Le Mois des Âmes du Purgatoire
Le Mois des Âmes du Purgatoire
Premier jour
Existence du purgatoire
Méditation
La mort est certaine; le décret en est porté, tous les hommes doivent mourir. On peut éviter toute autre disgrâce, on n'évitera jamais la mort. Rien ne nous en peut exempter: ni l'âge, ni la condition, ni le sexe, ni aucun secours humain. Depuis le premier jusqu'au dernier des hommes, chacun verra le terme de ses jours; beaucoup y sont déjà arrivés, d'autres s'en approchent, et tous, comme une eau qui s'écoule, nous tomberons infailliblement dans la fosse. Et cependant, que faisons-nous, chrétiens? Nous préparons-nous à la fin inévitable qui nous attend? Oh! combien la mort nous paraîtra amère si nous ne nous disposons pas à temps pour la recevoir. A la mort, on part de ce monde pour entrer dans l'autre vie... et qu'y trouverons-nous dans cette autre vie? La foi nous enseigne qu'il y a un paradis, un enfer et un purgatoire. Les âmes parfaites qui n'ont ni fautes à expier, ni peines à subir, s'en vont immédiatement, au sortir du corps, jouir du bonheur dans le paradis. Les âmes chargées de fautes mortelles sont entraînées, par le poids de leurs iniquités, dans l'enfer où la justice divine leur fait subir le châtiment mérité. Oh! quelle différence entre les unes et les autres! Les premières, éternellement heureuses avec Dieu; les secondes, éternellement damnées avec les démons! Laquelle de ces situations nous semble préférable? Le choix dépend de nous Si nous désirons être dans le paradis avec les justes, vivons comme les justes, dans la justice; si l'enfer nous fait horreur, fuyons le péché qui conduit à l'enfer. Si l'âme surprise par la mort n'est ni en péché mortel, ni dans une parfaite justice, mais dans un état, pour ainsi dire entre deux, et tel qu'elle n'est pas assez coupable pour être condamnée à l'enfer, ni assez parfaite pour entrer dans la gloire du paradis, où ira-t-elle? Il faut qu'il y ait un lieu intermédiaire, un lieu de passage, où les âmes des trépassés se purifient de leurs souillures, comme l'or dans la fournaise, et deviennent dignes du paradis. Or c'est dans ce lieu que tombent la plupart des âmes qui se sauvent, et bien peu arrivent à l'éviter, parce que bien peu sortent de ce monde sans en emporter la poussière. Voulons-nous en être exempts? Purifions-nous parfaitement dans cette vie, car celui qui la quitte sans tache va directement au ciel.
Prière
O ciel, ciel, combien tu nous attires par tes récompenses! Enfer, enfer, combien tu nous effraies par tes châtiments! Purgatoire, purgatoire, tu nous remplis de compassion par tes tourments! Exaucez, ô grand Dieu, nos prières, fermez pour tous les fidèles les portes de l'abîme infernal, ouvrez-leur celles de la glorieuse béatitude; délivrez les âmes qui se trouvent dans le purgatoire et appelez-les à jouir avec vous de la couronne impérissable de l'éternel bonheur.
Exemple
Dans le diocèse de Nocera, vint à mourir un jeune homme qui avait professé une dévotion singulière pour Saint Bernardin de Sienne, et ce saint, pour le récompenser, obtint de lui rendre la vie. Mais, avant, il voulut bien lui faire connaître les choses de l'autre monde, et, le prenant avec lui, il le conduisit dans les régions infernales. Là, dans les tourbillons d'une épaisse fumée et d'un feu dévorant, il lui fit voir une foule presque infinie de damnés, qui étaient dévores d'un éternel désespoir. Il le transporta ensuite au ciel, où, dans un ordre admirable, les chœurs des anges et les cohortes des saints jouissaient d'un bonheur au-dessus de tout ce qu'on peut imaginer. Et, enfin, il lui montra la prison du purgatoire où, au milieu de flammes ardentes, se purifiaient les âmes des trépassés jusqu'à ce qu'elles fussent dignes d'entrer dans la gloire du ciel. Ce ne fut pas sans être profondément touché qu'il vit ces âmes s'empresser autour de lui et le prier de retracer aux hommes, à son retour dans le monde, les affreux tourments qu'elles souffraient, et de les exciter à les soulager par des suffrages abondants; ce qu'il fit au grand avantage de ces infortunés pénitents, car, rendu à la vie, il parlait à tous du purgatoire: « Ton père, disait-il à l'un, est au milieu des flammes vengeresses et attend les effets de ta piété filiale; ton fils, disait-il à un autre, se recommande à ton amour paternel; ton bienfaiteur, ingrat héritier, te demande l'exécution de ses legs pieux: toutes ces âmes, en un mot, ont recours à votre foi, à votre charité pour obtenir un prompt et généreux soulagement. » Figurons-nous qu'aujourd'hui, nous entendons les mêmes exhortations, et donnons les preuves les plus manifestes de notre dévotion pour le purgatoire.
Pratique : Récitons à l'intention des fidèles défunts (et en particulier de N.) cinq Pater, Ave, et Requiem en mémoire de la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ; supplions le Père éternel d'avoir pitié de leurs âmes, en vue du sang répandu par son divin Fils, et pour cela répétons cinq fois l'oraison jaculatoire: Miséricorde, ô Père Éternel, Par le Très Précieux Sang de Jésus. Notre Père, je Vous salue Marie, Requiem.
A la récitation de ces prières est attachée pour chaque fois l'indulgence de 300 jours, et l'indulgence plénière pour ceux qui, les ayant récitées pendant un mois entier, se confesseront et communieront. (Bref de Pie VII du 7 février 1817).
Et nous ajouterons un Notre Père et un je Vous salue Marie pour ceux qui répandent cette dévotion.
Suffrage
« La fin de toutes choses est proche. Soyez donc sobres et raisonnables pour être prêts à la prière ». (1 Pierre 4 :7).
Pour entretenir nos relations de charité avec les trépassés, appliquons-nous à la prière pour les morts et particulièrement à la récitation du De profundis (Psaume 129). Le P. D. Giampaolo Montorfano, Théatin, pour démontrer un jour à un esprit trop mondain le prix des suffrages pour les morts, prit une grosse somme d'argent et la versa dans un des plateaux d'une balance; sur l'autre il mit le psaume De profundis écrit sur une petite feuille de papier, et aussitôt, au grand étonnement des assistants, cette matière si légère l'emporta sur le lourd et précieux métal et fit pencher la balance de son côté. Que cela nous excite à réciter souvent ce psaume pour nos morts, et que, depuis le premier jusqu'au dernier jour de ce mois, le De profundis couronne notre saint exercice.
Psaume 129
Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière!
Si tu retiens les fautes, Seigneur Seigneur, qui subsistera?
Mais près de toi se trouve le pardon pour que l'homme te craigne.
J'espère le Seigneur de toute mon âme; je l'espère, et j'attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.
Plus qu'un veilleur ne guette l'aurore,
attends le Seigneur, Israël.
Oui, près du Seigneur, est l'amour; près de lui, abonde le rachat.
C'est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.
Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit,
Maintenant et toujours et pour les siècles et les siècles. Amen.
Seigneur, donnez-leur le repos éternel;
Et faites briller pour eux la lumière qui ne s'éteint jamais.
Des portes de l'enfer arrachez leurs âmes, ô Seigneur!
Qu'ils reposent en paix. Ainsi soit-il.
Seigneur, exaucez ma prière,
et que mon cri parvienne jusqu'à Vous !
Prions
O Dieu, créateur et rédempteur de tous les fidèles, accordez aux âmes de vos serviteurs et de vos servantes la rémission de tous leurs péchés, afin qu'elles obtiennent, par nos très humbles prières,le pardon qu'elles ont toujours attendu de votre miséricorde; vous qui vivez et régnez dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel, et faites briller sur eux la lumière qui ne s'éteint jamais,
Qu'ils reposent en paix. Ainsi soit-il.
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L'étonnant secret des Ames du Purgatoire
L'étonnant Secret des âmes du Purgatoire
Un enseignement de Soeur Emmanuel (Communauté des Béatitudes), et Maria Simma (+ en 2004)
Le Serviteur de Dieu René Giraudet
Le Serviteur de Dieu René Giraudet
« Volontaire pour le Christ »
1907-1945
René Giraudet est né à Luçon le 4 décembre 1907. Il est ordonné prêtre le 19 décembre 1931 en la chapelle des missions étrangères de Paris. Il est nommé vicaire de Saint-Hilaire-de-Loulay le 5 mars 1932. Il est nommé curé de Saint-Hilaire-du-Bois le 24 janvier 1942. Devant le refus constant des Autorités allemandes d’autoriser la création en Allemagne d’une Aumônerie officielle des travailleurs français, l’abbé Rodhain, Aumônier général des Prisonniers de guerre, avec l’accord et les encouragements d’une partie de l’Episcopat de France, lance un appel aux prêtres volontaires pour partir en Allemagne comme prêtres-ouvriers clandestins. René Giraudet voit là la réalisation possible de son rêve missionnaire et le jeudi Saint 22 avril 1943, c’est le « droguiste » Giraudet qui part pour Berlin où il est accueilli par l’"ancien", l’abbé Bousquet et les responsables du mouvement d’Action Catholique. Après l’arrestation et l’expulsion de Bousquet, il devient l’Aumônier général Mouvement. La vague d’arrestation qui déferle de février à août 1944 ne l’épargne pas. Arrêté le 12 juin, et après 4 mois de prison, il est envoyé à Sachsenhausen où il retrouve la plupart des militants arrêtés, puis à Bergen-Belsen, le « mouroir ». Ce camp, ravagé par le typhus, est libéré par les Britanniques le 15 avril 1945 - parmi les membres de la Mission Vaticane envoyée sur place, René Giraudet reconnaît un confrère vendéen, l’abbé Charles Hauret - celui-ci le fait rapatrier. Arrivé à Paris le 11 juin, il rend son âme à Dieu à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre le lendemain 12 juin. Après une poignante veillée funèbre dans la chapelle de l’Aumônerie générale, rue du Cherche-midi et des obsèques solennelles aux Invalides, présidées par le Cardinal Suhard, Archevêque de Paris, René Giraudet rentre chez lui, accueillit dans sa paroisse par tout un peuple. Les funérailles, présidées par Monseigneur Cazaux, Evêque de Luçon, sont célébrées dans son église le 18 juin suivi, le même jour, par l’inhumation dans le cimetière de Chantonnay. La commémoration oeucuménique des témoins de la foi du XXème siècle qui a réuni, le dimanche 7 mai 2000, au pied du colisée, les différentes confessions chrétiennes autour du pape Jean Paul II n’était pas une canonisation. René Giraudet fait partie d’un groupe d’une cinquantaine de prêtres, religieux, séminaristes, scouts et jocistes victimes du nazisme dont la canonisation comme martyrs de la foi est en préparation depuis 1989.
Un livre pour en savoir plus :« 51 martyrs français dans le Reich nazi », de Reimund Haas et Elisabeth Tillmann, édition spéciale pour les JMJ de Cologne 2005 (Cercle d’Initiative Martyrs Français). L’action de l’abbé Giraudet à Berlin y est largement évoquée.
Dates importantes de la vie du Père Giraudet
4 décembre 1907 : naissance à Luçon
8 décembre : baptême en la cathédrale
31 août 1925 : installation de la famille à Chantonnay
1er octobre 1925 : entrée au grand séminaire Luçon
24 septembre 1929 : entrée aux Missions Etrangères de Paris
19 décembre 1931 : ordination sacerdotale à Paris
27 février 1932 : vicaire St Hilaire de Loulay
8 février 1942 : Curé à St Hilaire du bois
30 Mars 1943 : rencontre avec le Père Rodhain à Paris.
23 avril 1943, arrivée à Berlin le Vendredi Saint
11 juin 1944 arrestation « pour apostolat interdit »
11 juin 1945 rapatriement en France et mort le 12 juin 1945 à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre.
Le Message du Père René Giraudet
Sa devise comme prêtre : « Avec le Christ, je suis cloué à la croix! »
Une expression : « vendredi saint tous les jours », il invite les jeunes à associer leurs souffrances à celle du Christ sur la croix.
Un symbole : l’ostensoir fabriqué par les jeunes du STO en forme de croix scout. Chaque mois, René Giraudet expose le Saint Sacrement pour la journée de récollection avec les jeunes.
Phrases-clef : « La jeunesse n’est pas faite pour le plaisir, elle est faite pour l’héroïsme »
« Il faut avoir de l’ambition de vivre avec un idéal qui flambe et illumine son voisinage, qui flambe au loin et illumine le monde. »
L'émission « Regards, Figures de Sainteté » que je vous invite à écouter ci après, a été réalisée par RCF Vendée.
Regards Figures de Sainteté Le père René Giraudet, volontaire pour le STO en Allemagne pendant la 2nde guerre mondiale. Une émission réalisée par RCF Vendée.
Le Mois de Notre-Dame du Très Saint Sacrement 1/6
Le Mois de Notre-Dame du Très Saint Sacrement
Méditations extraites des écrits de Saint Pierre-Julien Eymard
Fondateur de la Congrégation du Très Saint Sacrement
Imprimatur
Virduni, die 21 Aprilis, 1909,
Lizet, vic. gén.
Préface de la septième édition
Comme préface de cette nouvelle édition nous tenons à reproduire un article paru dans la revue « Le Très Saint Sacrement » en Janvier 1906: on y verra quel puissant encouragement la dévotion envers Notre-Dame du Très Saint Sacrement a reçu du Souverain Pontife et la haute sanction donnée à l'initiative du Vénérable Pierre-Julien Eymard décernant ce nouveau litre à la Très Sainte Vierge.
« Nos lecteurs savent de quel culte pieux la famille eucharistique du vénéré Père Eymard honore ce nom béni de « Notre-Dame du Très Saint Sacrement », qu'il décerna à la Très Sainte Vierge, pour exprimer en un mot caractéristique tous les liens qui unissent Marie à son Fils dans le Sacrement et toutes les raisons qui nous pressent de nous adresser à elle comme à la médiatrice nécessaire entre notre indigence et son adorable Sainteté. Approuvé déjà par un certain nombre d'Evêques et enrichi d'indulgences pour leurs diocèses respectifs; acclamé au Congrès eucharistique de Lourdes, ce nom nouveau d'une chose très ancienne commençait à se répandre avec grande faveur parmi les âmes dévotes envers l'Eucharistie, qui ont le besoin de ne jamais séparer le Fils de la Mère dans leur religion comme dans leur cœur. Il lui manquait, pour prendre son essor au delà des limites diocésaines et pour se répandre librement dans l'univers catholique, la bénédiction du Pasteur de l'Eglise universelle.
Il vient de la recevoir: authentique, ainsi qu'en fait foi le Rescrit que nous avons entre les mains et que nous allons reproduire; spontanément et très gracieusement donnée, ainsi que le raconte une lettre bien renseignée qui nous arrive de Rome. Voici le Rescrit, tout entier de la main de Sa Sainteté Pie X: « Cunctis qui coram Ssmo Sacramento publicae adorationi exposito. recitaverint hanc jaculatoriam: « Domina nostra Sanctissimi Sacramenti, ora pro nobis », Indulgentiam tercentorum dierum concedimus. Die 30 Mensis Decembris an. 1905. Pius P. P. X ». « A tous ceux qui, devant le Très Saint Sacrement exposé, réciteront l'oraison jaculatoire suivante, nous accordons une indulgence de 300 jours: « Notre-Dame du Très Saint Sacrement, priez pour nous ». Le 30 Décembre 1905. Pie X, Pape IE X ». Les circonstances qui accompagnèrent la rédaction et la concession par le Saint-Père de ce précieux Rescrit ont quelque chose de gracieux et de touchant comme une page de légende, quelque chose aussi de spontané et de décisif comme un motus proprio.
Un archevêque du Canada, dont la piété envers l'Eucharistie n'a d'égale que sa bienveillance. Mgr Gauthier, archevêque de Kingston, séjournant dernièrement à Rome, fut sollicité par le T. R. Père Estévenon, Supérieur général de la Congrégation du Très Saint Sacrement, dont la résidence est à l'église de Saint-Claude, bien connue des pèlerins de la Ville Eternelle, de demander au Souverain Pontife, en faveur des fidèles de son diocèse, une Indulgence pour la récitation de cette formule de prière: « Notre-Dame du Très Saint Sacrement, mère et modèle des adorateurs, priez pour nous ». Sa Grandeur, ayant favorablement accueilli ce vœu, rédigea une supplique qu'elle se proposait de soumettre au Saint-Père dans une audience fixée au 30 décembre dernier. Mais voilà qu'au cours de l'entretien, ayant obtenu l'agrément de la lire, il la cherche en vain dans ses poches et la fait chercher avec aussi peu de succès dans son pardessus, déposé dans l'antichambre. Grand embarras du très bon prélat, qui commence à exposer de vive voix l'objet de sa supplique égarée: mais aussitôt, souriant et empressé, avec cette spontanéité prévenante et aimable dont il est coutumier, Pie X prend une plume et écrit, sans un instant d'hésitation, le texte rapporté plus haut, qu'il remet à Mgr Gauthier, aussi touché de la grâce qu'il recevait que de la bonne grâce avec laquelle elle lui était donnée.
Le très cher correspondant qui nous envoie ce récit ajoute: « Vous devinez notre immense joie à tous en apprenant une telle nouvelle. Aussitôt, tout frémissants d'émotion, nous sommes allés nous jeter aux pieds de la Très Sainte Vierge (devant cette même statue de la chapelle de Saint-Maurice (1) où notre vénéré Père acclama pour la première fois Notre-Dame du Très Saint Sacrement), et là nous avons dit un bon Magnificat et répété avec ardeur l'invocation bénie ». Ces sentiments d'action de grâces, nos lecteurs les partageront avec nous. Nous avons désormais une formule authentique et définitive, dans la langue de l'Eglise, du nom de Notre-Dame du Saint Sacrement, que le P. Eymard avait exprimé en français. Plusieurs fois on avait essayé de le traduire en latin, soit pour le présenter à l'approbation d'évêques étrangers, soit même en vue d'obtenir à sa récitation des indulgences des Souverains Pontifes. Et l'on avait reculé de le faire littéralement devant cette objection que le mot « Domina » semblait donner à Marie sur le Christ Eucharistique une autorité ou une supériorité qu'elle ne possède pas. L'objection valait ce qu'elle valait: elle ne paraissait pas irréfutable. La foi simple et tendre du Souverain Pontife, cette ardente et généreuse dévotion qu'il manifeste dans tous ses actes pontificaux, ne s'est point attardée à discuter les nuances d'opinion; mais de sa main qui ne signe que des paroles de vérité et de vie, il a écrit simplement: « Domina nostra Sanctissimi Sacramenti, ora pro nobis! » C'est la traduction littérale de l'invocation sortie de la foi et de l'amour de notre Père pour Marie: « Notre-Dame du Très Saint Sacrement, priez pour nous! »
Nous voilà fixés: nous prions dans la vérité, notre louange est authentique; Marie se reconnaîtra et elle entendra notre voix quand nous crierons, suppliants, vers elle, en l'appelant Notre-Dame du Très Saint Sacrement! Oui, elle est notre mère, notre maîtresse et notre exemple, par conséquent, « Notre Dame »: oui, elle est la Mère du Christ Eucharistique, la dispensatrice du Don eucharistique et de toutes les grâces qu'il renferme et, par conséquent: « Notre-Dame du Très Saint Sacrement »! et nous ne voulons plus désormais aborder le Très Saint Sacrement pour lui rendre un hommage quelconque, le consacrer, le recevoir, l'adorer, le prêcher, sans nous abriter sous le patronage, sous les mérites, sous les vertus et sous le nom de Notre-Dame du Très Saint Sacrement. Et nous nous souviendrons que les chères âmes qui souffrent attendent que nous le redisions souvent: car ce nom répand jusqu'en leur prison de feu l'onction de l'espérance pour les rafraîchir et les trésors des indulgences pour les délivrer.
« Domina nostra Sanctissimi Sacramenti, ora pro nobis ! »
A. Tesnière, S. S. S.
(1) Maison du premier Noviciat de la Congrégation, au diocèse de Versailles, fondée et habitée par le P. Eymard, abandonnée par suite des décrets de 1880 contre les Congrégations religieuses.
Avant-propos de la première édition
Nous avons promis aux pieux lecteurs de leur donner ce qui nous reste des écrits du vénéré Père Eymard. Voici ses Méditations sur la très sainte Vierge: il envisageait surtout Marie comme le modèle de la piété envers l'Eucharistie; et, pour résumer tous les rapports qui unissent la divine Mère à Jésus-Eucharistie, il a donné à Marie le titre de Notre-Dame du Très Saint Sacrement. C'est pour les Religieux et les Servantes du Saint Sacrement surtout qu'il a écrit: tous nos Agrégés, toutes les âmes dévotes à l'Eucharistie trouveront, dans ses pieuses effusions, un aliment à leur amour pour Marie: elles apprendront surtout, car c'est là le but principal du P. Eymard, à unir dans leurs hommages Marie et Jésus-Eucharistie, à pratiquer tous leurs devoirs eucharistiques dans l'union et sous le couvert de la sainte Vierge. Nous publions les Méditations du Père en forme de Mois de Marie: c'est une forme reçue généralement, et qui facilitera la diffusion de ses pensées: pour nous conformer à l'usage, nous avons joint à chaque méditation un exemple, une aspiration et une pratique; nous avons tenu à garder l'unité de l'œuvre, et c'est Notre-Dame du Très Saint Sacrement que feront connaître et aimer ces exemples, ces pratiques et ces aspirations. I1 restait à justifier ce nouveau titre donné à Marie par le P. Eymard; on l'a fait dans l'Appendice qui termine ce volume. On y verra quelques-unes des raisons qui doivent permettre d'invoquer Marie comme la Vierge de l'Eucharistie. Du reste, ce titre de Marie a été béni par plusieurs de nos vénérables évêques. Nous savons que l'auguste Pontife Pie IX aimait et bénissait ce nom glorieux ; disons donc souvent et avec confiance : « Notre-Dame du Très Saint Sacrement, Mère et Modèle des adorateurs, priez pour nous qui avons recours à vous ».
A.T.
Approbation de Monseigneur l'évêque d'Arras, Boulogne et Saint Omer
Arras, 19 mars 1872.
Nous avons parcouru avec un véritable intérêt le Mois de Notre-Dame du Très Saint Sacrement. Les méditations extraites des écrits du R. P. Eymard nous ont paru pleines d'onction, et propres à inspirer aux fidèles le désir de s'unir toujours à Marie dans leurs nombreux devoirs envers la sainte Eucharistie. L'Appendice justifie le titre de Notre-Dame du Très Saint Sacrement par des raisons bien théologiques, empruntées, du reste, aux auteurs les plus recommandables par leur science et leur piété. Nous verrons donc volontiers cet ouvrage se répandre dans notre diocèse; il y favoriserait sûrement la vraie et solide dévotion, si bien résumée dans ces mots: « Ad Jesum per Mariam ».
+ Jean-Baptiste-Joseph, Evêque d'Arras, Boulogne et Saint Omer
Evêché de Marseille
Marseille, le 3 juin 1872.
Mon Révérend Père,
Aucun envoi ne pouvait m'être plus agréable que celui que vous avez bien voulu me faire des ouvrages du très regretté P. Eymard, et je vous prie d'agréer mes plus sincères remerciements. Malgré mes confirmations, j'ai pu en commencer la lecture, et je l'ai fait avec la plus grande édification; c'est bien là la piété si tendre et si théologique de votre vénéré Fondateur. Je suis heureux de m'associer à mes vénérés collègues d'Angers et d'Arras, en accordant 40 jours d'indulgence aux fidèles de mon diocèse quand ils feront l'invocation: « Notre-Dame du Très SaintSacrement, mère et modèle des adorateurs, priez pour nous qui avons recours à vous ». Agréez, mon Révérend Père, l'assurance de mon affectueux dévouement,
+ Ch.-Ph., ev. de Marseille.
Évêché de Tarbes
Tarbes, le 11 juin 1871.
Mon Bon Père,
J'ai lu avec le plus vif intérêt, non pas le Mots de Marie du P. Eymard, mais votre Appendice. Vous avez étudié la question à fond: vous l'avez éclaircie, il n'y a rien à dire. Le titre de Notre Dame du Très Saint Sacrement est désormais acquis pour toujours à la Bienheureuse Vierge Marie, et c'est un de ses plus beaux titres. J'approuve des deux mains ce nouvel hommage rendu à la Mère de Dieu, et j'accorde volontiers 40 jours d'indulgence à ceux de mes diocésains qui répéteront trois fois cette invocation. Recevez, cher Père, avec ma bénédiction et mes remerciements, la nouvelle assurance de mon affectueux dévouement.
+ P.-A., ev. de Tarbes.
Diocèse de Valence
L'aumônier de l'Hôtel-Dieu de Romans (Drôme) nous écrivait, le 5 juillet 1872: « J'ai la consolation de vous annoncer que Sa grandeur Monseigneur l'Evèque de Valence nous a fait avertir par M. Vigne, son vicaire général, qu'Elle daigne se joindre à Nos seigneurs d'Angers et d'Arras pour accorder aux fidèles de son diocèse 40 jours d'indulgence chaque fois qu'ils réciteront l'invocation: « Notre-Dame du Très Saint Sacrement, mère et modèle des adorateurs, priez pour nous qui avons recours à vous ». Ces jours d'indulgence sont applicables aux âmes du purgatoire par mode de suffrage ».
Monseigneur l'Evêque d'Angers et Monseigneur l'Evêque d'Arras avaient les premiers béni ce nom donné à Marie, et gracieusement accordé 40 jours d'indulgence à tous les fidèles de leur diocèse qui réciteraient l'invocation à Notre-Dame du Très Saint Sacrement. Nous croyons que la plupart de Nosseigneurs les Evêques seraient disposés à accorder la même faveur dans les limites de leurs juridiction : nous osons prier les propagateurs de la dévotion à la Vierge de l'Eucharistie de demander cette faveur dans leurs diocèse respectifs : rien n'est si capable de répandre une dévotion que la bénédiction des premiers pasteurs.
Monseigneur l'Evêque de Salamanque, en Espagne, ne s'est pas contenté d'approuver le nouveau titre de Marie, Sa Grandeur a voulu prêcher et écrire en l'honneur de Notre Dame du Très Saint Sacrement. Tracées par une plume aussi auguste, les pages suivantes que nous extrayons du Bulletin Ecclésiastique des Diocèses de Salamanque et Ciudad-Rodrigo, ont une telle autorité que nous nous reprochions de ne pas les reproduire. Et puis, nous le croyons, les enfants du P. Eymard savourerons avec délices cet éloge de leur Père vénéré, et recevront comme un puissant encouragement les paroles bienveillantes adressées par l'éminent prélat à la Société du Très Saint Sacrement, qu'il fonda au prix de si grands sacrifices, et, pour tout dire, au prix même de sa vie. Voici l'article signé par Sa Grandeur et traduit de l'espagnol:
Notre Dame du Très Saint Sacrement
« Voici un nouveau titre donné à Marie par le T.R.P. Pierre-Julien Eymard, fondateur de la Société du Très Saint Sacrement. Cet homme admirable naquit à la Mure d'Isère en 1811 ; après avoir embrassé l'état ecclésiastique et exercé le saint ministère, il entra dans la Société de Marie, où, pendant dix-sept ans, il donna l'exemple de toutes les vertus religieuses. Mais Dieu le destinait à être le Père d'une nouvelle famille, et dès que la volonté divine lui fut clairement con nue, il accepta sans hésiter, les peines et les travaux que lui devait coûter l'établissement de sa Société, qui prenait le nom de Société des Religieux du Très Saint Sacrement. Glorifier la Très Sainte Eucharistie, voilà son but ; ses moyens ? L'exposition solennelle et perpétuelle de l'auguste Sacrement. Ils ont aussi un apostolat extérieur, mais il embrasse toutes les œuvres qui se rapportent directement à leur but essentiel.
Ce saint Institut a commencé à Paris, en 1856, dans un humble local cédé provisoirement par l'Archevêque Mgr Sibour. En 1862, le P. Eymard, comptant déjà un nombre suffisant de disciples, ouvrit une maison de noviciat, et le 8 mai de l'année suivante, Sa Sainteté Pie IX, après avoir ouï la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers, rendit le décret d'approbation de la dite société. La vie de ce pieux Fondateur ne fut pas de longue durée ; mais, avant de mourir, Dieu lui avait accordé la consolation de voir sa famille religieuse se consolider et d'étendre ; et le 1er août de l'année 1868, il s'éteignait de la mort des justes, tout embrasé de l'amour de Jésus sacramentel. Parmi les legs pieux que le P. Eymard a faits à sa famille religieuse, il en est un qui frappe aujourd'hui, plus particulièrement notre attention (puisque nous sommes au mois de mai) : c'est la dévotion à Notre Dame du Saint Sacrement.
Le premier jour de mai 1868 étant à Saint-Maurice maison de solitude qu'il avait fondée dans un site agréable, éloignée du fracas des villes et des vains bruits du monde, le P. Eymard ouvrit les pieux exercices du Mois de Marie et termina une chaleureuse exhortation par ces paroles : « Eh bien ! Nous honorerons Marie sous le vocable de Notre Dame du Très Saint Sacrement ! Oui, disons avec confiance, disons avec amour : « Notre Dame du Très Saint Sacrement, Mère et Modèle des Adorateurs, priez pour nous qui avons recours à vous ! »
Le Père était radieux, sa parole émue ; son cœur débordait l'allégresse ; il venait de payer la dette de reconnaissance à Marie, sa Mère ; à Marie, qui l'avait donné à Jésus sacramentel, qui l'avait soutenu et encouragé avec un e maternelle sollicitude dans la fondation de sa pieuse et édifiante Société ! Et laissant à ses enfants, sur le point de les quitter, un puissant moyen de mieux servir leur Maître, il ajoutait au diadème de Marie un fleuron qui n'est ni le moins beau, ni le moins glorieux ! « Notre Dame du Très Saint Sacrement est le nom nouveau d'une chose fort ancienne », disait le Père.
On vénère avec raison tous les mystères de la vie de la Mère de Dieu. Les âmes contemplatives ont trouvé dans la vie de Marie à Nazarethg un exemple, comme les cœurs désolés une consolation dans Notre-Dame des Sept Douleurs : il y a dans toutes les actions de la Très Sainte Vierge une grâce qui nous attire suavement à les honorer et à les imiter, chacun suivant notre vocation. Or Marie a vécu plus de vingt années après l'Ascension de son Divin Fils. A quoi furent occupées ces longs jours d'exil, et quelle grâce renferme cette importante partie de la vie de notre Mère ?
