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notre dame de lourdes
11 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Douzième jour

Les épreuves

 

Quand on a le grand honneur d'être disciple et témoin du Surnaturel, on doit s'attendre à en devenir l'éprouvé. L'Histoire est pleine des épreuves, conséquence des fidélités religieuses et des témoignages apostoliques. Bernadette ne pouvait se soustraire à cette universelle loi : elle fut une éprouvée. M. Jacomet venait de la menacer, sans résultat, des gendarmes ; la porte du prétoire s'ouvrit, un homme du peuple montra timidement la tête.

« Que réclamez-vous ? » demanda le commissaire. « Je suis le père de cette enfant », répondit l'ouvrier en désignant Bernadette de la main. « Ah ! C'est vous, père Soubirous, vous faites bien d'arriver, car j'allais vous envoyer chercher. Vous connaissez le rôle que joue votre fille depuis quelques jours ; endoctrinée sans doute par quelque commère du quartier, elle fait l'inspirée et se livre à des singeries faisant tourner la tête aux imbéciles. Il faut que cette comédie finisse, car elle constitue un danger pour le repos de la ville. Je vous préviens que si vous n'avez pas assez d'autorité pour retenir votre fille chez vous, j'en aurai, moi, assez pour la faire retenir ailleurs ». « Oh ! Monsieur le commissaire, laissez-moi parler avec toute ma franchise : pour moi, je ne doute pas que l'enfant ne soit sincère dans ce qu'elle raconte ; maintenant, se trompe-t-elle ? C'est là notre embarras.... Je vous avoue que ma femme et moi, nous sommes bien fatigués des importunités que nous subissons. Depuis trois ou quatre jours, notre maison ne désemplit pas, et nous ne savons comment faire pour renvoyer les curieux. Je suis heureux de pouvoir me servir de vos ordres pour refuser ma porte au public. Quant à Bernadette, nous veillerons à ce qu'elle n'aille plus du côté de Massabielle ». Le commissaire félicita le père Soubirous de ses bonnes dispositions et le congédia avec sa fille. Triste dut être, au foyer, la soirée du dimanche...

Les épreuves intérieures commençaient pour Bernadette. Que ferait-elle ? Désobéir à son père ? Le Décalogue ne le permettait point. Ne plus retourner vers la Dame ? Ses engagements de dévotion s'y opposaient. En quelle perplexité la jeta ce dilemme, ceux-là le comprendront qui ont eu des embarras de conscience, des situations les obligeant à se dire : que dois-je faire ? Bernadette opta pour le Décalogue contre la Dévotion.

Le lendemain, lundi 22 février, le père et la mère Soubirous donnèrent ordre à leur fille de se rendre à l'école, avec recommandation de ne dévier ni à droite, ni à gauche. Sans témoigner aucun mécontentement, Bernadette mit son alphabet dans son petit panier et se dirigea vers l'hospice. Elle revint à la maison un peu avant midi, prit son modeste repas et repartit bientôt après pour la classe du soir.

Une autre épreuve intime l'attendait. Arrivée sur le haut de la côte qui mène du pont des Ruisseaux à l'hospice, elle fut subitement arrêtée : « Une barrière invisible, a-t-elle raconté, m'empêchait de passer ». A différentes reprises, elle chercha à avancer, mais la résistance était toujours la même, et elle ne se sentait libre que pour revenir en arrière. Troublée et presque épouvantée, elle songea à retourner chez elle lorsqu'un petit reproche s'éleva au fond de sa conscience. Une voix intérieure lui demandait si elle était bien d'accord avec les engagements pris par elle à la Grotte. La voyante comprit, son cœur se gonfla et, sans plus hésiter, elle redescendit la côte. Ah ! les barrières invisibles ! Elles jouent un grand rôle dans la Vie.... Qui n'a eu sa barrière invisible : épreuve de l'orientation intérieure succédant à l'épreuve de l'indécision ?....

Bernadette, redescendue au pont des Ruisseaux, au lieu de remonter la rue qui traverse la ville, s'enfonça dans le quartier de Lapaca et alla prendre, pour se rendre à Massabielle, un sentier longeant le fort. Les gendarmes l'atteignirent près du moulin où elle était née et lui demandèrent sur le ton du commandement où elle allait. « Je vais à la Grotte », répondit froidement l'enfant sans ralentir le pas ni détourner la tête. Les gendarmes ne firent pas d'autres questions ; ils se bornèrent à la suivre. C'était la première épreuve extérieure : l'épreuve de la surveillance.

Elle existe, et de quelle manière ! Pour les gens de religion, en notre pays de soi-disant liberté. On peut aller au café, au théâtre, au cirque, aux repaires du vice, impunément. Mais qu'on se garde bien d'entrer dans une église pour y entendre une messe et y adorer Dieu : on serait surveillé... Les habitués de nos églises n'ont-ils pas à compter aussi avec la surveillance des voisins et des voisines dont les agences de renseignements réclament chaque jour une abondante pâture ?...

Parvenue à la Grotte, calme, sereine, modeste, entre les deux gendarmes, Bernadette tomba à genoux. Les gendarmes, debout à petite distance d'elle, ne la troublèrent point durant sa prière qui fut longue. Quand elle se releva, ils l'interrogèrent, et elle avoua n'avoir rien vu. La foule s'écoula et avec elle disparut la voyante ». C'était, pour elle, la seconde épreuve extérieure de la non-apparition

Bernadette devait boire jusqu'à la lie, ce jour-là, le calice de la douleur : sa mère lui ménagea, au moulin de Savy, l'audition d'une parole particulièrement attristante. Mademoiselle Estrade lui ayant demandé si elle connaissait l'enfant : « Ah ! mademoiselle, répondit la femme Soubirous, je suis sa malheureuse mère ! » « Comment, malheureuse ? et pourquoi dites-vous cela ? » « Si vous saviez ce que nous souffrons ! Les uns se moquent de nous ; les autres disent que notre fille est folle. Il y en a qui prétendent que nous recevons de l'argent et que l'on va nous poursuivre en justice ». C'était, pour Bernadette, la troisième épreuve extérieure : l'épreuve domestique qui atteignait en elle la fille.

On reconnaît, dans les doléances de la mère Soubirous, l'écho des critiques adressées aux parents de la plupart des enfants qui se destinent au sacerdoce, à la vie religieuse, ou à la vie de piété dans le monde. l'exhaussement social et moral de ces enfants suscite les jaloux du voisinage, lesquels se font, par leurs jeux de physionomie, par leurs procédés et leurs sarcasmes, les insulteurs des parents. On aborde de préférence les prétendus avantages financiers, ravalant les questions de vocation à des questions d'argent.

 

Examen

 

Nous faisons-nous de la Vie, surtout de la Vie chrétienne, une idée juste ? Elle est une épreuve à traverser, une croix à porter, non une partie de plaisir à organiser... Comprenons-nous la nécessité, le bienfait de cette épreuve ?... Comment nous comportons-nous avec elle, quand de la théorie les faits brutaux nous obligent à passer à la pratique ?... Ne sommes-nous pas de ceux qui font consister la religion dans des dévotions particulières et qui, tout en priant et honorant certains Saints ou certaines Saintes, mettent Dieu en quarantaine à peu près toute l'année ?... La Religion, pour ce que nous avons à pratiquer, se résume dans l'observation des Commandements de Dieu et de l'Eglise : hors de là, point de salut.... Bernadette opta pour le Décalogue contre la dévotion.... Comment obéissons-nous aux ordonnances ecclésiastiques, aux préceptes divins ?...

Quand nous sommes incertains de la voie à suivre pour plaire à Dieu, pour faire sa volonté, dans ces cas où il est plus difficile de connaître son devoir que de le remplir, consultons-nous notre confesseur , non pas après avoir agi, mais avant d'agir ? Car il en est qui ont ce que j'appellerais l'obéissance d'escalier, d'après coup : ils font, puis consultent ; ou bien, ils consultent, puis agissent à leur guise, préférant quelquefois dire qu'ils n'ont pas compris, passer pour sots, plutôt que d'abdiquer leur idée personnelle... Dans ces situations embarrassantes, attendons-nous, dans la prière et le calme, les événements qui nous éclaireront ?... Avons-nous en horreur la curiosité malsaine, l'inquisition méticuleuse, stupide, de ce que font les autres ?... Nous occupons-nous de nous-mêmes, ne craignant que Dieu et méprisant la surveillance que la sottise, la jalousie ou l'hostilité religieuse peuvent exercer, à l'église, dans les rues, ou sous les toits voisins, contre nous ?...

Nous résignons-nous aux éclipses de Dieu, de la Vierge, dans les événements dont nous avions escompté, même pour le Bien, la réalisation ?... Ne cherchons-nous pas trop dans nos exercices de piété les joies sensibles, les belles apparences.... Les non-apparitions de Dieu ne devraient point nous décourager, nous faire douter de lui.... Quand le soleil se cache derrière les nuages, ne savons-nous pas qu'il existe et que sans lui la lumière tamisée dont nous jouissons ne pourrait luire ?... Bernadette accepta la déconvenue de l'absence de la Dame, sans se plaindre ni se décourager... Sommes-nous sourds aux critiques que le monde nous prodigue, parce que nous sommes, comme on dit, des gens de religion, désireux de donner au Surnaturel, dans notre âme et dans l'âme de nos enfants, la première place à laquelle il a droit ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, comment nous étonnerions-nous que la Vie soit pour nous, successivement et quelquefois simultanément, une épreuve individuelle, domestique et sociale, quand, à la suite de Jésus, homme de toutes les douleurs, vous avez consenti à être la Reine des martyrs ?... Vous, du moins, vous étiez innocente, et nous sommes coupables ; vous étiez parfaite, et nous sommes couverts d'imperfections !... Bernadette et ses parents ne souffrirent qu'à cause de vous ; sans vous, ils auraient vécu pauvres mais à l'abri des interventions policières et des commérages des curieux et des jaloux.... Nos épreuves, au contraire, ne viennent souvent que de nous.... Apprenez-nous à les prévoir par bon sens, à les diminuer par sagesse, à les dominer par vertu.... Et s'il entre dans vos plans maternels que nous soyons éprouvés uniquement pour vous, sachez que, loin d'en être mécontents, nous en serons ravis : les Apôtres s'en allaient joyeux d'avoir été jugés dignes d'humiliations, de tortures et d'opprobres pour le nom de Jésus... Souffrir pour vous, passe ; avoir souffert, demeure....

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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10 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Onzième jour

Les Témoignages

 

Disciple de la Dame, Bernadette en devait être le témoin. Une grande animation ayant marqué, à Lourdes, la matinée du 21 février, les autorités chargées de veiller à la tranquillité locale : le maire, le procureur impérial, le commissaire de police, se réunirent à l'hôtel de la mairie, et décidèrent, après mûre réflexion, d'amener la voyante, par voie de conseil, à ne plus retourner à la Grotte... Dès sa sortie de la mairie, le procureur impérial mandait Bernadette dans son cabinet. Voici donc le témoin de la Dame devant le représentant du parquet : M. Dutour. Témoin catégorique. Point de silence intéressé ou complice ; point de morcellement de la vérité. Elle dépose sur la personnalité de la Dame.

« Ma pauvre enfant, votre Dame n'existe pas ; c'est un être purement imaginaire ». « Quand elle m'apparut pour la première fois, je le croyais aussi, et me frottais les yeux ; mais aujourd'hui je suis sûre que je ne me trompe pas ». « Comment le savez-vous ? » « Parce que je l'ai vue plusieurs fois, et encore ce matin ; puis elle s'entretient avec moi ». « Les Sœurs de l'Hospice chez qui vous allez en classe sont incapables de mentir ; et cependant elles vous disent que vous vous faites illusion ». « Si les Sœurs de l'Hospice voyaient comme moi, elles croiraient comme moi ».

Témoin incorruptible. « Prenez garde ; on finira peut-être par découvrir quelque chose de caché qui explique votre obstination ; on a déjà répandu le bruit que vous et les vôtres vous receviez des cadeaux en secret ». « Nous ne recevons rien de personne ». « Cependant hier vous êtes allée chez Madame Millet, et vous y avez accepté des douceurs ». « C'est vrai. Madame Millet m'a fait prendre un verre d'eau sucrée pour calmer mon asthme ; c'est tout ».

Témoin résolu. « Quoi qu'il en soit, votre conduite à la Grotte est un véritable scandale ; vous faites courir les gens, et il faut que toutes ces choses finissent ; me promettez-vous de ne plus retourner à Massabielle ? » « Monsieur, je ne vous le promets pas ». « Est-ce votre dernier mot ? » « Oui, monsieur ». « Alors, sortez, nous aviserons ».

Le témoin avait battu le procureur qui s'amusait spirituellement avec ses amis de sa propre défaite. Dans l'après-midi du dimanche 21 février, sans se préoccuper de l'insuccès de M. Dutour dans la matinée, le commissaire de police, le célèbre Monsieur Jacomet, se rendit sur la place du Porche, où il avait calculé qu'il trouverait Bernadette à la sortie des Vêpres. Heureux ceux et celles dont les policiers, tant au courant des allées et venues du public, ne peuvent calculer de faire la rencontre qu'à la sortie de nos églises : leur âme sereine aura vite déconcerté les finasseries policières !

Le commissaire, feignant de se trouver là en curieux, arriva bientôt devant la jeune fille, et, avec l'air de profiter d'une rencontre fortuite, il pria cette dernière de venir à son bureau. Bernadette, sans trouble, sans explications, suivit docilement l'agent de l'autorité. C'était un second témoignage que la Dame mettait Bernadette en demeure de lui rendre : l'enfant le para de qualités que n'avait point le témoignage précédent. Quelle simplicité, quelle netteté, quelle crânerie dans ses réponses au madré commissaire ! Elle dépose sur l'identité et la beauté de la Dame.

« Tu as sans doute déjà compris dans quel but je t'ai appelée chez moi ? On m'a parlé avec tant d'intérêt des belles choses que tu vois à Massabielle que, ma foi, comme tout le monde, j'ai été pris du désir de savoir de quoi il s'agissait. Est-ce que tu aurais de la peine à nous raconter, à M. Estrade et à moi, comment tu as fait la rencontre de la Dame de la Grotte ? » « Non, monsieur ».

Et témoin imperturbable, comme si elle eût été en face de l'un des siens, Bernadette fit le récit, plein de charmes, de la première apparition. Pendant qu'elle parlait, le commissaire faisait rapidement courir son crayon sur une feuille de papier blanc. Puis, relevant la tête : « Ce que tu nous racontes est en effet très intéressant ; mais enfin quelle est cette Dame dont tu es si engouée ? La connais-tu ? » « Je ne la connais pas ». « Tu dis qu'elle est belle. Comme qui est-elle belle ? » « Oh ! Monsieur, répondit-elle, témoin clairvoyant, elle est plus belle que toutes les dames que j'ai rencontrées jusqu'ici ». « Pas plus belle cependant que Madame N... ou Madame N... » (et ici le commissaire citait les dames de la ville le plus en renom pour leur beauté). « Elles ne peuvent pas y faire », riposta-t-elle en une tournure patoise dont la signification était : « Elles ne peuvent pas être comparées, elles ne peuvent rivaliser ».

