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devotions des mois
3 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

Icon, France, Vincent and boy

Quatrième jour

Humilité de Saint Vincent

 

C'est une vérité prononcée par la bouche du Fils de Dieu, que celui qui s'élève sera humilié et au contraire, que celui qui s'humilie sera exalté : cela s'est vérifié eu la personne de Vincent, lequel a été exalté par les grandes choses que Dieu a faites en lui et par lui d'autant qu'il s'est humilié ; et plus il s'est profondément abaissé, Dieu a pris plaisir de l'élever davantage, et de répandre plus abondamment ses bénédictions sur lui, et sur ses saintes entreprises.

Il est vrai que l'on peut dire de ce Saint homme après sa mort ce que plusieurs en ont dit durant sa vie, qu'il n'a jamais été bien connu au monde tel qu'il était en effet, quelque estime qu'on ait eue pour lui : car, bien qu'il ait toujours passé pour un homme fort humble, l'opinion commune toutefois n'a jamais regardé son humilité comme la disposition principale qui a attire sur lui toutes les grâces et les bénédictions dont il a été comblé et comme le fondement et la racine de toutes les grandes œuvres qu'il a faites. Ceux qui en ont jugé plus favorablement ont estimé que c'était son zèle qui le portait à les entreprendre, et que sa prudence les lui faisait conduire heureusement à chef ; mais quoique ces deux vertus fussent excellentes en lui, et qu'elles aient beaucoup contribué aux grands biens qu'il a opérés, il faut néanmoins avouer que c'est sa profonde humilité qui a attiré sur lui cette plénitude de lumières et de grâces, par la vertu desquelles tout a prospéré entre ses mains et sous sa conduite. Mais pour parler encore mieux, nous pouvons dire que son zèle le portait à s'humilier sans cesse ; il répétait continuellement en lui-même cette leçon d'humilité qu'il avait apprise de son divin Maître, disant en son cœur : « Je ne suis pas un homme, mais un pauvre ver de terre, qui rampe ne sachant où il va, mais qui cherche seulement à se cacher en vous, ô mon Dieu ! Qui êtes tout mon désir. Je suis un pauvre aveugle qui ne saurait avancer un pas dans le bien si vous ne me tendez la main de votre miséricorde pour me conduire ».

Il qualifiait sa Congrégation de petite, très petite et chétive Compagnie : il ne pouvait souffrir qu'on dit aucune chose à sa louange, disant qu'il ne demandait rien pour elle à Dieu, sinon qu'il eût pour agréable de lui donner la vertu d'humilité.

Son humilité était si sincère, qu'on la pouvait lire sur son front, sur ses yeux, et sur toute la posture de son corps, et reconnaître par son extérieur que ses humiliations et abaissements venaient du fond de son cœur, où cette vertu était si profondément gravée, qu'il croyait ne pas mériter l'usage d'aucune créature, non pas même de celles qui servent à conserver la vie, et encore moins des autres qui peuvent être utiles ou nécessaires pour avancer la gloire de Dieu.

C'était sa coutume en toutes rencontres, et devant toutes sortes de personnes, même de la plus haute qualité, et surtout quand on témoignait quelque estime de lui, et qu'on lui voulait rendre quelque honneur, de dire et publier qu'il n'était que le fils d'un pauvre paysan et qu'il avait gardé les troupeaux ; ce qu'il prenait aussi plaisir de déclarer aux pauvres, afin qu'ils le considérassent comme ayant été de leur condition ; sur ce sujet, il arriva un jour qu'un homme de village étant venu à Saint-Lazare demander Vincent et le portier lui ayant dit qu'il était empêché pour lors avec quelques Seigneurs, ce bon homme répliqua : « Ce n'est donc plus Monsieur Vincent, parce que lui-même m'a dit qu'il n'était que le fils d'un simple paysan comme moi ? » — Accompagnant un jour un ecclésiastique à la porte de Saint-Lazare, une pauvre femme se mit à crier, lui disant : « Monseigneur, donnez-moi l'aumône » ; à quoi Vincent lui répondit : « O ma pauvre femme, vous me connaissez bien mal, car je ne suis qu'un porcher et le fîls d'un pauvre villageois ». Une autre l'ayant encore rencontré à la porte comme il conduisait quelques personnes de condition et pour le convier de lui donner l'aumône plus volontiers, lui ayant dit qu'elle avait été servante de Mme sa Mère, il lui répondit aussitôt devant tous ceux qui étaient présents : « Ma bonne femme, vous me prenez pour un autre : ma mère n'a jamais eu de servante, ayant elle-même servi, et étant la femme et moi le fils d'un paysan ».

Ayant été une fois visité par son neveu, lequel était venu exprès pour cela de la ville de Dax à Paris, le portier du collège des Bons Enfants, où il demeurait pour lors, l'ayant averti que son neveu demandait à le voir, il ressentit le premier mouvement de quelque peine pour son arrivée, et dit qu'on le lui amenât à sa chambre ; néanmoins son humilité lui fit aussitôt changer de sentiment, et prendre la résolution d'aller lui-même le recevoir en bas : voici en quels termes Mr de Saint-Martin, chanoine de la ville de Dax, qui demeurait pour lors en ce collège, en rendit témoignage : « Je ne puis passer sous silence un acte de vertu de Mr Vincent, dont je suis témoin à l'occasion d'un de ses neveux. C'est qu'ayant donné charge à l'un des siens de l'aller prendre dans la rue où il était, habillé à la mode des paysans de ce pays, pour le mener à sa chambre, ce bon serviteur de Dieu eut un mouvement extraordinaire de se surmonter comme il le fit; car, descendant de sa chambre, il alla lui-même jusqu'à la rue, où, ayant trouvé son neveu, il l'embrassa, le baisa et le prit par la main, puis l'ayant conduit dans la cour, fit descendre tous les Messieurs de la Compagnie, auxquels il dit que c'était là le plus honnête homme de sa famille, et les lui fit saluer tous. Il lui fit faire la même civilité aux autres personnes de condition qui venaient le visiter ; et aux premiers exercices spirituels qu'il fit après, il s'accusa publiquement en pleine assemblée d'avoir eu quelque honte à l'arrivée de son neveu, et de l'avoir voulu faire monter secrètement à sa chambre, parce qu'il était paysan et mal habillé.

Mais non content de parler de la sorte il a toujours tâché par ses exemples d'insinuer cet esprit d'humilité dans sa Compagnie dès ses premiers commencements. Quand il pensait lui être arrivé quelque chose qui ne fut pas tout-à-fait de bon exemple aux siens, il ne manquait pas à chaque fois de s'en humilier et de leur en demander pardon ; ce qu'il faisait même pour les choses secrètes, comme pour les mouvements d'impatience qui n'avaient point paru au-dehors, pour quelques paroles moins douces dites à quelque particulier, et pour les moindres manquements faits par inadvertance ».

 

Fleurs Spirituelles

 

« Une personne humble, quoiqu'elle soit humiliée, s'humilie encore davantage, lorsqu'elle est couverte de mépris ; se réjouit de ce qu'on la méprise, lorsqu'elle est employée à des offices bas et abjects ; reconnaît qu'elle est encore plus honorée qu'elle le mérite, et s'en acquitte avec plaisir ; elle n'abhorre et ne fuit que les charges distinguées et les honneurs ». (Sainte Jeanne-Françoise de Chantal).

« On fait une chose beaucoup plus utile pour sa perfection chaque fois qu'on ne s'excuse pas lorsqu'on est repris, que si l'on entendait avec des dispositions saintes dix sermons. Une marque qu'on n'ambitionne pas l'estime des créatures, c'est quand on agit ainsi ; en s'accoutumant à ne pas se justifier dans de telles circonstances, on parvient à entendre parler de soi, comme si c'était une personne étrangère ». (Sainte Thérèse d'Avila).

 

Pratique : Ne dites rien aujourd'hui qui puisse tourner à votre avantage, et ne laissez passer aucune occasion de vous humilier. Priez pour les religieuses qui craignent les humiliations.

 

Téléchargez cette méditation (pdf) en cliquant ici

 

Icon, USA, WA, Federal Way

 

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30 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

ND des Coeurs

Trente-et-unième jour

Notre Dame des Cœurs


Pour terminer cette revue incomplète et rapide des noms sous lesquels la sainte Vierge est honorée chez nous, étudions un vocable inventé, je crois, par le Père Montfort, grand missionnaire et non moins grand serviteur de Marie : Notre-Dame des Coeurs.

Au mois de juin 1710, le Bienheureux donnait les exercices d’une mission à Saint Donatien, alors paroisse rurale et séparée du faubourg Saint Clément par une vaste lande. La population accueillit l’homme de Dieu avec faveur, et ses prédications eurent un plein succès. Son zèle lui fit pourtant, là comme ailleurs, courir quelques dangers. Il apprend, un dimanche, que des jeunes gens, attablés dans un de ces cabarets qui pullulent aux abords des grandes villes, y causent du scandale. Le saint homme n’hésite pas ; seul, car nul n’accepte de l’accompagner, il se rend en ce mauvais lieu. La salle est remplie et l’on devine les scènes qui s’y déroulent, au soir d’une journée passée tout entière en débauches : les uns hurlent, de leurs voix avinées, des refrains obscènes ; d’autres se livrent, au son d’instruments criards, à des danses effrénées ; d’autres, enfin, se querellant, vomissent à pleine bouche les injures et les blasphèmes. Montfort s’agenouille au milieu de la salle et récite un Ave Maria ; puis, se relevant, il brise les instruments de musique et renverse les tables des buveurs. Ce fut, tout d'abord, de la stupeur chez ceux-ci ; ce fut bientôt de la colère : dix épées sortirent du fourreau. Le Bienheureux se dresse, calme et intrépide, devant ces furieux, son chapelet dans une main, dans l’autre un crucifix. Les malheureux ne purent supporter la flamme de son regard ; ils s’enfuirent, laissant le prêtre seul avec l’aubergiste auquel il s’efforça de faire comprendre l’indignité de sa conduite.

Inutile d’ajouter que, avec un tel apôtre, la mission fut admirablement fructueuse. La procession de clôture fut magnifique. Montfort avait fait exécuter par les dames de la paroisse quatorze grands étendards en satin, destinés a être portés en tête d’autant de groupes distincts de fidèles, qu’il appelait ses escadrons. Le cortège se déroula splendide, dans la campagne, et quand la foule se fut assemblée autour du trône champêtre sur lequel avait été placé le très saint Sacrement, le prédicateur parla de manière à tirer les larmes de tous les yeux.

Comment oublier de pareilles scènes et les enseignements donnés par un tel apôtre ! Celui-ci, d’ailleurs, laissait deux monuments chargés de perpétuer le souvenir de son œuvre. Le premier était un calvaire qui, plusieurs fois renouvelé, se dresse encore, au chevet de la basilique actuelle, dans le cimetière paroissial ; le second était une chapelle de la sainte Vierge. À deux pas du calvaire qu’on érigeait, dans l'enceinte du même cimetière, existait une vieille et pauvre chapelle ; un évêque de Nantes, du VIe siècle, Epiphane (569-515), l'avait bâtie, au retour d'un voyage en Palestine, y avait déposé des reliques de saint Etienne et la lui avait dédiée. Il y était venu plus tard dormir son dernier sommeil, et nous avons vu naguère un débris de son tombeau récemment découvert. Le petit sanctuaire avait traversé les siècles et les révolutions sans grands dommages, et, malgré quelques injures du temps et quelques remaniements, on pouvait le dire intact. Toutefois, il n‘avait plus guère que les apparences d’une chapelle. Dubuisson-Aubenay écrivait, en 1637 : « C’est sans contre-dit la plus ancienne muraille d’église qui soit à Nantes debout, voire l’une des plus anciennes qui soient en France. Elle est comme abandonnée et relante ». Cinquante ans plus tard, l’archidiacre Binet constatait qu’elle n’était pas en meilleur état : les murs étaient toujours solides et la charpente bonne ; on y voyait encore un autel surmonté d’une « image en bosse d’un sainct Estienne passable » ; mais il n’y avait plus aucune trace de lambris ni de carrelage, et l’archidiacre n’hésitait point à qualifier d’ordures » les débris de toute sorte qu’on y avait accumulés.

Le missionnaire, dont le cœur avait bondi plus d’une fois devant le délabrement et la malpropreté d’un grand nombre d’églises de campagne, et qui pressait les populations de rendre la maison de Dieu digne du Maître qui l’habite, dut être péniblement impressionné en voyant le triste abandon d’un sanctuaire si respectable : et peut-être commenta-t-il au peuple, en les lui faisant chanter, les vers qu’il avait composés à Cambon, l’année précédente :

« L’église est dans l’oubli, l’autel est dépouillé,

Le pavé tout brisé, le toit sans couverture,

Les murs tout écroulés et tout couverts d'ordure ».


Heureusement ici les murs et le toit étaient en assez bon état et il fut facile de rendre la chapelle décente. Mais puisqu'elle était depuis longtemps abandonnée et le culte de saint Etienne mis en oubli, pourquoi ne la consacrerait-on pas à Marie ? Il en fut ainsi décidé. Quant au choix du vocable, Montfort n‘hésita point. Déjà, quelques années plus tôt (1704), au cours d’une mission qu’il prêchait au faubourg de Montbernage, à Poitiers, il avait transformé une grange en chapelle et l’avait dédiée à Marie, Reine des Coeurs. Les habitants du faubourg étaient pauvres, et le missionnaire fournit lui-même la statue que l’on y vénère toujours ; il y ajouta un cœur couronné d’épines, comme gage de sa consécration personnelle à la reine des Coeurs. Notre Bienheureux avait toujours le même amour pour la sainte Vierge : ce titre qui exprimait si bien la nature de la dévotion qu'il prêchait et sur laquelle il devait écrire un sublime traité, il le donna à la chapelle de Saint Donatien.

Les dames généreuses, qui s'étaient chargées des quatorze étendards dont nous avons parlé, aidèrent sans doute le missionnaire a meubler le nouveau sanctuaire de Marie, et il est a croire qu‘elles placèrent une statue de la Reine des Coeurs à côté de la vieille « image » de saint Etienne. L’une d’elles, la plus riche et probablement la plus généreuse, devait connaître Montfort, et c'est peut-être à son appel qu’il était venu évangéliser cette paroisse. Elle appartenait en effet a une famille de Pontchâteau, et elle avait pu voir, de son manoir familial, les merveilles que le saint homme accomplissait dans la lande de la Madeleine. J’ai nommé Madame de la Tullaye, née Rogier de Crévy. L’antique chapelle avait alors un clocher ; mais il était muet : Montfort voulut lui donner une voix. N’était-ce pas nécessaire ? Il avait établi, dans son oratoire de Montbernage, la pratique du chapelet en commun ; nous avons vu précédemment qu‘il avait l‘ait de même a Saint Similien. Ce n’est pas trop préjuger de son zèle que de croire à l’établissement de cet usage dans le sanctuaire qui nous occupe. Or, comment appeler les fidèles à la prière, sinon par le son de la cloche ? Montfort en demanda une et l'obtint. La bénédiction solennelle en fut faite au cours de la mission, et le Bienheureux en fut le parrain avec Madame de la Tullaye. Le procès-verbal en fut soigneusement dressé, puis signé du parrain et de la marraine, ainsi que de deux prêtres employés sans doute aux exercices, P. Gelineau et P. Tripon. Il est conservé aux archives municipales de Nantes et c‘est, je crois, l'unique preuve qui nous reste dela dédicace de la chapelle Saint Etienne à Notre Dame des Coeurs. Qu’on nous permette, pour ce motif, de le rapporter en entier : « Le 21e jour de juin 1710, on a fait dans la chapelle de Notre Dame des Coeurs, alias de Saint Etienne, dans le cymytière de cette paroisse, la cérémonie de la bénédiction d’une cloche pour servir à la ditte chapelle. Le nom luy a été imposé d’Anne-Marie, par M. Louis de Montfort, prêtre et missionnaire, et par Madame Anne Bogier de Crévy, épouse de Messire François-Salomon de la Tullaye, cons.er du Roy et son procureur général a la C. des C. de B ».

La chapelle de Saint-Donatien fut moins heureuse que celle de Montbernage ; elle perdit à la Révolution sa cloche et sa madone. Le souvenir même du culte qu'on y avait rendu à Notre-Dame des Coeurs s’éteignit. Toutefois la chapelle ne périt point. L'église paroissiale avait été vendue et démolie, et lorsque les prétres revinrent d’exil, le modeste sanctuaire bâti par l'évêque Epiphane treize siècles auparavant restait seul debout. Il abrita les fidèles et servit d'église paroissiale pendant quatre ans, jusqu’au 28 mars 1806. C'est-là, entre ces vieilles murailles, que les deux anciens vicaires, revenus d‘Espagne, reprirent l'exercice de leur ministère ; c’est là que l’un d’eux, M. Jambu, fut installé à la place de son ancien recteur, noyé dans les flots de la Loire ; c’est là qu’un jour ce vénérable pasteur, suppliant ses ouailles d’oublier les injures reçues et les persécutions subies, tira des larmes de tous les yeux.

De tels souvenirs auraient dû rendre la petite chapelle plus chère encore au peuple. Hélas ! dès l'ouverture de la nouvelle église, elle retomba dans l’oubli; elle perdit jusqu’à son nom. Bientôt elle ne fut pour le peuple que la chapelle de Saint Agapit, d’un saint très vénéré dans la paroisse, et dont la statue, après la destruction de sa chapelle, fut placée dans celle de Saint Etienne.

Notre pauvre vieux sanctuaire resta longtemps sans gloire ; et l'on put craindre un instant que l’édifice, élevé par l’évêque Epiphane, allait à jamais disparaître. Un ami de nos antiquités chrétiennes, dévoué surtout à ce qui intéresse le culte des Enfants Nantais et l‘histoire de leur paroisse, le sauva de la ruine. Il fit mieux. Il entreprit de le restaurer. Pour commencer, il y a rétabli la dévotion à Marie Reine des Coeurs.

Par ses soins, un peintre de talent dessina un tableau qui résume l'histoire que nous avons racontée. On y voit, sur un trône et la couronne au front, la Vierge-Mère ; sur ses genoux est son divin Enfant, tenant en main un sceptre et un globe ; le Bienheureux Montfort, agenouillé devant elle, lui présente des deux mains un cœur enflammé ; enfin deux anges, planant au-dessus du groupe, portent des banderoles où on lit ces mots : « Marie Reine des Coeurs – A Jésus par Marie ». Le tableau fut placé dans la chapelle, du côté de l’Evangile et, en 1901, un jour de fête de catéchisme, le culte de Notre Dame des Coeurs fut solennellement rétabli. Déjà des cantiques en son honneur ont été composés ; des Sœurs de la Sagesse, accompagnées des jeunes filles qu’elles élèvent, y sont venues chercher en quelque sorte les traces de leur Père ; plusieurs personnes pieuses ont suivi le. même chemin. Mais ce sont les enfants du catéchisme de première communion qui se montrent les plus empressés à honorer Notre Dame des Cœurs.

Le restaurateur de ce culte savait que le Père Montfort, durant l’année qu'il passa dans la Communauté de Saint-Clément à Nantes, s'était consacré presque exclusivement à l’instruction religieuse des enfants, dans diverses paroisses de la campagne. Est-il croyable, pensa-t-il, que ce saint homme ait oublié la paroisse rurale la plus voisine de sa demeure ? N’est-il pas à croire du moins que, dans ses pèlerinages a la tombe de nos martyrs, il aimait à s‘entretenir avec les petits enfants qu’il trouvait sur sa route et qu’il leur communiquait quelque chose de son amour pour Jésus et pour Marie ? D’ailleurs les cœurs d’enfants, les plus sincères et les plus purs, plaisent par dessus tous les autres au Coeur de Marie. Voilà pourquoi la dévotion à la Reine des Coeurs est pratiquée surtout aujourd’hui par les enfants du catéchisme de Saint-Donatien. À chaque réunion, ils invoquent la Vierge sous ce nom si doux ; souvent ils chantent ses cantiques ; et quand sonnent les heures, ils interrompent la leçon pour redire, sur l’air d'avant-quart de l’horloge, qui sert ainsi d’accompagnement a leur chant, ces paroles empruntées en partie au Bienheureux Montfort : « Tout pour Jésus, tout par Marie: Roi des élus, à vous ma vie ! »

 

C’est le Père Montfort qui nous a fait connaître et honorer Marie, reine des cœurs ; c'est à lui que nous devons demander le sens de cette gracieuse dévotion.

