Sainte
Élisabeth de Hongrie
Sainte
Patronne du Tiers Ordre de Saint François
1207-1231
Fête
le 17 novembre
Sainte
Elisabeth, naquit à Presbourg en 1207; elle était le troisième
enfant du roi André II de Hongrie, descendant du saint roi Etienne,
et de Gertrude, fille du duc Berthold IV de Méranie. Elle quitta la
Hongrie à quatre ans, promise en mariage au fils du landgrave
Hermann I° de Thuringe (mort en 1217), Louis (né en 1200) qu'elle
épousa en 1221.
Elisabeth
avait une âme de feu : « Elisabeth, dit sa dame de
compagnie, Guta, rappelle fréquemment la présence de Dieu, dans
toutes ses actions elle invoque le Seigneur et rapporte tout à
lui. » L'influence de son mari, qu'elle aima d'un grand
amour, lui apporta un équilibre humain et spirituel durant les
années heureuses de leur vie commune dont naquirent deux enfants
(Hermann en 1222 et Sophie en 1224) : « Seigneur
Jésus-Christ, je vous offre, ainsi qu'à votre chère mère Marie,
ce nouveau né, fruit chéri de mon sein. Je vous le rends de tout
coeur, tel que vous me l'avez donné. Recevez ce bébé, tout baigné
de mes larmes, au nombre de vos serviteurs et amis. Bénissez-le à
jamais. » Une lumière éclatante brillait alors dans
l'Eglise, celle de François d'Assise. Elisabeth rêvait de vivre en
foyer l'idéal franciscain et Louis était apte à partager les
aspirations de sa femme. Mais, le 24 juin 1227, Louis de Thuringe dut
partir pour la cinquième croisade. Au bout de trois mois, il mourait
sur un bateau, en rade d'Otrante, en s'écriant : « Voyez
donc toutes ces colombes blanches ! Je vais partir avec elles vers
mon Dieu ! »
Encore
qu'elle l'avait pressenti (« Malheur à moi, pauvre femme,
sur terre je ne reverrai plus mon bien-aimé ! »), le coup
fut terrible pour Elisabeth, qui attendait son troisième enfant,
Gertrude (née vingt-sept jours après la mort de son père) :
« Désormais, j'ai tout perdu sur la terre. O cher ami de
mon coeur, mon excellent et pieux époux, tu es mort et tu me laisses
dans la misère. Comment vais-je vivre sans toi ? Pauvre veuve
abandonnée, faible femme ! Que le Dieu d'amour, celui qui
n'abandonne pas la veuve et l'orphelin, me console ! O Mon Dieu !
O mon Jésus, fortifiez-moi dans ma faiblesse ! »
Elle
aurait eu besoin alors d'un François de Sales à ses côtés ;
or elle avait pour directeur un maître qui la terrorisait et
n'hésitait même pas à la frapper. Spoliée de ses biens, elle
enfermée par son oncle, l'évêque de Bamberg qui la veut remarier,
jusqu'au retour de la dépouille de son mari (1228) : « Mon
Dieu, merci de me consoler miséricordieusement par ces restes
mortuaires de mon mari. Si grand que soit mon amour envers Louis,
vous savez, Seigneur, que je ne me repens nullement de notre commun
sacrifice pour le secours de la Terre-Sainte. Si je pouvais ramener à
la vie mon cher époux, je donnerais le monde en échange. Pourtant,
contre votre volonté sainte, je ne saurais racheter sa vie, ne
serait-ce que pour un seul de mes cheveux ! Que la volonté du
Seigneur soit faite ! »
Cédant
à une recherche fiévreuse de l'abjection et de la pénitence, elle
rompit avec sa famille, qui la prenait pour folle, et elle confia à
d'autres le soin de ses enfants, tandis qu'elle revêtait l'habit du
Tiers-Ordre, à Marburg sur le Lahn, pour se donner au service des
pauvres et des malades les plus abandonnés, en qui elle
reconnaissait le Christ : « Quelle joie pour moi de servir
Notre-Seigneur en ses membres souffrants les plus éprouvés ! »
Sa santé ne put résister à toutes ces austérités. Elle mourut le
16 novembre 1231, à minuit, âgée de vingt-quatre ans : « C'est
l'heure où Jésus vient racheter le monde. il me rachètera aussi.
Quelle faiblesse j'éprouve donc ! Pourtant, je ne ressens pas de
douleur. O Marie, venez à mon secours ! Le moment arrive où Dieu
m'appelle à l'éternelle noce. L'époux vient chercher son épouse
... Silence ! Silence ! »
Grégoire
IX canonisa Elisabeth en 1235 ; elle est, avec saint Louis, patronne
du Tiers-Ordre franciscain et, en 1885, Léon XIII la proclama
patronne des femmes et des jeunes filles allemandes.
Neuvaine
à Sainte Élisabeth de Hongrie
Avertissement
Tous
les maîtres de la vie spirituelle sont unanimes à dire que la
lecture de la vie des saints est un des plus puissants moyens
d'éveiller en nous le désir de la sainteté et de nous exciter aux
efforts nécessaires pour l'acquérir. Ils nous ont été donnés en
exemple, dit l'Imitation, et ils doivent avoir une plus grande force
pour nous exciter au progrès, que la masse des tièdes pour nous
porter au relâchement. » (Imitation de Jésus-Christ liv. 1, Ch.
18.) Mais combien cet exemple est plus puissant encore, s'il est aidé
par leur intercession, si nous la leur demandons pieusement en
méditant les vertus dans lesquelles ils ont spécialement excellé!
Nous espérons que cette neuvaine de méditations, tirées de la vie
de sainte Élisabeth, sera d'un grand secours pour ceux qui voudront
lui demander la grâce de l'imiter dans la pratique de la sainteté.
Et comme sainte Élisabeth s'est sanctifiée dans le monde, nous
espérons aussi qu'elle obtiendra des bénédictions efficaces pour
les personnes du monde qui voudront l'imiter.
