Le
Frère André Bessette
Le
Petit Chien de Saint Joseph
1845-1937
Grand
événement pour le Québec! Le Dimanche 17 octobre, le Frère André
Bessette sera canonisé. Cet homme d'une grande humilité est connu
aujourd'hui dans le monde entier. On lui doit le plus grand
sanctuaire au monde dédié à Saint Joseph. Retour sur sa vie.
Le
Frère André, comme on l'appelait au Québec, avait une très grande
dévotion à Saint Joseph, Patron de l`Église Universelle. Comme
Saint Joseph, il connut lui aussi la souffrance, la pauvreté, le dur
travail, et il se confia toujours à la Divine Providence. Personne,
en le voyant, n'aurait pu imaginer que ce frêle religieux pourrait
entreprendre la tâche colossale de construire sur le Mont-Royal la
plus grande Basilique dédiée à Saint Joseph dans le monde entier,
mais c'est ce qu'il fit, et le fondement de l'Oratoire est fait de
plus de prières que de pierres, car il en a fallu des sacrifices et
des prières de la part du bon Frère et de ses amis pour ajouter ce
joyau à la couronne de Saint Joseph.
Prénommé
Alfred dans sa jeunesse, le Frère André est né à St Grégoire
d`Iberville, le 9 août 1845 de l'union d`Isaac et Clotilde Bessette,
le huitième de leurs douze enfants, et toute cette famille vivait
dans une petite maison d'une seule pièce. Ses deux parents étaient
très pieux et travailleurs: Isaac était menuisier et charron, et sa
mère était ménagère. Étant pauvres, ils n'avaient souvent que du
pain de seigle à manger, mais leur amour mutuel, ancré sur celui du
bon Dieu, faisait que ça ne les empêchait pas d'être heureux. Un
an après la naissance d'Alfred, la famille déménagea à Farnham
pour que m. Bessette puisse avoir plus d`ouvrage.
Alfred
fut de naissance affligé d'un problème d'estomac qui l'empêchait
de manger la plupart des aliments. Cette infirmité le rendit plus
fragile que ses frères et, bien qu'il désirait ardemment suivre son
père et ses frères quand ils allaient bûcher, il était toujours
trop malade pour ce faire. Clotilde avait toujours une place spéciale
dans son cœur pour Alfred, et elle s'efforçait de lui préparer des
mets qu'il pouvait digérer.
Mme
Bessette était de nature enjouée, un beau sourire illuminant
toujours son visage. Mais un jour de février 1851, elle fut
incapable de sourire. En effet elle eut le cœur brisé lorsque des
voisins se présentèrent ce jour-là à sa porte pour lui annoncer
que son mari était mort écrasé sous un arbre qu'il venait
d'abattre! Bien que glacée par la douleur, elle ne se laissa pas
décourager, enterra son défunt mari le lendemain, et retroussa ses
manches. À force de travail elle réussit à garder ses enfants près
d'elle, mais l'effort était trop grand pour que cela dure, et au
bout de quatre ans elle contracta la tuberculose. Obligée de
répartir ses enfants parmi les familles de la parenté, elle garda
néanmoins le petit Alfred à ses côtés. Tous deux déménagèrent
chez Marie, la sœur de Clotilde, et chez son mari Timothée Nadeau,
qui vivaient alors à Saint Césaire, un village voisin. Clotilde
combattit vaillamment la terrible maladie pendant deux ans mais, se
sentant près de la fin, elle fit venir tous ses enfants à son
chevet, et elle les consola en leur disant: «Mes chers enfants,
voici que votre cher père nous a quitté il y a six ans pour se
rendre au Ciel. Le bon Dieu désire maintenant que je vous quitte à
mon tour. Priez pour moi. N'oubliez pas la tombe de votre père.
Enterrez-moi à ses côtés au cimetière de Farnham. Je veillerai
sur vous du haut du Ciel.» Le dix novembre 1857, elle mourut à
l'âge de quarante-trois ans.
Monsieur
Nadeau n'étant pas riche, il encouragea Alfred, alors âgé de douze
ans, à gagner son pain quotidien. Il s'arrangea pour que le garçon
devienne apprenti auprès d'un cordonnier, mais cela se révéla
impossible car Alfred souffrait trop de l'estomac pour pouvoir passer
ses journées penché au-dessus de pièces de cuir, pour les couper,
et les fixer à grands coups de marteau. Cela provoquait des crises
aiguës de son mal. C'est durant cette période de douloureux
apprentissage qu'Alfred fut préparé à sa première communion par
le Curé André Provençal et, lors du grand jour, il décida
d'imiter Saint Joseph pour le restant de sa vie.
