Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes
Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes
Henri Lasserre
Trentième jour
M. Roger Lacassagne et son fils Jules
I. Autre épisode. Il y a bientôt deux ans, j'eus l'honneur de visiter chez lui rue du Chai des Farines, n. 6, à Bordeaux, M. Roger Lacassagne, employé aux douanes de Bordeaux, et je fus frappé tout d'abord par l'aspect de cette physionomie froide et digne. Il me demanda avec cette politesse un peu brusque des hommes de discipline, quel était l'objet de ma visite. « Monsieur, lui dis-je, j'ai appris l'histoire de votre voyage à la Grotte de Lourdes, et, dans l'intérêt d'études que je fais en ce moment, je suis venu pour entendre ce récit de votre bouche ». Aux mots « la Grotte de Lourdes » ce rude visage s'était épanoui et l'émotion d'un puissant souvenir avait tout à coup attendri ces lignes austères. « Asseyez-vous, me dit ce brave homme, et pardonnez-moi de vous recevoir dans cette pièce en désordre. Ma famille part aujourd'hui pour Arcachon et vous nous voyez dans tout l'embarras du déménagement ». « Cela ne fait rien. Racontez-moi les événements dont on m'a parlé et que je' ne connais que confusément ». « Pour moi, dit-il d'une voix où je sentais des larmes, pour moi, je n'en oublierai de ma vie aucun détail ». « Monsieur, reprit-il après un moment de silence, je n'ai que deux fils. Le plus jeune, dont j'ai seulement à vous entretenir, s'appelle Jules. Il va venir tout à l'heure. Vous verrez comme il est doux, comme il est pur, comme il est bon ». M. Lacassagne ne me dit pas ce qu'était son affection pour ce plus jeune fils. Mais l'accent de sa voix, qui s'adoucissait en quelque sorte et devenait caressante pour parler de cet enfant, me révélait toute la profondeur de son amour paternel. Je compris que là, dans ce sentiment si tendre et si fort, se concentrait l'âme virile qui s'ouvrait devant moi.
Sa santé, continua-t-il, avait été excellente jusqu'à l'âge de dix ans. A cette époque survint inopinément, et sans cause physique apparente, une maladie dont je-ne mesurai pas tout la gravité. Le 25 janvier 1865, au moment où nous venions de nous mettre à table pour prendre le repas du soir, Jules se plaignit d'un embarras au gosier qui l'empêchait d'avaler tout aliment solide. Il dut se borner à prendre un peu de potage. Cet état ayant persisté le lendemain, je fis appeler un des médecins les plus distingués de Toulouse, M. Noguès. « C'est nerveux, me dit le docteur, qui me donna l'espoir d'une prochaine guérison ». Peu de jours après, en effet, l'enfant put manger, et je le croyais tout à fait remis, lorsque la maladie reprit et se continua avec des intermittences plus ou moins régulières jusque vers la fin du mois d'avril. A partir de ce moment, cet état devint stationnaire. Le pauvre enfant en fut réduit à se nourrir exclusivement de liquides, de lait, de jus de viande, de bouillon. Encore le bouillon devait-il être un peu clair, car telle était l'étroitesse de l'orifice qui restait encore dans la gorge qu'il lui était absolument impossible d'avaler, même du tapioca. Le pauvre petit, réduit à cette misérable alimentation, maigrissait à vue d'œil et dépérissait lentement. Les médecins, car ils étaient deux, et dès le commencement, j'avais prié une notabilité médicale, M. Roques, de s'adjoindre à M. Noguès; les médecins, étonnés de la singularité et de la persistance de cette affection, cherchaient vainement à en pénétrer nettement la nature pour en déterminer le remède.