M. Jacomet, suspendant l'interrogatoire, prit sa feuille de notes et commença une guerre de traquenards. Il essaya de faire tomber la voyante dans la contradiction : « Tu as dit que la Dame est âgée de dix-neuf à vingt ans ? » « Non, j'ai dit de seize à dix-sept ». « Qu'elle est revêtue d'une robe bleue et d'une ceinture blanche ? » « C'est le contraire, monsieur ; il faut mettre une robe blanche et une ceinture bleue ». « Que ses cheveux tombent en arrière ? » « Vous avez mal entendu ; c'est le voile qui tombe en arrière ». Témoin perspicace, Bernadette avait redressé sans hardiesse, mais sans timidité, toutes les variantes que le commissaire, à dessein, avait introduites, pour l'embrouiller, dans sa narration. Force fut à M. Jacomet de changer de tactique :

« Ma chère Bernadette, j'ai voulu te laisser aller jusqu'au bout de ton récit ; mais je dois te déclarer que je connaissais l'histoire de tes prétendues visions ; cette histoire est de pure invention, et je sais qui te l'a apprise ». « Monsieur, je ne vous comprends pas ». « Je vais être plus clair : est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un qui t'a conseillée en secret de dire que la Vierge t'apparaissait à Massabielle, et qu'en le disant, non seulement tu passerais pour une sainte, mais encore que la Vierge t'en saurait gré ? Fais attention avant de répondre, car j'en sais à ce sujet plus long que tu ne penses ». « Personne, monsieur, ne m'a conseillé les choses dont vous parlez », répartit le témoin humble, inaccessible au piège du mensonge enduit d'orgueil. « Je sais à quoi m'en tenir ; mais je ne veux pas faire de scandale, ni te chercher une mauvaise querelle. Je ne réclame pas d'aveux, mais j'exige de toi une simple promesse. Me donnes-tu l'assurance que tu ne reviendras plus à la Grotte ? » « Monsieur, j'ai promis à la Dame d'y revenir ». « Ah ! Oui, s'écria M. Jacomet en se levant de son siège et feignant la colère ; tu crois donc que nous serons toujours d'humeur à écouter tes sornettes et à céder à tes entêtements ? Si, à l'instant, tu ne prends pas l'engagement de ne plus retourner à Massabielle, j'envoie chercher les gendarmes et te fais mettre en prison ». Bernadette demeura témoin inflexible, fidèle.

 

Examen

 

Quels témoins sommes-nous de Dieu, de Jésus, de la Vierge ? Témoignons-nous catégoriquement, résolument, imperturbablement, de leur existence réelle ? Oui, Dieu existe et les autres êtres n'existent que par lui... Oui. Jésus existe : Il est de toute éternité comme Fils de Dieu, depuis (vingt siècles siècles comme Fils de l'homme : Réalité divine, il est historiquement la grande réalité humaine. Il est l'Homme-Dieu : par lui nous avons tous été rachetés.... Oui, la Vierge existe.... Elle est l'Eve nouvelle, la femme bénie entre toutes les femmes parce que, Mère de Dieu, elle est Mère des hommes, et Reine de la terre et du Ciel... Nous sommes convaincus théoriquement de ces trois augustes réalités.... Que ne le sommes-nous pratiquement ? Nous nous déprendrions des figures qui passent pour étreindre amoureusement ces Réalités qui demeurent...

Témoignons-nous avec la même netteté, la même incorruptibilité, la même crânerie, de la Beauté supérieure de Dieu, de Jésus, de Marie ?... Oui, Dieu est le plus beau, et il n'y a de beau que Dieu.... Et après Dieu ce qu'il y a de plus beau, c'est Jésus splendeur du Père, figure de sa substance, incarnation de la Beauté incréée... Et après Dieu et Jésus, ce qu'il y a de plus beau, c'est Marie la pleine de grâce, la pleine de lumière, la pleine de vertus et partant la toute belle aux yeux de Dieu... les beautés humaines qui nous attirent et nous passionnent sont souvent de vraies caricatures physiques et des laideurs morales... En tout cas, ce ne sont que des étincelles fugitives de beauté. Marie en est, de par Dieu et pour Jésus, l'inextinguible, l'incandescent foyer....

Bernadette ne se laissa ni séduire par la flatterie et l'argent, ni intimider par le mensonge et la menace.... Combien d'hommes et de femmes sont pris à la glu des compliments !... Combien de femmes vendent en secret leurs vertus à prix d'argent... Combien d'hommes sont à la remorque des menteurs qui parlent ou écrivent contre la Religion !... Combien d'hommes, par ambition et peur de l'impiété au pouvoir y désertent les églises, abandonnent extérieurement toute pratique religieuse, et traitent Dieu, le Christ, la Vierge en étrangers, sinon en ennemis... Les procureurs et les commissaires, les jouisseurs et les impies, ont beau jeu avec de si pitoyables témoins d'une Religion dont les premiers disciples furent pourtant des martyrs et des héros... On n'accepte plus guère aujourd'hui que le martyre du plaisir, on semble ne plus connaître que l'héroïsme au rabais....

 

Prière

 

O Notre Dame, c'est la Foi qui a vaincu le monde, c'est l'amour qui est fort comme la mort. Donnez-nous une foi vive en Dieu, en Jésus, en vous... A la Foi, lumière de l'esprit, ajoutez en notre âme l'amour, chaleur du cœur. Croyant, nous parlerons ; aimant, nous combattrons. Et à ceux et celles qui chercheront à opérer contre nous l'exploitation, le trafic des consciences, nous répondrons comme Bernadette : « Oui, j'irai encore à la Grotte, à l'église, aux chapelles, aux rendez-vous divins... » Allez-vous en, adorateurs du veau d'or, valets de la Politique, tentatrices du Mal : qui est semblable en vitalité, en beauté, en bonté, en fidélité, en puissance, à la Vierge, à Jésus, à Dieu ?...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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9 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Dixième jour

La prière pour les pécheurs

 

Le dimanche 21 février, l'Apparition se produisait pour la sixième fois. Ce qui s'y passa, Bernadette le conta aussitôt après au docteur Dozous, médecin de Lourdes qui était à la Grotte, ce jour-là, à côté de l'enfant : « La Dame, en me quittant un instant de son regard, l'a dirigé au loin par-dessus ma tête. Ensuite, reportant son regard sur moi qui lui demandais ce qui l'attristait, elle m'a dit : « Priez pour les pécheurs ».

Décidément la Dame tenait école de prière. Elle avait appris à l'enfant à prier pour soi. Mais l'égoïsme n'est pas chrétien ; on a beau être petit, on peut, on doit avoir un cœur grand, catholique, vaste comme le monde : elle lui demande de prier pour les autres. Et parmi les autres, elle signalait les plus besogneux : les pécheurs : « Priez pour les pécheurs ». Elle en est le refuge, ils sont l'unique sujet de ses tristesses. Ils ont été les bourreaux de son Fils ; ils sont les empoisonneurs de son âme, si on peut ainsi s'exprimer. Tout ce qu'elle a souffert, tout ce qu'elle est susceptible de souffrir encore, lui vient d'eux tous. Elle a la perception de leur sort malheureux, avec l'ardent désir de leur cure prochaine. Elle voudrait les sauver. Or, sauvés, il ne peuvent l'être que par le recouvrement de la grâce ; et la grâce, ils ne la peuvent recouvrer que par la prière : « Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus nécessaire. Le monde moral repose sur l'équilibre de la justice divine comme sur son axe. Quand les droits de Dieu sont respectés par l'obéissance des hommes, le monde moral est dans son assiette ; quand les péchés prévalent contre les œuvres saintes, l'équilibre est rompu. Cette rupture entraînerait les pires catastrophes. Quel agent interviendra pour y remédier, en rétablissant l'ordre bouleversé ? La prière. Les justes prient et la prière des justes est comme l'impôt payé par les riches à la place des pauvres : la somme des devoirs est atteinte, les droits de Dieu ne sont plus méconnus, sa justice suspend les coups que son bras s'apprêtait à frapper... Au surplus, pour rompre avec le péché et les habitudes criminelles, la grâce est nécessaire. Or la grâce. Dieu ne la donne qu'aux sollicitations de la prière : soit qu'on prie soi-même pour ses propres besoins, soit qu'on s'entremette comme avocat des autres. Ainsi est-il de toute nécessité qu'on plaide la cause des pécheurs, pour obtenir leur conversion. Or, plaider une cause pareille, c'est prier. Ici surtout devient parfaite la synonymie du mot : « Oratio », qui, en latin, signifie à la fois prière et discours. On appelle de la même manière l'Oraison de Jésus au Jardin des Oliviers, et le discours d'un Cicéron ou d'un Hortensius au forum : Oratio : prier, c'est parler ; et parler, surtout au nom des pécheurs, c'est prier : « Oremus, prions, parlons : Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus pratique. En dépit de sa bonne volonté et de son talent, on risque d'être pendant longtemps un avocat sans cause, un médecin sans malade : il est si difficile, en des jours d'encombrement des carrières comme ceux que nous traversons, de faire sa trouée sociale pour faire son chemin. Et l'attente de l'utilisation de ses capacités foncières doit être douloureuse, lorsque, désireux d'être utile aux autres, on est obligé de constater que les clients n'arrivent pas. Le succès, comme le génie, en ces conjonctures, est une longue patience, et la patience n'est jamais exempte de douleurs... Or les clients, je veux dire les pécheurs, pullulent dans le monde, et l'on n'a pas à attendre pour pouvoir efficacement utiliser sa sainteté personnelle et leur prêter secours. « Il y aura toujours des pauvres parmi vous », disait Jésus à ses apôtres ; il y aura aussi toujours des pécheresses et des pécheurs. Les médecins et les plaideurs spirituels sont assurés d'avoir toujours de la besogne : « Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus méritoire. Le mérite de la prière vient du Surnaturel dont elle est imprégnée : plus elle est faite de foi, d'espérance, de charité, d'humiliation, plus elle est méritoire. Or, ne faut-il pas être particulièrement croyant, confiant, aimant, humble, pour ne s'occuper que des âmes et de leur sanctification ? Les malades, les pauvres peuvent provoquer notre pitié naturelle, sensible, par le spectacle de leurs souffrances physiques et de leur dénuement. Il faut avoir un oeil baigné de foi, un cœur trempé d'espérance et d'amour, une volonté oublieuse d'elle-même pour ne voir, ne soulager et n'aimer que les âmes : « Priez pour les pécheurs ».

Prière la plus négligée. On s'occupe de soi, de ses intérêts matériels, des intérêts matériels d'autrui, comme lorsqu'on se dépense en prière et en dévouement pour les pauvres et les malades. Mais qui sont ceux et celles, à notre époque de matérialisme et de positivisme, qui placent, au sommet de leurs affections et de leurs préoccupations, les intérêts des âmes ? La Vierge veut que Bernadette, et nous, à l'exemple de Bernadette, préférions les âmes aux corps, l'esprit à la matière, l'Eternité au Temps. Voilà pourquoi elle donne ce conseil, ce programme de vie dévouée : « Priez pour les pécheurs ».

Quel bien nous ferions, quelle œuvre excellemment sociale, puisque les œuvres sociales sont de mode et de nécessité aujourd'hui, nous accomplirions, si nous priions le matin, le soir, pour les pécheurs !... La Dame serait consolée, car, disait Bernadette à M. Dozous : « Je fus bien vite rassurée par l'expression de bonté et de sérénité que je pus revoir sur son visage, et aussitôt elle disparut ». Dieu appliquerait à des âmes dont nous ne ferions la connaissance que dans l'éternité le mérite de nos prières réparatrices : « Priez pour les pécheurs ».

Mais, entre les pécheurs, sans exclure, de parti pris, personne, faisons un délicat triage : si nos pères, nos mères mêmes, nos enfants, nos frères, nos sœurs, nos autres proches, nos amis, nos employés, nos domestiques, déserteurs du devoir religieux, vivent loin de la grâce, assignons-leur une place à part dans nos supplications pieuses ; transformons-nous, pour eux surtout, en avocats infatigables ; et, à coups de prières, les bras en croix ou à genoux, arrachons-les, coûte que coûte, au Mal, au Malheur, à l'éternelle faillite de la Vie... « Priez pour les pécheurs ».

 

Examen

 

Si nous sommes savants, sommes-nous loyaux et, devant les évidences et les supériorités du Surnaturel, faisons-nous de la Science, pour que son enflure ne nous tue point, la servante de la Foi ?... Nous taisons-nous humblement, quand nous ignorons ? Affirmons-nous, quand le divin rayon a lui ?... Le docteur Dozous apporta aux Apparitions le premier suffrage de la Science loyale. Et depuis, les savants, en grand nombre, se sont inclinés devant les faits de Lourdes... Avons-nous le regard profond, lointain, ouvert, le plus possible, sur les hommes, les choses, le passé, le présent, l'avenir, le Temps, l'éternité ?... C'est être médiocre et superficiel que d'avoir intellectuellement la vue courte... Ouvrir un grand oeil, c'est se creuser souvent une source de tristesses ; mais les tristesses qui viennent des hommes se changent en joies quand, plus loin et plus haut que les créatures, on contracte l'habitude de voir Dieu... La Dame dirigea son regard au loin, par-dessus la tête de Bernadette...

Prions-nous pour les pécheurs ? Si nous étions intelligents, ce serait-là notre prière favorite. N'est-elle pas la grande prière illuminatrice ? Elle nous rappelle le pourquoi de l'Incarnation, le mode de la Rédemption : l'expiation du péché par la souffrance d'un Dieu. Elle met ainsi en relief la synthèse dogmatique de notre admirable Religion... Prions-nous pour les pécheurs ? Si nous étions soucieux de notre persévérance dans le Bien, ce serait-là encore notre prière favorite. N'est-elle pas la grande prière préservatrice ? En nous obligeant à songer à la laideur, à la malfaisance du péché, elle entretient chez nous la culture des idées saines, et ce sont les idées qui mènent les âmes ; elle alimente notre horreur, notre haine du Mal, et c'est la Haine du Mal qui détermine les victoires du Bien. Ainsi établit-elle un cordon sanitaire de plus en plus protecteur entre nous et les occasions de péché !... Prions-nous pour les pécheurs, pour ceux surtout que nous avons positivement scandalisés en les poussant au Mal, pour ceux encore que nous n'avons pas assez édifiés, en les portant insuffisamment au Bien.... C'est étrange comme on se préoccupe peu de réparer le Mal que, d'une manière positive ou négative, on a pu faire aux autres ! N'y a-t-il pas là cependant non plus une question de charité mais une formidable question de justice ?...