Dans l’Ecriture et dans le langage de l’Eglise, le mot cœur offre plusieurs sens. Il désigne d’abord l’organe de chair qui fait en nous circuler le sang ; mais il est également employé pour signifier tout l’intérieur de l’homme, l’ensemble de ses pensées, de ses désirs, de ses volontés. C’est tout cet ensemble qui constitue le domaine de, la Reine des Cœurs. Écoutez Montfort : « Marie est la Reine du ciel et de la terre par grâce, comme Jésus en est le Roi par nature et par conquête : or connue le royaume de Jésus-Christ consiste principalement dans le cœur et l’intérieur de l’homme, selon cette parole : Le royaume de Dieu est au dedans de vous, de même le royaume de la très sainte Vierge est principalement dans l’intérieur de l’homme, c’est-à-dire, dans son âme, et c’est principalement dans les âmes qu’elle est plus glorifiée avec son Fils que dans toutes les créatures visibles, et nous pouvons l’appeler avec les saints Reine des Cœurs ».

Mais s‘il est dans l’ordre que Marie règne sur tout notre intérieur, règle toutes nos facultés, soit maîtresse de toutes nos volontés, c'est afin de les consacrer à son Fils. Telle est en effet la raison d’être de cette dévotion : soumettre à Marie notre âme et toutes ses facultés, afin que Marie les soumette à Jésus. C'est la ce. que notre Bienheureux appelait le » saint Esclavage », ou la parfaite consécration à Jésus par Marie ; et voici comment il l’expose lui-même : « Cette dévotion consiste donc à se donner tout entier a la très sainte Vierge, pour être tout entier à Jésus—Christ par elle. Il faut lui donner : 1°notre corps avec tous ses sens et ses membres ; 2° notre âme avec toutes ses puissances ; 3° nos biens extérieurs qu’on appelle de fortune, présents et à venir ; 4° nos biens intérieurs et spirituels, qui sont nos mérites, nos vertus et nos bonnes œuvres, passées, présentes et futures ».

Le titre de Reine des Coeurs dit encore davantage ; il signifie que cet esclavage, que nous professons envers la sainte Vierge, doit être surtout un esclavage d'amour. Il y a en effet des esclaves de contrainte et des esclaves d’amour : ce dernier titre convient seul à ceux qui se consacrent à la Reine des Cœurs. « Si la sainte Vierge est la reine et souveraine du ciel et de la terre, n'a-t-elle pas autant de sujets et d’esclaves qu'il y a de créatures ? Mais n’est-il pas raisonnable que, parmi tant d’esclaves de contrainte, il y en ait d‘amour qui, de plein gré, choisissent, en qualité d‘esclaves, Marie pour leur Souveraine ? »

Tel est le sens de notre dévotion, exposé par le Bienheureux lui-même ; et c’est pour cela que la confrérie du saint Esclavage, récemment érigée, l’a été sous le titre de Marie, Reine des Cœurs. Profitons des leçons de notre grand apôtre, soyons comme lui les esclaves très humbles et très dévoués de la Mère de Dieu, répétons souvent les paroles enflammées d‘un de ses plus beaux cantiques :


J‘aime ardemment Marie,
Après Dieu, mon Sauveur,
Je donnerais ma vie
Pour lui gagner un cœur.

Ô ma bonne Maîtresse,
Si l‘on vous connaissait,
Chacun ferait la presse
À qui vous servirait.

ND de Nantes

 Fin du Mois de Marie des Madones Nantaises

 

Téléchargez l'intégralité du Mois de Marie des Madones Nantaises (pdf) en cliquant ici

 

Prochain mois de dévotion : Le Mois de Sainte Claire, rendez-vous le 30 juin

 

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29 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne21

Trentième jour

Notre Dame de la Délivrance


Parmi les vocables sous lesquels Marie est honorée chez nous, il en est un que la plupart ignorent, et qui mérite d’être signalé : Notre Dame de la Délivrance.

Nos pères avaient placé son image a l'entrée des ponts, tout près de la forteresse de Pirmil. Ils voulaient, dit-on, remercier la sainte Vierge de la protection qu‘elle avait exercée sur la cité menacée par les protestants ; mais c‘était certainement aussi pour obtenir qu’elle les délivrât à l’avenir des attaques de l‘ennemi.

Les débris pittoresques du vieux château ont été renversés, il y a longtemps déjà (1839) ; la madone a disparu comme eux. Cependant le petit peuple est resté fidèle au culte qu‘il avait voué a Notre Dame de la Délivrance, et il est encore un coin de notre ville où se perpétue cette dévotion.

Toutefois ne cherchez pas dans nos riches basiliques : il n’y en a pas de trace ; n’explorez pas davantage nos larges rues et nos places modernes : ce n’est pas là que se manifeste la piété populaire, elle y serait mal à l’aise. Allez dans un de nos plus vieux quartiers, dans la rue des Carmes, autrefois si fréquentée parles dévots serviteurs de Notre Dame, presque en face de cette antique maison à l’enseigne du « Vieux Nantes », dont la façade de bois et d’ardoise surplombe la chaussée, réjouissant notre regard déshabitué de ces formes vénérables et nous reportant cinq siècles en arrière. Arrêtez-vous au numéro 15, et suivez une allée longue, étroite, à l'odeur de moisi. Au fond est une cour entourée de bâtiments : c’est là. À droite, sur la façade d’une maison plus basse que les autres et relativement récente, dans une sorte de fenêtre aveugle que surmonte un fronton, à été encastré un plein relief qui attire tout de suite les yeux par ses couleurs voyantes. C’est un arc en accolade, rappelant quelque peu le triforium de la Cathédrale, mais d'un travail incomparablement moins fin ; au centre, posée sur un socle, est une Vierge-Mère, portant sur son bras droit le divin Enfant et, de la main gauche, lui présentant le sein. A la hauteur des épaules de la madone sont suspendus deux anges ; et, dominant le tout, on voit un Père Eternel coiffé de la tiare. Au-dessus de l’arc se lit l’inscription : « Notre Dame de Délivrance » ; au-dessous est un support abrité pour recevoir les cierges ainsi qu’un tronc pour recueillir les offrandes. Le bas relief à été repeint tout récemment avec des couleurs diverses où dominent le blanc et le bleu, dans ce ton cru qui tire l'oeil et qu’affectionne le menu peuple. La Vierge a les traits gros et assez vulgaires ; elle paraît antique et peut-être est-elle antérieure aux décors qui l’entourent. D’où vient-elle ? Ornait-elle déjà la façade d’une maison plus ancienne situé= au même lieu ? Est-ce un débris du couvent des Carmes qui était proche ? Provient-elle, comme quelques-uns l'ont pensé, de la démolition de la porte de Sauvetour ? Le peuple l’ignore et, sans s’en inquiéter, continue de vénérer sa chère madone. On l’invoque surtout pour les femmes enceintes, et l’on y fait brûler des cierges pour obtenir leur heureuse délivrance.

On trouve une autre madone, honorée sous ce même vocable, à l’extrémité du diocèse de Nantes, dans la paroisse récente de Trescallan. Près des limites de Piriac, à deux pas du manoir de Lauvergnac et non loin de la mer, est le pauvre hameau de Brenda. Il ne se compose actuellement que de trois ou quatre masures, mais il eut jadis plus d’importance: les gens du pays sont unanimes à déclarer qu’il a connu des jours de prospérité, presque des jours de gloire. Ce n’est pas un récit purement légendaire ; les Celtes en effet y ont laissé un tumulus et les Romains des ruines. Les paysans racontent volontiers qu’il exista naguère un premier Brandu sur le rivage même, entre Belmont et Lérat, et qu’il fut détruit à une époque très reculée par les envahissements de la mer. Ils ajoutent qu’aux grandes marées, quand le reflux laisse un large espace à découvert, on aperçoit encore sur les roches de Belmont des blocs énormes, certainement taillés de main d’homme. Le propriétaire d‘un champ voisin, en cultivant sa terre, y a constaté l’existence de trois couches bien distinctes, le sable d’abord, puis des débris de constructions, et au-dessous le sol arable. Quels bâtiments s'élevèrent la jadis ? Y eut-il un petit port dans le genre de celui de Lérat, ou même plus important ? Les Romains y avaient-ils établi un entrepôt de marchandises ? Les mines d’étain qu’ils exploitèrent dans le voisinage y avaient-elle attiré de nombreux commerçants ? Les ruines n‘ont pas dit leur secret, et il est a croire que l’océan, qui les recouvre en partie, ne le livrera jamais.

Un second Brandu fut construit, après la catastrophe, à quelque distance du premier. Il existe encore, mais bien déchu. On y compta jusqu’à douze fours, marque évidente d’une agglomération assez considérable. Nous avons dit ce qu’il est aujourd’hui.

En des temps lointains, qu’il est impossible de préciser, même approximativement, les habitants de Brandu, très éloignés de Guérande, leur centre paroissial, avaient élevé une chapelle dédiée à la sainte Vierge, et choisi la Visitation pour fête patronale. On en ignore l’origine, mais on sait qu’elle était en grande vénération. Les marins du pays la visitaient régulièrement au départ et à l’arrivée. En mer, quand grondait la tempête, ils invoquaient leur puissante patronne et lui faisaient des vœux. Pas un navire ne passait en vue de la chapelle, que les matelots ne saluassent pieusement la madone de Brandu : Dans les nécessités publiques, soit maladies, soit dérangement des saisons, les paroisses voisines, mais surtout Guérande, y venaient processionnellement solliciter l’intervention de Notre Dame. Les habitants du pays rappellent encore, avec une fierté mêlée de tristesse, que leur chapelle reçut en mème temps jusqu’à sept bannières de paroisses différentes. Beaucoup de personnes allaient aussi en particulier s'y recommander à la Mère de Dieu.

Comme tous les lieux de pèlerinage, Brandu avait sa fontaine et son calvaire, que l’on y vénère toujours. Ce dernier porte une date à sa base, 1625.

Il semble pourtant que, dès cette époque, l’étoile de Brandu commençait à pâlir. Peut être faut-il en chercher la cause dans le voisinage des Protestants. On sait que l’hérésie avait à Piriac de nombreux adhérents, excités et soutenus par un ministre fort entreprenant ; de plus, le sire de Tournemine, baron de Campzillon, dont dépendait notre village, avait aussi embrassé la réforme, et ne pouvait manquer d’exercer, du manoir de Kerjean où il résidait, une puissante et néfaste influence sur ses vassaux.

A la fin du XVIIe siècle (1698), les habitants de la frairie résolurent de construire une autre chapelle plus centrale. Ils choisirent comme emplacement au tertre isolé de toute habitation, afin d’éviter, semble-t-il, les compétitions intéressées des différents villages. Toutefois, s’ils se montraient infidèles a Brandu, ils ne l’étaient pas à Notre Dame, et la chapelle de Trescallan, tel était son nom, fut aussi dédiée à la sainte Vierge, sous le vocable de N. D. de Miséricorde.

Le sanctuaire de Brandu subsista néanmoins, et les pieux fidèles ne cessèrent point d’y faire des pèlerinages. Ils y trouvaient toujours la vieille madone tant vénérée. C’était une statue en bois doré représentant la Vierge Marie avec l’Enfant Jésus dans ses bras. Elle avait les traits forts et accentués des femmes du pays, sans rien cependant de ridicule et d’inconvenant. Le socle portait une inscription : « Notre Dame de la Délivrance ». Pourtant la chapelle et la statue elle-même n’étaient guère désignées que par le nom de Notre-Dame de Brandu.

Les anciens racontent que, pendant les dévastations sacrilèges de la Révolution, leurs pères, voulant soustraire la sainte image à la profanation, l’avaient enlevée de la chapelle et cachée dans la demeure de l’un d’eux ; et la légende, brodant sur une translation très naturelle sans doute et opérée secrètement, ajoute que la Bonne Mère, ne trouvant pas ce lieu convenable, alla d’elle-même prendre domicile chez un autre habitant du village.

La paix enfin revenue, l’antique statue reprit sa place dans la chapelle de Brandu, et continua d’y recevoir les hommages de ses fidèles. Parmi ceux-ci, en remarqua, durant plusieurs années, un personnage mystérieux dont nul ne sut jamais le nom, peut-être un ancien religieux chassé de son monastère par la Révolution, et qui poursuivait dans cette solitude les méditations auxquelles jadis il se livrait dans le cloître.

Cependant les pèlerins de Brandu devenaient de moins en moins nombreux. Le village n’était plus qu’un hameau insignifiant ; d‘un autre côté la chapelle de Trescallan avait son desservant et ses offices réguliers ; la désormais se dirigeait la foule, la désormais devait être honorée Notre Dame. De plus c’était assez, pour cette population pauvre, d’entretenir une église ; la chapelle de Brandu ne fut bientôt plus qu’une ruine. On se résolut à transporter l’antique statue dans l’église de Trescallan. Elle y est encore, vénérée des fils comme autrefois des pères. Quant à Brandu, il pleure toujours sa madone et sa chapelle, dont il ne reste pas pierre sur pierre. Les derniers débris en ont été transportés à la Turballe et sont entrés dans la construction des premières maisons de ce bourg. Peut-être verra-t-on quelque jour, dans cette importante agglomération, chef-lieu de la commune dont le centre paroissial reste à Trescallan, surgir une nouvelle chapelle, qui certes répondrait à un besoin pressant. Ne serait-il pas juste de lui donner pour patronne Notre-Dame de la Délivrance ?

 

Le vocable que nous venons d’étudier doit nous rappeler tout naturellement les derniers mots de la sublime prière que Jésus-Christ lui-même a placée sur nos lèvres : « Libera nos à malo, Délivrez-nous du mal ». Tous les commentateurs de l’Oraison dominicale disent que, par ces paroles, nous demandons à Dieu de nous délivrer des maux du corps, mais surtout de ceux qui menacent les âmes. Nous supplions le Seigneur d’écarter de nous le péché et de nous délivrer de la puissance du diable. Beaucoup traduisent, en effet, « libera nos à malo », par délivrez-nous du méchant, c'est-à-dire, du démon. Or, ce que nous demandons directement à Dieu, nous pouvons prier Marie de le solliciter pour nous : sa prière, toujours bien accueillie, obtient infailliblement son effet, et c’est ainsi qu’elle mérite d’être appelée Notre-Dame de la Délivrance. Continuons donc de demander à la sainte Vierge de nous délivrer de la tempête, des intempéries, de la contagion, des accidents qui nous guettent, de tous les maux temporels qui nous menacent. Demandons-lui plus instamment encore de nous délivrer du péché, et de nous donner la main pour nous aider a traverser les fanges de la terre sans souiller notre robe d'innocence. Demandons-lui enfin de nous délivrer de la puissance du démon. Beaucoup de gens, surtout à la campagne, voient du diable partout, dans leurs étables, dans leurs laiteries, même dans leurs demeures, et sollicitent des bénédictions et des prières pour se délivrer de ses maléfices. Bien de mieux assurément, à condition que l’on sache se garder des exagérations et des pratiques superstitieuses. Mais on néglige de voir le démon la surtout où il se trouve, dans le monde, rôdant autour de nous pour nous dévorer. Le Maître a dit : « Le monde est tout entier sous l’influence du malin esprit ». La parole divine se justifie tous les jours : c’est le diable qui mène le monde. Demandons à Marie de nous défendre contre lui, nous, nos familles, nos paroisses, notre pays, et, dans cette intention, répétons avec confiance : « Notre-Dame de la Délivrance , priez pour nous ».

Note de la rédaction: L'image de Notre Dame de Délivrance de la rue des Carmes a été transférée, au début du 20e siècle, dans la Cathédrale Saint Pierre et Saint Paul de Nantes, ou l'on peut toujours l'y vénérer en la chapelle Saint Jean-Baptiste.

 

ND de Nantes

 

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28 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Vingt-neuvième jour

Notre Dame de Contratacion

ou du Commerce

Je voudrais vous parler ce soir d‘un vocable de la très sainte Vierge à Nantes, inconnu sans doute à la plupart d’entre vous. Du XVe au XVIIIe siècle, il fut cher a beaucoup d’habitants de cette paroisse et, de nos jours, il conviendrait encore à bon nombre des paroissiens de Saint Nicolas. C’est Notre Dame de la Contratacion, ou en français, car le mot contratacion est espagnol, Notre Dame du Commerce.

Mais comment une dévotion nantaise pouvait-elle avoir un nom espagnol ? À l’époque dont j’ai parlé, il y avait un très grand nombre d’Espagnols à Nantes ; et l’on peut affirmer qu’ils avaient en mains une grande partie du commerce de cette ville. Ils étaient, suivant l'expression, commune alors et que j'ai déjà employée, marchands à la Fosse, c’est-à-dire, armateurs et riches armateurs, car la plupart des terrains de ce quartier leur appartenaient. Plusieurs sans doute rentrèrent dans leur pays d’origine avec la fortune qu’ils avaient amassée ; beaucoup aussi devinrent définitivement nos concitoyens. Ils mêlèrent le sang des Hidalgos a celui de nos meilleures familles, et plusieurs d’entre eux arrivèrent aux postes les plus éminents. On en vit s’asseoir dans le fauteuil des Maires de Nantes ou sur les sièges fleurdelisés des présidents de la Chambre des Comptes ou du Parlement de Bretagne.

Isolés sur la terre étrangère, ils éprouvèrent tout d’abord le besoin de se grouper et formèrent une compagnie. qui, composée de commerçants, ne tarda pas a devenir une Bourse. Ils se réunissaient dans la Tenue d'Espagne, dont la rue de ce nom perpétue le souvenir en Saint-Donatien ; ils se réunissaient aussi, pour leurs affaires, tout prés d’ici, dans la maison et le jardin de la « Nation d‘Espagne », que rappelle le Café des Quatre Nations.

Leur compagnie, dont faisaient déjà partie plusieurs commerçants nantais existait depuis de longues années quand, le 29 décembre 1493, le roi Charles VIII, mari de notre duchesse Anne, la rétablit dans tous ses droits. Ses membres nantais jouissaient de précieux privilèges à Bilbao et dans d’autres villes d’Espagne ; en revanche, les commerçants espagnols avaient aussi des privilèges à Nantes.

Fidèles aux traditions de leur pays, où la foi est profonde et le culte de la sainte Vierge plus développé que partout ailleurs, les fondateurs de la société de Contratacion en firent une confrérie, et la placèrent sous le patronage de Notre Dame.

C’est dans l‘église des Cordeliers, dont les ruines lamentables se voient encore, à droite du choeur, que se trouvait la chapelle de la Nation d'Espagne, centre de notre confrérie. Ses membres, tous opulents et dévoués à Marie, se plaisaient à enrichir leur sanctuaire national. Partout, sculptées sur les murailles ou peintes dans les vitraux, étincelaient les armes de Castille, de Léon, d‘Aragon, de Biseaye ; partout, sur les riches mausolées dont son enceinte était encombrée, se lisaient des noms espagnols, francisés parfois, reconnaissables toujours, des Darrande, des Ruys, des Myrande, des Complude, des Despinoze, d‘autres encore, tous connus à Nantes comme en Espagne, tous marchands à la Fosse. La petite chapelle était comme un coin, comme une vision de la patrie lointaine.

Les opérations commerciales de la Contratacion avaient lieu dans la maison de la Nation d’Espagne ; ses réunions pieuses dans la chapelle des Cordeliers. La confrérie était présidée par un consul, encore un mot qui sent le négoce élu chaque année par les confrères, et dans la liste de ces présidents on trouve, non seulement les noms les plus notables de la colonie espagnole, mais aussi ceux des plus célèbres commerçants nantais de cette époque. Chaque nouveau membre fait, en entrant, serment « d’honneur et de probité » ; prend l'engagement de se trouver « ès-jours de festes ordonnées à la chapelle des Cordeliers, aux processions et offertes » ; remet quatre écus au trésorier de la compagnie ; enfin donne une « aumône aux pauvres et à Sainte Clère » à la manière accoutumée, selon sa volonté.

