Prière de l'enfant d'un Saint
Prière de l'enfant d'un Saint
A son bon Père, rappelé à Dieu le 29 juillet 1894
Rappelle-toi qu'autrefois sur la terre
Ton seul bonheur était de nous chérir;
De tes enfants exauce la prière,
Protège-nous, daigne encor nous bénir !
Tu retrouves là-haut notre mère chérie,
Depuis longtemps déjà dans la sainte patrie;
Maintenant, dans les cieux,
Vous régnez tous les deux...
Veillez sur nous !
Rappelle-toi ton ardente Marie,
Celle qui fut la plus chère à ton coeur ;
Rappelle-toi qu'elle remplit ta vie,
Par son amour, de charme et de bonheur.
Pour Dieu, tu renonças à sa douce présence,
Et tu bénis la main qui t'offrait la souffrance.
De ton beau « diamant »
Toujours plus scintillant,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi ta belle « perle fine »,
Que tu connus faible et timide agneau;
Vois-la, comptant sur la force divine,
Et du Carmel conduisant le troupeau.
De tes autres enfants elle est aujourd'hui mère,
Viens guider ici-bas celle qui t'est si chère;
Et sans quitter le ciel,
De ton petit Carmel,
Oh ! souviens-toi...
Rappelle-toi cette ardente prière
Que tu formas pour ta troisième enfant.
Dieu l'entendit !... elle estime la terre
Un lieu d'exil et de bannissement.
La Visitation la cache aux yeux du monde,
Elle aime le Seigneur, sa douce paix l'inonde ;
De ses brûlants soupirs,
De ses ardents désirs,
Oh ! souviens-toi...
Rappelle-toi ta fidèle Céline
Qui fut pour toi comme un ange des cieux,
Lorsqu'un regard de la Face divine
Vint t'éprouver par un choix glorieux.
Tu règnes dans le ciel... sa tâche est accomplie;
Maintenant à Jésus elle donne sa vie...
Protège ton enfant
Qui redit bien souvent Rappelle-toi !...
Oh ! souviens-toi de ta «petite reine »,
Du tendre amour dont son coeur déborda...
Rappelle-toi que sa marche incertaine
Ce fut toujours ta main qui la guida.
Papa, rappelle-toi qu'aux jours de son enfance
Tu voulus pour Dieu seul garder son innocence.
Ses boucles de cheveux
Qui ravissaient tes yeux,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que dans le belvédère,
Tu l'asseyais souvent sur tes genoux,
Et, murmurant alors une prière,
Tu la berçais par ton refrain si doux !
Elle voyait du ciel un reflet sur ta face,
Quand ton regard profond se plongeait dans l'espace...
Et de l'éternité
Tu chantais la beauté,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi ce radieux dimanche
Où, la pressant sur ton coeur paternel,
Tu lui donnas une fleurette blanche,
Et lui permis de voler au Carmel.
O père, souviens-toi qu'en ses grandes épreuves,
Du plus sincère amour tu lui donnas des preuves;
A Rome après Bayeux
Tu lui montras les cieux;
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que la main du Saint-Père,
Au Vatican, sur ton front se posa;
Mais tu ne pus comprendre le mystère
Du sceau divin qui sur toi s'imprima.
Maintenant tes enfants t'adressent leur prière;
Ils bénissent ta croix et ta douleur amère !
Sur ton front glorieux
Rayonnent dans les cieux
Neuf lis en fleurs !
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, Août 1894.