Elle comprend qu'il y a quelque chose de désagréable. "Fils" dit-elle doucement en attirant l'attention de Jésus avec cette parole, "Fils, ils n'ont plus de vin." "Femme, qu'y a-t-il, désormais entre Moi et Toi ?" Jésus en disant cette phrase sourit encore plus doucement et Marie sourit, comme deux qui savent une vérité qui est leur joyeux secret que tous les autres ignorent. Marie ordonne aux serviteurs: "Faites ce que Lui vous dira. " Marie a lu dans les yeux souriants de son Fils l'assentiment, voilé d'un grand enseignement pour tous les "appelés ". Et Jésus ordonne aux serviteurs : "Emplissez d'eau les cruches, " Je vois les serviteurs emplir les jarres de l'eau apportée du puits. (J'entends le grincement de la poulie qui monte et descend le seau qui déborde). Je vois le majordome qui se verse un peu de ce liquide avec un regard de stupeur, qui ressaie avec une mimique d'un plus grand étonnement et le goûte. Il parle au maître de maison et à l'époux son voisin. Marie regarde encore son Fils et sourit; puis recevant un sourire de Lui, incline la tête en rougissant légèrement. Elle est heureuse. Dans la salle passe un murmure. Les têtes se tournent vers Jésus et Marie. On se lève pour mieux voir. On va vers les jarres. Un silence, puis un chœur de louanges à Jésus. Mais Lui se lève et dit une seule parole : "Remerciez Marie " et puis il quitte le repas. Sur le seuil il répète : "La paix à cette maison et la bénédiction de Dieu sur vous" et il ajoute : "Mère, je te salue."


Fruit du Mystère, demandons l'intercession de Marie


Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 6/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

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Premier Mystère Lumineux: Le Baptême de Jésus


Paroles de Jésus : "Ce que tu as écrit le 30 janvier pourrait donner occasion à ceux qui doutent, d'avancer leurs ’’mais’’ et leurs ‘’si’’. C'est Moi qui vais répondre à ta place. Tu as écrit : quand je vois ainsi, mes forces physiques et particulièrement cardiaques subissent une grande dispersion. Il y aura certainement des docteurs de l'impossible qui diront : C'est la preuve que ce qui lui arrive est humain, parce que le surnaturel procure toujours force et jamais faiblesse. Qu'ils m'expliquent alors pourquoi les grands extatiques, après une extase au cours de laquelle ils ont dépassé les possibilités humaines en supprimant la douleur, le poids de la matière conséquences de blessures internes et d'importantes hémorragies, jouissant d'une félicité qui les fait paraître beaux, même physiquement restent, dès que l'extase cesse, évanouis par terre, de façon à faire penser que leur âme s'est séparée d'eux. Qu'ils m'expliquent aussi pourquoi après quelques heures de la plus atroce agonie qui répète la mienne, telle que celle de ma servante Thérèse, telles que furent les agonies de ma sainte Gemma et de beaucoup d'autres âmes que mon amour et leur amour a rendu dignes de vivre ma Passion ces personnes reprennent ou reprenaient une force et un équilibre physique que les personnes les plus saines ne possèdent pas. Je suis le Maître de la vie et de la mort, de la santé et de la maladie. J'use de mes serviteurs à mon gré, comme d'un joli fil qui serait un jouet entre mes mains. Le miracle, en toi, un des miracles réside en ceci : Dans l'état physique où te trouves, état qui se prolonge miraculeusement, c'est que tu puisses arriver à cette béatitude sans en mourir, éprouvant ces transports alors que tu te trouves dans un état de prostration qui pour d'autres empêcherait même les pensées les plus rudimentaires. Le miracle réside dans cette vitalité qui reflue en toi en ces heures comme elle a reflué dans les heures où tu as écrit mes dictées ou celles des autres Esprits qui t'apportent leur céleste parole. Le miracle réside dans cette réacquisition subite de la force, après que la joie a consumé en toi ce reste de vitalité qui te reste pour écrire. Mais cette vitalité, c'est Moi qui te la transfuse. C'est comme du sang qui de Moi passe en tes veines épuisées, comme un flot qui se déverse sur une rive et l'arrose. La rive reste arrosée tant que le flot la baigne puis de nouveau reste aride jusqu'à un nouveau flot. C'est comme une opération qui te vide de mon Sang jusqu'à une nouvelle transfusion. Toi, pour ton compte, tu n'es qu'un rien. Tu es un pauvre être en agonie, qui travaille parce que je le veux, pour ce que j'ai en vue. Tu es une pauvre créature qui ne vaut que par ton amour. Tu n'as pas d'autres mérites. Amour et désir d'être pour d'autres, cause d'amour pour ton Dieu. C'est cela qui justifie ton être et ma bienveillance de te conserver en vie alors que, humainement parlant, depuis longtemps ton être aurait dû se désagréger dans la mort. Le sentiment d'être redevenue une loque, comme tu dis, lorsque j'ai cessé de te porter avec Moi dans les champs de la contemplation et de te parler est pour toi et pour les autres la preuve que tout ce qui arrive, arrive par mon unique vouloir. Si quelqu'un pense humainement qu'avec le même vouloir et le même amour je pourrais te guérir et que ce serait la meilleure manière de prouver mon amour et ma bienveillance, je réponds que j'ai toujours conservé la vie à mes serviteurs, tant que j'ai jugé que leur mission devait continuer, mais je ne leur ai jamais procuré une vie humainement heureuse parce que mes missions se réalisent dans et par la souffrance et que d'autre part mes serviteurs n'ont qu'un désir semblable au mien: souffrir pour racheter. Il ne faut donc pas parler de dispersion des forces, mais dire : Après que la bonté de Jésus fait disparaître mon état d'infirmité pour ses intentions et pour ma joie, je reviens à ce que sa bonté m'a accordé d'être : crucifiée par son amour et pour son amour. Et maintenant vas de l'avant avec une obéissance pleine d'amour. A la même date le 3-2-44, au soir : Je vois une plaine inhabitée et sans végétation. Il n'y a pas de champs cultivés, quelques rares plantes formant çà et là des touffes, comme des familles de végétaux là où le sol a un peu de profondeur et se trouve moins aride. Remarquez que ce terrain aride et inculte est à ma droite alors que le Nord se trouve derrière moi, et se prolonge pour moi dans la direction du Sud. A gauche, en revanche, je vois un fleuve aux berges plutôt basses qui coule lentement lui aussi du Nord au Sud. D'après le mouvement très lent de l'eau, je comprends que son lit n'a pas une pente très forte et que ce fleuve coule dans une sorte de dépression de la plaine. Le courant est à peine suffisant pour empêcher la stagnation de l'eau et la formation d'un marécage. L'eau n'a pas de profondeur: c'est un point où l'on aperçoit le fond. J'estime qu'il n'y a pas plus d'un mètre de profondeur, un mètre et demi au maximum. Large comme