A la mort d'un confrère, le lendemain de son enterrement, l'association faisait célébrer aux Cordeliers une messe de Requiem « à haulte voix ». Pour cela elle avait fait la dépense d'un drap de velours, que l'on devait rapporter fidèlement, après le service, « au logeix de Monsieur le Consul ».

Un accord avait été passé avec les Cordeliers pour le service de la confrérie : les marchands espagnols étaient pieux et sans doute mais du faste, aussi les cérémonies étaient nombreuses et devaient être solennelles.

Il y avait trois processions chaque année, celles de la Chandeleur et des deux fêtes-Dieu. Les confrères y devaient assister, sous peine de payer un écu de soixante sols. Aux processions des fêtes-Dieu, tous les religieux devaient être « chappés », et tenir à la main un cierge. Le Saint Sacrement devait être porté d’abord autour du cloître où un reposoir était dressé, puis dans les deux cours de la maison, et revenir, par la rue, dans l’église. Une seconde bénédiction était donnée à l’autel de la chapelle espagnole, et le Saint Sacrement était reporté au maître-autel.

Les religieux devaient en outre chanter vingt grand’messes solennelles, avec diacre et sous-diacre, chantres et enfants de choeur. Le jour du Sacre et de son octave, qui étaient évidemment les deux principales fêtes de la confrérie, la messe devait être célébrée avec plus de pompe : aux ministres des fêtes ordinaires s’ajoutaient un prêtre assistant, un maître des cérémonies, quatre chantres chappés, et tous les religieux de la communauté devaient être présents au grand choeur.

Les membres de la confrérie assistaient fidèlement à ces fêtes ; ils devaient, en outre, aller six fois par an à « l’offerte » ; le consul donnait un écu au célébrant de l’Epiphanie, ordinairement le religieux qui avait été roi « à la cérémonie du gâteau ».

Deux fois par an, le jour du Sacre et celui de l’octave, les confrères se réunissaient dans un déjeûner commun. Ils avaient à leur disposition, pour cette fin, une des salles de la communauté, et, pendant longtemps, ce fut une salle particulière qui portait leurs armes au plafond.

Comme tant d’autres, la confrérie tomba au XVIIIe siècle, en 1733. Depuis longtemps déjà, elle ne comptait plus d’Espagnols. On a au même décidé, en 1662, de ne plus admettre aucune personne qui ne fût « originaire de la ville ou faubourgs, ou marié avec femme ou fille de ladite ville ou faubourgs ». En outre, pour y être admis, il fallait l’avis favorable de douze membres et du consul. La confrérie n'était plus espagnole ; en revanche, elle était bien nantaise.

 

Jésus-Christ, en nous apprenant à prier, a mis ces paroles sur nos lèvres : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour ». Il ne nous interdit donc point de lui demander les biens temporels, et l'Eglise, par les usages et les prières de sa liturgie, nous en donne l’exemple. Nos ancêtres le savaient bien; ils ne manquaient point d’intéresser les saints à leurs affaires et d’appeler la bénédiction de Dieu sur toutes leurs entreprises. Aussi, quand nos « marchands » nantais construisirent une Bourse pour leur commerce, ils voulut y joindre une chapelle et y attacher un aumônier. Ces riches armateurs qui, le soir, s’en allaient fièrement à la Bourse, en habit de soie et l’épée au côté, ne rougissaient pas de s’agenouiller le matin dans leur chapelle de Saint Julien, pour recommander au maître de la tempête les bateaux chargés de richesses, qu’ils expédiaient sur les océans. Les mêmes motifs et la même confiance les conduisaient aux autels de Notre-Dame, et les portaient à s'enrôler dans ses confréries. Vous donc, mes Frères, qui cherchez à acquérir, dans le commerce ou l’industrie, l’aisance et même la fortune, et vous qui demandez simplement à un travail plus modeste le pain de chaque jour, suivez ces exemples, priez Dieu et la Vierge de vous bénir.

Toutefois, n’oubliez pas ceci : les commerçants d’autrefois respectaient Dieu. ses mystères, son nom et ses commandements. Alors, on ne violait pas la sainte loi du dimanche par un travail maudit ; alors, à l'exemple de notre Jacques Cassard, qui imposait, même à des flibustiers, sous peine « de perdre leur part » de prise, l’engagement de ne pas « jurer le nom de Dieu », on ne souffrait pas dans les magasins ou les ateliers les impiétés et les blasphèmes ; alors, on s’agenouillait à la table sainte, et bien rares étaient ceux qui ne remplissaient pas « leurs devoirs ». De même, si vous voulez que Dieu écoute vos prières, il ne faut pas insulter à son nom, attaquer ses mystères, fouler aux pieds ses lois ; si vous voulez que la Mère vous protège, il ne faut pas crucifier a nouveau le Fils.

Les membres de notre confrérie faisaient serment « d‘honneur et de probité ». Ils savaient le tenir. À cette époque, la probité commerciale était intacte, la parole du marchand valait un contrat, la fraude était inconnue, la marchandise toujours de bon aloi. Tous aujourd’hui, parmi ceux qui se livrent au commerce ou à l‘industrie, seraient-ils dignes d’un tel éloge ? Peut-être serait-il imprudent de l’affirmer. Pour vous, mes Frères, si vous voulez que Marie vous protège, et que Dieu vous bénisse, vous marcherez sur les traces de vos pères, vous tiendrez votre « serment d‘honneur et de probité ».

 

ND de Nantes

 

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27 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Vingt-huitième jour

Notre Dame de Bon Garant

 

La contrée qui s’étend au nord-ouest de Nantes, et qu’occupait jadis la vaste forêt dont j’ai parlé déjà, compte beaucoup de sanctuaires consacrés à Marie et dont l’origine se perd dans la nuit des temps. (le culte y fut-il porté par les premiers chrétiens que la persécution forçait à s‘y réfugier ? Fut-il un moyen employé pour vaincre les druides dont les pratiques superstitieuses y trouvaient un asile impénétrable ? Nul ne le sait, nul sans doute ne le saura jamais. Ce qui est certain, c’est que Marie possède sur ce territoire plusieurs chapelles vénérées depuis de longs siècles : à Nantes, N. D. de Miséricorde ; à Orvault, N. D. des Anges ; à Treillières, N. D. des Dons ; à Grandchamp. N. D. des Fontaines ; au Temple, N. D. de Toutes Vertus ; à Sautron, N.-D. de Bon Garant. Et une légende populaire prétend que jamais le tonnerre ne tombe dans le triangle formé par N. D. des Anges, N. D. des Dons, et N.-D. de Bon Garant. C‘est de celle-ci que je viens vous parler ce soir.

Les druides ont habité ce pays, et les monuments en témoignent. Les Romains y sont venus après eux et ils y avaient porté le culte de leurs fausses divinités. Où le diable avait été honoré, les chrétiens voulurent honorer le vrai Dieu.

Les traditions rapportent que de pieux ermites s‘y sanctifièrent : ce qui les confirme, c’est que, dans le champ de l‘Ermitage, les paysans heurtent encore du sec de leur charrue les débris d'un très antique monument, et que, dans la chapelle actuelle on vénère toujours la tombe anonyme d'un ermite, mort, il y a bien des siècles, en odeur de sainteté.

Les Normands, vous le savez, avaient saccagé Nantes. Au milieu du XIe siècle, leurs ravages n’étaient pas tous réparés. L'église de Saint Cyr et de Sainte Julitte, située entre la préfecture et le cours Saint-André, restait en ruines. Pour la relever, Budic, comte de Nantes, et sa femme Adoïs donnèrent aux religieuses qui vivaient à l’ombre de ce sanctuaire désolé la terre de Bois Garant. Bientôt Saint-Cyr et Bois Garant passèrent entre les mains des religieuses de N.-D. du Ronceray, à Angers ; le second devint un prieuré.

Une chapelle, si elle n’existait déjà, y fut fondée, et un chapelain ne tarda pas à y accueillir le peuple chrétien. Celui-ci, en effet, aimait la petite chapelle ; le Bois Garant était devenu le Bon Garant, et, encouragé par ce nom plein de promesses, on y venait prier Notre Dame. Marie récompensa par d’éclatants et nombreux miracles, c’est un duc de Bretagne qui en témoigne, la confiance de ses fidèles, et le concours s’en accrut encore. Mais la chapelle était antique, trop étroite et maltraitée parle temps, indigne de Marie par conséquent. Un plus bel édifice allait lui succéder.

Non loin de Sautron, dans le bourg même de Couëron, s’élevait le château ducal de la Gazoire, où François II aimait à résider. La forêt voisine de Sautron était aussi propriété des ducs, et François, ami des fêtes et des plaisirs, y déployait souvent le luxe de ses chasses princières. À deux pas de Bon Garant, il possédait un rendez-vous de chasse, l’antique manoir de Bois-Thoreau. J’ai dit déjà qu’il était très religieux ; non content d’avoir rebâti quelques années auparavant N. D. des Dons, il voulut aussi relever de ses ruines la chapelle de Bon Garant. Était-ce à la suite d’un vœu, comme le rapporte la tradition, et pour remercier Marie de l’avoir garanti à la chasse d’un terrible danger ; et faut-il croire que le taureau sauvage auquel il échappa, grâce à la protection de la Vierge, donna son nom au manoir voisin ? Était-ce, connue l‘affirme un vieil auteur, messire Vincent Charron, pour obtenir de la Vierge qu’elle garantit sa Bretagne contre les entreprises des Français ? Ce qui est incontestable, c’est qu'il fit les choses princièrement. Il rebâtit la chapelle en belles pierres de granit, et il y ajouta, pour le prêtre chargé de la desservir, un manoir qui existe encore. La dédicace de l’église se fit solennellement : le duc, la duchesse, toute la cour étaient la, déployant leurs riches costumes sous les yeux de la foule émerveillée ; et l’évêque de Sinople, coadjuteur de Rennes, procéda à la consécration.

Après ces fêtes, le pèlerinage prit un essor plus grand. Le duc allait a Bon Garant entendre la sainte messe avant de partir pour la chasse : c’était la chapelle ducale, et la tribune réservée à la cour, ainsi que les armoiries et les hermines bretonnes, en témoignent encore. François d‘ailleurs l’aimait beaucoup et lui-même, dans un acte qui subsiste, parle de sa « singulière dévotion » pour elle.

Les pèlerins y accouraient en grand nombre et laissaient de généreuses offrandes. Le chapelain, messire Jehan Charette, les recueillait et, dans sa charité, il voulut en faire bénéficier les pauvres. Il construisit un vaste asile pour héberger les pèlerins et recevoir gratuitement les pauvres gens qui venaient de fort loin invoquer Marie. Le duc lui-même ne dédaignait pas d’y descendre avec les seigneurs de sa suite « toutes et quantes fois » qu’il venait à sa chère chapelle, et le chapelain s’empressait à honorer le prince bienfaiteur. Aussi François, à sa prière sans doute, pour aider les pèlerins « qui y affluent et abondent » à cause des merveilleux et innumérables miracles qui s’accomplissent en ces lieux ; « pour l‘honneur et révérence de Dieu et de la benoiste Vierge Marie Notre Dame » ; pour participer « aux mérites, oraisons, pèlerinages et prières » de la foule chrétienne ; et aussi pour la « singulière dévotion » qu’il éprouve envers ce petit sanctuaire, exempte d'impôts à perpétuité l'asile charitable bâti par le bon prêtre.

Après l’avoir assidûment visitée durant les jours de sa prospérité, François put saluer encore sa chère chapelle a la veille de mourir. Vieilli parle chagrin plus que par les années, attristé par les menaces de la France, et les inquiétudes de l'avenir, le prince s'était retiré avec ses deux filles au château de la Gazoire. Bien que malade et épuisé, il chassait encore dans la forêt de Sautron. Un jour, sans doute, suivant sa coutume, il avait entendu la messe à Bon Garant, il fit une chute de cheval. On le transporta dans son manoir du Bois-Thoreau, d’où il put jeter un dernier regard sur sa chapelle tant aimée, et de là à la Gazoire. Quelques jours plus tard, il y mourait chrétiennement.

Bon Garant ne devait plus voir de ducs ni de cortèges princiers à ses fêtes. Marie cependant continua d’y recevoir les hommages de ses fidèles. Chaque année, le 2 juillet, fête de la Visitation, les paroisses d’alentour s’y rendaient en procession, et l’on comptait ordinairement plus de 15 000 pèlerins. Malheureusement des désordres s’y glissèrent et l’évêque les interdit. Les voisins du moins ne cessèrent pas de visiter la chapelle ; la paroisse de Sautron garda l’usage d’y faire la procession du mois, et chaque vendredi on y célébrait la sainte messe.

Au XIVe siècle, la première chapelle avait essuyé sans dommage le feu des canons anglais (1381) ; et les paysans avaient accumulé dans un Coin du monument, comme un singulier ex-voto, les boulets recueillis aux alentours. La Révolution les transporta à l’arsenal de Nantes, mais là se bornèrent ses déprédations. Et si l’antique pèlerinage n’a plus l’éclat d’autrefois, si le chapelain n’occupe plus son manoir, si l’asile charitable n’est plus ouvert aux pauvres gens, la chapelle subsiste cependant, soigneusement restaurée dans le goût du XVe siècle, et les chrétiens du voisinage y vont toujours prier Notre Dame de Bon Garant.

Le chanoine Vincent Charron écrivait au XVIIe siècle : « Cette chapelle commença dés lors à être fréquentée des peuples non seulement circonvoisins, mais aussi des lieux les plus éloignés de la province, et fut nommée Nostre-Dame de Bon Garant, tant pour ce que le duc François demandait à la Vierge qu’elle le garantit des courses des Français, contre lesquels il avait guerre pour lors, que parce qu’elle garantissait et défendait tous ceux qui la réclamaient sous ce nom-là ».


Marie, gardienne de la patrie, Marie, bouclier des chrétiens contre les dangers qui les menacent, voilà ce que signifiait autrefois Notre Dame de Bon-Garant, voilà à quels titres nous devons encore l’invoquer aujourd’hui. Vous connaissez, mes Frères, le texte du Psalmiste : « Si le Seigneur ne protège un état, c'est en vain qu’ils veillent ceux qui sont chargés de sa garde ». C’est la religion qui est la sauvegarde des Etats ; c’est Dieu seul qui est capable de les sauver. Marie partage cette charge avec lui, et elle protège les peuples qui se réclament de sa protection. Il en est un qu’elle aime par dessus tous les autres. Nous sommes toujours les fils aimants de la Bretagne ; mais nous sommes aussi les fils de la France : et c’est la France qui est la plus aimée de Marie, la France dont on a dit qu’elle est sur terre le royaume de la très sainte Vierge, regnum Galliæ, regnum Mariæ. Ne l’oublions pas, mes Frères, et dans ces jours inquiets, jours de transformations sociales, de dangers extérieurs, de dissensions intimes, aimons à invoquer, comme autrefois François Il, le père d’Anne de Bretagne, deux fois reine de France, Notre Dame de Bon Garant.

Si la patrie court des dangers, nous aussi nous sommes exposés parfois à des malheurs, à des accidents terribles et de toute nature. Pourquoi n'imiterions-nous pas nos pères ? Quand grondait le tonnerre, ils invoquaient sainte Barbe ; quand la peste jetait partout l’épouvante, ils se vouaient à Notre Dame des Langueurs, à Saint Roch, ou bien encore à Saint Sébastien d’Aigne ; dans les dangers de toute sorte, ils recouraient a Notre Dame de Bon Garant : et souvent leur confiance naïve était récompensée. La foudre gronde toujours et, malgré nos paratonnerres, elle fait de nombreuses victimes ; la contagion sévit très souvent encore, et les sérums ne suffisent pas à la rendre inoffensive ; les chemins de fer et les automobiles n’ont pas supprimé les périls des voyages ; la vapeur n’a guère diminué le nombre des naufrages; les fusils n’ont fait qu’augmenter les dangers de la chasse... Comme autrefois, nous courons des dangers, comme autrefois nous sommes exposés à des accidents, comme autrefois mettons notre confiance en Notre-Dame de Bon-Garant.

ND de Nantes

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26 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Vingt-septième jour

Notre Dame de la Victoire


Notre Dame de la Victoire, le vocable que nous allons étudier ce soir, nous reporte aux dernières années du seizième siècle, alors que la France se débattait en des luttes terribles, et que l’on se demandait si le royaume très chrétien, revendiqué par un prince protestant, allait cesser d‘être Catholique. Mais il nous rappelle en même temps que la vraie foi finit par triompher chez nous, et que la tête de l’infernal serpent, qui se dressait pour nous infuser son venin, fut une fois encore écrasée par Marie.

Nantes faisait partie de la Sainte Union, et le duc de Mercœur y tenait haut et ferme le drapeau de la foi. On a critiqué l'ambition de ce prince, on a dit qu’il visait à mettre sur sa tête la couronne de Bretagne, qu’il revendiquait du chef de sa femme, héritière des Penthièvre. Je ne le nie point ; mais s’il avait des défauts, il avait des qualités aussi: il a vaillamment combattu pour la foi, et sa piété, louée par saint François de Sales, n’a jamais été contestée.

Dans ses luttes contre l’hérésie protestante, Mercœur avait recours a la force des armes ; mais il n’oubliait pas la prière, et, quand le succès avait couronné ses efforts, il était reconnaissant à Dieu et à Notre Dame.

C’est ainsi qu’en action de grâces de la victoire de Châteaugiron, remportée sur le comte de Soissons, il avait fondé aux Jacobins de Nantes une procession du Saint Sacrement le premier jeudi de chaque mois.

C’est ainsi que, par acte du 4janvier 1592, il avait aussi fondé un curieux salut de la Vierge à la Collégiale. Il devait être solennellement chanté tous les dimanches, aux quatre grandes fétes de l’année et aux huit fêtes de Notre Dame. Après les vêpres, un chanoine et le sous-chantre, tous deux en chape, se rendaient au pied de l’autel. Devant eux, deux enfants de chœur, revêtus de leurs aubes et dalmatiques, portaient chacun un flambeau, garni d‘un cierge de cire jaune du poids de deux livres, l'un aux armes du duc, l'autre a celles de Marie de Luxembourg, sa femme. Arrivés au bas des degrés, ils entonnaient le Sub tuum, continué en musique par le chœur. Suivait le Magnificat, exécuté en faux bourdon. Après le psaume, on répétait l’antienne, puis venait le verset, et enfin l’oraison dans laquelle on demandait pour Philippe Emmanuel de Lorraine la victoire contre les ennemis de Dieu ; et en même temps pour la Bretagne et particulièrement pour la ville de Nantes et la Collégiale elle-même, la protection divine. Et « aftin d‘inciter le peuple a se trouver à ceste solennité et dévotieulx service, la grosse cloche de ladite église sonnera douze gobbetz, qui connnanceront après le son du Magnificat des vespres ordinaires, et finiront auparavant le commancement dudict service ».

Quelques mois plus tard, le 23 mai 1592, un triomphe, plus éclatant que tous les autres, fournit a Mercœur une occasion nouvelle de témoigner sa reconnaissance à Marie. La ville de Craon, qui tenait pour la Ligue, fut attaquée soudain par le prince de Dombes, chef des partisans du Béarnais en Bretagne. Mereœur courut à sa défense. Beaucoup de Nantais combattaient sous ses ordres ; on y voyait notamment le sire de Goulaine et son frère, ainsi que toute la noblesse du duché de Retz conduite a la bataille par le marquis de Belle-Isle. La victoire des Ligueurs fut complète et les rendit maîtres incontestés du pays. Le vainqueur fit porter aussitôt à Nantes onze canons, vingt-quatre enseignes de gens de pied, deux cornettes de cavalerie, ainsi que plusieurs prisonniers d’importance. Ceux-ci furent enfermés au château, et les drapeaux suspendus aux galeries du triforium dans la Cathédrale.

Quelques semaines après, le duc revint à Nantes et le peuple lui lit une entrée triomphale. Il fut conduit solennellement a la Cathédrale où le Chapitre le complimenta ; puis le Te Deum retentit en action de grâces pour les succès obtenus, pendant que les cloches annonçaient au loin la joie de la cité. Le dévoué serviteur de Marie voulut faire davantage et perpétuer sa reconnaissance envers la puissante protectrice qui lui avait donné la victoire.