Prions-nous pour les membres de notre famille qui vivent en état de péché, pour ceux d'entre eux surtout qui, pécheurs, sont malades et même en danger de mort ?... Que de larmes de regrets, pour avoir trahi un si facile devoir, on versera plus tard !... Prions-nous, spécialement et chaque jour pour cette grande pécheresse qu'est la France : seule nation en Europe et au monde qui, en ses lois, ait chassé Dieu ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, si nous avions eu le sens chrétien et la délicatesse apostolique de prier pour les pécheurs, ainsi que vous nous l'avez demandé, il y a beau temps que nous serions sauvés... Prier pour les pécheurs, c'est le moyen de salut le plus nécessaire, le plus pratique, le plus méritoire, le plus intelligent, le plus bienfaisant, le plus facile, puisque, partout et toujours, même dans l'enfance et la vieillesse, il est à la portée de tous. Mais il a été par notre faute le moyen le plus négligé... Les parleurs, les agités, les surmenés ne manquent point autour de nous : leur nombre va sans cesse grandissant. Mais les orants et les orantes, mais les avocats, les avocates de la prière sainte, où sont-ils ?... Nous, du moins, nous voulons vous consoler des angoisses que vous causent les impénitentes et les impénitents. Agréez donc notre promesse de prier pour les pécheurs. Mais comme, parmi les pécheurs, nous ne sommes peut-être pas au dernier rang, alors que nous devrions être les premiers d'entre les justes, permettez-nous de vous dire avec une filiale insistance : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il !

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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8 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Neuvième jour

Prière personnelle

 

A la date où nous sommes arrivés, la nouvelle des Apparitions était généralement connue à Lourdes, et l'on commençait à s'en entretenir à voix haute et d'une manière publique dès que l'on apprit que la voyante se rendait tous les matins à la Grotte, un grand nombre d'habitants de Lourdes se hâtèrent d'y accourir. Dans la matinée du samedi 20 février, le dessous des excavations et le Gave étaient entièrement occupés. Ainsi croissent graduellement les œuvres de Dieu ! Ainsi le grain de sénevé devient, sous l'action insensible mais persévérante de la grâce, un arbre gigantesque !

Bernadette, accompagnée de sa mère, arriva à Massabielle vers six heures et demie. Elle ne fut ni étonnée ni émue d'y trouver la foule qui l'attendait. Elle se présenta sous le rocher avec le même air que si elle eût été simple spectatrice, et alla s'agenouiller à sa place ordinaire. Sans faire attention que tous les yeux étaient fixés sur elle, elle prit naturellement son chapelet et se mit à prier. Le moment des grandes expansions était venu, et Bernadette envoyait l'expression de ses hommages, de ses remerciements, de ses joies, à la Dame cachée du rocher. Une grâce surhumaine accompagnait ses mouvements, et sa propre mère, qui se tenait, émue, à ses côtés, disait en pleurant : « Je perds la tête et ne reconnais plus ma fille ».

Une rumeur confuse d'admiration s'était déjà élevée du milieu de la foule, et la plupart des assistants se haussaient sur la pointe des pieds afin de mieux voir et contempler l'extatique. Absorbés par le tableau présenté par l'enfant, les spectateurs craignaient d'en perdre un autre : par une attraction dont ils ne pouvaient se défendre, ils portaient alternativement leurs regards de Bernadette au rocher et du rocher à Bernadette. Les yeux du corps ne voyaient rien du côté de la Grotte : mais les yeux de l'âme voyaient... Après l'extase, Bernadette, interrogée sur son entretien avec la Dame, répondit que celle-ci avait eu la bonté de lui apprendre mot par mot une prière particulière et spéciale pour elle. C'est tout ce que nous savons de la Cinquième Apparition. Pourquoi la Dame, se faisant complaisamment maîtresse d'école de Bernadette, lui apprit-elle, mot par mot, une prière spéciale ? Afin de lui apprendre, d'abord, à se connaître pour s'humilier.

Nous ne nous connaissons pas, et nous ne voulons pas nous connaître. La constatation de certaines réalités nous fait peur ; l'entretien de certaines illusions nous enchante. Tels les malades qui ajournent la consultation de l'homme de l'art pour s'épargner l'ennui de servitudes redoutées ; telles encore les vieilles vaniteuses qui refusent de se regarder à la glace pour ne point constater sur leurs traits, savamment mais inutilement travaillés, les injures des ans.... Et alors on prie, je le veux bien supposer ; mais les prières faites, même avec ferveur sensible, sont vagues, imprécises, sans aucune adaptation aux besoins. Or, les besoins changent à chaque âge, avec chaque situation. La prière de l'enfant ne doit pas être celle du jeune homme, de la jeune fille, du père, de la mère, du prêtre, de l'ouvrier, du magistrat, du vieillard. Je comprends la Dame apprenant à Bernadette une prière en harmonie avec ses besoins nouveaux. Il fallait que l'enfant se connût et que, se connaissant mieux, elle s'humiliât plus encore à cause des avances divines...

Avec quelle ferveur l'élève ne dut-elle point réciter cette prière !!! C'était la sienne, et c'était la Reine des Anges elle-même, et non point Gabriel porteur du message divin, qui la lui avait enseignée. La Dame apprit mot par mot à Bernadette une prière spéciale, afin de lui apprendre à se bien exprimer, pour se faire écouter. En se connaissant mieux, on s'humilie davantage, et on donne à sa prière une note subjective qui frappe l'attention et attire la bienveillance de Dieu : ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. Mais encore faut-il, quand la prière doit être un exposé de situation et non pas seulement une supplique brève, être au courant du vocabulaire à employer.

En même temps que la langue nationale, en chaque peuple, il y a la langue des cours, des académies, des parlements, des prétoires, des lettres, des sciences et des arts. A plus forte raison, doit-il y avoir une langue de la Religion. Elle existe. C'est la fonction des mères d'apprendre à leurs enfants l'alphabet, les premiers mots de la langue courante ; nous avons tous commencé à bégayer, à épeler, sur les genoux maternels. C'est la fonction des éducateurs d'apprendre la terminologie scientifique, artistique, philosophique, littéraire. C'est la fonction de l'Eglise d'apprendre les vocables, les tournures, les constructions, de la langue religieuse... Je ne m'étonne plus que la Dame se soit faite la pieuse et patiente éducatrice de Bernadette. Il fallait que l'enfant, appelée à une vocation spéciale, fût capable, dans ses rapports avec Dieu, de s'exprimer selon les besoins de son intelligence et de son cœur. Et la Vierge lui distillait les mots propres ; et, pour être mieux comprise, elle se servait du patois pyrénéen. Il est facile de deviner le succès d'une telle méthode pédagogique, employée par une telle institutrice...

La Dame apprit une prière à Bernadette, afin de lui apprendre à s'élever pour se détacher. C'est le rôle de l'éducation de nous meubler de connaissances, d'idées, de sentiments, pour le fond, et de mots pour la forme. Or, en nous munissant de ce double bagage, l'éducation élève. Les sujets de l'éducation se nomment des élèves ; dans l'ensemble, les meilleurs élèves sont les mieux élevés. Moyen primordial d'éducation religieuse, la prière est, par excellence, une élévation : elle élève jusqu'à Dieu. Les chrétiens les mieux élevés sont ceux qui prient le mieux... Or, en s'élevant, on se détache nécessairement, et en se détachant, on conquiert une liberté plus grande. Plus élevé que tous, puisqu'il atteint par son ascension dans l'intimité de Dieu même, celui qui prie est le plus détaché et partant le plus libre...

Force était à Bernadette de se déprendre d'elle-même et du monde pour être plus à la hauteur de sa mission d'extatique, de témoin, d'apôtre. Et afin de réaliser en elle ce détachement indispensable, la Dame lui apprend à prier, c'est-à-dire à s'élever. Elle lui forge des ailes, et, de la sorte, lui assure, avec les joies de l'âme parmi les tristesses qui l'attendent, les libertés du cœur en vue des menaces d'asservissement dont elle sera l'objet... La Dame apprit une prière à Bernadette, afin de lui apprendre à s'unir à Dieu pour se sanctifier. C'est le but de la prière. On s'humilie devant Dieu en se connaissant ; on se fait écouter de Lui en s'exprimant ; on s'élève jusqu'à lui en se détachant. Pourquoi ? Pour arriver à s'unir amoureusement à lui en se sanctifiant. La sanctification est l'union amoureuse de l'âme avec Dieu, de Dieu avec l'âme, et il n'est point d'union possible sans prière.

Or, les degrés de sanctification varient selon l'afflux des grâces auxquelles on correspond et la dignité de la vocation à laquelle on est appelé : de grandes grâces accompagnent une grande vocation ; une grande vocation requiert une sanctification égale. Donc, pour monter en sainteté, il faut monter en ferveur, en valeur de prière. Bernadette, élue d'une vocation à part, avait besoin d'une sanctification spéciale, et cette œuvre de sanctification, elle ne la pouvait accomplir dans sa plénitude et ses nuances, qu'en devenant toute sainte en son âme et son corps. De là, pour elle, une plus impérieuse nécessité de la prière : de là, la leçon que lui donne la Vierge...

 

Examen

 

Avez-vous remarqué la simplicité de Bernadette ? Sans souci de la foule qui la regarde, elle prend naturellement son chapelet et se met à prier.... Que voilà bien la caractéristique du vrai Surnaturel ! On s'occupe de Dieu avant tout, avant tous... Est-ce là notre attitude à l'église, chez nous, quels que soient nos voisins et voisines ?... Nos yeux nous perdent trop souvent. La curiosité, la vanité, la sensualité les ouvrent, quand la prière les devrait tenir clos.... On ne nous reconnaîtrait bientôt plus, si nous pratiquions, en priant, la modestie des yeux.... En outre des prières communes que nous avons apprises ou que nous lisons dans les livres, adressons nous à Dieu des prières personnelles qui soient la traduction exacte de nos sentiments, le cri actuel de nos besoins ?... Ainsi priaient tous les malades, tous les pécheurs dont l'Evangile cite les paroles ... Ils se racontaient eux-mêmes, au lieu de parler par la bouche des autres.... On n'est pas assez soi dans ses rapports oraux avec Dieu. Bernadette, grâce à la Dame, fut elle...

A force de répéter les mêmes prières le matin et le soir, si nous sommes de ceux qui les font, ne les estropions-nous pas, surtout quand nous les disons en latin ?... Dieu se charge sans doute de toutes les interprétations, aucune mutilation verbale ne le peut embarrasser dans la compréhension des textes fabriqués par les hommes... Mais il est assez grand pour mériter, peut-être, que nous nous exprimions aussi correctement que possible avec lui... Nous prions pour recouvrer la santé, pour gagner de l'argent dans quelque entreprise ou quelque loterie, pour réussir en quelque projet de mariage ou autre affaire importante.... Tout en faisant de la prière un plaidoyer, en faisons-nous par dessus tout ce qu'elle doit être essentiellement : un colloque avec Dieu, une élévation, une union amoureuse ?... Bien peu savent prier !...

 

Prière

 

O Notre Dame, apprenez-nous la science, inspirez-nous la passion de la prière.... Modèle des parents, des maîtres et maîtresses d'école, dans votre leçon de prière à Bernadette, faites comprendre et pratiquer aux pères et mères ce grand devoir religieux qu'ils ont par trop négligé envers leurs enfants, et suscitez parmi nous, s'il en est temps encore, des éducateurs et des éducatrices qui, tenant tête glorieusement aux exigences des programmes devenus si variables, foulent aux pieds les questions de boutique et d'amour-propre, et placent la Religion invariable au-dessus des brevets et autres passeports des carrières uniquement laïques.... Avant d'être homme, femme, ou mieux, pour être homme, femme, il faut être chrétien. Qu'on rende à César ce qui est à César, mais qu'avant tout on rende à Dieu ce qui est à Dieu : Dieu se charge de prendre ce qu'on ne lui rend point...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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7 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Huitième jour

Extase et troubles diaboliques

 

« Bernadette se mit à genoux, éleva son chapelet à la hauteur du front et se marqua d'un beau signe de croix. Un moment après, le monde matériel n'existait plus pour elle, et son âme ravie était plongée dans les délices de la contemplation. Des sourires ineffables illuminaient son visage, des courants de joie céleste faisaient tressaillir tout son être ». L'état de grâce, à plus forte raison l'état extatique, donne à la figure des chrétiens des sourires, des reflets à part. Allez en pays protestant : vous serez frappé de l'expression morne des visages. N'avez-vous point remarqué, au contraire, l'épanouissement des vierges, des femmes et même des hommes, dans nos paroisses encore pratiquantes, les jours de fête et surtout de communion pascale ?

La mère et la tante avaient déjà entendu faire le tableau de ce qu'était Bernadette à la Grotte. Leur imagination ne s'était pas élevée à l'idéal des sublimes réalités qui les attendaient. Quand elles virent la voyante sous les rayonnements de l'extase, le corps penché en avant comme pour s'envoler, elles furent saisies d'un tremblement nerveux, et la mère de s'écrier : « O mon Dieu, je vous en conjure, ne m'enlevez pas mon enfant ». C'était le cri de la nature ! Elle est sujette à ces affolements. Très attachée à la terre, elle a toujours peur que la terre ne lui échappe. Que n'est-elle plus clairvoyante ? Elle comprendrait que le Surnaturel, en enlevant, élève ; qu'en tuant, il vivifie. La Mort vient d'en bas, la Vie, d'en haut. Les parents mondains ne veulent, à aucun prix, de la vocation sacerdotale ou religieuse pour leurs fils ou leurs filles, et ils consentent de gaieté de cœur à ce que le monde leur enlève, pour les dégrader, ceux et celles que Dieu, à qui ils les refusent, transfigurerait... Heureusement, la nature n'est point seule à émettre son suffrage.

Une autre voix, celle d'une assistante disait en même temps : « Oh ! qu'elle est belle ! » C'était le cri de la grâce ! Et la grâce, ici comme toujours, avait raison. La vraie beauté n'est point celle du corps qu'exagère le prisme des sensualités ; c'est celle de l'âme perçue à la lumière précise de la foi. Au milieu des laideurs morales qui nous environnent, il faudrait qu'on pût dire de l'âme de chacun de nous : « Oh ! qu'elle est belle ! » Les sociétés, pour vivre, ont besoin, plus qu'on ne pense, de mystiques beautés...