Premier
jour
L'oraison
de Sainte Élisabeth
La
prière, dans toute l'acception du mot, est la première condition à
remplir pour arriver à la sainteté. « A mon avis, dit saint
Jean Chrysostome, il est absolument évident, qu'il est simplement
impossible, sans le secours de la prière, d'acquérir une vertu et
de faire aucun progrès dans cette vie ». La chose est
évidente, parce que la sainteté est un don de Dieu, mais un don
qu'il donne à qui le demande et à qui le demande avec les
conditions voulues. Pour recevoir la grâce, il faut se mettre en
communication avec Dieu c'est pourquoi la prière est une élévation
de l'âme vers Dieu élévation qui se fait au moyen de toutes les
puissances de l'âme par la pensée qui considère Dieu en lui-même,
dans ses œuvres et dans ses bienfaits, dans les mystères de la vie
et dans la mort de Jésus-Christ; par la volonté en s'attachant
continuellement à faire la volonté de Dieu, de manière à ce que
notre volonté n'en fasse plus qu'une avec la sienne; par le cœur,
en aspirant ardemment à la possession de ce souverain bien. C'est la
continuité de cette triple action de l'âme qui forme l'état
d'oraison permanente, et qui réalise la parole de Notre-Seigneur:
« Il fait toujours prier et ne jamais cesser de prier ».
(Saint Luc 18: 1.) Mais la sainteté ne regarde pas seulement l'âme
elle doit rejaillir sur le corps, et il faut que ce dernier
participe à cette élévation par la prière vocale, par les
génuflexions, etc. En un mot, il faut que l'homme prie tout entier,
et prie toujours. C'est par cette prière humble et continuelle qu'il
arrive à pénétrer les nuées qui lui cachent la vue de Dieu et
qu'il sentira son regard bénissant et sanctifiant. (Ecclésiastique
35: 21.)
Sainte
Élisabeth est arrivée à la sainteté, parce que, comme tous les
saints, elle a commencé par prier. A peine eut-elle l'usage de sa
raison naissante qu'elle apprit à élever son âme vers Dieu. Tout
enfant, elle méditait les paroles de la sainte Écriture; elle
aimait surtout à aller contempler de longues heures Jésus-Christ au
sacrement de l'autel. Et cette habitude de tenir sa pensée fixée
sur Jésus-Christ crucifié devint tellement forte, qu'elle le voyait
pour ainsi dire toujours en elle-même. Dès lors, quelle énergie à
faire sa volonté et à conformer en tout sa volonté à celle de son
modèle! Mais elle ne se contentait pas de le contempler ainsi en
elle-même. Elle passait de longues heures et parfois des nuits
entières dans la posture de l'adoration et de la prière. Cette
prière ardente et continuelle établissait comme un courant
ininterrompu entre Dieu et la Sainte. Du côté de la Sainte, aucune
pensée, aucune action, aucun mouvement qui ne fussent méritoires,
parce qu'ils étaient tous revêtus de la présence féconde de Dieu;
du côté de Dieu, c'étaient des flots de grâces qui coulaient dans
l'âme de la Sainte, la remplissant continuellement et augmentant en
même temps ses capacités surnaturelles. A ce point de vue,
l'histoire de sainte Élisabeth est l'histoire de tous les saints; et
cette histoire nous trace d'une façon absolument exacte ce que nous
avons à faire pour arriver à la sainteté. Ce serait une funeste
erreur que de prétendre y arriver par un autre moyen, puisque sans
la prière nous ne pouvons pas espérer le moindre secours de la part
de Dieu.
Sainte
Élisabeth, apprenez-nous à prier. Apprenez-nous d'abord la
nécessité de prier, ensuite comment nous devons prier. La prière
nous ennuie, nous fatigue rapidement, et parce qu'elle nous ennuie et
nous fatigue, nous nous persuadons bien vite qu'elle n'est pas
nécessaire, et nous inventons une foule d'autres raisons pour nous
abstenir de prier. C'est là un grand malheur pour nous, parce que
sans la prière nous ne pouvons pas nous sauver. A nous qui aimons
relire votre vie admirable, qui admirons vos vertus extraordinaires,
qui vous louons d'être arrivée à la céleste paix, d'être
entourée d'une gloire qui vous distingue au milieu de l'assemblée
des saints, donnez-nous, ô aimable Sainte, votre amour de la prière.
Et pour que nous aimions prier, obtenez-nous d'éprouver quelquefois
le bonheur de nous sentir en communication avec Dieu. On dit que
lorsqu'on a goûté une fois ce bonheur, on le recherche de
préférence à tout autre. Quoique nous ne le méritions pas, nous
osons pourtant vous le demander, afin d'être entrainés à votre
suite dans l'union continuelle avec Dieu et afin d'arriver à cette
gloire que vous possédez. Ainsi soit-il.
Notre
Père, Je vous salue Marie
Prière
tirée de l'Office de sainte Élisabeth
Éclairez,
ô Dieu de miséricorde, les cœurs de vos fidèles et, en vertu des
glorieuses prières de la bienheureuse Élisabeth, donnez-nous la
grâce de mépriser les biens de ce monde et de mettre pour toujours
notre joie dans les biens célestes; par Jésus-Christ,
notre-Seigneur. Ainsi soit-il.
Sainte
Élisabeth, priez pour nous.
Deuxième
jour
La dévotion de Sainte Élisabeth envers
l'Eucharistie
« Approchez
et rassasiez-vous, car c'est une nourriture; approchez et buvez, car
c'est une source d'eau vive approchez et remplissez- vous de clarté,
car c'est une lumière; approchez et soyez libres, car là où est
l'esprit du Seigneur, là est la liberté: approchez et soyez
pardonnés, car l'Eucharistie est la rémission des péchés ».
(Saint Ambroise.) L'Eucharistie est la possession invisible de Dieu
sur la terre, comme la vision béatifique est la possession visible
de Dieu dans le ciel. Nul ne peut aspirer à posséder Dieu dans le
ciel s'il ne cherche pas à le posséder sur la terre. « Je
vous le dis en vérité, si vous ne mangez pas la chair du Fils de
l'homme, vous n'aurez pas la vie en vous ». (S. Jean, 6: 54.)