II. Un jour, c'était le 10 mai, j'ai tant souffert, monsieur, et tant pensé à cette malheureuse maladie, que j'ai retenu toutes ces dates; un jour, j'aperçois Jules dans le jardin, qui courait avec une précipitation inaccoutumée et comme par saccades. Monsieur, je craignais pour lui la moindre agitation. « Jules, arrête-toi! » lui criai-je en allant vers lui et le saisissant par la main. Il m'échappa aussitôt : « Papa, me dit-il, je ne peux pas. Il faut que je coure, c'est plus fort que moi ». Je le pris sur mes genoux, ses jambes s'agitaient convulsivement. Un peu plus lard ce fut la tête qui devint grimaçante et se contorsionna. Le vrai caractère de la maladie se déclarait enfin. Mon malheureux enfant était atteint de cette maladie dont on appelle habituellement les accès la danse de Saint-Guy. Cependant, bien qu'elle reconnût le mal, la médecine fut impuissante à le vaincre. Tout au plus, au bout de quinze mois de traitement, put-elle maîtriser les accidents extérieurs tels que l'agitation des jambes et de la tête; ou plutôt, pour mieux dire et pour exprimer toute ma pensée, ces accidents disparurent d'eux-mêmes sous les seuls efforts de la nature. Quant à ce rétrécissement extrême de la gorge, il était passé à l'état chronique et il résista à tout. Les remèdes de toute sorte, la campagne, les bains de Luchon furent successivement et inutilement employés pendant près de deux ans. Ces divers traitements ne faisaient qu'exaspérer le malade. Notre dernier essai avait été une saison aux bains de mer. Ma femme avait conduit notre malade à Saint Jean de Luz. Il est inutile de vous dire que dans l'état où il était, les soins physiques absorbaient tout. Avant toute chose, en effet, nous voulions qu'il vécût. Nous avions dès l'origine suspendu ses études, et tout travail lui était interdit: nous le traitions en végétal. Or, il a l'esprit actif, sérieux, et cette privation de tout exercice intellectuel le jetait dans un grand ennui. Le pauvre petit était d'ailleurs honteux de son mal; il voyait les autres enfants bien portants et il se sentait comme disgracié et maudit: aussi s'isolait-il... » Le père, tout remué par ces souvenirs, s'arrêta un instant comme pour maîtriser un sanglot dans la voix.
« Il s'isolait, reprit-il. Il était triste. Quand il trouvait quelque livre, il le lisait pour se distraire. A Saint Jean de Luz, il aperçut un jour sur la table d'une dame qui demeurait dans le voisinage, une petite Notice sur l'Apparition de Lourdes. Il la lut et en fut, paraît-il, profondément frappé. Il dit le soir à sa mère que la sainte Vierge pourrait bien le guérir; mais elle ne fit aucune attention à ces paroles, qu'elle considéra comme un propos d'enfant. De retour à Bordeaux, car un peu avant cette époque j'avais reçu mon changement et nous étions venus habiter ici, de retour à Bordeaux, l'enfant était absolument dans le même état. C'était au mois d'août de l'année dernière. Tant de vains efforts, tant de science dépensée sans résultat par les meilleurs médecins, tant de soins perdus finirent, et certes vous le comprenez, par nous jeter dans le plus profond abattement. Découragés par l'inutilité de ces diverses tentatives, nous cessâmes toute espèce de remède, laissant agir la nature et nous résignant au mal inévitable qu'il plaisait au Créateur de nous envoyer. Il nous semblait que tant de souffrance avait en quelque sorte redoublé notre amour pour cet enfant... Cependant, continua le père après un nouveau silence, les forces de l'enfant diminuaient visiblement. Depuis deux ans, il n'avait pas pris un seul aliment solide. Ce n'était qu'à grands frais, par une nourriture liquide que tout notre génie s'employait à rendre substantielle, par des soins exceptionnels, que nous avions pu prolonger sa vie aussi longtemps. Il était devenu d'une maigreur effrayante. Sa pâleur était extrême: il n'y avait plus de sang sous sa peau: on eût dit une statue de cire. Il était visible que la Mort s'avançait à grands pas. Elle était plus que certaine, elle était imminente. Ma foi, monsieur, quelque démontrée que fût pour nous l'impuissance de la Médecine, je ne pus, dans ma douleur, m'empêcher de frapper encore à cette porte. Je n'en connaissais pas d'autre en ce monde. Je m'adressai au médecin le plus éminent de Bordeaux, à M. Gintrac père.
