Fête de Saint Maximilien-Marie Kolbe
Saint Maximilien-Marie Kolbe
Martyr de l'Immaculée
1894-1941
Fête le 14 août
Polonais, Catholique et Romain (1894-1919)
Raymond Kolbe est né le 8 janvier 1894, dans la ville de Zdunska-Wola, en Pologne. Il a été baptisé le jour même de sa naissance en l’église paroissiale dédiée à Notre-Dame de l’Assomption. Il était le deuxième fils de Julius Kolbe et de Maria Dabrowska, qui en auront cinq, dont trois seulement survécurent. (...)
Les époux Kolbe étaient tous deux de pauvres ouvriers tisserands. Maria avait désiré se faire religieuse, mais elle ne put suivre sa vocation, car aucun monastère n’était en mesure de la recevoir sans dot. Après avoir beaucoup prié, elle avait épousé, à vingt et un ans, Julius Kolbe, catholique fervent et appartenant au tiers ordre franciscain, dont il était aussi dirigeant. Les Kolbe avaient peu d’argent et n’en désiraient pas, car ils considéraient la richesse comme un obstacle à la perfection, et même au salut. Très pieux, ils avaient une grande dévotion à la Vierge Marie, Reine de Pologne, et ils se rendirent plusieurs fois en pèlerinage à Czestochowa avec leurs enfants. En même temps qu’un trésor de mansuétude, Raymond avait reçu un tempérament naturellement fougueux. L’éducation sévère de ses parents lui fut très nécessaire pour dompter son caractère. (...)
La supérieure du couvent de Cracovie, où la mère de notre saint terminera sa vie, nous donne ce témoignage de première valeur : « Marie Dabrowska est née le 25 février 1870. Mère du P. Maximilien et du P. Alphonse, de l’Ordre des Franciscains, elle a été reçue dans notre Congrégation en 1913, en qualité de tertiaire, attachée aux services hors de la clôture, sur la demande du Père M. Sobolewski, Provincial des Franciscains de Pologne. Elle a vécu dans la Maison-Mère de Cracovie, rue Smolensk, jusqu’à la fin de sa vie, le 17 mars 1946. « Elle s’occupait avec abnégation des affaires de notre Congrégation, s’occupait d’expédier le courrier, était chargée des funérailles des religieuses et fut en toutes ces choses d’une grande utilité pour notre Congrégation. « C’était une personne de vertus éminentes qui édifiait ceux qui l’approchaient. Elle avait une dévotion particulière pour la Vierge Immaculée, elle avait dans sa chambre deux petits autels de l’Immaculée, toujours ornés de fleurs fraîches. Tard le soir, elle chantait à voix basse des cantiques, et le matin elle se levait à quatre heures pour avoir plus de temps à consacrer à la prière. « Elle se mortifiait sans cesse et n’exigeait jamais rien de la Congrégation, si bien que les Supérieures devaient veiller à ce que le nécessaire ne lui manquât pas. Après sa mort, on trouva dans son lit une discipline et une mauvaise planche entre son drap et le matelas. C’est ainsi que cette femme de soixante-seize ans savait mortifier son corps. « Elle pratiquait d’une façon peu commune la pauvreté religieuse et aidait les pauvres. Quand elle recevait de la Supérieure l’argent destiné à ses besoins, elle le redonnait aussitôt pour la célébration d’une sainte messe. Dans sa communion quotidienne, elle puisa les forces pour supporter les coups que lui ont portés la mort de son fils, le Père Alphonse, et le martyre du Père Maximilien. Durant son agonie, elle doit probablement avoir vu ce dernier, parce qu’elle prononça ces paroles : “ Mon fils ”. Inexplicablement elle dut supporter avec patience la calomnie d’une domestique, dont la fausseté ne fut connue qu’après sa mort. Elle passait tous ses moments de liberté en adoration devant le Saint Sacrement. Elle avait prédit qu’un jour elle ferait une chute dans la rue, et c’est ce qui arriva. »
La vision de l'Immaculée offrant les deux couronnes
C’est vers l’âge de dix ans qu’il faut situer l’épisode le plus important et le plus extraordinaire de l’enfance de Raymond : une très douce et maternelle apparition de la Vierge qu’il n’oubliera jamais et qui sera continuellement pour lui un stimulant dans son futur amour chevaleresque pour l’Immaculée et dans les fatigues de l’apostolat. Sa mère l’a racontée: « Une fois, quelque chose en lui m’avait déplu, et je lui dis : Mon petit Raymond, qu’est-ce que tu deviendras plus tard ? Après je n’y pensai plus, mais j’observai que l’enfant changeait de telle manière qu’on ne le reconnaissait plus. Nous avions un petit autel caché près duquel il se rendait souvent sans se faire voir, et il y priait en pleurant. En général, il avait un comportement au-dessus de son âge, étant toujours recueilli, sérieux ; quand il priait, il était en larmes. Je me demandai avec inquiétude si par hasard il n’était pas malade et lui dis alors : Qu’est-ce qui t’arrive ? Et je commençai à insister : Tu dois tout raconter à ta petite maman ! Tremblant d’émotion et les larmes aux yeux, il me dit : Maman, quand tu m’as grondé, j’ai beaucoup prié la Vierge de me dire ce que je deviendrais. Me trouvant ensuite à l’église, je la priai de nouveau ; alors elle m’est apparue tenant dans ses mains deux couronnes : une blanche et une rouge. Elle me regarda avec tendresse et me demanda si je voulais ces deux couronnes. La blanche signifiait la persévérance dans la pureté, et la rouge le martyre. Je répondis que je les acceptais. Alors elle me regarda avec douceur et disparut. Le changement extraordinaire survenu chez l’enfant attestait pour moi la vérité de la chose. Il en était pénétré en permanence et, en toute occasion, le visage rayonnant, il faisait allusion à cette mort de martyr qu’il désirait. C’est ainsi que j’y fus préparée comme la Vierge Marie après la prophétie de Siméon... ”(...) En octobre 1907, à l’âge de treize ans, il entre au petit séminaire des Frères mineurs conventuels, à Lwów, avec son frère ainé. Pendant les trois ans où il y fait ses études, il manifeste intelligence, application, esprit scientifique, mais aussi sensibilité, bonté, courtoisie, gaieté et piété. (...)
