
Semaine
Sainte 2010
La
Dernière Cène de Notre Seigneur Jésus-Christ
Extrait
des visions de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich
Préparatifs
de la Pâque
Jésus
étant âgé de trente-trois ans dix-huit semaines moins un jour.
C'est hier soir qu'eut lieu le dernier grand repas du Seigneur et de
ses amis, dans la maison de Simon le lépreux, à Béthanie, où
Marie-Madeleine répandit pour la dernière fois des parfums sur
Jésus: Judas se scandalisa à cette occasion; il courut à
Jérusalem, et complota encore avec les princes des prêtres pour
leur livrer Jésus. Apres le repas, Jésus revint dans la maison de
Lazare, et une partie des apôtres se dirigea vers l'auberge située
en avant de Béthanie. Dans la nuit, Nicodème vint encore chez
Lazare, et s'entretint longtemps avec le Seigneur; il retourna à
Jérusalem avant le jour, et Lazare l'accompagna une partie du
chemin. Les disciples avaient déjà demandé à Jésus où il
voulait manger la Pâque. Aujourd'hui, avant l'aurore, le Seigneur
fit venir Pierre, Jacques et Jean : il leur parla beaucoup de tout ce
qu'ils avaient à préparer et à ordonner à Jérusalem, et leur dit
que, lorsqu'ils monteraient à la montagne de Sion, ils trouveraient
l'homme à la cruche d'eau ils connaissaient déjà cet homme, car, à
la dernière Pâque, à Béthanie, c'était lui qui avait préparé
le repas de Jésus; voilà. pourquoi saint Matthieu dit : un certain
homme. Ils devaient le suivre jusqu'à sa maison, et lui dire: "
Le maître vous lait savoir que son temps est proche, et qu'il veut
faire la Pâque chez vous ". Ils devaient ensuite se faire
montrer le Cénacle qui était déjà préparé, et y faire toutes
les dispositions nécessaires. Je vis les deux apôtres monter à
Jérusalem en suivant un ravin au midi du Temple, vers le côté
septentrional de Sion. Sur le flanc méridional de la montagne du
temple il y avait des rangées de maisons: ils marchaient vis-à-vis
ces maisons an remontant un torrent qui les en séparait Lorsqu'ils
eurent atteint les hauteurs de Sion qui dépassent la montagne du
Temple, ils se dirigèrent vers le midi, st rencontrèrent, au
commencement d'une petite montée, dans le voisinage d'un vieux
bâtiment à plusieurs cours, l'homme qui leur avait été désigné
: ils le suivirent et lui dirent ce que Jésus leur avait ordonné.
Il se réjouit fort à cette nouvelle, et leur répondit qu'un repas
avait déjà été commandé chez lui (probablement par Nicodème),
qu'il ne savait pas pour qui, et qu'il était charmé d'apprendre que
c'était pour Jésus. Cet homme était Héli, beau-frère de Zacharie
d'Hébron, dans la maison duquel Jésus, l'année précédente, avait
annoncé la mort de Jean-Baptiste. Il n'avait qu'un fils, lequel
était lévite, et lié d'amitié avec Luc, avant que celui-ci ne fût
venu au Seigneur, et en outre, cinq filles non mariées. Il allait
tous les ans à la fête de Pâques avec ses serviteurs, louait une
salle et préparait la Pâque pour des personnes qui n'avaient pas
d'hôte dans la ville. Cette année, il avait loué un Cénacle, qui
appartenait à Nicodème et à Joseph d'Arimathie. Il en montra aux
deux apôtres la situation et la distribution intérieure.
Le
Cénacle
Sur
le côté méridional de la montagne de Sion, non loin du château
ruiné de David et du marché qui monte vers ce château du côté du
levant, se trouve un ancien et solide bâtiment entre des rangées
d'arbres touffus, au milieu d'une cour spacieuse environnée de bons
murs. A droite et à gauche de l'entrée, on voit dans cette cour
d'autres bâtisses attenant au mur, notamment à droite, la demeure
du majordome, et tout auprès, celle où la sainte Vierge et les
saintes femmes se tinrent le plus souvent après la mort de Jésus.
Le Cénacle, autrefois plus spacieux, avait alors servi d'habitation
aux hardis capitaines de David, et ils s'y exerçaient au maniement
des armes. Avant la fondation du Temple, l'arche d'alliance y avait
été déposée assez longtemps, et il y a encore des traces de son
séjour dans un lieu souterrain. J'ai vu aussi le prophète Malachie
caché sous ces mêmes voûtes: il y écrivait ses prophéties sur le
saint Sacrement et le sacrifice de la Nouvelle Alliance. Salomon
honora cette maison, et il y faisait quelque chose de symbolique et
de figuratif que j'ai oublié. Lorsqu'une grande partie de Jérusalem
fut détruite par les Babyloniens, cette maison fut épargnée. J'ai
vu bien d'autres choses à son sujet, mais je n'en ai retenu que ce
que je viens de dire. Cet édifice était en très mauvais état
lorsqu'il devint la propriété de Nicodème et de Joseph
d'Arimathie: ils avaient disposé très commodément le bâtiment
principal, qu’ils louaient pour servir de Cénacle aux étrangers
que les fêtes de Pâques attiraient à Jérusalem. C'est ainsi que
le Seigneur s'en était servi à la dernière Pâque. En outre, la
maison et ses dépendances leur servaient, pendant toute l'année, de
magasin pour des pierres tumulaires et autres, et d'atelier pour
leurs ouvriers: car Joseph d'Arimathie possédait d'excellentes
carrières dans sa patrie, et il en faisait venir des blocs de
pierre, dont on faisait sous sa direction des tombes, des ornements
d'architecture et des colonnes qu'on vendait ensuite. Nicodème
prenait part à ce commerce, et lui-même aimait à sculpter dans ses
moments de loisir. Il travaillait dans la salle ou dans un souterrain
qui était au-dessous, excepté à l'époque des fêtes: ce genre
d'occupation l'avait mis en rapport avec Joseph d’Arimathie; ils
étaient devenus amis et s'étaient souvent associés dans leurs
entreprises. Ce matin, pendant que Pierre et Jean, envoyés de
Béthanie par Jésus, s'entretenaient avec l'homme qui avait loué le
Cénacle pour cette année, Je vis Nicodème aller et venir dans les
bâtiments à gauche de la cour où l'on avait transporté beaucoup
de pierres qui obstruaient les abords de la salle à manger. Huit
jours auparavant, j'avais vu plusieurs personnes occupées à mettre
des pierres de côté, à nettoyer la cour et à préparer le Cénacle
pour la célébration de la Pâque ; je pense même qu'il y avait
parmi elles des disciples, peut-être Aram et Themeni, les cousins de
Joseph d'Arimathie. Le Cénacle proprement dit est à peu près au
milieu de la cour, un peu dans le fond; c'est un carré long, entouré
d'un rang de colonnes peu élevées, qui, si l'on dégage les
intervalles entre les piliers, peut être réuni à la grande salle
intérieure, car tout l'édifice est comme à jour et repose sur des
colonnes et des piliers ; seulement, dans les temps ordinaires, les
passages sont fermés par des entre-deux. La lumière entre par des
ouvertures au haut des murs. Sur le devant, on trouve d'abord un
vestibule, où conduisent trois entrées; puis on arrive dans la
grande salle intérieure, au plafond de laquelle pendent plusieurs
lampes: les murs sont ornés pour la fête, jusqu'à moitié de Leur
hauteur, de belles nattes ou de tapis, et on a pratique dans le haut
une ouverture, où l'on a étendu comme une gaze bleue transparente.