Malgré
sa maladie, Alfred n'hésitait pas à faire pénitence: Il portait
souvent une ceinture de cuir bardée de fer, ou une chaîne de fer,
ou un autre instrument de pénitence autour de la taille. En plus il
dormait sur la dure, à même le plancher! Une autre partie de ses
pénitences, et peut-être la plus méritoire, lui venait de ses
cousins qui rejetaient sur lui la responsabilité de leurs mauvais
coups. De nature très sensible, il arrivait alors souvent qu'Alfred
pleurât lorsqu'il se retrouvait seul.
En
avril 1860, Timothée Nadeau se joignit aux centaines d'autres
Canadiens qui se lancèrent à la conquête de l'or californien. À
cette époque les gouvernements se montrèrent incapables de
favoriser le développement de l'agriculture au pays, et ceci était
particulièrement criant au Québec, où il y eut une véritable
émigration vers les États-Unis.
M.
Nadeau avait établi sa famille à Farnham avant de partir pour son
périple. Alfred devint quant à lui garçon de ferme chez les
Ouimet, près de Saint Césaire. C'était un garçon jovial et
travaillant, et il se plaisait à occuper ses temps libres par des
exercices de dévotion, et parmi ceux-ci il développa l'habitude de
converser avec Saint Joseph, ce qui augmenta en lui son amour pour ce
saint, ainsi que son désir de l'imiter. En ce grand saint il trouva
un modèle idéal à suivre ainsi qu'un ami pour le guider dans la
voie de la sainteté. Après avoir passé un an chez les Ouimet,
Alfred s'essaya à d'autres métiers pendant une période qui dura
trois ans. Malgré ses efforts et son ardent désir de devenir
boulanger, puis forgeron, il n'était pas assez solide pour ces durs
métiers, et dut les abandonner.
Il
se décida donc, à l'âge de 18 ans, à joindre la troupe
grandissante des jeunes Canadiens-Français qui s'expatriaient aux
États-Unis pour y trouver des conditions plus décentes de vie. Or,
en 1863, ce pays était en pleine guerre civile, et les manufactures
manquaient de bras. Les jeunes Québécois y étaient donc bien
accueillis, et rétribués par des gages bien plus élevés que ceux
auxquels ils étaient accoutumés chez eux. Alfred se retrouva donc
au Connecticut, où il travailla dans les usines de plusieurs villes.
À cause de sa santé, il devait de temps à autre quitter ces
dernières pour aller travailler au grand air dans des fermes.
En
1867, Alfred revint à Saint Césaire au Québec, avec en poche la
connaissance de l'anglais, ce qui dans le futur allait se révéler
très utile. C'est à cet endroit que le Curé Provençal le mit en
contact avec les Frères de Sainte Croix, qui y dirigeaient une école
commerciale. Cette Congrégation avait été fondée en France par le
Bienheureux Basile Moreau, et celui-ci était venu en 1847 au Canada
pour y restaurer un système d'éducation francophone et catholique,
lequel avait été détruit par les Protestants, après leur conquête
du Canada en 1763. En fait les Britanniques avaient déjà pris
quelques mesures en 1824 et 1841 pour satisfaire les Canadiens
Français, car ils craignaient que ceux-ci ne se laissent séduire
par des promesses américaines, et ne les joignent pour bouter
l'Anglais hors de Nouvelle-France. Donc le français fut reconnu
comme une langue officielle, la culture française eut droit de cité,
la persécution directe contre le Catholicisme cessa. Mais pour que
les Canadiens puissent s'identifier au nouveau pays créé par la
Conquête, il fallait les faire participer à la vie publique, et
pour cela il fallait leur permettre à nouveau de recevoir une
éducation dans leur langue natale. C'est ce qui explique les
autorisations données aux ordres religieux d'ouvrir des écoles au
Québec. Le dévouement et l'abnégation dont les âmes consacrées
ont fait preuve dans leur rôle d'éducateurs, fut la cause de cette
vénération dont ils furent l'objet de la part de nos bons Canadiens
jusqu'à récemment.
Le
Curé Provençal était convaincu de la vocation d'Alfred, et lui
parla en ce sens; mais notre pauvre ami se récusa aussitôt,
invoquant son incapacité à lire ou à écrire. Le bon Curé lui
répondit: «Ce n'est pas une raison. Il y a des Frères qui n'ont
pas besoin des ces choses: ils se dévouent aux tâches matérielles.