Après avoir connu une forte tentation d’entrer dans l’armée, tentation qu’une visite inattendue de sa mère chassa, il revêtit l’habit franciscain et reçut le nom de frère Maximilien, le 4 septembre 1910. Il a seize ans et huit mois. (...) Le 5 septembre 1911, il faisait sa profession simple. Un an plus tard, il était désigné pour se rendre au Collège séraphique international de Rome, en vue d’obtenir des diplômes en philosophie et en théologie. Il y restera sept ans. C’est pendant cette période romaine, le 1er novembre 1914, qu’il fait profession solennelle et ajoute à son nom religieux celui de “ Marie ”, expression significative de la note dominante de sa spiritualité, qui s’affirme de plus en plus. (…) À Rome, il sera le disciple du Père Stéphane Ignudi, qui avait été lui-même le confident et le confesseur de saint Pie X. (…) Le frère Maximilien recevra de lui son amour pour la Vierge Immaculée, son esprit romain et sa vénération pour le Pape, sa volonté de lutter contre le mal, particulièrement la franc-maçonnerie, et pour la défense inflexible des droits spirituels et temporels de l’Église. (…) Le P. Ignudi notera en 1919 dans le registre journalier du Collège cette appréciation sur son disciple : sanctus juvenis (“ un jeune saint ”). (…)
1917: Le choc de la secte impie
Frère Maximilien-Marie souffrait cruellement de tout ce qu’il voyait se produire contre l’Église dans la ville de Rome. (…) L’anticléricalisme rageur et vulgaire éclatait en toute occasion contre les catholiques et contre le Pape et atteignit son paroxysme en pleine guerre, en 1917, année où l’on célébrait le quatrième centenaire de la Réforme protestante (1517) et le bicentenaire de la fondation de la franc-maçonnerie (1717). (…) Le jeune religieux en fut fortement impressionné, il écrira plus tard : « Cette haine mortelle pour l’Église de Jésus-Christ et pour son Vicaire n’était pas une simple gaminerie d’individus dévoyés, mais une action systématique découlant du principe de la franc-maçonnerie : Détruisez toute religion quelle qu’elle soit, surtout la religion catholique. »(…)
La Consécration à l'Immaculée (16 octobre 1917)
Le 20 janvier 1917, alors que le Père Ignudi lit et commente la prodigieuse apparition de la Vierge Immaculée à Alphonse Ratisbonne et la conversion fulgurante du jeune juif, frère Maximilien-Marie conçoit l’institution de la Milice de l’Immaculée. Dès le lendemain, il confie son audacieux projet à six confrères parmi les clercs les plus exemplaires du Collège. Il leur propose de fonder une Association mariale, avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique : le but principal serait d’endiguer ce flot d’impiété, d’arrêter ces mouvements hostiles à l’Église qui augmentaient sans cesse. (…) Selon le P. Pignalberi, présent lors de la fondation de la M.I., frère Maximilien proposa cette réflexion : « Est-il possible que nos ennemis doivent déployer tant d’activité jusqu’à avoir la supériorité, tandis que nous resterions oisifs tout au plus appliqués à prier, sans pourtant nous mettre à l’œuvre ? N’avons-nous pas, peut-être, des armes plus puissantes, la protection du Ciel et de la Vierge Immaculée ? L’Immaculée, victorieuse et triomphatrice de toutes les hérésies, ne cédera pas la place à l’ennemi qui relève la tête, si elle trouve des serviteurs fidèles dociles à son commandement ; elle remportera de nouvelles victoires plus grandes que tout ce que l’on peut imaginer. (...) « Il faut que nous nous mettions, tels des instruments dociles, entre ses mains, employant tous les moyens licites, nous introduisant partout par la parole, par la diffusion de la presse mariale et de la médaille miraculeuse, valorisant notre action par la prière et le bon exemple. » (…) C’est ainsi que le soir du 16 octobre 1917, ces six premiers candidats à la nouvelle “ chevalerie ”, guidés par frère Maximilien-Marie, faisaient leur consécration à Marie devant l’autel de l’Immaculée, dans la chapelle du Collège séraphique. C’était trois jours après la sixième apparition de Notre-Dame le 13 octobre 1917 à Fatima.
La M.I. est ainsi officiellement fondée. L’acte de consécration contient en germe toute sa doctrine sur le mystère de l’Immaculée Conception, telle qu’Elle s’est révélée à Lourdes, et le règlement de la M.I., rédigé aussi en ce 16 octobre, exprime toute la mission mariale que le Père Kolbe reçut de la Vierge Marie, à savoir : “ remettre à Dieu le monde entier par l’Immaculée ”. (…)
Acte de consécration de saint Maximilien Kolbe à l’Immaculée Conception
Daigne recevoir ma louange, ô Vierge bénie ! Immaculée – Conceptionn Reine du ciel et de la terre, Refuge des pécheurs et Mère très aimante à qui Dieu voulut confier tout l’ordre de la Miséricorde, me voici à tes pieds, moi, N..., pauvre pécheur. Je t’en supplie, accepte mon être tout entier comme ton bien et ta propriété ; agis en moi selon ta volonté, en mon âme et mon corps, en ma vie et ma mort et mon éternité. Dispose avant tout de moi comme tu le désires, pour que se réalise enfin ce qui est dit de toi : « La Femme écrasera la tête du serpent » et aussi : « Toi seule vaincras les hérésies dans le monde entier ». Qu’en tes mains toutes pures, si riches de miséricorde, je devienne un instrument de ton amour capable de ranimer et d’épanouir pleinement tant d’âmes tièdes ou égarées. Ainsi, s’étendra sans fin le Règne du Cœur divin de Jésus. Vraiment, ta seule présence attire les grâces qui convertissent et sanctifient les âmes, puisque la Grâce jaillit du Cœur divin de Jésus sur nous tous, en passant par tes mains maternelles.
Croisade Mariale et Eucharistique
Les Supérieurs demanderont au Père Kolbe de ne pas parler de sa pieuse association, et ce, jusqu’à ce que le Pape Benoît XV lui accorde en avril 1919 bénédictions et encouragements. Trois années s’écouleront encore avant que la Milice de l’Immaculée reçoive l’approbation ecclésiastique définitive, le 2 janvier 1922. Maximilien avait reçu le sacerdoce le 28 avril 1918, et célébré sa première messe en l’église Sant’Andrea delle Fratte, à l’autel du miracle qui rappelle l’apparition de la Vierge Immaculée au juif Alphonse Ratisbonne. C’est sous sa direction qu’il obtiendra, le 22 juillet 1919, son doctorat en théologie. Déjà, dès cette époque, le P. Maximilien eut à souffrir de nombreuses critiques de la part de ses confrères pour ses plans d’apostolat audacieux, tels que ses projets futurs pour diffuser la dévotion à la Vierge Immaculée, spécialement par la presse et tous les moyens modernes. (...)