Le derrière de cette salle est séparé du reste par un rideau du
même genre. Cette division en trois parties donne au Cénacle une
ressemblance avec le Temple; on y trouve aussi le parvis, le Saint et
le Saint des Saints. C'est dans cette dernière partie que sont
déposés, à droite et à gauche, les vêtements et les objets
nécessaires à la célébration de la fête. Au milieu est une
espèce d'autel. Hors du mur sort un banc de pierre élevé sur trois
marches; sa forme est celle d'un triangle rectangle dont la pointe
est tronquée; ce doit être la partie supérieure du fourneau où
l'on fait rôtir l'agneau pascal, car aujourd'hui, pendant le repas,
les marches qui sont autour étaient tout à fait chaudes. Il y a sur
le coté une sortie conduisant dans la salle qui est derrière cette
pierre saillante. C’est là qu'on descend à l'endroit où l'on
allume le feu: on arrive aussi par là à d'autres caveaux voûtés,
situés au-dessous de la salle. L'autel ou la pierre saillante
renferme divers compartiments, comme des caisses ou des tiroirs à
coulisse. Il y a aussi en haut des ouvertures, une espèce de grille
en fer, une place pour faire le feu, une autre pour l'éteindre. Je
ne puis pas décrire textuellement tout ce qui se trouve là: cela
semble être une espèce de foyer pour faire cuire des pains azymes
et d'autres gâteaux pour la Pâque, ou encore pour brûler des
parfums et certains restes du repas après la fête : c'est comme une
cuisine pascale. Au-dessus de ce foyer ou de cet autel se détache de
la muraille une sorte de niche en bois : plus haut se trouve une
ouverture avec une soupape, probablement pour laisser sortir la
fumée. Devant cette niche ou au-dessus je vis l'image d'un agneau
pascal: il avait un couteau dans la gorge et il semblait que son sang
coulât goutte à goutte sur l'autel; Je ne me souviens plus bien
comment cela était fait. Dans la niche de la muraille, sont trois
armoires de diverses couleurs qu'on fait tourner comme nos
tabernacles pour les ouvrir ou les fermer; j'y vis toutes espèces de
vases pour la Pâque et des écuelles rondes; plus tard, le saint
Sacrement y reposa. Dans les salles latérales du Cénacle sont des
espèces de couches en maçonnerie disposées en. plan incliné, où
se trouvent d'épaisses couvertures roulées ensemble, et où l'on
peut passer la nuit. Sous tout l'édifice se trouvent de belles
caves. L'Arche d'alliance fut déposée autrefois au-dessous de
l'endroit même où le foyer a été depuis construit. Sous la maison
se trouvent cinq rigoles, qui conduisent les immondices et les eaux
sur la pente de la montagne car la maison est située sur un point
élevé. J'ai vu précédemment Jésus y guérir et y enseigner : les
disciples aussi passaient souvent la nuit dans les salles latérales.
Dispositions
pour le repas pascal
Lorsque
les apôtres eurent parlé à Héli d'Hébron, celui-ci rentra dans
la maison par la cour: pour eux, ils tournèrent à droite et
descendirent au nord à travers Sion. Ils passèrent un pont et
gagnèrent, par un sentier couvert de broussailles, l'autre côté du
ravin qui est en avant du Temple et la rangée de maisons qui se
trouve au sud de cet édifice. Là était la maison du vieux Siméon,
mort dans le Temple après la présentation du Christ; et ses fils,
dont quelques-uns étaient secrètement disciples de Jésus, y
logeaient actuellement. Les apôtres parlèrent à l'un d'eux, qui
avait un emploi dans le Temple; c'était un homme grand et très
brun. Ils allèrent avec lui à l'est du Temple, à travers cette
partie d'Ophel par où Jésus était entré dans Jérusalem, le jour
des Rameaux, et gagnèrent le marché aux bestiaux, situé dans la
partie de la ville qui est au nord du Temple. Je vis dans la partie
méridionale de ce marché de petits enclos où de beaux agneaux
sautaient sur le gazon comme dans de petits jardins. C'étaient les
agneaux de la Pâque qu'on achetait là. Je vis le fils de Siméon
entrer dans l'un de ces enclos : les agneaux sautaient après lui et
le poussaient avec leurs têtes comme s'ils l'eussent connu. Il en
choisit quatre, qui furent portés au Cénacle. Je le vis dans
l’après-midi s'occuper, au Cénacle, de la préparation de
l’agneau pascal. Je vis Pierre et Jean aller encore dans différents
endroits de la ville et commander divers objets. Je les vis aussi
devant une porte, au nord de la montagne du Calvaire, dans une maison
où logeaient la plupart du temps les disciples de Jésus, et qui
appartenait à Séraphia (tel était le nom de celle qui fut appelée
depuis Véronique). Pierre et Jean envoyèrent de là quelques
disciples au Cénacle et les chargèrent de quelques commissions que
j'ai oubliées. Ils entrèrent aussi dans la maison de Séraphia, où
ils avaient plusieurs arrangements à prendre. Son mari, membre du
conseil, était la plupart du temps hors de chez lui pour ses
affaires, et même lorsqu'il était à la maison, elle le voyait peu.
C'était une femme à peu prés de l'âge de la sainte Vierge, et
depuis longtemps en relation avec la sainte Famille; car lorsque
Jésus enfant resta à Jérusalem après la fête, c'était par elle
qu'il était nourri. Les deux apôtres prirent là divers objets, qui
furent ensuite portés au Cénacle par des disciples, dans des
paniers couverts. C'est là aussi qu'on leur donna le calice dont le
Seigneur se servit pour l'institution de la sainte Eucharistie.
Du
calice de la Sainte Cène
Le
calice que les apôtres emportèrent de chez Véronique est un vase
merveilleux et mystérieux. Il était resté longtemps dans le
Temple, parmi d'autres objets précieux d'une haute antiquité dont
on avait oublié l'usage et l'origine. Quelque chose de semblable est
arrivé dans l'Eglise chrétienne, où bien des objets sacrés,
précieux par leur beauté; leur antiquité, sont tombes dans l'oubli
avec le temps. On avait souvent mis au rebut, vendu, ou fait remettre
à neuf de vieux vases et de vieux bijoux enfouis dans la poussière
du Temple. C'est ainsi que, par la permission de Dieu, ce saint vase,
qu'on n'avait jamais pu fondre à cause de sa matière inconnue,
avait été trouvé par les prêtres modernes dans le trésor du
Temple parmi d'autres objets hors d'usage, puis vendu à des amateurs
d'antiquité. Ce calice, acheté par Séraphia avec tout ce qui s'y
rattachait, avait déjà servi plusieurs fois à Jésus pour la
célébration des fêtes et à dater de ce jour, il devint la
propriété constante de la sainte communauté chrétienne. Ce vase
n'avait pas toujours été dans son état actuel: je ne me souviens
plus quand on avait mis ensemble les diverses pièces dont il se
composait maintenant, ni si c'était par l'ordre du Seigneur. Quoi
qu'il en soit, on y avait joint une collection portative d'objets
accessoires, qui devaient servir pour l’Institution de la sainte
Eucharistie. Le grand calice était posé sur un plateau dont on
pouvait tirer encore une sorte de tablette, et autour de lui étaient
six petits verres. Je ne me souviens plus si la tablette contenait
des choses saintes. Dans ce grand calice se trouvait un autre petit
vase ; au-dessus un petit plat, puis un couvercle bombé. Dans la
pied du calice était assujettie une cuillère qu'on en tirait
facilement. Tous ces vases étaient recouverts de beaux linges et
renfermés dans une enveloppe en cuir, si je ne me trompe : celle-ci
était surmontée d'un bouton. Le grand calice se compose de la coupe
et du pied qui doit avoir été ajouté plus tard, car ces deux
parties sont d'une matière différente. La coupe présente une masse
brunâtre et polie en forme de poire; elle est revêtue d'or, et il y
a deux petites anses par où on peut la prendre, car elle est assez
pesante. Le pied est d'or vierge artistement travaillé; il est orné
dans le bas d'un serpent et d'une petite grappe de raisin, et enrichi
de pierres précieuses. Le grand calice est resté dans l'église de
Jérusalem, auprès de saint Jacques le Mineur, et je le vois
maintenant encore conservé quelque part dans cette ville; il
reparaîtra au jour, comme il y est reparu cette lois. D'autres
églises se sont partagé les petites coupes qui l'entourent; l'une
d'elles est allée à Antioche, une autre à Éphèse: chacune des
sept églises a eu la sienne. Elles appartenaient aux patriarches qui
y buvaient un breuvage mystérieux, lorsqu'ils recevaient et
donnaient la bénédiction, ainsi que je l'ai vu plusieurs fois. Le
grand calice était déjà chez Abraham: Melchisédech l'apporta avec
lui du pays de Sémiramis dans la terre de Chanaan, lorsqu'il
commença quelques établissements au lieu où lut plus tard
Jérusalem ; il s'en servit lors du sacrifice où il offrit le pain
et le vin en présence d'Abraham, et il le laissa à ce patriarche.
Ce vase avait été aussi dans l'arche de Noé. “ Voici des hommes,
de beaux hommes qui viennent d'une superbe ville: elle est bâtie à
l'antique ; on y adore ce qu'on veut, on y adore même des poissons.
Le vieux Noé, avec un pieu sur l'épaule, se tient dans le côté de
l'arche ; le bois de construction est rangé tout autour de lui. Non,
ce ne sont pas des hommes: ce doit être quelque chose de plus
relevé, tant ils sont beaux et sereins; ils apportent à Noé le
calice qui, sans doute, a été égaré quelque part. Je ne sais pas
comment s'appelle cet endroit. Il y a dans le calice une espèce de
grain de blé, mais plus gros que les nôtres ; c'est comme une
graine de tournesol ; et il y a aussi une petite branche de vigne.