l'Arno vers S. Minato-Empoli : je dirais vingt mètres. Mais je n'ai pas le coup d’œil et mes estimations sont approximatives. Pourtant l'eau est d'un azur légèrement vert à proximité des berges où l'humidité du sol entretient une bande verte touffue qui réjouit l’œil fatigué de cette morne étendue de pierres et de sable qui s'étend indéfiniment en avant. Cette voix intérieure dont je vous ai expliqué que j'entends m'expliquer ce que je dois remarquer et savoir, m'avertit que je vois la vallée du Jourdain. Je l'appelle vallée, parce que c'est l'appellation habituelle de la place où coule un fleuve, mais ici, il me paraît inexact de lui donner ce nom parce que une vallée suppose des collines et dans le voisinage je n'en vois pas trace, En résumé, je me trouve près du Jourdain, et l'espace désolé que j'aperçois sur ma droite est le désert de Juda. Si parler de désert est juste pour désigner ce lieu inhabité et sans trace du travail de l'homme, il convient moins à l'idée que nous nous faisons du désert. Ici, pas de dunes du désert comme nous le concevons, mais seulement une terre dénudée parsemée de pierres et de débris, comme sont les terrains d'alluvion après une crue. Dans le lointain, des collines. Et puis, près du Jourdain une grande paix, une ambiance spéciale qui dépasse celle d'un paysage ordinaire, quelque chose qui rappelle ce qu'on ressent sur les bords du lac Trasimène. C'est un lieu qui évoque des vols angéliques et des voix célestes. Je ne sais pas bien exprimer ce que j'éprouve, mais j'ai le sentiment de me trouver dans un lieu qui parle à l'esprit. Pendant ces observations, je vois la scène envahie par les gens le long - par rapport à moi - de la rive droite du Jourdain. Il y a beaucoup d'hommes et une grande variété d'habillements. Quelques-uns semblent des gens du peuple, d'autres des riches, il yen a assez, plusieurs paraissent des pharisiens, avec leurs vêtements ornés de franges et de galons. Au milieu, debout sur un rocher un homme que je reconnais du premier coup pour le Baptiste bien que ce soit la première fois que je le vois. Il parle à la foule et je vous assure que sa prédication manque plutôt de douceur. Jésus a appelé Jacques et Jean "les fils du tonnerre", mais alors quel nom donner à ce fougueux orateur ? On pourrait pour Jean Baptiste parler de coup de foudre, d'avalanche, de tremblement de terre, tant il est impétueux et sévère dans son discours et ses gestes. Il parle de la venue du Messie et exhorte les auditeurs à préparer leurs cœurs en les débarrassant de ce qui les encombre et en redressant leurs pensées. Mais c'est un parler frénétique et rude : Le Précurseur n'a pas la main légère de Jésus pour soigner les blessures des cœurs. C'est un médecin qui les met à nu, fouille et taille sans pitié. Pendant que je l'écoute - je ne rapporte pas ses paroles, parce que ce sont celles des Évangélistes mais qui dévalent en un discours torrentiel - je vois s'avancer le long d'un sentier le long de la bordure herbeuse et ombragée qui côtoie le Jourdain, mon Jésus. Ce chemin de campagne, plutôt sentier que chemin, semble dessiné par les caravanes et les voyageurs qui pendant des années et des siècles l'ont parcouru pour arriver à un point où le fond du lit se relève et permet de passer à gué. Le sentier continue sur l'autre rive du fleuve et se perd dans la verdure de l'autre berge. Jésus est seul. Il marche lentement et en avançant il arrive derrière Jean. Il avance sans bruit, tout en écoutant la voix tonnante du Pénitent du désert, comme si Jésus était aussi une des nombreuses personnes qui venaient vers Jean pour se faire baptiser et se préparer à la purification pour la venue du Messie. Rien ne distingue Jésus des autres gens. Il semble un homme du peuple pour son vêtement, un seigneur pour la beauté de ses traits, mais aucun signe divin ne le distingue de la foule. Cependant on dirait que Jean sent une particulière émanation spirituelle. Il se retourne et identifie tout de suite la source de cette émanation. Il descend vivement du rocher qui lui servait de chaire et s'en, va d'un air dégagé vers Jésus qui est arrêté à quelques mètres d'un groupe et s'appuie au tronc d'un arbre. Jésus et Jean se fixent un moment. Jésus, avec son regard d'azur, si doux. Jean avec son œil sévère, très noir, plein d'éclairs. Les deux, vus rapprochés, sont l'antithèse l'un de l'autre. Tous les deux grands - c'est leur unique ressemblance - ils sont différents pour tout le reste. Jésus blond, aux longs cheveux peignés, au teint blanc ivoire, aux yeux d'azur, au vêtement simple, mais majestueux. Jean, hirsute aux cheveux noirs qui retombent à plat sur les épaules et taillés en escalier, avec une barbe noire coupée à ras qui lui couvre presque tout le visage qui n'empêche pas de découvrir ses joues creusées par le jeûne, des yeux noirs fiévreux, la peau bronzée par le soleil et les intempéries et le poil épais qui la couvre, demi-nu avec son vêtement de peau de chameau retenu à la taille par une ceinture de peau et qui lui couvre le torse, descendant à peine au dessous de ses flancs amaigris et laissant à droite les côtes découvertes, les côtes sur lesquelles se trouve, unique tissu, la peau tannée par l'air : En vis à vis, on dirait un sauvage et un ange. Jean, après avoir fixé sur Lui son regard pénétrant, s'écrie : "Voici l'Agneau de Dieu. Comment peut-il se faire que mon Seigneur vienne vers moi ?" Jésus répond tranquillement : "C'est pour accomplir le rite de pénitence." "Jamais, Seigneur. C'est moi qui dois venir à Toi pour être sanctifié, et c'est Toi qui viens vers moi ?" Et Jésus, en lui mettant une main sur la tête, parce que Jean s'était incliné devant Jésus, lui répond : "Permets que tout se fasse comme je veux, pour que s'accomplisse toute justice et que ton rite achemine les hommes vers un plus haut mystère et qu'il leur soit annoncé que la Victime est dans ce monde." Jean l'observe avec un œil dont une larme adoucit le regard, et le précède vers la rive. Jésus enlève son manteau et sa tunique, gardant une sorte de caleçon court et descend dans l'eau où se trouve déjà Jean. Jean le baptise en Lui versant sur la tête de l'eau du fleuve, avec une sorte de tasse suspendue à sa ceinture et qui semble être une coquille ou une demi-calebasse séchée et vidée. Jésus est proprement l'Agneau, Agneau dans la blancheur de sa chair, la modestie de ses traits, la douceur de son regard. Pendant que Jésus remonte sur la rive, et qu'après s'être vêtu; il se recueille en prière, Jean le montre à la foule et témoigne de l'avoir reconnu au signe que l'Esprit de Dieu lui avait indiqué et qui désignait infailliblement le Rédempteur. Mais je suis polarisée par le spectacle de Jésus qui prie et je ne vois plus que cette figure lumineuse qui se détache sur le fond vert de la rive.