III. M. Gintrac examina le gosier de l'enfant, le sonda et constata, outre ce rétrécissement extrême qui bouchait presque entièrement le canal alimentaire, des rugosités du plus mauvais signe. Il hocha la tête et me donna peu d'espoir. Il vit mon anxiété terrible. « Je ne dis pas qu'il ne puisse guérir, ajouta-t-il; mais il est bien malade ». Ce furent ses propres paroles. Il jugea absolument nécessaire d'employer les remèdes; locaux: d'abord des injections, puis le contact d'un linge imbibé d'éther. Mais ce traitement bouleversait mon fils ; devant ces résultats, le chirurgien, M. Sentex, interne de l'hôpital, nous conseilla lui-même de le cesser. Que faire encore? nous nous étions adressés aux plus grands médecins de Toulouse et de Bordeaux et tout avait été impuissant. L'évidence fatale était devant mes yeux : notre pauvre fils était condamné, et cela sans appel. Monsieur, de si cruelles convictions entrent difficilement dans le cœur d'un père. J'essayais encore de me tromper; ma femme et moi nous nous consultions: je pensais à l'hydrothérapie.
Ce fut dans cette situation désespérée et désespérante que Jules dit à sa mère, avec un accent de confiance et de certitude absolue qui la frappa, les paroles suivantes: « Vois-tu, maman, M. Gintrac ni aucun autre médecin ne peut rien à ma maladie. C'est la sainte Vierge qui me guérira. Envoie -moi à la Grotte de Lourdes et tu verras que je serai guéri. J'en suis sûr ». Ma femme me rapporta ce propos. « Il n'y a pas à hésiter! m'écriai-je, il faut le conduire à Lourdes. Et au plus tôt ». Ce n'est point, monsieur, que j'eusse la foi. Je ne croyais pas aux Miracles, et je ne croyais pas comme possibles ces interventions extraordinaires de la Divinité. Mais j'étais père, et aucune chance, quelque minime qu'elle fût, ne me semblait méprisable. J'espérais d'ailleurs que, en dehors de ces événements surnaturels qu'il me coûtait d'admettre, cela pourrait produire sur l'enfant un effet moral salutaire. Quant à une guérison complète, vous comprenez, monsieur, que je n'en abordais pas même la pensée. Nous étions en hiver, au commencement de février. La saison était mauvaise, et j'en redoutais pour Jules les moindres intempéries. Je voulus attendre un beau jour. Depuis que, huit mois auparavant, à Saint Jean de Luz, il avait lu la petite Notice, le sentiment qu'il venait de nous exprimer, ne l'avait pas quitté. L'ayant manifesté une première fois là-bas, sans qu'on voulût y faire attention, il n'en avait plus reparlé ; mais cette idée était restée en lui et y avait travaillé pendant qu'il subissait, avec quelle patience, monsieur, il fallait le voir, les traitements des médecins. Cette foi si pleine et si entière était d'autant plus extraordinaire, que nous n'avions pas élevé notre enfant dans les habitudes d'une dévotion exagérée Ma femme accomplissait ses devoirs religieux, mais c'était tout; et quant à moi, j'étais, comme je viens de le dire, dans des idées philosophiques tout à fait différentes.