Il habitait alors, ainsi que sa belle-mère, la duchesse douairière de Martigues, l’hôtel de Briord, bâti par Pierre Landais, et dont nous pouvons admirer encore la belle architecture gothique : il était donc, comme la plupart des grands seigneurs de. cette époque, paroissien de Saint Vincent. La famille Landais s'était montrée généreuse pour cette église et y avait construit, du côté de l’épître, la chapelle de Briord, dont j’ai déjà parlé ; Mercœur voulut surpasser le puissant ministre, son devancier. Il acheta une partie de la cour de l'hôtel de Portric, dont le Mont de Piété nous marque aujourd’hui l’emplacement, fit percer le mur de l‘église, du côté de l’évangile, et bâtit (1593) une Chapelle qui faisait pendant à celle de Briord. Il la dédia à Notre Dame de la Victoire. L’extérieur du monument, du moins à en juger par ce qui nous en reste, était d’une architecture assez simple ; mais l’intérieur en était richement décoré. Sur l’autel, on voit, à la place d’honneur, la statue de Notre Dame de la Victoire, entourée de celles de saint Philippe, patron du fondateur, et de saint François d'Assise, pour lequel il avait une particulière dévotion ; dans le riche vitrail qui éclaire la chapelle, brillent orgueilleusement le blason du duc et celui de la duchesse douairière de Martigues ; a la muraille, est suspendu le portrait de Mercœur, « en peinture d’environ deux pieds de hauteur, et d’un pied et demi de largeur ; il y est représenté à mi-corps, cuirassé, ayant la belle écharpe rouge que lui envoya Philippe ll, roy d'Espagne, en 1595, transpassée sur les épaules de droite a gauche ». Un choeur a été ménagé dans la chapelle neuve et contient dix stalles semées de croix de Lorraine. C’est la qu'au son de la cloche qui porte elle_même sur ses flancs le nom du prince, le recteur de Saint Vincent et' les quatre chapelains, institués par Mercœur, viennent chanter l’office. Le duc, en effet, ne s’est pas contenté d’élever un nouveau sanctuaire à Marie ; il y a joint une importante fondation, au capital de 4,500 livres. Quatre chapelains doivent chanter tous les jours avec le Recteur l’office entier de Notre-Dame, dans la chapelle de la Victoire. Après nones, on célèbre au même autel une messe basse de Beatà. Mais le samedi et les jours de fête de la Vierge, la messe est chantée, et le célébrant est assisté d'un diacre et d’un sous-diacre : de plus, tous les samedis, le saint sacrifice est précédé d'une procession autour de l‘Eglise. Enfin, chaque jour, après complies, on chante le salut de la Vierge.

Notre Dame de la Victoire sourit encore à notre pays : bientôt ce fut la paix définitive, la paix dans la gloire et la prospérité. Le rêve trop humain de Mercœur s‘était évanoui sans doute, et sa femme, la fille des Penthièvre, avait du renoncer pour toujours au trône tant convoité ; mais l’hérésie était vaincue chez nous et la foi triomphante ; Marie conservait son beau royaume terrestre, le plus beau après celui du ciel ; et la France restait, pour de longs siècles encore, la grande nation catholique.

La foi de la Bretagne allait aussi refleurir. L’ignorance religieuse et le désordre des mœurs, conséquences des discordes civiles, avaient réduit cette belle province a un état lamentable. Marie lui donna des apôtres : à nos frères du Léon et de la Cornouailles, Le Nobletz, Quintin et Maunoir ; à ceux de Vannes, les fondateurs de la Retrait ; à ceux de Saint Brieuc, le P. Leuduger ; à nous, le Bienheureux Grignion de Montfort. Ils s'en allèrent, comme les apôtres des temps lointains, jetant partout, sur cette terre féconde, la bonne semence ; et la semence leva magnifique, et l'ignorance religieuse disparut, et la vertu refleurit, et les sanctuaires de granit revirent leur splendeur d’autrefois, et des calvaires se dressèrent au long de tous les sentiers, et les communautés retrouvèrent leur ferveur, et les tiers ordres enrôlèrent partout des sujets, et l'on vit se multiplier les saints : la Bretagne était redevenue ce que nous la voyons encore : le coin de France le plus entêté dans sa foi, le plus généreux dans son dévouement.

Vingt ans avant la fondation faite par le duc de Mercœur et que je viens de raconter, le saint pontife Pie V avait institué (1571) la fête de Sainte Marie de la Victoire. C’était à la suite de la bataille de Lépante, pour remercier Marie de ce brillant fait d’armes, du a sa puissante intervention.


Notre Dame de la Victoire, c‘est donc Marie sauvant l'Eglise universelle des attaques musulmanes et conservant à l'Europe la foi Catholique. Notre Dame de la Victoire , nous l’avons dit aussi, c’est Marie sauvant l’Eglise de France des attaques de l’hérésie protestante, et gardant à la grande Nation, ainsi qu‘à notre petite Bretagne, la foi catholique. Reconnaissance donc, pour le passé, à Notre Dame de la Victoire; et confiance pour l’avenir.

Marie ne peut pas être vaincue, et quand elle prend une cause en mains, cette cause est assurée du triomphe. Confions-lui donc la foi de notre France, la foi de notre chère Bretagne. Vous savez a quel point elle est actuellement menacée. Depuis plus d'un siècle et je puis bien le dire, depuis vingt ans surtout, l‘Enfer et ses suppots lui livrent de terribles assauts. Notre Bretagne n'est pas épargnée, que dis-je ? elle est en butte à de plus violentes attaques : il semble que les impies aient deviné qu’elle constitue la réserve de la France chrétienne, qu’elle est cette forteresse presque inaccessible, dans laquelle se réfugient les derniers défenseurs après la prise de la cité, et ils en font le siège avec une rage et une habileté sataniques. Restons fidèles à Marie, dont le bienheureux Père Montfort nous à dit le rôle ici-bas et chanté les grandeurs ; comme aux jours lointains des luttes contre l’hérésie, multiplions les hommages a son nom, les appels à son invincible puissance, et elle sera pour nous, aujourd’hui comme hier, Notre Dame de la Victoire.

 

ND de Nantes

 

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24 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne19

Vingt-cinquième jour

Notre Dame de Léard

Débarquez à la station Thouaré, franchissez leur beau pont qui met cette commune en communication avec celle de Saint Julien de Concelles, puis descendez la rive gauche de la Loire, en suivant la route qui longe notre beau fleuve. A deux kilomètres environ de l’extrémité du pont, vous trouverez une petite chapelle ; le premier venu vous dira son nom, Notre Dame de Léard, et vous n'aurez pas besoin de frapper à plusieurs portes pour apprendre son histoire : tout le monde la connaît dans le pays.

La légende rapporte qu’à une époque lointaine, si lointaine que la date précise s’en est perdue, on voyait, dans un de ces liards ou peupliers qui frissonnent au moindre souffle de la brise, une toute petite statue de la sainte Vierge.

Rappelait-elle une merveilleuse apparition ? Témoignait-elle simplement de la dévotion de quelque fidèle, voulant mettre sous la protection de la bonne Mère « la rivière de Loire », ainsi que les mariniers qui la remontaient et la redescendaient sans cesse, Nul ne le pourrait dire. Mais ce que la tradition affirme, c’est que les bons chrétiens du voisinage aimaient à prier devant la statuette.

La piété du peuple voulut, a plusieurs reprises, enlever l’image vénérée pour la mettre en un lieu plus décent ; mais, à chaque fois, celle-ci revenait d’elle-même sur son arbre privilégié. On en conclut justement que Marie voulait être honorée a cet endroit, et l’on y construisit un modeste oratoire. Il y avait bien quelqu audace à le faire. La Loire, plus profonde alors qu'aujourd‘hui, avait des tempêtes terribles et des inondations plus terribles encore ; souvent, tous les deux ou trois ans, nous disent les vieilles archives, elle renversait tout ce qu’on élevait sur ses bords. Un seigneur avait bâti son manoir dans une île. Voisine ; bientôt il dut fuir devant le fleuve en furie et abandonner le château, que les vagues démolirent pierre a pierre. Un autre avait construit des moulins productifs à quelques pas de la chapelle : les moulins furent emportés par les eaux et il fallut les reconstruire ailleurs. Les habitants de la vallée, pour défendre leurs riches cultures contre les envahissements de la Loire, avaient élevé d’immenses et solides chaussées : les chaussées, battues en brèche par le courant, étaient emportées connue le reste. Seule la chapelle, dont les murailles pourtant étaient aussi battues par les flots, restait inébranlable. Une année, en février 1778, tout le monde crut sa ruine imminente : la Loire avait fait rage autour d’elle, tout le sol était bouleversé et les fondations mises à jour. Le général de la paroisse s’inquiète et nomme des commissaires. Mais ceux-ci le rassurent bientôt : la chère chapelle est intacte. Seulement il fallait niveler le sol, profondément raviné par le courant ; un batelier s’en chargea, moyennant la somme de 50 livres. Il est à croire qu’il ne s’enrichit pas a ce travail, car il ne fallut pas moins de 50 charretées de pierres pour ramener les abords de la chapelle a leur ancien niveau. Le peuple voyait la une protection visible de la bonne Mère, et la confiance en son intercession s’en accroissait encore.

La présidente Bourgneuf de Cucé, dont la famille possédait, au XVIe siècle, des terres dans la région, signala sa piété envers Notre Dame de Léard en y établissant une fondation, dite de Notre Dame de Consolation, à savoir « une messe basse tous les premiers dimanches du mois et à toutes les fêtes de la Vierge, ainsi qu’à celle de sainte Catherine » et à plusieurs autres. Elle eut des imitateurs qui fondèrent a leur tour deux services et huit messes basses, chaque année.

Si les riches montraient leur dévotion envers notre madone, le peuple manifestait aussi sa confiance. La petite chapelle, située à la fois sur les bords du fleuve et sur la route de Nantes, recevait les hommages des voyageurs de terre et d’eau. Tous les habitants de la région que leurs affaires appelaient à la ville passaient à la porte de Notre-Dame, et ils ne manquaient pas de lui adresser une courte prière ; ainsi faisaient également les mariniers. La Loire, que l’abandon de ces dernières années n‘avait pas encore laissée s‘ensabler, était vivante alors ; c’était à peu prés l’unique chemin des marchandises venant de Nevers, d’Orléans, de Blois, de la Touraine et de l’Anjou a Nantes ; c'était naturellement aussi le chemin suivi par les denrées coloniales et autres que le port de Nantes, si florissant a cette époque, expédiait au centre de la France. Aussi les blanches voiles animaient constamment le paysage, et quand, après une longue attente. le vent d‘Ouest permettait à la
flottille de remonter le fleuve, c’était pittoresque et charmant de voir passer les barques. Les mariniers, rudes travailleurs, étaient de bons chrétiens aussi ; jamais ils ne manquaient de se découvrir et de se signer lorsqu’ils apercevaient la chapelle de Notre Dame.

Ce fut ainsi jusqu’à la Révolution. L'humble chapelle, malgré ses proportions minuscules, était trop en vue pour échapper aux modernes iconoclastes. Les armées patriotes passaient et repassaient parle chemin nantais, et, de plus, le fleuve était sillonné de canonnières. Tout le pays était ravagé, châteaux et chaumières incendiés, habitants jeunes et vieux massacrés ; la chapelle de Léard ne fut pas épargnée. L’incendie détruisit d’abord la toiture, les pierres mêmes les murailles furent dispersées, et une main sacrilège, saisissant la précieuse statuette, la jeta au loin dans la Loire.

Mais Marie voulait être encore honorée dans ce lieu. Une femme du village voisin, Fidèle Dubois, femme Jean Gohaud, s’en allait un jour prier sur les ruines de la chapelle. Tout a coup elle aperçoit un objet qui brille à ses pieds. C’était la statuette de faïence, depuis si longtemps vénérée, que le flot avait rapportée sur la rive. Elle la recueillit comme un trésor et la cacha soigneusement dans sa maison pendant tout le règne de la Terreur. Souvent, il l‘approche des massacreurs, qui ne se lassaient pas de tuer, il fallait fuir. Fidèle emportait avec elle sa précieuse statue. Quand ils n’étaient pas surpris par des attaques inopinées, les habitants du voisinage se réfugiaient dans une île du marais de Goulaine. Les pauvres gens attachaient leurs bateaux à la rive et se cachaient dans les broussailles. D’ordinaire, les Bleus se contentaient de décharger de loin leurs fusils ; parfois ils tenaient ces malheureux dans une sorte de blocus. Alors Fidèle Dubois posait sa statue sur un socle improvisé et tous, tombant à genoux, demandaient à Notre Dame de les préserver.

Les jours mauvais passèrent enfin et la statuette resta dans la maison de sa gardienne dévouée. Cependant elle avait encore sa tète, au temps des rogations. Un pan de la chapelle était resté debout, Fidèle y plaçait sa madone, dressait devant elle un autel paré de fleurs et de lumières, et attendait, impatiente, le passage de la procession qui s‘allongeait sur les bords de la Loire. Les bannières s‘arrêtaient au pied de l’autel champêtre, prêtres et fidèles s’agenouillaient, et redisaient une fois encore à la Vierge de Léard l’amour persévérant de son peuple.

Cinquante ans après l'incendie, Fidèle Dubois entreprit de rebâtir la chapelle. Encouragée par son curé, M. Durand, dévot serviteur de Marie, celui-là même qui devait relever plus tard le sanctuaire de Bonne Garde, et aidée d’une pieuse veuve du voisinage, elle se fit la quêteuse de Notre Dame. L’entreprise fut bien accueillie et bientôt les aumônes permirent de mettre la main à l’oeuvre. Toutefois, pendant ce demi-siècle, les lieux s’étaient un peu transformés ; Notre-Dame n’était plus là pour arrêter les flots de la Loire, et les eaux avaient envahi les ruines de l’oratoire. ()n construisit en face, de l’autre côté-de la route. Le 29 mai 1843, tout était prêt pour la bénédiction, elle fut solennelle et digne de celle qu’il s’agissait d’honorer.

Les deux paroisses de Saint Julien et de Basse Goulaine s’y rendirent processionnellement, conduites par leur clergé. A leur arrivée devant le nouveau sanctuaire, les bannières se saluèrent, les deux curés s’embrassèrent et les fidèles, joyeux, confondirent leurs rangs et leurs oriflammes. Le curé de Saint-Julien bénit la chapelle, celui de Basse-Goulaine chanta la grand' messe, et les deux quêteuses de Notre Dame firent la sainte communion.

Trois mois plus tard (27 août), autre cérémonie. La vieille statuette de faïence avait été placée, à l’extérieur, au dessus de la porte d'entrée ; une autre, plus grande, fut achetée pour être posée sur l’autel. Il s’agissait de la transporter de l‘église paroissiale à la chapelle de Léard. Cent cinquante jeunes filles de la Vallée communièrent le matin ; le soir, après vêpres, elles se groupèrent autour de l’image sainte, un étendard à la main. Elles devaient, tour à tour, porter le précieux fardeau. Trois arcs de triomphe avaient été dressés sur le chemin, et trois fois la procession s’arrêta pour y poser un instant la madone. La nouvelle statue fut placée sur l'autel ; on mit à droite et à gauche celles de Sainte Fidèle et de Sainte Apolline, patronnes des deux quêteuses de Notre Dame.

En ces derniers temps (1890), par une sage précaution, on a retiré de sa niche extérieure la statuette vénérée, pour la mettre sous un globe, à l'intérieur de l’oratoire : et une inscription, gravée sur une table de marbre, résume sa touchante histoire.

Deux fois par an, le deuxième jour des rogations, et, au temps de Pâques, le jour fixé pour la communion des infirmes de ce quartier, le saint sacrifice de la messe est célébré dans la chapelle. Mais souvent, dans le cours de l'année, de pieux visiteurs, héritiers de la vénération des siècles écoulés, font à la chère madone leur pèlerinage.

Les dévots serviteurs de Notre Dame de Léard nous apprennent par leur exemple quelle confiance nous devons avoir en Marie. Aux jours de la prospérité, quand ils se rendaient à la ville pour leurs affaires ou quand leurs barques richement chargées sillonnaient le fleuve, ils adressaient leurs hommages et leurs prières à Notre-Dame. Imitons-les dans les jours heureux. Les peuples, fort souvent, lorsqu’ils ont tout à souhait, oublient Dieu et la très sainte Vierge, abandonnent toute pratique religieuse et dédaignent une morale qui désormais leur semble trop austère. C’est un fait triste à constater dans notre pays de France, que les contrées les plus riches sont aussi les moins chrétiennes, les plus empressées au plaisir, les plus dédaigneuses du devoir ; tandis que les régions plus pauvres, comme notre Bretagne et les pays de montagnes, sont restés plus fidèles à la foi et aux pratiques des ancêtres. Gardons-nous de faire comme ces riches oublieux et ingrats, restons dévoués toujours à Dieu et à Notre Dame ; d’abord parce que les richesses spirituelles et les trésors de la vertu l'emportent infiniment sur tous les biens terrestres ; ensuite parce que c'est la protection d‘En-haut qui peut seule nous conserver ceux-ci et nous procurer plus de bien être encore.

Dans les tristesses et les épreuves de la vie, on invoquait également Notre Dame de Léard. Je n’en veux pas d‘autre preuve que cette fondation, en l’honneur de Notre-Dame de Consolation, établie dans sa chapelle par la présidente de Cucé. La femme du riche et puissant magistrat, apparentée à deux évêques de Nantes, avait eu sans doute le cœur endolori par des souffrances et des peines ; mais elle savait où chercher le réconfort. Elle nous montre ce que nous avons à faire sous le coup de l'adversité. Toute consolation humaine est vide et dure peu ; la seule vraie consolation vient du ciel et c’est d'ordinaire Marie qui la donne : Dieu a voulu que nos larmes fussent essuyées par celle qui a tant pleuré.

Enfin, les fidèles amis de N. D. de Léard se confiaient en elle dans le danger, lorsque les massacreurs étaient à leurs portes et que les balles sifflaient sur leurs têtes. Leur espérance ne fut pas trompée, la protection de Marie les sauva. Ainsi l‘ont partout les vrais serviteurs de Notre Dame : s’ils sont exposés au danger des batailles ou aux fureurs de la tempête, si quelque accident met leur vie en péril ou si la maladie les conduit aux portes de la mort, un cri de détresse jaillit de leur cœur et retentit dans le Cœur de Marie. Crions comme eux à notre Mère lorsque surviendra le danger, et sa tendresse ne manquera pas de nous assister. Invoquons-là surtout dans ces périls bien autrement terribles qui menacent nos âmes, et qui pourraient les perdre pour l’éternité. Sa puissance n’est pas moindre contre le démon que contre les massacreurs de la terre, et jamais elle ne refuse l’aide de son bras invincible aux âmes justes qui la supplient de les préserver du péché.

ND de Nantes

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23 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne17

Vingt-quatrième jour

Notre Dame des Dons

 

Le pauvre sanctuaire dont je viens vous entretenir ce soir, et dont le nom n’est peut-être pas même venu jusqu’à vous, peut se glorifier d’une origine princière. Il date des derniers temps de l’indépendance bretonne; il fut construit, en l’honneur de Notre Dame, par François Il, notre dernier duc. Léger, insouciant, trop ami, hélas ! Des plaisirs coupables, ce prince était bon cependant et son peuple l’aimait. Il était aussi, comme tous les ducs de la maison de Montfort profondément religieux et, même au milieu de ses désordres, il multiplia les marques de sa foi et fit un très grand nombre de fondations pieuses. Il eut à cœur surtout d’honorer la très sainte Vierge. Peut-être subissait-il sur ce point l’entraînement des saintes princesses qui l’entouraient. Il y avait alors à Nantes quatre duchesses de Bretagne, et toutes étaient fort pieuses : Marguerite de Bretagne, femme du duc régnant ; Isabeau d’Ecosse, veuve de François 1er ; Catherine de Luxembourg, veuve d’Arthur III, et surtout la sainte veuve de Pierre II, Françoise d’Amboise. Peut-être voulait-il se faire pardonner ses désordres. Peut-être aussi sentait-il son trône menacé et voulait-il ménager la protection du Ciel a sa patrie et à sa race. C’est lui qui fit bâtir l’aile droite de Notre Dame ; c’est lui qui fit élever, dans les jardins de son château ducal, cette belle chapelle de Saint-Antoine de Pade, où vous allez prier maintenant l’Immaculée-Conception ; c’est lui qui releva splendidement Notre Dame de Bois Garant, dont je vous parlerai bientôt ; c’est lui enfin qui fit reconstruire, un fond d'un bocage solitaire, à trois kilomètres du petit bourg de Treillières, la chapelle de Notre Dame des Dons.

