Lundi Saint
Semaine Sainte 2011
Lundi Saint
Evangile selon saint Jean
Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, celui qu'il avait ressuscité d'entre les morts. On donna un repas en l'honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était avec Jésus parmi les convives. Or, Marie avait pris une livre d'un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu'elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie par l'odeur du parfum. Judas Iscariote, l'un des disciples, celui qui allait le livrer, dit alors : « Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d'argent, que l'on aurait données à des pauvres ? » Il parla ainsi, non parce qu'il se préoccupait des pauvres, mais parce que c'était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait pour lui ce que l'on y mettait. Jésus lui dit : « Laisse-la ! Il fallait qu'elle garde ce parfum pour le jour de mon ensevelissement. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. » Or, une grande foule de Juifs apprit que Jésus était là, et ils arrivèrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir ce Lazare qu'il avait ressuscité d'entre les morts. Les chefs des prêtres décidèrent alors de faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s'en allaient, et croyaient en Jésus.
Méditation
Nous avons remarqué plus haut que le récit évangélique qui vient d'être lu se rapporte au Samedi, veille du Dimanche des Rameaux, et qu'il a été inséré dans la Messe d'aujourd'hui parce que, dans l'antiquité, ce Samedi n'avait pas de Station. La sainte Eglise a voulu porter notre attention sur cet intéressant épisode des derniers jours de notre Rédempteur, parce qu'il nous aide à saisir l'ensemble des circonstances qui se produisaient à ce moment autour de lui. Marie-Madeleine, dont la conversion était, il y a quelques jours, l'objet de notre admiration, est appelée à figurer dans les scènes de la Passion et de la Résurrection de son maître. Type de l'âme purifiée et admise ensuite aux faveurs célestes, il nous importe de la suivre dans les diverses phases que la grâce divine lui fait parcourir. Nous l'avons montrée s’attachant aux pas de son Sauveur et subvenant à ses besoins; ailleurs le saint Evangile nous la tait voir préférée à Marthe sa sœur, parce qu'elle a choisi la meilleure part ; dans les jours où nous sommes, elle nous intéresse surtout par son tendre attachement à Jésus. Elle sait qu'on le cherche pour le faire mourir ; et l'Esprit Saint, qui la conduit intérieurement à travers les états toujours plus parfaits qui se succèdent en elle, veut qu'aujourd'hui elle accomplisse une action prophétique à l'égard de ce qu'elle redoute le plus. Entre les trois présents des Mages, l'un d'eux était un signe de mort pour le divin Roi que ces hommes fidèles étaient venus saluer du fond de l'Orient : c'était la myrrhe, parfum funéraire qui fut employé si abondamment dans la sépulture du Sauveur. Nous avons vu que Madeleine, au jour de sa pénitence, témoigna de son changement de vie par l'effusion du plus précieux de ses parfums sur les pieds de Jésus. Aujourd'hui, elle a recours encore à cette touchante manifestation de son amour. Son maître divin est à table chez Simon le Lépreux ; Marie, la Mère de douleurs, est avec lui, ainsi que les disciples ; Marthe veille au service ; tout est calme dans cette maison ; mais de tristes pressentiments sont au fond des cœurs. Tout à coup Madeleine paraît, portant dans ses mains un vase rempli d'une huile de nard du plus grand prix. Elle se dirige vers Jésus, et s'attachant à ses pieds, elle les inonde de ce parfum ; et cette fois encore elle les essuie avec ses cheveux. Jésus était étendu sur un de ces lits dont les Orientaux se servaient, lorsqu'ils prenaient leur repas dans les festins ; il était donc facile à Madeleine d'arriver aux pieds de son maître, et de renouveler cette démonstration de respect et de tendresse à laquelle elle s'était livrée autrefois chez le pharisien ; mais en ce jour le récit sacré ne nous dit pas qu'elle ait mêlé ses larmes à son parfum. Deux des Evangélistes, dont saint Jean a voulu compléter la narration trop succincte, nous apprennent qu'elle répandit aussi cette huile de senteur sur la tête du Sauveur. Madeleine sentait-elle en ce moment toute la portée de l'action que l'Esprit divin lui inspirait ? L'Evangile ne le dit pas ; mois Jésus révéla le mystère à ses disciples ; et nous qui recueillons ses paroles, nous apprenons par ce fait que la Passion de notre Rédempteur est, pour ainsi dire, commencée, puisque déjà la main de Madeleine L'embaume pour le tombeau. La suave et pénétrante odeur du parfum avait rempli toute la salle. L'un des disciples, Judas Iscariote, ose protester contre ce qu'il appelle une profusion. La bassesse de cet homme et son avarice Font rendu insensible et sans pudeur. La voix de plusieurs des disciples s'unit à la sienne : tant leurs pensées étaient vulgaires encore! Jésus permit cette indigne réclamation pour plusieurs motifs. Il voulait d'abord annoncer sa mort prochaine à ceux qui l'entouraient, en leur dévoilant le secret exprime par cette effusion d'un parfum sur son corps. Son but ensuite était de glorifier Madeleine, dont l'amour était à la fois si tendre et si ardent ; et c'est alors qu'il annonça que la renommée de cette illustre pénitente s'étendrait par toute la terre, aussi loin que l'Evangile lui-même pénétrerait. Enfin il voulait par avance consoler les âmes pieuses auxquelles son amour inspirerait de faire des largesses à ses autels, et les venger des critiques mesquines dont elles devaient souvent être l'objet. Recueillons ces enseignements divins. Aimons à honorer Jésus dans sa personne comme dans ses pauvres Honorons Madeleine et mettons-nous à sa suite, lorsque bientôt nous la verrons si assidue au Calvaire et au sépulcre. Enfin préparons-nous à embaumer notre Sauveur, en réunissant pour sa sépulture la myrrhe des Mages, qui figure la pénitence, et le précieux nard de Madeleine, qui représente l'amour généreux et compatissant.