IV. Le 12 février, le temps s'annonça comme devant être magnifique. Nous prîmes le train de Tarbes. Pendant toute la route, l'enfant fut gai, plein d'une foi absolue en sa guérison, d'une foi.... renversante. « Je guérirai, me disait-il à chaque instant. Tu verras. Bien d'autres ont guéri: pourquoi pas moi? La sainte Vierge va me guérir ». Et moi, monsieur, j'entretenais, sans la partager, cette confiance si grande, cette confiance que je qualifierais d'étourdissante, si je ne craignais de manquer de respect à Dieu qui la lui inspirait. A Tarbes, à l'hôtel Dupont où nous descendîmes, on remarqua ce pauvre enfant si pâle, si malingre et en même temps si doux, si charmant. On l'aima rien qu'en le voyant. J'avais dit à l'hôtel le but de notre voyage. Dans les vœux que firent pour nous ces braves gens, il se mêlait comme un heureux pressentiment. Et quand nous partîmes, je vis bien qu'on attendait notre retour avec impatience. A tout événement et malgré mes doutes, je pris avec moi une petite boîte de biscuits. Quand nous arrivâmes à la crypte qui est au-dessus de la Grotte, la Messe se disait. Jules pria avec une foi qui était visible sur tous ses traits, avec uns ardeur vraiment céleste. Il était tout transfiguré, ce pauvre ange! Le prêtre fut frappé de sa ferveur et, quand il eut quitté l'autel, il ressortit presque aussitôt de la sacristie et s'avança vers nous. Une bonne pensée lui était venue en voyant ce pauvre petit. Il m'en fit part, et se retournant vers Jules, encore agenouillé « Mon enfant, lui dit-il, voulez-vous que je vous consacre à la sainte Vierge? » « Oh! oui », répondit Jules. Le prêtre procéda aussitôt à cette très simple cérémonie et récita sur mon fils les formules consacrées. « Et maintenant, s'écria l'enfant, avec un accent dont la parfaite confiance me frappa, et maintenant, papa, je vais guérir ».
Nous descendîmes à la Grotte. Jules s'agenouilla devant la statue de la Vierge et pria. Je le regardais, et je vois encore l'expression de son visage, de son attitude, de ses mains jointes. Il se leva: nous allâmes devant la Fontaine. Ce moment était terrible. Il lava son cou et sa poitrine. Puis, il prit le verre et but quelques gorgées de l'eau miraculeuse. Il était calme, heureux, il était gai, il était rayonnant de confiance. Pour moi, je tremblais et frémissais à défaillir devant cette épreuve suprême. Mais je contenais, quoique avec peine, mon émotion. Je ne voulais pas lui laisser voir mon doute. « Essaye maintenant de manger », lui dis-je en lui tendant un biscuit. Il le prit: et je détournai la tête,ne me sentant pas la force de le regarder. C'était en effet, la vie ou le trépas de mon fils qui allait se décider. Dans cette question, formidable pour le cœur d'un père, je jouais en quelque sorte ma dernière carte. Si j'échouais, mon bien-aimé Jules était mort. L'épreuve était décisive et je ne pouvais affronter ce spectacle. Je fus bientôt tiré de cette angoisse poignante. La voix de Jules, une voix joyeuse et douce me cria : « Papa! j'avale, je puis manger, j'en étais sûr, j'avais la foi! » Quel coup, monsieur! Mon enfant, déjà la proie du tombeau, était sauvé, et cela soudainement. Et moi, son père, j'assistais a cette éclatante résurrection.
Eh bien! monsieur, pour ne pas troubler la foi de mon fils, j'eus la force de ne pas paraître étonné. « Oui, mon Jules, cela était certain et il n'en pouvait être autrement », lui dis-je d'une voix que toute l'énergie de ma volonté parvint à rendre calme. Et cependant, monsieur, il y avait en tempête. Que l'on eût ouvert ma poitrine, et on l'aurait trouvée toute brûlante, comme si elle eût été pleine de feu. Nous renouvelâmes l'expérience. Il mangea encore quelques biscuits, non-seulement sans difficulté, mais avec un appétit croissant. Je fus obligé de le modérer. J'avais besoin de crier mon bonheur, de remercier Dieu. « Attends-moi, dis-je à Jules, et prie la bonne Vierge Je monte à la Chapelle ». Et, le laissant un instant agenouillé à la Grotte, je courus annoncer au prêtre cette heureuse nouvelle. J'étais dans une sorte d'égarement. Outre ma félicité, si inattendue et si brusque qu'elle en était terrible, outre le bouleversement de mon cœur, j'éprouvais en mon âme, en mon esprit un trouble inexprimable. Une révolution se faisait dans mes pensées, confuses, agitées, tumultueuses. Toutes mes idées philosophiques chancelaient ou s'écroulaient en moi-même.