Jeune homme, vous n'avez pas besoin de savoir lire ou écrire, pour
savoir prier!» Durant deux ans, à cause de sa faible santé,
Alfred hésita à demander son admission chez les Frères de Sainte
Croix. Mais sur l'encouragement du Curé, Alfred fit son entrée au
Noviciat des Frères à Montréal, en remettant au Supérieur une
lettre cachetée par l'abbé Provençal, qui y disait: «Je vous
envoie un saint!»
Après
quelques semaines Alfred reçut l'habit religieux des Frères de
Sainte Croix, et prit le nom de Frère André, en l'honneur de son
ami et protecteur le Curé André Provençal. Au bout d'un an le Père
Guy, Maître des Novices, apprit au Frère André qu'à cause de sa
mauvaise santé, il avait peu de chances d'être admis aux vœux, et
de demeurer Religieux. Mais le bon Dieu n'avait pas dit son dernier
mot: Mgr Bourget, Évêque de Montréal, vint visiter le Noviciat
quelques jours plus tard, et le Frère André plaida auprès de lui
sa propre cause. «S'il vous plaît, Excellence, aidez-moi. Je
désire tellement devenir Frère.» Le bon Évêque, le regarda
avec gentillesse et lui dit: «Ne craignez point mon cher fils,
vous serez admis à faire votre Profession Religieuse.» De son
côté, le Père Guy plaidait la cause du Frère André auprès de
ses confrères: «Si ce jeune homme devient incapable de
travailler, il pourra au moins prier. Chers confrères, notre
vocation n'est-elle pas d'enseigner aux gens comment prier? Cet homme
le leur montrera par son exemple!». Et c'est le 22 août 1872
que la promesse de Mgr Bourget se trouva vérifiée, et que notre ami
Alfred Bessette fut admis à prononcer les vœux perpétuels de
pauvreté, chasteté, et obéissance, qui allaient faire de lui
jusqu'à sa mort le «Frère André».
Son
noviciat étant terminé, on lui donna le travail de Portier du
Collège de Mont-Royal, poste qu'il allait occuper pendant quarante
ans. Convaincu qu'il devait à l'intercession de saint Joseph de se
trouver nommé au Mont-Royal, le Frère André résolut d'y honorer
son saint favori d'une manière spéciale. Désirant y bâtir un
sanctuaire en son honneur, il alla y planter une médaille de Saint
Joseph. Il était loin de savoir que ce faisant, il allait aider à
la réalisation de la prophétie du saint Curé d'Ars faite à Basile
Moreau des années auparavant: «Cette Congrégation de la
Sainte-Croix, après beaucoup d'épreuves, fera de grands travaux!»
En
tant que Portier, le Frère se devait de répondre à la sonnerie de
l'entrée, et d'avertir les Religieux et les étudiants quand ils
recevaient de la visite au Parloir. Il devait de plus réveiller les
Religieux à 05:00 le matin, et sonner la cloche marquant les divers
exercices de la journée. De plus il devait veiller à maintenir le
parloir et les corridors en état de propreté immaculée, sans
oublier la distribution du courrier ni les courses en carriole pour
aller porter le linge des pensionnaires à laver chez leurs parents
respectifs. Mais ce n'est pas tout: Notre bon Frère était aussi le
barbier des élèves, et le Sacristain des Prêtres! Bref, une vie
bien remplie!
Bien
qu'il continuât à souffrir de cruels maux d'estomac, ce qui
limitait sa nourriture à du pain trempé dans du lait, le bon Frère
accomplissait son devoir d'état le mieux possible, tout en priant
constamment, et il se confiait à la Providence pour le reste. Après
les prières du matin et la méditation, le Frère assistait à la
Messe près de l'entrée de la chapelle, de façon à pouvoir
entendre la sonnerie de la porte du collège. Il avait coutume de
prier longtemps après que la communauté se soit retirée pour la
nuit. S'endormait-il à genoux, il reprenait ses prières dès qu'il
se réveillait. Suite à un incident où le Frère avait entendu des
bruits suspects durant la nuit, un confrère décida qu'à l'avenir
la porte intérieure de la chapelle serait verrouillée elle aussi
pour la nuit. Quelle ne fut pas un soir sa surprise de voir le Frère
André pénétrer dans la chapelle en ouvrant la porte sans clef,
comme si de rien n'était!