Nous terminerons la journée par cette belle prière empruntée à l'antique Liturgie Gallicane
O Christ! ô Dieu, souverain Seigneur, crucifiez-nous comme vous même à ce monde ; que votre vie soit en nous. Mettez sur vous nos péchés, afin qu'ils soient, eux aussi, par vous attachés à la Croix. Vous qui avez été élevé de terre,afin de nous soustraire au joug de l'impur tyran, attirez-nous à vous. Nous sommes, il est vrai, exposés aux insultes du diable; à cause de notre chair et de ses convoitises ; mais ce n'est pas lui, c'est vous que nous voulons servir. Nous voulons vivre sous vos lois; nous vous prions de nous gouverner, vous qui, par la mort de la Croix, avez daigné nous délivrer , nous mortels et envahis par la mort. Aujourd'hui donc, pour cet immense bienfait, nous vous présentons notre très humble service ; nous vous adorons, nous vous implorons, nous vous supplions de venir promptement vers nous, ô Dieu éternellement puissant ! que votre Croix, par sa vertu souveraine , triomphe en nous des attraits du monde; que votre bonté rétablisse nos âmes dans leur état primitif de vertu et de grâce. Vous accomplit ce qui jusqu'alors n'était que possible ; vous devant qui le passé et le présent sont unis, faites que voire Passion nous soit salutaire en ce moment, comme si elle avait lieu aujourd'hui ; qu'une goutte de votre sang divin épanché un jour sur la terre soit aujourd'hui notre salut ; qu'elle lave tous les péchés e notre nature terrestre; qu'elle se mêle à la terre de notre corps ; et qu'elle nous rende tout vôtres , étant redevenus votre corps par notre réconciliation avec vous, notre Chef, qui vivez et régnez avec le Père et le Saint-Esprit. Maintenant donc commencez à régner sur nous, Homme-Dieu , Christ Jésus , Roi dans les siècles des siècles!
Textes du Serviteur de Dieu Dom Prosper Guéranger, extraits de « L'Année Liturgique »
Chant Pascal des Eglises des Gaules
Chant Pascal des Eglises des Gaules
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
La terre, qui reprend son éclat et sa beauté, annonce que toute créature renaît aujourd'hui avec son auteur.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Pour applaudir au triomphe du Christ sortant du tombeau, les forêts se couvrent de feuillage,les plantes étalent leur floraison.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
La lumière, les cieux, les campagnes, les mers, célèbrent de concert le Dieu qui s'élève au-dessus des astres, vainqueur de la loi du trépas.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Le Dieu crucifié naguère règne maintenant sur l'univers ; la création entière adresse d'humbles vœux à son auteur.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
O Christ, Sauveur de l'univers, créateur plein de bonté, rédempteur de ton oeuvre, Fils unique d'un Père qui est Dieu.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Toi qui, voyant le triste naufrage du genre humain, daignas te faire homme pour délivrer l'homme.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Toi qui, non content de naître dans un corps, voulus dévouer à la mort cette chair en laquelle tu pris une humble naissance.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Auteur de la vie artisan du monde, tu t'es abaissé jusqu'au sépulcre ; pour nous assurer le salut, tu t'es engagé dans la voie du tombeau.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Mais voici que les chaînes lugubres des régions souterraines se sont rompues ; l'abîme épouvanté a senti dans son sein pénétrer une lumière puissante.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
A la présence du Christ rayonnant, les ténèbres s'effacent ; les ombres épaisses de l'éternelle nuit ont disparu.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Ce n'est pas tout encore, ô puissant Roi ! Il est temps de dégager ta promesse ; le troisième jour est venu ; lève-toi, mon Dieu enseveli !
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Tes membres sacrés ne doivent pas plus longtemps reposer sous une vile pierre; la roche grossière ne doit plus retenir la rançon du monde.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Ecoute ma prière, secoue ces linceuls , laisse ce suaire au fond du sépulcre; n'es-tu pas notre bien unique, celui sans lequel tout est néant ?
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Délie ces générations captives dans leurs prisons souterraines; ramène dans les hauteurs tout ce qui avait croulé dans les abîmes.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Rends-nous ton visage béni, afin que le monde revoie la lumière ; rends-nous le jour qui s'est éclipsé, au moment où tu expirais.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Mais tu as été fidèle, ô vainqueur plein de bonté ! le monde t'a vu reparaître ; la mort est écrasée sous tes pieds ; ils sont abrogés, les droits dont elle osait se prévaloir
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Monstre au gosier béant et insatiable, elle engloutissait notre race ; la voilà maintenant devenue ta proie, ô Dieu !