Ayant obtenu ses diplômes, le Père Kolbe rentre en Pologne à Cracovie. À cause de sa mauvaise santé, un ministère de confessions et de petites prédications lui est alors confié, qui lui permettra d’enrôler de nouveaux membres dans la M.I. (…) Déjà, il songe à créer un petit journal. Il aura le temps de méditer ce projet jour et nuit durant son premier séjour au sanatorium. En effet, durant l’automne 1919 il est frappé de phtisie, et en janvier 1920 il est hospitalisé à Zakopane. Il y séjournera de façon intermittente jusqu’en avril 1921, y exerçant un apostolat de souffrance et d’évangélisation parmi les malades non catholiques. Là, il rédigera un premier livre destiné à faire connaître la M.I. Il a à peine vingt-six ans. (…) De retour à Cracovie, il lance, en janvier 1922, la publication de sa revue mariale : “ Le Chevalier de l’Immaculée ”. Comme les forces du mal se servent de la technique moderne, de la presse et de la radio pour diffuser l’erreur, le P. Kolbe veut aussi utiliser ces inventions pour la plus grande gloire de Dieu. Mais il manque d’argent. Ses confrères craignent un échec financier et critiquent la manière dont le bulletin est rédigé. Certains le surnomment : “ Max le naïf ”. (…) De ce fait, ces années 1922-1923 furent bien éprouvantes pour lui. Mais la “ caisse sans fond de la Divine Providence ” pourvoyait à tout, et le Chevalier put se maintenir et se développer. (...)
Lorsqu’il entra en possession de la première machine à imprimer, le P. Maximilien-Marie venait d’être envoyé par son Supérieur au couvent de Grodno. Il y demeurera cinq ans, tout occupés de ministère paroissial, de la direction de la M.I. et de la publication du Chevalier, qui tirera bientôt à 12 000 exemplaires. (…) De nombreux jeunes gens se pressèrent bientôt aux portes du couvent pour rejoindre le Père Kolbe dans sa mission évangélique. Certains Pères prirent ombrage de son influence sur les jeunes, de la force et de l’originalité de son caractère, de sa fidélité à la Règle et de son goût de la perfection. D’autre part, la présence de l’imprimerie à l’intérieur du monastère, même dans un dessein apostolique, suscita un certain nombre de conflits. (…) En 1926, le P. Kolbe est de nouveau hospitalisé pendant six mois, laissant la charge de la M.I. et du Chevalier à son frère Alphonse. Ses Supérieurs lui ayant ordonné de “ ne plus s’occuper de rien ”, il obéit scrupuleusement, se contentant de prier l’Immaculée pour qu’Elle aide son frère. Celui-ci s’acquittera à merveille de sa charge, en disciple convaincu du P. Kolbe plus encore qu’en frère. Quand le P. Maximilien-Marie revient de Zakopane en 1927, la M.I. et le Chevalier auront atteint un tel développement qu’ils ne pourront plus rester à Grodno. Le Chevalier tirait alors à 60 000 exemplaires.
En juin 1927, le Chapitre provincial de Cracovie accorde au Père Kolbe la permission de fonder Niepokalanów (“ Cité de l’Immaculée ”), à une quarantaine de kilomètres de Varsovie. Le terrain lui a été offert gratuitement par son propriétaire. Le soir du départ, le Père Maximilien-Marie avait dit aux deux Pères et aux dix-huit frères qui l’accompagnaient : « (…) Dans le nouveau couvent, notre sacrifice devra être total. La vie religieuse devra y fleurir dans la plus parfaite observance, particulièrement dans la pratique de l’obéissance. Il y aura beaucoup de pauvreté selon l’esprit de saint François. Il y aura beaucoup de travail, beaucoup de souffrances et de privations. La Règle et les Constitutions devront être rigoureusement observées parce que Niepokalanów devra être un modèle de vie régulière pour tous. (…) » Dès le mois d’août, il avait fait commencer la construction d’une chapelle en bois et de pauvres baraques sur le terrain nu où trônait seulement la statue de l’Immaculée. Quand la communauté y arriva le 21 novembre. L’ensemble était d’une grande pauvreté : pas de tables, mais des planches ; pas de lit, mais de la paille. Qu’importe le froid et les privations, tout était pour l’Immaculée, dans la joie, la fraternité, le travail et la prière. Le 7 décembre, le couvent est béni solennellement par le Père provincial, et érigé canoniquement. La Cité de l’Immaculée était fondée et elle allait connaître un essor extraordinaire grâce à la parfaite organisation et au génie de son fondateur. Peu à peu on verra apparaître des services de rédaction, d’impression et d’expédition d’une haute technicité. Des ateliers de maçonnerie, menuiserie, couture et cordonnerie, buanderie. Un corps de pompiers fut constitué, car tous les bâtiments étaient en bois. Au centre de tout : la chapelle, avec le Saint-Sacrement souvent exposé, autour de laquelle se trouvaient les logements des frères, d’une grande pauvreté, et un immense réfectoire. Devant de tels développements et l’afflux des vocations, les Supérieurs craignirent un échec, car le P. Kolbe n’avait aucune ressource financière. Mais lui n’avait ni doute ni crainte. « On avait l’impression que des assurances secrètes le soutenaient », témoignera son proche collaborateur. (…)
En janvier 1930, le Père Kolbe demanda la permission de partir en mission au Japon, pour y fonder une Cité de l’Immaculée ! (…) Ainsi, au début du mois de mars 1930, frère Maximilien-Marie s’embarque pour l’Orient avec quatre frères. Il laissait Niepokalanów aux mains de son frère, Alphonse, en qui il avait toute confiance. Arrivés au Japon, l’évêque de Nagasaki accepta de les garder, sans enthousiasme. (…) Un mois, jour pour jour, après avoir débarqué sans un sou, sans connaître personne, sans lire ni parler un seul mot de la langue, les religieux distribuaient dans la rue deux mille exemplaires du Chevalier japonais, le “ Seibo no Kishi ”. Malgré leur extrême dénuement, ils parviennent à se procurer les machines nécessaires à l’impression. (…) De juin à août, le P. Maximilien-Marie rentre en Pologne afin de participer au Chapitre provincial et d’obtenir la permission de fonder une nouvelle Cité de l’Immaculée. (…) Mais il est obligé de repartir brusquement pour le Japon. Ses frères sont aux prises avec d’inextricables difficultés pour l’impression et la diffusion du Seibo no Kishi. Ses deux collaborateurs prêtres se sont découragés. Croyant que le P. Kolbe allait à un échec certain, ils ont décidé de retourner en Pologne. (…) Quant à l’évêque, Mgr Hayasaka, ne voyant pas arriver les documents officiels, nécessaires à la fondation canonique, se prit à douter de cette entreprise. Il alla jusqu’à retirer l’autorisation, déjà accordée, de célébrer la messe dans la petite chapelle privée de leur Maison. Heureusement lorsqu’il reçut l’autorisation canonique du Saint-Siège en octobre, Monseigneur rendait aux religieux toute sa confiance. On commençait, semblait-t-il, à pouvoir travailler avec un peu de sérénité, quand brusquement, le 7 décembre 1930, arriva la nouvelle : le Père Alphonse était mort. Qu’allait devenir Niepokalanów ? Le Père Kolbe devait-il être rappelé en Pologne ? Fallait-il fermer la mission japonaise ? Le Père Maximilien-Marie écrivit à ses frères : « J’adhère à la volonté de Dieu, et je veux la réaliser particulièrement dans les moments les plus difficiles et les plus critiques. La croix est une école d’amour. Les croix purifient les intentions, parce que la souffrance nous permet d’agir uniquement par amour. » Les Supérieurs ne rappelèrent pas le Père Kolbe et ce fut le Père Koziura qui fut désigné à la tête de Niepokalanów.