La prière par laquelle l'âme s'élève vers Dieu doit être
complétée par la communion qui est la possession de Dieu. Tous les
saints ont cherché à recevoir la sainte Eucharistie; tous les
saints ont eu envers la présence réelle de Notre-Seigneur une
grande dévotion. Sainte Élisabeth, tout enfant, aimait à se
trouver au pied du tabernacle, à se prosterner sur le pavé devant
ce Dieu que son cœur voyait sur l'autel. Quand la chapelle était
fermée, elle se prosternait devant la porte et en baisait la
serrure. Sa dévotion était amoureuse et humble. Le temps qu'elle
passait dans l'intimité avec son Dieu, soit qu'elle le visitât,
soit qu'elle le possédât par la communion, se passait en
épanchements pleins de tendresse, auxquels Notre-Seigneur répondait
par des communications ineffables. Dans la conscience vive qu'elle
avait de la bassesse humaine en face de la Majesté divine, elle
s'anéantissait le plus qu'elle pouvait en sa présence volontiers
elle se serait-dépouillée de tout ornement, de toute marque de
distinction ce qu'elle faisait d'ailleurs autant qu'elle pouvait au
temps de sa prospérité, et ce qu'elle fit avec bonheur aux jours de
l'épreuve et de la retraite. C'est là qu'elle trouva la force, la
lumière, la vraie liberté; c'est dans un de ces entretiens qu'elle
reçut de Notre-Seigneur l'assurance que tous ses péchés lui
étaient pardonnés.
Jésus
dans l'Eucharistie est le centre de la vie chrétienne, le foyer de
la vraie sainteté. C'est lui qui sert d'intermédiaire entre son
Père et nous, et rien ne vient de Dieu jusqu'à nous sinon par Jésus
dans l'Eucharistie, rien ne peut aller de nous jusqu'à Dieu sans
passer par Lui. La dévotion envers la sainte Eucharistie nous est
donc absolument nécessaire. Elle est strictement nécessaire au
salut, car celui qui ne la reçoit pas n'a pas la vie; plus on la
fréquente, plus on assure son salut, et le travail de la sainteté
n'est pas autre chose que l'effort continu pour assurer son salut le
plus possible. Mais la sainteté est aussi la participation à la vie
divine; elle est comme la déification de l'homme, qui ne peut
s'obtenir que par la communication aussi fréquente que possible, et
même aussi continuelle que possible de Dieu lui-même communication
qui s'opère surtout dans l'Eucharistie en même temps adorée,
désirée et reçue. Adorer l'Eucharistie, la désirer et la recevoir
tel est le commencement, la croissance et la perfection de la vie
chrétienne.
O
sainte Élisabeth, qui avez si bien connu la source de la perfection,
qui y avez puisé avec tant d'avidité la vie surnaturelle et divine,
et qui en. avez reçu cette sainteté qui fait l'admiration du monde
et la joie du ciel, obtenez-nous par votre bienveillante intercession
l'amour de la sainte Eucharistie. Entraînez-nous à votre suite au
pied du tabernacle, et là, apprenez-nous à adorer le Dieu d'amour
qui y réside, à le désirer de toutes les puissances de notre âme,
et à le recevoir avec tout l'amour d'un cœur pur comme le vôtre,
afin qu'après en avoir reçu la force, la lumière et l'assurance
que nos péchés nous sont pardonnés, nous puissions le posséder
avec vous dans l'éternité bienheureuse. Ainsi soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Troisième
jour
La mortification de Sainte Élisabeth
« Le
lutteur dans l'arène s'abstient de tout ce qu'il fait pour une
couronne corruptible, nous devons le faire pour gagner une couronne
incorruptible. (1 Cor. 9, 25.) Pour aller à Dieu, il faut avoir
dépouillé son cœur de toute affection aux créatures. « Le
renoncement n'est pas autre chose que la rupture de tout ce commerce
terrestre et temporel, rupture qui, nous élevant au-dessus des
inquiétudes et des préoccupations de la vie humaine, nous rend plus
prompts et plus aptes à arriver à la contemplation de Dieu ».
(Saint Bernard.) Mais ce que l'on entend proprement par
mortification, consiste plus spécialement dans le renoncement à
toutes les satisfactions du corps, et son but est de détruire la loi
de la chair par l'asservissement et au besoin l'affaiblissement des
instruments de cette loi, qui sont les membres du corps et les
facultés sensibles. Le corps porte à la mollesse doit être châtie
par la douleur, dompté par la fatigue et par le jeûne. En un mot,
il faut faire mourir l'homme charnel, afin de faire vivre
exclusivement l'homme spirituel. « Plût à Dieu, s'écrie
saint Bernard, que je tombe souvent dans cette mort, pour éviter les
pièges de la mort, pour ne plus sentir les caresses mortelles de la
luxure, pour échapper au sentiment de la passion, à l'ardeur de
l'avarice, aux aiguillons de la colère et de l'impatience, aux
angoisses des inquiétudes et au tourment des soucis ». Pour
suivre Jésus-Christ, il faut être dépouillé de tout et porter
après lui la croix de la douleur. « Si quelqu'un veut venir
après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix et me
suive ». (Saint Matthieu 26: 24.)
Sainte
Élisabeth avait merveilleusement compris les avantages de la
mortification. Dès l'enfance, elle s'habituait à se priver de tout
ce qui n'était pas absolument nécessaire. Tout d'abord son premier
soin fut de se soumettre exactement aux pénitences imposées par les
lois de l'Église. Elle fut scrupuleuse observatrice des lois de
l'abstinence, et plus d'une fois elle ne mangea, malgré de grandes
fatigues, que du pain et de l'eau. Ce qui est imposé par une loi
stricte doit être observe par le sentiment de la justice, vertu qui
est la base nécessaire de la vie chrétienne. Le sentiment de
l'amour de Dieu poussait ensuite la Sainte à des actes de
mortification de son propre choix, tels que les jeûnes de
surérogation, les longues prières la nuit à genoux, maigre le
froid et la fatigue, la discipline et le cilice qu'elle gardait sous
ses vêtements d'apparat. Ainsi se mortifiait-elle dans les jours de
sa vie prospère. Mais avec plus de joie encore elle accepta les
douleurs qui accompagnèrent l'injustice dont elle fut victime; car
elle savait que les mortifications qui nous viennent d'une volonté
étrangère sont plus méritoires que celles que nous nous imposons
par notre propre volonté car il est plus parfait de briser notre
volonté que de lui obéir. Dès lors Élisabeth remercia Dieu
d'avoir été dépouillée de tout; elle se réjouit vivement des
humiliantes brutalités des personnes auxquelles elle avait fait du
bien elle se montrait heureuse de mendier son pain et de travailler
péniblement pour le gagner. Elle se disait plus riche avec sa
quenouille qu'avec un sceptre, dans sa chaumière de Marbourg que
dans le château de Wartbourg; elle se nourrissait avec plus de joie
du pain des pauvres que des mets de la table ducale.