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Elle revomit avec terreur ces générations qu'elle avait englouties dans sa férocité ; et c'est l'Agneau qui arrache les brebis de la gueule loup.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
En ce jour, ô divin Roi, le triomphe que tu remportas alors renouvelle une partie de sa splendeur; aujourd'hui que le lavoir sacré comble la félicité des âmes qu'il a rendues pures.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Une blanche armée s'élance du sein des eaux limpides, et les âmes ont lavé la tache du péché dans les flots renouvelés par la bénédiction.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Un vêtement sans souillure exprime l'éclat dont elles brillent; et le pasteur se réjouit à la vue de son troupeau plus blanc que la neige.
Salut, jour solennel, vénérable dans tous les âges! jour où un Dieu triomphe du tombeau, et prend possession des cieux.
Extrait de « L'année Liturgique » de Dom Guéranger
L'Annonciation de la Sainte Vierge
Oraison
O Emmanuel, Dieu avec nous, qui, comme chante votre Eglise, « ayant entrepris de délivrer l'homme, avez daigné descendre au sein d'une vierge pour y prendre notre nature », le genre humain tout entier salue aujourd'hui votre miséricordieux avènement. Verbe éternel du Père, ce n'est donc pas assez pour vous d'avoir tiré l'homme du néant par votre puissance ; votre inépuisable bonté vient le poursuivre jusque dans l'abîme de dégradation où il est plongé. Par le péché, l'homme était tombé au-dessous de lui-même; et, afin de le faire remonter aux destinées divines pour lesquelles vous l'aviez formé, vous venez en personne vous revêtir de sa substance, et le relever jusqu'à vous. En vous, aujourd'hui et pour jamais, Dieu se fait homme, et l'homme est fait Dieu. Accomplissant divinement les promesses du sacré Cantique, vous vous unissez à la nature humaine, et c'est au sein virginal de la Fille de David que vous célébrez ces noces ineffables. O abaissement incompréhensible ! ô gloire inénarrable ! l’anéantissement est pour le Fils de Dieu, la gloire pour le fils de l'homme. C'est ainsi que vous nous avez aimés, ô Verbe divin, et que votre amour a triomphé de notre dégradation. Vous avez laissé les anges rebelles dans l'abîme que leur orgueil a creusé; c'est sur nous que votre pitié s'est arrêtée. Mais ce n'est point par un de vos regards miséricordieux que vous nous avez sauvés; c'est en venant sur cette terre souillée, prendre la nature d'esclave, et commencer une vie d'humiliation et de douleurs. Verbe fait chair, qui descendez pour sauver, et non pour juger, nous vous adorons, nous vous rendons grâces, nous vous aimons, rendez-nous dignes de tout ce que votre amour vous a fait entreprendre pour nous.
Nous vous saluons, ô Marie, pleine de grâce, en ce jour où vous jouissez du sublime honneur qui vous était destiné. Par votre incomparable pureté, vous avez fixé les regards du souverain Créateur de toutes choses, et par votre humilité vous l'avez attiré dans votre sein; sa présence en vous accroît encore la sainteté de votre âme et la pureté de votre corps. Avec quelles délices vous sentez le Fils de Dieu vivre de votre vie, emprunter à votre substance ce nouvel être qu'il vient prendre pour notre amour ! Déjà est formé entre vous et lui ce lien ineffable que vous seule avez connu : il est votre créateur, et vous êtes sa mère ; il est votre fils, et vous êtes sa créature. Tout genou fléchit devant lui, ô Marie! car il est le grand Dieu du ciel et de la terre; mais toute créature s'incline devant vous: car vous l'avez porté dans votre sein, vous l'avez allaité ; seule entre tous les êtres, vous pouvez, comme le Père céleste, lui dire: « Mon fils! » O femme incomparable, vous êtes le suprême effort de la puissance divine : recevez l'humble soumission de la race humaine qui se glorifie, en présence même des Anges, de ce que son sang est le vôtre, et votre nature la sienne. Nouvelle Eve, fille de l'ancienne, mais sans le péché ! par votre obéissance aux décrets divins, vous sauvez votre mère et toute sa race; vous rétablissez dans l'innocence primitive votre père et toute sa famille qui est la vôtre. Le Sauveur que vous portez nous assure tous ces biens; et c'est par vous qu'il vient à nous; sans lui, nous demeurerions dans la mort; sans vous, il ne pouvait nous racheter. Il puise dans votre sein virginal ce sang précieux qui sera notre rançon, ce sang dont sa puissance a protégé la pureté au moment de votre conception immaculée, et qui devient le sang d'un Dieu par l'union qui se consomme en vous de la nature divine avec la nature humaine.