Le
Frère aimait aussi aller prier sur la montagne faisant face au
collège. Un soir qu'il s'y était rendu avec un élève, et qu'ils
s'étaient agenouillés dans une clairière, le Frère confia à son
jeune compagnon: «J'ai enfoui ici une médaille de Saint Joseph.
Prions pour que nous puissions un jour acheter ce terrain.» Ils
revinrent souvent prier à cet endroit, et un jour le Frère dit:
«Nous obtiendrons ce coin de terre, Saint Joseph en a besoin!»
Un jour que le Frère Albéric, Économe, demandait au Frère André
pourquoi, malgré le soin qu'il mettait à ranger son bureau, il
retrouvait toujours sa statue de Saint Joseph tournée vers la
montagne quand venait le matin, celui-ci répondit: «C'est parce
qu'il veut y être honoré!» Il faut savoir que la situation à
ce regard était loin d'être encourageante: En effet le propriétaire
de cette partie de la montagne était un vieil égoïste qui souvent
n'hésitait pas à lâcher ses chiens contre les Novices qui aimaient
à s'y promener durant leurs récréations. Or les autorités du
Collège avaient proposé à quelques reprises au vieux grigou de lui
acheter sa terre, car elles craignaient d'y voir se construire un
centre de villégiature, ce qui aurait troublé profondément la vie
du collège. Mais le prix demandé était exorbitant, et ce fut un
particulier qui acheta le lot, et celui-ci ne voulut rien entendre
des offres subséquentes des Pères de Sainte Croix. Le Frère
Albéric décida alors d'enterrer une médaille de Saint Joseph,
comme le Frère André l'avait fait quelques années auparavant.
Finalement, le 20 juillet 1896, les Pères purent acheter la
propriété convoitée.
Le
Frère André était toujours disposé à aider les autres. Les
élèves et leurs parents n'hésitaient pas à se confier à lui et à
se recommander à ses prières. Bientôt, de plus en plus de gens en
vinrent à réaliser que celles-ci étaient très efficaces. Au cours
de son périple quotidien vers le bureau de Poste, le Frère
s'arrêtait souvent en chemin pour visiter les malades, et il leur
donnait de l'huile ayant brûlé devant la statue de saint Joseph
située dans la chapelle du collège. Avant peu, les malades se
mirent à répandre une rumeur: le Frère André était un saint!
Dieu lui avait accordé le pouvoir de guérir! Comme le Frère
continuait ses visites aux malades, il eut l'occasion d'en préparer
plusieurs à faire une bonne mort, et les gens du quartier en vinrent
à lui demander de s'occuper aussi de préparer les morts pour les
funérailles. Un jour il arriva qu'après avoir rendu ce service à
un homme décédé quelques heures plus tôt, le Frère se retira
dans sa chambre pour y prier après sa journée bien chargée. Il
entendit soudain un épouvantable fracas de vaisselle brisée dans le
réfectoire voisin. Accouru précipitamment sur les lieux, quelle ne
fut pas la surprise de notre ami de constater que tout y était en
ordre! Cet incident surprenant se renouvela souvent au fil des jours,
et parfois le Frère apercevait un énorme chat noir dans le
réfectoire qui causait lui aussi des bruits effrayants avant de
disparaître. Le bon Frère déclara à un témoin éberlué: «Je
comprends maintenant qu'il s'agit du Démon qui veut me faire peur et
me déranger, à cause des œuvres de charité que je fais.»
La
dévotion de notre ami envers Saint Joseph augmentait pour ainsi dire
quotidiennement. Un certain jour le Frère Albéric, qui s'était
blessé à la jambe et était immobilisé dans sa chambre depuis un
mois, se désespérait de ne pouvoir se rendre aux cérémonies en
l'honneur de Saint Joseph au jour de sa fête patronale. Il fit une
neuvaine au grand saint avec le Frère André, et bien que la veille
son état ne s'était pas amélioré, le 19 mars il put se rendre
avec joie à la chapelle! Une autre fois, il advint qu'un jeune élève
se trouvait confiné au lit depuis plusieurs jours en raison d'une
fièvre maligne. Lors d'une récréation, le Frère se rendit à
l'infirmerie, et dit au jeune malade: «Lève-toi, petit
paresseux! Tu es en parfaite santé. Va-t-en jouer dehors avec les
autres!» Le garçon commença par hésiter, mais se sentant
effectivement mieux il alla rejoindre ses camarades. Le Frère fut
réprimandé par le médecin du collège pour ce geste «imprudent»,
mais quand celui-ci examina le garçon, il fut bien obligé
d'admettre que l'enfant était effectivement guéri!