Des larmes d'attendrissement montèrent à tous les yeux : on se mit à prier dans un silence admirable. Bernadette demeura dans le ravissement environ une demi-heure ; cette demi-heure parut un siècle au cœur anxieux de la mère et de la tante ; ce ne fut qu'un éclair, mais un éclair échappé des demeures célestes pour les autres personnes présentes à cette scène. La voyante revint de son extase en se frottant les yeux et comme accablée sous le poids de son bonheur. Heureuse, elle se rapprocha affectueusement de sa mère et de sa tante, qui la reçurent dans leurs bras avec une inexprimable tendresse. Toutes trois, elles remontèrent la pente escarpée de Massabielle au milieu des femmes qui avaient suivi au départ. Celles-ci entouraient Bernadette de mille égards et se répandaient en admiration sur ce qu'elles avaient vu. Chemin faisant, Bernadette raconta que la Dame s'était montrée satisfaite de sa fidélité à revenir à la Grotte.

En cette quatrième Apparition, la Dame témoigna donc, d'abord, sa satisfaction. Elle était contente de la fidélité de l'enfant. Rien ne lui plaît davantage que la fidélité. Elle la considère comme la pierre de touche de l'amour. Un sursaut, un bond de cœur, peut être de la passion, de la frénésie, du dévouement, de l'héroïsme. Mais ce n'est là que l'accident de l'amour. Sa substance, sa force, son charme intime, est dans ce qui dure sans altération d'âme : dans la fidélité. Et Bernadette était fidèle. Et elle plaisait ainsi à la Dame, et la Dame le lui disait. Quelle joie !... Par nous-mêmes nous ne pouvons rien, et nous avons cependant le pouvoir de faire plaisir à la Vierge admirable, à l'être infini : Dieu. Faire plaisir à la terre, c'est le secret des âmes passionnées ou délicates ; faire plaisir au Ciel, c'est le secret des Saints.

Bernadette raconta, en outre, que la Dame lui avait dit que, plus tard, elle aurait des révélations à lui faire. En cette quatrième Apparition, la Dame, qui avait témoigné sa satisfaction, révéla donc aussi sa sagesse. Nous sommes pressés, surtout en ce siècle de vitesse folle. L'art des nuances, la science des gradations, nous font de plus en plus défaut, la Vierge très prudente ne nous ressemble point. Elle a le temps pour auxiliaire de ses projets : par le miroitement de révélations ultérieures, elle pique la curiosité de Bernadette, elle la tient en haleine, elle laisse mûrir en cette enfant les fruits du Surnaturel, et cette maturation qu'en toutes choses, matérielles ou spirituelles, rien ne supplée, la prépare, lentement mais sûrement, au prochain accomplissement de sa mission.

Bernadette parla encore d'un fait étrange qui s'était produit durant la vision. Pendant qu'elle était en prière, dit-elle, un tumulte de voix sinistres paraissant sortir des entrailles de la terre était venu éclater au-dessus des eaux du Gave ; ces voix s'interpellaient, se croisaient, se heurtaient, comme les clameurs d'une foule en querelle. L'une de ces voix, dominant les autres, avait crié d'une manière stridente et pleine de rage : « Sauve-toi ! Sauve-toi ! » A ce cri qui ressemblait à une menace, la Dame avait levé la tête et froncé le sourcil en regardant vers la rivière. Sur ce simple mouvement, les voix s'étaient prises d'épouvante et avaient fui dans toutes les directions. Les auteurs de ce vacarme et de ces insolences étaient sans nul doute les démons survenus en ces parages avec la permission de Dieu. Leur flair, étonnamment subtil, leur faisait pressentir quelque prochain coup d'éclat du Surnaturel en ce coin des Pyrénées ; et, n'étant pas fixés sur l'identité de la Dame, lions féroces, ils rugissaient. Selon toute probabilité, c'est le chef de la troupe diabolique qui, plus haineux que les autres, venait de signifier à la Dame, par un cri plus rageur, de se sauver. Mais celle qui apparaissait, dans l'anfractuosité de la roche, « fraîche comme l'aurore, belle comme la lune, pure comme le soleil », était aussi « terrible comme une armée en bataille ». Un regard, un changement de physionomie, un froncement de sourcil lui avaient suffi pour réduire au silence et disperser l'attroupement mystérieux. Ainsi, ayant témoigné sa satisfaction, révélé sa sagesse, la Dame en cette quatrième apparition manifestait-elle sa puissance...

 

Examen

 

Avons-nous une expression de visage qui raconte la sérénité de notre foi, la ferveur de nos prières, la pleine possession de notre âme, qui soit comme un texte vivant d'Evangile, comme une apologie vécue de christianisme ?... On a, pour un observateur perspicace, la figure de son âme... Des sourires illuminaient le visage de Bernadette en prière.... N'avons-nous pas peur des enlèvements de la grâce ? On ne se donne à Dieu qu'à demi par crainte d'être pris en entier : la nature, avare de son autonomie, redoute les concurrences, les mainmises de la grâce.... Il est rare qu'on se trouve trop intelligent, trop honoré, trop riche, trop bien portant.... Par peur de l'emprise surnaturelle, on se trouve presque toujours suffisamment saint... ou l'on préfère, pour échapper aux ennuis du contrôle, ne se point regarder à ce divin miroir, ne se point peser à cette inquiétante balance.... « O mon Dieu, je vous en conjure, ne m'enlevez pas mon enfant », disait la mère Soubirous...

Tout comme les mondains et les mondaines, ne nous laissons-nous pas prendre aux apparences trop sensibles, aux formes matérielles ?... Pour nous, la vraie beauté réside-t-elle dans la pureté de l'âme... « Oh ! Qu'elle est belle ! », disait une assistante. Réservons-nous ce suffrage aux splendeurs d'âme opérées par la grâce ?... Dans notre paroisse, méritons-nous, par nos assiduités aux offices, par notre contribution généreuse aux frais du culte, par l'édification de nos exemples et la promptitude de notre dévouement, le titre de fidèles ?... Hélas ! Que d'infidèles parmi les catholiques de nos paroisses !... On fait plaisir aux créatures... on se fait plaisir à soi-même.... Où sont ceux, celles qui font plaisir à l'Eglise, à la Dame, à Jésus, à Dieu ?...

Sommes-nous des amis de la sage lenteur qui produit, pour le bien, des fruits mûrs en leur temps... Réprimons-nous la mobilité de nos idées, la perpétuité de nos mouvements enfantins ?... La Vierge ne dit pas tout, dès la première entrevue à Bernadette : elle lui annonça, pour plus tard, les révélations plus importantes... Savoir attendre et, sans injustice ni indélicatesse, savoir faire attendre, surtout ceux qui sont jeunes et chez qui la griserie de l'arriviste peut être si néfaste : quel art !... Ne sommes-nous point de ces naïfs qui étonnent, déconcertent et découragent les fréquentes tentations du Démon ?... Le Démon n'est pas un être imaginaire, c'est un être réel. Entre les âmes, il déteste principalement celles qui sont dévotes à la Vierge.... Enfants de Marie, attendez-vous donc à être plus fréquemment, plus violemment tentés... Mais ne vous effrayez point... Invoquez la Dame : « Elle fronça le sourcil et la troupe infernale s'enfuit épouvantée »...

 

Prière

 

O Notre Dame, donnez-nous une expression de figure chrétienne, un courage chrétien, une beauté chrétienne... Rendez-nous fidèles à la grâce, à notre règlement particulier, à tous nos devoirs de paroissiens.... Enseignez-nous à penser avec réflexion, à parler avec prudence, à agir avec sagesse.... Le bien aimé Pie IX disait : « L'enfer est en réparation, tous les diables sont dehors ». On raconte, est-ce vrai ?, qu'apparaissant naguère dans une loge maçonnique, le démon aurait dit : « Faites vite, car la Femme de la montagne pourrait vous empêcher d'aboutir ». La Femme de la montagne, c'est vous, ô Femme du calvaire, Dame de Lourdes ! Froncez le sourcil, jetez un regard de colère sur les esprits malins qui ont trop longtemps vagabondé dans le monde pour y accumuler des ruines, et, sans plus tarder, faites-les rentrer tous dans l'abîme infernal...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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6 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Septième jour

Le Conseil de famille

 

« Dès que Mademoiselle Millet et Antoinette Peyret eurent disparu, Bernadette fit connaître à ses parents les paroles recueillies de la bouche de la Dame et l'engagement pris par elle de revenir pendant quinze jours à la Grotte. En entendant cette dernière communication, les époux Soubirous tombèrent dans un trouble indéfinissable. Jusque là ils avaient pensé que les yeux de l'enfant se laissaient éblouir à la Grotte par quelque forme vaporeuse plus ou moins brillante, mais que cette forme finirait par s'évanouir, comme s'évanouissent, dans les hauteurs de l'espace, les figures fantastiques créées par les nuages. Les nouveaux renseignements apportés par la voyante renversaient toutes leurs hypothèses. Ce quelque chose de vague, d'indécis, qu'ils avaient entrevu par leur imagination était un être réel, vivant, ayant une volonté propre et parlant comme l'un d'eux. Maintenant, et ici commençait leur embarras, à quelle catégorie d'esprits fallait-il rattacher la personnalité immatérielle, et toutefois sensible, qui se montrait à Massabielle ?

Aux traits resplendissants de la Dame décrite par Bernadette, à la nature des promesses qu'elle faisait, le père et la mère de l'enfant croyaient reconnaître la Reine du Ciel. Mais ils repoussaient bien vite cette pensée comme présomptueuse, et se confondaient dans leur néant. Ils se prenaient ensuite à examiner l'idée conçue par Antoinette Peyret, c'est-à-dire la possibilité d'une apparition, sous une forme humaine, d'une âme du purgatoire. Mais la sérénité de l'être mystérieux ne semblait pas se concilier avec l'expression d'une personne qui souffre. Puis, une âme du purgatoire serait-elle venue sans but à la Grotte ? Pourquoi cette âme n'aurait-elle pas formulé ses désirs, ses prières, au moment où elle y était expressément conviée ? La présence d'une âme du purgatoire sur le rocher de Massabielle, ne paraissait donc pas probable aux Soubirous.

Un troisième aspect de la question jetait ces derniers dans une espèce de saisissement qui approchait de l'épouvante. Sans doute la Dame de la Grotte se présentait sous des dehors pleins de charme et de bénignité ; sans doute elle portait sur elle un objet religieux qui fait la terreur de l'enfer ; sans doute elle donnait des promesses qui, par leurs restrictions mêmes, rappelaient les promesses évangéliques. Mais à tous ces beaux semblants, à toutes ces belles assurances, pouvait-on se fier ? L'esprit du mal n'est-il pas capable de toutes les fourberies et de tous les mensonges ? En dehors de ces sujets de crainte, ne demeurait-il pas encore d'autres points noirs à éclaircir ? Que signifiait le silence de la Dame à l'égard de son nom ? Entrevoyant d'un côté la lumière et d'un autre les ténèbres, les époux Soubirous étaient en proie aux incertitudes les plus inextricables. Ils se sentaient enveloppés de surnaturel, et ce surnaturel, ils n'osaient ni l'accueillir, ni le combattre. Les braves gens arrivaient à la question finale sans pouvoir la résoudre : devaient-ils, ne devaient-ils pas autoriser Bernadette à retourner à la Grotte ?

Voyez-vous la maison de Bernadette devenue soudain comme une petite annexe de l'antique Sorbonne ? On y tient école de haute théologie ; on y envisage le cas sous toutes ses faces, on en fait, avec le scalpel d'un gros bon sens, l'anatomie savante : le mari et la femme s'y improvisent théologiens. Des grâces d'état les éclairaient sans doute, à leur insu ; il fallait néanmoins qu'ils offrissent à l'action de Dieu l'apport d'un jugement rare et d'une religion profonde, pour déployer tant de discernement en une semblable dissection. Voilà ce que faisait jadis le Christianisme chez les ignorants de la classe ouvrière : il mettait de la rectitude dans les cerveaux, de la modération dans les appétits, de l'honnêteté dans les cœurs ! Que les transformateurs modernes en fassent autant !

Dans les conjonctures un peu difficiles, les Soubirous ne manquaient jamais de consulter la tante Bernarde, la marraine de leur fille, et il était rare que son avis ne fût pas adopté. Au cours de la journée du 18 février, la mère de la voyante alla trouver sa sœur aînée pour lui faire part de ses perplexités. Bernarde écouta, mais elle ne voulut donner aucun conseil avant d'avoir réfléchi. Le soir, à la veillée, elle se présenta chez les Soubirous, et leur dit que son opinion était faite et qu'elle ne voyait pas de motif sérieux pour empêcher Bernadette de se rendre à l'invitation de la Dame. « Si la vision, fit-elle observer, est de nature céleste, nous n'avons rien à redouter ; si ce n'est qu'une supercherie diabolique, il n'est pas possible que la Vierge laisse tromper une enfant qui se confie à elle avec tout l'abandon de son innocence. Au surplus, ajouta Bernarde, il est un tort que nous nous sommes déjà donné : c'est celui de n'être pas allés nous assurer par nous-mêmes des faits qui s'accomplissent à Massabielle. Il est nécessaire que cette démarche se fasse ; puis, selon ce que nous aurons observé, nous déciderons de la conduite qu'il conviendra de tenir ».

C'était parler d'or. Il serait difficile d'entendre, à la veillée, dans les chaumières contemporaines, propos marqués au coin de plus de finesse d'esprit et de justesse d'observation. En désapprenant la Religion, le peuple n'a guère fait que s'abrutir... Déférant à la manière de voir de la tante Bernarde, la mère Soubirous et sa fille sortaient, le lendemain 19 février, au point du jour, de leur domicile des Petits-Fossés et se dirigeaient, enveloppées dans leurs capulets, vers la rue du Baous. Elles prirent en passant la tante Bernarde, puis, sans proférer une parole, les trois femmes, Bernadette au milieu, s'acheminèrent vers les bas-fonds du Gave.

 

Examen

 

Initions-nous nos parents aux desseins de Dieu sur nous quand ces desseins, nettement perçus, sagement analysés, sont une invitation à une vie plus parfaite, à une vocation plus haute ?... Que d'âmes appelées à rester vierges dans le monde, à devenir religieuses dans les cloîtres, manquent leur vocation, gâchent leur vie, pour ne s'être point ouvertes en famille, respectueusement mais carrément, sur l'appel divin !... Aide- toi, le Ciel t'aidera.... Bernadette fit connaître à ses parents les paroles de la Dame.... On en est arrivé, dans les foyers chrétiens, à ne plus oser parler de Jésus-Christ.... La pluie, le beau temps, la politique, les questions d'argent, la chronique du quartier, offrent bien plus d'attraits...