Le Livre des Actes semble l'indiquer assez clairement. « Les premiers chrétiens, y est-il dit, vivaient dans la paix, l'union, la Charité la plus ardente, soupirant après le martyre et pour s'y préparer, persévérant dans la fraction du pain : perseverantes in communicatione fractionis panis. (Actes des Apôtres 2 : 42). Vivre de l'Eucharistie et par l'Eucharistie, se réunir autour du Tabernacle pour chanter des hymnes et des cantiques spirituels, voilà le caractère distinctif de la primitive Eglise : le Saint Esprit l'a consigné dans la sublime histoire ecclésiastique rédigée par Saint Luc ; tel est aussi le résumé des dernières années de la Très Sainte Vierge, qui retrouvait dans l'adorable Hostie le fruit béni de ses entrailles, et dans la vie d'union avec Notre Seigneur en son Tabernacle, les temps heureux de Bethléem et de Nazareth. Oh ! Oui, c' »est Marie surtout qui persévérait dans la fraction du pain. Voilà le grand modèle des adorateurs du Très Saint Sacrement.
Maintenant nous allons signaler brièvement quelques unes des raisons qui justifient le titre de Notre Dame du Très Saint Sacrement donné à Marie par le R.P. Eymard. Marie est la Mère de Jésus, de qua natus est Jesus ; nous croyons, et cette fois est notre plus douce joie, que le corps adorable de Notre-Seigneur, présent réellement en l'Eucharistie, est le même ; corps qui a été formé du sang très pur de Marie, nourri de sa substance et de son lait virginal. C'est pour cela que Saint Augustin disait : « De carne Mariae carnem accepit. Et quia in ipsa carne hic ambulavit et ipsam carnem nobis manducandam dedit ad salutem. Le Seigneur a reçu sa chair de la chair de la Vierge Marie ; et comme il a vécu ici-bas dans la chair, il nous a donné cette chair à manger comme l'aliment de notre salut ». Dans le même sens parlaient Saint Ambroise, Saint Anselme, Saint Bernardin, Richard de Saint Laurent et les théologiens Suarez, Kick, Schurlog, Zelada, Vega, Cornelius a Lapide et d'autres.
L'Eglise, dans sa liturgie de la Fêtes-Dieu, redit en ce jour la préface de la Nativité de Notre Seigneur, qui parle de la chair donnée par Marie au Verbe in carné : quia per incarnati Verbi Mysterium ; et la doxologie des hymnes de l'Office Divin de cette fête, après avoir chanté les gloires et l'amour de Jésus sacramentel, fait remonter à la Vierge la cause du don que nous recevons à l'autel : Jesu tibi sit gloria, qui natus es de Virgine. Ces raisons, et d'autres, que nous omettons pour abréger notre récit, sont celles qui autorisent le nouveau titre donné à Marie par le P. Eymard ; nous les avons trouvées exposées avec une érudition remarquable dans un des ouvrages de la Bibliothèque publiée par les religieux du Très Saint Sacrement. Nosseigneurs les Evêques d'Angers et d'Arras ont accordés chacun 40 jours d'indulgence aux fidèles de leurs diocèses, et Nous, de grand cœur, nous en accordant autant à ceux qui réciteront l'invocation suivante : Notre Dame du Très Saint Sacrement, Mère et Modèle des adorateurs, priez pour nous qui avons recours à vous ! » Salamanque, le quatrième jour et premier samedi du mois de mai, consacré à Marie, l'an 1872. L'Evêque de Salamanque, D.-J.-L. »
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement 2/6
Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement
Méditations extraites des écrits de Saint Pierre-Julien Eymard
Fondateur de la Congrégation du Très Saint Sacrement
Veille du premier jour
Méditation préparatoire
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement
Le Mois de Marie est le mois des bénédictions et des grâces : car toutes les grâces nous viennent par Marie, ainsi que l'assure Saint Bernard, et avec lui tous les Saints. C'est une fête de trente jours à la gloire de la Mère de Dieu, qui nous préparera bien au beau mois du Saint Sacrement qui suivra.
I. Il ne fait pas que, parce que nous faisons profession spéciale d'honorer l'Eucharistie, nous ayons moins de dévotion envers la Sainte Vierge. Loin de là ! Il commettrait un blasphème, celui qui dirait : « Pour moi le Très Saint Sacrement me suffit, je n'ai pas besoin de Marie ». Mais où trouve-t-on Jésus sur la terre sinon dans les bras de Marie ? N'est-ce pas elle qui nous a donné l'Eucharistie ! C'est son acquiescement à l'Incarnation du Verbe dans son sein, qui a commencé le grand mystère de réparation envers Dieu et d'union avec nous que Jésus accomplit pendant sa vie mortelle et qu'il continue au Sacrement. Sans Marie, nous n'irions point à Jésus. Car elle le possède en son cœur : il y fait ses délices, et ceux qui veulent connaître ses vertus intimes, son amour secret et privilégié, doivent les chercher dans le cœur de Marie : ceux qui aiment cette bonne Mère trouvent Jésus en son cœur si pur. Il ne fait jamais séparer Marie de Jésus : on ne saurait aller à Lui sans passer par Elle. Je dis même que plus nous aimons l'Eucharistie, plus nous devons aimer Marie : on aime tout ce qu'aime un ami ; or, est il une créature plus aimée de Dieu, une mère plus tendrement affectionnée par son fils, que ne le fut Marie par Jésus ? Oh ! Oui, Notre Seigneur serait bien peiné que nous, les serviteurs de son Eucharistie, nous n'honorassions pas beaucoup Marie, parce qu'elle est sa mère ; Notre Seigneur lui doit tous dans l'ordre de son Incarnation, de sa nature humaine ; c'est par la chair qu'elle lui a donnée, qu'il a tant glorifié son Père, qu'il nous a sauvés et qu'il continue de nourrir et de sauver le monde au Saint Sacrement. Notre Seigneur veut qu'on l'honore d'autant plus maintenant, que durant sa vie mortelle il semble avoir plus négligé de le faire. Notre Seigneur sans doute a bien honoré sa mère dans la vie privée ; mais en public, il l'a laissée dans l'ombre ; il avait avant tout à affirmer et a soutenir sa dignité de Fils de Dieu. Mais aujourd'hui Notre Seigneur veut en quelque sorte que nous dédommagions la Très Sainte Vierge de tout ce qu'il n'a pas pu faire extérieurement pour elle : et nous sommes obligés, il y va de notre salut, de l'honorer comme la Mère de Dieu et comme notre propre Mère.
II. Mais puisque nous nous sommes voués plus spécialement au service de l'Eucharistie, que nous sommes adorateurs, c'est en cette qualité que nous devons un culte particulier à Marie. Religieux du Très Saint Sacrement, Servantes du Saint Sacrement, agrégés du Saint Sacrement, ; nous sommes par notre état des adorateurs de l'Eucharistie : c'est notre beau titre, béni par (le Bienheureux) Pie IX. Adorateurs, qu'est-ce à dire ? C'est-à-dire que nous sommes attachés à la personne adorable de Notre Seigneur, vivant en l'Eucharistie. Mais si nous sommes au Fils, nous sommes à la Mère,e t nous sommes obligés, pour demeurer dans la grâce de notre vocation, et pour y entrer pleinement, de rendre à la Sainte Vierge un culte tout spécial, comme à Notre Dame du Très Saint Sacrement. Cette dévotion n'est pas répandue et ce culte ne lui est pas encore rendu explicitement dans l'Eglise. C'est que ce culte de Marie suit le culte de Jésus ; il en suit les phases et les développements. Quand on honore Notre Seigneur sur la Croix, on prie Notre Dame des Sept Douleurs ; quand on honore sa vie soumise et retirée à Nazareth, c'est Notre Dame de la Vie Cachée que l'on prend pour modèle ; la Sainte Vierge suit tous les états de son Fils. On ne l'avait encore jamais saluée en ce beau nom de Notre Dame du Très Saint Sacrement. Mais voici que le culte de l'Eucharistie se répand ; jamais il ne fut plus grand, plus universel que de notre temps ; il se répand partout. C'est la grâce qu'apporte au monde l'Immaculée Conception. La dévotion au Saint Sacrement n'est pas nouvelle sans doute ; mais il se fait une manifestation nouvelle de l'Eucharistie : le Dieu caché sort de son tabernacle, on l'expose partout, et la nuit et le jour ; l'Eucharistie va devenir une source de salut pour ce siècle : le culte de l'Eucharistie sera la gloire de ce siècle, il fera sa grandeur. Et bien ! La dévotion à Notre Dame du Très Saint Sacrement grandira avec le culte de l'Eucharistie. Je n'ai trouvé cette dévotion exposée dans aucun livre ; je n'en ai jamais ente,du parler, si ce n'est dans les révélation de la Mère Marie de Jésus (d'Agreda), ou dans quelque chose de la communion de Marie ; et dans les Actes des Apôtres, ou nous voyons Marie au Cénacle.
III. Qu'a fait la sainte Vierge au Cénacle? Elle a adoré, elle a été la reine et la mère des adorateurs; elle a été, en un mot, Notre-Dame du Très Saint Sacrement. Votre occupation pendant ce mois sera de l'honorer sous ce beau titre, de méditer ce qu'elle faisait, de rechercher comment Notre-Seigneur recevait ses adorations; vous découvrirez l'union si parfaite de ces deux cœurs, celui de Jésus et celui de Marie, perdus en un seul amour et une seule vie. Il faut que votre piété soulève le voile mystérieux qui cache la vie adoratrice de Marie. On est étonné que les Actes des Apôtres n'en disent rien , et se contentent de laisser Marie au Cénacle. Ah! c'est que toute la vie de Marie au Cénacle ne fut qu'une vie d'amour et d'adoration. Comment redire l'amour et l'adoration? comment exprimer ce règne de Dieu en l'âme et cette vie de l'âme en Dieu: on n'explique pas, la langue n'a pas de termes pour expliquer les délices du ciel: il en est de même de la vie de Marie au Cénacle. Saint Luc nous dit seulement qu'elle vivait et priait au Cénacle. A la prière, à l'amour d'étudier l'intérieur de cette vie. Nous pouvons supposer tout ce qu'il y a de puissance dans l'amour, tout ce qu'il y a de sainteté et de perfection dans les vertus et l'attribuer à Marie; mais parce que Marie a vécu là d'union au Saint Sacrement pendant plus de vingt ans, toutes ses vertus ont pris le caractère eucharistique: elles étaient nourries de la communion, de l'adoration, de l'union constante à Jésus-Eucharistie. Les vertus de Marie ont acquis au Cénacle leur dernière perfection, une perfection presque sans limites et qui n'est dépassée que par la perfection des vertus de Jésus-Christ. Demandez à Notre-Seigneur de vous révéler ce qui se passait au Cénacle entre lui et sa Mère; il vous dira quelques-unes de ces merveilles: pas toutes, vous ne sauriez les porter; mais un peu et cela fera votre bonheur. Oh! je serais bienheureux si je pouvais faire un mois de Marie adoratrice; il faut pour cela méditer, prier beaucoup, il faut comprendre l'action de grâces de l'amour de Marie; je le désire bien; mais il faut pour cela une plus longue préparation (1).
IV. Du reste tous les mystères de la vie de Marie revivent au Cénacle. Si vous méditez sur la naissance de son Fils à Bethléem, complétez l'Evangile et voyez la naissance eucharistique de ce même Fils sur l'autel. La fuite en Egypte? Ne voyez-vous pas que Notre-Seigneur est encore au milieu des barbares et des étrangers, dans ces villes et dans ces campagnes où l'on ferme les églises et où personne ne va le voir? Et sa vie cachée de Nazareth ? Ne le voyez-vous pas encore plus caché ici ? Complétez par l'Eucharistie tous les mystères et méditez la part qu'y prend Marie. L'essentiel est de chercher à pratiquer une des vertus de la sainte Vierge; prenez tout de suite parmi les plus basses, les plus petites; vous les connaissez, vous monterez ensuite et peu à peu jusqu'à ses vertus intérieures, jusqu'à son amour. Puis chaque jour offrez un sacrifice: prévoyez ce qui vous coûtera; il y a des sacrifices que l'on sait d'avance; telle personne à voir, telle chose à faire. Offrez ce sacrifice; la sainte Vierge en sera contente; ce sera une fleur de plus à la couronne qu'elle veut offrir en votre nom à son Fils au jour de sa fête, à la belle Fête-Dieu. Si vous ne prévoyez pas de sacrifices particuliers, tenez-vous dans une volonté généreuse d'accepter tous ceux que le bon Dieu vous enverra; soyez attentifs à prendre à la volée cet oiseau du ciel; il y a des messagers de Dieu qui nous apportent une grâce et une couronne d'épines. Il faut leur faire bon accueil. Un sacrifice prévu fait raisonner; le raisonnement en diminue la valeur: les sacrifices qu'on fait tout d'un coup, généreusement, sans regarder, valent mieux; le bon Dieu veut nous surprendre, il nous dit seulement: « Tenez-vous prêts ! » et l'âme fidèle est disposée à tout ce que voudra le bon Dieu. L'amour aime à surprendre. Ne perdez jamais ces sacrifices-là. Il suffit pour cela d'être généreux. Une âme généreuse, ah! que c'est beau! Dieu en est glorifié, et il dit d'elle comme de Job, avec un sentiment de bonheur et d'admiration: « As-tu vu mon serviteur Job? »... L'âme qui aime ne laisse passer aucun de ces sacrifices: elle a, pour ainsi dire, l'œil au vent; elle sent qu'une croix vient et elle se dispose à la bien recevoir. Allons, honorez la sainte Vierge par un sacrifice chaque jour; allez par elle à Notre-Seigneur: abritez-vous derrière elle; mettez-vous sous son manteau; revêtez-vous de ses vertus; ne soyez qu'une ombre de Marie; offrez toutes ses actions, tous ses mérites, toutes ses vertus à Notre-Seigneur: vous n'avez qu'à puiser en Marie et à dire à Jésus: « Je vous offre les richesses que m'a acquises ma bonne Mère ». Et Notre-Seigneur sera très content de vous!
Le chapelain de Notre-Dame du Très Saint Sacrement
Il nous faut un modèle, un patron, un guide dans notre dévotion à Notre-Dame du Très Saint Sacrement. C'est saint Jean l'Evangéliste que nous choisirons. Jésus lui avait confié sa Mère, et saint Jean célébrait chaque jour la sainte messe en présence de Marie; c'est lui qui, prenant sur l'autel le Pain divin, le déposait sur les lèvres de Marie: « Mère, voici votre fils ! » « Ecce filius tuus! » O Dieu! quelle parole et quel moment! Saint Jean fut témoin des adorations de Marie; il fut le confident de son amour; et s'il a parlé si divinement de l'Eucharistie, s'il a chanté ce beau cantique d'action de grâces que renferme son Evangile, c'est qu'après l'avoir recueilli de la bouche de Jésus, il l'avait entendu redire par Marie. « Le Sauveur donna saint Jean à Marie, dit Monsieur Olier, non seulement pour qu'il lui tînt lieu de fils en sa place, mais encore pour qu'il lui donnât, par les saints mystères qu'il célébrait pour elle, et selon ses intentions, le moyen de satisfaire aux désirs ardents de son cœur pour l'établissement de l'Eglise: comme aussi de se consoler de l'absence de son Fils par le bonheur qu'elle avait de s'en nourrir tous les jours ». (Vie de M. Olier. T. II. part. III, p. 207.) Vous nous apprendrez donc, ô glorieux Chapelain du Cénacle. à connaître les mystères de la vie de Notre Dame du Très Saint Sacrement: vous nous ferez entrer dans ses dispositions toutes les fois que nous recevrons comme elle ou que nous adorerons le Dieu de l'Eucharistie.
Pratique : Remplir tous nos devoirs eucharistiques en union avec Notre Dame du Très Saint Sacrement.
Aspiration : Salut, ô Marie, vous de qui est né Jésus-Eucharistie.
(1) Le Vénérable mit la main à l'œuvre ; nous avons de lui quelques méditations sur la vie adoratrice de Marie; il entre dans l'intérieur de la sainte Vierge; il essaie de montrer les sentiments de son cœur, l'étendue de son amour. On trouvera ces méditations dans ce volume. Pour avoir une méditation pour chaque jour du mois de mai, nous avons réuni les instructions du Vénérable sur la sainte Vierge. Dans toutes, le Vénérable nous montre Marie unie à Jésus-Christ, et recevant de lui ou lui rapportant toutes ses grâces, toutes ses perfections: et parce que l'Eucharistie n'est autre chose que Jésus-Christ lui-même, là encore Marie est Notre-Dame du Très Saint Sacrement.
Premier jour
Marie, Mère des adorateurs de l'Eucharistie
I. Si notre vie n'était mise sous la protection de Marie, on pourrait douter de notre persévérance et de notre salut. Notre vocation, qui nous lie d'une manière spéciale au service du divin Roi des rois, nous fait un devoir plus pressant de nous adresser à Marie. Dans l'Eucharistie, Jésus est roi, et il veut à son service des serviteurs exercés et qui aient fait leur apprentissage: on apprend à servir avant de se présenter au roi. Eh Bien! Jésus nous a laissé sa divine Mère pour être la mère et le modèle des adorateurs. Il l'a laissée, selon le sentiment le plus commun, vingt-cinq ans sur la terre afin qu'elle nous apprît à l'adorer parfaitement. Quelle belle vie que ces vingt-cinq ans passés en adoration! Quand on examine l'amour de Notre-Seigneur pour sa Mère, on est tout étonné qu'il consente à se séparer d'elle. Est-ce que la sainte Vierge n'était pas assez sainte? Est-ce qu'elle n'avait pas assez souffert, elle qui avait souffert sur le Calvaire plus que toutes les créatures? Oui, sans doute. Mais les intérêts de l'Eucharistie réclamaient la présence de Marie; Jésus ne voulait pas rester seul au Sacrement sans sa Mère; il ne voulait pas que la première heure de l'adoration eucharistique fût confiée à de pauvres adorateurs qui ne sauraient pas l'adorer d'une manière digne de lui. Les apôtres, obligés de voler au salut des âmes, ne pouvaient consacrer assez de temps à l'adoration eucharistique: malgré leur amour qui les eût attachés au pied du Tabernacle, leur mission d'apôtres les appelait ailleurs; pour les chrétiens, semblables à des enfants qui sont encore au berceau, il leur fallait une mère qui fît leur éducation, un modèle qu'ils pussent copier, et c'est sa très sainte Mère que Jésus-Christ leur laisse.
II. Toute la vie de Marie, à la bien prendre, se résume en ce mot: adoration : car l'adoration c'est le service parfait de Dieu, et elle embrasse tous les devoirs d'une créature envers son Créateur. C'est Marie qui la première a adoré le Verbe incarné; il était dans son sein et personne ne le savait sur terre. Oh! que Notre-Seigneur dans le sein de Marie fut bien servi! Jamais il n'a trouvé un ciboire, un vase d'or plus précieux et plus pur que le sein de Marie! Cette adoration de Marie le réjouissait plus que celle de tous les anges. « Le Seigneur a placé son tabernacle dans le soleil », dit le Psalmiste; ce soleil c'est le cœur de Marie. A Bethléem, Marie adore la première son divin Fils couché dans la crèche. Elle l'adore avec un amour parlait de Vierge Mère, un amour de dilection, selon le mot de l'Esprit-Saint; après elle, viennent adorer saint Joseph, les bergers, les Mages: c'est Marie qui a ouvert ce sillon de feu qui couvrira le monde. Comme Marie devait dire de belles choses, des choses divines, puisqu'elle était dans un état d'amour que nous ne pouvons mesurer ni sonder! Elle continue d'adorer Notre-Seigneur dans sa vie cachée à Nazareth, puis dans sa vie apostolique et sur le Calvaire, où son adoration fut la souffrance. Remarquez la nature de l'adoration de Marie. Elle adore Notre-Seigneur selon ses divers états: elle adapte son adoration à l'état de Jésus; l'état de Jésus fait le caractère de son adoration: elle n'est pas restée dans une adoration immobile; elle a eu l'adoration du Dieu anéanti dans son sein, puis pauvre à Bethléem, travaillant à Nazareth, et plus tard évangélisant et convertissant les pécheurs; elle l'a adoré dans ses souffrances sur le Calvaire en souffrant avec lui; son adoration suit tous les sentiments de son divin Fils, qui lui étaient connus et dévoilés; son amour la faisait entrer en une parfaite conformité de pensées et de vie avec lui.
III. A vous adorateurs, on vous dit aussi: Adorez toujours Jésus-Eucharistie, mais variez vos adorations comme la sainte Vierge variait les siennes. Faites venir et revivre tous les mystères dans l'Eucharistie. Sans cela vous tomberez dans la routine; si l'esprit de votre amour n'était pas alimenté par une forme, une pensée nouvelle, vous deviendriez imbéciles dans la prière. Il faut donc célébrer tous les mystères dans l'Eucharistie. C'est ainsi que faisait Marie au Cénacle. Quand revenaient les anniversaires des grands mystères accomplis sous ses yeux, croyez-vous qu'elle n'en renouvelait pas en elle les circonstances, les paroles et les grâces? Quand la Noël revenait, par exemple, croyez-vous que Marie ne redisait pas à son Fils, alors caché sous les voiles eucharistiques, et l'amour de sa naissance, et son sourire et ses adorations ainsi que celles de saint Joseph, des bergers et des Mages? Elle voulait par là réjouir le cœur de Jésus en lui rappelant son amour. Il en était de même pour tous les mystères. Eh! que fait-on avec un ami? Lui parle-t-on toujours du présent? Non, certes: on rappelle tous les souvenirs du passé, on les ravive. Quand on veut faire un compliment à un père et à une mère, on rappelle l'amour si grand, le dévouement si constant, si généreux qu'ils nous ont témoigné dans notre enfance. Eh bien ! Marie redisait à Jésus, dans ses adorations du Cénacle, tout ce qu'il avait fait pour la gloire de son Père ; elle lui rappelait ses grands sacrifices, et par là elle se mettait dans la grâce de l'Eucharistie. L'Eucharistie est le mémorial de tous les mystères, elle en renouvelle l'amour et la grâce. Il vous faut, comme Marie, correspondre à cette grâce en ravivant toutes les actions de Notre-Seigneur, en adorant tous ses états, et en vous y unissant. La sainte Vierge avait un attrait si puissant à l'Eucharistie, qu'elle ne pouvait s'en séparer; elle vivait dans le Saint Sacrement, elle vivait de lui. Elle passait les jours et les nuits aux pieds de son divin Fils; sans doute elle se prêtait à la piété des apôtres et des fidèles qui voulaient la voir et l'entretenir; mais son amour pour son Dieu caché transpirait sur son visage et communiquait ses ardeurs à tous ceux qui l'entouraient. O Marie, enseignez-nous la vie d'adoration! Apprenez-nous à trouver comme vous tous les mystères et toutes les grâces en l'Eucharistie; à faire revivre l'Evangile, à le lire dans la vie eucharistique de Jésus. Rappelez-vous, ô Notre-Dame du Très Saint Sacrement, que vous êtes la mère des adorateurs de l'Eucharistie!
Nos modèles
Parmi les saints personnages qui illustrèrent le XVIIe siècle, plusieurs nous montrent comment nous pouvons allier le culte de l'Eucharistie à la dévotion envers Marie et soutenir l'un par l'autre. Le vénérable cardinal de Bérulle, qui mérita du Pape Urbain VIII le titre d'apôtre du Verbe incamé, et dont les vues sur la très sainte Vierge passent pour être plutôt angéliques qu'humaines, et le P. de Gondren, qui reçut, au témoignage des plus habiles docteurs de son temps, des lumières sublimes sur les mystères, avaient la coutume d'offrir chaque samedi la sainte Messe à l'intention de la très sainte Vierge. Monsieur Olier, le saint fondateur de Saint-Sulpice et le réformateur du clergé à la même époque, reçut d'eux cette pieuse pratique; chaque jour il faisait célébrer trois messes, dont le fruit était remis entre les mains de la sainte Vierge, afin qu'elle obtînt, en l'offrant à son Fils pour l'Eglise, des trésors infinis de grâces. Il y eut même un pieux missionnaire jésuite, à Québec, qui proposa à Saint Jean Eudes, fondateur de la congrégation qui porte son nom, un projet d'association de prêtres, qu'il appelait les chapelains de Notre-Dame, et qui devaient s'unir entre eux pour offrir le saint sacrifice dans les intentions de cette auguste Reine du Ciel. Afin, disait-il, que le Fils de Dieu montât vers son Père en qualité d'hostie par les mains très pures de Celle dont il s'était servi pour descendre vers nous en se faisant homme. (Vie de M. Olier, T. II. passim.)
Pratique : Offrir nos adorations à Jésus-Eucharistie par les mains de Marie.
Aspiration : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, ô Marie, et Jésus-Eucharistie, le fruit de vos entrailles, est béni!
Deuxième jour
L'Immaculée Conception et la Communion
I. L'Immaculée Conception de Marie a été prédite dés le paradis terrestre. La sainte Vierge est cette femme bénie qui écrasa de son talon la tête du serpent infernal. Dieu, en créant Marie immaculée, remporte la plus grande victoire sur le démon: il rétablit son empire sur la terre; il rentre en maître dans sa création, et c'est pour sa gloire d'abord qu'il préserve Marie de la tache originelle: car Dieu regarde d'abord en toutes ses œuvres les intérêts de sa gloire. Toute créature naissant coupable et souillée, Dieu n'en était pas pleinement maître; il ne pouvait l'occuper tout entière; Satan s'emparait de l'âme dès sa création. Dieu créait et Satan s'emparait de son œuvre. La gloire de Dieu était humiliée dans ses créatures, et quand le Seigneur avait chassé Adam et Eve du paradis terrestre, Satan avait triomphé de Dieu: c'était là sa victoire. Mais voici Marie, Dieu la garde; il la préserve par un privilège tout spécial; elle passe par la conception naturelle, comme tous les hommes depuis Adam. Mais Dieu se doit à lui-même de la garder pure. Eve, la première mère, est souillée; Marie, la vraie mère des vivants, sera immaculée. Dieu l'entoure de son ombre; elle est son jardin fermé, sa fontaine scellée; le Roi seul boira de ses eaux. Satan n'osera approcher de Marie: elle naît des bras de l'amour de Dieu: Dominus possedit me in initio viarum suarum; vraie fille de Dieu. Primogenita ante omnem creaturam. Il fallait que le Verbe n'eût pas à rougir de sa Mère. Aussi lui a-t-il tout donné: en voyant Marie, Dieu voyait son honneur et sa gloire. La sainte Trinité tout entière concourt à l'Immaculée Conception de Marie: elle le doit à sa gloire; si Satan précède Dieu, Satan est vainqueur: quelles que soient les réhabilitations, celui qui naît esclave en garde toujours quelque chose. Ainsi la gloire de Dieu est rétablie dans l'humanité: l'image de Dieu est refaite et restaurée; Dieu pourra descendre et mettre le pied en Marie sans crainte: elle est un tabernacle plus pur que le soleil. Marie est par sa pureté le ciel de Dieu; avec elle il renouvellera le monde. Voyez ce que l'Immaculée Conception nous a donné: Jésus-Christ d'abord: elle est l'aurore de ce beau soleil de justice; puis tous les saints, brillantes étoiles du firmament de l'Eglise; tous ont été formés par Marie: tout nous vient de ce paradis du Seigneur. L'Immaculée Conception est le germe de toutes les grâces que nous avons reçues depuis; semblable à ce petit nuage qu'aperçut Elle, elle n'est par elle-même qu'un point; mais elle s'étend, elle se dilate, et ses divines influences couvrent la terre entière.
II. Mais, pour nous, adorateurs, il y a encore autre chose dans le mystère de l'Immaculée Conception. Si Dieu préserve ainsi Marie, c'est qu'il veut habiter en elle; il veut descendre dans une demeure sainte, pure et parfaite; le Père céleste, le Saint-Esprit, ne purifient Marie que pour en faire le digne tabernacle du Verbe-Dieu: il fallait créer de nouveaux cieux, tout purs ; pour recevoir le Verbe en elle, Marie devait être immaculée; l'Immaculée Conception est la préparation à la Communion. Oh! avec quel bonheur le Verbe contemplait cette demeure qu'il se préparait! Aussi il s'y précipite à pas de géant: Exultavit ut gigas. Il faudrait que Jésus fît à notre égard la même chose pour la sainte Communion; qu'il soupirât après le moment où nous le ferions sortir de son tabernacle, qu'il vînt avec plaisir en nous, comme s'il venait encore en Marie. Il en sera ainsi si nous sommes purs. Il attend de nous cette préparation de pureté; il ne nous demande même que cela. Une grande pureté pour la Communion, tel doit être pour nous le fruit de l'Immaculée Conception: sans la pureté toutes nos vertus ne seraient rien; Notre-Seigneur viendrait en nous avec répugnance; notre cœur serait pour lui une prison: « Ah ! devrait-il dire à son prêtre, où me portez-vous ? Dans un cœur qui n'est pas à moi, que mon ennemi occupe? Laissez-moi, laissez-moi dans mon tabernacle! » O Marie, vous nous prêterez votre manteau de pureté, vous nous revêtirez de la blancheur, de l'éclat de votre Conception Immaculée; c'est à la mère de revêtir son enfant pour les grands jours; revêtu de vous, ô Marie, Jésus me recevra bien; il viendra en moi avec plaisir; il vous verra en moi, et il fera ses délices d'habiter en mon cœur!
Sentiments de la sainte Vierge au sujet de la Communion
Parmi les belles instructions que dicta la sainte Vierge à sa servante Marie d'Agreda, il en est une bien touchante sur la Communion. La sainte Vierge s'exprime ainsi: « O ma fille, si ceux qui professent la sainte foi catholique ouvraient leurs cœurs endurcis et pesants pour recevoir la véritable intelligence du sacré mystère et du bienfait inestimable de l'Eucharistie; ou si, affranchis des affections terrestres et de la tyrannie de leurs passions, ils s'appliquaient à découvrir à la divine lumière leur félicité, et à considérer qu'ils possèdent au milieu d'eux, dans le Très Saint Sacrement, le Dieu éternel; qu'ils peuvent le recevoir, le fréquenter, et participer aux effets de cette manne céleste! s'ils appréciaient le prix et la grandeur de ce don! s'ils estimaient ce trésor ! s'ils goûtaient sa douceur! s'ils savaient y trouver la vertu cachée de leur Dieu tout-puissant, ah ! ils n'auraient rien à désirer ni à craindre dans leur exil !... » Et plus loin elle ajoute: « Voulez-vous apprendre ce que je pensais de moi lorsque, étant voyageuse sur la terre, je devais recevoir mon Fils et mon Seigneur dans le Sacrement? Repassez dans votre mémoire ce que vous savez de mes dons, de ma grâce, de mes œuvres et des mérites de ma vie. Eh bien, je crus avoir obtenu une magnifique récompense de tous ces mérites en recevant une seule fois le sacré Corps de mon Fils dans l'Eucharistie; encore ne me jugeais-je pas digne d'une si grande faveur! Considérez maintenant, ma fille, ce que vous et les autres enfants d'Adam devez penser en recevant cet admirable Sacrement! » (Cité mystique, part. II, I. VI. c. XI)
Pratique : Se préparer avec grand soin et en union avec Marie à la sainte Communion.