Aujourd'hui s'accomplit, ô Marie, l'oracle du Seigneur qui annonça, après la faute, « qu'il établirait une inimitié entre la femme et le serpent ». Jusqu'ici le genre humain tremblait devant le dragon infernal ; dans son égarement, il lui dressait de toutes parts des autels; votre bras redoutable terrasse aujourd'hui cet affreux ennemi. Par l'humilité, par la chasteté, par l'obéissance, vous l'avez abattu pour jamais; il ne séduira plus les nations. Par vous, libératrice des hommes, nous sommes arrachés à son pouvoir; notre perversité, notre ingratitude pourraient seules nous rejeter sous son joug. Ne le souffrez pas, ô Marie ! venez-nous en aide; et si, dans ces jours de réparation, nous reconnaissons à vos pieds que nous avons abusé de la grâce céleste dont vous fûtes pour nous le sublime moyen, aujourd'hui, en cette fête de votre Annonciation, ô Mère des vivants, rendez-nous la vie, par votre toute-puissante intercession auprès de celui qui daigne aujourd'hui être votre fils pour l'éternité. Fille des hommes, ô notre sœur aimée, par la salutation que vous adressa Gabriel, par votre trouble virginal, par votre fidélité au Seigneur, par votre prudente humilité, par votre acquiescement qui nous sauva, nous vous en supplions, convertissez nos cœurs, rendez-nous sincèrement pénitents, préparez-nous aux grands mystères que nous allons célébrer. Qu'ils seront douloureux pour vous, ces mystères, ô Marie ! Que le passage va être rapide des joies de cette journée aux tristesses inénarrables qui vous attendent! Mais vous voulez qu'aujourd'hui notre âme se réjouisse en songeant à l'ineffable félicité qui inonda votre cœur, au moment où le divin Esprit vous couvrit de son ombre, et où le Fils de Dieu devint aussi le vôtre ; nous demeurons donc, toute cette journée, près de vous, dans votre modeste demeure de Nazareth. Neuf mois encore, et Bethléem nous verra prosternés, avec les bergers et les Mages, devant l'Enfant-Dieu qui naîtra pour votre joie et pour notre salut; et nous dirons alors avec les Anges : « Gloire à Dieu dans les hauteurs du ciel ; et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté ! »
Extraits de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
L'Annonciation de la Sainte Vierge
Pour le 25 mars
Terre, qui dans ta douleur n’as jusqu'ici produit que des épines, tressaille maintenant et livre-toi à l'allégresse ; voici qu'il approche, l'immortel agriculteur qui doit te débarrasser des épines de la malédiction.
Vierge sans tache, prépare-toi, comme la toison sacrée, à recevoir la divinité qui s'apprête à descendre sur toi, semblable à la rosée, et qui doit mettre à sec le torrent de l'iniquité.
O livre d'une pureté divine, tiens-toi prêt : car la Sagesse de Dieu incarnée va écrire sur tes pages avec le doigt de l'Esprit-Saint, et va faire disparaître les prévarications de ma folie.
O chandelier d'or, reçois la flamme de la divinité ; que par toi elle luise sur le monde, et dissipe les ténèbres de nos crimes.
O Vierge, palais du grand Roi, ouvre ton oreille divine ; la Vérité même, le Christ, va entrer en toi, pour habiter au milieu de toi.
O brebis immaculée, l'Agneau de notre Dieu qui ôte nos péchés, s'apprête à pénétrer dans ton sein. La branche mystique va bientôt produire la fleur divine qui s'élève visiblement de l'arbre de Jessé, comme parle l'Ecriture.
O Marie, ô vigne fécondée par la parole de l'Ange, prépare-toi à donner la grappe vermeille de maturité et inaccessible à la corruption.
Salut, ô sainte montagne que Daniel a vue à l'avance dans l'Esprit divin, et de laquelle doit être détachée cette pierre spirituelle qui brisera les vaines idoles des démons.
O Arche raisonnable, que le véritable législateur aime d'un amour suprême, et qu'il a résolu d'habiter, sois remplie de joie : car il veut par toi renouveler son œuvre anéantie.
Le chœur des Prophètes, versé dans l'art des divins présages, s'écrie dans son pressentiment de l'entrée pacifique du Rédempteur en toi . Salut, ô Rédemption de tous ; honneur à toi, unique salut des hommes !
O nuée légère de la lumière divine , prépare-toi pour le soleil qui va se lever Ce soleil inaccessible répand sur toi ses feux du haut du ciel; en toi il cachera quelque temps ses rayons, pour luire bientôt sur le monde, et dissiper les ténèbres du mal.
Celui qui ne quitte jamais la droite de son Père, qui surpasse toute substance, arrive pour prendre en toi sa demeure ; il te placera à sa droite, comme une reine digne de lui, et douée d'une excellente beauté ; tu seras comme sa main droite étendue pour relever tous ceux qui sont tombés.
Le prince des Anges, ministre de Dieu, t'adresse sa parole joyeuse, pour annoncer que l'Ange du grand conseil va prendre chair en toi.
O Verbe divin, abaisse les cieux, et descends vers nous ; le sein de la Vierge est préparé comme un trône pour toi ; viens t'y asseoir, comme un roi glorieux, et sauve de la ruine l'œuvre de ta droite.