Ils parlent à Noé de sa grande célébrité; ils lui disent de
prendre ce calice avec lui, qu'il y a là quelque chose de
mystérieux. voyez, il met le grain de blé et la petite branche de
vigne dans une pomme jeune qu'il place dans la coupe. Il n'y a point
de couvercle au-dessus, car ce qu'il y a mis doit toujours croître
en dehors. Le calice est fait d'après un modèle qui, je crois, est
sorti de terre quelque part, d'une façon merveilleuse. Il y a là un
mystère, mais il est lait sur ce modèle. Ce calice est celui que
J'ai vu figurer dans la grande parabole l, à l'endroit où était le
buisson ardent. Le grain de froment s’est développé jusqu'à
l'époque de Jésus-Christ ”. La Sœur raconta tout ce qu’il
vient d'être dit du calice dans un état d'intuition tranquille et
voyant devant elle tout ce qu'elle décrivait. Souvent elle semblait
lutter contre ce qui se présentait à elle et poussait des
exclamations mouvantes. Pendant son récit relatif à Noé, elle
était tout absorbée dans sa vision. A la fin, elle poussa un cri
d’effroi, regarda autour d'elle et dit: " Ah ! j'ai peur
d'être obligée d'entrer dans l'arche ; je vois Noé, et je croyais
que les grandes eaux arrivaient ". Plus tard, étant tout à
fait revenue à son état naturel, elle dit: " Ceux qui ont
apporté le calice à Noé portaient de longs vêtements blancs et
ressemblaient aux trois hommes qui vinrent chez Abraham et lui
promirent que Sara enfanterait. Il m'a semblé qu'ils enlevaient de
la ville quelque chose de saint qui ne devait pas être détruit avec
elle et qu'ils le donnaient à Noé. La ville même périt dans le
déluge avec tout ce qu'elle contenait. Le calice fut à Babylone,
chez des descendants de Noé restés fidèles au vrai Dieu, ils
étaient tenus en esclavage par Sémiramis. Melchisédech les
conduisit dans la terre de Canaan. et emporta le calice. Je vis qu'il
avait une tente près de Babylone, et qu'avant de les emmener, il y
bénit le pain et le leur distribua, sans quoi ils n'auraient pas eu
force de le suivre. Ces gens avaient un nom comme Samanéens. Il se
servit d'eux et de quelques Chananéens habitant des cavernes,
lorsqu'il commença à bâtir sur les collines sauvages où fut
depuis Jérusalem ". Il fit des fondations profondes à la place
où furent ensuite le Cénacle et le Temple et aussi vers le
Calvaire. Il y planta le blé et la vigne. " Après le sacrifice
de Melchisédech, le Calice resta chez Abraham. Il alla aussi on
Egypte, et Moise en fut possesseur. Il était fait d'une matière
singulière, compacte, comme celle d'une cloche, et qui ne semblait
pas avoir été travaillée comme les métaux, mais être le produit
d'une sorte de végétation. J'ai vu à travers. Jésus seul savait
ce que c'était ".
Jésus
va à Jérusalem
Le
matin, pendant que les deux apôtres s'occupaient, à Jérusalem, des
préparatifs de la Pâque, Jésus, qui était resté à Béthanie,
fit des adieux touchants aux saintes femmes, à Lazare et à sa mère,
et leur donna encore quelques instructions. Je vis le Seigneur
s'entretenir seul avec sa mère ; il lui dit, entre autres choses,
qu'il avait envoyé Pierre, qui représentait la foi, et Jean, qui
représentait l’amour, pour préparer la Pâque à Jérusalem. Il
dit de Madeleine, dont la douleur la jetait dans une sorte
d'égarement, que son amour était grand, mais encore un peu selon la
chair, et qu'à cause de cela, la douleur la mettait hors
d'elle-même. Il parla aussi des projets du traître Judas, et la
sainte Vierge pria pour lui. Judas était encore allé de Béthanie à
Jérusalem, sous prétexte de faire des payements et divers
arrangements. Le matin, Jésus s'enquit de lui auprès des neuf
apôtres, quoiqu'il sût très bien ce qu'il faisait. Il courut toute
la journée chez des Pharisiens, et arrangea tout avec eux. On lui
fit même voir les soldats chargés de s'emparer du Sauveur. Il
calcula toutes ses allées et venues de manière à pouvoir expliquer
son absence. Il ne revint vers le Seigneur que peu de temps avant la
Cène. J'ai vu tous ses complots et toutes ses pensées. Lorsque
Jésus parla de lui à Marie, je vis beaucoup de choses touchant son
caractère. Il était actif et serviable, mais plein d'avarice,
d'ambition et d'envie, et il ne luttait pas contre ses passions. Il
avait fait de miracles et guéri des malades en l'absence de Jésus.
Lorsque le Seigneur annonça à la sainte Vierge ce qui allait
arriver, elle le pria, de la manière la plus touchante, de la
laisser mourir avec lui. Mais il lui recommanda d'être plus calme
dans sa douleur que les autres femmes; il lui dit aussi qu'il
ressusciterait, et lui indiqua le lieu où il lui apparaîtrait. Elle
ne pleura pas beaucoup, mais elle était profondément triste et
plongée dans un recueillement qui avait quelque chose d'effrayant.
Le Seigneur la remercia, comme un fils pieux, de tout l'amour qu'elle
lui avait porté, et la serra contre son cœur. Il lui dit aussi
qu'il ferait spirituellement la Cène avec elle, et lui désigna
l'heure où elle la recevrait. Il fit encore à tous de touchants
adieux et donna des enseignements sur plusieurs objets. Jésus et les
neuf apôtres allèrent, vers midi, de Béthanie à Jérusalem; ils
étaient suivis de sept disciples qui, à l'exception de Nathanael et
de Silas, étaient de Jérusalem et des environs. Parmi eux étaient
Jean Marc et le fils de la pauvre veuve qui le jeudi précédent,
avait offert son denier dans le Temple, pendant que Jésus y
enseignait. Jésus l'avait pris avec lui depuis peu de jours. Les
saintes femmes partirent plus tard. Jésus et sa suite erraient ça
et là autour du mont des Oliviers, dans la vallée de Josaphat et
jusqu'au Calvaire. Tout en marchant, il ne cessait de les instruire.
Il dit, entre autres choses, aux apôtres que jusqu'à présent il
leur avait donné son pain et son vin, mais qu’aujourd’hui il
voulait leur donner sa chair et son sang, qu'il leur laisserait tout
ce qu'il avait. En disant cela, le Seigneur avait une expression si
touchante que toute son âme semblait se répandre au dehors, et
qu'il paraissait languir d'amour dans l'attente du moment où il se
donnerait aux hommes. Ses disciples ne le comprirent pas: ils crurent
qu'il s'agissait de l'agneau pascal. On ne saurait exprimer tout ce
qu'il y avait d'amour et de résignation dans les derniers discours
qu'il tint à Béthanie et ici. Les saintes femmes se rendirent plus
tard dans la maison de Marie, mère de Marc. Les sept disciples qui
avaient suivi le Seigneur à Jérusalem ne firent point ce chemin
avec lui: ils portèrent au Cénacle les habits de cérémonie pour
la Pâque, les déposèrent et revinrent dans la maison de Marie,
mère de Marc. Lorsque Pierre et Jean vinrent de la maison de
Séraphia au Cénacle avec le calice, tous les habits de cérémonie
étaient déjà dans le vestibule, où ces disciples et quelques
autres les avaient apportés. Ils avaient aussi couvert de tentures
les murailles nues de la salle, dégage les ouvertures en haut, et
apprêté trois lampes suspendues. Pierre et Jean gagnèrent ensuite
la vallée de Josaphat, et appelèrent le Seigneur et les neuf
apôtres. Les disciples et les amis qui devaient faire aussi la Pâque
dans le Cénacle vinrent plus tard.