Mugenzai no sono « Le Jardin de l'Immaculée »
Pour fonder la nouvelle Cité de l’Immaculée, le Père Maximilien-Marie ne put acquérir qu’un terrain dans les faubourgs de Nagasaki, à cause de la précarité de ses moyens. Ce lieu était éloigné, difficile d’accès, mais de là la vue pouvait embrasser la ville entière, et l’Immaculée rayonnerait sur tous. On ne manqua pas de critiquer ce choix, mais le Père refusa de changer sa décision. Plus tard, on y verra une inspiration divine, puisque, grâce à la pente du terrain, Mugenzai no Sono fut totalement épargnée lorsque éclata la bombe atomique le 9 août 1945 ! (…) En 1933, le Chevalier japonais tirait à plus de 50 000 exemplaires. En trois ans, il avait pris la première place parmi les périodiques catholiques. Cet apostolat n’était fructueux que parce qu’il était inspiré et soutenu par l’attrait qu’exercent sur les âmes, même païennes, la Vierge Immaculée, la pauvreté franciscaine de ses chevaliers et leur esprit vraiment apostolique. (…) En moins de deux ans, les baptêmes se succèdent, et parmi les baptisés de nombreux jeunes sont attirés par l’Immaculée et désirent recevoir la bure. En août 1931, le Père ouvre un noviciat et l’année suivante il crée un petit séminaire avec l’accord de ses Supérieurs. Mais tout cela ne se faisait pas sans difficultés. Le P. Kolbe les acceptait pour l’amour de Marie, les appelant des “ douceurs ” et des “ bonbons ”. Sa mauvaise santé était cause des “ douceurs ” les plus ordinaires. Le médecin qui le traitait a témoigné : « Comme médecin, je fus convaincu qu’il avait un besoin absolu de repos. Comme je le lui prescrivais, il me dit que les médecins européens avaient déjà déclaré sa maladie incurable, et que, voulant faire quelque chose sur cette terre, il ne le pourrait qu’avec de grands sacrifices. Son activité m’apparaissait impossible à mener à bien avec les seules forces humaines, sans une intervention spéciale de Dieu. Il avait souvent quarante degrés de fièvre, et malgré tout son activité était vraiment extraordinaire. » Mais lui, il exhortait ainsi ses frères : « Notre tâche ici est très simple : trimer toute la journée, se tuer au travail, passer pour fou à lier auprès des nôtres, et, anéanti, mourir pour l’Immaculée. Étant donné que nous ne vivons pas deux fois sur cette terre, mais une seulement, il est nécessaire par conséquent d’approfondir au maximum chacune des expressions indiquées pour manifester le plus possible notre amour pour l’Immaculée. N’est-ce donc pas un bel idéal de vie que celui-là ? (…) Notre espérance est toute entière dans l’Immaculée ; courage donc, frère, viens mourir de faim, de fatigue, d’humiliations et de souffrances pour l’Immaculée. » (…)
Entre 1930 et 1933, (…) les peines les plus amères lui vinrent de certains confrères, venus comme missionnaires au Japon, et qui n’acceptaient pas l’ “ esprit de Niepokalanów ”, c’est-à-dire le don sans limites à l’Immaculée, fondement de l’activité missionnaire. Ils refusaient également de reconnaître la médiation universelle de Marie, qui était le point central de la spiritualité du P. Kolbe, principe moteur de son activité, qui conférait à la Milice de l’Immaculée son caractère théologique. (…) Le Père Maximilien dira n’avoir jamais eu une croix aussi lourde à porter. Il souffrit profondément de voir qu’on condamnait une œuvre approuvée et bénie par l’autorité ecclésiastique, et que l’on menaçait de supprimer ou de vider de leur idéal les Cités de l’Immaculée. (...)
Le Père Kolbe est déposé (juillet 1933)
Le 8 avril 1933, le Père Maximilien-Marie quitta Nagasaki afin de participer en juillet au chapitre qui devait élire un nouveau Père provincial. (…) Au Chapitre provincial de Cracovie, il est démis de sa charge de Supérieur et reçoit l’obédience de repartir pour le Japon, avec la simple charge de professeur de philosophie et de théologie au collège, et de rédacteur du Chevalier japonais. (…) Dans les trois années qui vont suivre, le Père Maximilien-Marie se montrera pour son supérieur, qui le remplace à la tête de la Mugenzai no Sono, un collaborateur sincèrement et fidèlement soumis. Celui-ci lui confia la direction spirituelle des frères, car il mesurait à quel point le Père Kolbe était l’âme de ce monastère.
Au Chapitre général de 1936, le Père Maximilien-Marie est rappelé en Pologne pour reprendre la tête de la Cité de l’Immaculée, où il arrive en juillet. Au cours de ce Chapitre, les Pères firent bon accueil à une motion qu’il avait déposée l’année précédente pour demander la consécration de l’Ordre tout entier à l’Immaculée. Ils fixèrent cette consécration au 8 décembre et décidèrent de la renouveler chaque année à la même date. Ainsi, à partir de ce 8 décembre 1936, fête de l’Immaculée Conception, l’esprit de la M.I. pouvait officiellement pénétrer et vivifier l’Ordre franciscain tout entier. (…)
À cette époque, se souvient frère Luc, le Père Kolbe disait sa messe dans un tel “ état de grâce ” qu’il semblait “ rayonner d’une lumière surnaturelle. ” Cette intensité de vie intérieure ne l’empêchait pas de faire preuve d’un sens très aigu des réalités terrestres. Ainsi, dès 1936, il entrevoit, en analysant la situation politique de nos pays d’Europe, le terrible désastre de la deuxième guerre mondiale : « Il va se produire quelque chose dans le monde entier, mais à nous qui sommes consacrés à l’Immaculée, que peut-il arriver, où que nous soyons ? Tout au plus pourra-t-on nous ôter la vie. En ce cas, alors, on nous rendra le plus grand service, parce que nous pourrons ainsi travailler avec une grande efficacité à la conquête du monde entier à l’Immaculée. » Ne voulant rien négliger pour préparer ses “ enfants ” aux conflits douloureux qui les attendaient, Maximilien-Marie prit l’habitude de leur faire des sortes de causeries spirituelles deux fois par semaine et le dimanche. Il leur montrait comment utiliser la souffrance pour leur propre sanctification et celle d’autrui, comment demeurer dans la joie au milieu des épreuves et des appréhensions et comment rester libre aussi, en ne redoutant jamais rien ni personne. Il leur rappelait enfin l’importance de l’amour et de la prière pour les persécuteurs, pour ceux qui torturent et qui tuent. (…)
