Chemin de croix 2009 au Colisée
Texte intégral du Chemin de Croix présidé par le pape Benoît au Colisée
Introduction
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen.
Chers frères et sœurs, nous sommes venus ici chanter ensemble un «hymne d'espérance». Nous voulons nous dire à nous-mêmes que tout n'est pas perdu dans les moments difficiles. Lorsque les mauvaises nouvelles se succèdent, nous sommes opprimés par l'angoisse. Lorsque le malheur nous frappe de plus près, nous nous décourageons. Lorsqu'une catastrophe fait de nous ses victimes, la confiance en nous même est entièrement ébranlée et notre foi est mise à dure épreuve. Mais tout n'est pas encore perdu. Comme Job, nous sommes à la recherche d'un sens (cf. Jb 1, 13-2, 10). Dans cet effort, nous avons un exemple: «Abraham crut, espérant contre toute espérance» (Rm 4, 18). En vérité, dans les temps difficiles, nous ne voyons aucune raison pour croire et espérer. Et pourtant, nous croyons. Et pourtant, nous croyons. Et pourtant, nous espérons. Cela peut arriver dans la vie de chacun de nous. Cela a lieu dans le contexte social plus large. Avec le psalmiste, nous nous demandons: «Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi? Espère en Dieu» (Ps 42, 6). Nous renouvelons et nous renforçons notre foi et nous continuons à avoir confiance dans le Seigneur. Car il sauve ceux qui ont perdu toute espérance (cf. Ps 34, 19). Et cette espérance à la fin ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5). C'est véritablement dans le Christ que nous comprenons la pleine signification de la souffrance. Au cours de cette méditation, tandis que nous contemplerons avec angoisse l'aspect douloureux de la souffrance de Jésus, nous porterons également notre attention sur sa valeur rédemptrice. Le projet de Dieu était que le «Messie devait souffrir» (Ac 3, 18; 26, 23) et que ces souffrances devaient être pour nous (cf. 1 P 2, 21). La conscience de cela nous remplit d'une vive espérance (cf. 1 P 1, 3). C'est cette espérance qui nous maintient heureux et constants dans la tribulation (cf. Rm 12, 12). Un chemin de foi et d'espérance est un long chemin spirituel, attentif au plus profond dessein de Dieu dans les processus cosmiques et dans les événements de l'histoire humaine. Etant donné que sous la superficie de catastrophes naturelles, de guerres, de révolutions et de conflits en tout genre, il y a une présence silencieuse, il y a une action divine précise. Il demeure caché dans le monde, dans la société, dans l'univers. La science et la technologie révèlent les merveilles de sa grandeur et de son amour: «Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde» (Ps 19, 3). Il respire l'espérance. Il révèle ses desseins à travers sa «Parole», montrant la façon dont il puise le bien du mal tant dans les petits événements de nos vies personnelles, que dans les grands événements de l'histoire humaine. Sa «Parole» fait connaître «la glorieuse richesse» du dessein de Dieu, qui dit qu'il nous libère de nos péchés et que le Christ est au milieu de vous, lui, l'espérance de la gloire (Col 1, 27). Puisse ce message d'espérance retentir de Hoang-Ho jusqu'au Colorado, de l'Himalaya aux Alpes et aux Andes, du Mississipi au Brahmaputra. Il dit: «Soyez forts, prenez courage, vous tous qui espérez le Seigneur» (Ps 30, 25).
Première Station
Jésus à l'agonie dans le Jardin des Oliviers
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 22, 41-44
Puis Jésus s'écarta à la distance d'un jet de pierre environ. Se mettant à genoux, il priait: «Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe; cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne». Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. Dans l'angoisse, Jésus priait avec plus d'insistance; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu'à terre.
Jésus était à l'agonie. La douleur et l'angoisse s'abattirent sur lui. Le péché de toute l'humanité l'opprimait de ton son poids! . Mais plus sa douleur était grande, plus sa prière était intense. La douleur est toujours pour nous un défi. Nous nous sentons seuls abandonnés. Nous oublions de prier et nous nous écroulons. Certains vont même jusqu'à s'ôter la vie. Mais si nous nous tournons vers Dieu, nous devenons spirituellement forts et nous nous rapprochons de nos frères en difficulté (cf. 1 Tm 5, 10).Jésus continue de souffrir à travers ses disciples persécutés. Le Pape Benoît XVI dit qu'à notre époque aussi, les martyrs «ne font pas défaut pas à l'Eglise» (Sacramentum caritatis, n. 85). Le Christ est à l'agonie parmi nous et à notre époque. Nous prions pour ceux qui souffrent. Le mystère de la souffrance chrétienne a une valeur la rédemptrice. Puissent les persécutions, que subissent les croyants, compléter en eux le souffrances du Christ, qui apportent le salut (cf. Col 1, 24) Seigneur Jésus, fais que nous puissions comprendre plus profondément le grand «mystère du mal» et dans quelle mesure nous y avons contribué. Puisque la souffrance est entrée dans la vie humaine à travers le péché, ton plan a prévu que l'humanité fût sauvée du péché à travers la souffrance. Que ne se perdent aucune des petites contrariétés, humiliations et frustrations que nous subissons dans nos vies quotidiennes ni aucun des grands malheurs qui nous frappent de manière inattendue. Unies aux tiennes, puissent les tribulations que nous supportons, accueillies par toi, produire de l'espérance (cf. Rm 5, 4). Seigneur, enseigne-nous à être emplis de compassion non seulement avec ceux qui ont faim, qui ont soif, avec les malades ou ceux qui se trouvent dans un état de besoin particulier, mais aussi envers ceux qui sont enclins à être malpolis, polémiques ou offensants. De cette manière, puisque tu nous as réconfortés dans toutes nos difficultés, puissions-nous nous aussi «réconforter tous ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes de Dieu» (2 Co ! 1, 4).