Et toi, ô Vierge, semblable à une terre où la main de l'homme n'a jamais semé, dispose-toi pour recevoir, à la parole de l'Ange, le Verbe céleste, semblable à un froment fécond qui, germant en ton sein, produira le pain qui donne l'intelligence.
Extraits de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
l'Annonciation de la Sainte Vierge
Séquence
Dans son amour pour l’homme, Dieu députe à la Vierge, non un Ange ordinaire, mais l'Archange appelé Force de Dieu.
Qu'il se hâte d'envoyer pour nous le vaillant messager ; que la nature soit vaincue par l'enfantement d'une vierge.
Que le Roi de gloire, dans sa naissance, triomphe de la chair; qu'il règne et commande ; qu'il enlève des cœurs le levain et la rouille du péché.
Qu'il foule aux pieds le faste des fronts superbes; qu'il marche dans sa force sur les têtes altières. le Dieu puissant dans les combats.
Qu'il chasse dehors le prince du monde ; qu'il partage avec sa Mère le commandement qu'il exerce avec le Père.
Pars, Ange, annonce ces biens; et par ton puissant message, lève le voile de la lettre antique.
Approche d'elle, et parle ; dis-lui en face : Je vous salue. Dis-lui : O pleine de grâce. Dis: Le Seigneur est avec vous. Dis encore : Ne craignez point.
Recevez, ô Vierge ! le dépôt de Dieu , par lui vous consommerez votre chaste dessein, et votre vœu demeurera intact.
La Vierge entend, et accepte le message; elle croit, elle conçoit, elle enfante un fils, un fils admirable,
Le Conseiller de la race humaine, le Dieu-homme, le Père du siècle futur, l'immuable pacificateur.
Veuille ce Dieu immuable assurer notre stabilité, de peur que l'humaine faiblesse n'entraine dans l'abîme nos pas indécis.
Mais que l'auteur du pardon, qui est le pardon lui-même, que la grâce obtenue par la mère de grâce, daigne habiter en nous.
Qu'il nous octroie la remise de nos péchés : qu'il efface nos méfaits ; qu'il nous donne une patrie dans la cité du ciel. Amen.
Extraits de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
L'Annonciation de la Sainte Vierge
Hymne
Celui que la terre, la mer et les cieux vénèrent, adorent et célèbrent ; celui qui gouverne les trois régions de cet univers, Marie le porte dans son sein.
Celui auquel obéissent le soleil, la lune et tous les astres, dans les révolutions qu'il leur a fixées, le sein d’une jeune fille rendue féconde par la grâce céleste le contient aujourd'hui.
Heureuse Mère, au sein de laquelle s'est renfermé, comme dans un sanctuaire, le suprême ouvrier qui tient le monde dans sa main.
Heureuse par le message céleste, féconde par l'opération de l'Esprit-Saint, c'est d'elle qu'est sorti le Désiré des nations.
A vous soit gloire, ô Jésus, fils de la Vierge ! gloire au Père, et à l'Esprit divin, dans les siècles éternels. Amen.
Extraits de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
l'Annonciation de la Sainte Vierge
Trait
Ecoutez, ô ma fille ! voyez et prêtez l'oreille : car le Roi est épris d'amour pour votre beauté.
V/. Tous les puissants de la terre imploreront vos regards ; les filles des rois formeront votre cour d'honneur.
V/. A votre suite viendront des chœurs de vierges ; vos plus proches compagnes seront présentées au Roi.
V/. Elles seront amenées dans la joie et l'allégresse; elles seront introduites dans le temple du Roi.
Extrait de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
L'Annonciation de la Sainte Vierge
Évangile selon Saint Luc
En ce temps-là, l'Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth, à une vierge mariée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la Vierge était Marie Et l'Ange, étant entré où elle était, lui dit : Salut, ô pleine de grâce! le Seigneur est avec vous; vous êtes bénie entre les femmes. Elle, l'ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle pensait en elle-même quelle pouvait être cette salutation. Et l'Ange lui dit: Ne craignez point, Marie : car vous avez trouve grâce devant Dieu : voici que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut; et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; et il régnera éternellement sur la maison de Jacob ; et son règne n'aura point de fin. Alors Marie dit à l'Ange : Comment cela se fera-t-il : car je ne connais point d'homme. Et l'Ange lui répondit : L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C'est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et voilà qu'Elisabeth votre parente a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse : et ce mois est le sixième de celle qui était appelée stérile : car rien n'est impossible à Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur : qu'il me soit fait selon votre parole.