Sainte
Élisabeth, vous avez entendu la parole de l'Apôtre: « La
femme qui vit dans les délices parait vivante, mais elle est morte »
(1 Timothée 5, 6); et vous avez repoussé toutes les délices de la
vie temporelle. Vous avez cherché, à force de mortifications, à
accomplir en vous la Passion du Christ; et vous avez accepté avec
joie toutes les douleurs de l'âme et du corps, afin de ressembler à
Jésus-Christ crucifié. Vous êtes allée à Jésus en rompant tous
les liens qui vous rattachaient aux créatures, vous avez voulu en
tout mourir au monde pour vivre en Dieu; et maintenant que vous
jouissez en paix de la glorieuse couronne que vous avez conquise par
vos travaux, entraînez-nous à votre suite dans cette voie de
l'abnégation qui vous a conduite à la glorieuse béatitude.
Obtenez-nous par votre intercession de comprendre que pour ne pas
s'agiter en vain, il faut, comme le dit l'Apôtre, châtier son corps
et le réduire en servitude. (I Cor. 9, 27.) Sainte Élisabeth, par
vos exemples et par votre intercession, conduisez-nous au séjour de
la paix. Ainsi soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Quatrième
jour
La
patience de Sainte Élisabeth
Tous
ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ souffriront la
persécution » (2 Timothée 3:12.) Cette parole de l'Apôtre
n'est que l'écho de celle de Notre-Seigneur: « Le serviteur
n'est pas plus grand que son maître, s'ils m'ont persécuté, ils
vous persécuteront aussi. » (Saint Jean, 15, 20.) « Je
vous le dis en vérité, vous pleurerez et le monde se réjouira
tandis que vous serez dans la tristesse ». (Saint Jean, 16:
20). Le monde n'accepte point la leçon que lui donne l'exemple de la
vertu. La vue de la sainteté, le spectacle de la vertu excite sa
haine, au point que le chrétien qui n'est en butte à aucune
persécution ou contradiction de la part du monde peut s'inquiéter
au sujet de la réalité de sa vertu. « C'est donc armés de la
patience que nous devons courir au combat qui nous est proposé, en
fixant notre regard sur Jésus, l'auteur et le consommateur de notre
foi, préférant la croix à la joie qui lui était offerte, et
méprisant la honte de ce supplice ». (Hébreux 12: 1-2.) Mais
ce n'est pas seulement la persécution qu'il faut savoir endurer avec
patience, ce sont encore les tristesses (1ere Épitre de Saint
Pierre, 2: 20) de la vie, les déceptions, les déboires de toutes
sortes qui nous viennent des chrétiens aussi bien que des impies,
des proches autant et plus que des étrangers; ce sont toutes ces
blessures du cœur et de l'âme, bien plus douloureuses encore que
celles du corps. C'est en tout ce qui constitue la vie chrétienne
que nous pouvons nous appliquer ces paroles de saint Pierre: « Le
secret de votre vocation, c'est que le Christ a souffert pour vous,
vous laissant un exemple pour que vous marchiez sur ses traces ».
(Ibid. 2, 21.)
Sainte
Élisabeth a supporté, réunis en elle, tous les genres de douleurs.
Jeune fille, elle a vu sa piété tournée en dérision par ceux qui
auraient dû l'encourager et s'en réjouir. Plus tard, après de bien
courtes années de bonheur terrestre, où elle ne laissa point son
cœur s'amollir, elle dut subir les plus grandes douleurs qu'il soit
donné à une femme de supporter. Elle est dépouillée de tout ce
qu'elle possède, chassée ignominieusement de sa maison, elle est
condamnée à entendre les cris de ses enfants souffrant de la faim.
Tendant la main pour demander l'aumône, elle éprouve la honte du
refus de la part de ceux-là même qu'elle avait comblés de ses
bienfaits. Les injures les plus grossières lui sont prodiguées, et
pour qu'elle ressemblât davantage à Jésus-Christ, l'époux divin
auquel elle avait voué son veuvage, ses proches publient à l'envi
qu'elle est tombée dans la démence et la folie. En toutes ces
douloureuses épreuves, Élisabeth garde son âme dans la patience.
Pensant à celui qui voulut subir la contradiction des pécheurs,
elle ne laissa point défaillir son esprit. Au contraire, elle
accepta tout avec j oie quelle que fût la source de la douleur,
qu'elle qu'en fût la grandeur ou l'ignominie, jamais elle ne
l'accueillit autrement que venant de la main de Dieu, et toujours
elle se montra heureuse d'avoir été jugée digne de souffrir
quelque chose pour son Dieu.
O
sainte Élisabeth, quelle distance entre vous et nous. Nous ne
pouvons supporter la moindre contradiction, le moindre manque de
respect; la moindre douleur nous exaspère, la moindre tristesse nous
accable, et le moindre déboire nous décourage complètement. Toute
douleur nous fait regimber violemment, et de cette arme que Dieu met
entre nos mains pour vaincre la nature rebelle et tuer la
concupiscence, nous faisons un instrument de mort en la tournant
contre nous-mêmes de ce moyen tout-puissant pour acquérir des
mérites et pour nous rendre semblables à notre divin modèle, nous
faisons une occasion de démérite et une cause de perte. Donnez-nous
une charité plus vraie; car si notre charité était véritable,
elle ne craindrait pas le feu de la tribulation. La tribulation
purifie et éprouve la charité comme le feu purifie et éprouve
l'or. Celui qui aime Dieu vraiment ne craint pas la douleur; il se
dit avec vous, ô bienheureuse Élisabeth, heureux d'avoir été jugé
digne de souffrir pour le nom de Jésus-Christ. Obtenez-nous cette
vraie charité, afin que, mettant à profit les peines de cette vie,
nous nous en servions pour parvenir à la gloire céleste. Ainsi
soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Cinquième
jour
La pauvreté de Sainte Élisabeth
« Bienheureux
les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux ».