Fruit du Mystère, demandons la vocation à la sainteté

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 5/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

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Cinquième Mystère Joyeux: Le Recouvrement de Jésus au Temple


Je vois Jésus. C'est un adolescent. Vêtu d'une tunique qui me semble de lin blanc et lui descend jusqu'aux pieds. Il se drape par dessus dans une étoffe rectangulaire d'un rouge clair. Il est tête nue avec des cheveux longs qui lui descendent à moitié des oreilles, plus foncés que lorsque je l'ai vu plus petit. C'est un garçon robuste, très grand pour son âge, mais dont le visage est vraiment enfantin. Il me regarde et me sourit en me tendant les mains. Un sourire pourtant qui ressemble déjà à celui que je Lui vois adulte : doux et plutôt sérieux. Il est seul. Je ne vois rien d'autre en ce moment. Il est appuyé à un petit mur au-dessus d'une ruelle toute en montées et descentes, pierreuse avec au milieu un creux qui, par temps de pluie, se transforme en ruisseau. Pour l'heure il est à sec car la journée est belle. Il me semble de m'approcher aussi du muret et de regarder à l'entour et en bas comme fait Jésus. Je vois un groupe de maisons rassemblées sans alignement. Il y en a de hautes, de basses et orientées dans tous les sens. Cela ressemble - la comparaison est pauvre mais assez juste - à une poignée de cailloux blancs jetés sur un terrain sombre. Les rues et ruelles apparaissent comme des veines au milieu de cette blancheur. Ça et là des arbres sortent d'entre les murs. Beaucoup sont en fleurs et beaucoup couverts de feuilles nouvelles. Ce doit être le printemps. A gauche, par rapport à moi qui regarde, il y a une grande agglomération, disposée sur trois rangées de terrasses couvertes de bâtiments, et puis des tours, des cours et des portiques au centre desquels se dresse un bâtiment plus haut, majestueux, très riche, à coupoles rondes qui brillent au soleil comme si elles étaient couvertes de métal, cuivre ou or. Le tout est entouré d'une muraille crénelée, de créneaux à la façon de M comme si c'était une forteresse. Une tour plus haute que les autres à cheval sur une rue plutôt étroite et qui est en saillie domine nettement cette vaste agglomération. On dirait une sentinelle sévère. Jésus regarde fixement cet endroit, puis il se retourne appuyant de nouveau le dos au muret comme il était d'abord, puis il regarde un petit monticule qui est en face de l'agglomération, un monticule couvert de maisons jusqu'à la base et ensuite dénudé. Je vois qu'une rue se termine là avec un arceau au-delà duquel il n'y a plus qu'une rue pavée de pierres quadrangulaires, irrégulières et mal assemblées. Elles ne sont pas exagérément grandes comme les pierres des routes consulaires romaines. Elles ressemblent plutôt aux pierres classiques des vieux trottoirs de Viareggio (je ne sais s'ils existent encore) mais mal assemblées. Une mauvaise route. Le visage de Jésus devient tellement sérieux que je me mets à chercher sur ce monticule la cause de cette mélancolie. Mais je ne trouve rien de spécial. C'est une hauteur dénudée. C'est tout. En revanche, je perds Jésus. En effet, quand je me retourne, il n'est plus là. Et je m'assoupis avec cette vision. ...Quand je me réveille, avec au cœur le souvenir de cette vision, après avoir retrouvé un peu de forces et de calme, car tout le monde dort, je me trouve dans un endroit que je n'ai jamais vu. Il y a des cours, des fontaines, des maisons, ou plutôt des pavillons que des maisons. Cela semble être en effet plutôt des pavillons que de maisons. Il y a là une foule nombreuse, habillée à l'ancienne mode hébraïque et beaucoup de cris. En regardant autour de moi, je me rends compte que je suis à l'intérieur de cette agglomération que Jésus regardait. Je vois en effet la muraille crénelée qui l'entoure, la tour qui fait sentinelle et l'imposant bâtiment qui se dresse au centre et sur lequel s'appuient les portiques très beaux et vastes où se trouve une foule occupée qui à une chose, qui à une autre. Je me rends compte que je me trouve dans l'enceinte du Temple de Jérusalem. Je vois des pharisiens en longs vêtements flottants, des prêtres vêtus d'habits de lin avec une plaque de métal précieux au sommet de la poitrine et sur le front et d'autres points qui luisent ça et là sur les vêtements très amples et blancs que retient à la taille une ceinture de grand prix. Puis, il y en a d'autres, moins chamarrés qui doivent encore appartenir à la caste sacerdotale et qui sont entourés de disciples plus jeunes. Je vois que ce sont des docteurs de la Loi. Je me trouve égarée au milieu de tous ces personnages, ne sachant pas bien ce que j'ai à faire là dedans. Je m'approche d'un groupe de docteurs où a débuté une discussion théologique. Une grande foule s'en approche aussi. Parmi les "docteurs" il y a un groupe à la tête duquel se trouve un certain Gamaliel avec un autre, âgé et presque aveugle, que soutient Gamaliel au cours de la discussion. Celui-là, je l'entends appeler Hillel (je mets l'H parce que je vois qu'il y a une aspiration au début du nom), il semble le maître ou le parent de Gamaliel parce que ce dernier le traite avec confiance et respect en même temps. Le groupe de Gamaliel a des vues plus larges, alors qu'un autre groupe, et c'est le plus nombreux, est dirigé par un certain Sciammaï et est caractérisé par une intransigeance haineuse et rétrograde que l'Évangile met si bien en lumière. Gamaliel, entouré d'un groupe important de disciples, parle de la venue du Messie. S'appuyant sur la prophétie de Daniel, il soutient que le Messie doit être déjà né. En effet, depuis une dizaine d'années environ, les soixante-dix semaines indiquées par la prophétie sont accomplies, à dater du décret de reconstruction du Temple. Sciammaï le combat en affirmant que s'il est vrai que le Temple a été reconstruit, il n'est pas moins vrai que l'esclavage d'Israël n'a fait que croître et que la paix qu'aurait dû apporter avec lui Celui que les Prophètes appellent "le Prince de la paix" est bien loin d'exister dans le monde et spécialement à Jérusalem opprimée par un ennemi qui ose pousser sa domination jusqu'à l'enceinte du Temple dominée par la Tour Antonia remplie de légionnaires romains, prêts à apaiser avec leur épée tout soulèvement patriotique. La discussion, pleine d'arguties, tire en longueur : chaque maître fait étalage d'érudition pas tant pour vaincre son rival que pour s'imposer à l'admiration des auditeurs. Cette intention est évidente. Du groupe serré de ses fidèles sort une fraîche voix d'enfant : "C'est Gamaliel qui a raison." Mouvement de la foule et du groupe des docteurs. On cherche l'interrupteur. Mais pas besoin de le chercher; il ne se cache pas. Il se manifeste et s'approche du groupe des "rabbi". Je reconnais mon Jésus adolescent. Il est sûr de Lui et franc, avec des yeux intelligents qui étincellent. "Qui es-tu ?" Lui demande-t-on. "Un fils d'Israël venu accomplir ce que la Loi ordonne." La réponse hardie et sûre d'elle-même le rend sympathique et Lui vaut des sourires d'approbation et de bienveillance. On s'intéresse au petit Israélite. "Comment t'appelles-tu ?" "Jésus de Nazareth." La bienveillance s'atténue dans le groupe de Sciammaï. Mais Gamaliel, plus bienveillant, poursuit le dialogue en même temps que Hillel. Ou plutôt c'est Gamaliel qui, respectueusement, dit au vieillard : "Demande quelque chose à l'enfant. " "Sur quoi fondes-tu ta certitude? " demande Hillel. (Je mets les noms en tête des réponses pour abréger et rendre plus clair). Jésus : "Sur la prophétie qui ne peut faire erreur sur l'époque et les signes qui l'ont accompagnée quand ce fut le moment de sa réalisation. C'est vrai que César nous domine. Mais le monde était tellement paisible et la Palestine si calme quand expirèrent les soixante-dix semaines qu'il fut possible à César d'ordonner un recensement dans ses domaines. Il ne l'aurait pas pu s'il y avait eu la guerre dans l'Empire et des soulèvements en Palestine. Comme ce temps était accompli, ainsi va se terminer l'autre intervalle de temps de soixante deux semaines plus une depuis l'achèvement du Temple, pour que le Messie soit consacré et que se réalise la suite de la prophétie pour le peuple qui ne l'a pas accepté. Pouvez-vous avoir des doutes ? Ne vous rappelez-vous pas de l'étoile que virent les Sages d'Orient et qui alla justement se poser dans le ciel de Bethléem de Juda et que les prophéties et les visions, depuis Jacob et par la suite, indiquent ce lieu comme destiné à accueillir la naissance du Messie, fils du fils du fils de Jacob, à travers David qui était de Bethléem ? Ne vous rappelez-vous pas Balaam ? "Une Étoile naîtra de Jacob. Les Sages d'Orient, auxquels la pureté et la foi gardaient ouverts les yeux et les oreilles, ont vu l'Étoile et compris son nom : "Messie" et ils sont venus adorer la Lumière allumée dans le monde." Sciammaï, le regard livide: "Tu dis que le Messie est né au temps de l'Étoile à Bethléem Ephrata ?" Jésus : "Je le dis." Sciammaï : "Alors il n'existe plus. Tu ne sais pas, Enfant, qu'Hérode fit tuer tous les garçons de un jour à deux ans de Bethléem et des environs ? Toi qui connais si bien les Écritures, tu dois aussi savoir cela : "Un cri s'est élevé... C'est Rachel qui pleure ses enfants". Les vallées et les collines de Bethléem qui ont recueilli les pleurs de Rachel mourante sont restées remplies de ces pleurs, et les mères l'ont répété sur leurs fils massacrés. Parmi elles, il y