Dernière
Pâque
Jésus
et les siens mangèrent l'agneau pascal dans le Cénacle, divisés en
trois troupes de douze, dont chacun, était présidée par l'un
d'eux, faisant l'office de père de famille. Jésus prit son repas
avec les douze apôtres dans la salle du Cénacle. Nathanaël le prit
avec douze autres disciples dans l’une des salles latérales, douze
autres avaient à leur tête Eliacim, fils de Cléophas et de Marie
d’Héli, et frère de Marie de Cléophas: il avait été disciple
de Jean Baptiste. Trois agneaux furent immolés pour eux dans le
Temple avec les cérémonies habituelles. Mais il y avait un
quatrième agneau, qui fut immolé dans le Cénacle ; c'est celui-là
que Jésus manges avec les apôtres. Judas ignora cette circonstance,
parce qu'il était occupé de ses complots et n'était pas revenu
lors de l'immolation de l'agneau: il vint très peu d'instants avant
le repas. L’immolation de l'agneau destiné à Jésus et aux
apôtres fut singulièrement touchante : elle eut lieu dans le
vestibule du Cénacle avec le concours d'un fils de Siméon, qui
était Lévite. Les apôtres et les disciples étaient là, chantant
le ils. psaume. Jésus parla d'une nouvelle époque qui commençait;
il dit que le sacrifice de Moïse et la figure de l'agneau pascal
allaient trouver leur accomplissement: mais que, pour cette raison,
l’agneau devait être immolé comme il l’avait été autrefois en
Egypte, et qu'ils allaient sortir réellement de la maison de
servitude. Les vases et les instruments nécessaires furent apprêtés,
an amena un beau petit agneau, orné d'une couronne qui fut envoyée
à la sainte Vierge dans le lieu où elle se tenait avec les saintes
femmes. L’agneau était attaché le des contre une planche par le
milieu du corps, et il me rappela Jésus lié à la colonne et
flagellé. Le fils de Siméon tenait la tête de l'agneau : Jésus le
piqua au cou avec la pointe d’un couteau qu'il donna au fils de
Siméon pour achever l'agneau. Jésus paraissait éprouver de la
répugnance à le blesser ; il le fit rapidement, mais avec beaucoup
de gravité. Le sang fut recueilli dans un bassin et on apporta une
branche d’hysope, que Jésus trempa dans le sang. Ensuite il alla à
la porte de la salle, en peignit de sang les deux poteaux et la
serrure, et fixa au-dessus de la porte la branche teinte de sang. Il
lit ensuite une instruction, et dit, entre autres choses, que l'ange
exterminateur passerait outre, qu’ils devaient adorer en ce lieu
sans crainte et sans inquiétude lorsqu'il aurait été immolé, lui,
le véritable agneau pascal ; qu'un nouveau temps et un nouveau
sacrifice allaient commencer, qui dureraient jusqu'à la fin du
monde. Ils se rendirent ensuite au bout de la salle, près du foyer
où avait été autrefois l'arche d'alliance : il y avait déjà du
feu. Jésus versa le sang sur ce foyer. et le consacra comme autel.
Le reste du sang et la graisse furent jetés dans le feu sous
l’autel. Jésus, suivi de ses apôtres, fit ensuite le tour du
Cénacle en chantant des psaumes, et consacra en lui un nouveau
Temple. Toutes les portes étaient fermées pendant ce temps.
Cependant le fils de Siméon avait entièrement préparé l’agneau.
Il l'avait passé dans un pieu : les jambes de devant étaient sur un
morceau de bois placé en travers : celles de derrière étaient
étendues le long du pieu. Hélas ! il ressemblait a Jésus sur la
croix, et il fut mis dans le fourneau pour être rôti avec les trois
autres agneaux apportés du temple. Les agneaux de Pâque des Juifs
étaient tous immolés dans le vestibule du Temple, et cela en trois
endroits : pour les personnes de distinction, pour les petites gens
et pour les étrangers. L'agneau pascal de Jésus ne fut pas immole
dans le Temple : tout le reste fut rigoureusement conforme a la loi.
Jésus tint plus tard un discours à ce sujet, il dit que l'agneau
était simplement une figure, que lui-même devait être, le
lendemain, l'agneau pascal, et d'autres choses que j'ai oubliées.
Lorsque Jésus eut ainsi enseigné sur l'agneau pascal et sa
signification, le temps étant venu et Judas étant de retour, on
prépara les tables. Les convives mirent les habits de voyage qui se
trouvaient dans le vestibule, d'autres chaussures, une robe blanche
semblable à une chemise, et un manteau, court par devant et plus
long par derrière ; ils relevèrent leurs habits jusqu'à la
ceinture, et ils avaient aussi de larges manches retroussées. Chaque
troupe alla à la table qui lui était réservée : les deux troupes
de disciples dans les salles latérales, le Seigneur et les apôtres
dans la salle du Cénacle. Ils prirent des bâtons à la main. et ils
se rendirent deux par deux à la table, où ils se tinrent debout à
leurs places, appuyant les bâtons à leurs bras et les mains élevées
en l'air. Mais Jésus, qui se tenait au milieu de la table, avait
reçu du majordome deux petits bâtons un peu recourbés par en haut,
semblables à de courtes houlettes de berger. Il y avait à l'un des
côtés un appendice formant une fourche, comme une branche coupée.
Le Seigneur les mit dans sa ceinture de manière à ce qu'ils se
croisassent sur sa poitrine, et en priant il appuya ses bras étendus
en haut sur l'appendice fourchu. Dans cette attitude, ses mouvements
avaient quelque chose de singulièrement touchant : il semblait que
la croix dont il voulait bientôt prendre le poids sur ses épaules
dût auparavant leur servir d'appui. Ils chantèrent ainsi : "
Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël " ! ou " Loué
soit le Seigneur ", etc. Quand la prière fut finie, Jésus
donna un des bâtons à Pierre et l'autre à Jean. Ils les mirent de
côté ou les firent passer de main en main parmi les saints apôtres.
Je ils m'en souviens plus très exactement. La table était étroite
et assez haute pour dépasser d'un demi pied les genoux d'un homme
debout ; sa forme était celle d'un fer à cheval ; vis-à-vis de
Jésus, à l'intérieur du demi cercle, était une place libre pour
servir les mets. Autant que je puis m'en souvenir, à la droite de
Jésus étaient Jean, Jacques le Majeur et Jacques le Mineur ; au
bout de la table, à droite, Barthélémy ; puis, en revenant à
l'intérieur, Thomas et Judas Iscariote. A la gauche, Simon, et prés
de celui-ci, en revenant, Matthieu et Philippe. Au milieu de la table
était l'agneau pascal, dans un plat. Sa tête reposait sur les pieds
de devant, mis en croix ; les pieds de derrière étaient étendus,
le bord du plat était couvert d'ail. A côté se trouvait un plat
avec le rôti de Pâque, puis une assiette avec des légumes verts
serrés debout les uns contre les autres, et une seconds assiette, où
se trouvaient de petits faisceaux d'herbes amères, semblables à des
herbes aromatiques ; puis, encore devant Jésus, un plat avec
d'autres herbes d'un vert jaunâtre, et un autre avec une sauce ou
breuvage de couleur brune. Les convives avaient devant eux des pains
ronds en guise d'assiettes ; ils se servaient de couteaux d'ivoire.
Après la prière, le majordome plaça devant Jésus, sur le table,
le couteau pour découper l'agneau. Il mit une coupe de vin devant le
Seigneur, et remplit six coupes, dont chacune se trouvait entre les
deux apôtres. Jésus bénit le vin et le but ; les apôtres buvaient
deux dans la même coupe. Le Seigneur découpa l'agneau ; les apôtres
présentèrent tour à tour leurs gâteaux ronds et reçurent chacun
leur part. Ils la mangèrent très vite, en détachant la chair des
os au moyen de leurs couteaux d'ivoire ; les ossements furent ensuite
brûlés. Ils mangèrent très vite aussi de l’ail et des herbes
vertes qu'ils trempaient dans la sauce. Ils firent tout cela debout,
s'appuyant seulement un peu sur le dossier de leurs sièges. Jésus
rompit un des pains azymes et en recouvrit une partie : il distribua
le reste. Ils mangèrent ensuite aussi leurs gâteaux. On apporta
encore une coupe de vin mais Jésus n'en but point : Prenez ce vin,
dit-il, et partagez-le entre nous ; car je ne boirai plu, de vin
jusqu’à ce que vienne le royaume de Dieu. Lorsqu'us eurent bu, ils
chantèrent, puis Jésus pria ou enseigna, et on se lava encore les
mains. Alors ils se placèrent sur leurs sièges. Tout ce qui précède
s'était fait très vite, les convives restant debout. Seulement vers
la fin ils s'étaient un peu appuyés sur les sièges. Le Seigneur
découpa encore un agneau, qui fut porté au. : saintes femmes dans
l'un des bâtiments de la cour où elles prenaient leur repas. Les
apôtres mangèrent encore des légumes et de la laitue avec la
sauce. Jésus était extraordinairement recueilli et serein : je ne
l'avais jamais vu ainsi. Il dit aux apôtres d'oublier tout ce qu'ils
pouvaient avoir de soucis. La sainte Vierge aussi, à la table des
femmes, était pleine de sérénité. Lorsque les autres femmes
venaient à elle et la tiraient par son voile pour lui parler, elle
se retournait avec une simplicité qui me touchait profondément. Au
commencement, Jésus s'entretint très affectueusement avec ses
apôtres, puis il devint sérieux et mélancolique. “ Un de vous me
trahira. dit-il, un de vous dont la main est avec moi à cette table
”. Or, Jésus servait de la laitue, dont il n'y avait qu'un plat, à
ceux qui étaient de son côté, et il avait chargé Judas, qui était
à peu près en face de lui, de la distribuer de l'autre côté.