Aspiration : Jésus-Hostie chérit la demeure sacrée du sein de Marie plus que tous les tabernacles de Jacob.
Troisième jour
La dot de Marie Immaculée
I. Marie a reçu au jour de sa Conception Immaculée une dotation magnifique, en proportion avec ses devoirs sublimes et sa dignité incomparable de Mère de Dieu; elle a reçu là ce trésor de grâces qui devait faire d'elle la corédemptrice du genre humain, l'associer à l'oeuvre de notre salut. Je ne doute pas que la grâce de l'Immaculée Conception ne l'emporte sur toutes les grâces conférées à Marie, même sur celle de sa maternité divine. Elle est d'une moindre dignité, mais elle est plus importante devant Dieu et pour Marie; bien plus, elle est le fondement et la source de toutes les dignités, de tous les privilèges qui lui furent accordés dans la suite. C'eût été peu de chose d'être Mère de Dieu et pécheresse en même temps: ce qui fait la grandeur devant Dieu, ce n'est pas la dignité qu'il confère, mais la sainteté et la pureté avec laquelle on la porte. Jetez sur un mendiant un manteau royal, il reste toujours un mendiant. L'Immaculée Conception ayant fait la pureté et la sainteté de Marie, voilà donc la plus grande de ses grâces. Aussi, dès l'instant de sa création, Marie plaît davantage à Dieu que toutes les créatures ensemble; un acte d'amour de cette frêle créature encore cachée dans le sein maternel, est plus méritoire et plus glorieux à Dieu que tout l'amour des saints et des anges ensemble. Les intérêts sont en raison du capital; Marie possède un fonds de grâces incommensurable qui produit le centuple.
II. L'Immaculée Conception est le point de départ de toutes les vertus de Marie; elle est sa vertu souveraine, dans ce sens qu'elle a toujours travaillé et fait fructifier le fonds de grâces qu'elle reçut alors. On pose en principe qu'elle n'a jamais été infidèle à la plus petite inspiration du Saint-Esprit, et qu'elle a fait fructifier toutes les grâces qui lui ont été accordées, selon toute leur puissance. Aucun saint n'est arrivé là; on reste toujours au-dessous de ses grâces. Aussi l'Ange la salue pleine de grâces. « Le Seigneur est avec vous », lui dit-il. Avec vous toujours, en tout; il n'y a en vous nul vide que la grâce ne remplisse. Ah! Marie fut fidèle à tous ses devoirs, fidèle à tous les désirs du Seigneur! Jamais elle n'a laissé de côté une parcelle du bien à faire; elle reçoit tous les rayons de la sainteté de Dieu; elle les absorbe en elle sans les laisser se perdre autour d'elle. Et cette fidélité à toutes les grâces l'a fait progresser sans cesse en toutes les vertus. Marie veillait sur son fonds de grâces comme si elle avait pu le perdre. Grande leçon pour nous! Quelles que soient nos grâces, gardons-nous bien! Marie, qui était impeccable, non par nature, mais par suite de son union avec Dieu; elle dont la tentation n'approcha jamais, Marie veille sur elle-même, travaille sans cesse à l'oeuvre de sa sainteté; elle marche et avance toujours: elle se retire au temple dès l'âge de trois ans pour fuir les scandales du monde: elle tremble devant un ange, un pur esprit, qui ne lui parle que de Dieu! Marie ne croit jamais faire assez. Plus tard elle souffrira un véritable martyre et sans consolation; elle brode la robe de son Immaculée Conception: elle l'enrichit, l'orne des plus belles fleurs des vertus; c'est toujours cette grâce première quelle développe et qu'elle embellit de ses vertus et de ses sacrifices.
III. L'Immaculée Conception est encore la mesure de sa puissance et de sa gloire. On n'est puissant auprès de Dieu que par la pureté, que par la sainteté; Dieu ne fait de grandes choses que par les âmes pures; il n'exauce que les voix innocentes ou purifiées. Et la pureté de Marie n'a jamais été ternie de la moindre tache. Quelle sera donc sa puissance? On dit qu'une mère est toute-puissante sur le cœur d'un fils. Oh! si elle s'est déshonorée, elle n'a guère de puissance. Mais à une mère pure, que peut-on refuser? Salomon disait à sa mère après qu'elle eut fait pénitence: « Je ne puis rien vous refuser ». Que sera-ce de Marie? Aussi toutes les grâces passent par ses mains; elle en est le réservoir; Jésus lui a remis sa toute-puissance dans l'ordre du salut! Et la gloire de Marie? Sa pureté lui a valu d'être la Mère du Roi, et aujourd'hui elle est assise sur un trône à la droite de son Fils: moins l'adoration, Marie reçoit tous les honneurs et tous les hommages: elle est si belle, si glorieuse, qu'à elle seule elle ferait le bonheur du paradis!
IV. Ainsi toutes les grâces de Marie, toutes ses vertus, sa puissance et sa gloire lui viennent de son Immaculée Conception, en sont comme la magnifique dotation. Le baptême nous purifie, nous rend immaculés, sans tache; aussitôt que l'enfant l'a reçu, il devient le temple de Dieu, un paradis; avec quelle vigilance devons-nous garder cette pureté baptismale! Et si nous l'avons perdue nous pouvons nous purifier par la pénitence; il faut être pur. Je ne parle pas seulement de la pureté des sens; mais il faut avoir une grande pureté dans toutes nos actions, une grande pureté dans notre volonté, dans toutes nos intentions: posséder la pureté de vie; tout est là. Sans la pureté nous ne pouvons plaire au Dieu de l'Eucharistie; il est tout pureté: les cœurs purs seuls le voient, percent les voiles qui le cachent; il ne se manifeste qu'au cœur pur; car la pureté, c'est l'amour, la délicatesse de l'amitié qui ne veut pas déplaire. Aussi la tâche de Notre-Seigneur en venant en notre âme est de nous purifier toujours davantage; en nous purifiant, il nous sanctifie; en nous sanctifiant, il nous unit plus intimement à lui, et quand nous sommes assez purs, il nous attire à lui au Ciel et nous couronne.
La Communion de Marie le jour de l'institution de l'Eucharistie
Le Père Bernardin de Paris, auteur, au XVIIe siècle, d'un traité fort savant et fort pieux sur la Communion de Marie, tient que la sainte Vierge communia le jour de la Cène; c'est aussi le sentiment de l'auteur de Marie réparatrice et l'Eucharistie. On comprend bien, en effet, l'impatience des désirs de Marie et de Jésus de se voir unis encore en un même corps et en une même âme. Marie d'Agreda et Catherine Emmerich affirment le même fait dans leurs révélations, bien qu'elles diffèrent sur les circonstances de l'événement. Nous suivrons le récit de la religieuse espagnole: « Notre auguste Reine, plongée dans une divine contemplation, regardait, de la chambre où elle s'était retirée, tout ce que Jésus-Christ faisait dans le Cénacle. Lorsqu'il prononça les paroles de la Consécration, Marie se prosterna, et adora son Fils dans l'Eucharistie avec un respect infini. Elle vit Jésus diviser une partie du pain consacré et le remettre à l'Archange Gabriel afin qu'il vint la communier. Marie attendait, les yeux baignés de larmes, la sainte Communion; l'Archange entra, accompagné d'une légion innombrable d'autres Anges, et elle la reçut des mains de ce prince céleste la première après son adorable Fils, quelle imita dans son humilité et sa sainte crainte. C'est ainsi que le Très Saint Sacrement fut mis en dépôt dans le sein de la très pure Marie, comme dans le véritable sanctuaire et le plus décent tabernacle du Très-Haut ». (Cité mystique, part. II, I. VI, c. XI)
Pratique : Demander par Marie dans toutes nos Communions la pureté d'une vie parfaite.
Aspiration : Nous chanterons vos gloires, ô Marie, glorieuse cité du Dieu-Eucharistie!
Quatrième jour
La Nativité de la sainte Vierge
Réjouissons-nous et saluons avec bonheur le berceau de Marie: cette naissance de notre Mère et de notre Reine fait la joie du Ciel, la consolation de la terre et la terreur de l'enfer. Voici enfin la femme forte, la Mère prédestinée du Messie. On ne parle ni du lieu ni des circonstances de sa naissance; mais il est à supposer qu'elle naquit dans la pauvreté comme son divin Fils, et à Jérusalem. Sainte Anne et saint Joachim étaient pauvres, et vivaient de la dîme du temple, comme appartenant à la famille lévitique. Mais Marie naît avec des grandeurs qui surpassent toutes les richesses des filles de ce monde.
I. Marie a toutes les grandeurs humaines. Elle naît fille, sœur et héritière des rois de Juda. Le Verbe veut naître d'une mère royale; il veut être, selon la chair, le frère des rois, afin d'attester sensiblement que c'est de lui que découle toute royauté; aussi les rois viendront l'adorer comme leur maître et le souverain dominateur. Sa Mère est donc reine. Il est vrai que comme son Fils sera roi sans royaume terrestre, sans richesses, sans armées, elle est pauvre et inconnue : tout cela ne fait pas la royauté, mais seulement l'éclat de la royauté; le droit demeure alors même qu'il est méconnu. Du reste, un jour viendra où la royauté de Marie, comme celle de son Fils, sera proclamée et honorée: l'Eglise la saluera comme sa Reine, la Reine du Ciel et de la terre: « Salve, Regina »; l'Ange l'avait annoncé: « Dabit illi sedem, David patris ejus: Le Seigneur, ô Marie, rendra à votre Fils le trône de David son père ». Mais auparavant il faut le reconquérir par le combat de l'humilité, de la pauvreté et de la souffrance.
II. Marie a toutes les grandeurs surnaturelles. La grandeur surnaturelle n'est autre chose que le reflet de Dieu sur une créature qu'il associe à sa puissance et à sa gloire. Or, qu'est-ce que Dieu fait pour Marie? Il l'associe à son grand mystère; le Père l'appelle sa fille; le Fils l'aime comme sa mère; le Saint-Esprit la garde comme son épouse: elle est appelée à participer aux grandes œuvres de la puissance divine; elle est associée à l'empire de Dieu lui-même. Aussi contemplez-la en ce beau jour de sa naissance; voyez-la avec saint Jean, revêtue du soleil, « amicta sole: venant de Dieu » et resplendissante de sa clarté divine; Marie est comme pénétrée des rayons de la Divinité; semblable à un cristal très pur que le soleil envahit de toutes parts. Et la lune est sous ses pieds, c'est-à-dire que sa puissance est inébranlable, qu'elle défie l'inconstance; elle a vaincu et pour toujours le dragon infernal. Sa tête est ceinte d'un diadème de douze étoiles; ces étoiles sont les grâces et les vertus de tous les élus; Marie est comme le centre de la création: Jésus lui a remis entre les mains tous les moyens de la Rédemption; elle est couronnée de les saints, qui sont l'ouvrage de son amour et de sa protection.
III. Marie naît avec toutes les grandeurs personnelles. Elle est enrichie des dons de Dieu; mais c'est peu; au jour de sa naissance, elle est déjà riche de ses propres mérites; elle a acquis déjà des trésors de mérites pendant les neuf mois d'adoration silencieuse et ininterrompue qu'elle a passés dans le sein de sa mère; elle a été, avant même de naître, pénétrée de la lumière divine; elle s'est donnée à Dieu pleinement; elle l'a aimé d'un amour dont nous ne saurions nous faire une juste idée, et elle naît avec les trésors qu'elle a conquis, avec les richesses qu'elle a négociées. Oh! si nous avions pu voir spirituellement naître Marie, contempler ce soleil sortant de l'océan de l'amour de Dieu! En son esprit la lumière la plus pure; en son cœur l'amour le plus ardent; en sa volonté le dévouement le plus absolu: jamais créature n'a eu pareille naissance. Aussi dans son berceau fait-elle les complaisances de la sainte Trinité, l'admiration des Anges. « Quelle est cette créature privilégiée, disent-ils entre eux, qui, au premier jour de sa vie, est riche de tant de vertus, ornée de tant de gloire? Quae est ista?... » Et les démons tremblent; ils la voient s'avancer contre eux forte comme une armée rangée en bataille; ils sentent l'humiliation de la défaite de leur chef, et ils prévoient déjà la terrible guerre que leur fera cette enfant d'un jour: « Sicut acies ordinata... » Mais le monde est dans la joie: nous voyons venir notre libératrice: sa naissance nous annonce la naissance de notre Sauveur; oh! oui, réjouissons-nous: « Nativitas tua gaudium annuntiavit luiiverso mundo ». Pour nous, nous devons nous réjouir de ce que Marie nous apporte notre Pain de vie, et dès ce jour nous la saluons comme l'aurore de l'Eucharistie: car nous savons que le Seigneur prendra en elle la substance du corps et du sang qu'il doit nous donner dans le Sacrement de son amour.
La première Messe de Saint Pierre
« Aussitôt après la Pentecôte, dit le savant cardinal Bona dans son incomparable Traité de la Liturgie, saint Pierre, comme chef de l'Eglise, célébra les saints Mystères à Jérusalem, dans le Cénacle, en présence des Apôtres et des fidèles que sa prédication avait convertis. L'auguste Mère de Dieu y assistait sans aucun doute, et la Cité Mystique nous dit d'admirables choses sur cette première Messe des Apôtres. Dès la veille, la très auguste Vierge, accompagnée d'anges et de saintes femmes, alla disposer et orner la salle où son très saint Fils avait célébré la Cène; elle-même la balaya et l'arrangea, afin qu'on y put consacrer le jour suivant le Corps et le Sang de notre adorable Sauveur. Elle prépara aussi le pain azyme et le vin qu'il fallait pour la Consécration, ainsi que le plat et le calice dans lesquels le Sauveur avait lui-même consacré. Après ces mesures, elle passa toute la nuit en prière et dans les actes les plus fervents d'amour, d'humilité et de reconnaissance. Saint Pierre célébra le saint Sacrifice; Marie y assistait, retirée dans un coin du Cénacle, et toute perdue en Dieu. Après que Pierre eut communié, ainsi que les Apôtres qui l'entouraient, il porta la Communion à la sainte Vierge, qui la reçut entourée d'esprits bienheureux plongés dans l'admiration et le respect. Il est impossible d'exprimer les effets que produisit en cette incomparable créature la Communion de la très sainte Eucharistie; car elle fut tout absorbée et toute transformée en ce divin embrasement de l'amour de son adorable Fils ». (Cité Mystique, part. III, 1. VII, c. VII)
Pratique : Offrir à Dieu les fruits du Sacrifice de la Messe par les mains de Marie.
Aspiration : Nous vous saluons, ô Marie, qui nous apportez de si loin notre pain de vie, la divine Hostie!
Cinquième jour
La Présentation de Marie au Temple
I. Marie n'a pas eu d'enfance, selon le sens ordinaire de ce mot: elle n'a pas eu les jeux, les goûts légers, l'inconstance et l'ignorance de l'enfance. Dès sa conception elle eut l'intelligence de Dieu et elle méritait: toutes ses facultés étaient élevées vers Dieu et fixées en lui: il était sa vie. Son corps seul a eu la faiblesse et la petitesse de l'enfance. Dès que Marie put marcher seule, elle demanda à ses parents à se retirer au Temple; elle avait trois ans. Elle fut reçue au milieu des jeunes filles consacrées au Seigneur; elle y resta douze ans. On ne sait rien de sa vie en ce lieu, sinon qu'elle y menait une vie cachée aux hommes et qu'elle y pratiquait toutes les vertus. De pieux écrivains, de saints docteurs, tels que Cédrène, saint Jean Damascène, disent qu'elle fréquentait de préférence les enfants qui souffraient, les soignant dans leurs maladies, les consolant dans leurs petits chagrins: quand il s'élevait quelque dispute, la petite Marie était toujours appelée pour concilier les parties et pour leur rendre la paix qu'elle portait avec elle partout où elle se trouvait. Elle vivait avec simplicité, ne se faisant remarquer en rien: elle se faisait la servante et la plus petite de toutes, ne se rebutant de rien et allant au-devant des désirs de ses petites compagnes. Elle était gardée par les anges et environnée d'esprits célestes: le démon ne pouvait approcher d'elle, défendue qu'elle était par ces gardiens fidèles; elle était ce jardin fermé que personne ne peut ouvrir que l'Epoux bien-aimé.
II. C'est dans cette vie cachée au Temple que Marie doit être notre modèle. Dieu prépare Marie dans le secret, dans le silence, et sans qu'elle s'en doute, à la grande mission qu'elle doit accomplir. Plus tard, Notre-Seigneur se disposera aussi à sa mission évangélique par trente ans de silence à Nazareth; il préparera pendant trois ans ses disciples au mystère de l'Eucharistie, et ce n'est que la veille de sa mort qu'il leur en révélera tout l'amour. Le secret, le silence sont l'âme des grandes choses. Notre-Seigneur cacha à Satan qu'il fût le Fils de Dieu: si le démon l'avait su positivement, il n'eût jamais poussé les Juifs à le faire mourir. Il ignora que cette jeune fille dût être un jour la Mère de Dieu. Tant qu'une œuvre demeure cachée, inconnue au monde, elle croît en sûreté: dès que le démon l'a découverte et fait connaître au monde, il se déchaîne contre elle et la combat de toutes ses forces. Si le grain jeté en terre est trop souvent remué, il ne germera pas: il faut le laisser en repos caché sous terre. Ainsi pour vous, si vous voulez grandir, cachez-vous et demeurez inconnus au monde: sans cela le démon vous suscitera bien des misères, et le vent de l'amour propre vous perdra.
III. Notre-Seigneur nous a préparés longtemps; il nous a environnés de grâces depuis notre enfance, pour nous introduire dans le Cénacle de son Eucharistie: remercions-l'en bien ; et, bien que nous ne nous soyons pas donnés à lui aussi jeunes que Marie, nous sommes cependant dans l'enfance de la vie eucharistique: la manifestation eucharistique ne fait que commencer; Notre-Seigneur nous appelle des premiers à y concourir. Marie dans le Temple adorait Dieu en esprit et en vérité; elle appelait par ses prières et devançait par l'ardeur de ses désirs la venue du Messie Sauveur; pour nous, nous l'adorons réellement présent sur nos autels; nous ne l'appelons pas de loin comme Marie: il est avec nous, au milieu de nous; nous le possédons toujours. Imitez ce silence, ce secret, cette vie cachée en Dieu de la sainte Vierge; qu'elle soit le modèle de votre vie cachée en l'Eucharistie. Aujourd'hui on ne cherche qu'à paraître; on veut arriver et jouir tout de suite; on ne sait pas attendre; on force la plante: elle donne beaucoup tout d'abord ; mais elle s'épuise et meurt au bout de peu de temps. Aimez donc la vie simple et cachée, les emplois modestes de votre position; soyez heureux de n'être pas connus: cachez sous le boisseau la petite flamme de votre lampe; le moindre vent l'éteindrait. Marie se donne à Dieu promptement, entièrement et pour toujours; elle se donne tout entière, son esprit, son cœur, sa liberté: elle ne se réserve rien: oh! donnons tout à Jésus- Eucharistie, qui, lui aussi, se donne tout à nous! Il est facile de dire: « Mon Dieu, je me donne tout entier à vous »; mais il est difficile de le faire réellement; comptons sur sa grâce, sur la prière de notre Mère, et, à l'occasion, rappelons-nous son don si parfait: son exemple sera notre encouragement et notre force.
Ne séparons jamais Marie de Jésus!
Saint Hyacinthe, de l'Ordre des Frères Précheurs, apprenant que les Tartares allaient tondre sur la ville de Kiev, qu'il habitait, court à l'église du couvent et s'empare du saint ciboire, pour soustraire son divin Maître à l'impiété de ces barbares infidèles. Comme il sortait de l'église, emportant, son trésor, une statue de Marie fort grande et fort pesante, qui était près de la porte, rappelle par trois fois. Hyacinthe, étonné, demande à la sainte Vierge ce qu'elle attend de lui; et Marie de lui répondre : « Mon bien-aimé Hyacinthe, c'est donc ainsi que tu veux soustraire le Fils aux outrages des barbares, et abandonner la Mère à leurs insultes? » Et, le Saint prétextant sa faiblesse pour porter une statue si lourde. Marie repartit: « Oh! si tu avais un peu d'amour, il te serait facile de m'emporter; prie mon Fils, il te rendra ce fardeau léger ». Aussitôt le Saint prend la statue, et la porte avec autant d'aisance que si c'eût été une petite fleur. Le Saint Sacrement sur la poitrine, la statue de Marie entre les bras, il traversa sans être inquiété les lignes ennemies, et se dirigea vers Cracovie, où il arriva heureusement. (Rossignoli)
Pratique : Répéter sans cesse: « Marie et Jésus! Jésus et Marie! »
Aspiration : Ils trouvèrent l'Enfant avec sa Mère, et, se prosternant, il l'adorèrent.
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement 3/6
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement
Méditations extraites des écrits de Saint Pierre-Julien Eymard
Fondateur de la Congrégation du Très Saint Sacrement
Sixième jour
L'Annonciation
I. En méditant les circonstances du mystère de l'Annonciation, on découvre en Marie les qualités les plus sublimes. Quelle gloire pour elle d'avoir été appelée à prendre part à cette œuvre de l'Incarnation du Verbe, la plus grande des œuvres divines! Et que de vertus son exemple nous enseigne! Un archange est député par Dieu: l'archange de la force divine: il vient traiter de sa part avec une créature. C'est la plus importante mission qu'ai jamais remplie aucun messager céleste. Cet ange descend des cieux plein de gloire, beau comme un astre, inondé des rayons de la divinité. A qui va-t-il? Ah! sans doute, le monde, instruit du départ de ce messager céleste, eût cherché parmi les riches et les puissants du siècle l'heureux mortel à qui il porte la grande nouvelle, parce que le monde croit volontiers que la perfection se trouve dans la grandeur. Mais l'Ange va vers une vierge, une humble inconnue, âgée de quinze ans, mariée légalement à un pauvre artisan, et qui demeure dans une pauvre maison, dans une ville méprisée et ignorée. Il va vers Marie! Comment, tant d'appareil pour cette jeune inconnue! Oui. Le prestige tombe bien vite, n'est-ce pas? Cela confond l'orgueil humain; vous ne voyez que ce qui brille; vous n'estimez que l'or et les diamants; mais qu'est-ce que cela? Au jugement universel on les foulera aux pieds comme de vils cailloux, et l'enfer en sera pavé!
II. L'Ange va donc vers une vierge. Dieu ne descend à l'intimité qu'avec les âmes bien pures; il pardonne au pécheur, mais ne s'unit qu'à la pureté. L'Ange salue Marie le premier. Il est en effet le moins digne; Marie est souveraine ici, et depuis qu'elle est l'objet des volontés divines, elle tient en ses mains le sort du monde. Qu'elle est puissante alors cette humble Vierge! « Salut, pleine de grâces! » Seule Marie est pleine de grâces parmi les filles d'Eve; nous, nous sommes pleins des misères du péché originel; Marie est pure comme le soleil; Dieu l'a pétrie d'une terre particulière et façonnée avec des attentions singulières. « Le Seigneur est avec vous ». Oui, car il habite la pureté de votre cœur comme un paradis de délices: et vos vertus sont autant de fleurs qui font monter vers lui les plus suaves parfums. A quelle heure apparut l'Ange? l'Evangile ne le dit pas; les commentateurs croient que ce fut vers minuit, à cet instant où un jour finit et où en commence un autre; Marie est l'aurore qui sépare les ténèbres de la lumière. Elle priait dans ce moment; elle soupirait après la venue du Messie: on peut du moins le supposer sans crainte de se tromper: car Dieu donne ordinairement aux âmes une oraison conforme à la grâce qu'il leur veut faire ensuite, et qui les y prépare. Et vous, à cette heure solennelle de la conception, et plus tard de la naissance du Fils de Dieu fait chair, priez avec Marie, et adorez en union avec elle le Dieu qui s'incarne pour nous.
III. Marie se trouble. C'est le propre des vierges, dit saint Ambroise, de se troubler à l'approche de l'homme et de craindre ses paroles. Marie se trouble aussi des éloges qu'on lui adresse: elle les méritait bien cependant; mais la vraie vertu ne sait pas se voir. L'Ange rassure Marie. C'est le caractère des visions divines de troubler d'abord, puis de donner la paix: tandis que les visions diaboliques commencent par la paix et finissent par la guerre. « Vous concevrez un Fils que vous nommerez Jésus ». Nom céleste, nom divin que ne pouvait donner aucun homme, et qui devait être apporté du Ciel par un Ange. « Ce Fils sera puissant; on l'appellera l'Ange du grand conseil, le Fort, l'Admirable ». La sainte Vierge a un tel amour de la virginité qu'elle a vouée à Dieu, qu'elle ne cède pas tout d'abord: « Comment, dit-elle, s'accomplira ce mystère? Je suis et je veux rester vierge ». Quel moment! Marie tient le Ciel et la terre en suspens; Dieu attend le consentement de cette humble fille! Il ne pouvait passer outre: Marie en cet instant est plus puissante que Dieu lui-même. Comment le Seigneur a-t-il pu accepter cette espèce d'infériorité vis-à-vis de Marie? Ah! c'est qu'il préférait la virginité de sa Mère à tout! L'Ange cède donc au nom de Dieu. Marie triomphe et entend ces paroles: « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, et vous resterez vierge en devenant mère ». Et Marie répond: « Ecce ancilla Domini: Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ». O parole profonde! parole admirable et pleine d'humilité! Mais qu'il y a de choses dans ce mot Ecce! Quand l'Eglise vous présente la sainte Hostie avant la Communion, elle dit: « Ecce agnus Dei »; quand saint Jean veut faire connaître Notre-Seigneur à ses disciples, il leur dit aussi « Ecce ». C'est que dans ce mot se trouve tout le don de soi-même! Me voici, toute prête, toute à la disposition du Seigneur. Il y a là l'acte de foi parfait.
IV. Marie ne dit pas: « Voici la Mère du Seigneur, bien qu'elle le fût à l'heure même; les saints sont d'autant plus humbles que Dieu les élève davantage. Aussi c'est avec raison que saint Bernard a pu dire de Marie: « Virginitate placuit; humilitate concepit: Elle a plu au Seigneur par sa virginité; elle l'a conçu par son humilité ». Remarquez combien Marie fut sobre de paroles: elle ne dit que le strict nécessaire, rien de plus; le silence et la modestie sont la sauvegarde de la pureté. Le Saint-Esprit opère alors en Marie son œuvre divine. Le consentement de cette pauvre fille a changé la face du monde: Dieu rentre dans son domaine: il va recommencer cette conversation avec les hommes bien plus parfaite et bien plus durable qu'au paradis terrestre. Ce mystère nous ennoblit: il ramène Dieu sur la terre. C'est en même temps un mystère tout intérieur, un mystère de communion. Dans la Communion, Jésus-Eucharistie s'incarne en quelque sorte en nous, et la Communion est la fin de son Incarnation. En communiant dignement, nous entrons dans le plan divin, nous l'achevons: l'Incarnation prépare et annonce la Transsubstantiation. Marie ne reçoit pas le Verbe pour elle seule; elle se réjouit que nous participions à son bonheur. Unissons-nous donc à elle quand nous recevons Jésus-Christ, chantons son Magnificat; le Seigneur a fait en elle de grandes choses en ce mystère: il en a fait de grandes encore en venant en nous. Puissions-nous imiter ses vertus, afin que Jésus-Christ trouve en nous, comme en sa sainte Mère, une habitation digne de lui!
Saint André Corsini récompensé par Marie de sa dévotion envers l'Eucharistie
Saint André Corsini. déjà illustre par ses vertus et sa sainteté, fut promu aux Ordres sacrés, malgré les résistances de son humilité, sur la demande réitérée de. tout le peuple, le jour de sa première Messe arrivé, ses parents voulaient qu'il la célébrât dans l'église de la ville avec toute la pompe possible. Mais le Saint obtint de son Supérieur de se retirer, à l'insu de tout le monde, dans un couvent solitaire et perdu au milieu des bois. Là il offrit son premier sacrifice, tout abîmé en l'amour de l'Hostie sainte qu'il immolait. La démarche courageuse du Saint fut si agréable à Marie, que. lui apparaissant aussitôt après la Communion, elle lui dit: « André, vous êtes mon serviteur : je vous ai choisi, et je me glorifierai en vous ». Cette bonne Mère nous manifestait, par cette faveur, que rien ne lui plaît tant que l'amour et le respect que nous témoignons à son divin Fils présent au Saint Sacrement par amour pour nous. (Bollandistes, 5 février).
Pratique : S'interdire toute parole, tout bruit toute dissipation en présence du Saint Sacrement.
Aspiration : Le fruit de mon sein, Jésus-Hostie est plus précieux que tout l'or et tout l'argent du monde. Et fructus meus pretiosior auro et argento. (Ecclesiaste).
Septième jour
La première Adoratrice du Verbe Incarné
Voilà, voilà mon modèle, ma mère: Marie première adoratrice du Verbe incarné dans son sein! Oh! que cette première adoration de la Vierge mère dut être parfaite en elle-même, agréable à Dieu et riche en grâces! Quelle dut être la perfection de l'adoration de Marie au premier instant de l'Incarnation ?
I. Une adoration d'humilité, d'anéantissement devant la souveraine majesté du Verbe à la vue du choix qu'il avait voulu faire de sa pauvre servante, sous le poids de tant de bonté et d'amour pour elle et pour les hommes. Tel doit être le premier acte, le premier sentiment de mon adoration après la sainte Communion. Tel fut le sentiment d'Elisabeth recevant la Mère de Dieu qui lui portait le Sauveur encore caché dans son sein: « Unde hoc mihi? D'où peut me venir ce bonheur que je mérite si peu? » C'est la parole aussi du centurion, chez qui Jésus choisit son séjour: « Seigneur, je ne suis pas digne! »
II. Le second acte de l'adoration de Marie dut être naturellement un acte de joyeuse reconnaissance envers son ineffable et infinie bonté pour les hommes; un acte d'humble reconnaissance de ce qu'il avait choisi son indigne mais trop heureuse servante pour lui faire cette grâce insigne. La reconnaissance de la très sainte Vierge s'exhale en actes d'amour, de louange, de bénédiction: elle exalte la divine bonté. Car la reconnaissance est tout cela; elle est l'expansion en la personne bienfaitrice; expansion grande, aimante: c'est le cœur de l'amour que la reconnaissance!