avait certainement aussi la Mère du Messie." Jésus : "Tu te trompes, vieillard. Les pleurs de Rachel se sont changés en hosanna, parce que là où elle avait mis au jour "le fils de sa douleur", la nouvelle Rachel a donné au monde le Benjamin du Père céleste, le Fils de sa droite, Celui qui est destiné à rassembler les peuples sous son sceptre et à le libérer de la plus terrible servitude." Sciammaï : "Et comment, s'il a été tué ?" Jésus : "N'as-tu pas lu, en parlant d'Élie ? Il fut enlevé dans un char de feu. Et le Seigneur Dieu ne pourra pas avoir sauvé son Emmanuel pour qu'il fût le Messie de son peuple ? Lui qui a ouvert la mer devant Moïse pour qu'Israël rejoignit à pieds secs son territoire, II n'aura pas pu ordonner à ses anges de sauver son Fils, son Christ, de la férocité de l'homme ? En vérité je vous le dis : le Christ vit et il est parmi vous et quand sera venue son heure, il se manifestera dans sa puissance." Jésus, en disant ces paroles que je souligne, a dans la voix un éclat qui remplit l'espace. Ses yeux brillent encore davantage et comme mus par le pouvoir et la promesse, il tend le bras et la main droite comme pour un serment. C'est un enfant, mais il est solennel comme un homme. Hillel : "Enfant, qui t'a enseigné ces paroles ?" Jésus : "L'Esprit de Dieu. Je n'ai pas de maître humain. C'est la parole de Dieu que vous entendez par mes lèvres." Hillel : "Viens, parmi nous, que je te voie de près, ô Enfant ! Mon espérance se ravive au contact de ta foi et mon âme s'illumine au soleil de la tienne." Et on fait asseoir Jésus sur un siège élevé entre Gamaliel et Hillel et on Lui apporte des rouleaux pour qu'il les lise et les explique. C'est un examen en règle. La foule se presse et écoute. La voix enfantine de Jésus lit : "Console-toi, ô mon peuple. Parlez au cœur de Jérusalem, consolez-la car son esclavage est fini... Voix de quelqu'un qui crie dans le désert: préparez les chemins du Seigneur.... Alors apparaîtra la gloire du Seigneur...". Sciammaï: "Tu le vois. Nazaréen ! Ici on parle d'esclavage fini. Jamais comme à présent nous sommes esclaves. Ici on parle d'un précurseur. Où est-il ? Tu radotes !" Jésus: "Je te dis que c'est à toi plus qu'aux autres que t'invite le Précurseur. À toi et à tes semblables. Autrement tu ne verras pas la gloire du Seigneur et tu ne comprendras pas la parole de Dieu, parce que la bassesse, l'orgueil, la dissimulation t'empêcheront de voir et d'entendre." Sciammaï: "C'est ainsi que tu parles à un maître ?" Jésus: "C'est ainsi que je parle, ainsi que je parlerai jusqu'à la mort. Car au-dessus de mon intérêt il y a celui du Seigneur et l'amour pour la Vérité dont je suis le Fils. Et j'ajoute pour toi, ô rabbi, que l'esclavage dont parle le Prophète et dont je parle Moi aussi, n'est pas celui que tu crois, et la royauté n'est pas celle à laquelle tu penses. Mais au contraire, c'est par les mérites du Messie que l'homme sera libéré de l'esclavage du Mal qui le sépare de Dieu et le caractère du Christ s'imprime sur les esprits libérés de tout joug et soumis à son règne éternel. Toutes les nations inclineront la tête, ô race de David, devant le Germe né de toi et devenu l'arbre qui couvre toute la terre et s'élève jusqu'au Ciel. Au Ciel et sur la terre toute bouche louera son Nom et tout genou fléchira devant le Consacré de Dieu, le Prince de la paix, celui qui enivrera de Lui-même toute âme fatiguée et rassasiera toute âme affamée, le Chef, le Saint qui conclura une alliance entre la terre et le Ciel. Non pas comme celle qui fut conclue avec les Pères d'Israël quand Dieu les fit sortir d'Égypte, en les traitant encore comme des serviteurs, mais en gravant la pensée de la Paternité céleste dans les esprits des hommes avec la Grâce nouvellement versée en eux par les mérites du Rédempteur par qui tous les bons connaîtront le Seigneur, et le Sanctuaire de Dieu ne sera plus abattu ni détruit." Sciammaï : "Mais, ne blasphème pas, Enfant ! Rappelle-toi Daniel. Il dit qu'après la mort du Christ, le Temple et la Cité seront détruits par un peuple et un chef qui viendra pour cela. Et Toi, tu soutiens que le Sanctuaire de Dieu ne sera plus abattu ! Respecte les Prophètes !" Jésus : "En vérité je te dis qu'il y a Quelqu'un qui est plus que les Prophètes et tu ne le connais pas, ni ne le connaîtras pas parce qu'il te manque de vouloir le connaître. Et je t'affirme que tout ce que j'ai dit est vrai. Il ne connaîtra plus la mort, le vrai Sanctuaire, mais comme Celui qui le sanctifie, il ressuscitera pour la vie éternelle et à la fin des jours du monde, il vivra au Ciel." Hillel : "Écoute, Enfant. Aggée dit : " ...II viendra le Désiré des Nations. Grande sera la gloire de cette maison et de cette dernière plus que de la première". Il veut peut-être parler du même sanctuaire que Toi ?" Jésus: "Oui, Maître, c'est cela qu'il veut dire. Ta droiture t'achemine vers la Lumière et Moi je te dis : quand le Sacrifice du Christ sera accompli, la paix viendra vers toi parce que tu es un Israélite sans malice." Gamaliel : "Dis-moi, Jésus. La paix dont parlent les Prophètes, comment peut-on l'espérer si la guerre vient détruire ce peuple? Parle et éclaire-moi aussi." Jésus : "Ne te souviens-tu pas. Maître, de ce que dirent ceux qui furent présents la nuit de la naissance du Christ ? Que les troupes angéliques chantèrent : "Paix aux hommes de bonne volonté". Mais la volonté de ce peuple n'est pas bonne et il n'aura pas la paix. Il méconnaîtra son Roi, le Juste, le Sauveur parce qu'il attend un roi revêtu de la puissance humaine alors que Lui est le Roi de l'esprit. Ce peuple ne l'aimera pas, parce que le Christ prêchera ce qui ne plaît pas à ce peuple. Le Christ ne combattra pas des ennemis pourvus de chars et de cavalerie, mais les ennemis de l'âme qui inclinent vers des jouissances infernales le cœur de l'homme créé pour le Seigneur. Et cela, ce n'est pas la victoire qu'Israël attend de Lui. Il viendra, Jérusalem, ton Roi monté sur " l'ânesse et l'ânon", c'est à dire les justes d'Israël et les gentils. Mais l'ânon, je vous le dis, lui sera plus fidèle et le suivra précédant l'ânesse et grandira sur la route de la Vérité et de la Vie. Israël, à cause de sa volonté mauvaise, perdra la paix et souffrira en elle-même, pendant des siècles, ce qu'il a fait souffrir à son Roi réduit par eux à être l'Homme des Douleurs dont parle Isaïe." Sciammaï : "Ta bouche profère à la fois des enfantillages et des blasphèmes, Nazaréen. Réponds : et où est le Précurseur ? Quand l'avons-nous eu ?" Jésus : "Il existe. Malachie ne dit-il pas : "Voici que j'envoie mon ange préparer devant Moi le chemin et immédiatement viendra à son Temple le Dominateur que vous cherchez et l'Ange du Testament que vous désirez ardemment " ? Donc, le Précurseur précède immédiatement le Christ. Il est déjà là, comme le Christ. S'il y avait des années entre celui qui prépare le chemin au Seigneur et le Christ, tous les chemins s'encombreraient et dévieraient. Dieu le sait et il a décidé que le Précurseur précède d'une seule heure le Maître. Quand vous verrez ce Précurseur, vous pourrez dire : "La mission du Christ est commencée". A toi je dis : le Christ ouvrira beaucoup d'yeux et beaucoup d'oreilles quand Il viendra par ces chemins. Mais ce ne sont pas les tiens ni ceux de tes semblables, car vous lui donnerez la mort en échange de la Vie qu'il vous apporte. Mais quand, plus grand que ce Temple, plus haut que le Tabernacle enfermé dans le Saint des Saints, plus haut que la Gloire que soutiennent les Chérubins, le Rédempteur sera sur son trône et sur son autel, la malédiction pour les déicides et la vie pour les gentils couleront de ses mille et mille blessures. Car Lui, ô maître toi qui l'ignores, n'est pas, je le répète, Roi d'une domination humaine, mais d'un Royaume spirituel, et ses sujets seront uniquement ceux qui par leur amour sauront renaître en leur esprit et comme Jonas, après une première naissance, renaître sur d'autres rivages : "ceux de Dieu" à travers la régénération spirituelle qui viendra par le Christ qui donnera la vraie vie à l'humanité." Sciammaï et son entourage : "Ce Nazaréen est Satan !" Hillel et les siens : "Non. Cet enfant est un Prophète de Dieu. Reste avec nous, Petit. Ma vieillesse transmettra ce qu'elle sait à ton savoir et tu seras Maître du Peuple de Dieu." Jésus : "En vérité, je te dis que si beaucoup étaient comme toi, le salut arriverait à Israël. Mais mon heure n'est pas venue. Les voix du Ciel me parlent et, dans la solitude je dois les recevoir jusqu'à ce que mon heure arrive. Alors, avec mes lèvres et mon sang, je m'adresserai à Jérusalem, et mon sort sera celui des Prophètes lapidés et assassinés par elle. Mais, au-dessus de mon être, il y a celle du Seigneur Dieu, auquel je soumets Moi-même pour qu'il fasse de Moi l'escabeau de sa gloire, en attendant que Lui fasse du monde un escabeau pour les pieds du Christ . Attendez-Moi à mon heure. Ces pierres entendront de nouveau ma voix et frémiront à ma dernière parole . Bienheureux ceux qui, en cette voix, auront écouté Dieu et croiront en Lui par son entremise. A ceux-là le Christ donnera son Royaume dont votre égoïsme rêve qu'il sera tout humain alors qu'il est céleste. Pour l'avènement de ce Royaume, Moi, je dis: "Voici ton serviteur, Seigneur, venu pour faire ta Volonté. Réalise-la entièrement, car je brûle de l'accomplir". " Et ici se termine la vision de Jésus avec son visage enflammé d'ardeur spirituelle, tourné vers le ciel, les bras ouverts, debout au milieu des docteurs stupéfaits.