Admirez-vous l'humilité des Soubirous repoussant la pensée de l'apparition de la Vierge comme présomptueuse et se confondant dans leur néant ?... Seul l'orgueil, issu de la Révolution, pouvait multiplier avec ses crédulités niaises, comme il l'a fait parmi le peuple, la race des jobards et des gobeurs... Admirez-vous aussi la souplesse intellectuelle, la pondération de jugement, la droiture d'âme dont font preuve le père et la mère de Bernadette en disséquant le cas, exposé par leur fille, à leur façon ? Les prétendus intellectuels auraient haussé les épaules, ricané, et, en dépit de leurs lumières, n'auraient rien compris du tout.... Qu'elle est belle la Religion qui affine à ce point le bon sens des ouvriers !... O peuple, redeviens religieux pour redevenir clairvoyant !...

Admirez-vous encore l'union qui règne dans la famille Soubirous ?... On s'y défie de soi, on va chercher la tante, on la consulte comme un oracle, on lui obéit comme à une envoyée de Dieu.... Les tantes, celles qui sont dignes de ce nom, du moins, quelles sympathiques figures ! Quels services, quand elles sont vertueuses, ne rendent-elles pas !... On connaît la réponse de Racine à Madame de Maintenon lui promettant de dissiper un nuage survenu contre le poète dans la tête et le cœur du Roi et de ramener ainsi le beau temps : « Non, non, Madame, lui dit-il, vous ne le ramènerez jamais pour moi. Et pourquoi avez-vous une pareille pensée ? Doutez-vous de mon cœur ou de mon crédit ? Je sais, Madame, quel est votre crédit, et je sais quelles bontés vous avez pour moi. Mais j'ai une tante qui m'aime d'une façon bien différente. Cette sainte fille demande tous les jours à Dieu pour moi des disgrâces, des humiliations, des sujets de pénitence, et elle aura plus de crédit que vous »... Les tantes ne rendent pas que ces services, appréciés des chrétiens robustes seulement : elles en rendent d'autres, très nombreux, dans l'ordre temporel.... Heureux ceux à qui Dieu ménage, surtout dans les conjonctures difficiles, l'intervention d'une tante judicieuse, délicate, dévouée, sainte...

La sortie de la tante Bernarde, de la mère Soubirous et de Bernadette au point du jour ne vous dit-elle rien ? Leur silence absolu en route est-il pour vous sans éloquence ?... A quelle heure, tardive peut-être et inégale, nous levons-nous ?... Il fait si bon, pour l'hygiène de l'âme plus que du corps, se lever de bon matin !... Dieu tient tant aux prémices !... Le Démon trouve tant son compte à nous attarder paresseusement dans notre lit !... Les Saintes Femmes allèrent au tombeau de Jésus à la pointe du jour.... La matinée avance la journée, dit-on.... Le lever matinal, le silence matinal, donnant plus de temps et favorisant la méditation, préparaient jadis les serviteurs et les servantes, les ouvriers et les ouvrières, à l'audition de la Messe quotidienne, et en faisaient comme des moines et des moniales dans le monde... Heureux temps, qui existent encore dans les nations chrétiennes, qu'êtes-vous en France devenus ?...

 

Prière

 

O Notre-Dame, mettez sur nos lèvres, dans nos conversations en famille, les paroles les plus propres à sanctifier nos parents et à promouvoir l'oeuvre de notre sanctification personnelle.... Suscitez aussi, dans les circonstances où de graves décisions s'imposeront à nous, des conseillers et des conseillères qui, comme les parents et la tante de Bernadette, nous éclairent de leur bon sens, nous échauffent de leur foi, nous accompagnent de leurs prières et nous amènent jusqu'à vous.... On vous invoque comme l'étoile du matin : inspirez-nous le dégoût du désordre, des retards sans excuse, des honteuses paresses, dans notre lever ; aidez-nous à utiliser saintement, par la mortification de la nature, par le recueillement et la méditation, les premières minutes matinales, et conduisez-nous, quelles que soient les rigueurs de la saison et même la longueur des distances, pour l'assistance quotidienne à la messe, la grande Apparition divine, à l'autel de Jésus !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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5 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Sixième jour

Demande de la Dame et Promesse

 

Et la Dame, ayant paru ensuite réfléchir un moment, ajouta : « Voulez-vous avoir la bonté de venir ici pendant quinze jours ? » Seconde parole : elle contenait une demande. Demande réelle : « Voulez-vous ? » Tel est le respect de Dieu pour notre volonté, dont il a fait la collaboratrice de ses vouloirs sur nous, pour ce qui se réfère à notre sanctification, que la Dame fait appel, d'abord, à la volonté, au libre arbitre de Bernadette. Elle aurait certes pu intimer un ordre, surtout à une fille de meunier, à une enfant ; elle formule une demande : « Voulez-vous ? »

Demande délicate : « Voulez-vous avoir la bonté ? » ou, selon une variante admise, parfois, dans la traduction de Bernadette : « Voulez-vous me faire la grâce ? » Peut-on rien concevoir comme forme de demande ! La volonté a été respectueusement consultée ; le cœur s'imprègne maintenant de bonté de grâce. La conversation de personnes bien élevées est un des plus grands charmes de société, ici-bas. Que doivent donc être les conversations du Ciel ? Nous en percevons un écho, par Marie : « Voulez-vous avoir la bonté, me faire la grâce ? » Vous qui aimez la Vierge, imitez son langage ; et qu'aucune parole maladroite n'éloigne jamais de vous ceux, si petits soient-ils, que vous avez le devoir d'édifier et convertir !

Demande particulièrement réjouissante : « Voulez-vous avoir la bonté de venir ici pendant quinze jours ? » Ainsi énoncé, l'objet inattendu de la demande apportait à Bernadette une double joie de précision et de durée. Rien ne paralyse comme l'incertitude, l'imprécision de ce qu'on a à faire, lorsqu'on voudrait s'employer pour Dieu ; rien aussi ne désenchante comme la rapidité des moments d'union plus intime avec le Surnaturel. Et Bernadette, maintenant, connaissait son devoir : « venir » ; et elle savait où le remplir : « ici ». Et cela durerait quinze jours ! La Dame me veut ici, devait-elle se dire à elle-même ; donc, ma mère ni personne ne pourra s'y opposer.... Quel apaisement dans son âme, quelle perspective de céleste bonheur !....

« Qu'as-tu répondu ? » lui demanda Antoinette Peyret. « J'ai répondu que oui ». « Mais pourquoi la Dame veut-elle que tu viennes ? » « Je l'ignore, elle ne me l'a pas dit ». « Mais, reprit à son tour Madame Millet, pourquoi nous as-tu fait signe de reculer quand nous étions tout à l'heure après toi ? » « Pour obéir à la Dame ». « Ah ! Soupira avec inquiétude Madame Millet, de grâce, Bernadette, demande-lui si ma présence ici ne lui serait pas importune ». Bernadette leva les yeux vers le haut du rocher, puis se retournant : « La Dame répond : « Non, sa présence ne M'est pas désagréable ». La voyante se remit à prier et avec elle les deux femmes. Dans cette seconde partie de l'Apparition, Madame Millet et Antoinette Peyret remarquèrent que Bernadette interrompait souvent sa prière pour se livrer à un colloque intime avec la Vision. Une heure se passa ainsi, puis tout disparut. Dès que Bernadette fut sortie de la Grotte, Madame Millet et Antoinette Peyret lui demandèrent si elle n'avait pas reçu de nouvelle communication de la Dame : « Si, répondit l'enfant, mi-attristée, mi-joyeuse ; elle m'a dit : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde, mais dans l'autre ».

Troisième parole : elle contenait une promesse. La dévotion à la Sainte Vierge a toujours été considérée comme un signe certain de pré-destination : « Enfant de Marie, dit l'adage ascétique, enfant du Paradis ». La Dame, pour rafraîchir cette conviction chez les chrétiens et chrétiennes modernes, tant oublieux de leur Salut, promet à Bernadette de la rendre heureuse non en ce monde, mais dans l'autre. Et les promesses de la Dame ne sont ni décevantes ni ruineuses, comme celles des hommes qui promettent tout et ne tiennent rien, soit qu'ils ne puissent ou ne veuillent plus. Il y a un autre monde dont celui-ci est le portique ; et c'est de l'autre monde, du monde de l'éternité bienheureuse, que d'ores et déjà, par nos aspirations et nos œuvres, nous devons faire partie. Mais qui pense à ce monde futur, aujourd'hui que la matière triomphante a jeté son voile sur les yeux de l'Esprit ? De n'y penser point ne le supprime pas. Il existe, et il sera le grand réformateur...

« Puisque la Dame consent à te parler, reprirent les femmes, pourquoi ne lui demandes-tu pas son nom ? » « Je l'ai fait ». « Eh bien ! Qui est-elle ? » « Je l'ignore ; elle a baissé la tête en souriant, mais elle n'a pas répondu ». La révélation du nom était une grâce qu'il fallait mériter. Elle se ferait plus tard.... Bernadette fut reconduite dans sa famille. Comme la meunière Nicolau, Madame Millet et Antoinette Peyret dirent à la mère : « Ah ! Que vous êtes heureuse d'avoir une pareille enfant ! »

Rien de plus vrai. La mère Soubirous, en proie à mille perplexités, n'appréciait peut-être pas alors tout son bonheur. Il était grand cependant. Mère, elle avait le bonheur de l'élection de sa fille par la Dame, supérieure à toutes ; chrétienne, elle avait le bonheur de la coopération directe à l'oeuvre sainte de la Grotte, par ses conseils, ses autorisations et ses souffrances ; femme, elle avait le bonheur de l'illustration même temporelle de son nom par les divulgations prochaines de la Renommée et de l'Histoire. Mais quand on est heureux, on a besoin de se l'entendre dire pour s'en bien pénétrer. Voilà pourquoi je me plais à dire à vous qui venez au Mois de Marie et servez la Vierge : « Vous êtes heureux, heureuse, de pouvoir jouir des intimités de la Dame. Comprenez votre bonheur ».

 

Examen

 

Connaissons-nous les vouloirs spéciaux de Dieu, de la Vierge, sur nous ?... On les connaît par les poussées de la grâce vers tel sacrifice ou telle action, par les élancements du cœur, par les incitations de la conscience, par les impasses auxquelles nous acculent les événements, par les indications de notre confesseur.... Répondons-nous : « Je veux », par un intelligent libre-arbitre, afin de ne pas être obligés, au jour de notre mort, de le dire par nécessité inexorable, alors que Dieu, ne nous demandant plus notre avis, nous dira d'un ton qui ne souffrira ni réplique ni délai : « Je veux ? »... Ouvrons-nous notre cœur, plus encore que notre esprit, aux désirs divins, aux ordonnances divines, mettant de la coquetterie à avoir toutes les bontés pour Dieu, à lui faire toutes les grâces, car ce qu'il regarde dans les œuvres c'est avant tout le cœur.... Bernadette répondit oui.

Ne sommes-nous point de ceux qui commencent avec entrain le mois de Marie, mais qui, avant la première quinzaine ou la fin de la seconde, ne remettent plus les pieds à l'église, non parce qu'ils sont retenus chez eux par la maladie ou les affaires, mais parce que rien ne leur plaît tant que l'inconstance, rien ne leur pèse plus que la continuité ?.... Sommes-nous bien convaincus que notre présence est fort agréable à Marie, à condition que dans ses sanctuaires nous sachions la prier avec ferveur et prendre des résolutions qui provoquent chez nous l'imitation plus parfaite de ses exemples et de ses vertus ?... Tout culte doit rendre imitateur.... Pensons-nous souvent au bonheur sans mélange ni terme qui nous attend au Ciel ?... Ne cherchons-nous pas plutôt être heureux sur cette terre, à la façon des mondaines et des mondains : désirant les richesses, les honneurs, les plaisirs qui deviennent si facilement des causes d'éternelle damnation ?...

Tout en ayant, je le veux supposer, une vraie dévotion intérieure à la Très Sainte Vierge, savons-nous faire pour elle, extérieurement, des sacrifices de toilette, par la simplicité de mise qui convient à des Enfants de Marie ?... Que de jeunes filles refusent aujourd'hui de s'habiller de blanc, de porter le voile virginal ! Si encore c'était pour économiser, elles pourraient être excusables. Mais elles ont peur de ne pas être assez belles, assez élégantes, pendant quelques heures, aux yeux du monde : des robes, des chapeaux, à la dernière mode, cadrent mieux avec leurs goûts de vanité qu'elles amalgament avec des airs et des pratiques de religion. Car à notre époque, par une anomalie tristement caractéristique, les personnes honnêtes ont la manie de se vêtir souvent comme celles qui ne le sont pas, afin de paraître, dirait-on, avoir quelque relent de légèreté ou de vice ; et celles qui ne sont pas honnêtes recourent à tous les vernis de l'hypocrisie pour reproduire les dehors de celles qui le sont.... C'est le monde renversé !.. La Dame plus belle, plus élégante que toutes, j'imagine, ne se montra pas si difficile : elle apparut à la Grotte tout juste avec le costume : robe blanche et ceinture bleue, admis dans l'association des Enfants de Marie à la paroisse de Lourdes, et elle consacra de la sorte, en l'irradiant d'une N'estimez-vous pas qu'une telle leçon de toilette ne devrait point passer inaperçue ?... 

 

Prière

 

O Notre-Dame, nous voulons avoir la bonté, vous faire la grâce de venir dans votre sanctuaire, non pas seulement pendant quinze jours, mais durant tout ce mois, qui n'aura que le tort très grand d'être trop court. Veuillez, en revanche, avoir la bonté, nous faire la grâce de nous promettre, comme à Bernadette, le bonheur du Paradis. « Salut, César, ceux qui vont mourir te saluent », disaient dans l'arène fatale les gladiateurs de Rome. Salut, disons-nous aussi, aux richesses, aux honneurs, aux plaisirs tyranniques : les enfants de la Vierge, uniquement épris des biens du Ciel, regardent la mort prochaine comme une libératrice, et ne vous accordent qu'un salut de pitié....

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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4 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Cinquième jour

Le papier et la plume

 

L'événement accompli pour la seconde fois à la Grotte s'ébruita dans Lourdes : les jeunes filles qui s'étaient séparées de Bernadette au moulin de Savy en parlèrent. On rit généralement du caquetage, on les traita de petites folles. Cependant deux personnes pieuses, Madame Millet et Antoinette Peyret qui faisait partie de la congrégation des Enfants de Marie établie dans la paroisse, prirent la chose au sérieux et, dans la journée du mercredi 17 février, décidèrent, pour s'éclairer à ce sujet, de se rendre, à la tombée de la nuit, au domicile des Soubirous.