III. Le troisième acte de l'adoration de la sainte Vierge dut être un acte de dévouement: l'offrande, le don d'elle-même, de toute sa vie au service de Dieu : Ecce ancilla Domini; un acte de regret d'être si peu, d'avoir si peu, de pouvoir si peu pour le servir d'une manière digne de lui. Elle s'offre à le servir tout comme il voudra, par tous les sacrifices qu'il lui plaira d'exiger: trop heureuse de lui plaire à ce prix, et de correspondre ainsi à son amour pour les hommes en son Incarnation.
IV. Le dernier acte de l'adoration de Marie fut sans doute un acte de compassion pour les pauvres pécheurs , pour le salut desquels le Verbe s'incarnait. Elle sut intéresser son infinie miséricorde en leur faveur; elle s'offrit à réparer à leur place, à faire pénitence pour eux, afin d'obtenir leur pardon, leur retour à Dieu. Elle demanda qu'ils eussent le bonheur de connaître leur Créateur et leur Sauveur, de l'aimer et de le servir, et de rendre ainsi à la très sainte Trinité l'honneur et la gloire qui lui sont dus par toute créature, mais surtout par l'homme, le tendre objet des miséricordes et de l'amour de ce Dieu si grand et si bon. Oh! que je voudrais adorer Notre-Seigneur comme l'adorait cette bonne Mère! car je le possède comme elle à la communion. O mon Dieu, je vous fais une demande bien grande et bien importante: donnez-moi la très sainte Vierge adoratrice comme ma vraie Mère; faites-moi part de sa grâce, de cet état d'adoration continuelle où elle fut pendant tout le temps qu'elle vous porta dans son sein si pur, en ce ciel des vertus et de l'amour. Je sens, ô mon Dieu, que ce serait une des grandes grâces de ma vie; je veux désormais faire toutes mes adorations en union avec cette Mère des adorateurs, cette Reine du Cénacle.
La chasuble de Marie
Saint Bonnet, évêque de Clermont, fort dévot serviteur de Jésus et de Marie, s'était retiré la veille de l'Assomption dans l'église Saint-Michel, pour y passer la nuit en prières et se préparer à la grande fête de sa Souveraine bien-aimée. Tandis qu'il se répandait en soupirs et en ardents désirs, il entend comme venir du ciel les accords d'une douce mélodie: tout à coup le temple est illuminé, et ses voûtes résonnent comme aux jours solennels quand des flots de peuple s'y pressent. Stupéfait et hors de lui, le Saint regarde, et voit la très sainte Vierge, entourée d'une troupe d'anges et de vierges, s'avancer en procession jusqu'au pied de l'autel. Les vierges et les anges chantaient les louanges de leur Reine et de son Fils. Les anges demandèrent alors qui célébrerait les saints Mystères, et Marie leur dit: « Ce sera mon serviteur Bonnet, qui prie en secret dans cette église ». Les anges vont aussitôt chercher le Saint, qui s'était caché par frayeur et enfoncé dans l'angle le plus reculé de l'église. Ils le revêtent d'ornements magnifiques, et l'assistent pendant qu'il célèbre la Messe en présence de Marie. Le saint Sacrifice achevé, la sainte Vierge bénit son serviteur, et, comme gage de sa visite pleine d'amour, elle lui laisse la belle chasuble qu'elle avait elle-même apportée du ciel. Ce vêtement miraculeux se conservait à Clermont avant la Révolution; il est si fin, si beau, qu'on n'a jamais pu savoir de quelle matière il était fait: il ne pèse presque pas: il est très doux au toucher, et d'une broderie si délicate, que seuls les doigts d'un ange ou plutôt de la Reine des anges, ont pu le travailler. (Bollandistes, 15 janvier).
Pratique : Faire l'action de grâces à la communion très fidèlement et en union avec Marie.
Aspiration : Marie, j'ai reçu votre Fils bien-aimé: je ne le laisserai point aller.
Huitième jour
Grandeur de la maternité de Marie
Marie, mère de Jésus Fils de Dieu, Maria de qua natus est Jésus: voilà le sublime éloge que l'Evangile fait de Marie. Le Saint-Esprit ne loue ni ses dons ni ses vertus; il se contente d'en montrer le principe divin, la loi de convenance, c'est-à-dire sa maternité divine. Parce qu'elle doit être mère de Dieu, Marie reçoit toutes les grâces, tous les honneurs: on a tout dit d'elle, on a raconté toutes ses grandeurs quand on a dit: la Mère de Dieu.
I. Elle vient relever le genre humain, rendre à la mère cette couronne d'honneur et de noblesse qu'Eve perdit par son péché, Satan avait découronné notre première mère: Marie la réhabilite. Elle vient figurée par ces nobles femmes de l'ancienne loi, Judith, Esther, Débora, comme la reine, la libératrice. Aussi quand l'Ange se présente à Marie il la salue avec un souverain respect, n'osant prononcer son nom: « Ave, gratia plena ». Voyez la différence déjà entre le langage de l'Ange à la vraie mère des vivants, et celui du séraphin déchu à notre malheureuse Eve. Marie est enceinte de Dieu: elle porte le Sauveur du monde, le foyer de l'amour, Celui qui vient apporter la paix aux hommes: tandis que le premier-né d'Eve est un pécheur, un fratricide, Caïn. Marie est honorée des bergers et des rois, des pauvres et des riches; sa qualité de mère du Messie l'établit souveraine sur le monde entier. Et le Fils de Dieu honore Marie comme sa vraie mère, lui rend tous les devoirs d'un fils; nous donnant l'exemple du parfait accomplissement de ce précepte: « Père et mère honoreras ».
II. Eve, par sa faute, perd sa liberté et sa puissance, « sub potestate viri eris: Tu seras, lui dit Dieu, sous le pouvoir de l'homme », et depuis, la femme fut esclave ou sous la tutelle de l'homme. Voici la femme forte, la mère par excellence. Une mère doit avoir droit sur son fils, fût-il roi, fût-il Dieu, et Marie commande à Jésus: Celui devant qui tremblent les puissances célestes, obéit à Marie, Seule elle lui commande, lui parle en public, revendique ses droits de mère: « Fili, quid fecisti nobis sic? Voyez-vous la puissance de Marie? » C'est elle qui. à Cana, déliera le pouvoir de Jésus, qui lui donnera en quelque sorte sa majorité. Couronne de puissance, tel est donc le second privilège de la maternité divine.
III. Elle donne encore à Marie une couronne de gloire. Eve, par son ambition, perd toute gloire: elle est chassée honteusement du paradis, et elle enfantera dans la douleur et ignominie. Marie enfante le Sauveur dans la joie; elle ne connaît pas les douleurs de la maternité: le Sauveur en passant par son sein y laisse sa gloire, et Marie sera Reine parce qu'elle a mis au monde Jésus roi. Elle sera la reine des Anges, la reine de l'Eglise: les rois mettront à ses pieds leurs empires; les peuples lui confieront leur salut, et partout où Jésus aura un trône, Marie aura aussi le sien: l'autel de Marie sera toujours à côté de l'autel de Jésus. Voilà l'honneur, la puissance et la gloire de la maternité divine: Marie est honorée, puissante et glorieuse en Jésus et par Jésus: elle est sa divine mère!
Une Messe au ciel avec Marie
L'empereur saint Henri, qui. pour imiter le chaste mariage de Marie et de Joseph, garda avec son épouse, sainte Cunégonde, une inviolable chasteté, reçut de Marie, dans l'église de Sainte-Marie-Majeure à Rome, une signalée faveur. Pendant une nuit qu'il s'y était retiré pour vaquer plus librement à la contemplation, le Sauveur du monde daigna lui apparaître en personne avec sa glorieuse Mère et un nombreux cortège de bienheureux. Jésus-Christ, revêtu des ornements sacrés, célébra lui-même la Messe, ayant pour diacre saint Laurent et pour sous-diacre saint Vincent, martyr de Saragosse. Les esprits bienheureux commencèrent avec un admirable concert l'Introït de la Messe: « Suscepimus, Deus »; puis, continuant, ils dirent: « Justitia plena est dextera tua: Votre droite est pleine de justice ». A ces mots, Notre-Seigneur, la Vierge-Mère et tous les saints jetèrent les yeux sur le pieux monarque, comme pour lui faire remarquer que la justice doit être la vertu principale des souverains. Après l'Evangile, le sous-diacre fit baiser le texte sacré à Notre-Seigneur, ensuite à la sainte Vierge; puis, sur l'ordre formel de Marie, à l'Empereur lui-même, en disant: « Présentez le baiser de paix à celui dont la virginité me plaît tant ». Après cette cérémonie, la vision disparut, laissant l'âme de saint Henri pénétrée d'une indicible consolation et animée d'un plus vif désir encore que par le passé, de correspondre, par ses œuvres saintes, à de telles faveurs. (Rossignoli)
Pratique : Recevoir souvent le Dieu de l'Eucharistie, comme remède à la concupiscence et comme la sauvegarde de la pureté.
Aspiration : Salut, ô Marie! paradis spirituel de Dieu où a fleuri le lys immaculé et odorifèrant, Jésus-Eucharistie!
Neuvième jour
La vie intérieure de Marie
I. Marie ornée de tous les dons, enrichie de toutes les vertus, parfaite en toutes ses grâces, n'apparaît au monde que sous les dehors les plus ordinaires. Ses actions n'ont rien d'éclatant ; ses vertus semblent communes; sa vie se passe dans le silence, l'obscurité, et l'histoire évangélique n'en parle pas. C'est que Marie doit être le modèle de cette vie cachée en Dieu avec Jésus-Christ, que nous devons honorer et retracer fidèlement dans notre conduite. Car je voudrais vous montrer que la loi de sainteté que Dieu suit en nos âmes est la même qu'il a suivie en Marie. Or, l'Eglise chante de Marie: « Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur ». Tel est le caractère de la sainteté de Marie: rien d'extérieur ni de connu; tout à Dieu seul et connu de lui seul. Et cependant Marie a été la plus sainte et la plus parfaite des créatures. Plus aimée de Dieu qu'aucune créature, la sainte Vierge a dû recevoir de sa bonté les grâces les plus riches et les meilleures, les dons les plus excellents: le Père éternel lui a communiqué toutes les vertus de mère, le Fils toutes les grâces de la Rédemption, le Saint-Esprit toutes les grâces d'amour. Mais Marie n'a mené qu'une vie tout ordinaire, toute cachée et tout inconnue; qu'en conclure, sinon que cet état de vie retirée et intérieure est le plus parfait? Sans aucun doute. La vie extérieure même dévouée à Dieu est moins parfaite. C'est ainsi que Notre-Seigneur s'est beaucoup plus caché qu'il ne s'est montré. Tous les saints passeront par ce moule: pour être ami de Dieu, il faut être pulvérisé, réduit à rien; s'anéantir comme Jésus et Marie.
II. D'où je vous dis: Voulez-vous être saints? devenez intérieurs. Vous y êtes obligés par votre vocation adoratrice; sans cet esprit intérieur, comment voulez-vous prier? Si en face de Notre-Seigneur vous ne savez pas vous passer de livres un seul instant, si vous ne savez rien dire de votre cœur, que venez-vous faire à l'adoration? Quoi! jamais vous ne parlerez vous-mêmes, mais toujours vous emprunterez les pensées et les paroles des étrangers! Non, travaillez à devenir intérieurs. Tout le monde ne peut pas l'être comme Jésus et Marie: chacun peut l'être selon sa grâce et sa vertu. Sans cela vous ne recevrez jamais de consolations, d'encouragements dans la prière: vous serez trop malheureux aux pieds de Notre-Seigneur. Pour être adorateur, il faut être intérieur; il faut causer sur le prie-Dieu, interroger Notre-Seigneur, attendre sa réponse: il faut jouir de Dieu. Il faut être heureux en sa compagnie, heureux à son service ; on a besoin de jouir de sa familiarité si douce, si encourageante: mais pour trouver le cœur et l'amour de Jésus, il faut être intérieur. Après tout, qu'est-ce donc qu'être intérieur? C'est aimer assez pour pouvoir causer et vivre avec Jésus. Mais Jésus ne se fait pas entendre aux oreilles, ni voir aux yeux du corps, il parle seulement à l'âme recueillie. Jésus est tout intérieur au Saint Sacrement : il n'entre plus dans le cœur par la vue comme pendant sa vie mortelle, il veut aller à l'âme directement, lui parler à elle seule. Quand votre âme ne s'épanouit pas en sa présence, c'est qu'il n'agit pas sur elle; il y a un obstacle entre elle et lui. Ah! ne faites pas mentir Notre-Seigneur : il a dit que son joug est doux et son fardeau léger: mais c'est pour celui qui le porte dans la prière et la vie intérieure. Sans cela il vous sera lourd et ennuyeux à porter. Quand nous ne sommes pas intérieurs, tout cloche en notre vie. Oh! que je voudrais voir s'accomplir en vous cette parole si bien réalisée en la très sainte Vierge: Le royaume de Dieu est au dedans de vous! royaume de vertus, d'amour et de grâces intérieures. Alors vous commencerez à être des adorateurs et des saints. L'herbe des champs meurt tous les ans parce qu'elle n'a point de profondes racines: mais le chêne, l'olivier et le cèdre demeurent éternellement, parce que leurs racines s'enfoncent jusqu'au sein de la terre. Pour demeurer, être fort, il faut donc creuser, descendre jusqu'au fond, jusqu'au néant de soi-même, c'est là que se trouve Jésus: il s'est anéanti: exinanivit; c'est là que Marie l'a trouvé. Oh! puisse cette mère parfaite de la vie intérieure vous faire vivre comme elle en Jésus! puissiez-vous comme elle y demeurer toujours et n'en sortir jamais!
Marie médiatrice auprès de Jésus-Eucharistie
Un bon Frère de l'Ordre de Saint-François, très dévot, fut assailli, vers le temps où il allait prononcer ses vœux, d'une violente tentation de retourner dans le siècle, il redoutait de s'engager pour toujours ; et la crainte d'être infidèle à ses vœux, quand il les aurait prononcés, le décida à quitter l'habit la veille même de sa profession. Mais avant de partir il entre dans l'église du couvent, et. s'étant prosterné devant le Tabernacle que surmontait une statue de la sainte Vierge, il demanda fort ingénument à Jésus et à sa Mère la permission de partir. Mais, ô prodige! voilà la sainte Vierge qui descend de son trône, ouvre le saint Ciboire, et il en sort un bel et radieux Enfant! Marie se jette aux genoux de son Fils et lui dit d'une voix suppliante: « Mon très doux Fils, ayez pitié de notre pauvre serviteur! » Et le Seigneur: « Ma Mère, que voulez-vous que je fasse, puisqu'il ne veut pas demeurer avec moi? » Et la très miséricordieuse Vierge de repartir: « Mon Fils, justement, ayez pitié de lui et lui accordez la grâce de rester avec vous ». Alors l'Enfant-Dieu, levant la main, bénit le Frère et promit à Marie, en vue de ses prières, de n'abandonner jamais ce pauvre religieux. Cette parole dite, le Seigneur rentre dans son Ciboire, et, disparaissant, laisse le bon Frère rempli de force et de consolation. (Nicolao Laghi da Lugano, Miraculi dei Santissimo Sagramento, trat. I, c.IXXI).
Pratique : Vivre de recueillement et d'union à Jésus présent en nous, à l'imitation de notre Mère.
Aspiration : Marie, vraie fille du grand Roi, toute votre gloire est dans votre intérieur, parce que Jésus y demeure !
Dixième jour
La modestie, caractère de la vie de Marie
La vie cachée de Marie a un caractère qui la distingue de celle de Jésus. En elle ce n'est pas cette humilité qui étonne et confond, ce mélange de puissance et de faiblesse, de grandeur et d'obéissance que l'on admire en la vie de Jésus. La vie de Marie est toujours égale, toujours simple et cachée, c'est le règne de l'humble et douce modestie. La modestie fait le caractère de sa piété, de ses vertus et de toutes ses actions.
I. Marie est modeste dans son extérieur. Elle ne se distingue ni par la sévérité de son maintien, ni par une négligence affectée. Humble et douce comme l'esprit de Jésus; tout ce qui est à son usage porte le caractère de sa condition médiocre et la confond avec les femmes du commun. Ainsi devons-nous porter les insignes de la médiocrité: ni trop ni trop peu, si nous voulons nous rapprocher de la vie de notre Mère.
II. Modeste dans le monde. Marie fera avec empressement le sacrifice de sa retraite, de la douceur de sa contemplation, pour aller au loin vers sa cousine Elisabeth, la féliciter et la servir. Elle sera pendant trois mois sa compagne, son humble servante et fera le bonheur de cette maison privilégiée. Quand la gloire de son Fils le demandera, Marie paraîtra en public. Elle assistera aux noces de Cana. Elle ne dira rien à sa propre louange, ne s'appuiera ni sur son titre de mère du Messie, ni sur la puissance et la gloire de son Fils, pour s'élever aux yeux des hommes: sa modestie fait qu'elle se prête à la charité et s'arrête quand il le faut.
III. Modeste en ses devoirs. Marie les remplit avec douceur, sans empressement, toujours contente de ce qui lui arrive, toujours prête à un devoir nouveau. Elle les remplit tous avec cette égalité de caractère qui ne laisse voir aucune peine et ne demande aucune consolation; qui n'attire les regards de personne parce que tout est naturel et dans la mesure ordinaire. Beau modèle pour celui qui veut vivre de la vie de Jésus-Eucharistie, et pour un adorateur consacré à son service: toute sa vie ne se compose que de petits actes, de petits sacrifices que Dieu seul doit connaître et récompenser; il n'a pour tout honneur et pour toute consolation de son dévouement filial que l'humilité de son devoir, et il n'en veut pas d'autre que de plaire à son Maître par un sacrifice continuel de lui-même.
IV. Modeste dans sa piété. Marie, élevée au plus haut degré d'oraison que puisse atteindre une créature, vivant dans l'exercice habituel de l'amour parfait, exaltée au-dessus de tous les anges et faisant par sa dignité de Mère de Dieu un ordre à part dans les merveilles de Dieu, Marie cependant sert son Seigneur dans la forme ordinaire et commune de la piété; elle suit les prescriptions de la loi; elle assiste aux fêtes légales; elle prie parmi le commun des fidèles: rien ne la distingue, pas même sa modestie qu'elle sait cacher; rien ne révèle à l'extérieur la perfection de sa piété, pas même une ferveur extraordinaire! Telle doit être notre piété: commune dans ses pratiques, simple dans ses moyens, modeste dans l'action; évitant avec soin la singularité, fruit subtil de l'amour-propre; évitant l'extraordinaire comme trop sujet à la vanité et à l'illusion.
V. Modeste dans ses vertus. Marie les possède toutes au suprême degré, les pratique toutes dans leur souveraine perfection, mais sous une forme simple et commune; son humilité ne voit que la bonté de Dieu et ne laisse paraître, pour toutes les faveurs qu'elle en reçoit, qu'une humble reconnaissance: la reconnaissance du pauvre, sans éclat et sans gloire, que le monde ne remarque même pas. Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth? Et l'on ne fait pas attention à Marie. Voilà le grand secret de la perfection: savoir la trouver dans ce qui est le plus simple, savoir l'alimenter de ce qui est le plus commun, savoir la conserver au milieu de l'oubli et de l'indifférence. Une vertu publique est bien exposée, une vertu louée et préconisée est bien près de sa chute: la fleur que tout le monde veut admirer est vite fanée! Aimons donc les petites vertus de Nazareth, celles qui naissent au pied de la croix, à l'ombre de Jésus et de Marie: on ne craint pas alors les tempêtes qui brisent les cèdres, ni la foudre qui tombe sur la cime des montagnes.
VI. Modeste en ses sacrifices. Marie se dévoue en silence et suavement à l'exil: pas de récrimination; elle ne s'estime nullement elle-même parce qu'elle est appelée à de grands sacrifices: ne fait aucune plainte non plus, aucune prière pour en adoucir la rigueur. Elle est modeste en face de la peine de son saint époux: plutôt que de lui révéler le grand mystère qui s'est opéré en elle et qui la relèverait tant à ses yeux, elle subit ses doutes: elle laisse à Dieu ce soin et se tient calme aux mains de sa Providence. Elle accompagne, percée de douleur, son Fils portant la croix; mais elle n'emplit pas Jérusalem de ses cris et de ses gémissements; sur le Calvaire, plongée dans une douleur sans mesure, aussi grande que son amour, Marie souffre en silence, et, après avoir dit un dernier adieu silencieux à son Fils, elle se retire en mère désolée, mais résignée.
VII. Enfin, modeste dans sa gloire. C'est le plus beau triomphe de la modestie de Marie. Comme Mère de Dieu, quels titres n'a-t-elle pas aux hommages de l'univers? Marie n'en retient que la peine et le sacrifice; jamais on ne la voit lorsque son Fils triomphe: elle n'est à sa suite que quand il y a une humiliation ou une croix à partager avec lui. Si donc nous voulons être les enfants de cette aimable mère, il faut nous revêtir de sa modestie, en faire le sujet ordinaire de nos méditations; c'est l'héritage que nous laisse Marie: que sa modestie soit la règle de nos vertus; que cette simplicité qui s'oublie pour ne voir que Dieu, qui va au devoir plutôt qu'à la jouissance, à Dieu plutôt qu'à ses douceurs, à l'amour pour l'amour, soit notre partage, le but de nos efforts et le cachet de notre vie. La modestie est la vertu royale d'un adorateur, parce qu'elle est la vertu, la livrée des serviteurs des rois, et la vertu des anges devant la majesté divine: c'est elle qui nous compose en la présence de Dieu; qui lui fait hommage de tous nos sens, de toutes nos facultés: elle est l'étiquette de son royal service. Il faut être modeste comme Marie au service de Jésus!
Les divines épousailles
Marie n'a pas de plus ardent désir que de nous lier à son divin Fils, au Sacrement, par des liens indissolubles. Un jour que la vénérable Mère Catherine de Jésus, Carmélite d'Espagne, avait reçu la communion, et qu'elle se livrait envers son divin Sauveur aux sentiments de l'amour le plus tendre. Marie lui apparut tenant l'Enfant-Jésus entre ses bras. Prenant alors la main de son divin Fils, elle la mit dans celle de Catherine, comme pour la fiancer à son Epoux céleste. Aussitôt la sainte fille entra dans des sentiments dignes de cette divine alliance, en demandant à Jésus quelque part à ses douleurs: et le Sauveur lui offrit une couronne d'épines dont elle ceignit son front et qu'elle ne quitta plus pendant les vingt-trois ans qu'elle vécut encore; plus fière de ce diadème que les reines de leurs couronnes de diamants!
Pratique : Reproduire dans notre vie la modestie de Jésus et de sa sainte Mère.
Aspiration : Nous vous bénissons, ô chaste Colombe qui nous apportez le rameau de l'olivier et nous annoncez Jésus-Hostie qui nous sauvera du déluge spirituel!
Onzième jour
Marie à Bethléem
Le mystère de Bethléem est plein de douceur et d'amour. Jésus s'y montre, peut-on dire, plus aimable que sur le Calvaire. Entrez bien dans les dispositions de la très sainte Vierge.
I. Avant la naissance de son fils, dans les heures qui précèdent cet heureux moment, unissez-vous à son attente: redoublez comme elle de ferveur et d'amour; unissez-vous à son recueillement, et retirez de ses dispositions cet enseignement: qu'il faut servir Notre-Seigneur comme il veut qu'on le serve, et non pas comme on voudrait le faire soi-même. En effet, Marie savait par les prophéties tout ce que devait souffrir son Fils; elle se disposait à le servir comme il voudrait et à le suivre partout: imitez ce vrai dévouement, ce véritable amour. Il devait paraître tout naturel à Marie que Jésus naquît dans un beau palais, ou à tout le moins, comme la plupart des enfants, dans un certain bien-être. Eh bien! non, il naîtra dans une grotte, dans le trou d'un rocher. Marie et Joseph, repoussés de partout, sont contraints de s'y retirer. La douleur de saint Joseph dut être bien grande sans doute: c'est à lui, chef de la famille, qu'incombe le souci de trouver un abri pour sa sainte épouse, et nous pouvons supposer quelle fut son anxiété, sa peine, quand, refusé partout, il dut conduire Marie, au moment d'enfanter, dans ce pauvre réduit. Pour Marie, elle était heureuse même au milieu de ces rebuts : elle possédait Jésus en son sein, et elle savait que c'était lui-même qui permettait qu'ils fussent rejetés et méconnus, et qui les conduisait dans l'étable où il avait résolu de naître. C'est ainsi que Dieu arrive à ses fins: l'homme s'agite, cherche des secours humains, et quand il a tout épuisé en vain. Dieu le mène où il veut le mener. Dieu permet que l'on cherche inutilement le secours de l'homme, afin qu'on s'abandonne à lui et que l'on se laisse conduire comme Marie et Joseph. C'est dans ces états d'abandon que l'on sent davantage la bonté de Dieu: il a soin de nous alors, nous venons auprès de lui comme des enfants autour de leur père, sans inquiétude. Lorsque le succès aura couronné nos efforts, que la Providence se sera montrée plus sensiblement, notre amour ne sera plus le même, nous compterons peut-être trop sur nos ressources, et pas assez sur Dieu. Les Israélites recevaient plus de faveurs dans le désert que dans la terre promise, et Dieu était plus près d'eux; et Jésus était plus aimable dans sa crèche de Bethléem ou dans la pauvre maison de Nazareth, que dans sa vie publique, au milieu de toutes les merveilles qu'il opérait.
II. Et quand Jésus est né, oh! comprenez, si vous le pouvez, les adorations, les hommages, les attentions de Marie. Adorez Jésus dans ses bras ou dormant sur son sein. Quel bel ostensoir! Il a été travaillé avec art par le Saint-Esprit. Quoi de plus beau que Marie, même extérieurement? Elle est le lys, le lys de la vallée, pure comme lui, et qui a germé dans une terre immaculée. Marie, c'est le Paradis de Dieu! Aussi, voyez quelle fleur y fleurit: Jésus la fleur de Jessé! voyez quelle moisson il produit: Jésus le froment des élus! Et entrez dans l'âme de Marie: contemplez-en la beauté; mais il y a dans l'âme de Marie une beauté capable de faire notre bonheur éternel quand nous la connaîtrons bien! Dieu s'est épuisé pour embellir Marie. Voilà l'ostensoir du Verbe naissant ! voilà par quel canal nous vient Jésus! Oh! oui, l'Eucharistie commence à Bethléem et dans les bras de Marie: c'est elle qui a apporté à l'humanité le pain dont elle est affamée et qui peut seul la nourrir. Elle nous le gardera ce bon pain! Divine Brebis, elle va nourrir cet Agneau dont nous mangerons la chair vivifiante. Elle le nourrit de son lait virginal: elle le nourrit pour le sacrifice, car elle connaît déjà sa destinée: elle sait déjà, et dans quelques jours elle saura mieux encore, qu'il n'est que pour l'immolation; elle accepte cette volonté de Dieu sur elle, et porte dans ses bras, nous prépare la victime du Calvaire et de l'autel. Au jour du sacrifice, elle conduira son divin Agneau à Jérusalem; elle le livrera à la divine Justice pour le salut du monde. Eh quoi! Bethléem parle déjà du Calvaire! Certainement Marie a entendu cette première parole de son Fils: Père, vous ne voulez plus des sacrifices de la loi: me voici ! Et elle s'unit à son offrande et à son immolation anticipée.
III. Mais il y a aussi des joies à Bethléem, de douces joies. Les bergers, âmes simples, viennent adorer l'Enfant-Dieu: Marie est heureuse de voir les hommages simples et offerts de si bon cœur qu'ils rendent à son Jésus. Quelques jours après, ce sont les Mages qui apportent et le tribut de leurs adorations et leurs présents royaux: Marie le présente à leur amour; c'est dans ses bras qu'ils le trouvent. Oh! que de fois vous avez dû jouir du bonheur des Mages! Comme l'âme aimante est heureuse quand elle a trouvé Jésus avec Marie sa mère! Ceux qui connaissent le Tabernacle où il réside, ceux qui le reçoivent en leur âme, savent que sa conversation est pleine d'une suavité divine; sa consolation ravissante, sa paix surabondante, et la familiarité de son amour et de son cœur ineffable! Trouver Jésus entre les bras de Marie, s'unir aux sentiments de Marie quand elle le presse sur son cœur, ô délicieux moment! qui passe toujours trop vite, comme la joie du Tabor! moment où l'on oublie tout, où l'on ne désire plus rien, pas même le ciel: on le possède, on a Jésus et Marie!
Les sanctuaires de l'Eucharistie multipliés par les soins de Marie
Si la sainte Vierge inspire à tant de ses dévots serviteurs de lui dédier des pèlerinages et de lui construire des temples, n'en doutons pas, elle ne le fait que pour multiplier les tabernacles de son Fils, le Dieu de l'Eucharistie. Nous en avons un précieux témoignage dans l'histoire de la construction de la chapelle de Notre Dame du Laus, située au milieu des Alpes. S'adressant à une pieuse bergère dont elle voulait faire l'instrument de ses grâces, Marie lui dit: « Je veux faire bâtir ici une église en l'honneur de mon très cher Fils, où beaucoup de pécheurs et de pécheresses viendront se convertir ». L'église fut construite avec l'obole du pauvre; et Marie, s'adressant une autre fois à la même enfant: « Mon fils, dit-elle, m'a donné ce lieu pour la conversion des pécheurs ». Et jamais, l'histoire du Laus en fait foi, pécheur n'est sorti de ce béni sanctuaire que réconcilié avec le divin Fils de la très douce Mère, qui l'attendait dans son Tabernacle, vrai trône de grâce et de miséricorde. (Histoire des merveilles de Notre Dame du Laus).
Pratique : Demander sans cesse à Marie de nous donner Jésus.
Aspiration : Salut, ô Marie. sainte montagne où l'Agneau eucharistique a trouvé de gras pâturages!