Pater noster, qui es in coelis, sanctificetur nomen tuum, adveniat regnum tuum, Fiat voluntas tua, sicut in caelo et in terra. Panem nostrum quotidianum da nobis hodie. Et dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. Et ne nos inducas in tentationem. Sed libera nos a malo. Amen
Stabat mater dolorosa
Debout, la Mère douloureuse
iuxta crucem lacrimosa
près de la Croix était en larmes
dum pendebat Filius.
devant son Fils suspendu.
Deuxième station
Jésus est trahi par Judas et retient la violence de Pierre
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 22, 47-50
De l'Evangile selon saint Matthieu 26, 52.56
Il parlait encore quand parut une foule de gens. Le nommé Judas, l'un des Douze, marchait à leur tête. Il s'approcha de Jésus pour l'embrasser. Jésus lui dit: «Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme?». Voyant ce qui allait se passer, ceux qui entouraient Jésus lui dirent: «Seigneur, faut-il frapper avec l'épée?». L'un d'eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille droite. Jésus lui dit: «Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée». Alors les disciples l'abandonnèrent tous et s'enfuirent.
C'est un ami proche qui trahit Jésus, et par un baiser qui plus est. La manière dont Jésus a affronté la violence contient un message pour notre époque. La violence est suicidaire - dit-il à Pierre - et on ne l'emporte pas sur elle par une autre violence, mais par une énergie spirituelle supérieure, qui s'étend aux autres sous forme d'amour qui guérit. Jésus touche le serviteur du souverain prêtre et le guérit. L'homme violent peut avoir besoin aujourd'hui aussi d'un geste qui guérit, né d'un amour qui transcende les questions immédiates. A une époque de conflit entre personnes, groupes ethniques et religieux, nations, intérêts économiques et politiques, Jésus dit que le conflit et la violence ne sont pas la réponse, mais c'est l'amour, la persuasion et la réconciliation. Même lorsqu'il nous semble ne pas parvenir à de tels efforts, nous plantons quoi qu'il en soit des semences de paix, qui porteront du fruit en leur temps. La justesse de notre cause est notre force. Seigneur Jésus, tu nous considères comme tes amis, et pourtant nous relevons des traces d'infidélité en nous-mêmes. Nous reconnaissons nos transgressions. Nous sommes parfois présomptueux et trop sûrs de nous-mêmes. Nous tombons. Ne permets pas que l'avarice, la concupiscence ou l'orgueil nous surprennent. Avec quelle légèreté nous recherchons des satisfactions éphémères et des idées sans fondements! Fais que nous ne soyons pas «secoués et menés à la dérive par tous les courants d'idées, mais qu'en vivant dans la vérité de l'amour, nous grandissions dans le Christ pour nous élever en tout jusqu'à lui, car il est la Tête» (Ep 4, 14-15). Puisse la vérité et la sincérité des intentions être notre force. Réprime, Seigneur, notre impétuosité dans des situations de violence, comme tu as réprimé le caractère impulsif de Pierre. Garde-nous sereins dans l'esprit face à l'opposition et à des traitements injustes (cf. Jc 5, 10-11a). Persuade-nous qu'«une aimable réponse apaise la fureur» (Pr 15, 1) dans nos familles et que la «bonté» unie à la «sagesse» apporte la sérénité dans la société (cf. Pr 31, 26). «Seigneur fais de moi un instrument de ta paix» (attribué à saint François d'Assise).
Pater noster...
Cuius animam gementem,
Dans son âme qui gémissait,
contristatam et dolentem
toute brisée, endolorie,
pertransivit gladius.
le glaive était enfoncé.
Troisième station
Jésus est condamné par le Sanhédrin
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Matthieu, 26, 62-66
Alors le grand prêtre se leva et lui dit: «Tu ne réponds rien à tous ces témoignages portés contre toi?». Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit: «Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Messie, le Fils de Dieu». Jésus lui répond: «C'est toi qui l'as dit; mais en tout cas, je vous le déclare: désormais vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel». Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant: «Il a blasphémé! Pourquoi nous faut-il encore des témoins? Vous venez d'entendre le blasphème! Quel est votre avis?». Ils répondirent: «Il mérite la mort».