« Elles se présentèrent juste au moment où Bernadette sollicitait de sa mère l'autorisation de retourner une troisième fois à la Grotte. Encore sous le coup des impressions reçues le dimanche précédent, la mère ne voulait pas renouveler ses alarmes et adressait à sa fille une sévère mercuriale. A la vue des deux visiteuses, elle s'arrêta un peu confuse, mais elle ne put cacher ni s'empêcher de dire le motif de son irritation. Madame Millet et Antoinette Peyret furent presque heureuses d'arriver en cette conjoncture ; elles s'employèrent à calmer la mère, à lui démontrer que ses craintes étaient exagérées. Elles appuyèrent ensuite la demande de Bernadette, et, plaidant autant pour elles-mêmes que pour l'enfant, elles firent remarquer qu'il y avait plus de danger à combattre ce désir qu'à le favoriser. Enfin elles s'engagèrent à accompagner Bernadette à la Grotte et à lui servir de protectrices ». L'opposition maternelle cessa. Le lendemain, jeudi 18 février, avait lieu la troisième Apparition.

« Avant le jour, afin de ne pas attirer l'attention des curieux, Madame Millet et Mademoiselle Peyret vinrent frapper discrètement à la porte des Soubirous, et Bernadette sortit avec elles. Elles avaient à peine fait quelques pas dans la rue, quand les cloches de la paroisse annoncèrent une messe basse : elles entrèrent à l'église. La messe entendue, elles s'acheminèrent vers Massabielle ; peu de personnes les virent passer, car les maisons n'étaient pas encore ouvertes. Madame Millet tenait ostensiblement le cierge traditionnel bénit à la Chandeleur, cierge qu'elle faisait brûler dans sa chambre aux jours de fête de la Vierge ou à l'approche des gros orages. Antoinette Peyret cachait de son côté sous les plis de son grand capuchon noir des Pyrénées une feuille de papier, une plume, de l'encre. Lorsqu'elles furent parvenues au sommet du mamelon de Massabielle, Bernadette, pressée d'arriver, laissa derrière elle ses protectrices et descendit rapidement vers la Grotte. Madame Millet et Antoinette Peyret, moins familiarisées avec le sentier, n'arrivèrent au bord du Gave que quelques minutes après la voyante. Elles trouvèrent cette dernière à genoux, récitant son chapelet, en face de la niche où pendait le buisson. Après avoir allumé le cierge bénit, les deux femmes imitèrent Bernadette et prirent leur chapelet. Le petit groupe agenouillé priait à voix basse depuis déjà quelques instants, lorsque la voyante jeta soudain un cri de joie : « Elle vient... La voilà ! » et Bernadette, frémissante de bonheur, inclinait en même temps la tête jusqu'à terre. Madame Millet et Madame Peyret se hâtèrent de porter leurs regards sur le rocher, mais hélas ! Pour elles rien n'y était changé.

« Bernadette était déjà en communication avec la céleste apparition. Elle priait et souriait tour à tour... Quand le chapelet fut récité, Antoinette Peyret dit à Bernadette en lui tendant le papier et la plume qu'elle avait apportés : « Demande, je te prie, à la Dame, si elle a quelque chose à nous communiquer et, dans ce cas, de vouloir bien le mettre par écrit ». La voyante fit trois ou quatre pas vers le rocher, puis comprenant sans se retourner que les deux femmes la suivaient, elle leur fit signe de la main de demeurer en arrière. Arrivée sous le buisson, Bernadette se haussa sur ses pieds et présenta le papier et la plume à la Vision. Elle demeura quelques instants dans cette attitude, regardant vers l'ouverture ogivale et paraissant écouter des paroles qui lui venaient du bout de la niche. Elle abaissa ensuite ses bras, fit une profonde inclination et revint à sa place première. Comme on le pense bien, le papier était demeuré blanc. Un peu attristée.

Antoinette Peyret se rapprocha de Bernadette et lui demanda ce qu'avait répondu la Dame. « Quand je lui ai présenté le papier et l'encre, elle s'est mise à sourire, puis, sans se fâcher, elle m'a répondu : « Ce que j'ai a vous dire, il n'est pas nécessaire que je le mette par écrit ».

Première parole de la Dame : elle contenait une triple leçon.

Leçon de respect. « Ce que j'ai à vous dire ». Elle lui disait vous. « La Vierge me dit vous », racontait-elle plus tard, en s'arrêtant à ce pronom, confuse et la tête baissée. Rien n'échappe aux enfants : ils saisissent bien vite la nuance des égards qu'on a pour eux. Ils nous mesurent à notre aune, d'après nos procédés à leur endroit. L'instinct de la dignité, affiné par l'amour-propre, leur donne des clairvoyances redoutables. Au foyer comme à l'école, les enfants ont perdu la majesté dont la Religion, pour protéger leur faiblesse, les avait recouverts : on les traite gentiment, sous maints toits, comme de petits animaux d'un dressage plus ou moins intéressant et long. Parents et maîtres ont besoin de se rappeler l'exemple de la Dame.

Leçon d'autorité doctrinale. « Ce que j'ai à vous dire, il n'est pas nécessaire que je le mette par écrit ». La Révélation, n'en déplaise à la Critique, vaut mieux que l'Histoire : elle en est la mère. Chez les individus comme chez les peuples, la pensée suggérée précède la parole, et la parole précède l'écriture. Les Livres Saints n'ont vu le jour qu'après que Dieu, qui les inspira au fur et à mesure de leur composition, a eu parlé à l'Humanité par des témoins spéciaux, et, plus tard, par le Verbe incarné. En dehors de nos Saintes Lettres, l'écriture, qui est une garantie en matière commerciale, est loin d'être toujours une certitude en Histoire. Plus d'une fois, le document authentique, passion des fouilleurs, réclame des fats, écueil des superficiels, doit renoncer à la prétention absolue d'apporter le rayon décisif.

Leçon de condescendance. « Ce que j'ai à vous dire ». Certaines grandes dames, moins grandes par leurs mérites que par leurs prétentions, le prennent de très haut, lorsqu'elles daignent adresser la parole à des inférieurs ou à ceux et celles que, malgré les nivellements démocratiques, elles regardent comme tels : fort peu avenantes, elles sont très laconiques. Les parvenues, favorites de la fortune et de l'intrigue, ont la spécialité de ces airs dédaigneux.

La Dame, elle, la plus grande Dame qui soit sur terre et au Ciel, ne se sert point de la plume naïvement présentée par Bernadette. Elle parle. Quel honneur pour cette enfant que d'entendre la Reine du monde s'entretenir en tête à tête avec elle ! Et elle parlait patois. Elle le devait pour se faire comprendre ; elle le devait davantage pour se faire aimer. « Un jour, raconte M. Estrade, que Bernadette causait avec nous, au salon, je lui adressai cette question : « Dis-moi, est-ce que la Dame de la Grotte te parle français ou patois ? » « Oh ! Patois !... » « Bah !... tu veux qu'une dame d'un rang si élevé sache parler patois ? » « Mais oui !... » Puis avec fierté et en employant une tournure patoise : « Et le patois de Lourdes, encore, qu'elle parle ! » Le don des langues, apanage des Apôtres après la Pentecôte, est encore plus l'apanage de Marie. Mère de tous les hommes, il faut bien que, le cas échéant, lorsqu'elle juge à propos de porter des messages, elle sache s'exprimer dans tous les idiomes.

 

Examen

 

Nous faisons-nous, non par vanité, par hypocrisie ou sotte indiscrétion, mais par zèle intelligent et sans peur aucune des critiques déraisonnables, les messagers, j'allais dire les gazettes vivantes et intéressantes du Bien ?... Les compagnes de Bernadette parlèrent de la Vision.... On parle de tout et quelquefois de tous dans les conversations contemporaines, excepté du Bon Dieu : on dirait qu'il est devenu, même parmi les professionnels de la piété, un étranger.... Chez les fidèles comme chez les prêtres, la bouche parlait jadis de l'abondance du cœur...

Avides de parler de Dieu, quand il le faut, et n'ayant rien de commun avec les intempérants de la langue qui ont le culte exagéré du moi comme les égoïstes ou du monologue comme les comédiens, avons-nous une avidité plus grande à entendre les autres, surtout ceux qui en savent plus que nous, parler de Dieu et de la Religion ?... Mesdames Millet et Antoinette Peyret se plurent à écouter, puis à défendre et à suivre Bernadette... Quelle que soit notre hâte de jouir des spectacles religieux les plus insolites, de satisfaire notre dévotion même envers la Très Sainte Vierge, préférons-nous cependant l'adoration de Jésus-Hostie, l'assistance au Saint Sacrifice, à tous les autres spectacles, à toutes les autres dévotions ?... Mesdames Millet, Antoinette Peyret et Bernadette, ayant entendu les cloches de la paroisse sonner la messe, entrèrent à l'église pour y assister....

Sommes-nous bien persuadés que ce que la Sainte Vierge a à nous dire, il n'est pas nécessaire qu'elle le mette par écrit ou qu'elle le traduise en paroles ?... Il lui suffit de le suggérer sous forme de pensée à notre esprit, de le faire passer comme un souffle de tendresse sur notre cœur. S'il est très doux d'ouïr comme Bernadette la Sainte Vierge, il est plus méritoire de la comprendre, sans avoir perçu d'une manière sensible l'émission de sa voix... Comment parlons-nous à nos inférieurs : enfants, élèves, employés, domestiques ?,,.Sommes-nous à leur égard calmes, respectueux, condescendants, dignes et non emportés, grossiers, boudeurs ou inégaux ?... Bien parler à ses subalternes c'est les édifier, les corriger, les instruire, les ennoblir... Ceux qui sont moins haut que nous tombent pour s'estimer trop et, plus souvent, pour ne s'estimer point assez...

 

Prière

 

O Notre Dame, ce que vous aviez à dire à Bernadette, vous le lui dites en temps opportun, avec respect, autorité, condescendance. Elle eut ainsi de vous le mot pour elle... Le mot pour soi ! On y tient tant ! Chacun de nous a besoin de l'entendre. Vous seule, après Dieu et votre Fils Jésus, le savez dire. Dites-le nous : qu'il soit compliment, conseil, ordre, reproche.... Et nous serons instruits, charmés, réconfortés...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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3 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Quatrième jour

L'eau bénite, le Meunier

 

Marie Hillot, qui tenait à ce moment le flacon d'eau bénite, le passa rapidement à Bernadette, en lui disant : « Vite, jette-lui de l'eau ». Bernadette obéit et jeta le contenu de la fiole dans la direction du buisson. « Elle ne s'en fâche pas, reprit la voyante avec satisfaction, elle approuve de la tête et sourit vers nous toutes ». Aussitôt les jeunes filles tombèrent à genoux, se rangeant en demi-cercle sur les cotés de Bernadette ».

Signalée par la grâce, accueillie par la reconnaissance, la deuxième Apparition fut, de la sorte, contrôlée par la religion.

Il fallait que ces enfants fussent bien instruites de leur catéchisme pour se rappeler la vertu de l'eau bénite, et songer à employer celui d'entre les sacramentaux le plus redouté du Démon. Bernadette alla à l'église quérir de l'eau bénite : jadis, dans les maisons chrétiennes, on renouvelait souvent semblable provision. Sa main dut répugner instinctivement à saisir la fiole pour procéder à une aspersion matériellement irrévérencieuse, puisque, à cause de l'identité de la Dame, elle était sûrement illusoire. Hâtive en son geste, elle ne marchanda point les gouttes d'eau bénite : elle vida d'emblée le flacon. Comment la Dame se serait-elle fâchée de l'emploi de ces petits moyens préservateurs ? Ceux-là seuls se fâchent, en des rencontres analogues, qui manquent ou d'esprit ou de cœur. Elle n'avait qu'à approuver et sourire. Ce qu'elle fit...

« Un instant après, Bernadette était plongée dans l'extase. Son regard, doux et tranquille, demeurait fixé sur la niche, vide et froide pour tout autre que pour elle, et semblait s'enivrer de la contemplation d'une beauté céleste ; son visage, transfiguré et rayonnant de bonheur, avait pris une expression indéfinissable ; on aurait dit un ange en prière. En présence d'un tel tableau, aussi inattendu qu'émouvant, les jeunes filles se troublèrent ne sachant à quel sentiment se livrer. La plupart éclatèrent en sanglots, et l'une d'elles s'écria : « Oh ! Si Bernadette allait mourir ! »

« Elles étaient là, anxieuses et hésitantes, quand un incident nouveau vint redoubler leurs alarmes. Une pierre, lancée du haut du mamelon, rebondit sur le rocher, et tomba dans le Gave. C'était plus qu'il n'en fallait pour affoler de jeunes têtes déjà surexcitées. Les amies de la voyante s'enfuirent de la Grotte, et, remplies de terreur, elles remontèrent le talus escarpé, en jetant de grands cris et en appelant au secours. Arrivées au chemin de la forêt, elles trouvèrent Jeanne Abadie, en tête de son petit peloton de retardataires, battant des mains et riant aux éclats. Bientôt tout fut expliqué : c'était Jeanne qui, pour se venger de ce qu'on ne l'avait pas attendue, avait causé la panique. La paix faite et la frayeur calmée, les jeunes filles venues d'en bas firent connaître aux autres l'état extraordinaire dans lequel elles avaient laissé Bernadette. Toutes s'empressèrent de descendre pour venir en aide à leur amie commune. Elles trouvèrent la voyante agenouillée à la même place, dans les ravissements de l'extase. Elles approchèrent d'elle, l'appelèrent affectueusement par son petit nom : mais Bernadette était insensible à la voix de ses compagnes. Comme si elle n'était plus de ce monde, son regard demeurait fixé sur l'objet qui la captivait. Les jeunes filles, ne sachant si la voyante était morte ou si elle allait mourir, se lamentaient, se désolaient, lorsqu'elles virent descendre la mère et la sœur de Nicolau, le meunier du moulin de Savy. Les deux femmes avaient entendu les cris de détresse des enfants et s'étaient empressées d'accourir. En voyant Bernadette en extase, elles demeurèrent stupéfaites et comme saisies d'un religieux respect. Elles s'approchèrent d'elle timidement et cherchèrent par de douces instances à la faire revenir à la vie ordinaire. Peine perdue : Bernadette ne voyait, n'entendait que sa chère vision. Il fallait cependant soustraire la voyante au charme qui la captivait d'une manière si merveilleuse. Sans tarder davantage, la mère Nicolau se détacha de Massabielle et alla prendre son fils au moulin de Savy. Le jeune meunier, alors âgé de vingt-huit ans, courut à la Grotte le sourire ironique sur les lèvres, croyant assister à une espièglerie d'enfant. Arrivé près de Bernadette, il recula de surprise et se croisa les bras.