(Saint Matthieu 5, 3.) « Nous n'avons rien apporté dans le
monde; il est hors de doute que nous ne pourrons rien emporter. Mais
si nous avons de quoi manger et de quoi nous couvrir, nous devons
nous en contenter. Car ceux qui veulent devenir riches tombent dans
la tentation et dans le piège du démon, et dans une foule de désirs
inutiles et nuisibles qui submergent les hommes pour leur mort et
pour leur perdition » (1 Timothée 6, 8-9.) « Fuis tout
cela, ajoute l'Apôtre, et suis la justice, la piété, la Foi, la
Charité, la patience, la mansuétude ». Notre-Seigneur l'a dit
dans son Évangile on ne peut pas en même temps servir Dieu et
l'argent. Le bien infini qui est Dieu, et le bien temporel sont
opposés l'un à l'autre, de telle sorte que l'on ne peut rechercher
l'un sans s'éloigner de l'autre on ne peut entrer en possession
réelle de Dieu qu'après s'être absolument détaché de tout bien
temporel et toute âme qui veut arriver à Dieu ne doit plus désirer
autre chose que Dieu; il doit regarder Dieu comme son seul héritage
et son seul bien. (Psaume 15: 5.) Celui qui cherche les biens
terrestres perd son temps et tombe dans le piège du démon qui les
fait miroiter pour nous détourner des biens éternels. Mais
rappelons-nous toujours que la « vraie richesse est, non pas la
fortune, mais la vertu que la conscience porte en elle-même et dont
elle s'enrichit éternellement ». (Saint Bernard.)
Sainte
Élisabeth comprit de bonne heure la nécessité de détacher son
cœur de tout bien terrestre. Les yeux fixés sur Jésus crucifié,
objet préféré de ses méditations, elle en remarque bien vite le
dépouillement complet. « Contemplant celui qui étant riche
s'est fait pauvre pour nous (2 Cor.,8:9); écoutant ce divin Maître
dire à ses disciples: « Les renards ont des tanières et les
oiseaux du ciel ont des nids; mais le fils de l'Homme n'a pas où
reposer sa tête » (Saint Matthieu 8: 20) Élisabeth fut prise
d'un immense désir de pauvreté. Épouse heureuse, elle rêvait de
la pauvreté elle l'aimait dans les autres en attendant de l'aimer en
elle-même. Et quand vint le dépouillement complet avec toutes ses
rigueurs, elle s'en réjouit grandement, et, selon le mot d'Albert le
Grand, heureuse d'être dégagée du souci des choses périssables,
elle se confia en Dieu en toute simplicité et sécurité. « La
pauvreté du Christ, dit saint Bernard, est plus riche que toutes les
richesses, que tous les trésors du siècle. C'est par elle que l'on
achète le royaume des cieux, que l'on acquiert la grâce divine,
comme il est écrit « Bienheureux les pauvres en esprit, parce
que le royaume des cieux leur appartient ». Tous les saints ne
sont devenus des saints que parce qu'ils ont méprisé les biens
temporels pour s'occuper uniquement d'acquérir les biens éternels.
Dieu lui rendit ses biens, mais alors, elle s'en dépouilla
volontairement. Elle n'en retira qu'un privilège, celui de pouvoir
enrichir les pauvres de sa pauvreté. « Qu'aurait-elle cherché
de plus, puisque son Créateur était tout pour elle: D'ailleurs
quelle fortune suffirait à celui à qui Dieu ne suffit pas ».
(Saint Prosper.)
« Bienheureuse
celle qui n'est pas allée à la recherche de l'or, et n'a pas mis
son espérance dans les trésors de la richesse. Quelle est elle pour
la louer? » (Ecclésiastique 31 8-9.) C'est vous, ô Élisabeth,
cette femme judicieuse, qui avez cherché le vrai bien là où il est
réellement, et qui avez accepté avec joie d'être dépouillée de
vos biens, parce que vous aviez une ressource meilleure et
permanente » (Hébreux 10: 34.) De cette richesse que Dieu
avait mise entre vos mains, vous en avez usé non pour satisfaire des
goûts de luxe ou d'ambition, mais pour secourir Jésus-Christ dans
la personne des pauvres. Sainte Élisabeth, intercédez pour nous,
afin que nous comprenions le néant des biens terrestres obtenez-nous
de nous réjouir de manquer de quelque chose, et de nous estimer
heureux d'être libres des soucis de la richesse, afin d'être plus
agiles à suivre Jésus-Christ dans la voie étroite où l'on ne peut
marcher que dépouillé de tout, mais par laquelle on arrive à la
possession de la vraie richesse. Ainsi soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Sixième
jour
L'humilité
de Sainte Élisabeth
« En
vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez pas et si vous
ne devenez pas comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le
royaume des cieux. Celui qui s'humiliera comme ce petit enfant, sera
le plus grand dans le royaume des cieux ». (Saint Matthieu
28:4) Les rois des nations les dominent, et ceux qui ont la puissance
les hommes sont appelés bienfaiteurs. Mais, pour vous, il n'en sera
pas de même! Celui qui voudra être le plus grand parmi vous doit se
faire votre serviteur, et celui qui marche devant les autres doit
être comme leur administrateur ». (Saint Luc, 22: 25-26.)
L'humilité est tellement nécessaire, que, sans elle, il est
impossible d'acquérir une vertu solide, impossible d'élever
l'édifice de la perfection chrétienne et d'arriver à la sainteté.
L'humilité est le fondement de la vraie vie chrétienne. « Celui
qui veut construire un édifice élevé, dit saint Augustin, doit
d'abord en poser le fondement et plus il veut que cet édifice soit
lourd et haut, plus il faut un fondement profond ».
Notre-Seigneur nous fait de l'humilité un précepte nécessaire, et
il nous en donna un exemple que nous devons suivre: « Apprenez
de moi, dit-il, que je suis doux et humble de cœur ». (Saint
Matthieu 11: 29.) Il pratiqua l'humilité de la façon la plus
absolue et nul ne l'égalera dans son humilité. Il fut humble envers
son Père, car pour réparer l'injure que l'orgueil des hommes avait
faite à sa gloire, il s'abaissa jusqu'à se faire esclave. Il fut
humble envers lui-même, car il refusa constamment les honneurs et
les dignités et n'accepta que la confusion et l'ignominie. Il fut
humble envers les hommes, car, dit-il, « voici suis au milieu
de vous comme votre serviteur ». (Saint Luc, 22: 27.) La gloire
céleste nous est donnée en proportion de notre humilité; et si
Jésus-Christ est élevé dans son humanité sainte au-dessus de
toute créature, c'est qu'il s'est abaissé plus que toute créature.
