Le Mois de Marie avec Saint Louis-Marie Grignion de Montfort
Le Mois de Marie avec Saint Louis-Marie Grignion de Montfort
Sixième jour
Marie, mère des hommes
I. Dieu le Père veut toujours avoir des enfants par Marie jusqu'à la consommation du monde, et il lui dit ces paroles : « In Jacob inhabita, Demeurez en Jacob », c'est-à- dire faites votre demeure et résidence dans mes enfants et prédestinés, figurés par Jacob et non point dans les enfants du démon figurés par Esaü.
Comme dans l'ordre naturel il faut qu'un enfant ait un père et une mère, de même dans l'ordre de la grâce tous les vrais enfants de Dieu et prédestinés ont Dieu pour père et Marie pour mère ; et qui n'a pas Marie pour mère n'a pas Dieu pour père.
C'est pourquoi les réprouvés, comme les hérétiques, les schismatiques, etc, qui laissent ou regardent avec mépris la très sainte Vierge n'ont point Dieu pour père, quoiqu'ils s'en glorifient, parce qu'ils n'ont point Marie pour mère, car s'ils l'avaient pour mère, ils l'aimeraient et l'honoreraient comme un vrai et bon enfant aime naturellement et honore sa mère qui lui a donné la vie.
Le signe le plus infaillible et le plus indubitable pour distinguer un hérétique, un homme de mauvaise doctrine, un réprouvé d'avec un prédestiné, c'est que l'hérétique et le réprouvé n'ont que du mépris ou de l'indifférence pour la très sainte Vierge, tâchant par leurs paroles et leurs exemples d'en diminuer le culte et l'amour ouvertement ou en secret, quelquefois sous de beaux prétextes. Hélas ! Dieu n'a point dit à Marie de faire sa demeure en eux parce qu'ils sont des Esaü.
II. Dieu le Fils veut se former, et, pour ainsi dire, s'incarner tous les jours par sa chère Mère dans ses membres et il lui dit : « In Israel hæreditare, ayez Israël pour héritage » ; c'est comme s'il disait : Dieu, mon Père, m'a donné pour héritage toutes les nations de la terre, tous les hommes bons ou mauvais, prédestinés ou réprouvés ; je conduirai les uns par la verge d'or, et les autres par la verge de fer ; je serai le père et l'avocat des uns, le juste vengeur des autres et le juge de tous ; mais pour vous, ma chère Mère, vous n'aurez pour héritage et possession que les prédestinés figurés par Israël ; et comme leur bonne Mère, vous les enfanterez et les élèverez, et comme leur Souveraine vous les conduirez, les gouvernerez et les défendrez.
De plus, Jésus étant à présent autant que jamais le fruit de Marie, comme le ciel et la terre le lui répètent mille fois tous les jours : « Et Jésus le fruit de vos entrailles est béni », il est certain que Jésus-Christ est en particulier pour chaque homme qui le possède, aussi véritablement le fruit et l'œuvre de Marie que pour tout le monde en général, en sorte que si quelque fidèle a Jésus-Christ formé dans son cœur, il peut dire hardiment grand merci à Marie ; ce que je possède est son effet et son fruit, et sans elle je ne l'aurais pas. Et on peut lui appliquer plus véritablement que saint Paul ne se les applique, ces paroles : « quos iterum parturio donec formetur Christus in vobis : J'enfante tous les jours les enfants de Dieu jusqu'à ce que Jésus-Christ mon Fils soit formé en eux dans la plénitude de son âge ».
Saint Augustin, se surpassant lui-même en tout ce que je viens de dire, affirme que tous les prédestinés, pour être conformes à l'image du Fils de Dieu, sont en ce monde cachés dans le sein de la très sainte Vierge, où ils sont gardés, nourris, entretenus et agrandis par cette bonne Mère, jusqu'à ce qu'elle les enfante à la gloire, après la mort, qui est proprement le jour de la naissance, comme l’Église appelle la mort des justes. Ô mystère de grâce inconnu aux réprouvés et peu connu aux prédestinés !