« Poussé cependant par sa mère, le jeune Nicolau prit, avec précaution, Bernadette sous les aisselles et essaya de la faire marcher. Soutenue ensuite par la meunière et son fils, la voyante put parvenir ainsi au moulin de Savy. Mais, durant le trajet, elle paraissait suivre du regard un être mystérieux qui se tenait sur le devant et un peu au-dessus d'elle. En vain, le fils Nicolau, pour rompre le charme, lui mettait la main sur les yeux, et l'obligeait à baisser la tête : Bernadette revenait sans cesse à sa position première et continuait à poursuivre sa contemplation. Ce ne fut qu'à son arrivée au moulin que Bernadette reprit possession d'elle-même et qu'elle vit avec tristesse reparaître devant ses yeux le tableau décoloré de la vie ordinaire. Interrogée sur les causes qui avaient provoqué ses ravissements, Bernadette fit le récit de la vision du jour, qui n'était qu'une répétition du jeudi précédent ».

Signalée par la Grâce, accueillie par la reconnaissance, contrôlée par la religion, la deuxième Apparition fut donc contrariée par l'amitié.

Il n'est pas possible de mener une vie dévote dans le monde, sans s'attirer les coups de langue des sots ou les coups de force des fâcheux qui dégénèrent en violents.

« Oh ! Si Bernadette allait mourir ! » Réflexion trop humaine. Comment aurait-elle pu mourir, quand son âme d'extatique, plus que jamais, buvait la Vie ? Mais supposons-la morte en de telles conjonctures ; la Mort aurait été, pour elle, le gain par excellence, puisque la perte de la Vie du Temps était la conquête immédiate de la Vie éternelle, avec toutes ses félicités. Le monde ne comprend point ainsi les choses. Il permettra, que dis-je ? Il prescrira de passer des nuits au théâtre, au bal, en voyages d'agrément. Mais il proscrit une heure d'Adoration nocturne, un séjour prolongé à l'église, une veille de prières en un train de pèlerinage : « Oh ! Si Bernadette allait mourir ! » Il paraît qu'en servant Dieu avec ferveur, on meurt plus vite physiquement : ce qui n'empêche point les prêtres et les moines de tenir, dans les statistiques, le record de la longévité. On meurt aussi intellectuellement : ce qui n'empêche pas davantage les plus grands génies d'avoir été les plus grands Saints. On meurt encore, dit-on, socialement : et cependant, pour les postes de confiance comme pour les mariages sérieux, les jeunes filles les plus chrétiennes, les jeunes gens les plus pratiquants continuent, là où l'on a horreur des aventures malpropres, à être les plus recherchés...

Aux paroles inconsidérées s'ajoutent, contre les personnes pieuses, les procédés de mauvais aloi.

On lance des pierres dans leur jardin, on amuse la galerie à leurs dépens, on rit, on ricane, on s'évertue à troubler leur solitude, jaloux qu'on est de leur commerce avec la Vierge et Dieu. On simule la désolation, on joue la comédie du sentiment. On fait appel aux étrangers...

Mais quand l'âme est solidement ancrée dans la piété, rien ne la fait changer d'attitude. Telle Bernadette, que la meunière et son fils tentèrent vainement d'arracher à sa chère Vision. Là où les femmes ont échoué, on espère que les hommes réussiront. Ils arrivent, dédaigneux, sceptiques, sûrs de vaincre. Mais la piété répand sur la figure de ses serviteurs et de ses servantes, tant est grande l'influence de l'âme sur le corps, des clartés quasi célestes, et les hommes loyaux, honnêtes, hésitent à se mêler de ce qui ne les regarde point. Ils se sentent, malgré eux, dans le voisinage d'un être supérieur et se reconnaissent indignes d'y toucher. Il faut bien pourtant que le coup de force, préparé, escompté, se produise. Et la force intervient, cherche à rompre le charme, oblige à des déplacements ceux et celles qui voudraient rester tranquilles, bande les yeux, abaisse les têtes. Mais voilà que le charme ne se rompt point : l'idée du Divin se fixe en l'âme, et les yeux rouverts et les têtes relevées contemplent derechef la Vision... Et quand le Surnaturel a perdu, à la fin des grandes grâces, ses sensations irrésistiblement fascinatrices, on en garde le souvenir, et le souvenir du passé, avivé par la légitime espérance du retour des mêmes faveurs, remplit les vies humaines que l'on espérait religieusement désenchanter et épuiser. Ainsi l'amitié contrariante, l'inquisition tracassière et la force, même doublée de la haine brutale, sont contraintes, devant les résistances du Surnaturel, de s'avouer vaincues ! Qu'on s'empare des corps ! En ceux qui ont la vocation chrétienne bien trempée, l'âme est insaisissable. Et ce sont les captures d'âme qui donnent la victoire Quoi qu'elle fasse, l'impiété est donc assurée d'être finalement battue, tant que chez nous il y aura, dans toute l'acception du mot, des âmes...

 

Examen

 

Quel usage faisons-nous de l'eau bénite dans nos maisons, à la porte des églises, à la cérémonie de l'Aspersion ?... Notre bénitier, si nous en avons un appendu près de notre lit, n'est-il pas toujours sec, servant simplement d'ornement à notre chambre que le confort ou l'irréligion moderne laïcise de plus en plus ?... N'aurions nous pas aimé jouir de la vue de Bernadette en extase ? Beau, ineffablement beau était son visage ; plus belle mille fois est notre âme en grâce avec Dieu. Ah ! Si nous savions la splendeur de la grâce, la laideur du péché !... Ne sommes-nous pas trop facilement distraits de notre union à Dieu par les petits incidents politiques ou sociaux qui se produisent autour de nous et même contre nous ?... Les jeunes filles eurent beau pousser des cris, le meunier eut beau l'emmener, lui mettre la main sur les yeux, l'obliger à baisser la tête, Bernadette continua, comme si de rien n'était, à poursuivre sa contemplation.... Quand lutterons-nous, pour Dieu, dans nos prières, contre l'habituel vagabondage de notre esprit et de notre cœur ?...

 

Prière

 

O Notre Dame, ardent est notre désir de vous être agréables ; arrière tout ce qui jusqu'à présent dans notre conduite vous a déplu : nous le répudions. Il faut que désormais telle soit pour vous notre délicatesse, que nos anges gardiens puissent dire comme Bernadette, après avoir jeté l'eau bénite : « La Dame approuve de la tête et sourit vers nous toutes ».

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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2 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Troisième jour

Retour à la Grotte

 

Bernadette passa les journées du vendredi et du samedi 12 et 13 février, hantée par le souvenir de sa Dame. La défense maternelle l'empêcha seule de retourner à la Grotte, Mais là où était son trésor, là demeura son cœur. Elle arriva ainsi au dimanche 14 février, se demandant sans cesse quelle serait la suite du mystérieux événement qui l'avait de la sorte amorcée. Or, dans l'après-midi de ce jour, une voix retentit en son âme, la pressant, suavement mais fortement, de se rendre à Massabielle. Sa nature craintive ne lui permit point de s'ouvrir à sa mère sur l'appel intime qu'elle venait de percevoir. « Plus libre avec sa sœur Marie, elle lui confia son secret et la pria d'agir auprès de leur mère pour obtenir la permission désirée. Marie essuya un premier refus ; sans se décourager, elle fit appel à son amie, Jeanne Abadie, pour plaider ensemble la cause de Bernadette. La mère Soubirous résista encore : elle se rappelait les funestes effets de la première sortie, et ne voulait pas s'exposer à augmenter ses inquiétudes en livrant sa fille à de nouvelles et dangereuses émotions ».

La deuxième Apparition fut donc, tout d'abord, signalée par la grâce. La grâce est la sublime travailleuse des âmes. Prévenante, elle les initie par des jets gradués de lumière, par des pulsations ascendantes d'amour, par des pressentiments indéfectibles ou des incitations secrètes, aux désirs et aux vouloirs de Dieu ; elle est le signal avertisseur le plus délicat, le plus insinuant, le plus sûr, des prochaines manifestations du Divin. Adjuvante, elle mûrit l'esprit, rectifie le jugement, épure le cœur, assouplit le caractère, affermit la volonté, dispose l'acte, et se révèle comme un agent diplomatique hors de pair, pour mener à bien une surnaturelle entreprise. La grâce n'agit point seulement en l'âme, objet des privautés de Dieu : elle fait sentir aussi son action en toutes celles qui se trouvent sur son passage, dans son rayon, en son orbite. Parents, amis, étrangers avec lesquels les événements mettent en rapport, tous subissent, à leur insu, son influence. Telles, ici, la mère de Bernadette, sa sœur Marie, Jeanne Abadie, les premières en scène, que nous voyons évoluer dans leurs idées et intervenir, chacune selon son rôle, avec obligeance. Si nous écoutions nos Voix, les oppositions domestiques, contre lesquelles les desseins de Dieu sur nous se butent plus ou moins, seraient vite évanouies...

« La Dame cependant appelait Bernadette à la Grotte. Doucement, sans effort, elle sut lever les obstacles et ouvrir les chemins à sa petite privilégiée. Mettant précisément en jeu les sollicitudes de la mère, elle amena celle-ci à se demander si la démarche à laquelle elle s'opposait n'était pas plutôt le moyen le plus efficace de débarrasser sa fille des folles idées qui l'obsédaient. Si l'enfant, en effet, ne voyait plus rien à la Grotte, n'était-il pas à présumer qu'elle reviendrait d'elle-même de ses premières impressions ? La mère, quoique anxieuse, se décida donc à laisser tenter l'épreuve d'une seconde visite. A une nouvelle instance faite par les deux petites filles, pour ne pas paraître se déjuger, elle simula l'impatience et répondit : « Allez, partez, et ne me cassez plus la tête. Au moins, ajouta- t-elle, soyez ici à l'heure des Vêpres, sans cela vous savez ce qui vous attend ».

Rien ne casse plus facilement la tête des gens du monde que les questions religieuses : elles écrasent par leur majesté, s'imposent par leur nécessité, intriguent par leurs énigmes, tyrannisent par leurs exigences, quand elles ne charment plus par leurs attraits. Dans le cas présent, la mère Soubirous forçait intentionnellement la note ; elle avait la tête un peu énervée, non cassée. La prudence maternelle lui inspirait des saillies que réprouvait, à part elle, la chrétienne. Ses paroles dépassaient sa pensée. Est-elle charmante cette invite à rentrer pour les Vêpres : l'office divin devenant une limite d'octroi pour la pieuse faveur sollicitée ! Les parents envoyaient donc leurs enfants aux Vêpres, à cette époque et en ce pays, et ils avaient des façons spéciales de corriger les délinquants. Le mode d'éducation a bien changé depuis. Les Vêpres sont regardées comme un supplément de dévotion indigeste dont on s'exonère volontiers.

« En dehors du cercle de la famille, Bernadette n'avait parlé à personne de la vision qu'elle avait eue à la Grotte. Marie, sa sœur, n'avait pas cru devoir se tenir dans la même réserve. Dès le matin du 14 février, une douzaine de jeunes filles du quartier étaient dans la confidence, et toutes avaient demandé à suivre Bernadette, au cas où celle-ci reviendrait à Massabielle. Aussitôt que l'autorisation de la mère fut accordée, Marie, fidèle à des promesses données, courut, accompagnée de Jeanne Abadie, prévenir ses amies. Pendant ce temps Bernadette s'habillait à la hâte, et son imagination se créait par avance le tableau des joies qui l'attendaient à la Grotte. Ce tableau l'attirait, et cependant un nuage importun venait de temps en temps en assombrir la radieuse perspective. La voyante se rappelait ce que lui avait dit sa mère des l'uses du démon, et, bien qu'elle sentît en elle-même comme une certitude invincible, qu'elle n'avait pas été mystifiée, elle ne pouvait se défendre d'une certaine appréhension. En tout cas, sur le conseil de ses jeunes compagnes, elle se munit d'une fiole qu'elle alla remplir au bénitier de la paroisse. Ainsi armée contre les artifices de l'esprit de mensonge, elle s'engagea confiante dans le chemin de la forêt, escortée de cinq ou six jeunes filles de son âge que Marie, sa sœur, avait réunies en toute diligence. D'autres compagnes devaient suivre ; mais comme leurs apprêts de toilette n'étaient pas encore terminés, il fut convenu que Jeanne Abadie les attendrait. Aussitôt que le premier groupe parvint à Massabielle, Bernadette tomba à genoux sur le côté droit de la Grotte, en face du buisson au-dessus duquel la Dame avait une première fois apparu. Elle se mit en prière ; puis, tout à coup, elle s'écria dans un transport de joie : « Elle y est ! Elle y est !... »

Signalée par la Grâce, la deuxième Apparition fut accueillie par la reconnaissanceLa Grâce avait opéré au-dedans ; la reconnaissance éclatait au-dehors. C'est la logique de l'amour : on désire, on espère, on a craint, on voit, on tressaille : « Elle y est ! Elle y est ! » Elle est où on l'appelle, où on l'invoque, où on la supplie, où on l'aime. Mais on est plus sûr de la trouver à coté du tabernacle de son Fils, dans les sanctuaires et les Cathédrales bâtis en son honneur par la piété des contemporains ou des aïeux : « Elle y est ! Elle y est ! »

Bernadette remorquait après elle une escorte d'amies.... Pourquoi n'aurions-nous point la nôtre, quand nous venons aux autels de Notre Dame ? Rien n'est moins égoïste que la Religion bien comprise ; rien n'est plus conquérant que le prosélytisme religieux bien appliqué. On risque de se heurter pour les femmes à des retards de toilette, pour les hommes à des sursis de respect humain. Mais les courants s'établissent : la Grâce, travaillant l'ambiance, rend moins rebelle et plus active la Nature. La toilette de l'âme devient la préoccupation dominante, on finit par goûter l'orgueil de la Vertu...

 

Examen

 

Comment employons-nous les après-midi du Dimanche ? On croit avoir été un héros, une héroïne du christianisme en assistant, de quelle manière !, à la messe, le matin.... Le reste du temps, on vit humainement comme les jours de semaine.... Le jour de Dieu doit cependant avoir 24 heures. Quel malheur de ne les point sanctifier toutes !... Dans l'après-midi du dimanche, Bernadette entendit une voix en son âme.... C'est aussi un dimanche que les révélations de l'Apocalypse furent faites à l'apôtre saint Jean.... Quelles voix frappent nos oreilles ?... Nous excellons à vaincre les résistances de nos parents, quand il s'agit d'obtenir les permissions flatteuses pour l'amour-propre ou la sensualité... Avons-nous la même adresse de tactique, la même opiniâtreté de vouloir, pour mettre fin à leurs oppositions accidentelles aux desseins de Dieu sur nous ?... Bernadette mit à contribution sa sœur et son amie pour agir auprès de sa mère, et réussit...  