Douzième jour
Jésus présenté au Temple par Marie
I. Notre Seigneur ne veut pas tarder de se donner publiquement à son Père: quarante jours après sa naissance, il inspire à sa Mère de le conduire au temple. Marie porte son enfant dans ses bras; elle va le donner à son Père et le racheter par deux tourterelles: Jésus voulait être racheté par ces petits animaux, qui nous manifestent sa pureté et sa simplicité. Il va se passer là un grand mystère. Le bonheur de la très sainte Vierge, ses joies vont finir en ce jour. Ecoutez les paroles du vieillard choisi de Dieu: « Ce Fils sera posé en signe de contradiction, pour la ruine et la résurrection d'un grand nombre: pour vous, ô Mère, un glaive de douleur transpercera votre âme! » Comment la sainte Trinité, comment Dieu si bon, si tendre, peut-il ainsi découvrir un tel mystère de douleur à une pauvre Mère de quinze ans encore tout enivrée des joies de la naissance de son Fils! C'est sa première sortie, et elle apprend quelle sera la mort de son enfant bien-aimé! Oh! elle comprend tout! Dés ce jour, le Calvaire est partout où est Jésus, à Nazareth, en Egypte: Marie voit sans cesse son Fils crucifié. Ah! quand on n'a pas de vertu, Dieu nous laisse dormir dans une sorte de sécurité: mais quand il voit une Time aimante, il s'empresse de la crucifier pour trouver sa gloire en elle: l'amour est dans la douleur. Marie l'accepte. Désormais elle ne s'entretiendra plus avec son Fils que du Calvaire, de ses souffrances et de sa mort: elle a assez de force pour souffrir un Calvaire qui va durer trente-trois ans! Comprend-on ce que ce mot a de crucifiant: « Un glaive de douleur transpercera votre âme! » Dès ce moment, Marie voit les plus petits détails des souffrances de son Fils: elle y pense sans cesse: c'est à partir de ce jour qu'elle est la Reine des martyrs.
II. Que faut-il retirer de ce mystère de la Présentation de Jésus par Marie? C'est qu'il ne faut pas se donner à Dieu pour jouir, pour avoir des consolations, pour posséder une tranquillité et une paix inaltérables. Jésus a dit sans doute: « Prenez mon joug, il est doux, et mon fardeau est léger »; mais il a dit aussi: « Celui qui ne porte pas sa croix tous les jours à ma suite, n'est pas digne de moi ». Que devons-nous faire? Nous offrir en union avec Marie notre Mère, nous donner à Dieu, et accepter les peines, les souffrances et toutes les croix qu'il voudra nous envoyer. Dans les commencements, quand on vient de se donner à Dieu, l'âme reçoit des consolations, le service de Dieu est accompagné de douceurs sensibles. Il y a beaucoup d'âmes qui, dégoûtées du monde où elles n'ont éprouvé que déceptions, reviennent à la piété pour y trouver la paix et la consolation; elles n'y cherchent que cela, elles ne veulent voir que cela dans le service de Dieu. Elles le servent tant que le Seigneur leur fait ces divines douceurs; quand il se cache et veut substituer une nourriture plus forte à ce pain des enfants, elles s'inquiètent, se découragent, tombent dans le scrupule; elles mettent leur imagination à la torture, pour savoir ce qui a pu leur attirer cette punition; elles croient que leurs confessions n'ont pas été sincères, qu'elles ont fait de mauvaises communions: elles veulent trouver en elles la cause de ce changement: ne la trouvant pas, elles se découragent et finissent par abandonner leurs exercices de piété. Oh! sans doute, ne dédaignons pas les consolations de Dieu: soyons heureux de les recevoir quand il les envoie; mais ne les recherchons pas uniquement: les douceurs, les grâces sensibles passent, Jésus seul reste toujours. Il y a des saints qui ont été favorisés de grandes douceurs de Dieu, d'extases, de ravissements; mais qu'ils ont souffert ! Dieu les leur donnait de loin en loin: elles étaient la récompense de leurs souffrances, et un encouragement à souffrir encore davantage pour son amour. C'est par la souffrance qu'on se sanctifie; c'est par la croix, les épreuves, que l'âme se fortifie, qu'elle se dégage d'elle-même: alors elle ne cherche plus sa satisfaction dans le service de Dieu, mais lui seul. Tel est l'enseignement du mystère de la Purification de Marie et de la Présentation de Jésus au Temple: mettons-le en pratique, si nous voulons être dignes de la victime auguste que nous contemplons sans cesse au Saint Sacrement, et de sa Mère qui l'a offerte si généreusement!
La Chandeleur au ciel
On lit dans le Rosaire de saint Dominique, au rapport de Nicolao Laghi, qu'une jeune femme nommée Lucie, fort dévote à Marie, dont elle récitait chaque jour le Rosaire, vit, le jour de la Purification, un ange sous la forme d'un splendide jeune homme qui lui dit: « Viens, Lucie, je te mènerai en ce jour de fête dans une église magnifique où tu verras des choses ravissantes ». Elle fut, en effet, transportée dans un temple si beau qu'elle ne pouvait en comprendre la magnificence. Sainte Anne et sainte Madeleine vinrent la prendre par la main et l'introduisirent au milieu du chœur, au pied du trône de la très sainte Vierge; et cette très douce Reine lui dit: « Puisque, en récitant fidèlement mon Rosaire, tu m'as si souvent présentée à mon Fils, je veux te présenter à Lui à mon tour ». Et, en effet, Lucie vit venir Jésus-Christ, revêtu des insignes de souverain Prêtre, qui célébra en sa présence les saints Mystères. Lorsque le moment de la communion fut venu, toute la troupe céleste se disposait autour de la table sainte, et Lucie n'osait s'approcher, s'estimant indigne d'être assise, au Banquet divin, à côté de tels convives. Et Marie, ô miséricordieuse condescendance d'une mère, vint prendre Lucie et la plaida au premier rang, ne communiant elle-même que la seconde. La vision s'évanouit alors; et la pieuse servante de Marie en retint un tel souvenir, qu'elle passa tout le reste de sa vie dans tous les exercices de la perfection chrétienne.
Pratique : S'offrir à Jésus, Victime d'amour sur nos autels, pour tout ce qu'il voudra de nous, en union avec Marie.
Aspiration : Marie! Vigne féconde qui nous avez donné le Vin eucharistique, soyez bénie!
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement 4/6
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement
Méditations extraites des écrits de Saint Pierre-Julien Eymard
Fondateur de la Congrégation du Très Saint Sacrement
Treizième jour
Vie de la sainte Famille
Méditons sur la vie de la sainte Famille, c'est-à-dire sur la vie de Marie et Joseph en Jésus.
I. Jésus était le centre d'amour de Marie et de Joseph: là où est le corps, les aigles se rassemblent; là où est le trésor, là est le cœur. De sorte qu'avoir Jésus était tout le centre de ces heureux parents; on ne tenait ni à Bethléem, ni à Nazareth, ni à l'Egypte: avoir Jésus c'était tout; il était la maison de leur cœur. Comme saint Joseph, quand il avait dû s'absenter, revenait vite, avec joie, avec bonheur, à la maison où était le divin Enfant! Oh! qu'il ne perdait pas le temps loin de lui! Il savait que Jésus était l'amour divin incarné!... Ainsi, ma maison, ma famille, mon centre, c'est l'Eucharistie, le Tabernacle auprès du quel j'habite: je dois, comme Marie et Joseph, n'être bien que là.
II. Jésus était la fin de la vie de Marie et de Joseph; on ne vivait que pour lui, on ne travaillait que pour lui. Oh! avec quel plaisir le bon saint Joseph travaillait pour lui gagner le pain de chaque jour, ainsi qu'à sa divine Mère! Comme il apportait avec bonheur le petit salaire de son travail! Et quand il avait un peu plus de peine, comme sa peine lui était agréable, parce qu'elle avait pour fin Jésus! Ainsi Jésus-Eucharistie doit-il être la fin de ma vie, la joie de ma vie, la joie et le bonheur de mon travail; et quelle vie plus belle que celle que l'on passe en compagnie de Jésus au Très Saint Sacrement?
III. Jésus était l'aliment continuel de la vie d'union et de l'amour de Marie et de Joseph. Ils étaient si heureux de le regarder, de l'entendre, de le voir travailler, obéir, prier: il faisait tout si bien! Mais ils étaient surtout heureux de voir son intérieur, d'étudier ses intentions, de connaître ses sentiments, les motifs de ses vertus. Ils le voyaient sans cesse chercher et choisir de préférence les occasions de pauvreté, d'obéissance, de pénitence; ils contemplaient ses abaissements et ses anéantissements. Ils admiraient sa fidélité à tout renvoyer à la gloire de son Père, à ne vouloir, comme homme, être la fin d'aucune louange, d'aucune gloire, et à tout rapporter à la Divinité. Jésus, Marie et Joseph n'avaient qu'un but dans toute leur vie, ne voulaient qu'une chose: glorifier le Père céleste. Voilà ce que j'ai à faire. Il faut pour cela que j'entre en l'union de Marie et de Joseph, que je partage leur vie, cette vie de famille, cette vie intime dont Dieu seul a le secret. Oh ! que l'âme est heureuse quand elle contemple l'intérieur de la sainte Famille, tout ce qui s'y disait et s'y faisait: l'évangile de famille de Jésus! Les belles soirées de conversations célestes et de prières de Nazareth! Assurément Jésus expliquait à Marie et à Joseph tout ce que les Ecritures disent de lui; il leur révélait le calvaire et toutes les scènes d'humiliations et de douleurs par où il devait passer; il devait leur montrer dans ses mains la place qu'occuperaient les clous, et cela afin de commencer en sa Mère et en son saint gardien les vertus du Calvaire. Il devait leur parler de l'Eglise, des apôtres, des ordres religieux qui se consacreraient à sa gloire et à la leur, de moi, de ma misère, et de l'immense amour qu'il me portait. Nazareth était devenu le ciel de l'amour et le paradis du second Adam et de la nouvelle Eve; le ciel des vertus les plus pures, de l'amour le plus saint. Quel délicieux parfum montait vers le Seigneur de ce parterre délicieux, où fleurissaient le Verbe incarné, Marie, le juste Joseph! Le Père céleste y trouvait ses délices; les anges l'admiraient; pour moi, je veux y prendre l'amour de la vie pieuse, recueillie en Jésus, Marie, Joseph!
Le saint Viatique procuré et accompagné par Marie
Une pieuse fille, très dévote à Marie, privée des biens de ce monde, riche seulement de sa foi, était sur le point de mourir sans recevoir, à son grand regret, le Corps de son bien-aimé Sauveur. La Mère de bonté vint à son secours, et, apparaissant, environnée d'un nombreux cortège d'anges, au bienheureux Odéric de Port-Mahon. qui traversait seul une forêt: « J'ai, lui dit-elle, prés d'ici une fidèle servante qui se meurt et qui désire ardemment recevoir le saint Viatique. Le prêtre de sa paroisse est absent; je veux que vous le remplaciez. Je vais donc vous conduire moi-même à l'église, et ensuite chez cette malade, car je veux être présente à sa dernière communion ». Le Bienheureux obéit, et prend le Saint Sacrement, qu'il porte dévotement. Marie l'accompagnait, le visage radieux et empreint d'une douce majesté. Qui dira les hommages de respect et d'amour qu'elle rendait à son Fils caché sous les espèces sacramentelles! La malade reçoit le Corps sacré de Jésus en présence de la sainte Vierge: je laisse à penser de quelles consolations elle fut inondée, et si elle ne se trouva pas bien récompensée d'avoir demandé à cette bonne Mère son très cher Jésus, qu'elle ne refuse jamais à ceux qui s'adressent à elle. (Rossignoli).
Pratique : Accompagner, en union avec Marie, le Saint Sacrement quand on le porte aux malades.
Aspiration : Reine de bonté! nous vous contemplons au côté du Roi des rois. Jésus-Eucharistie!
Quatorzième jour
Compassion de la Très Sainte Vierge
I. Marie n'avait à expier aucun péché, ni originel ni actuel; elle n'avait pas été, comme Jésus, chargée par Dieu du poids de nos iniquités; comment se fait-il qu'elle ait tant souffert pendant toute sa vie, où la vie de la mort future de son Fils la poursuit sans cesse, et surtout, plus tard, sur le Calvaire? C'est que la souffrance est la loi de l'amour: c'est l'amour de Marie qui a fait son martyre; et parce qu'elle aimait plus qu'aucune créature, elle a subi un martyre incomparable. C'est encore que la souffrance est la glorification actuelle de Jésus-Christ en nous: par la souffrance, nous le continuons, nous achevons son sacrifice. C'est encore, et surtout, parce que toute maternité se doit acheter par la souffrance. En mettant au monde son Fils immaculé, Marie a échappé à cette loi; mais lorsqu'elle devra devenir notre mère, nous enfanter à la grâce, elle en sentira toute la rigueur. Qu'est-ce que Jésus-Christ n'a pas souffert pour nous recréer en lui? Marie, elle aussi, sera au pied de la croix et subira dans son cœur tous les tourments de la passion, afin de devenir notre mère d'adoption. Etudions la participation de Marie à la passion de Jésus; comprenons, si nous le pouvons, la part qu'elle y prit.
II. Marie voyait par une lumière surnaturelle Jésus au jardin des Oliviers; elle partageait sa prière, sa tristesse, son agonie: il y avait tant de sympathie de vie et d'amour entre ces deux cœurs! Elle le voit ensuite trahi par Judas, abandonné de tous, renié par saint Pierre, seul devant ses juges, sans un défenseur, souffleté indignement, traité comme un bouffon: pauvre Mère! Que cet abandon absolu doit lui être cruel! Eh quoi! personne, même parmi les amis de Jésus, ne prendra sa défense! Personne n'osera même le reconnaître! Et lorsque saint Jean vient lui raconter les scènes du jugement chez Pilate, l'inique condamnation à mort, mais son cœur dut se fendre de douleur! Elle est venue sur la place du Prétoire: elle entend les coups de la flagellation; elle voit Jésus mis à côté de Barabbas sur l'ambon, et présenté comme l'égal de ce malfaiteur; elle entend l'Ecce Homo, et les cris féroces de cette multitude impie: « Tolle, tolle, crucifige: Qu'il soit crucifié, qu'il soit crucifié... » Et pour le ravir à ses bourreaux, pauvre mère, elle n'a que ses larmes!
III. Elle le suit au Calvaire; elle le rencontre sur cette voie douloureuse qu'il inonde de son sang: leurs yeux, leur cœur, leur douleur s'unissent en un même sacrifice, en une même et entière résignation. Voilà Jésus sur le Calvaire. Marie le voit dépouiller inhumainement et cruellement de ses habits: elle le voit étendu sur la croix; elle entend les coups de marteau qui crucifient ses mains et ses pieds. Quel spectacle pour une mère! Elle aussi est crucifiée; les contre-coups font stigmate sur Marie. Elle le voit quand on l'élève de terre: elle le suit des yeux; et à peine la croix est plantée, que cette mère courageuse, bravant tous les obstacles, s'approche jusqu'au pied de la croix de son Jésus. Là elle le contemple, abîmée dans l'océan de sa douleur: elle ressent chacune des souffrances de son Fils: son âme est figée dans les plaies de Jésus; elle est plus forte que la mort, mais plus crucifiée par son union à Jésus que par toutes les morts et tous les martyres. Elle écoute chacune des paroles de son Fils; elle les recueille pour nous les redire. Elle voit son sang couler, sa vie s'épuiser ; elle entend, sans pouvoir le soulager, Jésus demander à boire: quelle douleur pour une mère î Et enfin elle entend Jésus se plaindre d'être abandonné, même par son Père céleste! Son Fils bien-aimé a rendu le dernier soupir. Que fera Marie? Elle agonisera de douleur et d'amour. Elle recevra son corps sacré, elle l'embrassera avec la tendresse d'une Mère, elle l'adorera avec la foi d'une chrétienne; elle l'ensevelira, comme la veuve désolée son fils unique. Et puis elle pleurera; la vie de Marie se passera à rappeler à sa mémoire les douleurs de la passion, afin de renouveler son martyre et la gloire que ses souffrances rendent à Dieu. Elle parcourra encore la voie douloureuse, nous enseignant la première cette dévotion si pieuse, si puissante auprès de Jésus et si utile à l'âme. du Chemin de la croix.
Le Calvaire perpétuel
Marie pleurait et souffrait au pied de la Croix. Quels sont ses sentiments de douleur quand elle voit sur nos autels son Fils outragé de nouveau et traité encore avec plus de mépris que sur le Calvaire? La Sœur Marie du Crucifix, de Palma en Sicile: entendit, au moment où un prêtre sacrilège allait dire la Messe, une trompette, semblable au tonnerre, qui faisait entendre ces mots: « Ultio, pœna, dolor! Vengeance, châtiment, torture! » Et elle vit des anges, tenant un glaive, prêts à frapper ce malheureux. Lorsqu'il proféra les paroles de la consécration, il lui sembla que Jésus, comme un doux agneau, se laissait déchirer aux dents de ce loup cruel. Mais, quand il en vint à la communion, le ciel s'obscurcit, les anges pleurèrent autour de l'autel; et la très sainte Vierge se tenait auprès de son Fils, pleurant et comme absorbée dans la douleur immense que lui causait la mort de son .Jésus innocent, en même temps que la perte spirituelle de ce fils ingrat qui osait l'immoler avec tant de cruauté. (S.Alphonse de Liguori. Selva.).
Pratique : Réparer par tous les moyens possibles, en union avec Marie, les sacrilèges qui se commettent contre l'Eucharistie.
Aspiration : Mère d'amour! faites-nous ressentir l'immensité de votre douleur à la vue de votre Jésus outragé dans le Sacrement.
Quinzième jour
Marie après la Résurrection
I. Comme Marie avait souffert en union avec son Fils mourant sur la croix, ainsi vivait-elle de son bonheur et de sa joie après qu'il fut ressuscité: la vie de Marie se conformait toujours à la vie de Jésus et la reflétait fidèlement. Pour qui fut la première visite de Jésus ressuscité? Assurément pour sa Mère: il était bien juste qu'ayant participé plus que personne aux sacrifices de sa mort, elle eût la première nouvelle, la première grâce, la première joie de la résurrection. Aussi, à peine sorti du tombeau, Notre-Seigneur vint la visiter, glorieux et triomphant. Il l'avait quittée dans les larmes: il revient dans la joie. Quel moment pour Marie que celui où Jésus ressuscité l'embrassa avec tout l'amour et tout le respect qu'elle méritait! Que se passa-t-il dans cette heureuse entrevue? Nous ne le savons pas par l'Ecriture; mais nous pouvons imaginer les choses les plus aimables. Quelle glorieuse réception dans la petite cellule de Marie! La contemplation de l'amour peut seule nous retracer ce qui s'y passa. Jésus se montra sans doute à sa Mère dans toute sa beauté ressuscitée: aucun des apôtres ne le vit aussi beau que Marie: le regard de l'âme est à raison de sa sainteté: et Marie pénétrait sa beauté intérieure, la perfection de son amour, son bonheur; elle dut voir la gloire de sa divinité à cet heureux moment, puisque les théologiens affirment qu'elle était quelquefois élevée à voir Dieu face à face. Notre-Seigneur s'entretint avec elle; il lui montra ses membres percés de clous que Marie avait baisés avec tant de larmes à la descente de croix, et qui maintenant étaient rayonnants: des trous des clous aux mains et aux pieds sortaient des flots de lumière: plus ses membres avaient souffert, plus ils étaient glorifiés; Marie dut les baiser avec des transports d'amour, et elle sentit l'influence des flots de grâce qui s'en échappaient. Marie dut voir à travers la plaie du côté le cœur sacré de Jésus: Notre-Seigneur lui montra son cœur maintenant animé, battant du mouvement de la vie: il en jaillissait des flammes d'amour. Oh! Marie y porta sans doute ses lèvres avec une sainte tendresse; et si saint Jean, pour avoir posé la tête sur ce cœur divin caché dans le corps et sous les vêtements, en retira cependant tant de grâces, que sera-ce de Marie qui l'embrasse, le baise palpitant à nu sous ses lèvres? Et Marie comprit alors encore plus parfaitement combien ces deux choses, la souffrance et la gloire, la mort et la vie ne sont qu'une seule et même chose devant Dieu!
II. Mais Notre-Seigneur ne vint pas seul visiter Marie : il était suivi du cortège de tous les saints qui étaient ressuscites avec lui, de tous les patriarches depuis Adam jusqu'à saint Joseph et au bon larron: tous vinrent, à la suite de leur Roi triomphant, saluer leur Reine. Adam et Eve, à qui Dieu avait promis cette fille, cette Mère du Messie Sauveur, durent se prosterner à ses pieds: c'était à elle, après Notre-Seigneur, qu'ils devaient d'avoir reçu leur pardon ; c'était elle qui leur avait donné leur Libérateur. Et à toutes les félicitations des saints de la loi, qui la remerciaient de leur avoir donné un Sauveur, Marie répondait sans doute: « Magnificat: Mon âme glorifie le Seigneur, parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante ». Et saint Joseph, et saint Joachim, et sainte Anne ne vinrent-ils pas faire à cette fille, à cette épouse céleste, leur visite de respect et d'amour? La vue de la sainte Vierge dut combler ces saints de joie: elle était un si pur reflet de la lumière de Jésus! Enfin Notre-Seigneur laissa sa Mère toute consolée, tout embaumée de sa divine présence, pour aller vers Madeleine et ses Apôtres. Sans doute il revint souvent la voir avant son Ascension, et repasser avec elle tous les événements, les joies et les souffrances de sa vie mortelle.
III. Mais, du silence des Evangélistes sur cette apparition et sur tout le reste de la vie de Marie, il y a un précieux encouragement à retirer. Marie, après avoir donné Jésus au monde, devait s'éclipser: il fallait qu'elle restât dans l'ombre pour être le modèle des âmes intérieures et la patronne de la vie humble et cachée. La mission de Marie, après la résurrection de son Fils, n'est qu'une mission d'amour et de prière : Notre-Seigneur semble avoir voulu garder pour lui seul le secret de la vie de sa Mère : il l'a voulue tout entière pour lui. Il y a une autre raison: Jésus se cachait au Sacrement, se voilait plus encore que pendant sa vie mortelle: Marie devait imiter cet état, partager cet anéantissement; cette vie cachée est la plus parfaite ; comme Jésus se privait de parole, de mouvement, d'action sensible au Sacrement, Marie ne devait plus parler, plus paraître dans le monde ; parce que Jésus se faisait prisonnier, silencieux, Marie se consacrait à le garder dans le secret d'une vie toute de prière. Sans cet état de Marie, nous ne pourrions pas. nous adorateurs de l'Eucharistie, trouver en Marie notre modèle. Mais Marie, gardienne et servante ignorée du Saint Sacrement, est notre Mère, et sa vie notre grâce. Comme la lumière et la chaleur du soleil vont toujours en augmentant jusqu'à ce qu'il arrive en son plein midi, ainsi Marie devenait chaque jour plus parfaite: ses dernières années furent remplies par un amour d'une largeur, d'une étendue, d'une profondeur si grandes, que nous ne pouvons pas en avoir la plus petite idée. La résurrection de son Fils produisit en Marie ce prodige, qu'elle l'ensevelit, la transforma en la vie ressuscitée de Jésus, vie tout intérieure, invisible, séparée de tout ce qui est créé et unie sans interruption à Dieu. Imitez en cela votre Mère: rappelez-vous que plus la vie est intérieure, plus elle est parfaite; que le feu concentré se conserve, et que le feu découvert s'éteint bientôt. Il y en a peu qui veuillent de cette vie anéantie, parce qu'elle est la dernière immolation de l'amour-propre; mais elle est Je partage des âmes qui, comme Marie, ne veulent plus aimer que Notre-Seigneur, être connues que de Lui.
Le paradis pour une Messe en l'honneur de Marie
Un fameux voleur n'avait jamais en sa vie fait d'autre bien que de jeûner un samedi et de faire dire en ce même jour une Messe en l'honneur de Marie, afin d'obtenir sa conversion à l'heure de sa mort. Or, voyez jusqu'où s'étend la miséricorde de cette bonne Mère ! Elle apparut à ce misérable et lui dit qu'ayant prié .Jésus pour son salut, elle lui avait obtenu qu'il put prononcer cinq paroles de repentir qui le sauveraient. Peu de temps après, il fut pris par la justice et condamné au gibet. Marie veillait sur lui et se souvenait de la Messe qu'il avait fait dire en son honneur. Aussi, pendant qu'on le conduisait au supplice, elle obtint de Notre Seigneur qu'il lui mît au cœur tant de contrition que, venant à prononcer avec un véritable repentir ces cinq paroles: « Domine, propitius esto mihi peccatori: Seigneur, soyez propice à ce pauvre pécheur », il mérita d'obtenir l'entier pardon de ses crimes et le salut éternel de son âme. (Nicolao Laghi, trat. VI, c. LXXVIII) ;
Pratique : Vivre, en union avec Marie, de la vie ressuscitée que mène Jésus au Très Saint Sacrement.
Aspiration : Salut, ô Marie! urne d'or très pur, qui contenez la douceur même, Jésus-Hostie, la manne de nos âmes!
Seizième jour
Marie notre Mère au Cénacle
I. Notre belle part est d'honorer d'un culte tout particulier la vie de Marie au Cénacle, toute dévouée au service et à la gloire de l'adorable Eucharistie; il faut que nous nous inspirions de son esprit et de son amour, pour rendre à notre divin Sauveur, présent parmi nous, un culte d'adoration plus agréable et plus parfait, en union avec celui que lui rendait sa très sainte Mère. Car, pour devenir de bons serviteurs de l'Eucharistie, il faut être des enfants dociles et dévoués de Marie. Ce n'est pas un vain titre que Jésus sur la croix nous a donné sur le cœur de sa Mère; par ce testament d'amour, nous prenons sa place dans le cœur de Marie: cette bonne Mère nous aime désormais comme ses véritables enfants. Inspirez-vous donc de l'esprit de Marie; son esprit est le même que celui de Jésus; elle l'a pris à sa source divine: elle est pleine de sa grâce, afin de vous la communiquer ; elle est la seule vraie et parfaite copie de ses vertus; elle a travaillé pendant trente-trois ans, ayant devant les yeux l'original divin. Elle a tous les secrets de l'amour du Sauveur pour les hommes; elle partage son immense amour pour nous. Oh ! comme Marie nous aime avec tendresse et dévouement! Elle nous aime comme une Mère si bonne et si puissante peut le faire.
II. Sa grande mission est de former Jésus en nous; c'est la mission qu'il lui donne au Calvaire. Alors que Marie eut voulu mourir avec Jésus au pied de la Croix; alors que la flamme d'amour de son cœur virginal entourait le corps de son divin Fils, Notre-Seigneur semble lui dire, en lui confiant saint Jean: « Par mon sacrifice, je deviens Sauveur et Père de la grande famille humaine; mais il faut une mère à ces pauvres enfants si jeunes encore; soyez leur Mère, ô femme forte; aimez-les comme vous m'avez aimé, comme je les aime; c'est par amour pour eux que je me suis fait homme, et que mon Père céleste vous a faite ma Mère; c'est pour eux que je donne mon sang et ma vie. Je les aime plus que moi-même, et je transporte sur eux tous les droits que j'ai à votre amour maternel; tout ce que vous ferez pour eux, sera fait pour moi; je vous remets entre les mains le fruit de ma Rédemption, le salut des hommes, le soin de mon Eglise, le service de mon Sacrement d'amour. Formez-moi de vrais adorateurs en esprit et en vérité; qu'ils m'adorent comme vous m'avez adoré; qu'ils me servent comme vous m'avez servi; qu'ils m'aiment comme vous m'avez aimé! » Ce fut là le dernier legs de Jésus, signé de son sang et ratifié par le Cœur de Marie, sa divine Mère. Elle était montée avec Jésus sur le Calvaire, pour y mourir avec lui; elle en redescend avec le disciple son fils d'adoption, avec les saintes femmes ses filles, et vient au Cénacle de l'Eucharistie pour y commencer sa maternité chrétienne au pied du divin Sacrement. Et c'est elle qui formera à Jésus-Eucharistie sa cour d'honneur; c'est elle qui lui formera des serviteurs. Oh! n'en doutez pas, si vous êtes entrés au Cénacle, si vous avez le bonheur de connaître, d'aimer et de servir le Très Saint Sacrement, c'est à Marie que vous le devez; c'est elle qui vous a demandés au Père céleste pour la garde d'amour du Dieu de l'Eucharistie; c'est elle qui vous a conservés purs au milieu du monde; elle qui vous a conduits comme par la main au pied du trône eucharistique. Oh ! remerciez-la bien cette bonne Mère! vous lui devez toutes les grâces de votre vie, et la plus grande de toutes, celle d'aimer et de servir, en lui consacrant votre vie tout entière, le Roi des rois sur son trône d'amour!
Elle est ma Mère
On sait quel tendre amour Saint Stanislas Kostka avait voué à la très sainte Vierge. Quand on lui demandait la raison de son affection si vive, il répondait, le regard en feu. la voix émue: « Elle est ma Mère! » Or, avant d'entrer dans la Compagnie de Jésus, il tomba gravement malade; et, étant logé chez des hérétiques, il ne pouvait recevoir le Saint Sacrement. C'était à son coeur plein d'amour pour l'Eucharistie un tourment plus cruel que la maladie même qui minait son corps. Il eut recours à sainte Barbe, patronne des agonisants, et sa prière ne tarda pas d'être exaucée. Cette sainte, lui apparaissant environnée d'anges, lui apporta elle-même l'objet de ses désirs, la sainte communion. Mais Marie veillait sur cet enfant privilégié de son cœur: elle voulut lui manifester sous une forme sensible quel était Celui qu'il venait de recevoir sous les voiles du Sacrement. Elle se montra donc à lui tenant son très cher Jésus dans ses bras; puis elle mit ce trésor inestimable sur son lit. On ne peut concevoir l'ardeur, le respect, la tendresse et la consolation que ressentit le saint jeune homme en voyant son lit orné dune fleur si précieuse. Sa maladie commença dès ce moment à baisser; et elle le laissas au bout de peu de temps, parfaitement guéri, ne pouvant résister au contact de l'Auteur dela vie. (Vie des saints, 15 août.)
Pratique : Rendre à Notre-Dame du Très Saint Sacrement les respects, les devoirs et l'amour d'un véritable enfant.
Aspiration : C'est vous, ô Marie tout aimable! qui nourrissez vos enfants du Pain de l'immortalité.