Sainte
Élisabeth a imité notre divin modèle autant qu'une créature
humaine peut l'imiter. Dès son enfance, elle éprouvait les plus
vifs sentiments de sa bassesse naturelle en face de Dieu. En voyant
Jésus couronné d'épines, elle éprouvait une confusion extrême
d'avoir une couronne d'or sur la tête, et ce sentiment allait
parfois jusqu'à l'évanouissement. Elle acceptait volontiers d'être
comptée pour rien et quand elle fut libre d'agir à sa guise, sa
préoccupation constante fut de s'abaisser. Non seulement elle se
faisait la servante des pauvres, des malades et des infirmes, les
soignant de ses propres mains et leur rendant les services les plus
répugnants, mais elle se réjouissait quand ceux à qui elle avait
ainsi rendu service la méprisaient ou l'outrageaient. Elle disait:
« Si je connaissais quelque genre de vie plus bas et plus
abject, je l'embrasserais pour me conformer davantage, pour me rendre
plus semblable encore à mon Seigneur Jésus-Christ, qui, étant le
premier de tous, s'est abaisse et s'est fait le dernier des hommes,
pour nous donner l'exemple que nous devons suivre car c'est en cela
que consiste l'achèvement de la perfection ». Elle s'efforça
d'être ignorée en tout, jusque dans cet exercice de la charité qui
lui était si cher. A l'église, elle était vêtue comme les femmes
du peuple, pour être confondue au milieu d'elles elle donnait des
offrandes semblables aux
offrandes du peuple, pour que rien ne la
fit remarquer et dans ses aumônes, elle se soumit à ne donner que
ce que donne la charité du peuple. C'est ainsi qu'en s'abaissant
chaque jour davantage, Élisabeth rendait chaque jour sa sainteté
plus solide et pouvait élever plus haut l"édifice de son
admirable perfection.
Sainte
Élisabeth, combien notre conduite est différente de la vôtre. Nous
oublions l'exemple de notre divin Maître. Nous avons la prétention
d'arriver à la sainteté sans en jeter les fondements; nous
bâtissons sur le sable un édifice éphémère que le torrent de la
concupiscence, que le vent de la contradiction emportent aussitôt;
et, après avoir bien travaillé, souvent, nous nous trouvons dénués
de tout au milieu de nos résolutions en ruines. Apprenez-nous par
votre exemple que l'édifice de notre perfection et de notre salut
n'est pas notre œuvre; obtenez-nous les lumières nécessaires pour
bien comprendre que notre rôle à nous est de creuser les fondements
le plus profondément possible et que pour l'édification de notre
œuvre surnaturelle, il faut laisser agir en nous la grâce sans y
mettre obstacle. Notre action à nous consiste à nous mettre le plus
bas possible, à la dernière place, comme le dit Notre-Seigneur
c'est lui, ensuite, l'hôte divin de notre âme, qui nous fera monter
plus haut. Bienheureuse êtes-vous, ô sainte Élisabeth, d'avoir
compris cette nécessité; maintenant vous régnez sur le trône de
gloire que vous a prépare l'Époux divin dont vous vous êtes faite
la très humble servante. Obtenez-nous la grâce de vous imiter dans
votre humilité, afin de pouvoir vous suivre dans le ciel où vous
régnez. Ainsi soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Septième
jour
L'obéissance
de Sainte Élisabeth
« L'obéissance,
dit saint Jean Climaque, est la parfaite abnégation de son âme et
de son corps c'est une mort volontaire c'est la marche sans
sollicitude, la navigation sans péril, c'est l'ensevelissement de la
volonté c'est l'humilité vécue, c'est la route faite comme en
dormant. Vivre dans l'obéissance, ce n'est pas autre chose que
mettre son propre fardeau sur les épaules d'un autre, que nager
porté par les bras d'un autre qui nous empêche de couler dans
l'abîme des eaux, c'est traverser sans péril et rapidement la mer
de cette vie ». Quelle que soit la mortification à laquelle on
se soumette, la pauvreté et le dépouillement que l'on s'impose, on
fait encore sa volonté. Or, faire sa volonté, c'est moins parfait
et moins sûr que de faire la volonté de Dieu personnifiée en
quelqu'un qui est dépositaire de son autorité. Dans la vie
religieuse, l'obéissance est imposée comme une condition absolument
nécessaire, et le religieux s'y soumet par un vœu strict, trouvant
en cela l'élément le plus fécond de sa sainteté et de son progrès
dans la sainteté. Dans le monde, celui qui veut arriver à la
sainteté n'est pas dépourvu de ce moyen nécessaire entre tous Dieu
nous a donné un directeur, et en obéissant à ce directeur, nous
avons tous les avantages de l'obéissance. C'est par ce moyen,
principalement, que la sainteté est possible dans le monde; car,
dans le monde, la sainteté est soumise également à la nécessité
d'imiter Jésus-Christ qui s'est fait obéissant jusqu'à la mort et
à la mort de la croix.
Sainte
Élisabeth avait compris que, de même que l'humilité est le
fondement de toutes les vertus, l'obéissance est comme le ciment qui
consolide l'édifice de la perfection. Elle fut obéissante à son
mari en tout ce qui regardait la vie temporelle; elle fut obéissante
à son directeur en tout ce qui regardait la vie spirituelle. Elle
avait si bien saisi la nécessité de cette obéissance, qu'elle
n'hésita pas à s'y astreindre par un vœu et, malgré la dureté de
ce directeur, elle lui fut fidèle en tout point. Ce directeur
cherchait à briser en tout la volonté de sa sainte pénitente, et
celle-ci ne se refusait à aucune de ses exigences, même dans les
points qui la touchaient le plus intimement. « J'ai voulu obéir
à Conrad, disait-elle, qui est pauvre et mendiant, et non à un
puissant évêque, afin d'éloigner de moi toute occasion de
consolation temporelle ». Elle savait que Dieu donne ses
lumières, non pas en proportion de la situation extérieure, mais en
proportion de la vertu et du détachement, du confesseur. La sainteté
du confesseur en fait comme un miroir fidèle où les âmes peuvent
se guider au rejaillissement de la lumière divine. Pour le choisir,
sainte Élisabeth s'était assurée que maître Conrad réunissait
surtout ces deux conditions que tous les autres maîtres de la vie
spirituelle veulent trouver dans un directeur: la science et la
sainteté. L'ayant donc choisi avec prudence, et s'étant livrée
aveuglément à sa direction, elle ne pouvait faire autrement que de
faire de rapides progrès dans la sainteté, et nous ne serons pas
étonnés, dès lors, de la rapidité avec laquelle elle est arrivée
à l'union avec Dieu.