Fruit du Mystère, demandons la recherche de Jésus, l'intériorité et la Sagesse

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 4/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

Num_riser0035

Quatrième Mystère Joyeux: La Présentation de Jésus au Temple


Je vois partir d'une petite maison très modeste un couple de personnes. D'un petit escalier extérieur descend une très jeune mère avec, entre ses bras, un bébé dans un lange blanc. Je reconnais, c'est notre Maman. C'est toujours elle, pâle et blonde, agile et si gentille en toutes ses démarches. Elle est vêtue de blanc, avec un manteau d'azur pâle qui l'enveloppe. Sur la tête un voile blanc. Elle porte son Bébé avec tant de précautions. Au pied du petit escalier, Joseph l'attend auprès d'un âne gris. Joseph est habillé de marron clair, aussi bien pour l'habit que pour le manteau. Il regarde Marie et lui sourit. Quand Marie arrive près de l'âne, Joseph se passe la bride sur le bras gauche, et prend pour un moment le Bébé qui dort tranquille pour permettre à Marie de mieux s'installer sur la selle. Puis, il lui rend Jésus et ils se mettent en marche. Joseph marche à côté de Marie en tenant toujours la monture par la bride et en veillant qu'elle marche droit et sans trébucher. Marie tient Jésus sur son sein et, par crainte que le froid ne puisse Lui nuire, elle étend sur Lui un pli de son manteau. Ils parlent très peu, les deux époux, mais ils se sourient souvent. La route qui n'est pas un modèle du genre se déroule à travers une campagne que la saison a dépouillée. Quelque autre voyageur se rencontre avec les deux ou les croise, mais c'est rare. Puis voici des maisons qui se découvrent et des murs qui enserrent une ville. Les deux époux entrent par une porte, puis commence le parcours sur le pavé très disjoint de la ville. La marche devient beaucoup plus difficile, soit à cause du trafic qui fait arrêter l'âne à tout moment, soit parce que sur les pierres et les crevasses qui les interrompent il a de continuelles secousses qui dérangent Marie et l'Enfant. La route n'est pas plane : elle monte bien que légèrement. Elle est étroite entre les hautes maisons aux entrées aussi étroites et basses et aux rares fenêtres sur la rue. En haut, le ciel se montre avec tant de morceaux d'azur de maison à maison ou de terrasse à terrasse. En bas sur la rue, il y a des gens qui crient et croisent, d'autres personnes à pied ou à âne, ou conduisant des ânes chargés et d'autres, en arrière d'une encombrante caravane de chameaux. A un certain endroit passe avec beaucoup de bruits de sabots et d'armes une patrouille de légionnaires romains qui disparaissent derrière une arcade qui enjambe une rue très étroite et pierreuse. Joseph tourne à gauche et prend une rue plus large et plus belle. J'aperçois l'enceinte crénelée que je connais déjà tout au fond de la rue. Marie descend de l'âne près de la porte où se trouve une sorte d'abri pour les ânes. Je dis "abri" parce que c'est une espèce de hangar ou mieux d'abri couvert jonché de paille avec des piquets munis d'anneaux pour attacher les quadrupèdes. Joseph donne quelque argent à un garçon qui est accouru, pour acheter un peu de foin et il tire un seau d'eau a un puits rudimentaire situé dans un coin, pour la donner a l'âne.

Puis, il rejoint Marie et ils entrent tous deux dans l'enceinte du Temple. Ils se dirigent d'abord vers un portique où se trouvent ces gens que Jésus fustigea plus tard vigoureusement : les marchands de tourterelles et d'agneaux et les changeurs. Joseph achète deux blanches colombes. Il ne change pas d'argent. On se rend compte qu'il a déjà ce qu'il faut. Joseph et Marie se dirigent vers une porte latérale où on accède par huit marches, comme on dirait qu'ont toutes les portes, en sorte que le cube du Temple est surélevé au-dessus du sol environnant. Cette porte a un grand hall comme les portes cochères de nos maisons en ville, pour en donner une idée, mais plus vaste et plus décoré. La il y a à droite et à gauche deux sortes d'autels c'est-à-dire deux constructions rectangulaires dont au début je ne vois pas bien a quoi elles servent. On dirait des bassins peu profonds car l'intérieur est plus bas que le bord extérieur surélevé de quelques centimètres. Je ne sais si c'est Joseph qui a appelé : voila qu'accourt un prêtre. Marie offre les deux pauvres colombes et moi qui comprends leur sort, je détourne mon regard. J'observe les ornements du très lourd portail, du plafond, du hall. Il me semble pourtant voir, du coin de l’œil, que le prêtre asperge Marie avec de l'eau, Ce doit être de l'eau, car je ne vois pas de tache sur son habit. Puis, Marie, qui, en même temps que les colombes avait donné au prêtre une petite poignée de monnaie (j'avais oublié de le dire), entre avec Joseph dans le Temple proprement dit, accompagnée par le prêtre. Je regarde de tous côtés. C'est un endroit très orné. Sculptures à têtes d'anges avec rameaux et ornements courent le long des colonnes, sur les murs et le plafond. Le jour pénètre par de longues et drôles fenêtres, étroites, sans vitres naturellement et disposées obliquement sur le mur. Je suppose que c'est pour empêcher d'entrer les averses. Marie s'introduit jusqu'à un certain endroit, puis s'arrête. À quelques mètres d'elle il y a d'autres marches et au-dessus une autre espèce d'autel au-delà duquel il y a une autre construction. Je m'aperçois que je croyais être dans le Temple et au contraire j'étais au dedans des bâtiments qui entourent le Temple proprement dit, c'est-à-dire le Saint, et au-delà duquel il semble que personne, en dehors des prêtres, ne puisse entrer. Ce que je croyais être le Temple n'est donc qu'un vestibule fermé qui, de trois côtés, entoure le Temple où est renfermé le Tabernacle. Je ne sais si je me suis très bien expliquée, mais je ne suis pas architecte ou ingénieur. Marie offre le Bébé, qui s'est éveillé et tourne ses petits yeux innocents tout autour, vers le prêtre, avec le regard étonné des enfants de quelques jours. Ce dernier le prend sur ses bras et le soulève à bras tendus, le visage vers le Temple en se tenant contre une sorte d'autel qui est au-dessus des marches. La cérémonie est achevée. Le Bébé est rendu à sa Mère et le prêtre s'en va. Il y a des gens, des curieux qui regardent. Parmi eux se dégage un petit vieux, courbé qui marche péniblement en s'appuyant sur une canne, Il doit être très vieux, je dirais plus qu'octogénaire. Il s'approche de Marie et lui demande de lui donner pour un instant le Bébé. Marie le satisfait en souriant. C'est Siméon, j'avais toujours cru qu'il appartenait à la caste sacerdotale et au contraire, c'est un simple fidèle, à en juger du moins par son vêtement. Il prend l'Enfant, l'embrasse. Jésus lui sourit avec la physionomie incertaine des nourrissons. Il semble qu'il l'observe curieusement, parce que le petit vieux pleure et rit à la fois et les larmes font sur sa figure des dessins emperlés en s'insinuant entre les rides et retombant sur la barbe longue et blanche vers laquelle Jésus tend les mains : C'est Jésus, mais c'est toujours un petit bébé et, ce qui remue devant lui, attire son attention et lui donne des velléités de se saisir de la chose pour mieux voir ce que c'est. Marie et Joseph sourient, et aussi les personnes présentes qui louent la beauté du Bébé. J'entends les paroles du saint vieillard et je vois le regard étonné de Joseph, l'émotion de Marie, les réactions du petit groupe des personnes présentes, les unes étonnées et émues aux paroles du vieillard, les autres prises d'un fou rire. Parmi ces derniers se trouvent des hommes barbus et de hautains membres du Sanhédrin qui hochent la tête. Ils regardent Siméon avec une ironique pitié. Ils doivent penser que son grand âge lui a fait perdre la tête. Le sourire de Marie s'éteint en une plus vive pâleur, lorsque Siméon lui annonce la douleur. Bien qu'elle sache, cette parole lui transperce l'âme. Marie s'approche davantage de Joseph pour trouver du réconfort; elle serre passionnément son Enfant sur son sein et, comme une âme altérée, et le boit les paroles d'Anne qui, étant femme, a pitié de la souffrance de Marie et lui promet que l'Éternel adoucira l'heure de sa douleur en lui communiquant une force surnaturelle : "Femme, Celui qui a donné le Sauveur à son peuple ne manquera pas de te donner son ange pour soulager tes pleurs. L'aide du Seigneur n'a pas manqué aux grandes femmes d'Israël et tu es bien plus que Judith et que Yaël. Notre Dieu te donnera un cœur d'or très pur pour résister à la mer de douleur par quoi tu seras la plus grande Femme de la création, la Mère. Et toi, Petit, souviens-toi de moi à l'heure de ta mission."