Lorsque Jésus parla d'un traître, ce qui effraya beaucoup les
apôtres, et dit : “ un homme dont la main est à la même table ou
au même plat que moi ”, cela signifiait : “ un des
douze qui mangent et qui boivent avec moi, un de ceux avec lesquels
je partage mon pain ”. Il ne désigna donc pas clairement Judas aux
autres, car mettre la main au même plat était une expression
indiquant les relations les plus amicales et les plus intimes. Il
voulait pourtant donner un avertissement à Judas, qui, en ce moment
même, mettait réellement la main dans le même plat que le Sauveur,
pour distribuer de la laitue. Jésus dit encore : “ Le Fis de
l'homme s’en va, comme il est écrit de lui ; mais malheur à
l'homme par qui le Fils de l'homme sera livré : il vaudrait mieux
pour lui n'être jamais né. ” Les apôtres étaient tout troublés
et lui demandaient tour à tour : “ Seigneur, est-ce moi ” ? car
tous savaient bien qu'ils ne comprenaient pas entièrement ses
paroles. Pierre se pencha vers Jean par derrière Jésus, et lui fit
signe de demander au Seigneur qui c'était ; car, ayant reçu souvent
des reproches de Jésus, il tremblait qu'il n'eût voulu le désigner.
Or, Jean était à la droits de Jésus et comme tous, s'appuyant sur
le bras gauche, mangeaient de la main droite, sa tête était prés
de la poitrine de Jésus. Il se pencha donc sur son sein et lui dit :
“ Seigneur, qui est-ce ? Alors il fut averti que Jean avait Judas
en vue. Je ne vis pas Jésus prononcer ces mots : “ Celui auquel je
donne le morceau de pain que j'ai trempé ” ; je ne sais pas s'il
le dit tout bas, mais Jean en eut connaissance lorsque Jésus trempa
le morceau de pain entouré de laitue, et le présenta
affectueusement à Judas, qui demanda aussi : “ Seigneur,
est-ce moi ” ? Jésus le regarda avec amour et lui fit une réponse
conçue en termes généraux. C'était, chez les Juifs, un signe
d'amitié et de confiance. Jésus le fit avec une affection cordiale,
pour avertir Judas sans le dénoncer aux autres. Mais celui-ci était
intérieurement plein de rage. Je vis, pendant tout le repas, une
petite figure hideuse assise à ses pieds, et qui montait quelquefois
jusqu'à son coeur. Je ne vis pas Jean redire à Pierre ce qu’on
avait appris de Jésus ; mais il le tranquillisa d'un regard.
Le
lavement des pieds
ils
se levèrent de table, et pendant qu'ils arrangeaient leurs
vêtements, comme us avaient coutume de le faire pour la prière
solennelle, le majordome entra avec deux serviteurs pour desservir,
enlever la table du milieu des sièges qui l'environnaient et la
mettre de côté. Quand cela fut fait, il reçut de Jésus l'ordre de
faire porter de l'eau dans le vestibule, et il sortit de la salle
avec les serviteurs. Alors Jésus, debout au milieu des apôtres,
leur parla quelque temps d'un ton solennel. Mais j'ai vu et entendu
tant de choses jusqu'à ce moment, qu'il ne m'est pas possible de
rapporter avec certitude le contenu de son discours ; je me souviens
qu'il parla de son royaume, de son retour vers son père, ajoutant
qu'auparavant il leur laisserait tout ce qu'il possédait, etc. Il
enseigna aussi sur la pénitence, l'examen et la confession des
fautes, le repentir et la justification. Je sentis que cette
instruction se rapportait au lavement des pieds, et je vis aussi que
tous reconnaissaient leurs péchés. s'en repentaient, à l'exception
de Judas. Ce discours fut long et solennel. Lorsqu'il fut terminé,
Jésus envoya Jean et Jacques le Mineur chercher l'eau préparée
dans le vestibule, et dit aux apôtres de ranger les sièges en demi
cercle. Il alla lui-même dans le vestibule, déposa son manteau, se
ceignit et mit un linge autour de son corps. Pendant ce temps, les
apôtres échangèrent quelques paroles, se demandant quel serait le
premier parmi eux ; car le Seigneur leur avait annoncé expressément
qu'il allait les quitter et que son royaume était proche, et
l'opinion se fortifiait de nouveau chez eux qu'il avait une
arrière-pensée secrète, et qu'il voulait parler d'un triomphe
terrestre qui éclaterait au dernier moment. Jésus étant dans le
vestibule, fit prendre à Jean un bassin et à Jacques une outre
pleine d'eau ; puis, le Seigneur ayant versé de l'eau de cette outre
dans le bassin, ordonna aux disciples de le suivre dans la salle où
le majordome avait placé un autre bassin vide plus grand que le
premier. Jésus, entrant d'une manière si humble, reprocha aux
apôtres, en peu de mots, la discussion qui s'était élevée entre
eux ; il leur dit, entre autres choses, qu'il était lui-même leur
serviteur et qu'ils devaient s'asseoir pour qu'il leur lavât les
pieds. Ils s’assirent donc dans le même ordre que celui où ils
étaient placés à la table, les sièges étant ranges en demi
cercle. Jésus allait de l'un à l'autre, et leur versait sur les
pieds, avec la main, de l'eau du bassin que tenait Jean ; il prenait
ensuite l'extrémité du linge qui le ceignait, et il les essuyait.
Jean vidait chaque fois l'eau dont on s'était servi dans le bassin
placé au milieu de la salle, et revenait près du Seigneur avec son
bassin. Alors Jésus faisait, de nouveau, couler l'eau de l'outre que
portait Jacques dans le bassin qui était sous les pieds des apôtres
et les essuyait encore. Le Seigneur qui s'était montré
singulièrement affectueux pendant tout le repas pascal s'acquitta
aussi de ces humbles fonctions avec l’amour le plus touchant. Il ne
fit pas cela comme une pure cérémonie, mais comme un acte par
lequel s'exprimait la charité la plus cordiale. Lorsqu'il vint à
Pierre, celui-ci voulut l'arrêter par humilité et lui dit : “
Quoi ! Seigneur, vous me laveriez les pieds ” ! Le Seigneur lui
répondit : “ Tu ne sais pas maintenant ce que je fais, mais tu le
sauras par la suite ”. Il me sembla qu'il lui disait en particulier
: “ Simon, tu as mérité d'apprendre de mon père qui je
suis, d'où je viens et où je vais ; tu l'as seul expressément
confessé : c'est pourquoi je bâtirai sur toi mon Eglise, et les
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle.. Ma force
doit rester prés de tes successeurs jusqu'à la fin du monde ”.
Jésus le montra aux autres apôtres, et leur dit que lorsqu'il n'y
serait plus, Pierre devait remplir sa place auprès d'eux. Pierre lui
dit : “ Vous ne me laverez jamais les pieds ”. Le Seigneur lui
répondit : “ Si je ne te lave pas, tu n'auras point de part
avec moi ”. Alors Pierre lui dit : “ Seigneur, lavez-moi non
seulement les pieds, mais encore les mains et la tête ”. Et Jésus
lui répondit : “ Celui qui a déjà été lavé n'a plus besoin
que de se laver les pieds : il est pur dans tout le reste. Pour vous
aussi vous êtes . purs ; mais non pas tous ”. Il désignait Judas
par ces paroles. Il avait parlé du lavement des pieds comme d'une
purification des fautes journalières, parce que les pieds, sans
cesse en contact avec la terre, s'y salissent incessamment si l'on
manque de vigilance. Ce lavement des pieds fut spirituel et comme une
espèce d'absolution. Pierre, dans son zèle, n'y vit qu'un
abaissement trop grand de son maître : il ne savait pas que Jésus,
pour le sauver, s'abaisserait le lendemain jusqu'à la mort
ignominieuse de la croix. Lorsque Jésus lava les pieds à Judas, ce
fut de la manière la plus touchante et la plus affectueuse : il
approcha son visage de ses pieds ; il lui dit tout bas qu'il devait
rentrer en lui-même, que depuis un an il était traître et
infidèle. Judas semblait ne vouloir pas s'en apercevoir, et
adressait la parole à Jean ; Pierre s'en irrita et lui dit : “
Judas, le Maître te parle ” ! Alors Judas dit à Jésus quelque
chose de vague, d’évasif, comme : “ Seigneur, à Dieu ne plaise
” ! Les autres n'avaient point remarqué que Jésus s'entretint
avec Judas, car il parlait assez bas pour n'être pas entendu d’eux
: d’ailleurs ils étaient occupés à remettre leurs chaussures.
Rien de toute la passion n'affligea aussi profondément le Sauveur
que la trahison de Judas. Jésus lava encore les pieds de Jean et de
Jacques. Jacques s'assit et Pierre tint l'outre : puis Jean s'assit
et Jacques tint le bassin. Il enseigna ensuite sur l'humilité : il
leur dit que celui qui servait les autres était le plus grand de
tous, et qu'ils devaient dorénavant se laver humblement les pieds
les uns aux autres ; il dit encore, touchant leur discussion sur la
prééminence, plusieurs choses qui se trouvent dans l’Evangile :
après quoi il remit ses habits. Les apôtres déployèrent leurs
vêtements qu'ils avaient relevés pour manger l'agneau pascal.