O
bienheureuse Élisabeth, l'histoire de votre vie nous montre que vous
avez réalisé en votre personne ces paroles du prophète parlant du
Christ votre divin modèle: « Je n'oppose aucun prétexte, je
ne suis pas retourné en arrière, j'ai livré mon corps aux
soufflets, je n'ai pas détourné mon visage de ceux qui
m'outrageaient et me conspuaient » (Isaïe., 50: 6.) Vous avez
obéi en tout aux dures pénitences qui vous étaient imposées, aux
détachements douloureux; vous avez obéi jusqu'à diminuer
l'exercice de la vertu de charité qui vous était si chère et par
cette obéissance parfaite, accomplie pour imiter le Christ, vous
êtes arrivée avec lui à partager sa gloire. Faites-nous comprendre
la nécessité de l'obéissance apprenez-nous à marcher dans ce
chemin royal qui nous conduira en toute sécurité au port du salut
et de la paix. Ainsi soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Huitième
jour
La
Charité de Sainte Élisabeth
Toute
la vie chrétienne se résume dans la charité, qui est comme la
somme ou plutôt le produit de toutes les vertus et de tous les actes
vertueux. Dieu est charité, dit saint Jean (1ere Épitre 4: 8); et
le chrétien doit devenir charité. La charité est le lien de la
perfection (Colossiens 3: 14), par laquelle le chrétien doit
ressembler à Dieu: « Soyez parfaits comme votre Père céleste
est parfait. (Saint Matthieu 5: 48.) Dans son amour infini, Dieu
s'aime lui-même et aime en lui-même toutes ses créatures le
chrétien doit de même aimer Dieu de toutes les puissances de son
être et aimer en Dieu toutes les créatures, dans l'ordre où Dieu
les aime. C'est par l'amour que le chrétien marche vraiment vers sa
fin et accomplit, autant qu'il est en lui, le devoir qui lui incombe
de conduire, dans la mesure de ses forces, les autres créatures vers
leur fin en d'autres termes, la vraie charité, le vrai amour de Dieu
« est l'effort assidu de toutes les puissances de l'âme pour
faire que la volonté de Dieu soit accomplie » (Saint Basile).
La charité est donc « la très vraie, très entière et très
parfaite justice » (Saint Augustin). Quelle chose précieuse
que la charité Quand l'homme donnerait tous ses soins pour acquérir
l'amour, il l'achèterait pour rien; et sa vie elle-même serait peu
de chose en comparaison de la grandeur de l'amour. (Cantique des
Cantiques, 8:7) Mais l'amour est essentiellement actif. « Jamais
l'amour de Dieu n'est oisif, dit saint Augustin quand il existe, il
opère de grandes choses; mais s'il refuse d'agir, il n'existe pas ».
« Bien plus, dit saint Thomas, l'amour de Dieu opère de
grandes choses, et il croit faire peu; son zèle se multiplie et il
se croit inactif les plus longs travaux lui semblent courts ».
Demandons à sainte Élisabeth de nous enseigner par son exemple
comment agit l'amour.
Sainte
Élisabeth pratiqua la charité d'une manière sublime. Elle donna
son cœur à Dieu seul, et, pour être vraiment à lui, elle renonça
à tout. Toute sa vie ne fut qu'un dépouillement continuel,
pratiquant à la lettre ce qu'a dit Notre-Seigneur: « Celui qui
ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut pas être mon
disciple » (Saint Luc 14). Soit que ce dépouillement fût
voulu par elle, soit que Dieu lui-même la dépouilla en permettant à
la mort et à l'injustice des hommes de l'accabler, soit que le
dépouillement lui fût imposé de la part de Dieu, toujours elle
l'accomplit en son cœur avec la plus parfaite soumission et en
rendant grâces de ce que ces dépouillements la rendaient plus libre
pour aller à Dieu seul. Elle ne connut aucune mesure dans sa
charité; elle aima Dieu, l'aima d'une façon absolue, d'un amour
d'entière préférence. Rien dans sa vie ne fut jamais admis en
comparaison avec l'amour de Dieu dans ses moindres manifestations.
Elle ne se contenta pas des plus vifs sentiments de l'amour, mais
elle savait que l'amour inactif n'est pas un véritable amour. « La
preuve de l'amour, dit saint Grégoire, ce sont ses œuvres ».
Les œuvres de l'amour sont tout d'abord la réalisation en nous de
la ressemblance avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. Aimer ce qu'il a
aimé et comme il a aimé souffrir ce qu'il a souffert, comme il l'a
souffert et pourquoi il l'a souffert tel est le programme de la vraie
charité. Sainte Élisabeth le réalisa en aimant ce que Jésus-Christ
a aimé, c'est-à-dire les hommes et surtout les malheureux, à qui
elle a donne tout ce qu'elle avait et à qui elle s'est donnée
elle-même, pour soigner leurs corps et guérir leurs âmes. Comme
Jésus-Christ, elle a voulu souffrir pour la gloire de Dieu et pour
le salut des âmes. De là ses mortifications, ses pénitences, ses
humiliations. Élisabeth aima vraiment comme le veut l'Apôtre de la
charité: « N'aimons pas en paroles ni avec la langue, mais par
nos œuvres, en toute vérité » (1ere Épitre de saint Jean,
3: 18.)