Un jour, dans un entretien avec les frères profès, il leur révèle que le Ciel lui a été promis par la Sainte Vierge : « C’était le dimanche 10 janvier 1937. Après le repas du soir, la communauté devait assister à une représentation scénique du mystère de Noël. Tout le monde attendait avec impatience cet événement de la soirée. Le Père Maximilien annonça la représentation au cours du repas, en laissant cependant aux profès solennels la liberté de rester au réfectoire pour s’entretenir avec lui. Après le repas, la majorité se rendit au petit théâtre. Mais un certain nombre resta pour parler avec le P. Kolbe qui leur dit en substance : (...) Mes chers fils, maintenant je suis avec vous. Vous m’aimez et moi aussi je vous aime. Je mourrai et vous, vous resterez. Avant de quitter ce monde, je veux vous laisser un souvenir. Comme je veux moi aussi accomplir la volonté de l’Immaculée, j’ai demandé que ne restent que les profès de vœux solennels qui le désirent. Votre présence est le signe que l’Immaculée vous voulait ici. Vous m’appelez Père Gardien, et je le suis. Vous m’appelez Père Directeur, et vous dites bien, puisque je le suis, au couvent et à l’imprimerie. Mais qui suis-je encore ? Je suis votre père. Un père plus vrai encore que votre père charnel qui vous a donné la vie physique. C’est par moi, en fait, que vous avez reçu la vie spirituelle qui est vie divine, ainsi que cette vocation religieuse qui dépasse la vie temporelle elle-même. (...) « Il nous enveloppait tous de son regard ; il semblait maintenant préoccupé de quelque chose de grand qu’il aurait voulu révéler, qui lui tenait à cœur, mais qu’un sentiment d’humilité l’empêchait de dire. À la fin, comme s’il avait vaincu une réserve pleine de pudeur, il baissa les yeux, inclina la tête, et laissa voir sa vive émotion. L’atmosphère, à cet instant, semblait remplie du mystère qu’il allait nous révéler. Et il reprit : Mes chers enfants, vous savez que je ne peux pas être toujours avec vous. C’est pourquoi je désire vous dire quelque chose en souvenir de moi. Oui, oui, dites, Père ! s’écrièrent-ils tous ensemble, en retenant leur souffle. Oh, si vous saviez, mes chers enfants, comme je suis heureux ! Mon cœur déborde de bonheur et de paix, autant de joie et de paix qu’on peut en goûter ici-bas. Malgré les contrariétés de la vie, une paix ineffable demeure toujours au fond de mon cœur. Mes chers enfants, aimez l’Immaculée, aimez-la et elle vous rendra heureux ! Ayez confiance en Elle, une confiance sans limites. Il n’est pas donné à tout le monde de comprendre l’Immaculée. Cela ne s’obtient que par la prière. La Mère de Dieu est la Mère très sainte. Nous comprenons ce que veut dire mère... Mais Elle est la Mère de Dieu, et seul l’Esprit-Saint peut donner la grâce de connaître son Épouse à qui il veut et quand il veut. Je voulais vous dire encore quelque chose, mais peut-être cela suffit-il ? « Là, il nous regarda tous, avec une sorte de timidité, mais nous insistâmes, et nous lui demandâmes de ne rien nous cacher et de tout nous révéler. Bien, alors, je le dirai ! Ajouta-t-il aussitôt. Je vous ai dit que j’étais très heureux et débordant de joie, et cela, parce que le Ciel m’a été promis en toute certitude... Mes chers fils, aimez la Vierge Marie, aimez-la autant que vous savez et pouvez le faire ! « Il le dit avec tant d’émotion que ses yeux s’étaient remplis de larmes. Un autre instant de silence, puis : Cela vous suffit, peut-être, d’avoir appris cela ? C’est peu encore ! Père, dites-nous encore d’autres choses ! Nous n’aurons peut-être jamais plus une dernière cène comme cela. Puisque vous insistez tant, j’ajoute encore ceci : c’est arrivé au Japon ! Je ne dirai plus rien, mes chers enfants, ne m’interrogez pas davantage sur ce sujet ! « Certains des assistants réclamaient encore qu’il entre un peu plus dans les détails, mais tout fut inutile, il ne voulut rien ajouter sur son secret. Quand nos questions insistantes cessèrent, il continua à parler, paternellement. Je vous ai révélé mon secret, et je l’ai fait pour vous donner la force et l’énergie spirituelle dans les difficultés de la vie. Les difficultés et les épreuves, les tentations et la tristesse viendront. C’est alors que ces souvenirs vous rendront la force de persévérer dans la vie religieuse et vous pousseront à accepter les sacrifices que l’Immaculée vous demandera. Mes chers fils, n’aspirez pas à des choses extraordinaires, faites simplement la volonté de l’Immaculée. Que sa volonté s’accomplisse et non la nôtre ! (…) Je vous en prie, ne racontez tout cela à personne tant que je serai en vie... Promettez-le ! Nous le promettons ! répondirent tous ceux qui étaient là. « Après un silence, nous nous mîmes à poser des questions sur différents sujets, surtout sur l’avenir. Comment agir dans telle ou telle circonstance, comment se comporter dans telle éventualité. Le P. Maximilien répondit à tout, clairement, avec une assurance remplie de l’Esprit de Dieu. « La réunion extraordinaire était finie. Nous quittâmes le réfectoire avec dans le cœur et sur les lèvres ces paroles qui ne pouvaient rester secrètes : “ Aimez l’Immaculée, mes chers fils, aimez l’Immaculée ! ” Et ce qui dominait, dans nos pensées, c’étaient ces perspectives que le Père avait fait passer devant nos yeux, comme éclairées d’une lumière prophétique. Des temps difficiles vont venir, des temps d’épreuve, de tentations, de découragement. Mais le souvenir des grâces reçues sera pour vous un soutien ferme et une force victorieuse dans les difficultés de la vie. »