Institution
de la Sainte Eucharistie
Sur
l'ordre du Seigneur, le majordome avait de nouveau tressé la table,
qu'il avait quelque peu exhaussée ; il la couvrit d'un tapis sur
lequel il étendit une couverture rouge, et par-dessus celle-ci une
couverture blanche ouvrée à jour. Ayant ensuite replacé la table
au milieu de la salle, il mit dessous une urne pleine d'eau et une
autre pleine de vin. Pierre et Jean allèrent dans la partie de la
salle où se trouvait le foyer de l'agneau pascal pour y prendre le
calice qu'ils avaient apporté de chez Séraphia, et qui était dans
son enveloppe. Ils le portèrent entre eux deux comme s’ils eussent
porté un tabernacle, et le placèrent sur la table devant Jésus.
n’y avait là une assiette ovale avec trois pains azymes blancs et
minces, qui étaient rayés de lignes régulières ; il y avait trois
de ces lignes dans la largeur, et chaque pain était à peu près une
fois plus long que large. Ces pains, où Jésus avait déjà fait de
légères incisions pour les rompre plus facilement. turent placés
sous un linge auprès au demi pain déjà mis de côté par Jésus
lors du repas pascal : il y avait aussi un vase d'eau et de vin, et
trots boites, l'une d'huile épaisse, l'autre d'huile liquide, et la
troisième vide avec une cuiller à spatule. Dès les temps anciens,
on avait coutume de partager le pain et de boire au même calice à
la fin du repas c'était un signe de fraternité et d'amour usité
pour souhaiter la bienvenue et pour prendre congé ; je pense qu'il
doit y avoir quelque chose à ce sujet dans l'Ecriture sainte. Jésus,
aujourd'hui, éleva à la dignité du plus saint des sacrements cet
usage qui n'avait été jusqu'alors qu'un rite symbolique et
figuratif. Ceci fut un des griefs portés devant Caiphe par suite de
la trahison de Judas : Jésus fut accusé d'avoir ajouté aux
cérémonies de la Pâque quelque chose de nouveau : mais Nicodème
prouva par les Ecritures que c'était un ancien usage. Jésus était
placé entre Pierre et Jean : les portes étaient fermées, tout se
faisait avec mystère et solennité. Lorsque le calice fut tiré de
son enveloppe, Jésus pria et parla très solennellement. Je vis
Jésus leur expliquer la Cène et toute la cérémonie : cela me fit
l'effet d'un prêtre qui enseignerait aux autres à dire la sainte
Messe. Il retira du plateau sur lequel se trouvaient les vases une
tablette à coulisse, prit un linge blanc qui couvrait le calice et
l'étendit sur le plateau et la tablette. Je le vis ensuite ôter de
dessus le calice une plaque ronde qu'il plaça sur cette même
tablette. Puis il retira les pains azymes de dessous le linge qui les
couvrait, et les mit devant lui sur cette plaque ou patène. Ces
pains, qui avaient la forme d'un carré oblong, dépassaient des deux
cotés la patène, dont les bords cependant étaient visibles dans le
sens de la largeur Ensuite il rapprocha de lui le calice, en retira
un vase plus petit qui s'y trouvait, et plaça à droite et à gauche
les six petits verres dont il était entouré. Alors il bénit le
pain, et aussi les huiles, à ce que je crois : il éleva dans ses
deux mains la patène avec les pains azymes, leva les yeux, pria,
offrit, remit de nouveau la patène sur la table et la recouvrit. Il
prit ensuite le calice, y fit verser le vin par Pierre, et l'eau
qu'il bénit auparavant, par Jean, et y ajouta encore un peu d'eau
qu'il versa dans une petite cuiller : alors il bénit le calice,
l'éleva en pliant, en fit l'offrande et le replaça sur la table.
Jean et Pierre lui versèrent de l'eau sur les mains au-dessus de
l'assiette où les pains azymes avaient été placés précédemment
: il prit avec la cuiller, tirée du pied du calice, un peu de l'eau
qui avait été versée sur ses mains, et qu'il répandit sur les
leurs ; puis l'assiette passa autour de la table, et tous s'y
lavèrent les mains. Je ne me souviens pas si tel fut l'ordre exact
des cérémonies : ce que je sais, c'est que tout me rappela d'une
manière frappante le saint sacrifice de la Messe et me toucha
profondément. Cependant Jésus devenait de plus en plus affectueux ;
il leur dit qu'il allait leur donner tout ce qu'il avait,
c’est-à-dire lui-même : c'était comme s'il se fût répandu tout
entier dans l'amour. Je le vis devenir transparent ; il ressemblait à
une ombre lumineuse. se recueillant dans une ardente prière, il
rompit le pain en plusieurs morceaux, qu'il entassa sur la patène en
forme de pyramide ; puis, du bout des doigts, il prit un peu du
premier morceau, qu'il laissa tomber dans le calice. Au moment où il
faisait cela, il me sembla voir la sainte Vierge recevoir le
sacrement d'une manière spirituelle, quoiqu’elle ne fût point
présente là. Je ne sais comment cela se fit, mais je crus la voir
qui entrait sans toucher la terre, et venait en face du Seigneur
recevoir la sainte Eucharistie, puis je ne la vis plus, Jésus lui
avait dit le matin, à Béthanie, qu'il célébrerait la Pâque avec
elle d'une manière spirituelle, et il lui avait indiqué l’heure
où elle devait se mettre en prière pour la recevoir en esprit. Il
pria et enseigna encore : toutes ses paroles sortaient de sa bouche
comme du feu et de la lumière, et entraient dans les apôtres, à
l'exception de Judas. Il prit la patène avec les morceaux de pain
(je ne sais plus bien s'il l'avait placée sur le calice, et dit :
“Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui est donné pour vous ”.
En même temps, il étendit sa main droite comme pour bénir, et,
pendant qu'il faisait cela, une splendeur sortit de lui ; ses paroles
étaient lumineuses : le pain l'était aussi et se précipitait dans
la bouche des apôtres comme un corps brillant : c'était comme si
lui-même fût entré en eux. Je les vis tous pénétrés de lumière.
Judas seul était ténébreux. Il présenta d'abord le pain à
Pierre, puis à Jean: ensuite il fit signe à Judas de s'approcher ;
celui-ci fut le troisième auquel il présenta le sacrement, mais ce
fut comme si la parole du Sauveur se détournait de la bouche du
traître et revenait à lui. J'étais tellement troublée, que je ne
puis rendre les sentiments que j'éprouvais. Jésus lui dit : “
Fais vite ce que tu veux faire ”. Il donna ensuite le sacrement au
reste des apôtres, qui s'approchèrent deux à deux, tenant tour à
tour l'un devant l'autre, un petit voile empesé et brodé sur les
bords qui avait servi à recouvrir le calice. Jésus éleva le calice
par ses deux anses jusqu'à la hauteur de son visage, et prononça
les paroles de la consécration : pendant qu'il le faisait, il était
tout transfiguré et comme' transparent ; il semblait qu'il passât
tout entier dans ce qu'il allait leur donner. Il fit boire Pierre et
Jean dans le calice qu'il tenait à le main, et le remit sur la
table. Jean, à l'aide de la petite cuiller, versa le sang divin du
calice dans les petits vases, et Pierre les présenta aux apôtres,
qui burent deux dans la même coupe. Je crois, mais sans en être
bien sure, que Judas prit aussi sa part du calice, il ne revint pas à
sa place, mais sortit aussitôt du Cénacle les autres crurent, comme
Jésus lui avait fait un signe, qu'il l'avait charge de quelque
affaire. Il se retira sans prier et sans rendre grâces, et vous
pouvez voir par là combien l'on a tort de se retirer sans actions de
grâces après le pain quotidien et après le pain éternel. Pendant
tout le repas, j'avais vu prés de Judas une hideuse petite figure
rouge, qui avait un pied comme un os desséché, et qui quelquefois
montait jusqu’à son cœur ; lorsqu'il fut devant la porte, je vis
trois démons autour de lui : l'un entra dans sa bouche, l'autre le
poussait, le troisième courait devant lui. Il était nuit, et on
aurait cru qu'ils l'éclairaient ; pour lui, il courait comme un
insensé. Le Seigneur versa dans le petit vase dont J'ai déjà parlé
un reste du sang divin qui se trouvait au fond du calice. puis il
plaça ses doigts au-dessus du calice, et y fit verser encore de
l'eau et du vin par Pierre et Jean. Cela fait, il les fit boire
encore dans le calice, et le reste, versé dans les coupes, fut
distribué aux autres apôtres. Ensuite Jésus essuya le calice, y
mit le petit vase où était le reste du sang divin, plaça au-dessus
la patène avec les fragments du pain consacré, puis remit le
couvercle, enveloppa le calice et le replaça au milieu des six
petites coupes. Je vis, après la résurrection, les apôtres
communier avec le reste du saint Sacrement. Je ne me souviens pas
d'avoir vu que le Seigneur ait lui-même mangé et bu le pain et le
vin consacrés, à moins qu'il ne l'ait fait sans que je m'en sois
aperçue. En donnant l’Eucharistie, il se donna de telle sorte
qu'il m'apparut comme sorti de lui-même et répandu au dehors dans
une effusion d'amour miséricordieux. C'est quelque chose qui ne peut
s'exprimer. Je n'ai pas vu non plus que Melchisédech lorsqu'il
offrit le pain et le vin. y ait goûté lui-même. J'ai su pourquoi
les prêtres y participent, quoique Jésus ne l'ait point fait.