Fruit du Mystère, demandons la pureté et l'obéissance

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 3/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

Num_riser0034

Troisième Mystère Joyeux: La naissance de Jésus


Je vois encore l'intérieur de ce pauvre refuge pierreux où, partageant le sort des animaux, Marie et Joseph ont trouvé asile. Le petit feu sommeille ainsi que son gardien. Marie soulève doucement la tête de sa couche, et regarde. Elle voit Joseph, la tête inclinée sur la poitrine, comme s'il réfléchissait, et elle pense que la fatigue a triomphé de sa bonne volonté de rester éveillé. Elle sourit, d'un bon sourire. Faisant moins de bruit que ne peut en faire un papillon qui se pose sur une rose, elle s'assied, puis s'agenouille. Elle prie avec un sourire radieux sur le visage. Elle prie, les bras étendus non pas précisément en croix, mais presque, les paumes dirigées vers le haut et en avant, et elle ne paraît pas fatiguée de cette pose pénible. Puis, elle se prosterne, le visage contre le foin, dans une prière encore plus profonde. Une prière prolongée. Joseph s'éveille. Il voit le feu presque mort et l'étable presque dans les ténèbres. Il jette une poignée de brindilles et la flamme se réveille. Il y ajoute des branches plus grosses, puis encore plus grosses car le froid doit être piquant, le froid de la nuit hivernale et tranquille qui pénètre partout dans ces ruines. Le pauvre Joseph tout près comme il l'est de la porte - appelons ainsi l'ouverture que son manteau essaye d'obstruer - doit être gelé. Il approche les mains près de la flamme, défait ses sandales et approche ses pieds. Il se chauffe. Quand le feu est bien pris, et que sa clarté est assurée, il se tourne. Il ne voit rien, pas même cette blancheur du voile de Marie qui traçait une ligne claire sur le foin obscur. Il se lève et lentement s'approche de la couchette. "Tu ne dors pas, Marie ?" demande-t-il. Il le demande trois fois, jusqu'à ce qu'elle en prenne conscience et réponde : "Je prie." "Tu n'as besoin de rien ?" "Non, Joseph." "Essaie de dormir un peu, de reposer au moins." "J'essaierai, mais la prière ne me fatigue pas." "Adieu, Marie." "Adieu, Joseph." Marie reprend sa position. Joseph pour ne plus céder au sommeil s'agenouille près du feu et il prie. Il prie avec les mains qui lui couvrent le visage. Il ne les enlève que pour alimenter le feu et puis il revient à sa brûlante prière. A part les crépitements du bois et le bruit du sabot de l'âne, qui de temps en temps frappe le sol, on n'entend rien. Un faisceau de lumière lunaire se glisse par une fissure du plafond et semble une lame immatérielle d'argent qui s'en va chercher Marie. Il s'allonge peu à peu à mesure que la lune s'élève dans le ciel et l'atteint finalement. Le voilà sur la tête de l'orante. Il la nimbe d'une blancheur éclatante. Marie lève la tête comme pour un appel du ciel et elle s'agenouille de nouveau. Oh ! comme c'est beau ici ! Elle lève sa tête qui semble resplendir de la lumière blanche de la lune, et elle est transfigurée par un sourire qui n'est pas humain. Que voit-elle ? Qu'entend-elle ? Qu'éprouve-t-elle ? Il n'y a qu'elle qui pourrait dire ce qu'elle vit, entendit, éprouva à l'heure fulgurante de sa Maternité. Je me rends seulement compte qu'autour d'elle la lumière croit, croit, croit. On dirait qu'elle descends du Ciel, qu'elle émane des pauvres choses qui l'environnent, qu'elle émane d'elle surtout. Son vêtement, d'azur foncé, a à présent la couleur d'un bleu d'une douceur céleste de myosotis, les mains et le visage semblent devenir azurés comme s'ils étaient sous le feu d'un immense et clair saphir. Cette couleur me rappelle, bien que plus légère, celle que je découvre dans la vision du saint Paradis et aussi celle de la vision de l'arrivée des Mages. Elle se diffuse surtout toujours plus sur les choses, les revêt, les purifie, leur communique sa splendeur. La lumière se dégage toujours plus du corps de Marie, absorbe celle de la lune, on dirait qu'elle attire en elle tout ce qui peut arriver du ciel. Désormais, c'est elle qui est la Dépositaire de la Lumière, celle qui doit donner cette Lumière au monde. Et cette radieuse, irrésistible, incommensurable, éternelle, divine Lumière qui va être donnée au monde, s'annonce avec une aube, une diane, un éveil de la lumière, un chœur d'atomes lumineux qui grandit, s'étale comme une marée qui monte, monte en immenses volutes d'encens, qui descend comme un torrent, qui se déploie comme un voile... La voûte, couverte de fissures, de toiles d'araignées, de décombres en saillie qui semblent miraculeusement équilibrées, noire, fumeuse, repoussante, semble la voûte d'une salle royale. Chaque pierre est un bloc d'argent, chaque fissure une clarté opaline, chaque toile d'araignée un baldaquin broché d'argent et de diamants. Un gros lézard, engourdi entre deux blocs de pierre, semble un collier d'émeraude oublié là, par une reine; une grappe de chauve-souris engourdies émettent une précieuse clarté d'onyx. Le foin qui pend de la mangeoire la plus haute n'est plus de l'herbe : ce sont des fils et des fils d'argent pur qui tremblent dans l'air avec la grâce d'une chevelure flottante. La mangeoire inférieure, en bois grossier, est devenue un bloc d'argent bruni. Les murs sont couverts d'un brocart où la blancheur de la soie disparaît sous une broderie de perles en relief. Et le sol... qu'est-ce maintenant le sol ? Un cristal illuminé par une lumière blanche. Les saillies semblent des roses lumineuses jetées sur le sol en signe d'hommage; et les trous, des coupes précieuses, d'où se dégagent des arômes et des parfums. Et la lumière croît de plus en plus. L'œil ne peut la supporter. En elle, comme absorbée par un voile de lumière incandescente, disparaît la Vierge... et en émerge la Mère. Oui, quand la lumière devient supportable pour mes yeux, je vois Marie avec son Fils nouveau-né