Le Père Maximilien-Marie disait encore pendant cette année 1937 : « Qu’en sera-t-il dans vingt ou trente ans ? Les frères travaillent déjà en Extrême-Orient. Si cela continue ainsi, ils travailleront dans le monde entier. Le démon prévoit tout cela, et c’est pourquoi il se débat. Hier, j’ai appris que les socialistes, avec les communistes sont en train de préparer de nouvelles attaques pour en finir avec Niepokalanów. Mais nous savons par la Sainte Écriture que l’Immaculée écrasera la tête du serpent qui tend ses pièges : Ipsa conteret caput tuum (Gn 3, 15). Cela, ce sera toujours vrai. Nous devons donc nous mettre à l’œuvre pour nous rapprocher toujours plus de l’Immaculée, parce qu’on ne pourra jamais trop l’aimer. » (…) « L’amour de l’Immaculée ne consiste pas seulement dans un acte de consécration récité même avec une grande ferveur, mais dans le fait de beaucoup souffrir de privations et de travailler pour elle sans arrêt. » (…) Lors d’une conférence, à Rome, après avoir résumé l’apostolat de la M.I. au cours de ses vingt années d’existence, son fondateur dit d’un ton prophétique : « Nous ne croyons pas qu’il soit lointain, ni qu’il soit simplement un rêve, ce jour grandiose où la statue de l’Immaculée trônera, grâce à ses missionnaires, au cœur même de Moscou. »
... Mais après « l'épreuve du sang »
Pour que cela se réalisât, il y avait une condition préalable, énoncée par le P. Maximilien lui-même. (...) Il affirma en effet, « qu’au centre de Moscou se dresserait la statue de l’Immaculée, mais qu’auparavant l’épreuve du sang serait nécessaire. » (…) « Le 28 août, il nous parla des trois étapes de la vie : la première, qui consiste à se préparer à l’activité ; la seconde, qui est le temps de l’activité ; la troisième enfin, qui est celle de la souffrance. (…) » « Le 1er septembre 1939, la guerre éclata entre l’Allemagne et la Pologne, et en moins de trois semaines l’armée allemande atteignait Varsovie. Niepokalanów se trouva encerclée par les troupes de l’envahisseur et livrée à leur caprice. « Ce qu’avait prévu le Père Maximilien-Marie devenait la triste réalité. L’heure de l’épreuve avait sonné pour Niepokalanów. Les combats se déroulèrent avec une telle rapidité que, quatre jours seulement après l’ouverture des hostilités, le 5 septembre, la préfecture de Varsovie ordonna l’évacuation de Niepokalanów. (…) « En ce triste après-midi du 5 septembre 1939, après avoir béni ses frères qui partaient, et les avoir salués fraternellement, il ajouta : “ Adieu, chers fils. Pour moi, je ne survivrai pas à cette guerre. ” (…) « À la mi-septembre, après un bombardement qui avait fait s’écrouler différents édifices, des groupes de soldats de la Wehrmacht firent irruption à Niepokalanów et saccagèrent tout ce qui leur tomba sous la main. Niepokalanów, la “ Lourdes ” spirituelle de la Pologne, qui avait coûté douze ans de sacrifices, n’était plus ce lieu de travail paisible et fructueux pour les âmes ; l’occupation militaire lui faisait tout perdre. Comme le saint homme Job, le Père Maximilien-Marie répétait : “ L’Immaculée nous a tout donné, Elle nous l’enlève. Elle sait bien ce qu’il en est ! Le dégoût et l’inquiétude qui suivent l’échec viennent de l’amour propre. ” »
Première déportation (septembre-décembre 1939)
Le matin du 19 septembre, la police allemande se présente à Niepokalanów. Rassemblement sur l’esplanade. Tous les religieux doivent partir en déportation, sauf deux qui devront prendre soin des blessés, réfugiés en grand nombre au monastère. Embarqués dans des camions, ils arrivent au camp de Amtitz. Dans cet univers de haine, de souffrance et d’humiliation, le P. Kolbe atteint les plus hauts sommets de l’amour et de l’oubli de soi. Ses compagnons en ont témoigné. (...) Il réconfortait et encourageait ses frères en les confessant, en les réunissant pour des entretiens spirituels où il ne cessait de parler de l’Immaculée, et en organisant des retraites. Il leur disait : « Nous ne savons pas ce que nous deviendrons. Essayons d’être prêts à tout ce que l’Immaculée voudra de nous. Donnons-nous complètement à Elle, pour qu’Elle nous guide toujours selon sa volonté. »(…) Ils restèrent à Amtitz jusqu’au 9 novembre où on les fit partir pour Ostrzesrów, en territoire polonais. (…) Et la vie reprit dans le froid, les privations, la souffrance. Le Père Kolbe ne manquait jamais une occasion de partager sa maigre ration avec les frères qui souffraient le plus de la faim. La sainteté du Père réussit à conquérir le respect et l’amitié d’un officier ennemi. Est-ce lui qui intervint auprès du commandant du camp ? Toujours est-il que le 8 décembre 1939, le P. Kolbe et ses frères sont libérés. (...)
La Cité de l'Immaculée dévastée
Quand ils arrivèrent à Niepokalanów, ce fut pour trouver un couvent saccagé. (…) Sans se décourager, le P. Kolbe entreprit de tout remettre en état, avec ses quarante-quatre frères présents. La statue de Notre-Dame, restaurée, retrouva vite sa place à la grille d’entrée. Le Saint-Sacrement rayonna à nouveau dans la petite chapelle de bois. Toute la journée, à tour de rôle, les religieux s’y relayèrent par groupes de six, adorant Jésus-Hostie. Petit à petit, les frères qui avaient fui revinrent. Ils se retrouvèrent au nombre de 349, tandis que les autres, recherchés par la Gestapo, devaient encore se cacher. Les autorités allemandes refusaient que le couvent abrite plus de 70 frères. Le Père Kolbe eut donc l’idée d’ouvrir des ateliers dont la production servirait aux populations voisines. (…) De nombreux frères étant nécessaires à la marche de ces ateliers, il obtint pour eux l’autorisation de résider à Niepokalanów. Le Père s’occupa aussi d’ouvrir un centre de Croix-Rouge pour soigner les blessés. Malgré la grande pauvreté du couvent, il accueillait tous les réfugiés. Ainsi, par camions entiers, les nazis débarquèrent 1 500 juifs et 2 000 autres en une seule fois ! Pour nourrir tant de malheureux, les frères étaient obligés d’aller mendier. En juillet 1940, une partie des logements sera réquisitionnée en plus pour offrir un abri provisoire à 1 500 Allemands vivant hors de leur patrie ! Le P. Kolbe manifesta envers eux la même charité, pratiquant le commandement de Notre-Seigneur qui demande d’aimer ses ennemis, de pardonner et de rendre le bien pour le mal.