Quelque
temps après, une épidémie de variole atteignit le collège, et
l'infirmerie de l'ancien Noviciat se trouvait remplie de patients,
tant Religieux qu'étudiants. Quelques-uns moururent, malgré les
soins assidus prodigués par le Supérieur du collège, et par le
Frère André. À un certain point, notre ami pria Saint Joseph de
faire cesser l'épidémie. Dès ce moment plus personne ne fut
atteint, et les malades se trouvèrent subitement guéris!
Il
serait impossible de calculer exactement combien de guérisons le bon
Frère obtint par ses prières. Des mourants recouvraient la santé,
des cas «désespérés» étaient guéris, des jambes et des bras
infirmes devenaient normaux comme par un jeu d'enfant. Parfois la
cure était instantanée: «Lève-toi et marche!», mais cela
pouvait aussi prendre du temps et de la persévérance, des prières
et des neuvaines. Il arrivait que la guérison ne soit que partielle,
mais alors le Frère donnait un avertissement: «Continuez de
prier, si vous ne voulez pas perdre ce que vous avez gagné!» Un
seul mot du Frère était parfois suffisant pour obtenir la guérison
complète d'un malade vivant au loin! La recette du Frère était
invariable: «Ayez confiance en st Joseph! Frottez la partie
malsaine avec une médaille ou de l'huile de Saint Joseph.»
Il allait parfois jusqu'à frotter lui-même la partie malade, et il
y avait alors une guérison instantanée.
On
comprend que la nouvelle du pouvoir de thaumaturge du bon Frère ne
mit pas longtemps à se répandre dans Montréal. De plus en plus de
gens, certains souffrant même de maladies contagieuses, se massaient
littéralement dans le parloir du collège, pour être reçus par le
Frère. Ils en arrivèrent même à envahir les corridors. Mais cela
ne plaisait pas aux parents d'élèves, car ils craignaient que leurs
garçons n'attrapent quelque maladie infectieuse. La foule des
visiteurs en vint à troubler réellement la vie de l'institution; il
fallait prendre des mesures pour que tout rentre dans l'ordre. Les
supérieurs ordonnèrent donc au Frère de cesser de recevoir les
malades. Notre ami obéit, mais pas les malades, qui continuèrent
d'affluer en masse. Les supérieurs trouvèrent un compromis: Le
Frère André se devrait à l'avenir de recevoir ses malades à la
station de tramway de l'autre côté de la rue. Mais ceci eut pour
effet que les passagers du tramway se plaignirent du danger constitué
par la présence des malades, spécialement durant l'hiver quand ils
se réunissaient à l'intérieur. De plus, les malades qui ne
savaient rien de la nouvelle disposition, continuaient de se rendre
au collège. Les supérieurs, de même que les autorités diocésaines
étaient très mal à l'aise devant la situation. Mgr Bruchési,
Archevêque de Montréal, se fit mettre au courant par le Provincial
de la Congrégation de Sainte Croix. Apprenant que le Frère André
s'était toujours montré obéissant, il dit au Provincial: «Alors
laissez le faire. Si son œuvre est de Dieu elle continuera, sinon
elle s'effondrera d'elle-même.»
Vers
la même période, les Supérieurs avaient autorisé le bon Frère à
mettre de côté l'argent reçu des élèves à qui il coupait les
cheveux, et celui donné comme aumône par les fidèles, de façon à
réunir une somme suffisante pour l'érection d'un petit sanctuaire à
Saint Joseph. Ils lui avaient aussi permis de placer sur la montagne
une petite niche abritant une statue du saint. À l'été de 1904 le
Frère avait économisé $200.00, et il obtint la permission de bâtir
un petit oratoire à flanc de montagne. Le Portier, maintenant âgé
de soixante ans, se mit hardiment à l'ouvrage. Il fallut d'abord
ouvrir une voie d'accès et acheter les matériaux de base. Les
$200.00 ne durèrent pas longtemps, mais de nombreux bienfaiteurs
mirent temps et argent à la disposition du saint Frère. Au mois
d'octobre de la même année, un petit oratoire, suffisant à peine à
contenir un autel et un espace suffisant pour le prêtre et un
servant de messe, fut complété. Deux grandes portes s'ouvraient à
l'avant, et permettaient aux gens d'assister à la messe de
l'extérieur, où deux bancs avaient été installés sur le gazon.