Sur toutes les terres, il y a eu des personnes innocentes qui ont souffert, des personnes qui sont mortes en combattant pour la liberté, l'égalité ou la justice. Ceux qui luttent en faveur des «enfants de Dieu» promeuvent l'œuvre de Dieu lui-même. Car il défend les droits des faibles et des opprimés (cf. Is 1, 17). Quiconque collabore à cette œuvre dans l'esprit de Jésus apporte l'espérance aux opprimés et offre un message de justice à celui qui accomplit le mal. La manière de Jésus de combattre pour la justice n'est pas de susciter la colère collective des personnes contre l'opposant, ce qui a pour conséquence de les pousser à des formes de plus grande injustice. Au contraire, elle est de défier l'ennemi avec la justesse de notre propre cause et de susciter la bonne volonté de l'opposant de manière telle qu'il renonce à l'injustice par la persuasion et la conversion du cœur. Le Mahatma Gandhi a apporté dans la vie publique cet enseignement de Jésus sur la non-violence avec un étonnant succès. Seigneur, nous jugeons souvent les autres hâtivement, indifférents à la réalité des faits et insensibles aux sentiments des personnes! Nous mettons en acte des stratagèmes d'auto justification et nous essayons d'expliquer la manière irresponsable dont nous nous sommes comportés avec «l'autre». Pardonne-nous! Lorsque nous sommes mal jugés et injustement traités, donne-nous, Seigneur, la paix intérieure et la confiance que ton Fils a manifestées devant l'injustice. Préserve-nous d'une réponse agressive qui irait contre ton Esprit. Au contraire, aide-nous à apporter ta puissante Parole dans des situations de tension et de crainte, afin que puisse se révéler son pouvoir dynamique dans l'histoire. C'est dans sa volonté que notre paix habite» (Dante Alighieri, La Divine Comédie, Paradis, Chant III, v. 85).
Pater noster...
O quam tristis et afflicta
Qu'elle était triste et affligée,
fuit illa benedicta
la Mère entre toutes bénie,
mater Unigeniti!
la Mère du Fils Unique!
Quatrième station
Jésus est renié par Pierre
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
! Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 22, 54-62
Ils se saisirent de Jésus pour l'emmener et ils le firent entrer dans la maison du grand prêtre. Pierre suivait de loin. Ils avaient allumé un feu au milieu de la cour et ils s'étaient tous assis là. Pierre était parmi eux. Une servante le vit assis près du feu; elle le dévisagea et dit: «Celui-là aussi était avec lui». Mais il nia: «Femme, je ne le connais pas». Peu après, un autre dit en le voyant: «Toi aussi, tu en fais partie». Pierre répondit: «Non, je n'en suis pas». Environ une heure plus tard, un autre insistait: «C'est sûr: celui-là était avec lui, et d'aill! eurs il est Galiléen». Pierre répondit: «Je ne vois pas ce que tu veux dire». Et à l'instant même, comme il parlait encore, un coq chanta. Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre; et Pierre se rappela la parole que le Seigneur lui avait dite: «Avant que le coq chante aujourd'hui, tu m'auras renié trois fois». Il sortit et pleura amèrement.
Pierre affirmait qu'il était fort, mais il s'est écroulé devant une jeune servante. La faiblesse humaine nous prend par surprise et nous tombons. Voilà pourquoi Jésus nous demande de veiller et de prier (cf. Mt 26, 41). Et il nous exhorte à renoncer à nous-mêmes et à nous approcher de Dieu. A l'intérieur de nous, ! il y a un «moi» rebelle. Nous sommes souvent intérieurement divisés (cf. Jc 4, 8) mais nous ne parvenons pas à reconnaître cette incohérence intérieure. Pierre la reconnut lorsque ses yeux rencontrèrent les yeux de Jésus, et alors il pleura. Plus tard, Thomas, rencontrant le Seigneur ressuscité, se rendit compte de son infidélité et il crut. Paul, à la lumière du Christ, se rendit compte de la contradiction intérieure et il la surmonta avec son aide (cf. Rm 7, 14-25), jusqu'à parvenir enfin à la découverte: «Je vis, mais ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Seigneur, avec quelle facilité nous tolérons une divergence toujours plus grande entre ce que nous prétendons être et ce que nous sommes réellement! Trop souvent, nous ne parvenons pas à mettre en œuvre nos propres décisions et pas même à honorer parfois les promesses les plus solennelles! Par conséquent, nous sommes souvent hésitants au moment de prendre un engagement définitif même avec toi. Nous confessons que nous ne sommes pas parvenus à apporter dans notre vie cette discipline intérieure, que l'on attend de toute personne adulte et qui est nécessaire au succès de tout projet humain. Accorde la fermeté à notre détermination intérieure. Aide-nous à conduire à une heureuse conclusion toute œuvre de bien commencée. Rends-nous capables d'être «debout, comme des gens parfaits et pleinement accordés à la volonté de Dieu» (Col 4, 12).
Pater noster...
Quæ mærebat et dolebat
Qu'elle avait mal, qu'elle souffrait
pia mater, cum videbat la tendre
la Mère, en contemplant
Nati pœnas incliti.
Son divin Fils tourmenté!
Cinquième station
Jésus est jugé par Pilate
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 23, 22-25
Pour la troisième fois, il leur dit: «Quel mal a donc fait cet homme? Je n'ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le faire châtier, puis le relâcher». Mais eux insistaient à grands cris, réclamant qu'il soit crucifié; et leurs cris s'amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur demande. Il relâcha le prisonnier condamné pour émeute et pour meurtre, celui qu'ils réclamaient, et il livra Jésus à leur bon plaisir.