Ce n’était, ai-je dit, qu’une reconstruction : le pèlerinage existait depuis longtemps déjà. Depuis quand ? Nul ne le saurait dire ; mais le duc ne fit que relever et embellir un sanctuaire désigné à sa piété parla piété du peuple.

A partir de cette réédification (1460), l’antique pèlerinage devint plus célèbre encore, et l’on vit les princes et les princesses se mêler aux flots du menu peuple pour solliciter les bienfaits de Notre Dame des Dons.

C’est Marguerite de Bretagne, l’épouse délaissée de François ; qui donne la première l'exemple, c’est, du moins, son nom que nous trouvons tout d’abord dans les archives de la chapelle. Que. vient-elle y demander ? Des joies pour son pauvre cœur blessé ? Un sourire du Ciel pour ses yeux lassés de pleurer ? Peut-être ; peut-être aussi des leçons de patience et de résignation a la Mère des douleurs et des larmes.

Un peu plus tard, sans doute en un jour de repentir, c’est la malheureuse, cause première de ces larmes, qui vient s‘agenouiller à son tour là-même où avait prié sa douce et pure victime.

Plus tard encore, c’est François lui-même qui conduit a la petite chapelle, qu’il avait reconstruite, sa nouvelle épouse, Marguerite de Foix. Les archives rapportent que le but de ce pèlerinage fut d’obtenir, par l’intercession de Marie, le don d’une postérité. Le don que leur octroya la sainte Vierge, ce fut Anne, la bonne duchesse, deux fois reine de France.

C'est Pierre Landays, le néfaste favori de François, qui vient aussi lui, comme pour témoigner que tous les grands personnages de la cour de Bretagne devaient s‘agenouiller devant Notre-Dame des Dons.

C’est enfin Anne de Bretagne. Elle était aux débuts de la guerre avec la France, la lutte suprême de l’indépendance. Menacée par l’ennemi, elle quitte Rennes et vient se réfugier à Nantes. Le maréchal de Rieux, voulant la contraindre a un mariage dont elle ne veut pas, s’efforce de soulever la ville contre elle. Anne l’apprend, mais confiante dans l’amour de ses Nantais, poursuit son chemin. Pendant quelques jours, cependant, elle dut s’arrêter à la Pasquelais. C’était tout près de la chapelle des Dons ; la jeune duchesse s’y rendit pour demander aide et protection à Notre Dame. Les desseins de Dieu ne sont pas les nôtres, et il nous accorde souvent autre chose que ce que nous lui demandons: Anne sollicitait la paisible possession de la couronne de Bretagne, Marie lui accorda la couronne de France.

Nantes cessait d’être capitale : la brillante cour du château de la Tour-Neuve s’évanouit ; la gloire du sanctuaire de Notre Dame des Dons s’évanouit du même coup. Cependant, les paysans de la contrée continuèrent d’y invoquer leur puissante protectrice, et, chaque année, le mardi de Pâques, des foules confiantes venaient fidèlement célébrer le pardon de Notre Dame.

Là comme ailleurs, la Révolution a passé, et elle n‘a laissé que des débris. Les biens dépendants de la chapelle furent vendus ; le sanctuaire fut pillé puis délaissé. Désormais, ce n’est plus qu’une ruine lamentable, ouverte à tous les vents, sur. laquelle la nature pieuse a jeté un vert manteau de lierre. C’est à peine si les paysans se rappellent que le petit oratoire, annexé à la grande chapelle, était dédié à sainte Marguerite, la patronne des deux femmes de François II, Marguerite de Bretagne et Marguerite de Foix. C’est a peine si le visiteur peut reconnaître, dans_leurs niches dévastées, les statues de saint François et de sainte Marguerite, les protecteurs célestes des souverains qui élevèrent ces murs aujourd‘hui croulants.

Toutefois l’image de Notre Dame reste à peu prés intacte. Cachée pendant la Révolution, dans le tronc creux d’un des ifs qui ombragent la chapelle, elle y reprit sa place à l‘apaisement, et les fidèles revinrent se prosterner à ses pieds. Plus tard (1815), on la transporta à l’église paroissiale ; mais il fallut attendre la nuit pour commettre ce pieux larcin, et quand les paysans le connurent, leur mécontentement faillit se transformer en émeute. Elle est restée dans cette nouvelle demeure; toutefois, si les habitants viennent l’y vénérer, ils aiment surtout à prier dans la vieille chapelle, et on les voit Souvent a genoux, surtout les soirs du mois de Marie, égrenant dévotement leur chapelet entre ces murailles en ruines qui furent le sanctuaire aimé de Marie. N’ont-ils pas raison de continuer les antiques traditions ? Les murs élevés par un prince s’écroulent lentement ; mais il subsistera longtemps et, il faut l’espérer, toujours le monument élevé, par l’amour, dans les cœurs de ses fidèles, à Notre Dame des Dons.

Le seul pèlerinage dont nous connaissions le motif avait pour but de solliciter une grâce temporelle : François de Bretagne et Marguerite de Foix, son épouse, allèrent demander a N. D. des Dons une postérité : ils obtinrent Anne de Bretagne.


Nous aussi, mes Frères, nous pouvons solliciter de Marie des faveurs temporelles. Dieu est notre Providence, il nous octroie ce qui est nécessaire a nos corps aussi bien que ce qui est nécessaire à nos âmes ; et il ne trouve pas mauvais que nous le lui demandions. Marie est la coadjutrice de la divine Providence : Dieu l’a chargée de dispenser ses faveurs a la terre, et les trésors dont elle dispose sent les biens temporels en même temps que les autres. Rappelons-nous son rôle à Cana : « Vinum non habent, dit-elle, ils n’ont plus de vin ! » et elle obtient de la bonté de son Fils une faveur temporelle pour de pauvres gens dans la peine. Son rôle dans le ciel est identique, et nous pouvons solliciter pour le même objet son intervention, demander la guérison dans la maladie, la joie dans les larmes, le pain dans la pauvreté... Ne craignons donc pas d’exposer nos besoins temporels à Notre Dame des Dons, et soyons sûrs qu’elle ne manquera pas de nous écouter.

Toutefois n‘oublions pas que, s’il nous est permis de demander des faveurs temporelles, nous ne devons jamais perdre de vue nos intérêts éternels, et que les premières ne peuvent être légitimement sollicitées qu‘à condition qu’elles ne soient pas nuisibles aux seconds, mais qu'elles leur soient au contraire utiles. Marie, aux noces de Cana, demandait à Jésus une grâce temporelle, sachant bien qu’elle devait avoir des effets considérables pour les âmes. Et, de fait, le premier miracle de Jésus lui gagna définitivement les disciples qui en furent les témoins, ils crurent en lui. Ne demandons par conséquent à Marie que des choses qui ne soient pas un obstacle à notre sanctification, mais qui puissent au contraire la faciliter. Que de chrétiens, hélas ! qui demandent des faveurs temporelles sans s’inquiéter si elles sont utiles à leur âme ! Que de chrétiens qui demandent des choses dangereuses ! Que de chrétiens même, si triste qu’elle soit, cette aberration n’est point rare , qui demandent des choses nuisibles à leur salut éternel !

Encore une remarque. Au moment de l’invasion française, la duchesse Anne alla prier Notre Dame des Dons. Que lui demanda-t-elle ? Sans doute le succès dans la lutte et l'indépendance de sa chère Bretagne. Marie ne lui accorda point sa demande, car le Ciel ne juge pas à la façon des hommes. Elle jugea plus utile à la Bretagne qu’elle fût unie définitivement à la grande patrie française ; et bientôt Anne montait sur le trône de France. Nous aussi, nous nous méprenons souvent sur nos véritables intérêts, et nous demandons à Marie des faveurs inutiles ou nuisibles. Marie écoute toujours notre prière ; mais souvent et pour notre bien, elle ne nous accorde point ce que nous demandons : elle préfère nous donner à la place des faveurs plus utiles. C’est bien la Mère aimante et sage qui sait, quand il le faut et dans son intérêt, mécontenter son enfant. Nous devrions nous féliciter de cette tendresse vigilante ; combien, hélas ! qui ne comprennent pas ! Combien qui se plaignent et murmurent! Combien qui traitent de marâtre la plus tendre des mères !

Ayons une confiance plus éclairée ; demandons a Marie des faveurs temporelles, mais à condition qu’elles soient utiles pour nos âmes ; ne nous plaignons point de n’être pas exaucés ; acceptons avec reconnaissance ce qu’aura décidé sa maternelle tendresse. Dans ces conditions, nos prières seront toujours les bien venues là haut, et nous serons traités en enfants gâtés par Notre Dame des Dons.

 

ND de Nantes

 

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22 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne18

Vingt-troisième jour

Notre Dame de Bonne Garde

 

Presque à l’entrée de la route de Clisson, sur ce plateau de Saint Jacques, d’où l’on domine les belles vallées de la Loire et de la Sèvre, et d’où l’on voit toute la ville de Nantes à ses pieds, s’élève un élégant sanctuaire dédié à la sainte Vierge, et cher à nos concitoyens depuis déjà deux cent cinquante ans.

Vers le milieu du XVIIe siècle, au rapport des traditions du quartier, plusieurs personnes aperçurent un soir une statue de la sainte Vierge, inconnue jusqu’alors en ces lieux, et qu’environnait une éblouissante clarté. Étonnées et ravies, elles s’empressèrent de recueillir la merveilleuse image et de la placer avec honneur dans leur maison. Hélas ! Marie n’accepta point leur pieuse hospitalité. Le lendemain, l’image avait disparu et on la retrouvait au lieu de l’apparition. Les religieux bénédictins, qui occupaient alors le prieuré de Pirmil, accoururent et transportèrent la statuette dans leur chapelle, actuellement église paroissiale de Saint Jacques. Efforts inutiles, ce n’est pas la que la Vierge voulait être honorée, et, durant la nuit, la statue retourna dans le coin de terre qu’elle avait choisi.

Cette fois, la pensée de la Bonne Mère fut comprise, et son désir rempli : les voisins édifièrent immédiatement une petite grotte et le peuple, instruit du prodige, vint en foule la prier en ce lieu béni.

Quelques années s’écoulèrent, et la vénération pour la statue miraculeuse ne fit que s'accroître. Bientôt une pieuse tertiaire, respectée de tous pour sa vertu ainsi que pour sa charité envers les pauvres malades, et connue dans le quartier sous le nom expressif de Marie de Bonne Garde, entreprit d’élever a la Mère de Dieu un monument plus digne de sa grandeur et de l’amour de son peuple. Elle fit appel aux Voisins, qui entrèrent dans ses vues et se montrèrent généreux. Ses parents lui vinrent en aide les premiers ; et le gouverneur de Nantes, Charles de la Porte, duc de la Meilleraye et maréchal de France,joignit ses largesses aux aumônes des habitants de Pirmil. Le 4 novembre 1657, l’édifice était achevé, et l’on y célébrait, pour la première fois, la sainte messe.

Le sanctuaire bâti, la piété le décora, et bientôt la petite chapelle posséda de beaux ornements, des calices, des ciboires, libéralement offerts par les pèlerins. Ceux-ci accouraient de plus en plus nombreux ; de toute la contrée avoisinante, on venait avec empressement à Notre Dame de Bonne Garde. Le peuple avait récompensé le zèle de la pieuse tertiaire, en donnant son nom à l’oratoire qu’elle avait élevé. Saint-Sébastien s’y rendait chaque année en pèlerinage, et les paroisses voisines l’imitèrent plus d’une fois. Le concours du peuple rendit nécessaire la présence d’un prêtre qui fut attaché au service de la chapelle. Une confrérie y fut établie en l’honneur de la sainte Trinité, et y célébrait solennellement ses fêtes. Chaque soir, au son de l'Angélus, les fidèles aimaient a se réunir aux pieds de la Bonne Mère, et l’on conserve encore, après plus d'un siècle, le souvenir et le nom d’un pieux laïque qui présidait a la récitation du chapelet et au chant du cantique.

Comme tous nos autres sanctuaires, la chapelle de Bonne Garde eut à souffrir de la Révolution ; elle aussi fut dépouillée de toutes ses richesses, elle aussi fut vendue, elle aussi vit sa statue miraculeuse menacée par des mains sacrilèges. Dieu toutefois ne permit pas que la ruine fût complète. Un courageux chrétien sauva la chère statue, et la chapelle ne fut pas détruite.

Les mauvais jours passés, les fidèles continuèrent a visiter Notre Dame de Bonne Garde ; mais les splendeurs de son culte étaient bien amoindries. Un saint prêtre, tout dévoué à Marie, et dont le nom est encore vénéré dans la paroisse de Saint Jacques, M. l'abbé Durand, devait renouveler, par son exemple et par son zèle, cette antique dévotion. Plus d’une fois, en temps de sécheresse, dans les dangers d’une terrible inondation, sous la menace du choléra, il invoqua solennellement par des neuvaines la gardienne de sa paroisse, et Marie justifia toujours les promesses de son nom.

Mais la chapelle tombait en ruines, et les agents de la voirie menaçaient de la faire disparaître. Le zélé pasteur fit appel à ses paroissiens, et bientôt un élégant édifice vint prouver à tous que Marie ne s’était pas trompée en choisissant ce lieu pour sa demeure, et que ce peuple conserve fidèlement dans son cœur l’amour que ses ancêtres portaient à Notre Dame de Bonne Garde.

Chaque année, depuis lors, les habitants de Saint Jacques y célèbrent sa neuvaine de l’Ascension à la Pentecôte ; chaque mois, au temps du moins où règne la liberté, ils s’y rendent en procession ; souvent aussi, malgré l’éloignement de ce faubourg, les fidèles de Nantes vont visiter la gracieuse chapelle, et je ne doute pas que vous tous, qui m’écoutez, vous n’ayez fait de pieux pèlerinages à Notre-Dame de Bonne Garde.


Jadis, au soir de la première communion, les enfants aimaient a se rendre dans la chapelle de Bonne Garde et s’y consacraient ensemble à la Vierge Marie. C'était une touchante pensée : Marie n’est-elle pas, en effet, la meilleure gardienne de leur foi et de leur vertu ? Tous les hommes courent des dangers, tous ont besoin de se placer sous l’égide de Marie, et Marie les protège tous. N’est-il pas vrai cependant que la jeunesse est plus exposée ? Que la jeunesse a plus à craindre pour sa foi et pour sa vertu ? La jeunesse court plus de dangers, parce qu’elle est plus ignorante et qu’elle côtoie les abîmes avec une insouciance qui fait trembler ; la jeunesse court plus de dangers parce qu’elle est plus faible et qu‘elle n’a pas encore acquis les bonnes habitudes qui rendent la vertu plus facile, la résistance plus forte ; la jeunesse court plus de dangers parce qu’elle est l’avenir, l’espérance, et que l’Enfer, le monde, les méchants cherchent à l'accaparer et multiplient les pièges sous ses pas ; la jeunesse court plus de danger parce qu’elle est à l’âge où le sang bouillonne, où les passions s'allument, où le cœur et la chair tressaillent. La jeunesse, plus encore que l’âge mûr, a donc besoin d’être gardée par Marie.

Or Marie aime la jeunesse, et je ne crains pas de dire qu’il y a dans son cœur une place de prédilection pour les jeunes. Est-ce qu’une mère, qui aime tous ses enfants, ne montre pas cependant une sollicitude plus empressée pour les dernier-nés, parce qu’ils sont plus faibles, parce qu’ils ont davantage besoin de ses bras ? Ainsi Marie. Je ne sais si je m’abuse, mais il me semble que Jésus a voulu cela. Pourquoi, lorsque du haut de sa croix il lui a donné tous les hommes pour enfants, les lui a-t-il confiés dans la personne de saint Jean, le plus jeune des apôtres, sinon parce qu’il voulait ainsi désigner principalement les jeunes a sa tendresse de mère ?

L’Eglise sait cela, les mères aussi : de là tant de petits enfants voués à la sainte Vierge ; de là les consécrations au soir de la première communion ; de là les congrégations de jeunes gens et de jeunes filles, rangées sous la bannière de Marie... Donc, vous qui êtes jeunes, confiez-vous à Notre Dame de Bonne Garde ; vous qui avez des enfants et qui redoutez pour eux l’âge des tempêtes, confiez les à Notre Dame de Bonne Garde.

Je remarque aussi dans l'histoire de notre modeste sanctuaire qu’on venait y demander à Marie sa protection contre la mort subite et, par là-même, la grâce d’une mort chrétienne ; que beaucoup de marins s’y rendaient de Rezé et des rives de la Loire pour réclamer son secours dans la tempête ou la remercier de son assistance.

Comme je comprends cette prière ! N’est-il pas vrai que si Marie nous garde, ce doit être surtout à l’heure de la mort. Avant de remonter au ciel, Jésus disait à son Père : « Ceux que vous m‘avez donnés, je les ai gardés, et aucun d’eux ne s’est perdu, si ce n’est le fils de perdition, afin que l'Ecriture fût accomplie ». Le désir de Marie, c’est de répéter à Jésus la même parole : « Ceux que vous m’avez donnés, je les ai gardés et aucun d'eux ne s’est perdu ». Aussi comme elle veille sur ses enfants ! C’est surtout a la mort qu'ils risquent de se perdre ; c’est surtout à la mort qu’ils ont besoin d’être gardés. Voilà pourquoi nous lui disons chaque jour : « Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ».

Répétons souvent cette prière et ne manquons pas de nous recommander, en ce moment qui décidera de notre éternité, à Notre Dame de Bonne Garde.

 

ND de Nantes

 

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21 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Vingt-deuxième jour

Notre Dame de Toutes Aides


Les Notre Dame de Nantes sont nombreuses. Il en est une, connue depuis longtemps, chère à la piété de nos aïeux, qui ne parait pourtant pas avoir jeté beaucoup d’éclat dans le passé. Mais, depuis une trentaine d’années, elle a primé toutes les autres, et il semble que Marie l’ait choisie pour remplacer dans la vénération du peuple cette collégiale de Notre-Dame, si célèbre autrefois et a jamais disparue. J’ai nommé Notre Dame de Toutes Aides. Est-il besoin de vous rappeler son histoire que vous connaissez tous ?

La légende, restée dans la mémoire des habitants voisins, apporte qu’au moyen âge, vers le Xe ou le XIe siècle, au moment où la guerre désolait continuellement nos contrées, une duchesse de Bretagne, nommée Constance, s’était réfugiée dans un château, situé aux portes de Nantes, sur le territoire de Doulon. Pressée par l’ennemi, la pieuse princesse fit un vœu à Marie, et lui promit une chapelle pour prix de sa délivrance. La duchesse fut exaucée, et elle éleva en l’honneur de sa protectrice la chapelle promise à laquelle elle donna le nom de Notre Dame de Toutes Aides.

Les fidèles de cette époque et des siècles suivants y vinrent implorer l’assistance de la Reine du Ciel, et la ville de Nantes, qui possédait déjà bien des sanctuaires consacrés à Marie, ne dédaigna point celui-là. Dès le début du XIIe siècle, l’évêque Benoît établit une procession annuelle du chapitre de sa cathédrale à l’église paroissiale de Doulon, et peu à peu s'introduisit l'usage de. faire une station à la chapelle vénérée de Toutes Aides. Dès lors, l’Annonciation avait été adoptée pour fête patronale, et de nombreux pèlerins, venus de tous côtés, se rendaient ce jour-là au petit sanctuaire.