Le prêtre descend en toute hâte et il aperçoit Jules achevant son dernier biscuit. L'Evêque de Tarbes se trouvait précisément ce jour-là à la Chapelle: il voulut voir mon fils. Je lui racontai la cruelle maladie qui venait d'avoir un si heureux terme. Tout le monde caressait l'enfant, tout le monde se réjouissait avec moi. Moi, cependant, je pensais à la mère et au bonheur qu'elle allait avoir. Avant de rentrer à l'hôtel, je courus au télégraphe. Ma dépêche ne contenait qu'un seul mot : « Guéri! » A peine était-elle partie que j'eusse voulu la ressaisir: « Peut-être, me disais-je, que je me suis trop hâté. Qui sait s'il n'y aura pas de rechute ! » Je n'osais pas croire au bonheur qui m'arrivait; et quand j'y croyais, il me semblait qu'il allait m' échapper. Quant à l'enfant, il était heureux, heureux sans le moindre mélange d'inquiétude. Il était éclatant dans sa joie et dans sa pleine sécurité. « Tu vois bien, papa, me répétait-il à chaque instant, il n'y avait que la sainte Vierge qui pouvait me guérir. Quand je, te le disais, j'en étais sûr ». A l'hôtel, il mangea d'un excellent appétit. Je ne pouvais me lasser de le regarder manger. Il voulut revenir et revint à pied à la Grotte remercier sa libératrice. « Tu seras bien reconnaissant envers la sainte Vierge? » lui dit un prêtre. D'un geste il montra l'image de la Vierge, puis le Ciel. « Ah! je ne l'oublierai jamais! » s'écria-t-il.
V. A Tarbes, nous nous arrêtâmes à l'hôtel où nous étions descendus la veille. On nous attendait. On avait (il me semble que je vous l'ai déjà dit) je ne sais quel heureux pressentiment. Ce fut une joie extraordinaire. On se groupait autour de nous pour le voir manger avec un sensible plaisir de tout ce que l'on servait sur la table, lui qui, la veille encore, ne pouvait avaler que quelques cuillerées de liquide. Ce temps me semblait déjà bien loin de moi. Cette maladie, contre laquelle avait échoué la science des plus habiles médecins et qui venait d'être si miraculeusement guérie, avait duré deux ans et dix-neuf jours. Nous avions hâte de revoir la mère. Nous prîmes l'express de Bordeaux. L'enfant était rompu de fatigue par le voyage, et je dirais aussi par les émotions, n'était sa paisible et constante sérénité en présence de cette guérison soudaine, qui le comblait d'allégresse, mais qui ne l'étonnait pas. Il désira se coucher en arrivant. Il était accablé de sommeil, et ne soupa point. Quand elle le vit ainsi appesanti, brisé, refusant de manger, sa mère, qui était mourante de joie avant notre retour, fut saisie par un doute affreux. Elle était désolée. Elle me disait que je l'avais trompée, et j'avais toutes les peines du monde à me faire croire. Quel ne fut pas son bonheur, lorsque, le lendemain, notre Jules, assis à notre table, déjeuna avec nous, et de meilleur appétit que nous-mêmes. C'est alors seulement qu'elle fut tranquille et rassurée ».
« Et depuis ce moment, demandai-je à M. Lacassagne, n'y a-t-il eu aucune rechute, aucun accident ? » « Non, monsieur, absolument rien. Je ne puis dire que la guérison fit des progrès ou se consolida, attendu qu'elle avait été aussi complète qu'instantanée. La transition d'une maladie si ancienne et si rebelle à cette guérison si entière, si absolue, s'était faite sans la moindre gradation comme sans aucune commotion apparente. Mais la santé générale s'améliora à vue d'œil, sous l'influence d'un régime réparateur, dont il était temps que mon pauvre fils éprouvât les salutaires effets.... » « Depuis cette époque, ajouta le père, il est d'une piété angélique. Vous allez le voir. La noblesse de ses sentiments se lit sur son visage. Il est bien né, sa nature est droite et élevée. Il est incapable d'un mensonge ou d'une bassesse. Mais sa piété a développé au plus haut degré ses qualités natives. Il fait ses études dans une pension voisine, chez M. Gonangle, dans la rue du Mirail. Le pauvre enfant a rattrapé bien vite le temps qu'il avait perdu. Il aime l'étude. Il est le premier de sa classe. A la dernière distribution, il a eu le prix d'excellence. Mais avant tout il est le plus sage, le plus doux, le meilleur. Il est le bien-aimé de ses maîtres et de ses camarades. Il est notre joie, notre consolation ».