Par ces dernières paroles, ô Marie, notre sort est fixé. Vous consentez au désir du Ciel : et votre acquiescement assure notre salut. O Vierge! ô Mère ! bénie entre les femmes, recevez avec les hommages des Ailles les actions de grâces du genre humain Par vous, notre ruine est réparée, en vous notre nature se relève, car vous êtes le trophée de la victoire de l'homme sur son ennemi. « Réjouis-toi, ô Adam, notre père, mais triomphe surtout, toi notre mère, ô Eve ! vous qui, ancêtres de nous tous, fûtes aussi envers nous tous des auteurs de mort : meurtriers de votre race avant d'en être les pères. Consolez-vous désormais en cette noble tille qui vous est donnée ; mais, toi surtout, ô Eve! sèche tes pleurs: toi de qui le mal sortit au commencement, toi qui jusqu'aujourd'hui avais communiqué ta disgrâce à ton sexe tout entier. Voici l'heure où cet opprobre va disparaître, où l'homme va cesser d'ace voir droit de se plaindre de la femme. Un jour, cherchant à excuser son propre crime, il fit tout aussitôt peser sur elle une accusation cruelle: « La femme que j'ai reçue de vous, dit-il à Dieu, cette femme m'a donné du fruit ; et j'en ai mangé. O Eve, cours donc à Marie; ù mère, réfugie-toi près de ta fille. C'est la fille qui va répondre pour la mère; c'est elle qui va a enlever la honte de sa mère, elle qui va satisfaire pour la mère auprès du père : car si c'est par la femme que l'homme est tombé, voici qu'il ne peut plus se relever que par la femme. Que disais-tu donc, ô Adam? La femme que j'ai reçue de vous m'a donné du fruit ; et j'en ai mangé. Ces paroles sont mauvaises ; elles augmentent ton péché; elles ne l'effacent pas. Mais la divine Sagesse a vaincu ta malice; elle a pris dans le trésor de son inépuisable bonté le moyen o de te procurer un pardon qu'elle avait essayé de te faire mériter, en te fournissant l'occasion de répondre dignement à la question qu'elle t'adressait. Tu recevras femme pour femme: une femme prudente pour une femme insensée ; une femme humble pour une femme orgueilleuse ; une femme qui, au lieu d'un fruit de mort, te présentera l'aliment de la vie ; qui, au lieu d'une nourriture empoisonnée, enfantera pour toi le fruit des délices éternelles. Change donc en paroles d'actions de grâces ton injuste excuse, etdis maintenant: Seigneur, la femme que j'ai reçue de vous m'a donné du fruit de l'arbre de vie, et j'en ai mangé ; et ce fruit a été doux à ma bouche : car c'est en lui que vous m'avez rendu la vie. »
Extraits de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
L'Annonciation de la Sainte Vierge
Le 25 mars, l'Annonciation de la Sainte Vierge
Extraits de l'Année Liturgique de Dom Guéranger
Cette journée est grande dans les annales de l’humanité ; elles est grande aux yeux même de Dieu : car elle est l'anniversaire du plus solennel événement qui se soit accompli dans le temps. Aujourd'hui, le Verbe divin, par lequel le Père a créé le monde, s'est fait chair au sein d'une Vierge, et il a habité parmi nous. Suspendons en ce jour nos saintes tristesses; et en adorant les grandeurs du Fils de Dieu qui s'abaisse, rendons grâces au Père qui a aimé le monde jusqu'à lui donner son Fils unique, et au Saint-Esprit dont la vertu toute-puissante opère un si profond mystère Au sein même de l'austère Quarantaine, voici que nous préludons aux joies ineffables de la fête de Noël; encore neuf mois, et notre Emmanuel conçu en ce jour naîtra dans Bethléem, et les concerts des Anges nous convieront à venir saluer sa naissance fortunée. Dans la semaine de la Septuagésime, nous avons contemplé avec terreur la chute de nos premiers parents; nous avons entendu la voix de Dieu dénonçant la triple sentence, contre le serpent, contre la femme, et enfin contre l'homme. Nos cœurs ont été glacés d'effroi au bruit de cette malédiction dont les effets sont arrives sur nous, et doivent se taire sentir jusqu'au dernier jour du monde. Cependant, une espérance s'est fait jour dans notre aine ; du milieu des anathèmes, une promesse divine a brille tout à coup comme une lueur de salut. Notre oreille a entendu le Seigneur irrite dire au serpent infernal qu'un jour sa tête altière serait brisée, et que le pied d'une femme lui porterait ce coup terrible. Le moment est venu où le Seigneur va remplir l'antique promesse. Durant quatre mille ans, le monde en attendit l'effet ; malgré ses ténèbres et ses crimes, cette espérance ne s'éteignit pas dans son sein. Dans le cours des siècles, la divine miséricorde a multiplié les miracles, les prophéties, les figures, pour rappeler l'engagement qu'elle daigna prendre avec l'homme. Le sang du Messie a passé d'Adam à Noé; de Sem à Abraham, Isaac et Jacob; de David et Salomon à Joachim; il coule maintenant dans les veines de Marie, tille de Joachim. Marie est cette femme par qui doit être levée la malédiction qui pèse sur notre race. Le Seigneur, en la décrétant immaculée, a constitué une irréconciliable inimitié entre elle et le serpent; et c'est aujourd'hui que cette tille d'Eve va réparer la chute de sa mère, relever son sexe de l'abaissement dans lequel il était plongé, et coopérer directement et efficacement