Dix-septième jour
Marie notre Maîtresse au Cénacle
I. « Disciple, voici votre Mère ». Quand Marie entendit de la bouche de Jésus cette parole si consolante pour nous, elle eût dû mourir de douleur. Eh quoi! le disciple à la place du Maître, Jean à la place de Jésus, la créature à la place du Fils de Dieu! Mais cette divine Mère accepte par amour cette substitution; elle nous couvre du sang et des mérites de Jésus et nous aime d'un amour sans bornes, au point d'être heureuse de rester vingt-quatre ans encore ici -bas pour nous allaiter de son amour et de ses grâces incomparables, malgré le désir immense qu'elle a d'être unie au plus tôt à son Fils dans la gloire. La mission de Marie sera de faire notre éducation chrétienne. Jésus a acquis tous les trésors de la grâce: Marie n'aura qu'à y puiser, qu'à distribuer le Pain qu'il nous laisse, à faire suivre la loi qu'il nous a dictée. Jésus ne peut demeurer parmi nous dans son état glorieux, nous aurions peur de lui; il reste bien au Sacrement, mais son amour l'y prive de toute action extérieure et l'enchaîne pour le rendre plus aimable, plus accessible à tous. Mais voici notre Mère qui est la sienne aussi; elle a le secret de son cœur et de sa vie: elle va abaisser les vertus de Jésus jusqu'à nous, nous les montrer sous cet aspect aimable et facile à imiter que sait seul présenter une mère: si j'osais dire, elle va materniser Jésus, le rendre aussi doux, aussi facile à aborder et à imiter que l'est une mère à son petit enfant. Oh! que les paroles de Jésus seront belles et touchantes, répétées par la bouche de Marie! Comme ces vertus, si sublimes en elles-mêmes, vont devenir aimables et faciles à imiter, appliquées par Marie! comme Jésus sera beau, aimable, peint par Marie! Que l'éducation sera facile sous une si bonne maîtresse!
II. Elle concevra, formera et perfectionnera Jésus en nous. Elle conçoit Jésus en nous, elle nous le donne. Le Père lui a remis son Fils pour nous le transmettre: le monde était indigne de recevoir le Verbe directement de Dieu: Marie a été notre médiatrice en l'Incarnation; elle continue cette fonction: personne ne vient à la connaissance de Jésus-Christ et n'embrasse sa loi sainte, personne n'obtient la foi qui sauve que par les prières de Marie: sa mission, et elle y est fidèle, est de donner Jésus; il faut le recevoir de ses mains, et c'est en vain qu'on le chercherait ailleurs. De plus Jésus ne grandira en nous que par Marie: toutes les grâces de progrès spirituel ne nous viendront que par elle; c'est sous sa direction maternelle à Nazareth qu'il a grandi: il veut que nous suivions la même loi; aussi voyez dans le saint Evangile que toutes ses grâces principales il les fait par Marie, avec elle: il sanctifie par elle saint Jean-Baptiste; il glorifie son Père et se fait notre modèle à Nazareth, sous ses yeux; il affermit, à sa prière, la foi de ses disciples à Cana; enfin sur la croix il la charge solennellement de notre formation. C'est par Marie enfin qu'il se perfectionnera en nous. La perfection de Jésus en nous est l'œuvre propre du Saint-Esprit; mais de même que cet Esprit d'amour voulut faire son chef-d'œuvre, l'humanité sainte de Jésus avec Marie, de même encore, pour établir en nous la parfaite ressemblance du Sauveur, pour nous transformer en d'autres Jésus-Christ, il demande la coopération de Marie. Plus il trouve Marie dans une âme, plus il opère puissamment: demandez à toutes ces saintes âmes en qui règne souverainement l'amour de Jésus, où elles l'ont puis: elles vous répondront que c'est en Marie. N'est-elle pas le secret de l'esprit de Jésus ? Elle en a la plénitude : elle est la parfaite image du Sauveur, comme le Verbe est l'image accomplie du Père. A elle de nous donner l'esprit de famille: pour cela elle prend toutes les qualités de Jésus, toutes ses vertus, et les faisant passer à travers son cœur maternel elle nous les rend plus suaves et plus faciles et nous encourage à les imiter. Par l'amour de Marie nous allons jusqu'à la sainteté de Jésus; en vivant de la sainteté de Marie, nous vivons de la sainteté de Jésus.
III. Qu'il serait beau de rechercher comment elle apprivoise l'enfant avec l'idée de Jésus; comment elle rend le jeune homme généreux pour Jésus; comment elle l'a amené, l'a disposé à la première Communion, et le prépare à un choix de vie convenable et saint! Cette éducation du jeune homme par Marie a une influence permanente sur toute la vie; faite par le sentiment si doux, si enchanteur de son amour et de sa piété, elle laisse une impression que le désordre même n'efface pas, une habitude de respect, même d'amour pour elle qui dure jusque dans l'oubli de Dieu. La grande et douce ligure de Marie nous accompagne partout dans la vie. Heureux qui a reçu d'elle cette première éducation; Marie sera pour lui un levier pour sortir du mal; son nom produira toujours dans son cœur une vibration d'amour! C'est Marie encore qui fait l'éducation de la vierge chrétienne; qui dès l'enfance lui inspire sa piété, son amour pour Jésus: elle blesse son cœur d'un noble feu; elle y excite une divine ambition: elle lui montre son lys immaculé, lui en fait une couronne; et la pressant sur son sein, et la baisant d'un chaste et maternel baiser, elle lui dit: « O ma fille, sois un lys, sois l'épouse de mon divin Fils; donne-lui ton cœur et reçois son anneau virginal: regarde ma couronne, hérite de mon amour pour la virginité, et sois doublement ma fille! » Ainsi Marie forme les vierges, les garde et les défend : Adducentur virgines post eam; Marie est leur reine. Voilà l'éducation de Marie: elle rend la piété douce et facile. Ce qu'elle fit aux premiers jours de l'Eglise, elle le continue. Comme nous, les apôtres avaient l'Eucharistie; mais la première éducation ne se fait pas par le père: une éducation qui a manqué des tendresses maternelles s'en ressent toujours. La sainteté formée par Jésus seul est plus austère: celle que forment Jésus et Marie est plus aimable: témoin saint Jean et saint Paul. Que Marie nous mène à Jésus, qu'elle nous le fasse connaître et aimer comme elle le connut et l'aima: en cela est la sainteté et le bonheur!
Marie aime Jésus en nous
C'est surtout quand nous possédons Notre-Seigneur dans notre cœur que Marie nous entoure de sa plus maternelle tendresse, parce qu'elle voit alors en nous son très cher Fils. Sainte Opportune, abbesse, étant sur le point de mourir, demanda le Corps sacré de Notre-Seigneur: et telle fut sa dévotion à le recevoir, que non seulement Jésus lui témoigna les plus grandes marques d'amour, mais qu'elle vit encore Marie descendre prés de son lit, et la consoler et la soutenir dans ce dernier combat. La bonne abbesse lui recommanda avec instance ses filles et les intérêts de son monastère. Mettant ensuite les bras hors du lit et les étendant vers Marie comme pour l'embrasser, elle remit entre ses mains son âme avec son dernier soupir. (Nicolao Laghi, trat. II, c. XLVII).
Pratique : Priez Marie pour que tous les agonisants reçoivent le saint Viatique.
Aspiration : Salut, ô Marie! nuée céleste qui répandez l'Eucharistie sur le monde comme une bienfaisante rosée!
Dix-huitième jour
La Vierge Marie au Cénacle
Suivons notre Mère au Cénacle, écoutons les leçons qu'elle nous donne; elle les reçoit de son divin Fils, avec qui elle converse jour et nuit: elle est l'écho fidèle et aimable de son cœur et de son amour. Aimons tendrement Marie; travaillons sous son regard, prions avec elle; soyons pour elle des enfants tendrement dévoués; par là nous honorerons Jésus, qui nous l'a donnée pour notre Mère, afin qu'elle nous élève en son amour et en sa propre vie. Mettez-vous donc bien sous la direction de Marie; prenez sa pensée, parlez sa parole, imitez son maintien, faites ses actions, dites son amour, partagez ses souffrances: et tout, en elle, vous dira Jésus, le plus grand service de Jésus, la plus grande gloire de Dieu! Honorez en Marie, au pied de l'Eucharistie, tous les mystères de sa vie: tous n'étaient que des stations qui la menaient au Cénacle. Trouvez dans sa vie au Cénacle le modèle et la consolation de votre vie. Il est vrai qu'au Cénacle, cette auguste Reine est à genoux comme adoratrice et servante du Saint Sacrement; mettez-vous à genoux à côté de votre Mère, vous adorerez et vous prierez avec elle, et vous continuerez ainsi sa vie eucharistique sur la terre. Quand vous irez à la sainte communion, vous vous revêtirez des vertus, des mérites de Marie votre mère et vous communierez avec sa foi et avec son cœur. Oh! comme Jésus sera heureux de retrouver en vous l'image, la reproduction de son aimable et si sainte Mère ! Quand vous travaillerez pour le culte eucharistique, vous vous unirez à l'intention et à la joie de Marie travaillant pour Jésus sacramentel, et vous serez heureux! Oh! comme Marie vous aimera si vous servez bien son Jésus! Comme elle vous protégera si vous ne travaillez que pour la gloire de Jésus! Comme elle vous enrichira si vous ne vivez que de l'amour de Jésus ! Vous la rendrez plus Mère encore, puisque vous la mettrez plus parfaitement dans sa grâce et dans sa mission de Mère des adorateurs de Jésus. Mais soyez modestes comme elle; rappelez-vous sa modestie devant l'ange, et méditez avec quelle modestie elle servait son Fils au Sacrement. Soyez purs comme elle; rappelez-vous qu'elle eût refusé même la gloire de la maternité divine pour garder la fleur de sa virginité, Soyez humbles comme elle, toute perdue en son néant, et toute livrée à la grâce de Dieu. Soyez aimables et doux comme elle; Marie était la douce expression du Cœur de Jésus. Soyez dévoués comme elle: Marie aima jusqu'au Calvaire; elle aima jusqu'à la mort, c'est sur le Calvaire qu'elle devint mère d'amour; c'est là que vous deviendrez de vrais adorateurs, dignes du Cénacle, dignes de Marie et de Jésus !
L'image et la réalité
Il n'est pas douteux que le respect que l'on témoigne aux images de Notre-Seigneur, et le soin que l'on met à les orner, ne soient très agréables à Marie, et cette dévotion a souvent été récompensée par des prodiges. Cependant les figures, parce qu'elles se voient, ne doivent pas nous faire oublier l'adorable réalité, qui ne se montre qu'à la foi d'un cœur aimant. La vénérable servante de Dieu Thérèse Mexia, de l'Ordre de Saint-Dominique, avait une très grande dévotion à une statue de l'Enfant-Jésus porté dans les bras de sa Mère: elle la parait de fleurs, elle la revêtait d'étoffes précieuses et l'entourait de toutes les attentions que lui suggérait son tendre amour. Or voici la merveilleuse leçon que la sainte Vierge lui donna. Un jour que, présentant à l'Enfant-Jésus une robe travaillée avec grand soin, elle lui disait: « Venez, mon bien-aimé, recevez cette robe que vous offre votre indigne servante », l'Enfant quittâtes bras de sa Mère et descendit sur l'autel pour se rendre aux désirs de Thérèse. Celle-ci le revêt de sa belle robe sans s'occuper aucunement de l'autel et du Tabernacle où résidait en personne Notre-Seigneur. Mais une voix se fait entendre qui lui dit: « Thérèse, tu es tout occupée de l'image. D'où vient que tu oublies le réel et le vivant? » La sainte fille comprit la leçon; et, sans cesser de s'occuper de sa chère statue de l'Enfant-Dieu, elle consacra ses soins à orner l'autel et le Tabernacle eucharistique: elle parvint même à recueillir, à force de soins, assez d'or et d'argent pour faire confectionner un des plus riches et des plus beaux tabernacles qui se voient en Espagne.
Pratique : Travailler avec zèle à l'ornementation des autels eucharistiques, surtout pour les églises pauvres.
Aspiration : Le Seigneur, ô Marie! vous a ornée comme le Tabernacle de son choix, et Jésus-Hostie a fait ses délices de demeurer en vous!
Dix-neuvième jour
La vie d'adoration en union avec Marie
I. En considérant, attentivement les raisons qui ont amené Notre-Seigneur à nous laisser sa Mère et à se séparer d'elle, il me semble qu'il l'a fait parce qu'il se défiait de notre faiblesse et de notre inconstance. Notre-Seigneur redoutait que les hommes, ne sachant comment le trouver et l'adorer en son Sacrement, ne se rebutassent et ne l'oubliassent: l'enfant, vous le savez, ne cherche pas longtemps; s'il ne trouve aussitôt ce qu'il souhaite, il change de désir et court à autre chose. C'est ce que Notre-Seigneur craignait de nous. Aussi nous laisse-t-il sa Mère, qui aura la mission de nous prendre par la main, pour nous conduire à son Tabernacle. La sainte Vierge devient donc notre mère pour l'Eucharistie; elle est chargée de nous faire trouver notre Pain de vie, de nous le faire apprécier et désirer; elle reçoit mission de nous former à l'adoration. Elle réunit à Jérusalem une pieuse communauté de femmes; elle se tient au milieu d'elles, distribuant à chacune son trésor et sa grâce d'amour. Son action s'étendait aux disciples, aux premiers fidèles; comme une vraie mère elle élevait ses enfants, les formait à la vertu et à leurs devoirs d'état. Ce que Marie fit alors elle le fera encore pour nous; elle nous instruira, nous montrant Notre-Seigneur dans l'Eucharistie, nous faisant part de sa piété pour lui, de son dévouement à son service; car tout ce qu'a une mère est à ses enfants; c'est pour eux qu'elle amasse. Marie est mère, elle fera donc notre éducation. Quand l'enfant se dérange de son travail, la mère est là pour le rappeler au devoir; s'il est malade, elle le soigne; elle ne quitte pas son enfant; il faut qu'elle remplisse sa mission d'éducatrice. C'est donc Marie qui vous formera; elle vous inspirera sa manière d'adorer; elle fera votre adoration en vous; elle seule peut vous inspirer la vraie, la bonne adoration : il n'y a qu'un cœur de mère qui puisse bien se faire comprendre à son enfant. Il faut que la sainte Vierge vous dise: « Venez adorer avec moi ». Notre-Seigneur a mis Marie sur notre chemin, pour être le trait d'union entre lui et nous. Marie fait la première attraction vers Jésus. L'enfant va d'abord à la mère par instinct; sa mère le conduit ensuite à son père; mais il ne court pas de lui-même vers son père; il suit d'abord sa mère. Notre-Seigneur nous a donc donné Marie pour mère, afin qu'elle soit pour nous un premier centre d'attraction facile; avant de connaître l'Eucharistie nous connaissions déjà le nom de notre Mère, nous l'aimions déjà. Marie nous a attirés à elle; elle nous a formés aux vertus nécessaires à la vie eucharistique; il faut qu'il en soit ainsi; et il est évident pour moi qu'il n'y aura de bonnes vocations au Saint Sacrement, de vraie dévotion à l'Eucharistie que celles qu'aura formées Marie. Non, non, l'enfant ne se forme que dans les bras de sa mère et sur son sein. Il faut que toutes les vocations passent par les mains de Marie pour être agréables au Cœur de Notre-Seigneur.
II. Etudiez votre vie passée. N'aviez-vous pas une grande dévotion à la sainte Vierge avant de vous dévouer à l'Eucharistie? Vous soupiriez après sa pureté, son amour; sans connaître la vie eucharistique de Marie, vous disiez : « Oh! si j'avais ses vertus pour servir Jésus! » C'était là une première attraction. Vous faisiez comme le petit enfant; quand il ne peut prendre sa mère par la main, il saisit son tablier, le bas de sa robe; s'il se sépare d'elle un instant, il se croit perdu. Une mère est un centre; elle est toujours un centre; on a besoin de vivre avec elle, de demeurer avec elle. La sainte Vierge n'est pas comme les saints, qui donnent certaines grâces en passant; elle donne toutes les grâces: on a toujours besoin d'elle. C'est la mère encore qui dicte à l'enfant la parole qui plaît au père; elle qui compose le compliment que récitera l'enfant; elle qui prépare le festin selon le goût préféré du père. Voyez-vous où je veux en venir? Je veux vous dire: Adorez Notre-Seigneur en la société de la sainte Vierge. Je ne dis pas: Demeurez en elle: non, Jésus est là devant vous pour que vous vous adressiez directement à lui; mais faites-le avec Marie; vivez avec elle, vivez chez elle: puisque Notre-Seigneur vous l'a donnée comme directrice, n'adorez jamais sans elle. Dites-lui: Bonne Mère, accompagnez-moi; une mère accompagne toujours son enfant; sans vous je ne saurais rien dire. Figurez-vous Marie à genoux au Cénacle; voyez-la adorant son Fils caché dans l'Eucharistie; oh! que ce qu'elle lui disait lui était agréable! Qu'elle savait bien toucher le cœur de son Fils! Mettez-vous donc à genoux à côté de Marie; ne cherchez pas à marcher tout seul; ne marchez pas devant ; mais tenez-vous à côté de Marie, ne faisant avec elle qu'une même adoration, présentant un. même hommage. O Jésus, je ne sais pas adorer, moi; mais je vous offre les paroles, les élans du cœur de votre Mère, qui est la mienne aussi; je ne sais pas adorer; mais je vous répéterai son adoration pour les pécheurs, pour la conversion du monde et tous les besoins de l'Eglise. Et vous réjouirez le cœur de Marie; elle vous montrera à .Jésus, lui disant: « Voyez, ô mon Fils, comme je revis en cette âme; comme je vous adore encore en elle et par elle ». Oh! oui, si quelqu'un doit honorer, aimer et servir Marie, c'est bien celui qui fait profession de vivre pour l'Eucharistie; il a besoin de Marie pour adorer; il faut qu'il ne fasse qu'un avec elle dans son adoration. Ah! laissez la sainte Vierge gouverner votre vie; laissez-la vous mener à Jésus! Elle ne veut qu'une chose, la gloire de son divin Fils et votre bonheur!
Marie encourage à communier
La sainte Vierge est si désireuse que nous recevions souvent son divin Fils, source de tout bien et de toute grâce, qu'elle voulut elle-même exhorter à communier un bon religieux qu'une crainte exagérée de sa bassesse éloignait du divin banquet. Ce bon Frère se préparait à recevoir le Sacrement de vie, en assistant dévotement à la Messe, lorsqu'il aperçut dans les mains du prêtre, au lieu de l'Hostie, Jésus comme attaché à la croix et répandant par la plaie des pieds une grande abondance de sang. Il en fut si effrayé qu'il n'osa approcher de la sainte Table. La Messe achevée, il demeurait en prière sous le coup de sa frayeur, et l'immaculée Vierge Marie lui apparut et lui demanda pourquoi il n'avait pas reçu le Corps de son très cher Fils. Le bon Frère répondit qu'il s'en était jugé indigne. « Mais quand donc, reprit la Mère de Dieu, seras-tu digne de recevoir un tel Sacrement? Prie mon Fils de te rendre lui-même comme il te veut, et à l'avenir ne t'abstiens plus jamais de communier de ton propre mouvement. » (Nicolao Laghi, trat. III, c. I).
Pratique : Se préparer, autant que possible, à la communion par l'assistance à la sainte Messe.
Aspiration : Le divin Passereau du Tabernacle a trouvé en vous son nid, ô bienheureuse Vierge! et il y est demeuré avec amour.
Vingtième jour
Adoration de foi et de respect de Marie
I. Qu'il y aurait de choses à dire sur la vie d'adoration de Marie au Cénacle! Vingt-quatre ans passés dans ce saint lieu où Jésus institua l'Eucharistie, où il avait fixé son premier Tabernacle! Marie était tout occupée à l'adorer, à l'honorer dans sa vie eucharistique; elle passait la plus grande partie des jours et des nuits au pied de ce divin Tabernacle; là était son Jésus, son Fils et son Dieu! Quand elle partait de sa pauvre cellule pour se rendre à l'oratoire du Cénacle, elle commençait déjà son adoration; elle marchait recueillie, les yeux baissés, d'un pas grave et modeste; elle se préparait ainsi à se présenter au Dieu de l'Eucharistie. Arrivée devant le Tabernacle, elle se prosternait avec une grande dévotion et un profond respect, puis composait ses sens dans un simple et pieux recueillement: le corps droit, les mains jointes ou croisées sur la poitrine; ou bien, quand elle était seule, les élevant suppliantes vers le Tabernacle: ses yeux y étaient le plus souvent fixés...
II. Marie adorait ensuite avec la foi la plus soumise; elle adorait son Fils caché, voilé sous une forme étrangère; mais son amour passait à travers le nuage et allait jusqu'aux pieds sacrés de Jésus, qu'elle vénérait avec le plus tendre respect: jusqu'à ses mains saintes et vénérables, qui avaient consacré et porté le Pain de vie; elle bénissait la bouche sacrée qui avait prononcé ces paroles adorables: « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Elle adorait ce Cœur tout embrasé d'amour, d'où était sortie la sainte Eucharistie; Marie eût voulu s'abîmer, s'anéantir devant cette divine Majesté anéantie au Sacrement, afin de lui rendre tout l'honneur et tous les hommages qui lui sont dus.
III. L'adoration de Marie était profonde, intérieure, intime. C'était le don d'elle-même. Elle s'offrait tout entière au service d'amour du Dieu de l'Eucharistie: car l'amour ne pose ni conditions ni réserves; il ne pense plus à soi, ne vit plus pour soi; il est étranger à lui-même, et ne vit que pour le Dieu qu'il aime. Tout en Marie allait vers le Saint Sacrement comme vers son centre et sa fin. Un courant de grâce et d'amour s'établissait entre le Cœur de Jésus-Hostie et le cœur de Marie adoratrice: c'étaient deux flammes qui se perdaient en une seule: Dieu fut alors parfaitement adoré par sa créature!
IV. Qu'à l'exemple de Marie, l'adorateur se mette à genoux avec le respect le plus profond; qu'il se recueille comme Marie, se mette en esprit à côté d'elle pour adorer: qu'il vienne devant Notre-Seigneur avec cette modestie, ce recueillement intérieur et extérieur qui prépare merveilleusement l'âme à l'office angélique de l'adoration. Qu'il adore Jésus sous les voiles eucharistiques qui dérobent à ses yeux son humanité sainte, avec la foi de Marie et de la sainte Eglise, ces deux mères que le Sauveur lui a données dans son amour; qu'il adore son Dieu comme s'il le voyait, l'entendait ; car la foi vive voit, entend, touche avec plus de certitude que les sens eux-mêmes.
Belle leçon de respect donnée par Marie
Sainte Véronique, religieuse de Sainte-Marthe de Milan, très dévote au Saint Sacrement, fut, le jour de l'Octave de la Fête-Dieu, en 1489, ravie en esprit dans le ciel au moment où l'on faisait la procession dans son couvent. L'ange du Seigneur lui révéla comment, en ce séjour de gloire, on célébrait merveilleusement cette belle fête. Il lui dit, entre autres choses admirables, que ce jour-là tous les Esprits célestes, revêtus d'ornements blancs et rouges d'un éclat incomparable, entouraient le trône de l'Agneau: les uns chantaient dès cantiques ravissants; les autres faisaient monter vers lui la fumée d'un encens exquis dans des encensoirs d'or. Au milieu d'eux se tenait la glorieuse Vierge Marie. Tous les Saints vinrent deux à deux se prosterner trois fois devant le Christ-Jésus et lui rendre leurs hommages. Pendant ce temps, Marie s'était assise à la droite de son Fils, sur un siège que lui présenta saint Jean-Baptiste. Après que Jésus-Christ eut été adoré par tous les Esprits bienheureux, ils se formèrent en couronne autour de son trône; et alors la sainte Vierge vint à son tour devant lui, et, se prosternant par trois fois, elle l'adora profondément. Mais voici la belle leçon de respect qu'elle nous donne: lorsqu'elle se fut relevée pour se retirer, elle le fit sans tourner le dos au très majestueux Sauveur son Fils; nous enseignant par là avec quel respect nous devons agir quand nous sommes en son auguste présence. (Nicolao Laghi, trat. III, c. XXX).
Pratique : Nous tenir avec un souverain respect en présence du Saint Sacrement.
Aspiration : O Marie! qui avez servi le Dieu de l'Eucharistie, soyez notre divine maîtresse en cet aimable service!
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement 5/6
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement
Méditations extraites des écrits de Saint Pierre-Julien Eymard
Fondateur de la Congrégation du Très Saint Sacrement
Vingt et unième jour
Adoration d'action de grâces de Marie
I. A l'acte de foi humble et simple, à l'adoration par l'anéantissement d'elle-même, Marie ajoutait l'action de grâces. Après être demeurée abîmée dans le sentiment de la grandeur et de la majesté divines, qui sont voilées sous le Sacrement, elle levait la tête vers ce tabor de l'amour, pour en contempler la beauté et en savourer la bonté ineffable; Marie rendait grâces à Jésus de son amour dans le don de l'Eucharistie, acte souverain de sa bonté infinie. Son action de grâces était parfaite, parce qu'elle connaissait la grandeur de ce don. Oh! qu'elle fut heureuse, Marie, quand, avant la Gène, Jésus lui révéla que l'heure du triomphe de son amour avait sonné; qu'il allait instituer son adorable Sacrement, par lequel, se perpétuant et se .survivant parmi nous, chaque fidèle pourrait partager le bonheur de Marie, le recevoir comme elle en son corps; le voir en quelque sorte, et, dans son état sacramentel, jouir de toutes les grâces et retrouver les mystères de sa vie mortelle! « Après ce don, dans lequel j'épuise ma puissance, je n'ai plus rien à donner à l'homme que le ciel ». A cette heureuse nouvelle, Marie s'était prosternée aux pieds de Jésus, adorant dans l'effusion de la reconnaissance cet amour trop grand pour les hommes, trop grand pour elle, son indigne servante; elle s'était offerte pour le servir en son adorable Sacrement; elle avait consenti à voir retarder l'heure de sa récompense, afin de rester adoratrice sur la terre, chargée de garder, de servir l'Eucharistie, heureuse de mourir au pied du divin Tabernacle.
II. Or, dans ses adorations au Cénacle, Marie renouvelait chaque jour cette action de grâces: « Que vous êtes bon, ô mon Sauveur! s'écriait-elle; que vous êtes bon, mon Seigneur et mon Fils! Comment avez-vous pu aimer l'homme jusqu'à ce point: lui donner plus qu'il ne peut recevoir; l'aimer plus qu'il ne peut le reconnaître; inventer ce que jamais son cœur ne pourra comprendre ? Pour l'amour de lui, vous épuisez votre puissance et les trésors de votre Cœur! » Et alors Marie rendait grâces à chacune des puissances de l'âme de Jésus; à chacun des membres du Sauveur qui avaient coopéré à l'institution de l'Eucharistie; elle leur offrait toutes les flammes d'amour qui dévoraient son Cœur. Oh! que Jésus dut recevoir avec bonheur et complaisance ces premiers hommages de sa sainte Mère, les premiers qui fussent rendus à son Sacrement! Oh! que son cœur dut se réjouir d'avoir laissé à Marie, pour sa consolation, sa présence sacramentelle! Pour Marie seule, Jésus eût institué l'Eucharistie! Et que cela ne nous étonne pas: les adorations, les actions de grâces de Marie avaient plus de prix aux yeux de Jésus que les hommages réunis de tous les saints. L'action de grâces de Marie était encore très agréable à Jésus, parce que la reconnaissance, la gratitude est ce qui lui plaît par-dessus tout; il n'attend que cela de nous: adorer par l'action de grâces, c'est bien adorer; c'est reconnaître le premier de ses attributs, celui surtout qu'il est venu ici-bas manifester: la bonté; arrêtons-nous-y longtemps quand nous sommes à ses pieds. Remercions par Marie; un enfant reçoit, mais sa mère remercie pour lui; confondue avec celle de Marie, notre action de grâces sera parfaite et bien reçue du Cœur de Jésus.
Un prêtre merveilleusement assisté par Marie
Si c'est une chose merveilleuse de voir les anges rendre hommage au saint sacrifice de la Messe, quels seraient nos sentiments s'il nous était donné de voir la Reine des anges elle-même témoigner à cet auguste Mystère une révérence admirable? Marie a souvent apparu assistant à la Messe; voici un fait qui est moins connu : Un vénérable prêtre célébrant un jour la sainte Messe, le clerc qui le servait, après lui avoir présenté l'eau et le vin à l'Offertoire, rentra à la sacristie pour quelques instants, croyant bien être revenu à temps pour la Préface. Mais il n'arriva pas assez tôt. Le prêtre, qui ne s'était pas aperçu de son absence, commença la Préface, et, à la grande stupéfaction des assistants, la statue de la Vierge, placée au-dessus du Tabernacle, répondit d'une voix claire et sonore : « Amen »; « Et cum spiritu tuo »; « Habemus ad Dominum », et le reste. Le bon prêtre fut tellement surpris d'entendre ces réponses, qu'il eut grand peine à continuer le sacrifice. Aussi peut-on trouver au ciel et sur la terre un servant de Messe dont la sainteté approche de la dignité de Celle qui voulut bien témoigner ainsi son respect et sa vénération pour le sublime Mystère de l'autel?
Pratique : Prier sans cesse Marie pour les élèves des séminaires, les petits servants de paroisse et tous les gens d'Eglise, afin qu'ils s'acquittent avec piété et révérence de leurs saintes fonctions.
Aspiration : Marie! nous vous bénissons, vous la parfaite servante de Jésus-Eucharistie!
Vingt-deuxième jour
Contemplation eucharistique de Marie
I. La contemplation suit naturellement l'adoration et l'action de grâces; et en même temps elle les alimente et les perfectionne. La contemplation eucharistique, c'est le regard que l'âme fixe sur Jésus sacramentel pour connaître en détail ses perfections, voir sa bonté dans l'institution de l'Eucharistie, en étudier les motifs, en examiner les sacrifices, en peser le don et en apprécier l'amour. Le premier fruit de la contemplation eucharistique est de fixer, de recueillir l'âme en Notre-Seigneur, en lui découvrant le mystère de ses perfections et l'amour du don ineffable de l'Eucharistie; cette vue réfléchie et arrêtée sur l'amour excessif de Jésus préparant, instituant et perpétuant le Sacrement adorable, produit en nous l'admiration d'abord, puis la louange, puis l'expansion de l'amour; l'âme sort d'elle-même, pour s'unir, se coller à l'objet divin de sa contemplation. D'où il résulte que la contemplation est la partie essentielle de l'adoration : elle en est le foyer.