Mais bien sûr il était impossible aux pèlerins malades de se
réunir là, et ils continuèrent donc d'aller au collège. Les
Supérieurs envisagèrent alors de se débarrasser du problème en
nommant le Frère au Nouveau-Brunswick, mais le Père Dion
(Provincial) et un groupe de Religieux plaidèrent la cause du Frère:
«Agrandissez la chapelle et chauffez-la. Les pèlerins
l'utiliseront sûrement.» Les autorités du collège
autorisèrent alors un groupe de laïcs à se constituer en comité,
et à transformer l'oratoire pour qu'il soit accessible toute
l'année. Les travaux furent complétés en novembre 1908, et le
nouveau bâtiment pouvait maintenant accueillir 200 personnes à
l'année longue. En 1909 un autre bâtiment fut construit, abritant
un magasin d'objets pieux, un restaurant, un bureau et une salle
d'attente pour Frère André et ses malades. À l'été 1910 une
sacristie fut ajoutée à l'oratoire, avec une chambre à l'étage.
Les Supérieurs nommèrent alors le Frère André Gardien du
sanctuaire, et il logea dans la chambrette en question. C'est durant
la même année que le Père Clément, professeur au collège, fut
assigné comme aide au Frère André; mais le Père perdait
rapidement la vue et se désespérait de ne pouvoir plus enseigner.
Mais le bon Frère, reconnaissant que le Père était très utile
pour calmer les âmes troublées, et bien sûr pour les confessions,
ne s'en fit pas outre mesure et se mit à prier. Le lendemain, la vue
du Père s'était grandement améliorée, et il put poursuivre son
enseignement!
Les
pèlerins vinrent au sanctuaire par centaines d'abord, et bientôt
par milliers. Le Frère André passait entre huit et dix heures par
jour dans son bureau, recevant trente à quarante personnes à
l'heure. Au fil des années, il y eut un très grand nombre de
guérisons miraculeuses, et les pèlerins exaucés laissèrent dans
la chapelle des centaines et des centaines de cannes, béquilles,
autres appareils, et plaques de marbre, en guise d'ex-voto. Bien que
le décompte exhaustif des guérisons ait été difficile, on a pu
néanmoins en consigner 435 pour la seule année 1916!
Le
Frère André ne manquait jamais d'encourager et d'aviser ses
malades, à une époque où déjà la société évoluait rapidement,
et pas souvent pour le mieux. Il avait aussi un bon sens de l'humour,
et l'utilisait fréquemment pour donner des petites leçons. Un jour
il vit une femme cueillir des pommes vertes des arbres de la
communauté. Celle-ci vint le voir plus tard pour être guérie de
douleurs à l'estomac. Le Frère lui déclara: «Frottez-vous avec
une médaille de Saint Joseph et, bien sûr, cessez de manger des
pommes vertes!» À une autre femme se plaignant de ressentir
constamment un poids sur la poitrine, il répondit: «Ce n'est
sûrement pas votre décolleté qui vous embarrasse. Frottez-vous
jusqu'à ce que le tissu s'allonge!» À une autre dame portant
une robe un peu courte il demanda: «Ne craignez-vous pas de vous
enfarger dans votre robe?» Il est à noter que le Frère, amant
de la modestie et de la pureté, n'accepta jamais de toucher les
femmes pour les guérir. Cela n'empêcha pas les mauvaises langues
d'aller bon train, et de faire circuler rumeurs et calomnies odieuses
au sujet du saint Religieux, ce qui causa bien des souffrances à
cette âme sensible. Il s'ouvrit un jour à un de ses amis laïcs au
sujet de sa peine. Mais ce soi-disant ami tourna le Frère en
ridicule, et dévoila ses confidences à tout un chacun. Nouvelle
croix pour notre saint! Seule sa dévotion ardente envers la Passion
de Notre Seigneur put l'aider à supporter patiemment cette dure
épreuve. Cette dévotion l'aidait aussi à gagner des âmes au
Christ. Souvent il prenait son crucifix entre les mains, et méditait
tout haut, décrivant aux pauvres pécheurs les multiples souffrances
du Sauveur. Il soupirait alors, les larmes aux yeux: «Ah! Si
seulement on aimait Dieu, si seulement on L'aimait comme Il nous a
aimés!»