O
bienheureuse Élisabeth, que votre charité est admirable Comme vous
avez ressemblé à Jésus-Christ! Vous vous êtes donnée à Dieu de
la façon la plus entière et vous avez mérité d'entendre le divin
Maître vous dire ces paroles de tendresse: « Veux-tu être
avec moi comme moi je suis avec toi? » Et une autre fois: « Aie
bon courage, ma fille, je suis avec toi ». Heureuse êtes-vous
d'avoir mérité ce témoignage de l'amour de Jésus-Christ. Vous
avez aimé Dieu de tout votre cœur; mais vous avez compris aussi la
parole de saint Jean, le saint que vous avez préféré, que vous
avez voulu avoir pour protecteur et pour modèle spécial: « Si
quelqu'un dit qu'il aime Dieu et n'aime pas son frère, celui-là est
un menteur » (1ere Épitre de saint Jean, 4:20); et votre
charité s'est répandue sur les hommes, soulageant toutes les
misères. Des peuples entiers ont crié vers Dieu leur reconnaissance
vous avez été pour eux la joie et la paix, vous avez été pour eux
le salut du corps et surtout de l'âme; et vous avez recueilli la
récompense promise à ceux qui ont possède la vraie charité.
Bienheureuse Élisabeth, priez pour nous, afin que nous vous suivions
dans la voie de la vraie charité, afin que nous méritions, comme
vous, d'être avec Jésus-Christ. Ainsi soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Neuvième
jour
La
mort de Sainte Élisabeth
Après
une journée de fatigue, le corps trouve dans le sommeil, frère de
la mort, le renouvellement de ses énergies. Après une longue. vie
de pénitence et de mortification, le corps des saints s'endort dans
la mort pour y retrouver l'éclat de la résurrection et le renouveau
de l'immortalité. La mort est la loi universelle. Jésus-Christ est
mort mais la gloire a environné son sépulcre; les saints meurent,
et tandis que leurs âmes vont jouir de la vision béatifique, leur
tombeau devient aussi une manifestation de leur gloire car la mort
des saints n'a rien de terrible ni d'effrayant; la mort des saints
est le terme naturel de leur voyage vers Dieu; c'est le moment béni
où ils trouvent l'objet de leurs longues recherches, où ils
atteignent l'objet de leurs ardentes aspirations. Pour eux, la vie
est longue et pénible leur cœur, détaché de tout ne trouve sur la
terre aucun endroit où il puisse se reposer. Chaque jour il espère
que ce sera le dernier de son long pèlerinage, et chaque soir il
espère que les ténèbres terrestres où son corps va s'endormir
seront illuminées des clartés éternelles où il verra son Dieu. Il
dit chaque jour comme saint Paul: « Nous savons que, si notre
demeure terrestre est détruite, Dieu nous en construira une autre,
non pas périssable comme celles que les hommes construisent, mais
éternelle dans les cieux ». (2 Corinthiens., 5:1) « Il
faut, dit-il encore, que ce qui est corruptible devienne
incorruptible, il faut que ce qui est mortel revête
l'incorruptibilité ». (1 Corinthiens 15:53.) Dès lors,
n'est-il pas naturel qu'il désire être dissous pour être avec le
Christ? Bienheureux sont les morts qui meurent dans le Seigneur.
(Apocalypse 14:3.)
La
vie tout entière de sainte Élisabeth fut une longue et assidue
préparation à la mort bien plus, on peut dire que sa vie fut une
ardente aspiration à la mort. En effet, elle aspirait sans cesse à
être unie à son Dieu elle voulait lui être unie d'une façon
absolue, indéfectible, irrévocable. Or, vouloir cette union, c'est
vouloir, comme saint Paul, la dissolution de son corps pour être
avec le Christ. Pour se préparer à la mort, ou plutôt, pour aider
la mort, elle a accompli elle-même tout ce que la mort doit
accomplir elle s'est séparée de tout ce qu'elle aimait sur la
terre, elle s'est dépouillée de tout ce qu'elle possédait, et
lorsque, ainsi seule, elle n'eût plus rien qui la rattachât à la
vie, elle attendit l'invitation de l'Époux céleste. Répondant
enfin aux ardents désirs de cette fiancée qui soupirait sans cesse
après l'union finale, Jésus-Christ vint à elle visiblement:
« Viens, Élisabeth, ma fiancée, lui dit-il, ma tendre amie,
ma bien-aimée viens avec moi dans le tabernacle que je t'ai prépare
de toute éternité: c'est moi-même qui t'y conduirai ». Avec
quelle allégresse elle fit ses derniers préparatifs pour le départ,
et fit ses adieux à tous ceux qu'elle avait aimés pour l'amour de
Dieu. et leur donna le céleste rendez-vous. Avec quelle joie elle
supporta les douleurs que l'œuvre de la mort faisait éprouver à
son corps! Elle chantait déjà sur la terre avec les anges le
cantique éternel. Elle chantait en voyant venir le Fiancé chercher
sa fiancée. Qui donc n'envierait pas une telle mort? Qui donc ne
voudrait pas vivre comme sainte Élisabeth pour avoir le bonheur de
mourir comme elle?
O
Sainte Élisabeth, combien votre sainte mort est différente de la
mort de la plupart des hommes! La pensée de la mort nous remplit
d'épouvanté, parce que nous ne la comprenons pas, et surtout parce
que nous ne nous y préparons pas. Nous ne la comprenons pas, car
nous oublions que la mort est la fin de la peine et le commencement
du bonheur, la fin d'un long pèlerinage dans la vallée des larmes
et l'arrivée dans la patrie de la paix et de l'allégresse. Nous ne
nous y préparons pas, et nous craignons la mort, car elle est
accompagnée du redoutable jugement de Dieu. Pour ne pas craindre la
mort, il faut suivre votre exemple: il faut faire en nous chaque jour
l'œuvre de la mort; il faut surtout aspirer à la possession de ce
Dieu que nous devons reconnaître comme notre souverain bien, comme
notre seul et unique bien. Sainte Élisabeth, dissipez les ténèbres
où nous nous égarons; chassez ces illusions qui nous trompent.
Apprenez-nous à mourir par l'exemple de votre mort bienheureuse, et
attirez-nous à votre suite auprès de ce Dieu qui vous a reçue
entre ses bras et qui vous fait partager sa gloire éternelle. Ainsi
soit-il.
Notre
Père, je Vous salue Marie
Prière
(Comme au premier jour.)
Neuvaine
extraite de « Sainte Élisabeth de Hongrie », œuvre de
Saint François d'Assise, collection Bibliothèque Franciscaine, 1902
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