à la victoire que le Fils de Dieu vient remporter en personne sur l'ennemi de sa gloire et du genre humain. La tradition apostolique a signalé à la sainte Eglise le vingt-cinq mars, comme le jour qui vit s'accomplir l'auguste mystère1. Ce fut à l'heure de minuit que la très pure Marie, seule, et dans le recueillement de la prière, vit apparaître devant elle le radieux Archange descendu du ciel pour venir recevoir son consentement, au nom de la glorieuse Trinité. Assistons à l'entrevue de l'Ange et de la Vierge, et reportons en même temps notre pensée aux premiers jours du monde. Un saint Evêque martyr du II° siècle, fidèle écho de l'enseignement des Apôtres, saint Irenée, nous a appris à rapprocher cette grande scène de celle qui eut lieu sous les ombrages d'Eden. Dans le jardin des délices, c'est une vierge qui se trouve en présence d'un ange, et un colloque s'établit entre l'ange et la vierge. A Nazareth, une vierge est aussi interpellée par un ange, et un dialogue s'établit entre eux; mais l'ange du Paradis terrestre est un esprit de ténèbres, et celui de Nazareth est un esprit de lumière Dans les deux rencontres, c'est l'ange qui prend le premier la parole. « Pourquoi, dit l'esprit maudit à la première femme, pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres de ce jardin? » On sent déjà dans cette demande impatiente la provocation au mal, le mépris, la haine envers la faible créature dans laquelle Satan poursuit l'image de Dieu. Voyez au contraire l'ange de lumière avec quelle douceur, quelle paix, il approche de la nouvelle Eve ! avec quel respect il s'incline devant cette fille des hommes ! « Salut, ô pleine de grâce ! le Seigneur est avec vous; vous êtes bénie entre les femmes » Qui ne reconnaît l'accent céleste dans ces paroles où tout respire la dignité et la paix ! Mais continuons de suivre le mystérieux parallèle. La femme d'Eden, dans son imprudence, écoute la voix du séducteur; elle s'empresse de répondre. Sa curiosité l'engage dans une conversation avec celui qui l'invite à scruter les décrets de Dieu. Elle n'a pas de défiance à l'égard du serpent qui lui parle, tout à l'heure, elle se défiera de Dieu même. Marie a entendu les paroles de Gabriel ; mais cette Vierge très prudente, comme parle l'Eglise, demeure dans le silence. Elle se demande d'où peuvent venir ces éloges dont elle est l'objet. La plus pure, la plus humble des vierges craint la flatterie; et l'envoyé céleste n'obtiendra pas d'elle une parole qu'il n'ait éclairci sa mission par la suite de son discours. « Ne craignez pas, ô Marie, dit-il à la nouvelle Eve: car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous l'appellerez Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n'aura pas de fin. » Quelles magnifiques promesses descendues du ciel, de la part de Dieu ! quel objet plus digne de la noble ambition d'une fille de Juda, qui sait de quelle gloire doit être entourée l'heureuse mère du Messie? Cependant, Marie n'est pas tentée par tant d'honneur. Elle a pour jamais consacré sa virginité au Seigneur, afin de lui être plus étroitement unie par l'amour; la destinée la plus glorieuse qu'elle ne pourrait obtenir qu'en violant ce pacte sacré, ne saurait émouvoir son âme. « Comment cela pourrait-il se faire, répond-elle à l'Ange, puisque je ne connais pas d'homme? » La première Eve ne montre pas ce calme, ce désintéressement. A peine l'ange pervers lui a-t-il assuré qu'elle peut violer, sans crainte de mourir, le commandement de son divin bienfaiteur, que le prix de sa désobéissance sera d'entrer par la science en participation delà divinité même: tout aussitôt, elle est subjuguée. L'amour d'elle-même lui a fait oublier en un instant le devoir et la reconnaissance; elle est heureuse de se voir affranchie au plus tôt de ce double lien qui lui pèse. Telle se montre cette femme qui nous a perdus; mais combien différente nous apparaît cette autre femme qui devait nous sauver ! La première, cruelle à sa postérité, se préoccupe uniquement d'elle-même; la seconde s'oublie, pour ne songer qu'aux droits de Dieu sur elle. L'Ange, ravi de cette sublime fidélité, achève de lui dévoiler le plan divin « L'Esprit-Saint, lui dit-il, surviendra en vous; la Vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre; et c'est pour cela que ce qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Elisabeth votre cousine a conçu un fils, malgré sa vieillesse ; celle qui fut stérile est arrivée déjà à son sixième mois: car rien n'est impossible à Dieu. » L'Ange arrête ici son discours, et il attend dans le silence la résolution de la vierge de Nazareth. Reportons nos regards sur la vierge d'Eden. A peine l'esprit infernal a-t-il cessé de parler, qu'elle jette un œil de convoitise sur le fruit défendu ; elle aspire à l'indépendance dont ce fruit si délectable va la mettre en possession. Sa main désobéissante s'avance pour le cueillir; elle le saisit, elle le porte avidement à sa bouche, et au même instant la mort prend possession d'elle : mort de l'âme par le péché qui éteint la lumière de vie; mort du corps qui séparé du principe d'immortalité, devient désormais un objet de honte et de confusion, en attendant qu'il tombe en poussière. Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle, et revenons a Nazareth. Marie a recueilli les dernières paroles de l'Ange ; la volonté du ciel est manifeste pour elle. Cette volonté lui est glorieuse et fortunée : elle l'assure que l'ineffable bonheur de se sentir Mère d'un Dieu lui est réservé, à elle humble tille de l'homme, et que la fleur de virginité lui sera conservée. En présence de cette volonté souveraine, Marie s'incline dans une parfaite obéissance, et dit au céleste envoyé: « Voici la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon votre parole ». Ainsi, selon la remarque de notre grand saint Irenée, répétée par toute la tradition chrétienne, l'obéissance de la seconde femme répare la désobéissance de la première ; car la Vierge de Nazareth n'a pas plus tôt dit: Qu'il me soit fait, Fiat, que le Fils éternel de Dieu qui, selon le décret divin, attendait cette parole, se rend présent, par l'opération de l'Esprit-Saint, dans le chaste sein de Marie, et vient y commencer une vie humaine. Une Vierge devient Mère, et la Mère d'un Dieu; et c'est l'acquiescement de cette Vierge à la souveraine volonté qui la rend féconde, par l'ineffable vertu de l'Esprit-Saint. Mystère sublime qui établit des relations de fils et de mère entre le Verbe éternel et une simple femme; qui fournit au Tout-Puissant un moyen digne de lui d'assurer son triomphe contre L'esprit infernal, dont l'audace et la perfidie semblaient avoir prévalu jusqu'alors contre le plan divin ! Jamais défaite ne fut plus humiliante et plus complète que celle de Satan, en ce jour Le pied de la femme, de cette humble créature qui lui offrit une victoire si facile, ce pied vainqueur, il le sent maintenant peser de tout son poids sur sa tête orgueilleuse qui en est brisée. Eve se relève dans son heureuse fille pour écraser le serpent. Dieu n'a pas choisi l'homme pour cette vengeance : l'humiliation de Satan n'eût pas été assez profonde. C'est la première proie de l'enfer, sa victime la plus faible, la plus désarmée, que le Seigneur dirige contre cet ennemi. Pour prix d'un si haut triomphe, une femme dominera désormais non seulement sur les anges rebelles, mais sur toute la race humaine; bien plus, sur toutes les hiérarchies des Esprits célestes. Du haut de son trône sublime, Marie Mère de Dieu plane au-dessus de toute la création. Au fond des abîmes infernaux Satan rugira d'un désespoir éternel, en songeant au malheur qu'il eut de diriger ses premières attaques contre un être fragile et crédule que Dieu a si magnifiquement vengé; et dans les hauteurs du ciel, les Chérubins et les Séraphins lèveront timidement leurs regards éblouis vers Marie, ambitionneront son sourire, et se feront gloire d'exécuter les moindres désirs de cette femme, la Mère du grand Dieu et la sœur des hommes. C'est pourquoi nous, enfants de la race humaine, arrachés à la dent du serpent infernal par l'obéissance de Marie, nous saluons aujourd'hui l'aurore de notre délivrance. Empruntant les paroles du cantique de Debbora, où cette femme, type de Marie victorieuse, chante son triomphe sur les ennemis du peuple saint, nous disons: « La race des forts avait disparu d'Israël, jusqu'au jour où s'éleva Debbora, où parut celle qui est la mère dans Israël. Le Seigneur a inauguré un nouveau genre de combat; il a forcé les portes de son ennemi. » Prêtons l'oreille, et entendons encore, à travers les siècles, cette autre femme victorieuse, Judith. Elle chante à son tour: « Célébrez le Seigneur notre Dieu, qui n'abandonne pas ceux qui espèrent en lui. C'est en moi, sa servante, qu'il a accompli la miséricorde promise à la maison d'Israël ; c'est par ma main qu'il a immolé, cette nuit même, l'ennemi de son peuple. Le Seigneur tout-puissant a frappé cet ennemi; il l'a livré aux mains d'une femme, et il l'a percé de son glaive.
Le Serviteur de Dieu Dom Guéranger
Le Serviteur de Dieu Dom Guéranger
Abbé de Solesmes
1805-1875
Fête le 30 janvier
Prière pour demander la glorification de Dom Prosper Guéranger
Dieu notre Père, ton serviteur dom Prosper Guéranger, abbé de Solesmes, attentif à l’Esprit Saint, a permis à une multitude de fidèles de redécouvrir le sens de la liturgie, source du véritable esprit chrétien. Que son dévouement à la sainte Eglise et que son amour filial envers la Vierge immaculée, puisés dans le mystère du Verbe Incarné, soient une lumière pour les Chrétiens de notre temps. Daigne, Seigneur, nous accorder la faveur que nous demandons par son intercession, afin que sa sainteté soit reconnue de tous et que l’Eglise nous permette au plus tôt de l’invoquer comme l’un de tes bienheureux et de tes saints. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.
Imprimatur :
Jacques Faivre,
Evèque du Mans,
5 juin 1998.
Prière de faire connaître les grâces et les faveurs obtenues par l'intercession de dom Prosper Guéranger à
Abbaye Saint Pierre,
F-72300 Solesmes
Tél. 02 43 95 03 08
fax 02 43 95 68 79.
Notice sur Dom Guéranger,
cliquer sur le lien suivant:
http://spiritualitechretienne.blog4ever.com/blog/lirarticle-83937-780859.html