Durant
les vingt dernières années de sa vie, l'œuvre de construction du
grand Oratoire St-Joseph devint la dominante de ses pensées et de
ses prières. Il entreprit des tournées au Canada et en
Nouvelle-Angleterre pour recueillir des aumônes. Lorsqu'il parlait
du bon Saint Joseph, et du projet de l'Oratoire, il amassait de
nombreux et généreux dons de ses auditeurs. Lentement, mais
sûrement, l'édifice de béton s'éleva au flanc du Mont-Royal. Mais
vint un jour où les Supérieurs se découragèrent devant l'énormité
de la tâche et les coûts croissants. Quant à lui, le bon Frère
remarquait: «Je ne verrai pas l'achèvement des travaux à
l'Oratoire, mais le projet se complétera. De toutes façons, ce
n'est pas mon projet, c'est celui de st Joseph!» En 1931 les
travaux arrêtèrent cependant, par manque de fonds, et comme la
Grande Dépression débutée en 1929 se poursuivit pendant plusieurs
années, le chantier en vint à une halte complète pendant une
longue période. Sans toit, la future Basilique ressemblait à une
gigantesque dent cassée au flanc de la montagne. En 1936, les
autorités de la Congrégation de Sainte Croix se réunirent pour
décider si on allait continuer, ou bien arrêter là le projet. Le
Frère André les encouragea: «Mettez une statue de Saint Joseph
au milieu de l'édifice. S’il veut un toit au-dessus de sa tête,
il s'arrangera bien!» Ce que les Supérieurs firent le jour
même. Deux mois plus tard, ils avaient reçu suffisamment de dons
pour reprendre les travaux.
Bien
qu'ayant alors plus de 90 ans, le bon Frère n'en continuait pas
moins d'être plein de compassion, et de s'occuper de ses chers
malades et de ses pauvres. Mais avec l'âge sa santé, qui avait
toujours été faible, déclina rapidement, et notre ami s'épuisa
plus rapidement, ce qui le rendit quelque peu irritable et nerveux. À
la fin de 1936 il souffrit de gastrite aiguë, et fut transporté à
l'hôpital de Saint Laurent. Début janvier 1937 il eut une thrombose
et, bien que souffrant beaucoup, il remarqua à un de ses compagnons:
«Comme le bon Dieu et bon. Comme Il est beau et puissant. Oui, Il
doit être très beau, puisque l'âme, qui n'est qu'un rayon de Sa
Beauté est si belle!» Peu après il tomba dans un coma, et les
autorités de l'hôpital permirent aux malades d'entrer dans sa
chambre. Ils défilèrent un à un autour de son lit, pour y faire
une prière et toucher ses mains qui en avaient guéri en si grand
nombre.
Finalement,
le six janvier 1937, le jour de l'Épiphanie, Frère André Bessette
s'éteignit en paix, muni des sacrements de l`Église. Il avait 92
ans. Il fut exposé le même jour à l'Oratoire, et les visiteurs
venus lui rendre un dernier hommage affluèrent en masse compacte.
Malgré la température hivernale humide et froide, la foule ne cessa
de circuler autour de son cercueil, et cela dura pendant une semaine!
Parmi les visiteurs il y avait beaucoup de malades, d'aveugles, de
boiteux, et le Frère ne les oublia pas, car plusieurs s'en
retournèrent chez eux guéris! Les visiteurs vinrent de partout au
Canada, mais aussi de divers États américains: Maine, Rhode Island,
Massachussets, Connecticut, New Hampshire, et Vermont. En tout et
partout c'est environ un million de personnes qui cette semaine-là
gravirent la pente du Mont-Royal menant à l'Oratoire St-Joseph, pour
voir une dernière fois l'humble Frère de Sainte Croix. Le jour des
funérailles, Mgr Limoges, Évêque de Mont-Laurier, officia, et Son
Éminence le Cardinal Villeneuve, Archevêque de Québec prononça
l'oraison funèbre: «Quelqu'ait été la réputation de vertu de
ses enfants, l`Église insiste pour que lors de leurs funérailles
des prières soient dites et des supplications faites pour les fautes
que la fragilité humaine aurait pu leur faire commettre durant leur
vie. Elle nous interdit de la devancer dans le jugement sur
l'héroïcité de leur vertu et la certitude de leur entrée au
Paradis, car c'est une prérogative qu'elle se réserve. Mais avec
tout le respect que l'on doit à Notre Sainte Mère l`Église, nous
pouvons dire aujourd'hui que nous célébrons la fête de
l'Humilité!»
En
juin 1978, le Pape Paul VI déclara le Frère André «Vénérable»
et, le 23 mai 1982, le Pape Jean-Paul II le déclara «Bienheureux».