Ce n'était pas la justesse d'une question qui importait à Pilate, mais ses intérêts professionnels. Une telle attitude ne l'aida pas dans ce cas, ni dans sa carrière successive. Il était si différent de Jésus, que la rectitude intérieure rendait courageux. Et Pilate n'était pas non plus intéressé par la vérité. Il s'éloigne de Jésus en s'exclamant: «Qu'est-ce que la vérité?» (Jn 18, 38). Une telle indifférence à l'égard de la vérité n'est pas rare aujourd'hui. Les personnes se préoccupent souvent de ce qui procure une satisfaction immédiate. On se contente de réponses superficielles. On prend des décisions non pas sur la base de principes d'intégrité, mais de considérations opportunistes. En ne choisissant pas d'options moralement responsables, on porte atteinte aux intérêts vitaux de la personne humaine et de la famille humaine. Prions afin que les «conceptions spirituelles et éthiques», contenues dans la Parole de Dieu, inspirent les normes de vie de la société à notre époque (cf. XIIe Assemblée générale ordinaire du synode des évêques, Message au Peuple de Dieu, 24 octobre 2008, n.15). Seigneur, donne-nous le courage de prendre des décisions responsables lorsque nous rendons un service public. Diffuse la probité dans la vie publique et aide-nous à «conserver la foi et la conscience droite» (cf. 1 Tm 1, 19). Seigneur, tu es la source de toute Vérité. Guide-nous dans notre recherche de réponses ultimes. Fais que, laissant derrière nous les explications partielles et incomplètes, nous puissions rechercher ce qui est en permanence vrai, beau et bon. Seigneur, arme-nous de courage devant «la fronde et les flèches de la fortune outrageante» (William Shakespeare, Hamlet, III, 1). Lorsque les ombres s'intensifient sur les chemins escarpés de la vie, et que descend la nuit obscure, rends-nous capables d'écouter l'enseignement de l'apôtre Paul: «Veillez, tenez bon dans la foi, soyez des hommes, soyez forts» (1 Co 16, 13).
Pater noster...
Quis est homo qui non fleret,
Quel est celui qui sans pleurer
matrem Christi si vederet
pourrait voir la Mère du Christ
in tanto supplicio?
dans un supplice pareil?
Sixième station
Jésus est flagellé et couronné d'épines
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Matthieu, 27, 26-30
Pilate leur relâcha donc Barabbas; quant à Jésus, il le fit flageller, et le leur livra pour qu'il soit crucifié. Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans le prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde. Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d'un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s'agenouillaient en lui disant: «Salut, roi des Juifs!». Et, crachant sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête.
L'inhumanité atteint de nouveaux sommets. Jésus est flagellé et couronné d'épines. L'histoire est pleine de haine et de guerre. Aujourd'hui aussi, nous sommes témoins de violences au-delà de ce qui est crédible: meurtres, violences sur les femmes et les enfants, prises d'otages, extorsions, conflits ethniques, violences urbaines, tortures physiques et mentales, violations des droits humains. Jésus continue de souffrir lorsque les croyants sont persécutés, lorsque la justice est administrée de façon déformée dans les tribunaux, lorsque la corruption est enracinée, les structures injustes écrasent les pauvres, les minorités sont opprimées, les réfugiés et les migrants maltraités. Jésus est dépouillé de ses vêtements lorsque la personne humaine est déshonorée sur les écrans, lorsque les femmes sont contraintes à s'humilier, lorsque les enfants des quartiers pauvres errent dans les rues, ramassant les ordures. Qui sont les coupables? Ne montrons pas du doigt les autres, car nous aussi, nous avons pu avoir une part de responsabilité dans ces formes d'inhumanité. Seigneur Jésus, nous savons que tu souffres lorsque nous sommes une cause de souffrance les uns pour les autres et que nous demeurons indifférents. Ton cœur a été touché par la compassion lorsque tu as vu les foules «fatiguées et abattues, comme des brebis sans berger» (Mt 9, 36). Donne-moi des yeux qui reconnaissent les besoins des pauvres et un cœur qui se prodigue par ! amour. «Donne-moi la force de rendre mon cœur fécond dans le service» (Rabindranath Tagore, Gitanjali, 36). Surtout, fais que nous puissions partager avec le pauvre ta «parole» d'espérance, l'assurance de ton aide. Puisse «l'amour de ta maison» brûler en nous comme un feu (Ps 69, 10). Aide-nous à porter le soleil vivant de ta joie dans la vie de ceux qui se traînent le long des chemins du désespoir.
Pater noster...
Pro peccatis suæ gentis
Pour les péchés de tout son peuple
vidit Iesum in tormentis,
elle le vit dans ses tourments,
et flagellis subditum.
subissant les coups de fouet.
Septième station
Jésus, objet de moqueries, est emmené pour être crucifié
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Matthieu 27, 31
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l'emmenèrent pour le crucifier.