Les témoignages nous font connaître comment il puisait dans la prière toutes les forces nécessaires : (…) « Le P. Maximilien savait prier dans toutes les circonstances de sa vie ; et c’est à cette source qu’il puisait les forces nécessaires. Plus d’une fois Niepokalanów eut à traverser de grandes difficultés dans son activité de Milice de l’Immaculée. Tout le monde, effrayé, se confiait au P. Kolbe : Quel va être le sort de notre couvent ? Mais lui, en ces moments là, préférait mettre le ciel en alarme. Avec une confiance sans faille, il se jetait aux pieds de l’Immaculée de Lourdes, dans la chapelle, saisissait à pleines mains la statue, et ainsi, quasi immobile, il persistait à prier durant quelques quarts d’heure. Souvent j’ai assisté à cette scène, et en moi même j’ai alors réfléchi : ces prières par lesquelles le P. Kolbe “ attaque ” le Ciel, ne peuvent pas rester sans être exaucées. » Un autre frère témoigne : « Quand les choses allaient mal, il était encore heureux et nous disait : “ Pourquoi être triste ? L’Immaculée ne sait-Elle pas tout ? ”. » (…) Pour comprendre les raisons de l’arrestation du P. Kolbe, il faut y reconnaître l’aversion radicale du nazisme pour la religion catholique : « En Allemagne, de courageux évêques avaient proclamé l’incompatibilité de l’idéologie nazie avec le christianisme. Les nazis avaient répondu par de très dures persécutions contre la religion. Les premiers camps de concentration furent créés pour les juifs et pour les chrétiens fidèles à leur conscience ; y furent enfermés beaucoup de dirigeants d’associations catholiques et de nombreux prêtres. (…) « C’est donc dans la haine anti catholique que l’on doit rechercher avant tout la cause déterminante de l’arrestation et de la mort du Père Kolbe. Il était un représentant brillant et influent de la religion catholique ; c’est pourquoi ils voulurent l’éliminer lorsqu’ils eurent compris qu’ils ne pouvaient s’en faire un collaborateur. Toutes les autres motivations –dénonciations, activités de conspirateur, publications de revues et du quotidien – ne furent que des prétextes. »
Au cours de l’année 1940, « le Père Maximilien laissait entendre dans ce qu’il disait qu’il ne resterait pas longtemps à Niepokalanów. Il pressentait qu’un jour ou l’autre on allait l’arrêter. (...) « Et pourtant, il aurait eu la possibilité d’éviter l’arrestation et toutes ses souffrances, s’il l’avait voulu. (...) En optant pour la nationalité allemande, grâce à son nom et à l’origine de sa famille. (…) “ Il repoussa la proposition, en affirmant qu’il avait toujours été, qu’il était et voulait rester fils de la Pologne. ” » (...) La Gestapo s’intéressait de très près au couvent. Régulièrement le Père voyait arriver ses agents pour fouiner ici ou là, interroger des habitants ou des réfugiés. (…)
Dès le mois de janvier 1941, le Père ne cessa de répéter à ses fils qu’il ne vivrait pas jusqu’à la fin de la guerre. (…) La Gestapo obtint un témoignage sur les “ activités subversives ” du Père Kolbe, en interrogeant un ancien frère de Niepokalanów qu’il avait dû renvoyer. En cachette de son supérieur, ce frère avait essayé de fabriquer de la fausse monnaie allemande. Heureusement le Père découvrit son trafic avant les Allemands, et chassa ce Judas. Le Père vit la déclaration de son ex-fils. « Il en fut rempli de tristesse, puis il pria, non pour lui-même mais pour celui qui le livrait. Pour ne pas inquiéter les religieux, il ne leur dit rien de ce qui se tramait, mais on le sentait soucieux. » (…)
« Au matin du 17 février 1941, deux automobiles camouflées se présentèrent à Niepokalanów. En descendirent un interprète et quatre soldats des SS qui appartenaient à la Gestapo, laquelle, par ses méthodes brutales et aveugles, inspirait de la crainte même aux soldats allemands. Ils réclamèrent le P. Kolbe qui était en train de dicter à son secrétaire ses réflexions pour un “ projet de livre ” sur l’Immaculée. Il se présenta à la Gestapo avec gentillesse, mais sans complaisance et en toute tranquillité. (…) « Puis, ils ordonnèrent le rassemblement de tous les frères – ils étaient environ 350 – dans une cour et commencèrent une perquisition minutieuse des bâtiments. Vers midi, sans aucune justification, le P. Maximilien et cinq autres Pères furent arrêtés et on les fit monter à bord des voitures des SS. (...) « Ils furent conduits à Varsovie et enfermés à la prison Pawiak, où se faisait le triage vers des camps de concentration. (…) Les gardiens, dès la fin de 1940, étaient exclusivement des soldats et des officiers des SS, aidés plus tard par des Ukrainiens. La haine et le mépris anti-polonais des SS s’exprimaient par des brutalités de tous genres envers les prisonniers ; leur férocité redoublait lorsqu’il s’agissait de prêtres. S’ils découvraient, au cours de leurs minutieuses perquisitions, des médailles, des crucifix ou autres signes religieux, ils les arrachaient avec rage. Le Père Kolbe y entra vêtu de sa bure franciscaine, ce qui l’exposa particulièrement aux mauvais traitements. « Un jour du mois de mars 1941, pénétra dans sa cellule, qu’il partageait avec deux autres prisonniers, un chef de groupe des SS et, le voyant vêtu de sa bure de frère, le crucifix pendant du chapelet attaché à sa corde, il se jeta sur lui, saisit le crucifix et, en le secouant, siffla :
– Tu crois à ça ? Toi ?
– J’y crois, répondit le Père avec conviction.
« Le garde SS le frappa alors avec violence. Il répéta la question avec plus de rage encore :
– Tu y crois ?
« Le Père Kolbe répondit encore :
– J’y crois !
« Les coups redoublèrent jusqu’à ce que le gardien, rouge et écumant de haine, sortît en claquant la porte, laissant le Père meurtri et ensanglanté. « Ses deux compagnons de cellule, durant cette scène de haine sauvage, étaient restés silencieux ; ensuite, cependant, ils exhortèrent le Père à se défaire de sa bure franciscaine ; mais lui, avec une grande douceur, comme si rien ne s’était passé, fit remarquer qu’il n’y avait pas lieu de tellement se tourmenter : “ Cela, ce n’est rien du tout, c’est tout pour la Petite Mère. ” » (…) Le Père Kolbe resta cent jours à la prison de Pawiak. Comme il l’avait été à Amtitz et comme il le sera à Auschwitz, il se montra « le protecteur spirituel et le père de tous ses pauvres compagnons de prison. Il était très respecté des prisonniers, à cause de sa simplicité et de sa manière de réagir aux conditions de vie souvent dures de la prison. Toute sa personne respirait le calme, une douceur pénétrante, si bien que tous se serraient autour de lui. » (…)
Le 28 mai 1941, il est transféré au camp d’Auschwitz que les Allemands avaient construit spécialement pour briser l’opposition des Polonais. Il y resta 79 jours pendant lesquels il souffrit, avec la même patience et sérénité que nous lui connaissons, la faim, le dénuement, le travail exténuant, les injures et les mauvais traitements. Il était toujours là pour aider, réconforter les autres. Des témoins racontent comment il fut spécialement victime de la cruauté de ses gardiens : « Il y eut un jour particulièrement dur pour le Père. Le chef sanguinaire le choisit comme victime, il le tourmenta avec une satisfaction visible, s’acharnant sur lui comme le rapace sur sa proie sans défense. » (…) Pour encourager un détenu, il lui avait dit : « Mon petit Henri, tout ce que nous souffrons est pour l’Immaculée. Qu’ils voient tous que nous sommes des confesseurs de l’Immaculée. » Épuisé, le P. Kolbe fit un séjour de trois semaines à l’hôpital du camp, puis il fut envoyé vers le 20 juillet au bloc 12, celui des invalides. On l’y laissa à peine une semaine, et comme il était un peu mieux, on l’envoya au bloc 14, occupé aux travaux agricoles... C’est là qu’il donnera sa vie.