Pendant qu'elle parlait, elle regarda tout à coup autour d'elle
comme si elle écoutait. Elle reçut une explication dont elle ne put
communiquer que ceci : “ Si les anges l'avaient distribué,
ils n'y auraient point participé ; si les prêtres n'y participaient
pas, l'Eucharistie se serait perdue : c'est par là qu'elle se
conserve ”. Il y eut quelque chose de très régulier et de très
solennel dans les cérémonies dont Jésus accompagna l'institution
de la sainte Eucharistie, quoique ce fussent en même temps des
enseignements et des leçons. Aussi je vis les apôtres noter ensuite
certaines choses sur les petits rouleaux qu'ils portaient avec eux.
Tous ses mouvements à droite et à Fauche étaient solennels comme
toujours lorsqu'il priait. Tout montrait en germe le saint sacrifice
de la Messe. Pendant la cérémonie, je vis les apôtres, à diverses
reprises, s'incliner l'un devant l'autre, comme font nos prêtres.
Instructions
secrètes et conspirations
Jésus
fit encore une instruction secrète. Il leur dit comment ils devaient
conserver le saint Sacrement en mémoire de lui jusqu’à la fin du
monde ; il leur enseigna quelles étaient les formes essentielles
pour en faire usage et le communiquer, et de quelle manière ils
devaient, par degrés, enseigner et publier ce mystère, il leur
apprit quand ils devaient manger le reste des espèces consacrées,
quand ils devaient en donner à la sainte Vierge, et comment ils
devaient consacrer eux-mêmes lorsqu'il leur aurait envoyé le
Consolateur. Il leur parla ensuite du sacerdoce, de l'onction, de la
préparation du saint Chrême et des saintes huiles (1). Il y avait
là trois boites, dont deux contenaient un mélange d'huile et de
baume, et qu'on pouvait mettre l'une sur l’autre, il y avait aussi
du coton prés du calice. Il leur enseigna à ce sujet plusieurs
mystères, leur dit comment il fallait préparer le saint Chrême, à
quelles parties du corps il fallait l'appliquer, et dans quelles
occasions. Je me souviens, entre autres choses, qu'il mentionna un
cas où la sainte Eucharistie n'était plus applicable : peut-être
cela se rapportait-il à l’Extrême Onction ; mes souvenirs sur ce
point ne sont pas très clairs. Il parla de diverses onctions,
notamment de celle des rois, et dit que les rois, même injustes, qui
étaient sacrées, tiraient de là une force intérieure et
mystérieuse qui n'était pas donnée aux autres. Il mit de l’onguent
et de l'huile dans la boite vide, et en fit un mélange. Je ne sais
pas positivement si c'est dans ce moment, ou lors de la consécration
du pain, qu'il bénit l'huile. Je vis ensuite Jésus oindre Pierre et
Jean, sur les mains desquels il avait déjà, lors de l'institution
du saint Sacrement, versé l’eau qui avait coule sur les siennes,
et auxquels il avait donné à boire dans le calice. Puis, du milieu
de la table, s'avançant un peu sur le côté, il leur imposa les
mains, d'abord sur les épaules et ensuite sur la tête. Pour eux,
ils joignirent leurs mains et mirent leurs pouces en croix, ils se
courbèrent profondément devant lui, peut-être
s'agenouillèrent-ils. Il leur oignit le pouce et l'index de chaque
main, et leur fit une croix sur la tête avec le Chrême. Il dit
aussi que cela leur resterait jusqu'à la fin du monde. Jacques le
Mineur, André, Jacques le Majeur et Barthélémy reçurent aussi une
consécration. Je vis aussi qu'il mit en croix, sur la poitrine de
Pierre, une sorte d’étole qu'on portait autour du cou, tandis
qu'il la passa en sautoir aux autres, de l'épaule droite au côté
gauche. Je ne sais pas bien si ceci se fit lors de l'institution du
saint Sacrement ou seulement lors de l'onction. Je vis que Jésus
leur communiquait par cette onction quelque chose d’essentiel et de
surnaturel que je ne saurais exprimer. Il leur dit que, lorsqu’ils
auraient reçu le Saint Esprit, ils consacreraient le pain et le vin
et donneraient l'onction aux autres apôtres. Il me fut montré ici
qu'au jour de la Pentecôte, avant le grand baptême, Pierre et Jean
imposèrent les mains aux autres apôtres, et qu'ils les imposèrent
à plusieurs disciples huit jours plus tard. Jean, après la
résurrection, administra pour la première fois le saint Sacrement à
la sainte Vierge. Cette circonstance fut fêtée parmi les apôtres.
L'Eglise n'a plus cette fête ; mais je la vois célébrer dans
l'Eglise triomphante. Les premiers jours qui suivirent la Pentecôte,
je vis Pierre et Jean seuls consacrer la sainte Eucharistie ; plus
tard, d'autres consacrèrent aussi. Le Seigneur consacra encore du
feu dans un vase d'airain ; il resta toujours allumé par la suite,
même pendant de longues absences ; il lut conservé à côté de
l'endroit où était déposé le saint Sacrement, dans une partie de
l'ancien foyer pascal, et on l'y alla toujours prendre pour des
usages spirituels. Tout ce que Jésus fit lors de l'institution de la
sainte Eucharistie et de l'onction des apôtres se passa très
secrètement, et ne fut aussi enseigné qu'en secret. L'Eglise en a
conservé l'essentiel en le développant sous l'inspiration du Saint
Esprit pour l'accommoder à ses besoins. Les apôtres assistèrent le
Seigneur lors de la préparation et de la consécration du saint
Chrême, et lorsque Jésus les oignit et leur imposa les mains, cela
se fit d'une façon solennelle. Pierre et Jean furent-ils consacrés
tous deux comme évêques, ou seulement Pierre comme évêque et Jean
comme prêtre? Quelle fut l'élévation en dignité des quatre autres
? C'est ce que je ne saurais dire. La manière différente dont le
Seigneur plaça l'étole des apôtres semble se rapporter à des
degrés différents de consécration. Quand ces saintes cérémonies
turent terminées, le calice prés duquel se trouvait aussi le saint
Chrême fut recouvert et le saint Sacrement fut porta par Pierre et
Jean dans la derrière de la salle, qui était séparé du reste par
un rideau et qui fut désormais la sanctuaire. Le lieu où reposait
le saint Sacrement n'était pas tort élevé au-dessus du fourneau
pascal. Joseph d'Arimathie et Nicodème prisent soin du sanctuaire et
du Cénacle pendant l'absence des Apôtres. Jésus fit encore une
longue instruction et pria plusieurs fois. Souvent il semblait
converser avec son Père céleste : il était plein d'enthousiasme et
d'amour. Les apôtres aussi étaient remplis d'allégresse et de
zèle, et lui faisaient différentes questions auxquelles il
répondait. Tout cela doit être en grande partie dans l'Ecriture
sainte. Il dit à Pierre et à Jean qui étaient assis la plus près
de lui différentes choses qu’ils devaient communiquer plus tard,
comme complément d’enseignements antérieurs, aux autres apôtres,
et ceux-ci aux disciples et aux saintes femmes, selon la mesure de
leur maturité pour de semblables connaissances. Il eut un entretien
particulier avec Jean ; je me rappelle seulement qu'il lui dit que sa
vie serait plus longue que celle des autres. Il lui parla aussi de
sept Eglises, de couronnes, d'anges. et lui fit connaître plusieurs
figures d'un sens profond et mystérieux qui désignaient, à ce que
je crois, certaines époques. Les autres apôtres ressentirent, à
l'occasion de cette confidence particulière, un léger mouvement de
jalousie. Il parla aussi de celui qui le trahissait. “ Maintenant
il fait ceci ou cela ”, disait-il ; et je voyais, en effet, Judas
faire ce qu'il disait. Comme Pierre assurait avec beaucoup de chaleur
qu'il resterait toujours fidèlement auprès de lui, Jésus lui dit :
“ Simon, Simon, Satan vous a demandé pour vous cribler comme du
froment ; mais j'ai prié pour toi, afin que la foi ne défaille
point. ” Quand une fois tu seras converti, confirme tes frères.