Jésus, au nom duquel chacun tombe à genou aux cieux et sur terre (cf. Ph 2, 10), est l'objet de moqueries. Nous sommes bouleversés en voyant les degrés de brutalité dans lesquels les êtres humains peuvent sombrer. Jésus est humilié de façons nouvelles aujourd'hui aussi: lorsque les réalités les plus sacrées et profondes de la foi sont banalisées, lorsque l'on laisse le sens du sacré s'effriter, et que le sentiment religieux est relégué dans les vestiges désagréables de l'antiquité. Dans la vie publique, tout risque d'être désacralisé: les personnes, les lieux, les promesses, les prières, les pratiques, les paroles, les textes sacrés, les formules religieuses, les symboles, les cérémonies. Notre vie sociale devient toujours plus sécularisée. Le sacré est effacé. La vie religieuse devient timide. Ainsi, nous voyons que les questions les plus importantes se situent parmi les inepties et les banalités glorifiées. Les valeurs et les normes, qui maintenaient ensemble les sociétés et guidaient les personnes vers les idéaux les plus élevés, sont raillés et jetés à la mer. Jésus continue à être ridiculisé! Nous avons la foi, Seigneur, mais pas assez. Aide notre incrédulité (cf. Mc 9, 24). Fais que nous ne mettions jamais en doute ou que nous ne nous moquions pas avec cynisme des aspects les plus sérieux de la vie. Accorde-nous de ne pas perdre notre chemin dans le désert de l'absence de Dieu. Rends-nous en mesure de te percevoir dans la brise légère, de te voir aux angles des rues, de t'aimer dans l'enfant qui n'est pas encore né. Dieu, fais-nous comprendre que sur le Thabor ou sur le Calvaire, ton Fils est le Seigneur. Avec ses habits resplendissants ou dépouillés de ses vêtements, il est le Sauveur du monde (cf. Jn 4, 42). Rends-nous attentifs à ses présences silencieuses: dans sa «Parole», dans les tabernacles, les sanctuaires, les lieux humbles, les personnes simples, la vie des pauvres, le rire des enfants, les pins qui murmurent, les collines qui ondulent, la! plus petite cellule vivante, l'atome le plus petit et les galaxies lointaines. Fais que nous puissions le regarder avec stupeur tandis qu'il marche sur les eaux du Rhin, du Nil et du Tanganica.
Pater noster...
Quis non posset contristari
Qui pourrait sans souffrir comme elle
Christi matrem contemplari
contempler la Mère du Christ
dolentem cum Filio?
douloureuse avec son Fils?
Huitième station
Jésus est aidé par Simon de Cyrène à porter la Croix
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum
De l'Evangile selon saint Luc, 23, 26
Pendant qu'ils l'emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu'il la porte derrière Jésus.
Chez Simon de Cyrène, nous voyons le prototype du disciple fidèle qui prend la croix sur lui et suit le Christ (cf. Mt 10, 38). Il n'est pas différent des millions de chrétiens d'origines humbles, ayant un profond attachement au Christ. Privés de charisme, de raffinement, mais dotés d'une foi profonde. Des hommes et des femmes d'une telle foi continuent de croître en terre d'Afrique et d'Asie et sur les îles lointaines. C'est parmi eux que fleurissent les vocations. Simon nous rappelle les petites communautés et les tribus avec leur engagement caractéristique pour le bien commun, un profond enracinement dans les valeurs éthiques et l'ouverture à l'Evangile. Elles méritent attention et soin. Le Seigneur ne veut pas qu'«un seul de ces petits soit perdu» (Mt 18, 14). Chez Simon, nous découvrons le caractère sacré de l'ordinaire et la grandeur de ce qui semble petit. Car la réalité la plus petite a un certain rapport mystique avec la plus grande, et l'ordinaire avec la plus extraordinaire! Seigneur, dans ton plan admirable, tu élèves les humbles (cf. Lc 1, 52) et tu soutiens les pauvres. Renforce ton Eglise dans son service aux communautés défavorisées: les moins privilégiés, les marginalisés, les personnes vivant dans des bidonvilles, les pauvres des zones rurales, les personnes souffrant de malnutrition, les intouchables, les personnes handicapées, les victimes de diverses formes de dépendance. Puisse l'exemple de ta servante, Mère Teresa de Calcutta, nous inspirer et nous conduire à consacrer plus d'énergies et de ressources à la cause des «plus pauvres des pauvres». Puissions-nous nous aussi écouter un jour ces paroles de Jésus: «J'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'avais soif et vous m'avez donné à boire; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli; j'étais nu et vous m'avez habillé; j'étais malade et vous m'avez visité; j'étais en prison et vous êtes venus jusqu'à moi» (Mt 25, 35-36).
Pater noster...
Tui Nati vulnerati,
Ton enfant n'était que blessures,
tam dignati pro me pati,
lui qui daigna souffrir pour moi;
pœnas mecum divide.
donne-moi part à ses peines.
Neuvième station
Jésus rencontre les femmes de Jérusalem
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 23, 27-28
Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit: «Femmes de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi! Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants!».