« Ma vie, c'est Moi qui la donne » (Jn.10: 18)
Quelques jours après son arrivée au bloc 14, un prisonnier s’évada. Le lendemain, tous les détenus du bloc 14 durent rester au garde-à-vous toute la journée, avec un seul repas, sous un soleil brûlant. À l’appel du soir, dans un silence total, le commandant choisit dix condamnés qui iraient mourir dans le “ bunker de la faim ”. L’un d’eux sanglote, le sergent François Gajowniczek : “ Adieu, adieu, ma pauvre femme, mes pauvres enfants ”. Alors, le P. Kolbe s’avance : il est digne, droit, le visage très calme. Il s’arrête devant le commandant.“ Qu’est-ce que veut ce cochon de Polonais ? ” Le Père, désignant François Gajowniczek, répondit : “ Je suis un prêtre catholique polonais ; je suis vieux, je veux prendre sa place parce qu’il a femme et enfants... ” Le commandant, stupéfait, ne put parler. (…) D’un geste, il autorisa le Père Maximilien à prendre la place du condamné. Avec les neuf autres, il fut conduit au bunker de la mort. La Providence permit qu’un prisonnier polonais y fut employé par les geôliers. Grâce à lui, nous savons ce que fut la mort de notre saint : une mort d’amour dans la louange de Marie Immaculée. « Je faisais alors office de secrétaire et d’interprète dans ce souterrain. En repensant à l’attitude sublime que cet homme héroïque a eue en face de la mort, à l’étonnement des gardes de la Gestapo eux-mêmes, je me souviens encore avec précision des derniers jours de sa vie. (…) « Les dix prisonniers du bloc 14, furent contraints de se déshabiller entièrement, devant le bloc où se trouvaient déjà environ vingt autres victimes d’un précédent “ procès ”. Les nouveaux arrivants furent emmenés dans une cellule séparée. En refermant, les gardes ricanèrent : “ vous vous dessécherez comme des tulipes ! ” « Depuis ce jour-là, ils n’eurent plus aucune nourriture. Chaque jour, les gardes faisaient les visites de contrôle et ordonnaient d’emporter les cadavres de ceux qui étaient morts dans la nuit. François Gajowniczek, le père de famille sauvé par le P. Kolbe, en visite à la cellule de la mort. « De la cellule où se trouvaient les malheureux, on entendait chaque jour des prières récitées à haute voix, le chapelet et des chants religieux, auxquels les prisonniers des autres cellules se joignaient. Quand les gardes étaient absents, je descendais dans le souterrain pour parler avec eux et les réconforter. Les prières ferventes et les hymnes à la Vierge se diffusaient dans tout le souterrain. J’avais l’impression d’être à l’église. Le P. Maximilien commençait, et tous les autres répondaient. Quelquefois ils étaient si plongés dans leurs prières qu’ils ne s’apercevaient pas que les gardes arrivaient pour la visite habituelle ; finalement, ce sont les cris de ceux-ci qui les faisaient taire. « Quand on ouvrait les cellules, les pauvres malheureux sanglotaient et imploraient un morceau de pain et un peu d’eau, ce qu’on leur refusait. Si l’un des plus forts s’approchait de la porte, il recevait aussitôt des coups de pied au ventre, et en retombant en arrière sur le ciment il se tuait, ou bien on l’abattait. (…) « Le P. Maximilien Kolbe se comportait héroïquement, il ne demandait rien et ne se plaignait de rien ; il encourageait les autres, persuadait les prisonniers que le fugitif serait retrouvé et eux-mêmes libérés. « Comme ils étaient déjà très affaiblis, ils récitaient les prières à voix basse. À chaque visite, tandis qu’ils étaient presque tous déjà étendus sur le sol, on voyait le P. Maximilien debout, ou à genoux au milieu, et son regard serein se posait sur les arrivants. Les gardes savaient qu’il s’était proposé lui-même, ils savaient aussi que tous ceux qui mouraient avec lui étaient innocents, c’est pourquoi ils avaient du respect pour le P. Kolbe et se disaient entre eux : “ Ce prêtre est tout à fait un homme d’honneur. Jusqu’à présent nous n’en avons pas eu un comme lui ”. » (…)
« Et moi, ver et non plus homme » (Ps. 22: 7)
« À la fin de la troisième semaine il en resta seulement quatre, parmi lesquels le P. Kolbe. Les autorités trouvaient que cela se prolongeait trop, on avait besoin de la cellule pour d’autres victimes. « C’est pourquoi un jour (le 14 août), on fit à chacun une piqûre intraveineuse de poison au bras gauche. Le P. Kolbe priait, et de lui-même il tendit son bras au bourreau. Ne pouvant supporter ce spectacle, je prétendis que j’avais du travail au bureau, et je sortis. « Le garde et le bourreau partis, je revins à la cellule, et j’y trouvai le P. Kolbe assis, appuyé au mur, les yeux ouverts, la tête inclinée sur le côté gauche (c’était son attitude habituelle). Son visage était calme, beau, et rayonnant. (...) » Ricciardi conclut : « Le P. Maximilien mourut le 14 août 1941, veille de la solennité de l’Assomption, cette entrée dans la gloire de celle qu’il appelait “ Petite Mère ”. Celle qui avait été tout pour lui, le poème de sa vie, la lumière de son intelligence et de son génie, le battement de son cœur, la flamme de son enthousiasme, son inspiratrice et son guide, la vie même de sa vie, l’attira au Ciel en ce jour de son entrée dans la gloire du Ciel. « Son pauvre corps lui-même, martyrisé, consumé, nu, parut ce jour-là comme transfiguré et lumineux. (...) “ Quand j’ouvris la porte de fer, témoignera Borgowiec, il avait cessé de vivre ; mais il me paraissait vivant. Le visage était radieux, d’une manière insolite, les yeux grands ouverts et fixés sur un point. Tout le visage était comme en extase. Ce spectacle, je ne l’oublierai jamais. ” » (…) Le Père Maximilien avait plusieurs fois exprimé le désir de mourir un jour de fête mariale. Comme si la Vierge Marie avait voulu exaucer son fidèle chevalier, c’est le jour de l’Assomption, vendredi 15 août 1941, qu’on fit les “ funérailles ” : son corps, après avoir été ôté de la cellule mortuaire, fut placé dans une caisse de bois, porté au four crématoire et brûlé, tandis que son âme chantait, au Paradis, l’Immaculée triomphante. (…) Béatifié par le Pape Paul VI le 17 octobre 1971, le Père Maximilien-Marie Kolbe fut canonisé le 10 octobre 1982 par Jean-Paul II.
Prière
Dieu qui as mis au cœur de Saint Maximilien un amour filial envers la Vierge Immaculée et une ardente Charité pour le prochain, accorde-nous par son intercession de travailler pour Ta Gloire et de nous mettre au service des hommes à la suite de Ton Fils Jésus-Christ, lui qui vit et règne avec Toi dans l'unité du Saint Esprit, pour les siècles et les siècles. Amen.