II. Or, Marie était devant l'Eucharistie, dans une contemplation qu'aucune langue humaine ni angélique ne saurait exprimer: Jésus-Christ seul, qui en était l'objet, en connut le prix. Marie avait la plus haute connaissance de l'amour que Jésus avait montré en instituant l'Eucharistie; elle savait les combats qu'il avait eu à soutenir en son cœur, et les sacrifices qu'exigeait de lui l'établissement de ce Sacrement: combats de son amour contre l'incrédulité et l'indifférence de la plupart des hommes: combats de sa sainteté contre les impiétés, les blasphèmes et les sacrilèges dont son Eucharistie serait l'objet, non seulement de la part des hérétiques, mais de la part de ses amis eux-mêmes; combats de sa bonté contre l'ingratitude des chrétiens qui négligeraient de le recevoir dans la communion, refusant par là ses meilleures grâces, ses invitations les plus tendres. Mais l'amour de Jésus triompha de tous ces obstacles: « J'aimerai les hommes quand même, et leur malice ne pourra pas décourager ni vaincre ma bonté! » Marie avait suivi ces combats; elle avait partagé ces sacrifices, elle en vit la victoire; elle les faisait revivre dans son adoration; elle les rappelait au Sauveur et exaltait l'amour qui l'avait rendu vainqueur.
III. Pour apprécier le don de l'Eucharistie, un adorateur doit, comme Marie et avec elle, remonter à sa source, aux sacrifices qu'il a demandés à l'amour de Notre-Seigneur. Si l'amour est beau sur le Calvaire, il est encore plus beau au Cénacle et sur l'autel: c'est l'amour toujours immolé. La vue de ces combats et de cette victoire dira à l'adorateur ce qu'il doit en retour à un Dieu si bon. Et alors avec Marie, sa divine Mère, il s'offrira à Jésus-Eucharistie de tout son cœur, pour le bénir, le remercier de tant d'amour; il se consacrera à honorer les divers états de Jésus sacramentel, en pratiquant, dans sa vie, les vertus que le Sauveur y continue et y glorifie d'une manière admirable. I) honorera cette humilité si profonde du Sauveur, qui va jusqu'à l'anéantir tout entier sous les saintes espèces; cette abnégation de sa gloire et de sa puissance qui le rend le prisonnier de l'homme ; cette obéissance qui fait de lui le serviteur de tous. Il prendra Marie comme la Mère de la vie eucharistique, pour l'aider dans cette étude pratique: il l'aimera et se confiera à elle comme à la Mère des adorateurs, qui est le titre le plus cher à son cœur et le plus glorieux à Jésus.
Ce que vaut une Messe dite en l'honneur de Marie
Une grande pécheresse avait conservé, au milieu de ses désordres, la coutume de réciter chaque jour un Ave Maria: et un samedi elle lit dire une Messe en son honneur, pour obtenir sa protection à l'heure de sa mort. Lorsque ce redoutable moment arriva, le démon se présente tout à coup, et, poussant des cris de rage, demande son âme. Mais Marie se souvenait de la Messe offerte en son honneur par la pauvre malheureuse: elle arrache des griffes du démon l'âme qu'il tenait déjà et qu'il se disposait à plonger avec lui dans l'abîme. « Ne sais-tu pas, monstre d'enfer, lui dit Marie, que cette âme m'a priée tous les jours, et qu'elle a fait dire, à tel jour, une Messe en mon honneur? » « C'est vrai, réplique le démon mais quels crimes n'a-t-elle pas commis ! » « Sache, lui dit Marie, que jamais celui qui se recommande à moi ne peut périr ». Et aussitôt le démon, foudroyé par cette réponse, s'enfuit en poussant des hurlements furieux; et Marie, rayonnante de joie, emporta cette âme, sa glorieuse conquête, au Paradis. (Laghi. c. LXXIX) ;
Pratique : Prier sans cesse Marie pour les intérêts de l'Eucharistie.
Aspiration : Marie, personne ne s'est approché de Jésus aussi intimement que vous!
Vingt-troisième jour
Adoration de propitiation de Marie
I. Marie adorait son très cher Fils dans sa qualité de victime perpétuelle, toujours immolée sur nos autels, demandant sans cesse par sa mort grâce et miséricorde pour les pécheurs. Marie adorait le Sauveur sur ce nouveau calvaire où le crucifiait son amour: elle le présentait à Dieu pour le salut de sa nouvelle famille, et à la vue de Jésus en croix, avec ses plaies béantes, renouvelait en son âme le martyre de sa compassion. Il lui semblait voir encore à la sainte Messe son Jésus crucifié, répandant son sang à flots, au milieu des douleurs et des opprobres, abandonné des hommes et de son Père, et mourant dans l'acte suprême de son amour. Marie, adorant son Dieu présent sur l'autel par la consécration, versait d'abondantes larmes; à la vue surtout des hommes qui ne faisaient aucun cas de ce sacrifice auguste et rendaient stérile ce mystère de leur Rédemption: à la vue encore de ceux qui osaient offenser, mépriser cette adorable Victime offerte sous leurs yeux et pour leur propre salut. Marie aurait alors voulu offrir mille morts pour réparer tant d'outrages; car les malheureux qui s'en rendaient coupables étaient ses enfants, ceux que lui avait confiés Jésus en mourant! Pauvre Mère! n'était-ce pas assez pour elle d'un Calvaire? Pourquoi renouveler tous les jours ses douleurs et percer son cœur de ces nouveaux glaives d'impiété? Cependant, comme la meilleure des mères, au lieu de rejeter, de maudire les pécheurs, Marie prenait sur elle la dette de leurs crimes; elle se faisait victime au pied de l'autel, demandant grâce et miséricorde pour ses enfants coupables.
II. Marie adorait l'état de prisonnier que Jésus a pris en s'unissant inséparablement aux saintes espèces; elle contemplait son corps glorieux, ses pieds, ses mains liés à leur immobilité matérielle; sa langue sans parole, son âme sans expansion extérieure, son amour sans bras, sans ailes, mais lié, mais enchaîné et ne pouvant montrer à l'homme que ses aimables chaînes. « O heureux liens qui retenez Jésus au milieu de nous, disait Marie, soyez bénis! vous êtes les chaînes de feu qui m'attachez à ce divin Tabernacle! Silence de mon Dieu, que tu es éloquent sur mon cœur! Membres sacrés de mon Sauveur, vous m'êtes plus chers encore que lorsque les clous vous fixaient à la croix ou que les plis du suaire vous entouraient: c'est l'amour qui vous lie ici, mais c'est pour toujours; et cela afin que je puisse faire de Jésus mon bien, mon prisonnier d'amour, le compagnon de ma captivité ici-bas, le Dieu de mon cœur! »
III. Marie adorait l'état caché de la divinité et de l'humanité de Jésus en son Sacrement; voilées afin que l'homme ne s'attachât pas à la gloire et à la beauté de son corps, mais allât librement jusqu'à la divinité du Verbe. Car Jésus ne se voile ainsi que pour spiritualiser la foi de l'homme, pour purifier son cœur, aiguillonner son amour et l'attirer vers l'infini, vers une beauté toujours croissante et toujours nouvelle. Marie adorait donc Jésus voilé mais transparent par l'amour; elle contemplait derrière le nuage la beauté de ce soleil, qui manifeste ses ardeurs par la lumière qu'il donne à notre esprit, et sa présence par sa douceur. Marie honorait cette vie cachée de Jésus par une vie solitaire et retirée. Elle passait la plus grande partie de son temps en amende honorable pour les hommes ingrats. A la vue des anéantissements eucharistiques de Jésus, elle eût voulu elle aussi être anéantie, changée en une espèce sacramentelle, sans vie propre, et elle avait, en effet, perdu et transformé en Jésus sa vie naturelle, comme le pain se transforme en la substance de Jésus-Christ. Aussi, voyant à ses pieds sa divine Mère, le Sauveur se consolait de l'abandon des hommes; il aimait les sacrifices qu'il avait faits si généreusement, il préférait à sa gloire cet état d'anéantissement; Marie, sa Mère et la mère de tous les adorateurs, le dédommageait de tout, et l'amour de Jésus trouvait une indicible satisfaction à recevoir sa prière et ses larmes répandues pour le salut du monde.
Instruction de Marie sur le malheur des mauvaises communions
Nous avons déjà rapporté quelques-unes des paroles que la sainte Vierge adressa à la vénérable Mère Marie de Jésus sur la communion. Voici ce qu'elle lui révéla un autre jour: « Si l'amour de Dieu envers le prochain eut en moi une telle force, jugez, ma fille, quelle devait être la véhémence de celui que je sentais pour le Seigneur lui-même quand je le recevais à l'autel! Je vous déclare ici un secret sur ce qui m'arriva la première fois que je le reçus de la main de saint Pierre: c'est que le Très-Haut laissa mon amour agir avec une telle violence, que mon cœur s'ouvrit réellement et donna lieu, comme je le souhaitais, à mon Fils consacré d'y entrer et d'y demeurer comme un roi sur son propre trône. Vous comprendrez par là, ma très chère fille, que si j'étais susceptible d'une douleur quelconque dans la gloire dont je jouis, ce qui m'en causerait une très sensible, ce serait de voir la témérité effroyable des hommes qui osent recevoir le Corps sacré de mon très saint Fils, les uns avec des souillures et des crimes abominables; les autres, sans dévotion, sans respect: et presque tous sans considérer l'importance, sans peser la valeur de cette Hostie, qui n'est rien de moins que Dieu lui-même, germe de la vie ou de la mort éternelle. Craignez donc, ma fille, ce danger; pleurez-le pour un si grand nombre d'enfants de l'Eglise; demandez leur salut au Seigneur et, profitant de l'instruction que je vous donne, rendez-vous digne de pénétrer profondément ce Mystère d'amour. Et quand vous y participerez, bannissez de votre entendement toutes les pensées des choses terrestres; rappelez-vous seulement que. vous allez recevoir Dieu lui-même; faites tous vos efforts pour témoigner votre amour, votre humilité et votre gratitude, et soyez persuadée que vous resterez toujours fort au-dessous de ce que mérite un Mystère si vénérable ». (Cité Mystique, p. III, I. VII, c. VII).
Pratique : Assister à la Messe pour réparer, en union avec Marie, le crime de ceux qui y manquent.
Aspiration : O Marie! vous êtes la vraie Table mystique où nous trouvons le mets délicieux de nos âmes, Jésus-Eucharistie !
Vingt-quatrième jour
Adoration de prière de Marie
I. Marie se dévouait tout entière à la gloire eucharistique de Jésus. Elle savait que le désir du Père céleste était de voir l'Eucharistie connue, aimée et servie par tous; que le besoin du Cœur de Jésus était de communiquer aux hommes tous ses dons de grâce et de gloire; que le Saint-Esprit avait pour mission d'étendre et de perfectionner dans les cœurs le règne de Jésus-Christ; que l'Eglise n'avait été fondée que pour donner Jésus au monde; tous les désirs de Marie étaient donc de le faire connaître en son Sacrement; son amour si grand pour Jésus avait besoin de se dilater, de se dévouer, afin de se soulager, pour ainsi dire, de l'impuissance où elle se sentait à le glorifier par elle-même autant qu'elle l'eût voulu. Depuis le Calvaire, les hommes étaient ses enfants, elle les aimait avec la tendresse d'une mère et voulait leur souverain bien autant que le sien propre: voilà pourquoi elle brûlait de faire connaître à tous Jésus au Saint Sacrement, d'embraser les cœurs de son amour, de les voir tous liés et enchaînés à son aimable service. Pour obtenir cette grâce, Marie faisait une mission perpétuelle de pénitence et de prière au pied de la très adorable Eucharistie; elle y traitait du salut du monde: dans son zèle immense elle embrassait les besoins des fidèles de tous les lieux et de tous les temps à venir, qui devaient hériter de la sainte Eucharistie et la servir. Mais la mission la plus chère à son âme était de prier continuellement pour le succès des prédications et des travaux des Apôtres et de tous les membres du sacerdoce de Jésus-Christ. Aussi ne faut-il pas s'étonner que ces ouvriers apostoliques convertissent si facilement des royaumes entiers; Marie se tenait au pied du trône de la miséricorde, suppliant pour eux la bonté du Sauveur. Sa prière convertissait les âmes, et, comme toute conversion est le fruit de la prière, et que la prière de Marie ne pouvait éprouver de refus, les apôtres avaient en cette Mère de bonté leur meilleur auxiliaire: « Bienheureux celui pour qui prie Marie! »
II. Les adorateurs partagent la vie et la mission de prière de Marie au pied du Très Saint Sacrement: c'est la plus belle de toutes les missions, et elle est sans danger. C'est la plus sainte aussi, car elle est l'exercice de toutes les vertus. C'est la plus nécessaire à l'Eglise, qui a encore plus besoin d'âmes de prière que de prédicateurs, d'hommes de pénitence que d'hommes d'éloquence. Aujourd'hui plus que jamais, il faut des hommes qui désarment, par leur immolation propre, la colère de Dieu irrité contre les crimes toujours croissants des nations: il faut des âmes qui par leurs instances rouvrent les trésors de la grâce qu'a fermés l'indifférence générale; il faut des adorateurs véritables, c'est-à-dire des hommes de feu et de sacrifice: quand ils seront nombreux autour de leur divin Chef, Dieu sera glorifié, Jésus aimé; les sociétés redeviendront chrétiennes, conquises à Jésus-Christ par l'apostolat de la prière eucharistique.
III. L'apostolat de Marie consistait encore dans la prédication muette, mais très persuasive, du respect. Cette prédication convient à tous, et une âme jalouse de faire connaître et aimer l'Eucharistie s'y appliquera avec grand soin, unie à Marie. Comme cette parfaite adoratrice se tenait avec modestie et révérence devant le Très Saint Sacrement! Elle s'y tenait comme les anges devant la Majesté divine; toute pénétrée par la foi et absorbée en la divine présence de Jésus, elle ne faisait attention à personne autour d'elle. Elle ne se présentait jamais devant Notre-Seigneur que convenablement et religieusement vêtue, comme à une visite d'honneur. Une mise négligée, un désordre dans la tenue, annoncent peu de foi et un intérieur désordonné. Marie restait à genoux le plus qu'elle pouvait aux pieds de son Dieu: c'est la tenue d'adoration de la sainte Eglise, l'hommage du corps, l'humilité de la foi : à genoux aux pieds de Jésus, c'est la place de l'amour. Le respect dans le lieu saint, surtout devant le Très Saint Sacrement, doit être la grande vertu publique des adorateurs. Ce respect est la profession solennelle de leur foi, et en même temps c'est pour eux la grâce de leur piété et de leur ferveur; car toujours Dieu punit les irrévérences commises dans son sanctuaire par l'affaiblissement de la foi, la privation des grâces de dévotion. Celui qui est irrévérencieux ou inconvenant devant Notre-Seigneur aurait tort de s'étonner de sa froideur dans la prière; c'est peu: il mériterait d'être chassé honteusement de sa présence comme un malhonnête ou un insensé. Soyons donc très sévères sur le culte du respect; ayons une tenue réservée, une attitude religieuse; observons un silence rigoureux, un recueillement des sens absolu. Dans l'église il ne faut avoir d'égards qu'envers Jésus-Christ: il n'y a plus d'amis. Jésus y est tout: la cour n'a les yeux fixés que sur le roi, n'honore que le roi. A la vue du respect profond et religieux des adorateurs, les mondains seront obligés de dire: « Il y a ici quelque chose de grand! » Les faibles, les tièdes rougiront de leur tiédeur et reconnaîtront .Jésus-Christ: l'exemple est la royale leçon de la sagesse, et l'apostolat le plus fécond.
Notre Dame de la Première Communion
Former les enfants à ce grand acte de la vie, préparer leur cœur à Jésus pour sa première visite, oh! sans doute, c'est la mission la plus douce à la tendresse de Marie. Un jour, une mère eut une douce vision: la Vierge Marie était debout près du berceau de son enfant; elle lui souriait et couvrait sa petite couche de fleurs... Quand Alexandre Bertius put parler, ses premiers mots furent: « Jésus et Marie ». Il grandit à l'ombre du Crucifix. Mais déjà la lumière de son baptême lui laissait entrevoir, au fond de son cœur, quelques parcelles moins pures où pourrait germer le mauvais grain. Cet enfant de cinq ans se souvint des caresses et des promesses de Marie: il s'arma d'une discipline, et il punissait sur ses membres délicats les instincts qu'il sentait en lai pour le mal. Marie le guidait et le préparait à sa première communion. Lorsque arriva ce moment solennel et à jamais précieux, Alexandre crut voir son cœur s'ouvrir et Jésus en prendre possession d'une manière sensible. Cette vision et ce souvenir l'enchaînèrent si puissamment au Tabernacle, qu'on avait peine à l'en éloigner, et qu'on le nommait par toute la ville l'enfant du grand autel. Marie eut pour lui des faveurs toutes maternelles: elle tournait les feuillets de son livre d'étude; dans ses maladies, elle tempérait les ardeurs de la fièvre en environnant son lit de fleurs. Ainsi protégé par la présence toute d'amour de Marie, le pieux écolier ne prit jamais part à aucune joie mondaine, à aucun entretien dangereux, à aucune récréation dissipante. C'est ainsi que l'enfance et l'adolescence, placées sous le regard de la Vierge de l'Eucharistie, fidèles à son culte, se passeront purement, et prépareront à l'Eglise des enfants fidèles, et au ciel des citoyens ornés de toutes les vertus. (Parterre de Notre Dame de la Première Communion).
Pratique : Prier pour toutes les premières communions et pour les catéchistes qui les préparent.
Aspiration : Salut ô Marie! qui, par l'apostolat de votre prière, avez vaincu toutes les hérésies qui se sont élevées contre l'Eucharistie!
Vingt-cinquième jour
Apostolat de Marie
I. L'âme qui vit de l'Eucharistie doit s'occuper avant tout des intérêts du Sacrement adorable. Or le premier, le plus cher à Jésus, c'est le sacerdoce. Par les prêtres, le Saint Sacrement nous est donné, vient en nous; par eux, Jésus reçoit la vie sacramentelle qu'il consacre à la gloire de son Père; par eux il est glorifié plus que ne le peuvent faire les fidèles même les plus pieux: il leur a donné tous ses droits, toute sa puissance. Aussi, prier pour le sacerdoce, demander que les vocations se multiplient, obtenir pour les peuples de saints prêtres, des hommes de feu, c'était la prière de Marie, son apostolat de prédilection. Et maintenant elle protège les vocations saintes, elle les demande à son Fils : le prêtre est l'enfant privilégié de Marie. C'est elle qui le forme tout jeune à la piété et conserve sa vertu, qui alimente sa ferveur, qui le conduit par la main jusqu'au pied de l'autel, et qui le présente au Pontife comme elle présenta autrefois Jésus au temple. Elle l'encouragera dans les mille sacrifices de l'étude, des combats, des frayeurs du sacerdoce. Le prêtre formé par Marie, oh! bon et saint prêtre, bien reçu de Jésus!
II. Marie se retrouve dans le prêtre et continue par lui sa mission à l'égard des âmes et de Jésus-Christ. La première incarnation s'est faite en Marie et par Marie; en elle le Verbe a pris chair; dans les mains du prêtre et à sa parole, Jésus-Christ devient notre pain. La dignité de Mère de Dieu est incomparable; elle est la mère du roi, reine par conséquent des anges et des hommes. Le prêtre est le père de Jésus-Eucharistie, le roi spirituel des âmes; un Dieu terrestre, terrenus Deus, qui a reçu tous les biens de Dieu, qui ouvre et ferme le ciel. Marie élève Jésus, le nourrit, suit tout; ses états. Au prêtre de faire grandir Jésus-Christ dans les âmes, de le suivre, de l'entretenir en elles jusqu'à ce qu'il y soit arrivé à l'âge parfait et qu'il ait transformé l'âme en lui-même. Marie, comme Mère, a sur Notre-Seigneur tous les droits que confère la maternité. Le prêtre a aussi un pouvoir direct sur la personne de Jésus-Christ. Marie n'est puissante que par Jésus: le prêtre aussi n'est puissant que par les grâces que Jésus met entre ses mains: il se met lui-même à sa disposition, afin de lui donner une plus grande puissance d'action. Mais Marie peut envier les privilèges du prêtre sous certains rapports. Elle porte le Verbe incarné pendant neuf mois dans son sein, et puis c'est fini: le prêtre ne s'épuise jamais; il incarne chaque jour Jésus-Christ: son pouvoir consécrateur est inhérent à son sacerdoce; semblable au Père qui l'engendre sans s'épuiser jamais, semblable au soleil qui redonne chaque jour sa lumière et sa chaleur. Marie enfante le Sauveur dans son état mortel, faible et pour la croix; le prêtre le fait descendre sur l'autel, mais dans son état glorieux et ressuscité: sa gloire n'apparaît pas à nos yeux grossiers, mais les anges la voient: c'est un soleil radieux du côté du ciel, voilé du côté de la terre.
III. La mission et les devoirs du prêtre et de Marie vis-à-vis de l'Eucharistie et vis-à-vis des âmes sont les mêmes. La mission du prêtre est une mission d'adoration et d'apostolat. Le prêtre est d'abord adorateur, gardien du Saint Sacrement: avant tout c'est un homme de prière: Nos autem, disent les Apôtres, orationi et ministerio verbi instantes eritmus: nous nous livrerons à la prière et à la prédication: il faut qu'il s'unisse à la prière de la Victime qu'il offre et qu'il prépare, qu'il commence au pied de l'autel son apostolat extérieur. Marie au Cénacle, voilà sa divine Mère en ce premier devoir; là elle est adoratrice d'office, elle adore en prenant soin du culte eucharistique; elle répare la gloire de Dieu outragée par les pécheurs; elle console l'amour de Jésus méconnu des siens. Au Père elle offre Jésus: à Jésus elle montre son sein maternel; au Saint-Esprit, les âmes, son héritage et ses temples, afin qu'il les renouvelle et les anime de sa charité. Voilà ce que doit à Jésus le prêtre fidèle et qui comprend la grâce de l'amour du Sauveur pour lui. Le second ministère du prêtre est d'annoncer Jésus-Christ aux peuples. Marie est ici encore sa douce protectrice. Elle a fait l'éducation de Jésus, et elle a révélé les mystères de sa vie aux Apôtres et aux Evangélistes: elle parlait de lui sans cesse, le faisait aimer autour d'elle: elle était zélatrice de Jésus. Or voilà ce qu'a à faire le prêtre: prêcher, faire connaître Jésus au Saint Sacrement, répandre son culte, son règne, avec un zèle infatigable. Pour cela qu'il s'adresse à Marie, qui aime les prêtres d'un amour de prédilection; elle les aime en Jésus son Fils, dont ils sont les ministres; elle les aime pour la gloire de Dieu et le salut des âmes dont ils sont les apôtres. Le prêtre a des devoirs à remplir envers cette tendre Mère: il ne doit le céder à personne dans les honneurs à lui rendre, dans l'amour tendre qui lui est dû: qu'il la fasse connaître et aimer avec zèle. Et pour nous, si nous aimons l'Eucharistie, si nous voulons qu'elle soit servie, prêchée, adorée par tous, demandons sans cesse à Jésus par Marie de saints prêtres, des ouvriers apostoliques, des adorateurs fidèles: la gloire du Saint Sacrement et le salut du monde sont à ce prix !
Tendre protection de Marie à l'égard d'un prêtre
Deux prêtres, passant par le pays des Albigeois, aperçurent une église; et, bien que ce fût un temps de persécution ouverte, et que l'on eût tout à craindre de ces sauvages hérétiques, ils voulurent célébrer la sainte Messe, mus surtout par cette pensée que c'était samedi, et qu'ils devaient dire la Messe en l'honneur de Marie. L'un deux célébrait déjà, lorsque surviennent les Albigeois qui l'arrachent de l'autel et, après mille outrages, lui coupent la langue et le laissent à demi mort. Son compagnon remporte comme il peut jusqu'à un monastère des environs, où on les reçut avec beaucoup de charité, La veille de l'Epiphanie, le pauvre prêtre muet, entendant chanter les religieux, eut un extrême désir de s'unir à eux, et il aurait bien voulu pouvoir dire la sainte Messe. Il s'adresse donc à Marie dans la ferveur de ses désirs, et cette douce Mère se présente à lui, tenant dans sa main le membre dont il était privé, et lui dit: « Puisque, mon cher fils, tu n'as perdu ce membre et n'as tant souffert que pour avoir voulu, malgré le danger, dire la Messe en l'honneur de Jésus et à ma gloire, je te le rends de sa part ». Le bon prêtre au même instant se trouva guéri, et entonna d'une voix sonore un cantique d'action de grâces à la louange de Jésus et de sa miséricordieuse Mère. (Nicolao Laghi, trat. VI, c. XXIV).
Pratique : Prier sans cesse pour les vocations cléricales, et exercer envers les prêtres de Jésus la charité la plus dévouée et la plus respectueuse.
Aspiration : Reine du clergé, envoyez des ouvriers dans la moisson de votre divin Fils.
Vingt-sixième jour
L'Epoux divin et le Roi du cœur
I. Marie, dans son adoration, s'appliquait à glorifier tous les états de Jésus, à l'exalter sous les noms qui lui sont les plus chers et qui établissent le plus parfaitement son empire sur le cœur des hommes. Marie adorait Jésus en sa qualité d'Epoux des âmes. L'union est la fin de l'amour; Jésus, en se donnant substantiellement dans l'Eucharistie, vient s'unir à nos âmes comme à ses épouses chéries: comme Epoux, il leur donne tous ses biens, son nom, son cœur, tout lui-même, mais c'est à titre de retour. L'âme, son épouse, ne vivra que pour lui: Jésus est un Dieu jaloux; malheur à celui qui lui ravit l'épouse de son cœur! Or, Marie célébrait avec bonheur, comme sa mère, les noces de son Fils bien-aimé; comme jadis, à Cana, elle prévenait la pauvreté et la confusion des époux: ainsi orne-t-elle l'âme fidèle de toutes ses vertus pour que Jésus la trouve digne de lui. Oh! oui, la meilleure préparation à la communion est celle qui se fait par Marie. N'est-ce pas à la mère de revêtir sa fille pour le jour de son mariage? elle se dépouille pour elle en ce jour. Qui dira le soin que prenait cette bonne Mère des épouses du Dieu de l'Eucharistie, surtout de la pureté de leur cœur, afin qu'elles fissent les complaisances de leur Epoux bien-aimé? Mais Jésus est aussi l'Epoux de l'Eglise, dont la virginité féconde le rend père de la génération nouvelle des enfants de Dieu. Marie l'adorait donc aussi comme l'Epoux de l'Eglise, et elle aimait celle-ci comme sa fille, unie à son très cher Fils d'un lien indissoluble. Marie eût volontiers donné sa vie pour l'Eglise; elle la protégeait, la défendait par ses prières incessantes: elle assistait avec bonheur à ses progrès et partageait ses périls, souffrant avec elle et pour elle. Car si elle était la Mère de l'Eglise, elle était en même temps sa fille; comme la plus soumise de ses enfants, elle obéissait à Pierre, à Jean, à tous les prêtres. Elle honorait les cérémonies saintes, elle adorait Jésus par l'Eglise, par son culte, par ses prières liturgiques, par son sacerdoce, avec tous ses enfants. Oh! quelle belle adoration que celle qui réunissait Marie et les fidèles au pied du Saint Sacrement! Le ciel pouvait en être jaloux; car Marie était en l'Eglise comme le soleil au milieu des astres, et Dieu dut bien aimer la terre, et Jésus son Tabernacle! C'était le ciel de l'amour!
II. Marie adorait encore Jésus en sa qualité de Roi: car la sainte Eucharistie est la royauté du Sauveur: par elle, il règne dans les cœurs et sur les sociétés. La vérité, pour triompher de l'homme, a besoin de passer par l'Eucharistie, afin d'en prendre la suavité et de devenir persuasive et touchante: tant qu'un homme n'a pas communié, il n'a que la loi de vérité, il n'a pas encore la foi d'amour, la jouissance et la suavité de la foi; il a rencontré Jésus sur son chemin; il a causé avec lui sans le bien connaître: l'Eucharistie seule lui révélera, dans toute sa puissance et toute sa lumière, Jésus-Christ et tous les secrets de la foi. Par l'Eucharistie donc, Jésus est roi de vérité. Il en est des vertus comme de la vérité: il faut l'Eucharistie pour qu'elles règnent définitivement dans un cœur: il faut la communion pour les civiliser, les adoucir, les béatifier en l'amour de Jésus. Il faut que Jésus se donne à moi pour me subjuguer par son amour et pouvoir me dire: « Mon fils, donne-moi ton cœur ». En l'Eucharistie seulement, l'amour de Jésus-Christ est royalement servi, parce qu'il a un palais, une cour, des adorateurs. Marie adorait donc Jésus comme son roi non plus dans sa royauté pauvre et fugitive de Bethléem ou de l'Egypte, ni comme son roi crucifié au Calvaire, mais dans sa royauté permanente, assis sur son trône de gloire, tout voilé qu'il est; invulnérable aux yeux de ses ennemis, invincible dans sa victoire, glorieux dans le triomphe de son amour. Marie voyait se réaliser la parole de l'ange: « Il régnera sur la maison de Jacob, et son règne n'aura point de fin ». Elle voyait les trônes eucharistiques se multiplier; chaque ville, chaque bourgade devenait sa cour et lui offrait un palais: elle voyait toutes les vertus fleurir dans le monde par l'Eucharistie, et qui sont la royale couronne du Dieu qui les inspire et les nourrit de lui-même. Oh! quels soupirs, quelles prières pour le règne eucharistique de Jésus, sont sortis du cœur de Marie au Cénacle! Elle demanda et elle vit dans la suite des âges l'Eucharistie se répandre et l'amour de Jésus partout triompher. Enfin, Jésus serait aimé: son Eucharistie trouverait des cœurs sympathiques, et cette flamme envelopperait le monde pour le renouveler! O divin Roi, oui, régnez en souverain sur mon cœur et sur ma vie, comme sur votre sainte Mère! Que votre vérité soit mon drapeau d'honneur, vos vertus mes armes, votre amour mon mot d'ordre, et votre plus grande gloire eucharistique le fruit de ma victoire. C'est la prière ardente de mon cœur que je vous présente par Marie, la Reine du Cénacle et la Mère des adorateurs!
La Reine miséricordieuse du Purgatoire
Le moyen le plus puissant de secourir les pauvres âmes qui souffrent dans le Purgatoire est de faire célébrer pour elles le saint sacrifice de la Messe. Mais quand on remet les fruits infinis du Sang de Jésus aux mains de Marie pour qu'elle les applique au soulagement de ces chers frères souffrants, on est à peu près sur de leur délivrance. Un lion Frère, religieux, fort dévot, étant mort, apparut à un de ses anciens compagnons, et lui dit qu'il était dans les peines du Purgatoire, soutirant peu de la peine du sens, mais beaucoup de la privation de Dieu. Il le supplia de demander à son Prieur d'ajouter à son intention une Oraison à la sainte Messe. On s'empressa de satisfaire à sa demande, et le Prieur aperçut l'âme du cher Frère, toute joyeuse et ravie, sous le manteau de Marie, qui l'emmenait au ciel avec un air de triomphe, comme la glorieuse conquête de son amour. (Nicolao Laghi, t. III).