Devant les femmes en larmes, Jésus oublie sa condition. Il ne s'occupe pas de ses souffrances, mais de l'avenir tragique qui les attend, elles et leurs enfants. Les destins des sociétés sont étroitement liés au bien-être de leurs femmes. Partout où elles ne sont pas tenues suffisamment en estime ou leur rôle est diminué, les sociétés ne peuvent pas s'élever et atteindre leurs véritables potentialités. De la même façon, partout où leur responsabilité envers les nouvelles générations est négligée, ignorée ou marginalisée, l'avenir de cette société devient incertain. Dans de nombreuses sociétés du monde, les femmes ne bénéficient pas d'un traitement équitable. Le Christ pleure probablement pour elles. Il existe également des sociétés qui ne se soucient pas de leur avenir. Le Christ pleure probablement pour leurs enfants. Partout où l'avenir est négligé, à cause de l'utilisation excessive des ressources, de la dégradation de l'environnement, de l'oppression des femmes, de l'abandon des valeurs familiales, du manque de respect pour les normes éthiques, ! de l'abandon des traditions religieuses, Jésus continue de dire aux personnes: «Ne pleurez pas sur moi! Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants!» (Lc 23, 28). Seigneur, tu es le Patron de l'histoire. Pourtant, tu as voulu notre collaboration pour accomplir tes desseins. Aide chacun à accomplir de façon responsable son rôle dans la société: les chefs dans leurs communautés, les parents dans leurs familles, les éducateurs et les agents de la santé dans leur domaine de compétence, les agents de la communication dans le monde de l'information. Suscite en nous le sens de la mission dans ce que nous faisons, un profond sens de responsabilité les uns envers les autres, envers la société, envers notre avenir commun et à ton égard, car tu as placé entre nos mains les destins de nos communautés et de l'humanité elle-même. Seigneur, ne détache pas de nous ton regard lorsque tu vois des femmes humiliées ou lorsque ton image est défigurée dans la personne humaine; lorsque nous interférons dans les systèmes de vie, lorsque nous affaiblissons le pouvoir nutritif de la nature, que nous polluons les cours d'eau, le bleu profond des mers ou les neiges du nord. Sauve-nous de l'indifférence cruelle pour notre avenir commun et ne permets pas que nous conduisions notre civilisation sur le sentier du déclin.
Pater noster...
Eia, mater, fons amoris,
Daigne, ô Mère, source d'amour,
me sentire vim doloris
me faire éprouver tes souffrances
fac, ut tecum lugeam.
pour que je pleure avec toi.
Dixième station
Jésus est crucifié
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 23, 33-37
De l'Evangile selon saint Matthieu , 27, 46
Lorsqu'on fut arrivé au lieu dit: le Crâne, ou Calvaire, on mit Jésus en croix, avec les deux malfaiteurs, l'un à droite et l'autre à gauche. Jésus disait: «Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu'ils font». Ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant: «Il en a sauvé d'autres: qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Elu!». Les soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner ! de la boisson vinaigrée, ils lui disaient: «Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même!». Vers trois heures, Jésus cria d'une voix forte: «Eli, Eli, lama sabactani?», ce qui veut dire: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?».
Les souffrances de Jésus atteignent leur comble. Il était resté impassible devant Pilate. Il avait supporté les mauvais traitements des soldats romains. Il avait gardé le contrôle de soi pendant la flagellation et le couronnement d'épines. Jusque sur la Croix, il semblait ne pas être bouleversé par la tempête des insultes. Il n'avait aucune parole de lamentation, ni de désir de vengeance. Puis toutefois, à la fin, arrive le moment où il cè! de. Il n'a plus la force de résister. Il se sent abandonné même par le Père! L'expérience nous apprend que même l'homme le plus fort peut descendre aux abîmes du désespoir. Les frustrations s'accumulent, la colère et le ressentiment ajoutent leurs poids. Les maladies, les mauvaises nouvelles, les malheurs, les mauvais traitements - tout peut arriver ensemble. Cela peut nous être arrivé à nous aussi. C'est dans ces moments-là que nous avons besoin de nous souvenir que Jésus ne nous abandonne jamais. Il s'adressa au Père avec un cri. Que notre cri aussi soit adressé au Père, qui vient constamment à notre aide dans toutes nos angoisses, chaque fois que nous l'invoquons (cf. Ps 107, 6, 13, 19, 20). Seigneur, lorsque les nuages s'accumulent à l'horizon et que tout semble perdu, lorsque nous ne trouvons pas d'amis qui nous soient proches et que l'espérance nous échappe des mains, apprends-nous à avoir confiance en toi, qui viendra assurément à notre secours (cf. Ps 25, 15). Puisse l'expérience de la douleur et des ténèbres intérieures nous enseigner la grande vérité qu'en toi rien n'est perdu, que même nos péchés - une fois reconnus dans le repentir - servent un but, comme le bois mort dans le froid de l'hiver (cf. Frère Roger de Taizé). Seigneur, tu as conçu un dessein universel derrière les mécanismes de l'univers et le progrès de l'histoire. Ouvre nos yeux aux rythmes et aux modèles dans les mouvements des étoiles! , à l'équilibre et aux proportions dans la structure intérieure des éléments, à l'interdépendance et à la complémentarité dans la nature, au progrès et au but dans le cours de l'histoire, à la correction et à la compensation dans nos histoires personnelles. C'est cette harmonie, que tu ne cesses de recréer malgré les douloureux déséquilibres que nous causons. En toi aussi, la perte la plus grande est un gain. La mort du Christ en effet est le prélude à la résurrection.
Pater noster...