“Comme il disait encore qu'ils ne pouvaient pas le suivre où il
allait, Pierre dit qu'il le suivrait jusqu'à la mort, et Jésus
répondit : “ En vérité, avant que le coq n'ait chanté
trois fois, tu me renieras trois fois ”. Comme il leur annonçait
les temps difficiles qui allaient venir, il leur dit : “ Quand je
vous ai envoyés, sans sac, sans bourse, sans souliers, avez-vous
manqué de quelque chose ” ? “ Non ”, répondirent-ils. “
Maintenant ”, reprit-il, “ que celui qui a un sac et une bourse
les prenne. Que celui qui n'a rien vende sa robe pour acheter une
épée, car on va voir l'accomplissement de cette prophétie : il a
été mis au rang des malfaiteurs. Tout ce qui a été écrit
de moi va s'accomplir ”. Les apôtres n'entendirent tout ceci que
d'une façon charnelle, et Pierre lui montra deux épées, elles
étaient courtes et larges comme des couperets. Jésus dit : “
C'est assez, sortons d'ici ”. Alors ils chantèrent le chant
d'actions de grâces, la table fut mise de côté, et ils allèrent
dans le vestibule. Là, Jésus rencontra sa mère Marie, fille de
Cléophas. et Madeleine, qui le supplièrent instamment de ne pas
aller sur le mont des Oliviers ; car le bruit s'était répandu qu'on
voulait s'emparer de lui. Mais Jésus les consola en peu de paroles
et passa rapidement : il pouvait être 9 heures. Ils redescendirent à
grands pas le chemin par où Pierre et Jean étaient venus au
Cénacle, et se dirigèrent vers le mont des Oliviers. J'ai toujours
vu ainsi la Pâque et l'institution de la sainte Eucharistie. Mais
mon émotion était autrefois si grande que mes perceptions ne
pouvaient être bien distinctes : maintenant je l'ai vue avec plus de
netteté. C'est une fatigue et une peine que rien ne peut rendre. On
aperçoit l'intérieur des coeurs, on voit l'amour sincère et
cordial du Sauveur, et l'on sait tout ce qui va arriver. Comment
serait-il possible alors d'observer exactement tout ce qui n'est
qu’extérieur : on est plein d'admiration, de reconnaissance et
d'amour : on ne peut comprendre l'aveuglement des hommes ; on pense
avec douleur à l'ingratitude du monde entier et à ses propres
péchés. Le repas pascal de Jésus se fit rapidement, et tout y fut
conforme aux prescriptions légales. Les Pharisiens y ajoutaient ça
et là quelques observances minutieuses.
Coup
d'oeil sur Melchisédech
Lorsque
Notre-Seigneur Jésus-Christ prit le calice lors de l'institution de
la sainte Eucharistie, j’eus uns autre vision qui se rapportait à
l'Ancien Testament. Je vis Abraham agenouille devant un autel ; dans
le lointain étaient des guerriers avec des bêtes de somme et des
chameaux : un homme majestueux s'avança prés d'Abraham et plaça
sur l'autel le même calice dont Jésus se servit plus tard. Je vis
que cet homme avait comme des ailes aux épaules ; il ne les avait
pas réellement ; mais c'était un signe pour m'indiquer qu'un ange
était devant mes yeux. C'est la première fois que j'ai vu des ailes
à un ange. Ce personnage était Melchisédech Derrière l'autel
d'Abraham, montaient trois nuages de fumée : celui du milieu
s'élevait assez haut ; les autres étaient plus bas. Je vis ensuite
deux rangs de figures se terminant à Jésus. David et Salomon s'y
trouvaient. (Etait-ce la suite des possesseurs du calice, des
sacrificateurs, ou des ancêtres de Jésus ? la Sœur a oublié de le
dire.) Je vis des noms au-dessus de Melchisédech, d'Abraham et de
quelques rois. Puis je revins à Jésus et au calice. Le 3 avril
1821, elle dit, étant en extase : “ Le sacrifice de Melchisédech
eut lieu dans la vallée de Josaphat, sur une hauteur. Je ne puis
maintenant retrouver l'endroit ”. Melchisédech avait déjà le
calice. Je vis qu'Abraham devait savoir d'avance qu'il viendrait
sacrifier ; car il avait élevé un bel autel, au-dessus duquel était
comme une tente de feuillage. Il y avait aussi une sorte de
tabernacle où Melchisédech plaça le calice. Les vases où l'on
buvait semblaient être de pierres précieuses. Il y avait un trou
sur l'autel, probablement pour le sacrifice. Abraham avait amené un
superbe troupeau. Lorsque ce patriarche avait reçu le mystère de la
promesse, il lui avait été révélé que le prêtre du Très-Haut
célébrerait devant lui le sacrifice qui devait être institué par
le Messie et durer éternellement. C'est pourquoi, lorsque
Melchisédech fit annoncer son arrivée par deux coureurs dont il se
servait souvent, Abraham l'attendit avec une crainte respectueuse, et
éleva l’autel et la tente de feuillage. Je vis qu'Abraham plaça
sur l'autel, comme il le faisait toujours en sacrifiant, quelques
ossements d'Adam ; Noé les avait gardés dans l'arche. L'un et
l'autre priaient Dieu d'accomplir la promesse qu'il avait faite à
ces os, et qui n'était autre que le Messie. Abraham désirait
vivement la bénédiction de Melchisédech. La plaine était couverte
d'hommes, de bêtes de somme et de bagages. Le roi de Sodome était
avec Abraham sous la tante. Melchisédech vint d'un lieu qui fut
depuis Jérusalem ; il y avait abattu une forêt et jeté les
fondements de quelques édifices ; un bâtiment semi-circulaire était
à moitié achevé et un palais était commencé. Il vint avec une
bête de somme grise, ce n'était pas un chameau, ce n'était pas non
plus notre âne ; cet animal avait le cou large et court. Il était
très léger à la course, il portait d'un côté un grand vaisseau
plein de vin et de l'autre une caisse où se trouvaient des pains
aplatis et différents vases. Les vases, en forme de petits tonneaux,
étaient transparents comme des pierres précieuses. Abraham vint à
la rencontre de Melchisédech. Je vis celui-ci entrer dans la tente
derrière l'autel, offrir le pain et le vin en les élevant dans ses
mains, les bénir et les distribuer : il y avait dans cette cérémonie
quelque chose de la sainte Messe. Abraham reçut un pain plus blanc
que les autres, et but du calice qui servit ensuite à la Cène de
Jésus, et qui n'avait pas encore de pied. Les plus distingués
d'entre les assistants distribuèrent ensuite au peuple qui les
entourait du vin et des morceaux de pain. Il n'y eut pas de
consécration : les anges ne peuvent pas consacrer. Mais les
oblations furent bénies, et je les vis reluire. Tous ceux qui en
mangèrent furent fortifiés et élevés vers Dieu, Abraham fut aussi
béni par Melchisédech : je vis que c'était une figure de
l'ordination des prêtres. Abraham avait déjà reçu la promesse que
le Messie sortirait de sa chair et de son sang. Il me fut enseigné.
plusieurs fois que Melchisédech lui avait lait connaître ces
paroles prophétiques sur le Messie et son sacrifice: “ Le
Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez-vous à ma droite jusqu'à ce
que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied. Le Seigneur
l'a juré et ne s'en repentira pas. Vous êtes prêtre dans
l'éternité selon l'ordre de Melchisédech. ” Je vis aussi que
David. Lorsqu'il écrivit ces paroles, eut une vision de la
bénédiction donnée par Melchisédech à Abraham. Abraham, ayant
reçu le pain et le vin, prophétisa et parla par avance de Moise,
des lévites, et de ce que le premier donna à ceux-ci en partage. Je
ne sais pas si Abraham offrit aussi lui-même ce sacrifice. Je le vis
ensuite donner la dîme de ses troupeaux et de ses trésors;
j'ignore ce que Melchisédech en fit ; je crois qu'il la distribua.
Melchisédech ne paraissait pas vieux; il était svelte, grand,
plein d'une douce majesté ; il avait un long vêtement, plus blanc
qu'aucun vêtement que j'aie jamais vu : le vêtement blanc d'Abraham
paraissait terne à côté. Lors du sacrifice. Il mit une ceinture où
étaient brodés quelques caractères, et une coiffure blanche
semblable à celle que portèrent plus tard les prêtres. Sa longue
chevelure était d'un blond clair et brillanta comme de la soie ; il
avait une barbe blanche, courte et pointue, son visage était
resplendissant. Tout le monde le traitait avec respect; sa présence
répandait partout la vénération et un calme majestueux. Il me fut
dit que c'était un ange sacerdotal et un messager de Dieu. Il était
envoyé pour établir diverses institutions religieuses. Il
conduisait les peuples, déplaçait les races, fondait les villes. Je
l'ai vu en divers lieux avant le temps d'Abraham. Ensuite je ne l'ai
plus revu.