III. Dieu le Saint-Esprit veut se former en Elle et par Elle des élus, et il lui dit : « In electis meis mitte radices : Jetez, ma bien-aimée, les racines de toutes vos vertus dans mes élus, afin qu'ils croissent de vertu en vertu, et de grâce en grâce. J'ai pris tant de complaisance en vous, lorsque vous viviez sur la terre, dans la pratique des plus sublimes vertus, que je désire encore vous trouver sur la terre, sans que vous cessiez d'être dans le ciel. Reproduisez-vous, pour cet effet, dans mes élus que je voie en eux avec complaisance les racines de votre foi invincible, de votre humilité profonde, de votre mortification universelle, de votre oraison sublime, de votre charité ardente, de votre espérance ferme et de toutes vos vertus. Vous êtes toujours mon épouse aussi fidèle, aussi pure et aussi féconde que jamais. Que votre foi me donne des fidèles ; que votre pureté me donne des vierges ; que votre fécondité me donne des élus et des temples ! »
Quand Marie a jeté ses racines dans une âme, elle y produit des merveilles de grâce qu'elle seule peut produire.
Histoires
C'est surtout au moment de choisir un état de vie qu'on a besoin des conseils et des inspirations de la Sainte Vierge. Aucune mère ne peut ici-bas donner des conseils aussi sages.
Le Père de Montfort, pendant son cours de philosophie, comprit combien il avait besoin d'elle, et sa décision fut bientôt prise. Avec son énergie de caractère, sa profonde piété et sa confiance sans bornes envers Marie, ses indécisions n'avaient pas duré longtemps. Que de fois, alors, il dut répéter ces paroles de notre liturgie : « Monstra te esse matrem, sumat per te preces qui pro nobis natus tulit esse tuus ! » Les conseils de sa bonne Mère du ciel ne lui manquèrent pas à ce moment critique. C'est du moins ce qu'affirme son condisciple et son ami, M. Blain.
« Il semble, dit-il, que la sainte Vierge le conduisait en toutes ses voies, comme l'Archange Gabriel le jeune Tobie. Il semble qu'il apprenait d'Elle tout ce qu'il avait à faire, même dans les choses les plus embarrassées, comme la vocation à un état de vie ».
Nous ne pouvons mieux faire, dans les mêmes circonstances, que d'imiter ce beau modèle.
Des Juifs sauvés par Marie
En 1881, le jour de l'Immaculée Conception, au moment de l'incendie du grand théâtre de Vienne, en Autriche, une femme juive, qui y avait envoyé ses trois enfants , apprenant qu'il brûlait, sortit de sa maison, tout éperdue de douleur, criant de toutes ses forces : « Maria hilf, Maria hilf ! » c'est-à-dire : « Marie, au secours, Marie au secours ! »
Cette malheureuse mère s'était souvenue que dans leurs détresses les chrétiens recouraient à leur Mère du ciel et surtout l'invoquaient sous le titre de Notre Dame du Secours ou Maria hilf, nom que porte une des églises de Vienne.
Et répétant sans interruption cette invocation si étonnante dans la bouche d'une juive, elle arrive au lieu du sinistre, au moment où l'on sortait ; une à une, de cette immense fournaise, les infortunées victimes toutes calcinées.
La juive, à cette vue, redouble son cri d'alarme : « Maria hilf !... » Bientôt elle se trouve entourée, comme miraculeusement, de ses trois enfants échappés aux flammes d'une manière si extraordinaire, quand plus de mille victimes furent brûlées vives dans cette fournaise, véritable et vivante image de l'enfer (1).
Ivre de joie et de reconnaissance, la pauvre mère les entraîne de ce pas dans l'église de Maria hilf pour louer et remercier la bonne Mère des chrétiens d'avoir sauvé des flammes ses chers enfants. Elle demande six messes d'actions de grâces pour remercier Marie de ce bienfait.
Une fois de plus, Marie s'était montrée la Mère de ceux qui l'aiment sans la connaître.
(1) On n'a pu savoir exactement le nombre des victimes. On avait délivré 854 billets d'entrée seulement dans les 3° et 4 étages.
Pratique : Considérez, avec reconnaissance et bonheur, que vous êtes l'enfant de Marie, non pas quant à votre corps, mais quant à la vie surnaturelle de votre âme, qui est la plus excellente portion de vous-même. Marie a fait, de ses mains, la tunique dont elle couvrit le corps de Jésus, de même, comme une bonne Mère, elle revêt votre âme des mérites de son Fils et des siens propres, se montrant ainsi la Mère des vivants.
Reconnaissance et amour à Marie !