Pratique : Prier sans cesse Marie pour l'extension du règne eucharistique de Jésus-Christ dans le monde entier.
Aspiration : Cœur immaculé de Marie, lit nuptial où l'Epoux trouve ses délices, embrasez-nous de l'amour qui vous consume!
Vingt-septième jour
L'Eucharistie centre de la vie de Marie
I. Marie vivait de la vie eucharistique de Jésus: l'amour veut la communauté de vie. A Bethléem et à Nazareth elle avait vécu de la vie pauvre et cachée de Jésus; en Egypte, de sa vie persécutée; à travers les bourgades de la Judée, de sa vie apostolique; elle avait partagé sa vie souffrante, elle devait à plus forte raison vivre de la vie eucharistique de son divin Fils, qui est le couronnement de toutes les autres. Or Marie vivait, par l'Eucharistie, d'une vie tout intérieure et cachée, silencieuse, éloignée du monde, n'ayant que Jésus pour témoin et pour confident. Sa vie se consume à contempler et à remercier la souveraine bonté de l'Eucharistie: cette vue absorbe son esprit et le nourrit de vérité; elle remplit suavement son cœur, qui n'a plus d'autre désir, d'autre besoin que d'aimer davantage et de se donner toujours à lui plus entièrement; le corps de Marie lui-même partage la joie et la paix céleste de cette vie: il est tout spiritualisé: « Cor meum et caro mea exultaverunt in Deum vivum: Mon cœur et ma chair ont été ravis en Dieu mon Sauveur ».
II. Cette contemplation eucharistique est plus active que passive: c'est l'âme se donnant sans cesse à Dieu sous l'impression toujours nouvelle et plus délicieuse de sa bonté, sous l'action toujours croissante des flammes de son amour qui la purifient, la dégagent et l'unissent plus intimement au Bien-Aimé. Le recueillement est la condition première de cette contemplation: l'âme alors, libre des images des objets extérieurs, dégagée de toute affection déréglée, va droit vers Dieu comme l'aiguille aimantée vers le pôle. L'âme recueillie et fixée en Jésus se nourrit de sa vérité, de sa bonté,
de son amour: l'oraison prolongée ne lui coûte pas, ou lui coûte peu, parce que, libre de tout, elle peut suivre son Sauveur partout où il va, sans que rien la presse et l'appelle ailleurs, et parce que, toujours présente à elle-même, elle peut étudier, approfondir les mystères sur lesquels elle fait oraison; elle voit les choses dans leur vérité réelle, en Jésus-Christ; le recueillement et la contemplation fortifient sa vue et la rendent réfléchie et pénétrante.
III. Qu'elle devait être parfaite la contemplation de Marie au pied du Très Saint Sacrement, avec les lumières si grandes de sa foi, la pureté de sa vie, l'amour si parfait de son cœur! Assurément la distraction, cette fièvre de l'esprit et du cœur, ne venait pas troubler le repos qu'elle prenait en son Bien-Aimé. Son âme, plus unie à Jésus qu'au corps même qui l'enveloppait, buvait à longs traits l'eau vive de la grâce et de l'amour: elle oubliait la terre pour rester seule avec Jésus seul; car l'amour aime à s'isoler, à se simplifier, à se concentrer en l'unité afin de s'unir toujours plus étroitement. Que l'adorateur uni à Marie adoratrice s'applique avec patience, avec constance, à la vertu de recueillement, à l'exercice de la contemplation sur Jésus-Christ; s'étudiant d'abord plus à le connaître qu'à le goûter; car l'amour vient de la vérité connue, et une grâce de lumière vaut mieux que la plus grande grâce de douceur et de consolation: la vérité demeure, le sentiment passe. Oh! heureuse l'âme qui, comme Marie, comprend ce mystère de l'amour, qui le désire, le demande sans relâche, s'y exerce sans cesse: le règne de Dieu est en elle!
Le ciboire vivant
On lit dans la Vie de Marie-Eustelle, surnommée « l'Ange de l'Eucharistie », laquelle a été vue et approuvée par le savant cardinal Viilecourt, les paroles qui suivent: « Des auteurs très graves disent qu'après l'Ascension de son divin Fils, la très sainte Vierge Marie recevait chaque jour le Corps sacré du Sauveur, et que les espèces sacramentelles se conservaient sans corruption dans sa poitrine d'une communion à l'autre ». (P. 201.) La sainte Vierge révéla cette merveille à Marie d'Agreda. Nous citerons quelques-unes des paroles de la servante de Dieu: « Voici comment le Très-Haut opérait ce miracle: Lorsque la très pure Marie recevait la communion, les espèces sacramentelles se dégageaient du foyer commun de l'estomac, où se font la coction et la digestion de l'aliment naturel, afin de ne pas se confondre et se mêler avec le peu de nourriture que notre grande Reine prenait quelquefois. Le Très Saint Sacrement, étant dégagé de ce foyer, se plaçait dans le cœur de Marie comme en récompense du sang qu'il avait fourni, lors de l'Incarnation du Verbe, pour former la très sainte Humanité de Jésus-Christ. La communion de la divine Eucharistie est considérée comme une extension de l'Incarnation : il était donc juste que la Bienheureuse Mère participât à cette extension d'une manière nouvelle et spéciale, elle qui avait aussi concouru à cette même Incarnation du Verbe Eternel d'une manière miraculeuse et toute particulière ». {Cité mystique, p. III, 1. VII, c. VIII).
Pratique : Prier Marie pour la fidèle persévérance des Epouses qui sont consacrées à Jésus dans le cloître et dans le monde.
Aspiration : O Marie! comme de petits enfants nouveau-nés nous vous demandons notre lait spirituel, Jésus-Eucharistie.
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement 6/6
Le Mois de Notre Dame du Très Saint Sacrement
Méditations extraites des écrits de Saint Pierre-Julien Eymard
Fondateur de la Congrégation du Très Saint Sacrement
Vingt-huitième jour
Vie d'union de Marie à Jésus
I. Marie vivait en l'Eucharistie. Celui qui aime véritablement, pense, désire, agit, se réjouit ou s'attriste en la personne aimée: c'est son centre naturel de vie. Jésus, en effet, a dit: « Là où est votre trésor, là est aussi votre cœur ». Et à ses Apôtres: « Demeurez en moi, demeurez dans mon amour, comme je demeure dans l'amour de mon Père. » Marie demeurait donc en la divine Eucharistie, centre de son amour; toutes ses pensées, ses paroles, ses actions en sortaient, comme tous les rayons sortent du soleil; l'Eucharistie était l'oracle qu'elle consultait, la grâce qu'elle suivait.
II. Mais Jésus au Sacrement vit de la même vie d'amour qui le consumait aux jours de sa mortalité; en son état sacramentel il continue d'adorer son Père par ses profonds anéantissements; il est encore le médiateur et l'intercesseur pour le salut des hommes auprès de la divine bonté. Marie s'unissait donc à la prière de Jésus; elle y ajoutait l'exercice et le mérite des vertus que Notre-Seigneur en son état glorieux ne peut plus pratiquer actuellement; à l'état d'humiliation de Jésus au Sacrement, elle répondait par la vertu et les actes d'humilité; à son état de victime, par la souffrance actuelle; à son état de propitiation, par les actes de la mortification volontaire. Pour honorer la vie cachée de Jésus, Marie s'anéantissait et tendait à n'être plus qu'une apparence humaine, dont tout l'être, toute la substance est changée, transformée en Jésus-Christ: elle est pauvre comme Jésus au Sacrement, plus pauvre même puisqu'elle peut éprouver les privations réelles de l'indigence; comme Jésus elle obéit, et honore son obéissance sacramentelle en se soumettant au dernier des ministres de l'Eglise; et, pour imiter son obéissance si douce et si simple, si prompte aussi, elle est heureuse d'obéir, empressée de se rendre au moindre signe ; en un mot, Marie complète en elle la vie eucharistique de Jésus-Christ. De plus, Marie renouvelait en l'Eucharistie tous les mystères de la vie du Sauveur, perpétuant sa reconnaissance et la renouvelant toujours plus vive.
III. Telle doit être la vie de l'adorateur s'il veut vivre en l'Eucharistie. Mais pour arriver à cette vie d'union, il faut s'affranchir de tout esclavage, de cette vie d'amour-propre qui ne voit que soi, même dans le service de Dieu ; qui ne parle à Jésus que de soi. que de ses intérêts personnels, de ses affaires propres, et ne sait pas s'entretenir avec Jésus en lui parlant de lui-même et des intérêts de sa gloire, des sollicitudes de son divin Cœur: qui ne sait pas se tenir calme et tranquille à ses pieds, se suffisant de lui, ne désirant rien de plus que lui; de cette vie qui n'a pas la patience de l'écouter, mais qui nous rend semblables à des mercenaires attendant impatiemment leur salaire, à des commissionnaires empressés de partir. Jésus a bien peu d'adorateurs qui s'estiment assez récompensés et assez heureux de demeurer avec lui, occupés à le servir, comme les anges au ciel, comme Marie au Cénacle; il ne voit guère à ses pieds que des mendiants, ou des fiévreux qui lui demandent secours. Et cependant, dans un palais on sait être courtisan et demeurer à assister le roi, sans faire autre chose qu'acte de présence pour honorer sa majesté. Hélas! c'est le règne des sens, et rien ne coûte; à la cour eucharistique de Jésus, c'est le règne intérieur de son amour, et on a peur, et on fuit, et on veut travailler: Jésus ne suffit pas, il faut quelque chose encore avec lui! Cependant, Marie ne perdait jamais la présence eucharistique de Jésus; elle n'agissait que lorsqu'il le voulait, s'estimant assez occupée d'être à ses pieds, assez récompensée de le posséder!
Le ciel sur la terre
Nous avons rapporté hier la pieuse tradition selon laquelle Jésus serait demeuré toujours présent en Marie sous les espèces eucharistiques. C'est là une si douce merveille, que nous nous y arrêterons encore ce soir. « Marie voyait au dedans d'elle-même le corps de son très saint Fils, tantôt glorieux, tantôt revêtu de la beauté naturelle de son Humanité sainte; d'autres fois, et presque continuellement, elle connaissait tous les miracles que renferme le très saint sacrement de l'Eucharistie Ce qu'elle prisait le plus, c'était de savoir combien son très saint Fils se complaisait à demeurer, sous les espèces sacramentelles, dans son Cœur très pur; et il y trouvait plus de délices qu'à être en la compagnie des Bienheureux. De son côté, une des choses qui pénétraient Marie d'une joie indicible, c'était l'adoration et le respect que les Esprits célestes rendaient à son Fils caché, sous les espèces sacramentelles, dans son sein. Car, prévoyant la négligence que les hommes apporteraient à rendre au Corps sacré du Sauveur le culte qui lui est dû, elle offrait à sa divine Majesté les hommages dont l'entouraient les Princes célestes, qui connaissaient plus dignement ce mystère et qui le révéraient avec les sentiments du respect le plus sincère. O chef-d'œuvre singulier, unique et prodigieux de la puissance infinie! Vierge sainte, vous seule avez été un ciel plus agréable à votre Créateur que le ciel inanimé qu'il a fait pour sa demeure! Celui que les espaces incommensurables ne peuvent contenir s'est renfermé en vous seule et a trouvé un trône convenable non seulement en votre sein virginal, mais aussi dans le domaine immense de votre capacité et de votre amour! » (Cité mystique, p. III, l. VIII, c. VIII ; passim.).
Pratique : S'appliquer, en union avec Marie, à vivre de communion et d'action de grâces par le recueillement intérieur.
Aspiration : O Cœur de Marie, Trône magnifique du Dieu caché, soyez exalté au plus haut des cieux!
Vingt-neuvième jour
La parfaite Servante du Saint Sacrement
I. « Ecce ancilla Domini: Voici la servante du Seigneur », dit la très sainte Vierge; et toute sa vie s'est passée à le servir dans la dernière perfection. Elle est le modèle royal et divin de notre service eucharistique. Son service au Cénacle résume toute sa vie: elle y renouvelle tous ses états, toutes ses grâces; là ses vertus acquièrent leur suprême perfection, qui va les rendre dignes du ciel et de la gloire immense qui l'attend. S'attacher à ce dernier anneau de la vie de Marie, c'est la grâce d'une servante de l'Eucharistie: s'inspirer de ses vertus et de son dévouement, c'est sa force et sa règle. ainsi: dévouement d'amour au Saint Sacrement, par l'esprit et les vertus de la très sainte Vierge. C'est un dévouement. On ne se dévoue pas pour être pariait ou heureux, pour se faire une fortune spirituelle ou un beau paradis: on se dévoue par amour; le dévouement ne veut qu'une chose: faire plaisir, rendre ses devoirs. Or Notre-Seigneur ne nous demande pas de le servir au dehors, dans les âmes; mais il nous dit: « Pour monter sur mon trône d'amour, il me faut des adorateurs; sans adorateurs je ne puis pas être exposé solennellement: vous demeurerez avec moi, vous serez mes adorateurs; vous serez attachés à ma personne; vous serez pour moi, comme je serai pour vous. Vous allez faire exclusion totale de votre volonté propre, je la veux pour moi; renoncer à vos intérêts personnels, je m'en charge; un roi veut faire la fortune de ses serviteurs, mais il ne leur dit pas ce qu'il fera. » De sorte que le champ que nous avons à cultiver c'est Notre-Seigneur lui-même, lui tout seul; il nous retient pour lui, et se commet à notre garde. Et la récompense de ce dévouement? Elle est de vivre auprès du Roi, de lui plaire, d'être son favori. Nous servons le Roi pour sa propre gloire, et nous nous effaçons en tout. Ce dévouement doit donc être un dévouement d'amour pur, très pur, eucharistique: l'Eucharistie absorbe tout; Jésus se donne tout entier, il nous veut tout entiers. Mais il apporte avec lui un sentiment de joie et de bonheur qui se répand sur toute la vie. Quoi! être associés à l'Eucharistie, à l'adoration, devenir des personnes de Jésus-Christ, qu'y a-t-il de plus grand ? Allez donc à ce service avec joie, avec bonheur; l'amour vole, il aime mieux le service de Jésus que son repos, que son propre bonheur: quand on n'aime pas, on tâche de ne pas aller trop vite, on retarde: mais, comme Marie, volez au service, à l'adoration de Jésus qui vous attend.
II. Le service de Notre-Seigneur, c'est notre part avec la très sainte Vierge. Vous êtes appelés à le servir, lui, et non pas vous. Il faut bien prendre garde d'employer des termes qui indiqueraient une faible intelligence de ce sublime service. Il ne faut pas dire: « Je vais faire mon service »; non, non; tous les employés disent cela. Mais: « Je vais faire le service de Notre-Seigneur ». Il y a une grande différence dans les deux termes et surtout dans les deux pensées. Un courtisan sait bien dire: « Je suis au service du roi ». Eh bien, nous disons: « Je suis au service de Notre-Seigneur »: par là nous nous effaçons, nous nous perdons de vue et nous mettons Notre-Seigneur en avant. Ce service embrasse plusieurs fonctions: il en est, comme la messe, l'adoration, l'office, qui regardent directement sa personne; d'autres, sa maison, le bien de ses serviteurs. Mais toutes sont des fonctions du service royal de Notre-Seigneur. La maison de Notre-Seigneur exige diverses sujétions, divers emplois matériels: nous ne sommes pas de purs esprits; mais dans ces travaux c'est le Roi encore qu'il faut voir, pour lui qu'il faut agir. Dévouement à la gloire du Saint Sacrement. Qu'est-ce que cette gloire que nous lui devons? C'est de lui renvoyer tout ce que nous faisons de bien; de ne rien garder pour nous; de ne pas nous faire un petit pécule, bourse à part. Servantes du Saint Sacrement, comme Marie; servantes qui n'ont plus d'intérêt, plus de personnalité, qui sont toutes dépensées au service de Jésus. Quel beau titre ! C'est celui qu'a préféré Marie. C'est le seul qu'elle se donne. En prenant ce nom de votre Mère, il faut prendre les devoirs et les vertus qu'il renferme: tous sont contenus dans le Magnificat: « Le Seigneur a regardé l'humilité, la bassesse de sa servante ». Ah! si quelqu'un doit être humble, dévoué, c'est la servante. Que serait-ce si une servante voulait choisir dans le service de son maître, se ménager des instants, garder du temps pour elle? Et toutes les vertus de Marie, prenez-les dans leur dernier caractère, au Cénacle: elles ne sont plus que des actes de son adoration: Marie adore par toutes ses vertus: l'adoration résume toute sa vie. Servir Jésus au Très Saint Sacrement par l'esprit et les vertus de Notre-Dame du Cénacle, voilà la vie d'une servante; son mot d'ordre est: Tout pour le service de Jésus-Hostie en union avec Marie!
L'Ange de l'Eucharistie
On sait par quel amour dévoué, par quelle dévotion tendre envers l'Eucharistie, une pauvre ouvrière, Marie-Eustelle, mérita ce beau nom d'ange de l'Eucharistie. Ayant été mise, par son curé, à la tête de la sacristie de sa paroisse, on ne saurait dire avec quelle estime, quel dévouement elle s'acquitta de ces augustes fonctions, traitées, hélas! dans quelques paroisses, avec si peu de respect par des mercenaires. Les premières fois qu'il lui fut donné de préparer ce qui est nécessaire pour l'oblation du saint Sacrifice, la joie de son âme n'eut d'égal que le profond sentiment de son indignité. Elle écrivait à ce sujet: « J'aime à penser que, comme la sainte Vierge, je suis employée au service du Temple autant que ma vocation peut le permettre, et cette pensée ranime encore ma reconnaissance. Mais, pour être digne de ce saint emploi, il me faudrait la pureté de cette Vierge sainte, ce que je suis bien loin d'avoir. mon Dieu! je ne pense pas assez au compte que je rendrai de tous ces moyens de salut! Je m'occupe seulement à jouir du bonheur que me procure cette sainte occupation. Daigne le Seigneur m'orner d'une pureté semblable à celle des anges, pour approcher si prés du Dieu des anges et le recevoir si souvent! » (Vie de Marie-Eustelle).
Pratique : Se dévouer aux oeuvres du culte eucharistique, pour imiter Marie servant Jésus au Cénacle.
Aspiration : Marie! Mère du Bel Amour, faites-nous aimer Jésus au Saint Sacrement comme vous l'avez aimé!
Trentième jour
Le triomphe de Marie
I. Au jour de sa glorieuse assomption en corps et en âme dans le ciel. Marie reçoit le couronnement de toutes ses grâces. Certes nous pouvons nous réjouir. Nous ne perdons pas notre mère; mais nous l'envoyons au-devant de nous pour nous préparer notre place et nous acquérir des droits sur le cœur de Dieu. Nous pouvons bien dire à Dieu: « Notre misère est grande »; oui, cette terre n'est qu'une vallée désolée; mais elle vous envoie ce qu'elle a de plus beau, une merveille qu'elle ne devait pas s'attendre à produire, Marie votre Mère. Regardez-nous avec des yeux de miséricorde à cause de cette fleur bénie de notre parterre que nous vous offrons: elle en est la plus pure et la plus belle. Mais le triomphe de Marie est aussi le triomphe de Jésus. Il retrouve sa Mère: il redevient fils par sa présence, Jésus aimait tant sa Mère, comment avait-il pu se séparer d'elle? Il ne l'avait fait que par amour pour nous: nous l'ayant donnée pour Mère, il fallait bien qu'il nous laissât jouir de ce don ineffable. Mais le temps est venu de reprendre son bien. Jésus vient lui-même chercher sa Mère: Innixa super dilectum suum. Marie était morte d'amour; le désir de voir son Fils et de lui être pleinement unie avait brisé sa vie. Jésus va lui faire un beau triomphe. Oh! que se passe-t-il au moment de la rencontre de Jésus et de Marie! Vous savez le bonheur d'une mère et d'un fils qui se revoient après une longue séparation. Jésus désirait revoir sa Mère: elle est là! Avec quels baisers d'amour ne la reçoit-il pas!
II. Il va l'introduire lui-même dans la gloire, il lui doit une compensation: Marie a été pauvre et sans honneur toute sa vie: le moment est venu de la couronner de gloire et d'honneur. Marie entre au ciel avec un éclat tel qu'il ne s'en vit jamais: elle entre par une porte spéciale, ouverte pour elle seule: elle ne pouvait passer par la porte des simples élus; si les douze apôtres sont les douze portes du ciel, Marie est la porte royale de la patrie, la porte par excellence. porte auguste et bonne! Qu'il fait bon de passer par elle! Sans doute la pratique de la loi nous fait entrer sûrement au ciel: mais il est encore meilleur de se confier à la miséricorde de Marie: la miséricorde ne cherche qu'à sauver: passez, passez parla miséricorde, et ne comptez pas tant sur vos œuvres et sur votre accomplissement de la loi: à le bien examiner, vous le trouverez encore bien imparfait. Jésus conduit sa Mère par la main jusqu'au pied du trône de Dieu: « Voilà, ô Père, celle que vous vous êtes associée en la choisissant pour me donner mon humanité ». Et le Père la couronne de ses trois titres les plus beaux, reine, mère et médiatrice. Mais au diadème de Marie trois perles brillent d'un éclat plus éblouissant: ce sont les perles de son humilité, de sa pauvreté et de ses souffrances.
III. Marie fut la plus humble des créatures, elle sera au ciel la plus glorieuse; si elle s'assied sur le trône le plus voisin du trône de Jésus-Christ, c'est qu'elle s'est approchée plus que personne de la perfection de son humilité. Elle a passé pour une fille pécheresse d'Eve, elle qui n'avait pas subi la honte du péché originel; elle a suivi son Fils; les Juifs l'ont regardée comme une femme ambitieuse, elle qui n'a jamais dit un mot à son avantage! Personne ne fut si pauvre que Marie et n'eut une pauvreté si méritoire, car elle était la Mère du Roi du ciel et de la terre. Mais pour imiter la pauvreté de Jésus elle travaille à Nazareth, mendie en Egypte: quoi de plus pauvre que la maison de Lorette? La justice de Notre-Seigneur lui devait une compensation. Aussi elle hérite de tous les mérites, de toutes les grâces de son Fils ; elle en a la libre disposition; toutes les grâces du salut nous seront données par Marie: grâces naturelles, grâces spirituelles; elle est riche de la richesse de Dieu lui-même. Et si la justice divine ne s'opposait à l'inclination de son cœur maternel, les portes de l'enfer seraient bientôt fermées; le démon a été forcé d'avouer qu'il n'est jamais sûr de la victoire, tant que celui que Marie protège conserve un souffle de vie. Elle supplie, importune, arrache à Dieu des grâces de miséricorde et de pardon pour les criminels les plus endurcis! Enfin, si le bonheur est en raison des souffrances, personne n'est si heureux au ciel que Marie; car personne n'a tant souffert, n'ayant jamais eu tant d'amour qu'elle. Dieu fut cruel pour Marie, il la martyrisa continuellement. La prédiction de Siméon empoisonna toutes ses joies: dès ce moment Marie supplée Jésus, encore trop jeune pour souffrir publiquement. Et, au pied de la croix, elle est plus près de Jésus, pour souffrir davantage: parce qu'il la voulait au ciel plus près de lui, il l'a unie à ses souffrances et à ses humiliations plus qu'aucune autre créature! Pour tout dire, Dieu a couronné Marie de gloire et d'honneur comme le- chef-d'œuvre de son amour : au-dessus d'elle, il n'y a que lui: Solo tonante minor! mais du milieu de sa gloire, Marie se souvient qu'elle est notre mère. Elle n'est montée au ciel avant nous que pour nous en faciliter l'entrée, nous y conduire: elle viendra nous chercher elle-même par la main, à l'heure suprême, si nous savons l'appeler à notre secours!
La dernière communion de Marie
C'est une pieuse pensée de Gerson que Jésus descendit en personne, escorté de sa cour céleste, porter à sa Mère le saint Viatique et lui servir de prêtre à ses derniers moments. Marie, en effet, avait assisté son Fils à la mort, avait reçu son dernier soupir à la Croix; il était juste que Jésus rendit le même service à sa Mère; et ce que nous lisons de plusieurs saintes vierges, que Jésus leur apporta lui-même la communion, nous devons le supposer avec beaucoup plus de raison de Marie, qui posséda avec surabondance toutes les grâces des saints et reçut des faveurs encore plus précieuses. Voyez-vous Marie sur sa couche, environnée des Apôtres ? Son corps est affaibli par la violence de son amour, son visage est souriant: et Jésus, en vêtements pontificaux, entouré d'une foule d'anges qui le servent, présente à sa Mère la divine Hostie avec un regard, une expression d'amour capables de nous faire mourir de joie et de ravissement! Et Jésus dit à sa Mère: « Tu es toute belle, ma Bien- Aimée! » Et Marie lui répond: « Oh! je mourrai avec joie, puisque j'ai vu votre beau visage! » Et Jésus reprend: « Viens du Liban, mon Epouse et ma Mère, viens, je te couronnerai! » Ce dernier embrassement de Jésus allume en Marie un tel feu d'amour que son corps, cédant à sa violence, laisse monter au ciel, portée par Jésus triomphant, l'âme si pure dont il avait été le sanctuaire immaculé. (De Machault. t. II, p. 229).
Pratique : Préparer les agonisants à recevoir le saint Viatique; avertir le prêtre à temps. Disposer à Notre-Seigneur une réception convenable chez les pauvres.
Aspiration : Marie, donnez-nous Jésus-Eucharistie, maintenant et à l'heure de notre mort!
Trente et unième jour
Consécration à Notre-Dame du Très Saint Sacrement
I. A la fin de ce beau mois que nous vous avons consacré, ô Notre-Dame du Très Saint Sacrement, après avoir médité vos grandeurs, admiré la perfection de vos adorations et de votre service eucharistique au Cénacle, il nous reste à nous donner totalement à vous, afin que vous nous gardiez et nous dirigiez dans notre vocation adoratrice. Je vous remets donc entre les mains la direction de ma vocation et la grâce des sublimes devoirs qu'elle m'impose. Ma vocation d'adorateur est belle, la plus belle de toutes, puisqu'elle me fixe pour toujours au service de l'adorable Personne de Jésus-Christ en son divin Sacrement. Elle est privilégiée, puisqu'elle me donne le droit d'aller directement à sa divine Personne sans intermédiaire. Elle est belle et sublime, puisque je partage la fonction des anges, et, si j'osais, je dirais celle de la très sainte Vierge elle-même, au service de Jésus. Mais pour cette divine vocation il me faut des qualités remarquables, des vertus véritables ; à tout le moins une pureté ordinaire, et je n'ai rien! je ne puis rien! Je n'ai, au contraire, que des défauts, des habitudes mauvaises; je suis pétri d'amour-propre; je n'ai point d'humilité, de douceur, d'esprit de mortification; je ne sais ni prier ni faire oraison; je n'ai qu'une vieille routine de piété, que quelques pauvres idées de vertu, mesquines et incomplètes. Hélas! mon Dieu, vous qui devriez avoir à votre service tout ce qu'il y a de plus grand, de plus parfait, de plus saint, comment avez-vous pu me choisir: moi, infirme, pauvre, créature de néant; moi, plein de misères, couvert encore des cicatrices de mes péchés, tout lépreux encore du vieil homme qui vit en mon être? Comment oserai-je accepter cette grâce, habiter avec les anges, être en la même maison que votre divine Mère, rester en votre compagnie et en votre sainte présence? Oh ! Marie, ma céleste Reine et divine Mère, je ne puis accepter cet honneur, devenir l'heureux serviteur de Jésus-Eucharistie, si vous ne consentez à me former, à m'élever, à me revêtir de votre esprit, de vos vertus, de vos mérites, si vous ne me prenez pour votre enfant, vous la Reine et la Mère des serviteurs de Jésus, vous qui ne vivez que pour Jésus, qui ne nous aimez qu'en Jésus et pour Jésus! Je remets donc entre vos mains, bonne Mère, la grâce et l'éducation de ma vocation. Je me donne à vous ; donnez-moi à Jésus. Donné et formé par vous, ô bonne Mère, Jésus mon doux Maître me recevra bien et m'aimera en vous!
II. Si ma vocation est belle, les devoirs en sont grands et divins. Je dois passer ma vie dans l'adoration, au pied du trône de l'amour incarné : faisant devant le trône eucharistique ce que les anges et les saints font et feront éternellement dans le ciel : louer sa bonté infinie, bénir sa miséricorde sans bornes, remercier son amour, me dévouer à sa gloire, m'immoler pour les pécheurs, me consumer pour l'extension de son règne sur la terre. Je dois vivre toujours avec Jésus-Hostie, comme la très sainte Vierge à Nazareth et au Cénacle, comme les saints dans la gloire. Je ne dois pas le quitter pour servir et suivre le prochain: ma mission est celle de Madeleine contemplative, avec la Reine des apôtres, au Cénacle, priant devant le Tabernacle, convertissant le monde dans sa prière au pied de l'Eucharistie; celle de sainte Thérèse, de sainte Catherine de Sienne et de toutes ces saintes âmes qui font un continuel apostolat de prière et d'immolation. Je dois honorer d'une manière toute spéciale la vie intérieure et cachée de Jésus au Saint Sacrement; vivre inconnu des hommes, même pieux et saints; oublié des miens, méprisé du monde, mort à tous pour vivre plus librement et plus purement avec Jésus en Dieu. Mais comment pourrai-je tout seul remplir de si sublimes devoirs? Comment oserai-je même m'approcher de Jésus et le servir? Hélas! tout seul j'aurai honte de moi! Mais, ô ma bonne Mère, puisque vous daignez devenir ma maîtresse, vous me laisserez adorer Jésus avec vous, le bénir avec vos louanges, le prier avec vos prières, le servir avec vos mains, l'aimer avec votre cœur, le glorifier avec votre sainteté. Je serai alors comme votre disciple, votre enfant, et, le dirai-je, une petite Marie, un autre vous-même servant Jésus! Je vous dirai simplement et naïvement mes fautes, bonne Mère. Je vous dirai mon ignorance, ma petite science, mes petits succès; je vous remettrai les petites fleurs de vertu que j'aurai cueillies, et vous offrirez tout à Jésus, et moi avec vous. A cette condition seule, j'espère devenir un véritable serviteur du Très Saint Sacrement. Mon Dieu, voici donc votre humble serviteur, qu'il me soit fait selon votre miséricordieuse bonté et votre grâce d'amour!
Notre-Dame du Très Saint Sacrement, Mère et modèle des adorateurs, priez pour nous qui avons recours à vous!
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