Au commencement du XVIIe siècle (1610), la chapelle tombait en ruines. Les habitants de la paroisse de Saint-Clément et spécialement de Richebourg pétitionnèrent auprès du Bureau de ville, afin qu’il la rebâtit à ses frais. La chapelle était sur le territoire de Doulon ; mais les Nantais avaient une telle vénération pour elle, que la municipalité n’hésita pas à faire la dépense de cette reconstruction. Preuve évidente et sans réplique de la popularité de ce pèlerinage. À la suite de cette réfection, on érigea une confrérie de Notre Dame de Toutes Aides.

Le sanctuaire tant aimé possédait un chapelain. En outre, les prêtres irlandais y allaient aussi célébrer la sainte messe, et continuèrent leur service durant les premières années de la Révolution.

Bientôt, comme toutes les autres, la chapelle fut fermée. Elle semblait devoir passer inaperçue, protégée qu’elle était alors par l’éloignement de la ville et par l’amour des habitants voisins. Il n’en fut rien pourtant. Des soldats vinrent un jour la saccager. Ils voulurent porter une main sacrilège sur l’antique statue ; mais Marie défendit son image. L'échelle qu'ils avaient appliquée contre. la muraille se brisa sous le poids du malheureux qui s’était chargé de ce criminel attentat. Ses camarades l'emportèrent dangereusement blessé ; et personne depuis n’osa s’attaquer à la puissante madone. La chapelle fut vendue, il est vrai, mais cinq familles chrétiennes du voisinage s’étaient cotisées pour l’acquérir, et, plus heureuse que celles de Miséricorde et de Bon Secours, elle fut sauvée de la tourmente.

Dès que le calme fut rétabli, on y célébra la sainte messe ; et l’on parle encore de l’éclat avec lequel y fut solennisée la fête de Noël, en 1799. Beaucoup de Nantais étaient accourus pour y prendre part, et cette cérémonie, toujours si touchante et si pieuse, fut plus émouvante encore après un si long deuil.

Cependant l’oratoire ne fut rendu au culte public qu’en 1828. Les pèlerinages reprirent, et c’est à cette époque que des marins nantais, sauvés par l’intercession de Notre Dame de Toutes Aides, vinrent nu-pieds au sanctuaire vénéré, pour témoigner leur reconnaissance et offrir en ex-voto un petit navire que l'on y voit encore.

Le quartier de Toutes Aides fut érigé en paroisse, dans le courant de l’année 1873. Quelques mois plus tard, un grand pèlerinage était organisé, pour le jour de la fête patronale. Mgr Fournier présidait, tout radieux de voir la foule immense et de sentir l’âme de ses chers Nantais à l’unisson de la sienne. « Que vous êtes heureux ! Monseigneur ! » lui dit alors un prêtre étranger qui se trouvait il ses côtés, « quel peuple vous avez ! » A la fin du jour, le prélat enthousiasmé exprimait l’espoir de couronner bientôt solennellement l’antique statue : Il n’y en a qu’une comme cela dans le diocèse, disait-il familièrement.

En trois ans, s’éleva la ravissante église que vous connaissez tous. Mais ceux qui entreprirent cette œuvre eurent la touchante pensée de conserver le pauvre et vieux sanctuaire construit par la Mairie de Nantes. On édifia l’église paroissiale a côté, et l’on ouvrit de solides arcades dans le mur qui les séparait. Puis un artiste au goût délicat transforma délicieusement l‘intérieur de l’ancienne chapelle où la madone, drapée, comme au moyen âge, dans son manteau d’azur, continue de sourire à ses enfants.

Mais Notre Dame de Toutes Aides n‘avait pas encore vu son plus beau jour. Sollicité par Mgr Le Coq, Léon XIII accorda a la chère statue l‘insigne honneur du couronnement solennel. Il vous souvient, mes Frères, de la joie qui fit tressaillir alors le cœur des Nantais, de l’appel enthousiaste adressé par l’Evêque a ses diocésains, des bijoux et des pierres précieuses offerts par la piété de tous pour faire un vrai diadème de reine a la Dame de Toutes Aides ? Il vous souvient aussi de la pompe royale du grand jour ? Une estrade avait été dressée, à l’endroit que marque encore un pétit monument ; la madone rajeunie y fut placée sur un trône : dix évêques, des centaines de prêtres, cent mille hommes formaient son cortège. La messe fut célébrée sous la voûte du ciel, l’éloquence chrétienne retentit par la bouche d’un grand et saint prélat, puis le silence se fit et l’ange de l’Eglise de Nantes déposa le diadème d’or sur le front de la Reine... Quel spectacle ! et quels applaudissements ! Quels vivats !

Le soir, Notre Dame de Toutes Aides, portée sur les épaules de ses fidèles, parcourut la plupart des rues de la paroisse, transformées en allées triomphales ; d’élégants arceaux de mousseline et de fleurs décoraient la longue voie qui conduit a la chapelle, on eut dit une voûte ininterrompue, un de ces cloîtres mystérieux du moyen âge, taillés en dentelle dans le granit, et il semblait que des chrétiens de ces siècles de foi étaient sortis de la poussière des tombes pour acclamer leur Dame : c’était du moins la même foi qui faisait battre les cœurs, le même filial amour qui faisait jaillir des lèvres les acclamations. Notre-Dame, couronne en tête, manteau royal sur les épaules, rentra dans sa maison, purée comme une jeune fiancée pour la recevoir.

Des pèlerinages suivirent, accourus de tous les points du diocèse ; ils ont continué depuis lors et ils continueront longtemps, car la madone de Toutes Aides est bien désormais Notre Dame de Nantes.


Je voudrais vous faire remarquer que notre madone nantaise n’est pas appelée seulement N. D. des Aydes, comme certaines autres, à Blois par exemple, mais N. D. de Toutes Aides. Pourquoi ? Pour nous faire mieux comprendre la bonté de Marie, pour nous mieux révéler la largeur de son cœur.

Ce nom rappelle que Marie est toujours prête à nous aider. Quand Napoléon 1er se fut assis sur le trône de France, il voulut tout enrégimenter, la justice, l’instruction, les cultes, la charité elle-même. Mais ce grand esprit avait su comprendre que ce dernier ministère convenait à la femme, et il en chargea Madame Laetitia Bonaparte, Madame-Mère, comme on disait alors. Puis il multiplia les ordonnances et les décrets pour organiser ce ministère charitable. Il y avait dix-huit siècles que le divin Jésus avait donné cet exemple : il avait gardé pour lui la justice et il avait confié à sa Mère la charité. Mais il n’avait pas eu besoin de lui donner des règlements pour la diriger, il avait fait mieux : il l‘avait proclamée la Mère de tous les hommes et, du même coup, il lui avait donné un cœur de mère pour eux. C’était assez : depuis lors, le Cœur de Marie s’épanche sur ses enfants. Une mère n’est-elle pas toujours prête, et de jour et de nuit, a venir en aide à ses enfants ? Ne suffit-il pas d’un appel, d’un cri, d’un soupir pour qu’elle vole a leur berceau ? Telle Marie : il suffit d’une prière, d’un cri de détresse pour qu’elle accoure; et c’est ainsi qu’elle est d’abord Notre Dame de Toutes Aides.

Ce nom rappelle que Marie donne son aide à tous. Une mère, une vraie mère, prend soin de tous ses enfants, elle n’a de prédilection que pour les plus malheureux et les plus faibles. Ainsi fait Marie. Elle aide tous les hommes, car ils sont, tous, ses enfants ; peut-être cependant incline-t-elle plus volontiers son Cœur et sa main vers les malheureux, les pauvres, les affligés, tous ceux qui souffrent, tous ceux qui pleurent. Bien plus, elle écoute volontiers les saints et les enveloppe de tendresse... On pourrait presque dire que les pécheurs sont ses privilégiés. N’est-elle pas mère et ne sont-ils pas les plus malheureux ?

Ce nom rappelle que Marie donne toutes les aides possibles, c’est-à-dire qu’elle prend tous les moyens pour nous assister, qu'elle nous accorde toutes les variétés de grâces et de faveurs. Passez en revue les ex-voto qui tapissent les murailles de ses sanctuaires ; quel tableau des misères humaines ! Quel tableau des aides apportées par Marie !

Ce nom rappelle enfin que Marie est toute-puissante pour nous aider, qu’elle est l’avocate des causes désespérées, la toute puissance suppliante, omnipotentia supplex. Aimons-donc ce vocable et plaisons-nous à redire chaque jour : « Notre Dame de Toutes Aides, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

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19 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Vingtième jour

Notre Dame de Miséricorde

 

Notre piété ne peut plus s'épancher sous les voûtes et dans les nefs gracieuses de l’église royale et collégiale de Notre-Dame de Nantes : le temps a renversé l'œuvre élégante des rois et des ducs. Le temps n’a pas davantage épargné l’église plus humble et non moins aimée de Notre Dame des Carmes. il a du moins respecté la modeste statuette que nos pères vénéraient sous le nom encourageant de Notre Dame de Miséricorde ; et il n‘a fait qu’accroître la dévotion du peuple nantais envers cette chère madone. C'est d‘elle que je viens vous entretenir ce soir.

Vers le huitième siècle, une. forêt immense s‘étendait à l'ouest de Nantes et s‘avançait jusqu‘aux abords de la colline du Martray. Le manoir dela Cour Cattuy, dont le peuple dit volontiers que c’est un ancien rendez-vous de chasse des ducs de Bretagne et qui existe encore rue des Hauts-Pavés, semblerait en marquer les limites.

Un dragon, bête monstrueuse et féroce, assez semblable à un serpent ou à un crocodile, s’y était établi, au dire de la légende, et, de cette retraite impénétrable, jetait partout la désolation. Les troupeaux étaient décimés, les hommes eux-mêmes n’étaient pas épargnés. Malheur au voyageur ou au paysan qui se hasardait dans les étroits sentiers de la forêt : il était irrémédiablement perdu.

Les Nantais font vœu à Marie de lui élever un sanctuaire, sous le vocable de Notre-Dame de Miséricorde, si elle les délivre de ce fléau. Confiants dans la protection de la Vierge, les trois plus honorables habitants de la cité s’offrent pour combattre le monstre. Ils parlent ; le premier est victime de son courage, il tombe sous la dent du dragon ; mais c’est en vain que celui-ci tourne ensuite sa fureur contre les deux autres assaillants, il tombe à son tour, mortellement frappé.

L’Evéque vint alors, à la tète du clergé et du peuple, poser la première pierre de la chapelle votive; et il emporta, comme témoignage de la protection de Marie, la mâchoire du monstre, qui fut placée dans un étui d’argent et conservée jusqu’à la Révolution, dans le trésor de la Cathédrale.

La piété nantaise pourvut a la construction de la chapelle et veilla, pendant des siècles, à son entretien. Deux fois au moins, sous l’effort du temps, ses vieux murs menacèrent ruine ; deux fois elle fut soigneusement rebâtie. Les fidèles s’y rendaient fréquemment en pèlerinage ; les processions ne partaient pas seulement de la ville, il en venait des paroisses plus éloignées du comté nantais, il en venait même, au témoignage du chanoine Vincent Charron, de l’Anjou et du Poitou. Notre Dame de Miséricorde répondait a cette confiance, et le même auteur rapporte trois miracles obtenus, aux XVIe et XVIIe siècles, par son intercession. Deux furent accomplis dans la ville de Nort, qui semble avoir aimé d’un amour tout spécial la madone nantaise, et l’un des miraculés, riche marchand tiré des portes de la mort où l’avait conduit une grave maladie, vint visiter notre chapelle et y laissa un tableau qui le représentait aux pieds de la « Mère de bonté ». Le troisième fait cité par le vieux chroniqueur concerne un gentilhomme du comté nantais qui, revenant d'Espagne, fut assailli sur mer par une furieuse tempête. Menacé de périr, il jeta un cri de détresse vers Notre-Dame de Miséricorde. Marie entendit sa prière, et le voyageur, en témoignage de sa reconnaissance, fit placer dans la chapelle un tableau, où il était représenté sur le pont d’un navire battu par la tempête.

Faut-il s’étonner, après cela, que ce doux vocable se fût répandu au loin dans le diocèse de Nantes, et que l’on honorât presque sur tous les points Notre-Dame de Miséricorde ? Au premier rang, la Cathédrale : un chanoine, vénérable et discret missire Jean Berhault, « pour la grande dévotion qu’il portait à la Saincte Vierge, sa spéciale patrone », fit construire, au XVe siècle, « une belle chappelle sous l’invocation de Nostre Dame de Miséricorde, de sainct André, apostre, et de sainct Martin, évesque de Tours » ; il voulut y être enterré aux pieds de sa bonne Mère et fit, en son honneur, une fondation perpétuelle de deux messes par semaine. On trouvait aussi ce vocable à Sainte-Pazanne, à Trescalan, à Herbignac ; et nos ducs de Bretagne, qui possédaient une résidence au Gâvre, avaient voulu que leur chapelle, plus tard église paroissiale, fût dédiée à Notre Dame de Miséricorde.

Au XVIIe siècle, un évêque de Nantes établit à Miséricorde une confrérie en l’honneur de saint Michel, le vainqueur de l'internat serpent ; puis, quelques années plus tard, un autre prélat, évêque irlandais, exilé pour la foi, inaugura, dans le petit sanctuaire soigneusement restauré, la célèbre neuvaine qui se célèbre encore à Saint Similien, de l’Ascension à la Pentecôte.

À la Révolution, la chapelle est vendue, puis démolie. Il n’en reste aucune trace. Elle s’élevait sur la petite place qui précède l’entrée du cimetière qui porte encore son nom. Mais la statuette vénérée par nos ancêtres avait été sauvée. Une pieuse tertiaire, « la bonne sœur Jeanne », qui s’occupait de la chapelle, l’avait soustraite à la profanation, et elle est aujourd’hui conservée précieusement dans l’église paroissiale, où la piété nantaise honore, avec plus d’ardeur et d’amour que jamais, Notre-Dame de Miséricorde.


Ce titre, si consolant et si encourageant pour nous, est donc bien un titre nantais. Cependant nos pères ne l’avaient pas inventé ; ils l’avaient emprunté aux usages de l’Eglise universelle qui, dès longtemps, honore d’un culte pieux Notre Dame de Miséricorde, et qui depuis l’a placé dans ses Litanies : « Mater Misericordiæe, ora pro nobis ». Comment traduire cette location latine ? Elle a deux sens, et les deux sont également beaux.

Elle veut dire : « Mère de la Miséricorde ». Mais la Miséricorde, n’est-ce pas Jésus, n’est-ce pas le Fils de Dieu fait homme, qui a si bien mérité par son amour pour les pécheurs d’être regardé comme la Miséricorde en personne ? La Mère de la Miséricorde, c’est donc la Mère de Jésus, c’est donc la Mère de Dieu; mais ce n’est pas la Mère du Dieu terrible, ce n’est pas la Mère du Dieu de justice et de vengeance ; c’est la Mère du Dieu d’amour, dont le cœur déborde de pitié pour les pauvres pécheurs.

Mater misericordiæ a un autre sens, plus généralement adopté, il veut dire : »la Mère de Miséricorde », c’est-à-dire, la Mère miséricordieuse et bonne. N’est-il pas naturel d'ailleurs que la Mère d’un Dieu si bon soit elle-même remplie de miséricorde et de bonté ?

Aimons donc a nous servir de ce touchant vocable, nous tous surtout qui sommes livrés au péché : c’est la leçon qui ressort, en effet, tout naturellement de notre dévotion nantaise. Ce dragon, qui dévore tous ceux qui l’approchent, c‘était l’image du démon, le serpent infernal, qui rôde sans cessa autour de nous pour nous dévorer, et qui, trop souvent hélas ! Nous donne la mort avec son venin. Ils avaient compris combien ce rapprochement était naturel, ceux qui avaient établi dans notre chapelle la confrérie de Saint-Michel, le vainqueur de Satan.

Mais Marie aussi a vaincu le serpent dont son pied virginal continue d’écraser la tête maudite. Elle est forte contre lui, et communique à ceux qui l’invoquent la force pour le vaincre. Elle est de plus le refuge suprême de ceux qu’il a vaincus, elle est la dernière espérance des pêcheurs, et c’est à cause de ses bontés maternelles pour ces pauvres malheureux qu’elle a Surtout mérité d’être appelée Mère de Miséricorde.

Elle accueille les bras ouverts et presse sur son cœur, que la pitié fait battre et plus encore l’amour, les plus coupables, les plus flétris, et c’est merveille de voir, dans les annales qui enregistrent ses bienfaits, le nombre et la désespérante malice des criminels qu’elle a sauvés. Mais en outre comment dire le peu qu’elle exige d’eux pour les tirer de la l‘ange et les arracher à l’enfer Une médaille à leur cou, un scapulaire sur leurs épaules, un Ave sur leurs lèvres déshabituées de la prière, un cierge brûlant a son autel, une neuvaine ou un pèlerinage entrepris par la mère, la femme ou la fille du pécheur, et le cœur de Marie est touché, et elle insinue le repentir dans l’âme du coupable, et elle lui donne la main pour le conduire à Dieu.

Nous donc qui sommes pécheurs, et nous qui gémissons de voir des pécheurs a nos côtés, sous notre toit, parmi ceux qui nous touchent de plus près, tournons nos regards vers Marie, mettons notre espérance en elle, et ne nous lassons pas de redire la prière que les Nantais répètent depuis douze siècles : « Notre Dame de Miséricorde, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

 

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18 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Dix-neuvième jour

Notre Dame du Mont Carmel

 

D'après certaines traditions, un oratoire aurait été bâti en l'honneur de la sainte Vierge, avant son Assomption, par des disciples du prophète Elie, groupés en une sorte de communauté, sur le Mont Carmel. C‘est pour cela que les Carmes, qui prétendent tirer leur origine de cet ordre antique, ont toujours été regardés comme les premiers et les plus fervents serviteurs de Marie.

Ces religieux s‘établirent à Nantes, en 1318. Thébaut de Rochefort, vicomte de Donges, les avait appelés et les reçut dans son hôtel de Rochefort. Toutefois cette maison, qui devait être donnée plus tard aux religieuses de Sainte Claire par une descendante de Thébaut, Françoise d'Amboise, n‘abrita les Carmes que durant neuf années. En 1327, ils allèrent occuper une autre propriété du vicomte, située « entre la maison de Guillaume Lallier, dans la rue de Verdun, et la rue qui conduit à la porte de l’Echellerie ». C’est là qu’ils s’établirent définitivement, qu’ils bâtirent un couvent, une église, qu’ils fondèrent enfin une confrérie de Notre Dame du Mont Carmel.

Dés le principe, les ducs de Bretagne et les habitants de Nantes se montrèrent favorables à ces religieux et prirent l’habitude d’aller dans leur église invoquer Notre-Dame. Mais ce qui donna surtout l’essor à leur dévotion, ce sont les faits merveilleux, racontés par Albert Le Grand, d’après les archives des Carmes.

C'était le jour de saint Maurice, 22 septembre 1365, Jean le Conquérant, IVe du nom, duc de Bretagne, faisait solennellement son « entrée ducale » dans sa bonne ville de Nantes. Toutes les fenêtres étaient garnies de curieux, les rues étaient noires de monde, la foule était immense, si bien que les archers de la garde de son Altesse avaient bien de la peine a mettre un peu d’ordre et à ouvrir un passage au cortège. Comme le duc pénétrait sur le carrefour des Changes, un déplorable accident vint attrister la fête. Des curieux imprudents, des enfants surtout, avaient envahi la margelle du grand puits qui se trouvait alors au milieu de cette place. Un fort remous se produisit dans la foule, à l’arrivée du prince, et un jeune enfant tomba dans le puits. On se hâta de l’en tirer ; mais un pareil sauvetage demandait du temps. Quand le petit corps réapparut au-dessus de la margelle, ce n’était plus qu’un cadavre. Il faisait « compassion aux assistants », rapporte notre chroniqueur. Mais que dire de la pauvre mère quand on lui remit le corps inanimé de son enfant qui tout à l’heure était plein de vie ? Sa douleur était navrante et tirait les larmes des yeux. La foi du peuple parut alors. « On lui conseilla de vouer son enfant mort à Notre Dame du Mont Carmel, laquelle ne dénie son assistance à personne de ceux qui ont recours à elle en leurs afflictions ». L’église des Carmes n’était qu’à quelques pas, la malheureuse femme y courut, portant dans ses bras le cadavre glacé de son enfant. Sans hésiter, elle posa le corps sur l'autel même de Notre-Dame, puis tombant a genoux, avec ses larmes plus encore qu’avec la voix, elle demanda un miracle a la bonne Mère. Marie pouvait-elle repousser une telle prière ? Sur-le-champ, l‘enfant ressuscita, en présence de la foule qui avait suivi la pauvre mère, et qui était là, haletante.