Même si aujourd'hui le corps du Frère André repose dans une
modeste tombe de granit noir, la puissance de son intercession n'a
pas diminué pour autant, au contraire! Sur sa tombe nous pouvons
lire les mots «Pauper, Servus, Humilis», c'est-à-dire:
«Pauvre, Serviteur, Humble». Et cela résume bien sa vie et
son idéal. En effet il a vécu dans toute sa rigueur son vœu de
pauvreté: il n'était pas du tout concerné par les richesses, et
remettait au service de Dieu toutes les aumônes qu'il recevait.
Serviteur, il était aux ordres de tout un chacun, spécialement
durant ses années comme Portier du collège, mais aussi dans son
service auprès des pauvres, les consolant et priant pour eux.
Humble, il l'était sans limite: acceptant humblement les réprimandes
de ses supérieurs et collègues, et disant à la ronde qu'il n'était
que le «petit chien de Saintt Joseph»! Donnant toujours, il
ne demandait rien, et il ne voulait surtout pas que la ferveur des
pèlerins le mette sur un piédestal. Il n'est pas étonnant dès
lors que des millions de personnes soient venues le visiter durant sa
vie et après sa mort, pour recevoir des bienfaits spirituels et
matériels. Si nous pouvions imiter le Frère André même un petit
peu, nous en profiterions beaucoup. Mais hélas! Notre faiblesse
humaine est si grande! Demandons donc au Bienheureux Frère André de
nous obtenir la grâce de le suivre dans son imitation du grand Saint
Joseph!
Texte
extrait du site www.sspx.ca
Apprenez-nous
la confiance dans la prière
Prière
à Saint Joseph et au Bienheureux Frère André
Saint
Joseph, avec toi, pour toi, nous bénissons le Seigneur. Il t'a
choisi entre tous les hommes pour être le chaste époux de Marie,
celui qui se tient au seuil du mystère de Sa Maternité Divine et
qui, après Elle, l'accueille dans la Foi comme l'Oeuvre du Saint
Esprit. Tu as donné à Jésus une paternité liégale en lien avec
la lignée de David. Tu as constamment veillé sur la Mère et
l'Enfant avec une sollicitude affectueuse, pour assurer leur vie et
leur permettre d'accomplir leur destinée. Le Sauveur Jésus a daigné
se soumettre à toi, comme un père, durant son enfance et son
adolescence, et recevoir de toi l'apprentissage de la vie humaine,
pendant que tu partageais sa vie dans l'adoration de son mystère. Tu
demeures auprès de Lui, protèges spécialement ce peuple Canadien
qui s'est placé sous ton patronage. Aide-le à s'approcher à son
tour du mystère du Christ dans les dispositions de Foi, de
soumission et d'amour qui ont été les tiennes. Regarde les besoins
spirituels et matériels de tous ceux qui recourent à ton
intercession, en particulier des familles et des pauvres de toutes
pauvretés: par toi, ils sont sûrs de rejoindre le regard maternel
de Marie et la main de Jésus qui les secourt.
Et
toi, Bienheureux Frère André Bessette, portier du Collège et
gardien de cet Oratoire, ouvre à l'Espérance tous ceux qui
continuent à solliciter ton aide. Apprends-leur la confiance dans la
vertu et la prière et, avec elle, le chemin de la conversion et des
Sacrements. Que par toi et par Saint Joseph, Dieu continue à
répandre ses bienfaits sur la Congrégation de Sainte Croix, sur
tous ceux qui fréquentent cet Oratoire, sur la cité de Montréal,
sur le peuple de Québec, sur tout le peuple Canadien et sur l'Eglise
entière.
(Prière
prononcée par le Vénérable Jean Paul II à l'Oratoire Saint Joseph
de Mont Royal, le 10 septembre 1984, extraite du livre « Les
prières de Jean Paul II, Ed. Bayard/La Documentation Catholique)
Bienheureux
Frère André, Priez Pour Nous!
Bon Saint Joseph, Priez Pour Nous!
Pour
approfondir
Site
de l'oratoire Saint Joseph de Mont Royal
www.saint-joseph.org
Site
sur le Frère André
http://frere-andre.saint-joseph.org/fr
Congrégation
de Sainte Croix
www.cscfrance.org
Pour
suivre la Messe de Canonisation du Frère André en direct
Dimanche
17 octobre à 10 h 00, visible en ligne sur le site de la Chaine KTO
www.ktotv.com