En ce moment la porte s'ouvrit et Jules entra avec sa mère dans la pièce où nous nous trouvions. Je lui pris la tête et l'embrassai avec attendrissement. La flamme de la santé rayonne sur son visage. Son front, large et haut, est magnifique; son attitude a une modestie et une fermeté douce qui inspirent un secret respect. Ses yeux, très-grands et très-vifs, reflètent une intelligence rare, une pureté absolue, une belle âme. « Vous êtes un heureux père », dis-je à M. Lacassagne. « Oui, monsieur, bien heureux. Mais nous avons bien souffert, ma pauvre femme et moi ». « Ne vous plaignez pas, lui dis-je en nous éloignant un peu de Jules. Ce chemin de douleurs était la voie qui vous conduisait des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de vous-même à Dieu. A Lourdes, la sainte Vierge s'est montrée deux fois la mère des vivants. Elle a donné à votre fils la vie temporelle, pour vous donner, à vous, la Vie véritable, la Vie qui ne doit point finir! » Je quittai cette famille bénie de Dieu; et, sous l'impression de ce que j'avais entendu et vu, j'écrivis, le cœur tout ému, ce que je viens de raconter.
Prière pour l'Enfance
Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.
Notre-Dame de Lourdes, vous aimez les enfants, les enfants que Jésus aimait. Aux premières pages de votre histoire, c'est à une enfant que vous vous révélez; la guérison d'un enfant forme ce dernier épisode dont le récit vient de nous attendrir. Bénissez l'Enfance, ô Marie! Conservez dans leur baptismale innocence ces petits êtres bien-aimés dont les anges contemplent la face de Dieu, et qui sont ici-bas la joie de nos maisons et l'espérance du genre humain. Gardez-les contre les influences corruptrices qui les environnent de toutes parts; contre les relations mauvaises; contre les funestes lectures; contre la naturelle tendance au mal que portent en eux tous les fils d'Adam; contre les pièges du démon qui cherche l'heure de troubler, par une première faute, le doux Paradis de ces âmes, tout fraîchement sorties des mains créatrices de Dieu. Gardez-les contre nous-mêmes: contre notre faiblesse pour eux; contre notre éducation, parfois si frivole et si insensée; contre les scandaleux exemples de nos défauts et de nos vices. Que, préservée par vous, la pureté de leur âme réjouisse le regard de notre Père qui est aux Cieux. Relevez, ô Marie, ceux qui sont déjà tombés et envoyez l'Ange du repentir rendre la blancheur de la neige à leur innocence souillée. Bénissez les Enfants! Que, de même qu'ils croissent en âge, ils croissent en sagesse et en vertu, comme faisait, Bienheureuse Mère, cet Enfant-Dieu que vos flancs ont porté, ce Jésus adoré que vos mamelles ont nourri. Qu'ils soient, dès à présent, les bons anges de nos foyers. Que la simplicité de leur Foi, la tranquille fermeté de leur Espérance immortelle, la bonne droiture de leur Amour pour Dieu et pour le prochain, nous fassent rentrer en nous-mêmes et nous rendent semblables à eux. Bénissez nos fils et nos filles, ô Marie! bénissez leur enfance, bénissez leur jeunesse, bénissez leur âge mûr, bénissez leur vieillesse chenue. Que, guidés par vous dans la vie, ô Vierge puissante, les générations qui nous suivent, et les races qui sont encore à naître, passent ici-bas en faisant le bien. Que du berceau à la tombe, nos descendants soient, en un mot, ce que nous ne sommes pas, c'est-à-dire des Chrétiens dignes de ce nom et de vrais disciples de Jésus-Christ; et qu'ils réparent le mal qu'auront pu faire en ce monde leurs pères et leurs mères, disparus et ensevelis! Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous. Ainsi soit-il.
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