Fac ut ardeat cor meum
Fais qu'en mon cœur brûle un grand feu
in amando Christum Deum,
pour mieux aimer le Christ mon Dieu
ut sibi complaceam.
et que je puisse lui plaire.
Onzième station
Jésus promet son Règne au bon larron
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Luc, 23, 39-43
L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait: «N'es-tu pas le Messie? Sauve-toi toi-même, et nous avec!» Mais l'autre lui fit de vifs reproches: «Tu n'as donc aucune crainte de Dieu! Tu es pourtant un condamné, toi aussi! Et puis, pour nous, c'est juste: après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal». Et il disait: «Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne». Jésus lui répondit: «Amen, je te le déclare: aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis».
Ce n'est pas l'éloquence qui convainc et qui convertit. Dans le cas de Pierre, c'est un regard d'amour; dans le cas du bon larron c'est la sérénité sans amertume pour la souffrance. La conversion s'accomplit comme un miracle.! Dieu ouvre tes yeux. Tu reconnais sa présence et son action. Tu te rends! Miser sur le Christ est toujours un mystère. Pourquoi fait-on un choix définitif pour le Christ, même avec la perspective des difficultés ou de la mort? Pourquoi les chrétiens fleurissent-ils dans les lieux de persécution? Nous ne le saurons jamais. Mais cela arrive sans cesse. Quand une personne qui a abandonné la foi rencontre le vrai visage du Christ, elle est abasourdie par ce qu'elle voit réellement et comme Thomas, elle pourrait se rendre: «Mon Seigneur et mon Dieu» (Jn 20, 28). C'est un privilège de révéler le visage du Christ aux autres. C'est une joie encore plus grande de le découvrir ou de le redécouvrir. «C'est ta face Seigneur que je cherche, ne me cache pas ta face» (Ps 27, 8). O Seigneur aujourd'hui c'est vers toi que, en larmes, je crie: «Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne» (Lc 23, 42). C'est vers ce règne que j'aspire avec confiance. C'est la demeure d'éternité que tu as préparée pour tous ceux qui te cherchent avec un cœur sincère. «Ce que personne n'avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l'homme n'avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu» (1 Co 2, 9). Aide-moi Seigneur pendant ! que je marche avec peine vers mon destin éternel. Dissipe l'obscurité sur mon chemin, et tiens mes yeux levés vers le haut!
«Conduis-moi, douce lumière, dans les ténèbres qui m'entourent. Conduis-moi! La nuit est épaisse et je suis loin de chez moi. Conduis-moi! Dirige mes pas, Je ne demande pas de voir l'horizon lointain un pas après l'autre, voilà qui me suffit»
(John Henry Newman, Livre de prières, sous la direction de Vincent Ferrer Blehl, s.j., Birmingham, 1990, p. 32).
Pater noster...
Sancta mater, istud agas,
Ô sainte Mère, daigne donc
Crucifixi fige plagas
graver les plaies du Crucifié
cordi meo valide.
profondément dans mon cœur.
Douzième station
Jésus, la Mère et le disciple qu'il aimait au pied de la Croix
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum
De l'Evangile selon saint Jean, 19, 25-27
Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: «Femme, voici ton fils». ! Puis il dit au disciple: «Voici ta mère». Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.
Dans la souffrance, nous désirons ardemment la solidarité. Marie, la mère, nous rappelle l'amour, le soutien et la solidarité de la famille, Jean la fidélité. La cohésion de la famille, les liens au sein de la communauté, les liens de l'amitié sont essentiels pour le développement des êtres humains. Dans une société anonyme, ils perdent de leur vigueur. Quand ils font défaut, notre humanité s'affaiblit. Par ailleurs, en Marie, nous ne relevons pas le moindre signe de rancœur, ni ni une parole d'amertume. La Vierge devient l'archétype du pard! on dans la foi et dans l'espérance. Elle nous montre le chemin vers l'avenir. Ceux qui voudraient aussi répondre à l'injustice violente avec une «justice violente», savent que cette réponse n'est pas la solution. Le pardon suscite l'espérance. Il existe aussi des offenses historiques qui peuvent blesser la mémoire des sociétés pendant des siècles. Si nous ne transformons pas notre colère collective en de nouvelles énergies d'amour au moyen du pardon, nous périrons. Quand la guérison arrive grâce au pardon, nous allumons une lampe qui annonce des possibilités nouvelles pour «la vie et la paix» de l'humanité (cf. Ml 2, 5). Seigneur Jésus, ta Mère se tenait silencieusement à tes côtés lors de ton agonie. Elle, qui est restée cachée quand ils t'acclamaient comme un grand prophète, est à côté de toi dans ton humiliation. Fais que j'aie le courage de demeurer fidèle aussi là où ils ne te reconnaissent pas. Accorde-moi de ne pas avoir honte d'appartenir au «petit troupeau» (Lc 12, 32). Seigneur, fais-moi me rappeler que ceux que je considère comme mes «ennemis» appartiennent aussi à la famille humaine. S'ils me traitent injustement, fais que ma prière soit seulement: «Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu'ils font» (Lc 23, 34). Il peut arriver que dans un contexte semblable, je reconnaisse à l'improviste le vrai visage du Christ et que je crie comme le centurion : «Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu!» (Mc 15, 39).