On devine avec quelle ferveur enthousiaste ce bon peuple remercia Notre-Dame ; on devine aussi le bruit que fit cette merveille. Toute la ville était sur pied, ce fut connue une traînée de poudre. Cependant tous n’avaient pas vu, et, dès ce temps-là, il y avait des incrédules. Le lendemain, des passants, attroupés devant la boutique d’un cordonnier, s’entretenaient avec animation du miracle arrivé la veille. L’artisan prête l’oreille a la conversation, puis, avec cet air tranchant des sceptiques, déclare qu’il n’en croit pas un mot, que c’est un faux bruit que les moines font courir pour se donner du crédit, et il ajoute : « Qu’ils aillent au diable ces moines, avec leur Nostre Dame du Mont Carmel ». À peine avait-il proféré ce blasphème que, par un mouvement inconscient, il enfonça son alène dans la paume de sa main. L’instrument s’y fixa si solidement que personne ne put l’arracher, « quelque effort que l’on y fist. Le duc y envoya ses médecins et chirurgiens qui ayant visité le patient, et tasché en vain de le soulager, rapportérenl qu'il y avait du surnaturel, et que c‘était une juste punition de son blasphéme ». Le malheureux demeura vingt-quatre heures dans cet état, avec des douleurs atroces. Enfin il rentra en lui-même, reconnut l‘énormité de sa faute, et demanda qu’on le conduisit à Notre Dame des Carmes. Arrivé devant l’image de la Vierge, il se prosterna dévotement « et versant un torrent de larmes, confessa publiquement sa faute, demanda pardon à la sainte Vierge et la supplia de luy obtenir la santé. Il n’eut pas plus-tôt fait cette petite satisfaction que l’aléne lui tomba de la main sur le marchepié de l’autel, et la playe fut incontinent guérie, dont il rendit grâces à Dieu et a sa très saincte Mère ».

A la suite de ces faits merveilleux, la confiance des Nantais en Notre Dame des Carmes ne pouvait manquer de s’accroître. Celle des ducs s’en accrut aussi. Tous les princes de la maison de Montfort devaient en donner des preuves, mais c’est Jean V qui brille au premier rang.

J’ai dit la trahison des Penthièvre et l’emprisonnement du duc dans la forteresse de Châteauceaux. Un jour que la mère des traîtres, la vindicative Marguerite de Clisson, lui avait adressé les plus terribles menaces, elle termina par ces paroles sinistres : « La mort, le cachot, la torture, tout se prend en patience, avec bon courage ! » Le duc, qui n'était pas très brave, se prit a trembler. Mais il était « grand serviteur de la Mère de Dieu, laquelle lui avait, en plusieurs occasions, fait ressentir les bénignes influences de. sa faveur » ; il se souvint de Notre Dame des Carmes et fit vœu, si par son intercession il était délivré de cette captivité et de ce péril de mort, de lui donner son poids d’or et d’argent. À peine rentré à Nantes, Jean V, reconnaissant, se rendit aux Carmes. « Il fit célébrer la messe sur l’autel de Notre-Dame, à laquelle il communia, puis, en présence des prélats, barons, princes, seigneurs et autres de sa cour, des religieux Carmes et de tout le peuple, il se fit armer de son harnois de guerre, le heaume en tête, timbré des couronne et trophées de Bretagne, et ainsi tout armé entra dans l'une des balances et y fit encore mettre le harnois et caparaçonnement de son cheval d'armes, et charger l’autre bacin des balances d'or et d’argent, tant en monnaye, lingots, que vaisselle, jusqu’à ce que le poids l’enlevast, et de plus fit donner a chaque religieux cinq florins d'or ». Le duc, ainsi armé, pesait 380 mares. Tout son trésor y passa, avec une grande partie de sa vaisselle, et il lui fallut mettre en gage les joyaux de la couronne. « De cet or et argent, on fit faire une image de Notre Dame devant laquelle était l’effigie de ce Prince à grandeur d'homme, à genoux, les mains jointes, et d'autre costé estait représenté, en argent, le château de Champtoceaux avec ses tours, portaux, etc.. ., et furent posez devant l’autel de N.-Dame ».

Hélas ! Ce précieux monument n'eut qu'une durée éphémère: le successeur de Jean V, se trouvant court d’argent, le fit porter à la monnaie, en donnant toutefois des dédommagements aux Révérends Pères. Ceux-ci durent se contenter de mettre à sa place une reproduction en bois, qui se voyait encore au XVIIe siècle, en avant du premier pilier de leur église.

La dévotion de nos ducs envers N. D. des Carmes ne diminua point cependant ; la plupart d’entre eux tirent des fondations dans son église, et le dernier, François il, y fut inhumé avec ses deux femmes, Marguerite de Bretagne et Marguerite de Foix. La reine Anne, sa fille, lui fit sculpter, par Michel Columb, le magnifique mausolée que nous admirons encore, dans la Cathédrale, sous le nom de Tombeau des Carmes.

Les Carmes étaient fiers de la protection des ducs, et l’on voyait dans leur sceau, avec la Vierge-Mère devant laquelle se tenait un religieux a genoux, l‘écu et les hermines de Bretagne. Ils étaient fiers aussi de la bienveillance du Bureau de ville et de l'amour du peuple. A chaque fois que leur couvent ou leur église avaient besoin de réparations. le Bureau leur accordait de larges subventions, et dans les joies, comme dans les calamités publiques, le peuple se pressait aux pieds de N. D. des Carmes. C’est ainsi que, lors du siège de Nantes par les Français, en 1487, il s'y rendit en pèlerinage ; c’est ainsi que, pour remercier Notre-Dame de la naissance du Dauphin, qui devait être Louis XIV, la procession générale se dirigea vers l‘église des Carmes.

Hélas ! De cet établissement, si riche en souvenirs, plus rien ne subsiste aujourd’hui, plus rien, que ces souvenirs eux-mêmes ! Et combien sont-ils, dans la foule qui passe, à les connaître ? En 1802, l’église fut transformée en théâtre, puis bientôt démolie ; et cela vaut mieux. La rue des Bons Français traverse l’enclos, et le chercheur qui la parcourt, ainsi que les rues des Carmes et du Moulin, promène en vain ses regards à droite et à gauche: les ruines elles-mêmes ont péri.


La dévotion à Notre Dame du Mont Carmel n'a pas péri cependant chez nous. Vous savez comment elle se manifeste, par l'entrée dans sa confrérie, par la réception du Scapulaire qui lui est consacré. Donné par la Vierge elle-même à un religieux Carme, dés le XIIIe siècle, enrichi par les Souverains Pontifes de précieuses indulgences, aimé des fidèles qui ont maintes fois entendu raconter la protection exercée par Marie sur ceux qui sont exacts à le porter, le scapulaire du Mont Carmel est répandu dans toutes nos paroisses. Nos curés ou nos missionnaires l’imposent d’ordinaire aux enfants, le lendemain de leur première communion ; et beaucoup se font un devoir de porter, pendant toute leur vie, ce gage des faveurs de Marie. J’aime à croire que vous êtes de ceux-là ; j’aime à croire que vous répétez souvent, que vous répéterez plus souvent encore la prière que la pauvre mère des Changes et le peuple nantais disaient aux jours lointains du XIVe siècle : « Notre Dame du Mont Carmel, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

 

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17 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne13

Dix-huitième jour

Notre Dame de Consolation

 

La sainte Vierge règne dans le ciel par la gloire ; elle règne dans le Purgatoire par la bonté. Aussi nos pères ne pouvaient-ils manquer de l'associer à leurs prières pour les trépassés.

La plupart de ces puissantes confréries, si nombreuses dans les siècles passés et tant aimées de nos ancêtres, avaient sans doute pour but de commémorer un mystère ou d’honorer un saint ; toutes s'appliquaient en même temps à multiplier les prières pour leurs membres défunts. Je n’ai pas besoin de remarquer qu’il en était ainsi particulièrement dans les confréries de la sainte Vierge. Ce que nous avons dit de celle de la Chandeleur suffirait largement à le prouver, puisque les messes et services qu’on y faisait dire chaque année pour les confrères défunts se chiffrent par centaines. Mais nous n’avons pas à revenir sur votre célèbre confrérie ; mentionnons plutôt une autre dévotion nantaise qui avait, je le crois du moins avec l'abbé Lagrange, un double objet, honorer Marie et soulager les âmes du purgatoire, je veux dire Notre-Dame de Consolation.

La madone au nom si doux pour les cœurs affligés, et devant laquelle les mères désolées, les veuves, les orphelins, tous les endeuillés devaient s’agenouiller si volontiers, avait son autel et sa confrérie dans l’église de Sainte Croix.

L’histoire ne nous a transmis aucun détail sur l’origine de cette dévotion dans notre ville. Peut-être le bruit des miracles qui se multipliaient à Rome, au pied d’une image de la sainte Vierge que le peuple, bien inspiré dans sa reconnaissance, appela Notre-Dame de Consolation, donna-t-il à la piété de nos pères l’occasion d‘introduire ce vocable chez nous. Ce qui est incontestable, c’est que les miracles commencèrent à Rome en 1471, et que Notre Dame de Consolation était vénérée à Nantes quelques années plus tard. M. Lagrange affirme qu'on la trouve mentionnée dés l'année 1489, et le procès-verbal d'une visite épiscopale, daté de 1638, fait remonter la fondation de notre confrérie à 1492 ou environ. Elle était donc plus jeune que sa sœur de Saint Nicolas, mais d’âge bien respectable encore.

Pour le service de la confrérie, on chante tous les samedis une messe de Beatà à l’autel de Notre Dame de Consolation, et une autre à toutes les fêtes de Marie. En outre, « le jour particulier de la feste, qui est la Conception immaculée de la Vierge, il y a procession par la Grande-Rue, et, au soir, vespres des morts, et, le lendemain, service général pour les frères et sœurs décédés ». Ce qui n’empêchait point la célébration d’un service particulier pour chaque confrère, quelques jours après son décès.

Ce n’est pas tout ; outre les cérémonies solennelles établies à son autel par la confrérie elle-même, d’autres y avaient été fondées par des personnes pieuses, probablement des membres dévoués de l'association. C'est ainsi que, le 11 septembre 1518, maître Yves du Bot, médecin, originaire de Josselin et également dévoué à Notre Dame du Roncier, fonde une messe hebdomadaire à l‘autel de Notre Dame de Consolation. ll exerçait a Nantes, sur la paroisse de Sainte Croix, et la rente perpétuelle qu'il léguait pour sa fondation était assise sur sa maison de la Saulzaie. Lui-même nomma le premier chapelain chargé de l’acquitter et régla qu’après lui le droit de présentation appartiendrait aux fabriqueurs de la paroisse. Ceux-ci ne le laissèrent pas tomber et, jusqu’à la Révolution, en ne manqua pas de célébrer, tous les lundis, à l’autel de Notre Dame de Consolatiou, la messe de « maître Yves du Bot ».

C’est ainsi encore que, durant l’année 1637, Missire Pierre Couperic, prêtre, docteur en théologie, chanoine théologal et archidiacre de la Mée, et son frère Jean Couperie, sieur des Jonchéres, docteur en droit, conseiller du Roy et président au Présidial de Nantes, dont les parents avaient été enterrés dans la chapelle de notre confrérie, y faisaient une importante et curieuse fondation. « Désireux de contribuer à l'augmentation du divin service en ladite église parrochialle de Sainte Croix, à la gloire de Dieu et de la sainte Vierge Marie, pour le salut des vivans et repos des trépassez et particulièrement des âmes des deffunts » leurs père et mère, ils établissent ceci : aux sept fétes principales de Notre Dame, savoir : la Conception, la Nativité, la Présentation, l'Annonciation, la Visitation, la Purification et l’Assomption, une messe basse devra être célébrée, a l'autel de Notre Dame de Consolation, à l'issue de la messe paroissiale. Au cas où deux messes solennelles seraient chantées, ces mêmes jours, l’une pour la paroisse, l'autre pour la confrérie, c’est seulement à l’issue de celle-ci que sera dite la messe basse. De plus, au soir de ces mêmes fêtes, après l’office des vêpres, le clergé de Sainte Croix devait, en vertu de la même fondation, chanter un Salut de la Vierge. On se rendait donc processionnellement à l’autel de Notre Dame de Consolation ; deux prêtres de choeur ou du moins deux clercs, ces détails sont spécifiés dans l'acte, doivent chanter « en entier et à haute voix les litanies de Notre-Dame » et tout le clergé paroissial doit chanter aussi la réponse. Après l’Oraison de la sainte Vierge, on chante, toujours au même autel, pour les fidèles trépassés, « le psaume De profundis avec que son Libera et l'oraison Fidelium ».

Le XVIIIe siècle amena la ruine de la confrérie. Un arrêt de justice, du 12 août 1738, prononça sa dissolution, sous prétexte qu’elle n'avait pas de lettres-patentes dûment enregistrées au Parlement. Deux siècles et demi d'existence légale ne suffirent pas a la défendre et ses rentes allèrent grossir les maigres revenus du Sanitat.

Un siècle plus tard, en 1853, une dévotion, différente par le nom, mais née d'une inspiration analogue, était établie à Nantes, dans la chapelle de l’Immaculée Conception : c’est la confrérie bien connue de Notre Dame du Suffrage. Elle poursuit deux buts, inséparables d’ailleurs : assister toutes les âmes du purgatoire et, plus particulièrement, les âmes des associés défunts et de leurs parents ; exciter ses membres, par la pensée de la mort et des expiations qui la suivent, à mener une vie plus chrétienne.

Les fidèles, désireux de venir en aide à leurs défunts, désireux surtout de se ménager a eux-mêmes des suffrages assurés, comprirent aussitôt cette dévotion et s’agrégèrent nombreux à la confrérie. Depuis lors, l’autel spécialement dédié à N.-D. du Suffrage n'a pas cessé d’être visité par les familles en deuil ; depuis lors aussi, la conf'rérie n'a pas cessé d’accomplir ses pieux exercices. Chaque semaine, une messe est offerte aux intentions de l'œuvre. Chaque mois, le premier lundi, la messe est précédée d'une allocution, et le soir ou fait solennellement le Chemin de la Croix, suivi de la bénédiction de la Vraie-Croix et d'une absoute. Chaque année, l'octave des morts y est célébrée par des exercices semblables à ceux du premier lundi. Enfin, au décès de chaque confrère, deux messes basses pour le repos de son âme sont annoncées et dites à l’autel privilégié de Notre Dame du Suffrage.

Depuis 1853, bien des défunts avaient été soulagés par les prières de notre confrérie ; en 1899, on se demanda S’il n’était pas possible de faire davantage. Des âmes, héroïquement oublieuses d'elles-mêmes, abandonnent parfois toutes leurs satisfactions aux âmes délaissées du purgatoire : pourquoi la confrérie ne les imiterait-elle pas, en consacrant une partie de ses ressources au soulagement de ces mêmes âmes ? Hélas ! Que de défunts pour lesquels des familles sans religion et plus souvent sans fortune ne font jamais offrir le saint sacrifice ! La charité serait heureuse de réparer ces cruels oublis, en faisant dire une messe pour chacun de ces délaissés. Cela se fait ailleurs, à Redon par exemple ; une personne riche et profondément chrétienne y a pourvu. La confrérie du Suffrage aurait voulu imiter cet exemple ; mais la ville de Nantes est trop grande et le nombre des indigents y est trop considérable pour qu'il lui fut possible d’accorder a tous cet insigne bienfait. Elle a pensé du moins qu'elle pouvait faire quelque chose, et depuis cinq ans déjà, chaque matin, elle fait célébrer a son autel une messe pour les indigents décédés la veille dans la ville de Nantes. Cette pensée n’est-elle pas touchante, et n’est-il pas vrai que la confrérie de N. D. du Suffrage pourrait s’appeler, comme sa devancière, N.-D. de Consolation ?

Non seulement elle adoucit, mais elle délivre. C’est une pieuse croyance que, le jour de son Assomption, le purgatoire demeura vide, Marie ayant obtenu de son Fils la grâce d‘entrer au Ciel accompagnée de toutes les âmes détenues dans ce lieu d'expiation. Certains auteurs affirment qu’à chacune de ses fêtes, elle descend au purgatoire et délivre une foule d’âmes, choisies principalement parmi celles qui l’ont bien servie sur la terre. Des révélations, qui n'ont point été désavouées par l’Eglise, font croire aux fidèles qu‘elle favorise entre tous les membres de la confrérie du Mont-Carmel, et qu’elle délivre, le samedi d’après leur mort, ceux d’entre eux qui ont porté fidèlement le scapulaire, pratiqué la charité, récité le petit office de la sainte Vierge, observé les jeûnes et l‘abstinence du mercredi.


Marie est bien la consolatrice des âmes détenues dans le purgatoire ; elle est par là-même la consolatrice de ceux qui restent pour quelques jours encore sur cette terre d’exil. Aussi je comprends que la chapelle commémorative élevée naguère, à Paris, sur l'emplacement du Bazar de la charité, ait été dédiée à N.-D. de Consolation. Prions donc Marie pour nos défunts, confions-lui les prières et les suffrages que nous offrons pour leur soulagement, demandons-lui de ne pas nous oublier après notre mort, et répétons, comme autrefois nos pères : « Notre Dame de Consolation, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

 

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16 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne12

 Dix-septième jour

Notre Dame des Anges

 

Pendant quelques années, bien longues, hélas ! Pour son amour, Marie demeura sur cette terre d’exil, après le départ de son Jésus ; et, comme nous le disions hier, elle se consolait de ne plus le voir et l‘entendre par de ferventes communions. Enfin, sonna l’heure de la délivrance et le ciel s’ouvrit pour recevoir sa Reine. C’est là que nous allons la suivre en étudiant Notre Dame des Anges.

Vous n'ignorez point que ce vocable rappelle une dévotion franciscaine et vous ne serez pas surpris d'apprendre, si vous ne le saviez déjà, que l'église des Capucins de la Fosse, dont l’enclos occupait le cours Chambronne et ses abords, était consacrée à Notre Dame des Anges. La première pierre en fut solennellement posée par l'évêque de Nantes, Philippe Cospéan, le dimanche 26 mars 1628. Trois ans plus tard, les religieux ensevelissaient dans son enceinte, avec le concours d’une foule immense de Nantais, un de leurs frères, le Père Archange, de Nantes, observateur très fidèle de la Reigle de sainct François et grand serviteur de la Bien-Heureuse Vierge Marie ». Vincent Charron, qui mentionne sa pieuse mort, ajoute : « Quelques religieux de son ordre mont asseuré que la glorieuse Vierge lui apparut avant sa mort, qu’aussi-tost il se mit en son séant sur sa couche, et joignant les mains il dit intelligiblement le Salma Regina, et que bien-tost après il rendit l'esprit ».

Il s‘agit donc pour vous d'une dévotion tout a fait locale ; et cela est d'autant plus vrai que la délicieuse chapelle, qui termine si heureusement l'abside de votre belle. église, est aussi dédiée à Notre Dame des Anges. Disons toutefois que le pays nantais n'avait pas attendu l'arrivée des Pères Capucins pour adopter cette dévotion, et qu'il la pratiquait depuis au moins deux siècles.