dans ses bras. Un petit Bébé rose et grassouillet qui s'agite et se débat avec ses mains grosses comme un bouton de rose et des petits pieds qui iraient bien dans le cœur d'une rose; qui vagit d'une voix tremblotante exactement comme celle d'un petit agneau qui vient de naître, ouvrant la bouche, rouge comme une petite fraise de bois, montrant sa petite langue qui bat contre son palais couleur de rose; qui remue sa petite tête si blonde qu'on la croirait sans cheveux, une petite tête ronde que la Maman soutient dans le creux de l'une de ses mains pendant qu'elle regarde son Bébé et l'adore, pleurant et riant tout ensemble et qu'elle s'incline pour y déposer un baiser, non pas sur la tête innocente, mais sur le milieu de la poitrine sous lequel se trouve le petit cœur, qui bat, qui bat pour nous... là où un jour sera la blessure. Elle la panse d'avance, cette blessure, sa Maman, avec son pur baiser d'Immaculée. Le bœuf éveillé par la clarté se dresse avec un grand bruit de sabots et il mugit. L'âne relève la tête et brait. C'est la lumière qui les réveille, mais j'aime penser qu'ils ont voulu saluer leur Créateur pour eux-mêmes et pour tous les animaux. Joseph aussi, qui comme extasié priait avec autant d'intensité qu'il s'était abstrait de tout ce qui l'entourait, se secoue et entre ses doigts dont il se couvre le visage, il voit filtrer la lumière étrange. Il découvre le visage, lève la tête, se retourne. Le bœuf debout, lui cache Marie, mais elle l'appelle : "Joseph, viens." Joseph accourt et devant le spectacle s'arrête comme foudroyé de révérence, il va tomber à genoux là où il se trouve. Mais Marie insiste : "Viens, Joseph." Elle appuie la main gauche sur le foin et tenant de la main droite l'Enfant qu'Elle serre sur son cœur, elle se lève et se dirige vers Joseph qui marche hésitant, pris entre le désir d'avancer et la peur d'être irrespectueux. Au pied de la couche les deux époux se rencontrent et se regardent en pleurant de bonheur. "Viens" dit Marie "offrons Jésus au Père." Pendant que Joseph s'agenouille, elle, debout, entre les deux poutres qui soutiennent la voûte, élève sa Créature entre ses bras et dit : "Me voici. C'est pour Lui, ô Dieu, que je te dis cette parole. Me voici pour faire ta volonté. Et avec Lui, moi, Marie et Joseph mon époux. Voici tes serviteurs, Seigneur. Que soit accomplie par nous, à toute heure et en toute occasion, ta volonté pour ta gloire et ton amour." Puis Marie se penche et dit : "Prends, Joseph" et Elle offre l'Enfant. "Moi ! A Moi ! Oh ! Non ! Je ne suis pas digne !" Joseph est tout effrayé, anéanti à l'idée de devoir toucher Dieu. Mais Marie insiste en souriant : "Tu en es bien digne. Personne ne l'est plus que toi. C'est pour cela que Dieu t'a choisi. Prends-le, Joseph, et tiens-le pendant que je cherche les langes." Joseph, rouge comme la pourpre, avance les bras et prend le petit bourgeon de chair qui crie parce qu'il a froid. Quand il l'a entre les bras, il ne persiste pas dans l'intention de le tenir par respect éloigné de lui. Il le serre contre son cœur et éclatant en sanglots : "Oh ! Seigneur ! Mon Dieu !" et il se penche pour baiser ses petits pieds et les sent glacés. Alors, il s'assoit sur le sol, le serre sur son sein. Avec son habit marron, avec ses mains il s'ingénie à le couvrir, à le réchauffer, à le défendre contre la bise nocturne. Il voudrait bien aller du côté du feu, mais là il y a un courant d'air qui entre par la porte. Mieux vaut rester où il est. Il vaut mieux même aller entre les deux animaux qui les protégeront du courant d'air et donneront un peu de chaleur. Il va se mettre entre le bœuf et l'âne avec les épaules tournées vers la porte, penché sur le Nouveau-né pour lui faire de sa poitrine une niche dont les parois sont une tête grise aux longues oreilles et un grand museau blanc aux naseaux fumants et aux bons yeux humides. Marie a ouvert le coffre et en a tiré les linges et les langes. Elle est allée près du feu pour les réchauffer. La voilà qui va vers Joseph et enveloppe le Bébé dans les linges tiédis, puis elle protège la petite tête avec son voile. "Où allons-nous le mettre maintenant ?" dit-elle. Joseph regarde autour, réfléchit... "Attends" dit-il. "Poussons plus loin les deux animaux et leur foin. Tirons en bas le foin de la mangeoire qui est plus haut et mettons-le ici à l'intérieur. Le bord de cette mangeoire le protégera de l'air, le foin lui fera un oreiller et le bœuf par son souffle le réchauffera un peu." Et Joseph se met à l'ouvrage, pendant que Marie berce son Petit en le serrant sur son cœur et en appuyant sa joue sur la petite tête pour la réchauffer. Joseph ravive le feu sans épargner le bois pour faire une belle flamme. Il réchauffe le foin et peu à peu le sèche et le met sur le sein pour l'empêcher de refroidir. Puis, quand il en a assez amoncelé pour faire un petit matelas à l'Enfant, il va à la mangeoire et l'arrange pour en faire un berceau. "C'est prêt" dit-il. "Maintenant il faudrait bien une couverture pour empêcher le foin de le piquer, et pour le couvrir..." "Prends mon manteau" dit Marie. "Tu auras froid." "Oh ! cela ne fait rien ! La couverture est trop rugueuse. Le manteau est doux et chaud. Je n'ai pas du tout froid. Mais que Lui ne souffre plus." Joseph prend l'ample manteau de moelleuse laine bleue sombre et l'arrange en double sur le foin, avec un pli qui penche hors de la crèche. Le premier lit du Sauveur est prêt. Et la Mère, de sa douce démarche ondoyante, le porte et le dépose, le recouvre avec le pli du manteau qu'elle amène aussi autour de la tête nue qui enfonce dans le foin, à peine protégé des piqûres par le mince voile de Marie. Il ne reste à découvert que le petit visage gros comme le poing, et les deux, penchés sur la crèche, radieux, le regardent dormir son premier sommeil. La chaleur des langes et du foin a arrêté ses pleurs et apporté le sommeil au doux Jésus.