Pater noster...
Fac me tecum pie fere,
Que vraiment je pleure avec toi,
Crucifixo condolere,
qu'avecle Christ en Croix je souffre,
donec ego vixero
chacun des jours de ma vie!
Treizième station
Jésus meurt sur la Croix
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum
De l'Evangile selon saint Luc, 23, 46
Alors, Jésus poussa un grand cri: «Père, entre tes mains je remets mon esprit». Et après avoir dit cela, il expira.
Jésus remet sa vie à son Père dans un abandon serein. Ce que les persécuteurs croient être un moment d'échec est en fait un moment de triomphe. Quand un prophète meurt pour la cause qu'il a soutenue, i! l donne la preuve définitive de tout ce qu'il a dit. La mort du Christ est quelque chose de plus. Elle porte la rédemption (cf. Ga 3, 13). «En Lui, par son sang nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes» (Ep 1, 7).Pour moi, c'est avec cela que commence un chemin mystique: le Christ m'attire plus près de Lui jusqu'à ce que je lui appartienne totalement (cf. Jn 12, 32; Ph 3, 12-14; Ga 2, 20) «Comme un cerf altéré cherche l'eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu... Quand pourrai-je m'avancer, paraître face à Dieu?» (Ps 42, 2-3). Seigneur Jésus, tu as été cloué sur la Croix à cause de mes péchés. Aide-moi à acquérir une conscience plus grande de mes fautes et de l'immensité de ton amour. «Alors que nous n'étions encore capables de rien, le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs» (Rm 5, 6.8). Je te confesse mes péchés comme l'ont fait les prophètes: «Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité, nous avons fait le mal, nous avons été rebelles, nous! nous sommes détournés de tes commandements et de tes préceptes! Nous n'avons pas écouté tes serviteurs les prophètes...» (Dn 9, 5-6) Rien en moi ne mérite ta bienveillance. Je te rends grâce pour ton incommensurable bonté envers moi. Aide-moi à vivre pour toi, conforme ma vie à la tienne (cf. 1 Co 11, 1), de telle sorte que je sois uni à toi, et devienne une nouvelle créature (cf. 2 Co 5, 17). Le Christ avec moi, Le Christ en moi, le Christ derrière moi, Le Christ devant moi, le Christ à coté d! e moi, le Christ me conquiert, le Christ me réconforte, le Christ me guérit («Saint Patrick's Breastplate», hymne irlandais du VIIIe siècle)
Pater noster...
Vidit suum dulcem Natum
Elle vit son enfant très cher
Morientem desolatum
mourir dans la désolation
Cum emisit spiritum
Alors qu'il rendait l'esprit!
Quatorzième station
Jésus est descendu de la Croix et mis au tombeau
Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l'Evangile selon saint Marc, 15, 46
Joseph d'Arimathie, acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la Croix, l'enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l'entrée du tombeau.
La tragédie ! nous fait réfléchir. Un tsunami nous rappelle ce qu'est la vie. Hiroshima et Nagasaki demeurent des lieux de pèlerinage. Quand la mort nous touche de près, c'est un autre monde qui nous est proche. C'est alors que nous nous libérons des illusions et que nous avons la perception d'une réalité plus profonde. Autrefois les personnes priaient ainsi en Inde: «Conduis nous de l'irréel au réel, de l'obscurité à la lumière, de la mort à l'immortalité» (Brihadaranyaka Upanishads I.III.28). Après que Jésus eut laissé cette terre, les chrétiens ont commencé à regarder en arrière et à comprendre sa vie et sa mission. Ils ont annoncé son message jusqu'aux confins de la terre. Ce message, c'est Jésus Christ lui-m&eci! rc;me, qui est «puissance de Dieu et sagesse de Dieu» (1 Co 1, 24). Il nous dit que la réalité c'est le Christ (cf. Col 2, 17) et notre destin définitif est de vivre avec lui (cf. Ph 1, 23). Seigneur Jésus, alors que nous avançons avec peine sur le chemin de la vie, donne-nous de recevoir une lueur sur notre destin définitif. Et quand finalement nous franchirons le dernier seuil, nous saurons que «la mort n'existera plus, il n'y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse» (Ap 21, 4). Dieu essuiera toutes larmes de nos yeux. Voici la Bonne Nouvelle que nous désirons annoncer «de toute façon» (Ph 1, 23) là où le nom du Christ n'a pas encore ét&eac! ute; annoncé (cf. Rm 15, 20). Dans ce but, nous nous engageons totalement «travaillant jour et nuit» (1 Ts 2, 9) jusqu'à l'épuisement (cf. 1Co4, 12). Seigneur, apprend nous à être des messagers efficaces de ta Bonne Nouvelle. «Je sais, moi, que mon libérateur est vivant, et qu'à la fin il se dressera sur la poussière des morts; avec mon corps, je me tiendrai debout, et de mes yeux de chair,je verrai Dieu» (Jb 19, 25-26)
Pater noster...
Quando corpus morietur,
Au moment où mon corps mourra,
fac ut anim&aeli! g; donetur
fais qu'à mon âme soit donnée
paradisi gloria. Amen.
la gloire du Paradis. Amen.
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