Connaissez-vous l'histoire de Saint François d'Assise ? Il s'éprend d'amour pour une toute petite chapelle, dite de Notre-Dame des Anges ou de la Portioncule, la restaure des dons de la Charité, s’établit à son ombre ; puis il obtient de Notre Seigneur ce que les siècles passés ont appelé le « grand pardon d‘Assise », ce que nous appelons, nous, l’indulgence de la Portioncule. Quiconque, à partir des secondes vêpres de la fête de saint Pierre-ès-liens jusqu’au soir du lendemain, pénétrera et priera dans la petite chapelle, gagnera autant de fois une indulgence plénière. La petite chapelle existe encore, et les foules s’y pressent toujours ; seulement elle est désormais à l’abri des intempéries, dans une superbe basilique, au-dessous d’une gigantesque coupole jetée là par la piété des siècles pour la protéger.

Tous ne pouvaient faire le voyage d'Assise, et, de bonne heure, les Souverains Poutifes étendirent l‘indulgence à d'autres sanctuaires. Un recteur d'Orvault forma le projet de procurer cette faveur à ses paroissiens. Il s'appelait Jean Bernard de la Grée et gouvernait cette paroisse dans la première moitié du XVe siècle. En l‘an de grâce 1436, il jeta les fondements d‘une chapelle ayant exactement la même forme et les mêmes dimensions que celle d'Assise et dédiée connue elle à Notre Dame des Anges. Bientôt la chapelle était achevée, pourvue par son fondateur d'ornements et de vases sacrés, enrichie enfin de la précieuse indulgence. Elle s’élevait, que dis-je ? elle s’élève encore, à un kilomètre environ au-delà de l’église paroissiale, sur un plateau d’où elle domine, connue une reine la reine de la contrée et le bourg, et la campagne environnante, et toute cette fraîche vallée du Gens, que nos pères baptisèrent, dit-on, du nom de Vallée d’Or, Aurea Vallis, Orvault.

Les fidèles de la paroisse en apprirent vite le chemin ; ceux du voisinage ne tardèrent pas à les suivre et, afin de satisfaire la dévotion de tous, les prêtres d’Orvault furent obligés de se rendre souvent au nouveau sanctuaire pour y célébrer le saint sacrifice de la messe.

La piété généreuse des habitants pourvoyait à l'entretien de la chapelle et du vestiaire ; on donnait des calices, des ornements, du linge et des nappes d’autel, voire même « une robe, des guimpes, et tout l'ensemble dés habillements nécessaires pour orner, selon le goût du temps, l'image vénérée de Notre-Dame des Anges ». On y faisait aussi de pieuses fondations de messes, de services, des processions. Enfin, la foule des pèlerins déposait d'abondantes offrandes sur l'autel de Notre Dame. Est-ce pour cela que les seigneurs du pays se crurent, ou du moins se prétendireut, seigneurs-fondateurs de la chapelle ? Peut-être. Il y avait à cela honneur, sinon profit. À trois reprises, dans l’espace d‘un siècle, ils tentèrent d’imposer leurs prétentions. Mais les marguilliers veillaient, stimulés au besoin par les parents et héritiers du véritable fondateur ; et la Cour des Régaires maintint dans leurs droits séculaires les paroissiens et les recteurs d’Orvault.

Au XVIIe siècle, l’un de ces derniers établit dans la petite chapelle une confrérie de Notre Dame des Anges et, le 5 juillet 1661, parut une ordonnance de l’Evêque de Nantes approuvant ses statuts et publiant une indulgence accordée par le Pape a la confrérie et « même au prédicateur ».

Le but de cette pieuse association était d‘honorer la sainte Vierge comme les anges l’honorent dans le ciel. Aussi multipliait-elle les hommages rendus à Marie. A toutes les fêtes gardées de Notre-Dame, les confrères devaient prendre part a une procession qui partait de l’église paroissiale pour se rendre à la chapelle, en chantant des hymnes et des cantiques ; assister à la grand'messe solennelle dans ce dernier sanctuaire ; réciter, enfin, sept Pater et sept Ave Maria en mémoire des sept allégresses dont la Vierge jouit dans le ciel. indépendamment de ces exercices particuliers, les membres de la confrérie prenaient part également a sept autres processions et grand'messes célébrées à la chapelle pour satisfaire les pèlerins des paroisses voisines. A la mort de chaque confrère, les prévôts faisaient célébrer, a N. D. des Anges, un service précédé de l’office de la Vierge et sept messes basses, pour le repos de son âme ; s'il était prêtre, ses confrères dans le sacerdoce devaient, en outre, dire ou faire dire pour lui une messe au même lieu.

On peut juger par ces détails du courant de dévotion qui entraînait toute la région à Notre Dame des Anges. Tous ces pèlerinages étaient bien suivis, l‘un d’eux pourtant l’emportait sur les autres, celui-du lundi de la Pentecôte. La foule s’y portait de toutes les bourgades d'alentour et même de la ville de Nantes : les boutiquiers et les baladins s'y rendaient aussi ; le pèlerinage dégénéra en assemblée profane et l’on y vit bientôt, hélas ! Les désordres trop ordinaires dans ces réunions.

À la Révolution, les paysans voisins enterrèrent la cloche et cachèrent soigneusement les ornements de leur chapelle. Leur dévotion à Notre Dame, obligée de se dissimuler, ne se ralentit pas, et Notre Dame ne cessa point de les protéger. L'un d'eux. Louis Corbar, tombé malheureusement sous les roues d'un chariot, eut les deux jambes affreusement écrasées. Il promit une neuvaine à Notre Dame, sa bonne voisine. D’abord il lui fallut se l'aire porter à la chapelle ; bientôt, aidé d’un bâton, il fit à pied les trois ou quatre cents pas qui l’en séparaient. Un jour, pendant qu’il y priait, il entendit un grand bruit au dehors, mais continua pieusement ses oraisons. Quand il reporta la clef à son gardien, celui-ci lui demanda s’il n’avait rien entendu. Alors il remarqua dans la cour un grand feu où achevait de brûler la croix de bois qui se dressait sur un des murs de l’enclos, et les débris de la croix de pierre qui surmontait l'autre. Des soldats patriotes avaient passé par la ; mais aucun d'eux n’avait en la pensée de pénétrer dans la chapelle : Marie gardait son serviteur. Elle le guérit complètement : cinquante ans plus tard, Louis Corbar montrait encore les cicatrices de ses plaies : le doigt s'y cachait tout entier, et jamais depuis il n'avait ressenti la moindre douleur.

Après la Révolution, le cher monument réparé sommairement revit les beaux jours d'autrefois : Marie continua d'y prodiguer ses grâces, et même, assure-t-on, d'y faire éclater des miracles.

En 1851, la chapelle, qui s'écroulait sous le poids de quatre siècles, fut reconstruite, plus grande, plus belle aussi, mais dans d'autres proportions et sous une autre forme que le petit sanctuaire tant vénéré d'Assise. La vieille statue, portée d’abord triomphalement à l’église paroissiale, fut habilement restaurée, puis exposée de nouveau, dans sa chapelle neuve, à la vénération des fidèles. Elle y est encore, toujours visitée et toujours aimée. Deux fois par an, au soir de la première communion et le jour de l'Assomption, la paroisse s'y rend processionnellement ; et quand revient le grand pardon du deux août, tous les fervents chrétiens du voisinage s’y donnent rendez-vous : plusieurs messes sont célébrées a la chapelle, et, si la fête tombe un dimanche, le clergé paroissial vient y chanter les vêpres.

Depuis quelques années, la ville de Nantes possède un nouveau sanctuaire dédié à Notre Dame des Anges, c'est la chapelle d'un pensionnat de jeunes filles pieusement abritées sous ce gracieux patronage ; mais le peuple, fidèle aux traditions du passé, va de préférence chercher Notre-Dame des Anges a la chapelle d’Orvault.


Lorsque vous penserez à Notre Dame des Anges, rappelez-vous l'engagement pris autrefois par les membres de sa confrérie : « honorer la sainte Vierge sur la terre, comme les anges l‘honorent dans le ciel ».

Les anges sont dans le ciel les chanteurs de Notre Dame. Sans doute,comme jadis au-dessus de la pauvre grotte de Bethléem, ils chantent encore : « Gloria in Allissimis Deo ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » Sans doute ils accordent leurs lyres et leurs voix-pour exalter les grandeurs du Fils ; mais ils célèbrent en même temps les louanges de la Mère et, sous la conduite de Gabriel, ils s'inclinent respectueusement devant elle, en murmurant, dans une ravissante harmonie : « Je vous salue, pleine de grâce, Ave, gratia plena ! » Toutefois, remarquez-le bien, si ces louanges font battre délicieusement le cœur de Marie, c’est parce que les esprits célestes qui les chantent sont des êtres très purs ; c’est parce qu’ils n’ont jamais rien fait qui put contrister son Jésus ; c'est parce que, flammes immortelles, ils brûlent constamment d’amour pour le Très-Haut ; c'est parce qu‘ils chantent avant tout et par dessus tout la gloire de l’Eternel !

Vous aussi, mes Frères, soyez ici-bas les chanteurs de Notre Dame. Chantez ses louanges en unissant vos voix dans des antiques pieux et des hymnes d'amour ; chantez ses louanges en apprenant a ceux qui les ignorent ses grandeurs et ses bontés ; chantez ses louanges en visitant ses sanctuaires et en vous mêlant à la foule de ses pèlerins ; chantez ses louanges en vous enrôlant dans ses confréries et en vous montrant fiers d'être ses enfants; chantez ses louanges en célébrant ses fêtes et en donnant de la splendeur à ses temples, des fleurs à ses autels ; chantez ses louanges en égrenant votre rosaire et en jetant a tous les échos de la terre et du ciel vos Ave Maria !

Mais n’oubliez pas que vos louanges et vos prières ne seront agréables à Marie qu’autant que, jusqu'au bout, vous ressemblerez aux anges. Elle veut que ses chanteurs de la terre, comme ses chanteurs du ciel, disent ses louanges avec des lèvres pures ; elle veut que ses chanteurs de la terre, connue ses chanteurs du ciel, toujours fidèles au devoir, ne fassent pas couler les pleurs de son Jésus ; elle veut que ses chanteurs de la terre, connue ses chanteurs du ciel, fassent monter vers Dieu l’encens de leur prière et lui paient tout d'abord le tribut d’un éternel amour.

 

ND de Nantes

 

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7 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne6

Huitième jour

Notre Dame de Fréligné

 

A l’extrémité sud-ouest de la paroisse de Touvois, à deux pas du Falleron, petit fleuve sans gloire, qui sépare la Bretagne de la Vendée, s’élève une modeste chapelle chère, depuis les âges les plus reculés, aux habitants voisins des deux provinces: on l’appelle Notre Dame de Fréligné. À la fin du XVIIe siècle (1689), on la disait déjà fort ancienne et, de fait, l’observateur attentif qui la visite et qui remarque son architecture, mélange assez incohérent de roman et de gothique, est naturellement incliné a lui donner, pour date d’origine, la seconde moitié du XIIe siècle.

La légende rapporte que de riches Anglais, battus par la tempête et menacés de naufrage, firent vœu de bâtir un oratoire a la Sainte Vierge près du lieu de leur débarquement, si elle les sauvait de la mort. La Vierge puissante exauça leur prière et les voyageurs, reconnaissants, réalisèrent leur vœu. Aussi, Notre Dame de Fréligné passe pour avoir été bâtie par les Anglais et, dans le pays, on l’appelle généralement la chapelle des Anglais.

Ces faits ne paraissent nullement improbables quand on se rappelle que, dans le courant du XIIe siècle, le Poitou fut apporté en dot au roi d’Angleterre, par Eléonore d’Aquitaine et quand on songe que la mer, en ce temps-là, pénétrait beaucoup plus avant dans les terres. La fondation nouvelle, a une date que nous ne pouvons préciser, fut donnée, avec quelques revenus, â l’abbaye augustine de Geneston, et les moines prirent l’engagement d’y célébrer une messe chaque semaine. Toutefois, ils s’entendirent de bonne heure avec le recteur de la paroisse, pour assurer le service. Pendant des siècles, on y célébra la première messe du dimanche ; et les jours de fêtes de la Vierge, tout le clergé paroissial s’y transportait pour chanter solennellement les offices. Les habitants du voisinage, tout dévoués â Notre-Dame, réclamaient souvent la faveur de dormir leur dernier sommeil à l’ombre de son sanctuaire, et un assez vaste cimetière s’étendait tout autour. Le cimetière n’est plus qu’un souvenir, mais le placis verdoyant qui le remplace est toujours dominé par la croix.

L’Archidiacre de Nantes, qui visita Fréligné au XVIIe siècle, nous a laissé une curieuse relation. Il prend soin de signaler l’antiquité de l’oeuvre, le joli clocher qui surmonte la chapelle et les deux cloches qui s’y balancent harmonieusement pour appeler les pèlerins, les vastes greniers où l’on dépose les dons en nature offerts par la piété généreuse des fidèles, les fresques a demi effacées par le temps qui décorent les vieilles murailles, les ex-voto de cire qui disent la puissance de Notre Dame et la reconnaissance de ses pauvres suppliants, enfin « la très vieille image d’une Vierge allaitant son enfant, taillée en bosse dans une grande pierre carrée ». Surtout il remarque avec satisfaction qu’il y a à Fréligné « de très grandes dévotions ». Peut être, s’il avait en le temps d’interroger les anciens du pays, eut-il appris que ce pèlerinage était jadis célèbre parmi les habitants du Bas-Poitou et que. son renom s’étendait au loin ; peut-être eut-il noté, dans sa relation, qu’aux temps lointains du XIVe siècle, durant la guerre qui mit aux prises pendant cent ans l’Angleterre et la France, les belligérants accordaient des laissez-passer aux pèlerins de Fréligné ; peut-être eut-il recueilli quelques uns de ces curieux jetons dont on retrouve encore des spécimens aux archives de Poitiers.

Pendant la Révolution, la chapelle fut d‘abord livrée à des usages profanes, puis incendiée, avec tout le village, par les colonnes infernales. La vieille charpente s‘abîma dans les flammes, mais les épaisses murailles, que six siècles n’avaient pu ébranler, résistèrent à l’action du feu. Au printemps de 1794, 2,000 soldats s’établirent dans un camp fortement retranché, à quelques pas des ruines. Leurs déprédations incessantes, les incendies et les meurtres qu’ils multipliaient tous les jours exaspérèrent les Vendéens. Charette résolut de les débusquer. Le 14 septembre, il convoque les paroisses du quartier; le 15, il est a Fréligné. Les paysans qui l’entourent et dont les demeures ont été brûlées, les familles massacrées, se précipitent, ivres de vengeance, â l’assaut. Leur colonne arrive sur le placis qui s’étend au-devant de la chapelle en ruines. Alors, d’un même mouvement, tous tombent a genoux, et, dans une fervente prière, demandent à Notre Dame la grâce de vaincre on de mourir de la mort des saints. Déjà les balles ennemies sifflent sur leurs tètes ; n’importe, ils achèvent leur prière. Puis, se relevant, ils s’élancent à la bataille. La résistance des soldats patriotes fut longue et vaillante ; mais que pouvaient-ils contre ces héros protégés par Marie ? La victoire, cette fois encore, fut pour la Vendée.

Avec la paix reprirent les pèlerinages. La chapelle était en ruines, sans doute : quatre murs, un autel fait de quelques planches, un drap au-dessus de l’autel... Mais c‘était le sanctuaire aimé de Notre Dame, et le vieux curé retour d'exil y célébrait la messe, et les survivants de la grande guerre s’agenouillaient au milieu des débris. Enfin, revinrent les beaux jours. En 1820, on reconstruisit la toiture ainsi que le clocher, et toutes les paroisses voisines se réunirent pour transporter dans le sanctuaire rajeuni la nouvelle statue, remplaçante de la « vieille image » de pierre que la tempête n’avait pas respectée.

Depuis 1839, on ne célèbre plus la première messe du dimanche a Notre-Dame de Fréligné, l’église paroissiale garde jalousement son privilège. Cependant, sept fois par an, les lundis de Pâques et de la Pentecôte, et a cinq fêtes de la Sainte Vierge, le clergé paroissial, entouré des dévots serviteurs de Notre Dame, vient y célébrer tous les offices.

C’est le 8 septembre, fête patronale du pèlerinage, qu’il faut aller a Fréligné. La chapelle et ses alentours sont gracieusement décorés, et la foule pieuse accourt de cinq et six lieues a la ronde. À 9 heures et demie, deux processions s’ébranlent, l’une vient de Touvois, c’est la procession bretonne ; l’autre, la Vendéenne, part de l’église de Falleron. Le rendez-vous est sur le placis de la chapelle,car la nef est trop étroite pour contenir la foule, et c’est sous une tente, à l’abri du calvaire, dont le piédestal est transformé en autel, que le prêtre célèbre le saint sacrifice. Dans la soirée, on chante solennellement les vêpres et l’on donne, du haut de l’estrade, la bénédiction du très saint sacrement. Dans l’intervalle des deux cérémonies, la foule, en longues files, s’en va prier dans la chapelle, et de la se dirige pieusement vers « la bonne fontaine », pour demander des grâces et des miracles à Marie. C‘est toujours par milliers que l’on compte les pèlerins, des prêtres nombreux accompagnent leurs paroissiens, et, deux fois au moins, depuis vingt ans, on y a vu Monseigneur l’évêque de Nantes.

 

Un procès-verbal authentique, nous venons de le voir témoigne que l’ancienne statue de Frétigné représentait la Vierge-Mère allaitant son enfant. C’est donc Marie, nourricière de Jésus, que l’on honorait en ce lieu. Marie, nourricière de Jésus ! A ces mots, quel tableau a la fois plein de réalisme et de gracieuse poésie se déroule à nos yeux ! Le Fils de Dieu, en se faisant homme, a voulu se soumettre a toutes les faiblesses du jeune âge, et Marie dut l’entourer des soins que les autres mères prodiguent a leurs enfants. L’Evangile nous apprend, en effet, qu’à sa naissance la mère de Jésus l’enveloppa de langes, puis le coucha sur la paille d’une crèche : ces détails du saint Livre nous permettent de conjecturer ce que fut la première enfance du Sauveur et de contempler la Vierge-Mère penchée, nuit et jour, sur son enfant. La voyez-vous, mes Frères, présentant à sa lèvre altérée le breuvage qu’elle réclame, couvrant ses membres débats des pauvres vêtements qui les défendront contre la froidure, veillant amoureusement sur le sommeil de l’Enfant-Dieu, guidant ses pas mal assurés dans leurs premiers essais et enseignant ses lèvres inhabiles â bégayer des mots ? Quels abaissements ! Mais quelle grandeur pour Marie !

Marie est aussi notre mère. N’est-ce pas une conséquence qu’elle soit la grande nourricière de l’humanité ? Dieu, qui se sert de son intermédiaire pour nous communiquer les trésors de sa grâce, doit en user également pour nous communiquer tous les autres biens. Les pauvres, les malheureux, les affligés l’ont compris, et ils se pressent aux autels de Marie, et ils la supplient d’apaiser leur faim, de vêtir leur nudité, de soulager leur misère, de leur donner tous les biens qu’ils n’ont pas. Et Marie les écoute, et leur confiance n’est point trompée. Ce sont surtout les tout petits qui réclament une mère nourricière ; ce sont eux surtout qu’elle assiste. Regardez au fronton de nos orphelinats catholiques : vous y verrez la Vierge-Mère qui tend les bras et sourit aux petits enfants. Cette image n’est pas seulement un symbole, c’est un portrait. La mère qui veille sur ces asiles, c’est Marie, et il semble parfois qu’elle emprunte la robe de bure et la cornette de la fille de charité pour traverser les rangs de ses chers petits, pour leur distribuer des caresses et du pain.

Marie, nourricière de Jésus et par la même des frères de Jésus, inspire confiance à notre misère, elle nous donne aussi d’instructives leçons. Elle encourage de son sourire les mères de la terre et leur recommande les petits frères de son Jésus : les soins dont il faut entourer leur enfance délicate sont un devoir bien deux pour les vrais Coeurs des mères ; mais ils semblent parfois une charge trop pesante aux âmes moins généreuses : Marie, nourricière de Jésus, c’est la récompense des unes, c’est le remords des autres. Enfin, elle nous montre à tous les tout petits qui n’ont pas de mères, les tout petits qui n’ont pas de pain, et nous rappelle éloquemment que celui qui possède est l’économe de Dieu et le nourricier du pauvre.

 

ND de Nantes

 

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