Fruit du Mystère, demandons la pauvreté et la simplicité

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Le Rosaire médité avec Maria Valtorta 2/20

Le Rosaire médité avec Maria Valtorta

Textes extraits de « L'Evangile tel qu'il m'a été révélé »

Num_riser0033

Deuxième Mystère Joyeux: La Visitation


Je suis dans un pays montagneux. Ce ne sont pas de hautes montagnes, mais ce ne sont plus des collines. Elles ont déjà des cimes et des gorges de vraies montagnes comme on en voit sur notre Apennin tosco-ombrien. La végétation est drue et magnifique. Il y a en abondance des eaux fraîches qui conservent vertes les prairies et productifs les vergers peuplés de pommiers, de figuiers avec, autour des maisons, des vignes. Ce doit être le printemps car les grappes sont déjà grosses comme des grains de vesce et les pommiers commencent à ouvrir leurs bourgeons qui maintenant paraissent verts, sur les branches supérieures des figuiers il y a des fruits qui sont déjà bien formés. Ensuite les prés ne sont que tapis moelleux aux mille couleurs. Les troupeaux sont en train d'y paître, ou bien ils se reposent, taches blanches sur l'émeraude de l'herbe. Marie gravit, avec sa monture, un chemin en assez bon état qui doit être la principale voie d'accès. Elle monte, parce que le pays dont l'aspect est assez régulier est situé plus haut. Celui qui me renseigne habituellement me dit : "Cet endroit c'est Hébron". Vous me parliez de montagne. Mais je ne suis pas fixée, je ne sais si "Hébron" désigne tout le pays ou l'agglomération. Je n'en dis donc que ce que j'en sais. Voilà que Marie entre dans la cité. C'est le soir : des femmes sur les portes observent l'arrivée de l'étrangère et en parlent entre elles. Elles la suivent de l’œil et ne se rassurent qu'en la voyant s'arrêter devant une des plus belles maisons située au milieu du pays. Devant se trouve un jardin puis, en arrière et autour, un verger bien entretenu. Vient ensuite une vaste prairie qui monte et descend suivant le relief de la montagne pour aboutir à un bois de haute futaie; ensuite j'ignore ce qu'il y a. La propriété est entourée d'une haie de ronces et de rosiers sauvages. Je ne distingue pas bien ce qu'ils portent. La fleur et le feuillage de ces buissons se ressemblent beaucoup et tant que le fruit n'est pas formé sur les branches, il est facile de se tromper. Sur le devant de la maison, sur le côté donc qui fait face au pays, la propriété est entourée d'un petit mur blanc sur lequel courent des branches de vraies roses, pour l'instant sans fleurs, mais déjà garnis de boutons. Au centre, une grille de fer qui est fermée. On se rend compte que c'est la maison d'un notable du pays ou d'un habitant assez fortuné, Tout, en effet, indique sinon la richesse, au moins l'aisance certainement. Il y a beaucoup d'ordre. Marie descend de sa monture et s'approche de la grille. Elle regarde à travers les barreaux et ne voit personne. Alors elle cherche à manifester sa présence. Une petite femme qui, plus curieuse que les autres l'a suivie, lui indique un bizarre agencement qui sert de clochette. Ce sont deux morceaux de métal fixés sur un axe. Quand on remue l'axe avec une corde, ils battent l'un contre l'autre en faisant un bruit qui imite celui d'une cloche ou d'un gong. Marie tire la corde, mais si gentiment que l'appareil tinte légèrement et personne ne l'entend. Alors, la femme, une petite vieille, tout nez et menton et entre les deux une langue qui en vaut dix, s'accroche à la corde et tire, tire, tire. Un vacarme à réveiller un mort. "C'est cela qu'il faut faire. Autrement comment pouvez-vous faire entendre ? Sachez qu' Élisabeth est vieille, et aussi Zacharie. Et à présent il est muet et sourd par-dessus le marché. Les domestiques sont aussi vieux, le savez-vous ? N'êtes-vous jamais venue ? Connaissez-vous Zacharie ? Vous êtes..." Pour délivrer Marie de ce déluge de renseignements et de questions, survient un petit vieux qui boîte. Ce doit être un jardinier ou un agriculteur, car il a en mains un sarcloir et, attachée à la ceinture, une serpette. Il ouvre et Marie entre en remerciant la petite vieille mais... hélas ! sans lui répondre. Quelle déception pour la curieuse ! A peine à l'intérieur, Marie dit : "Je suis Marie de Joachim et d'Anne, de Nazareth. Cousine de vos maîtres." Le petit vieux s'incline et salue et se met à crier : "Sara ! Sara !" Il rouvre la grille pour faire rentrer l'âne resté dehors parce que Marie, pour se défaire de la petite vieille importune, s'est glissée vite, vite, à l'intérieur et que le jardinier, aussi rapide qu'elle, a fermé la grille, au nez de la commère et, tout en faisant entrer la monture, il dit : "Ah ! grand bonheur et grande peine en cette maison ! Le Ciel a donné un fils à la stérile, que le Très-Haut en soit béni ! Mais Zacharie est revenu, il y a sept mois, muet de Jérusalem. Il se fait comprendre par signes ou en écrivant. Vous l'avez peut-être appris ? La patronne vous a tant désirée au milieu de cette joie et de cette peine ! Souvent elle parlait de vous avec Sara et disait : "Si j'avais encore ma petite Marie avec moi ! Si elle avait encore été au Temple ! J'aurais demandé à Zacharie de l'amener. Mais maintenant le Seigneur l'a voulue comme épouse à Joseph de Nazareth. Elle seule pouvait me donner du réconfort dans cette peine et m'aider à prier Dieu, car elle est si bonne, et au Temple tout le monde la pleure, A la dernière fête, quand je suis allée avec Zacharie la dernière fois à Jérusalem pour remercier Dieu de m'avoir donné un fils, j'ai entendu ses maîtresses me dire : 'Le Temple semble avoir perdu les chérubins de la Gloire depuis que la voix de Marie ne résonne plus en ces murs' ". Sara ! Sara ! Ma femme est un peu sourde, mais viens, viens que je te conduise." Au lieu de Sara, voilà, en haut d'un escalier au flanc d'un côté de la maison, une femme d'âge plutôt avancé, déjà toute ridée avec des cheveux très grisonnants. Ses cheveux devaient être très noirs parce que très noirs sont encore ses cils et ses sourcils et qu'elle était très brune, le teint de son visage l'indique clairement. Contrastant étrangement avec sa vieillesse évidente, sa grossesse est déjà très apparente, malgré l'ampleur de ses vêtements. Elle regarde en faisant signe de la main. Elle a reconnu Marie. Elle lève les bras au ciel avec un : "Oh !" étonné et joyeux et se hâte, autant qu'il lui est possible, à la rencontre de Marie. Marie aussi toujours réservée dans sa démarche se met à courir agile comme un faon et elle arrive au pied de l'escalier en même temps qu'Élisabeth. Marie reçoit sur son cœur avec une vive allégresse sa cousine qui pleure de joie en la voyant. Elles restent embrassées un instant et puis Élisabeth se détache de l'étreinte avec un : "Ah !" où se mêlent la douleur et la joie et elle porte la main sur son ventre grossi. Elle penche son visage, pâlissant et rougissant alternativement. Marie et le serviteur tendent les mains pour la soutenir parce qu'elle vacille comme si elle se sentait mal. Mais Élisabeth, après être restée une minute comme recueillie en elle-même, lève un visage tellement radieux qu'il semble rajeuni. Elle regarde Marie avec vénération en souriant comme si elle voyait un ange et puis elle s'incline en un profond salut en disant : "Bénie es-tu parmi toutes les femmes ! Béni le Fruit de ton sein ! (elle prononce ainsi deux phrases bien détachées). Comment ai-je mérité que vienne à moi, ta servante, la Mère de mon Seigneur ? Voilà qu'au son de ta voix l'enfant a bondi de joie dans mon sein, et lorsque je t'ai embrassée, l'Esprit du Seigneur m'a dit les très hautes vérités dans les profondeurs de mon cœur. Bienheureuse es-tu d'avoir cru qu'à Dieu serait possible même ce qui ne semble pas possible à l'esprit humain ! Bénie es-tu parce que, grâce à ta foi, tu feras accomplir les choses qui t'ont été prédites par le Seigneur et les prophéties des Prophètes pour ce temps-ci ! Bénie es-tu pour le Salut que tu as engendré pour la descendance de Jacob ! Bénie est-tu pour avoir apporté la Sainteté à mon fils qui, je le sens, bondit comme une jeune chevrette pour la joie qu'il éprouve, en mon sein ! C'est qu'il se sent délivré du poids de la faute, appelé à être le Précurseur, sanctifié avant la Rédemption par le Saint qui croît en toi !" Marie, avec deux larmes, qui comme des perles descendent de ses yeux qui rient vers sa bouche qui sourit, le visage levé vers le ciel et les bras levés aussi, dans la pose que plus tard, tant de fois aura son Jésus, s'écrie : "Mon âme magnifie son Seigneur" et elle continue le cantique comme il nous a été transmis. A la fin, au verset : "Il a secouru Israël son serviteur... etc..." elle croise les mains sur sa poitrine, s'agenouille, prosternée jusqu'à terre en adorant Dieu. Le serviteur s'était respectueusement éclipsé quand il avait vu qu'Élisabeth ne se sentait plus mal et qu'elle confiait ses pensées à Marie. Il revient du verger avec un vieillard imposant aux cheveux blancs et à la barbe blanche, qui de loin, avec de grands gestes et des sons gutturaux, salue Marie. "Zacharie arrive" dit Élisabeth en touchant à l'épaule la Vierge absorbée dans sa prière. "Mon Zacharie est muet. Dieu l'a puni de n'avoir pas cru. Je t'en parlerai plus tard, mais maintenant, j’espère le pardon de Dieu puisque tu es venue, toi la Pleine de Grâce." Marie se lève et va à la rencontre de Zacharie et s'incline devant lui jusqu'à terre. Elle embrasse le bord du vêtement blanc qui le couvre jusqu'à terre. Il est très ample ce vêtement et attaché à la taille par un large galon brodé. Marie répond entre temps aux questions que lui fait Zacharie en écrivant avec un stylet sur une tablette enduite de cire. Je comprends, par les réponses, qu'il lui parle de Joseph, et qu'il lui demande comment elle se trouve épousée. Mais je comprends aussi que Zacharie n'a eu aucune lumière surnaturelle sur l'état de Marie et sa condition de Mère du Messie. C'est Élisabeth qui, approchant de son mari et lui mettant affectueusement une main sur l'épaule comme pour une chaste caresse, lui dit : "Marie est mère, elle aussi. Réjouis-toi de son bonheur." Mais elle n'ajoute rien. Elle regarde Marie et Marie la regarde mais ne l'invite pas à en dire plus, et elle se tait.


Fruit du Mystère, demandons la Charité et l'amour du prochain