Une voix intérieure ne nous dit-elle pas, depuis quelque temps peut-être : arrache tel défaut, acquiers telle vertu, romps telle relation, combats telle habitude, cesse telle lecture, et viens à moi ?... C'est la grâce qui nous prévient : elle veut nous aider, nous changer, pour nous transfigurer.... Comment y répondons-nous ?... Bernadette, ayant entendu, obéit... Remarquons-nous l'action divine en ceux que Dieu place sur nos pas, pour que nous travaillions à leur salut ou qu'ils travaillent au nôtre ?... La mère de Bernadette, sa sœur, Jeanne Abadie, évoluèrent dans leurs idées, pour favoriser les plans divins sur la Voyante... Savons-nous voir Dieu et le remercier de ses manifestations dans les événements plus saillants, dans les émotions religieuses plus vives, qui accidentent notre Vie ?... Bernadette, à l'aspect de la Dame, s'écria : « Elle y est !... »

 

Prière

 

O Notre Dame, Mère, Dispensatrice de la grâce, c'est vous qui nous appelez intérieurement, chaque soir, à l'exercice du mois qui vous est consacré... Vous étiez bien en réalité devant les yeux ravis de Bernadette à la Grotte.... Mais l'enfant était aussi elle-même, avec son âme plus encore qu'avec son corps, devant vos yeux qui en étaient impressionnés. Accordez-nous donc d'être en votre présence (car vous êtes ici comme à Lourdes) avec tout notre esprit, pour vous contempler ; avec toute notre volonté, pour vous servir ; avec tout notre cœur, pour vous aimer !...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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1 mai 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Deuxième jour

Après l'Apparition, à la maison de Bernadette

 

« Dès que la Dame eut disparu, racontait encore Bernadette, Jeanne Abadie et ma sœur revinrent à la Grotte, et me trouvèrent à genoux à la même place où elles m'avaient laissée. Elles se moquèrent de moi et me traitèrent d'imbécile, de bigote, et me demandèrent si oui ou non je voulais me retirer avec elles. Je n'eus à ce moment aucune peine à entrer dans le ruisseau et je sentis l'eau tiède comme l'eau de la vaisselle. « Vous n'aviez pas tant à crier, dis-je à Jeanne et à Marie, en essuyant mes pieds ; l'eau du canal n'est pas aussi froide que vous sembliez le faire croire ! » « Tu es fort heureuse, toi, de ne pas la trouver froide ; pour nous, elle nous a produit un tout autre effet ».

Précédée par une contrariété, annoncée par des signes symboliques, sanctifiée par la prière, la première Apparition fut donc suivie d'une récompense.

Le contact du Surnaturel fortifie et transforme, en certains cas, même le corps. La Vertu est ce qu'il y a au monde de plus hygiénique ; les compensations terrestres, décernées à ceux qui en observent les préceptes, sont plus fréquentes que l'ignorance ou l'impiété ne l'imaginent. Nous ne voulons pas en conclure que si les Saints de glace, redoutés des frileux, nous font sentir prochainement le froid, vous n'en serez point, à cause de votre ferveur, incommodé. Mais il est certain que l'amour aguerrit contre les éléments, et que la grâce divine, plus forte que l'amour, peut, en maintes circonstances, les empêcher d'être nuisibles, quand elle ne donne pas à ses disciples la passion victorieuse du Bien, au milieu même des étreintes du Mal...

Entendons de Bernadette les derniers détails de la narration : « Nous liâmes en trois fagots les branchages et les tronçons de bois que mes compagnes avaient apportés ; nous montâmes ensuite la pente de Massabielle, et revînmes rejoindre le chemin de la forêt. Pendant que nous avancions vers la ville, je demandai à Jeanne et à Marie si elles n'avaient rien remarqué à la Grotte. « Non, répondirent-elles, pourquoi nous fais-tu cette question ? » « Oh ! alors, rien », leur dis-je avec indifférence. Cependant avant d'arriver à la maison, je fis part à ma sœur Marie des choses extraordinaires qui m'étaient arrivées à la Grotte, et je lui recommandai d'en garder le secret. Durant toute la journée l'image de la Dame demeura dans mon esprit. Le soir, en faisant la prière de famille, je me troublai et me mis à pleurer. « Qu'as-tu ? » me demanda ma mère. Marie se hâta de répondre pour moi, et je fus obligée de donner moi-même des explications sur ma surprise de la journée. « Ce sont des illusions, répliqua ma mère : il te faut chasser toutes ces idées-là de la tête, et surtout ne plus retourner à Massabielle ». Nous allâmes nous coucher ; mais je ne pus dormir. La figure si bonne et si gracieuse de la Dame me revenait sans cesse à la mémoire, et j'avais beau me rappeler ce que m'avait dit ma mère, je ne pouvais croire que je me fusse trompée ».

Précédée par une contrariété, annoncée par des signes symboliques, sanctifiée par la prière, suivie d'une récompense, la première Apparition fut donc, pour Bernadette, continuée par le souvenir, et accueillie par le scepticisme maternel.

On s'explique que l'enfant ne songeât plus qu'à sa chère Dame, au point d'en perdre le sommeil. Si une vision de paysage, de figure humaine, est capable d'imposer à l’œil observateur, au cœur conquis, une hantise irrésistible, comment une manifestation authentique de Surnaturel n'aurait-elle point produit sur l'âme toute neuve, toute droite et pure, de Bernadette, une impression plus absorbante encore ? Vraie était sa parole, et rien qu'à ce son d'âme, un psychologue averti constaterait la véracité de son témoignage, quand elle disait : « Durant toute la journée l'image de la Dame demeura dans mon esprit.... Nous allâmes nous coucher ; je ne pus dormir. La figure si bonne et si gracieuse de la Dame me revenait sans cesse à la mémoire ».

En taxant d'illusions les révélations de sa fille, en lui défendant l'entretien de ces pensées, le retour à la Grotte, la mère de Bernadette faisait preuve de sagesse humaine. Mais la sagesse humaine devient facilement, dans la perception et l'analyse des phénomènes surnaturels, l'incompétence, l'erreur, voire la folie. Et cette incompétence, cette erreur, cette folie sont le partage d'une foule de parents. Ils toléreront chez leurs enfants toute sorte d'idées mondaines, de fréquentations dangereuses. Mais entretenir des idées nettement chrétiennes, avoir des assiduités à l'église, commercer intimement avec Dieu, Jésus-Christ, la Vierge, les Anges et les Saints, ce sont là des illusions dont ils se feront les expulseurs parfois brutaux !

Le monde renchérit sur les parents, et avec l'habitude de généralisation affectionnée par l'ignorance et le vice, il fait un bloc peu consistant des questions religieuses et le renverse en un geste de sommaire mépris. Selon lui, les exercices de piété, la réception fréquente des sacrements, l'état de grâce, le travail de la sanctification, l'éternité, le Christ, la Vierge et même Dieu, tout cela est illusion, chimère, anachronisme, inutilité : il faut être de son siècle, il faut que jeunesse se passe ; comme si nous ne devions pas être avant tout, en notre mentalité, du siècle de l’Évangile enseigné par Jésus ; comme si la jeunesse ne se pouvait bien passer que dans le sans-gêne religieux, sinon dans l'impiété et l'immoralité !...

« Mais, répétait Bernadette, j'avais beau me rappeler ce que m'avait dit ma mère, je ne pouvais croire que je me fusse trompée ». Non, Enfant clairvoyante comme la Pureté, vous ne vous étiez point trompée : vous étiez dans le vrai absolu. L'illusionnée était, ici, votre mère. Et le monde gît aussi tout entier, malgré sa jactance, dans l'illusion, l'erreur, l'anachronisme, l'inutilité et le mal, quand il se permet de railler la Croyance !

 

Examen

 

Nous trouve-t-on quelquefois à genoux dans notre maison, à l'église, devant la statue de la Vierge, et sommes-nous insensibles aux moqueries malséantes, aux propos discourtois que peut susciter, de la part de nos compagnons, ou de nos compagnes, notre dévotion prolongée ?... « Jeanne Abadie et ma sœur, rapportait Bernadette, me trouvèrent à genoux, se moquèrent de moi ».

Après avoir fait dévotement nos exercices de piété, n'avons-nous pas senti plus d'élan, de goût et même d'habileté pratique, à remplir nos autres devoirs domestiques et sociaux ?... Le chrétien décuple les aptitudes, les énergies de l'homme, comme la chrétienne perfectionne singulièrement la femme, lorsqu'on se laisse pénétrer plus avant par la grâce de Dieu. On voit plus clair dans la tête, on a plus chaud au cœur, on triomphe sans peine des obstacles naguère rebutants. « Je sentis l'eau tiède comme l'eau de la vaisselle », observait Bernadette.

Avons-nous quelque ami avec lequel nous puissions parler, quand les confidences sont nécessaires, de notre âme et du Bon Dieu ?... « Je fis part à ma sœur Marie des choses qui m'étaient arrivées à la Grotte ». La pensée de Marie nous est-elle habituelle, pendant le jour ? Y revenons-nous avant de nous endormir ?... Sommes-nous de ces parents qui, remplissant leurs fonctions de prêtres du foyer, président, le soir, à la prière en famille ?... « Durant toute la journée l'image de la Dame demeura dans mon esprit et, le soir, en faisant la prière de famille, je me troublai ». Heureux trouble, dont l'amour était l'inspirateur !

Acceptons-nous humblement les contradictions que notre manière de concevoir les choses religieuses peut provoquer dans notre entourage familial ?... Et, pour n'être dupes d'aucune illusions, pour mériter, de Dieu et de la Vierge, une confirmation de grâces, un accroissement de lumières, nous cramponnons-nous, sans jamais lâcher prise, aux enseignements du Pape, aux affirmations du Credo ?... « Je ne pouvais croire que je me fusse trompée ».

 

Prière

 

O Notre Dame, vous n'apparûtes à Bernadette, préférablement à toutes les autres jeunes filles des Pyrénées et de France, que parce qu'elle était supérieure aux autres, peut- être, en humilité, en Charité, en mortification, en pauvreté, en innocence, en foi.... Augmentez en nous ces vertus dont la parure dans les âmes vous captive : nous pourrons ainsi mieux vous servir, plus vous comprendre, si nous ne sommes point de ceux ni de celles qui, ici-bas, comme Bernadette, sont appelés à vous voir face à face dans le creux d'un rocher

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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30 avril 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Premier jour

Préludes et Apparition

 

« Quand je fus seule, ajoutait Bernadette, je jetai quelques pierres dans le lit du ruisseau pour y appuyer les pieds, mais cela ne me servit de rien. Je dus alors me décider à quitter mes sabots et à traverser le canal comme avaient fait Jeanne et ma sœur. J'avais commencé à ôter mon premier bas, quand, tout à coup, j'entendis une grande rumeur pareille à un bruit d'orage. Je regardai à droite, à gauche, sur les arbres de la rivière, rien ne bougeait : je crus m 'être trompée. Je continuais à me déchausser, lorsqu'une nouvelle rumeur semblable à la première se fit encore entendre. Oh ! alors j'eus peur et me dressai toute droite. Je n'avais plus de parole et ne savais que penser, quand, tournant la tête du côté de la Grotte, je vis à une des ouvertures du rocher, un buisson, un seul, remuer comme s'il avait fait grand vent. Presque en même temps, il sortit de l'intérieur de la Grotte un nuage couleur d'or.... »

Précédée d'une contrariété, la première Apparition fut donc annoncée par des signes symboliques. Il fallait bien frapper, forcer l'attention de Bernadette ; de là, la grande rumeur d'abord incomprise, puis renouvelée. Elle était le symbole de l'Esprit Saint : spiration d'amour ineffablement rafraîchissante au sein de la Trinité ; souffle délicat qui caresse l'humble hysope ou, s'il est nécessaire, vent impétueux qui déracine les cèdres de l'orgueil. En vain est-on distrait, sourd, même systématiquement : il a de quoi se faire entendre. Il avait soufflé en tempête, au matin de la Pentecôte, pour réveiller de sa torpeur le vieux monde païen et en chasser les miasmes. Il souffla, à deux reprises, en faveur de Bernadette. Ses ondulations purifiaient aussi l'atmosphère et préparaient les éléments eux-mêmes à la visite de leur Reine...

L'agitation du buisson symbolisait les émois de l'âme sous l'action de l'Esprit de Dieu. Elle commence par trembler de crainte : le Surnaturel, avec ses mystères et sa transcendance, impressionne toujours. Et elle s'agite ensuite, contrainte qu'elle est, voulût-elle rester buisson épineux et ne produire que des roses sauvages, sans la greffe et la culture de la grâce, de subir la domination du Divin. Le nuage couleur d'or était également la figure du Saint-Esprit qui, par des transitions respectueuses de notre liberté et de notre faiblesse, s'insinue doucement dans l'âme, avant de l'embraser de ses feux. Lors de l'Incarnation, il avait couvert la Vierge de son ombre, comme jadis, au Temple, il enveloppait d'un nuage l'arche de l'ancien Testament...

« Et peu après, reprenait Bernadette, une Dame jeune et belle, belle surtout comme je n'en avais jamais vu, vint se placer à l'entrée de l'ouverture au-dessus du buisson. Aussitôt elle me regarda, me sourit et me fit signe d'avancer comme si elle avait été ma mère. La peur m'avait passé, mais il me semblait que je ne savais plus où j'étais. Je me frottais les yeux, je les fermais, je les ouvrais ; mais la Dame était toujours là, continuant à me sourire et faisant comprendre que je ne me trompais pas. Sans me rendre compte de ce que je faisais je pris mon chapelet dans ma poche et me mis à genoux. La Dame m'approuva par un signe de tête, et amena elle-même dans ses doigts un chapelet qu'elle tenait à son bras droit.

Lorsque je voulus commencer le chapelet et porter ma main au front, mon bras demeura comme paralysé, et ce n'est qu'après que la Dame se fut signée que je pus faire comme elle. La Dame me laissa prier toute seule ; elle faisait bien passer entre ses doigts les grains de son chapelet, mais elle ne parlait pas ; et ce n'est qu'à la fin de chaque dizaine qu'elle disait avec moi : « Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto ». Quand le chapelet fut récité, la Dame rentra à l'intérieur du rocher, et le nuage d'or disparut avec elle ».

A ceux qui demandaient le portrait détaillé de la Dame, Bernadette répondait : « Elle a l'air d'une jeune fille de seize ou dix-sept ans. Elle est vêtue d'une robe blanche, serrée à la ceinture par un ruban bleu glissant le long de la robe. Elle porte sur sa tête un voile également blanc, laissant à peine apercevoir ses cheveux et retombant ensuite en arrière jusqu'au-dessous de la taille. Ses pieds sont nus, mais couverts par les derniers plis de la robe, si ce n'est à la pointe où brille sur chacun d'eux une rose jaune. Elle tient à son bras droit un chapelet à grains blancs, avec une chaîne d'or luisante comme les deux roses des pieds ».

Précédée par une contrariété, annoncée par des signes symboliques, la première Apparition fut donc sanctifiée par la prière. La Dame se signe la première. Avec quelle perfection ce signe de croix dut être dessiné ! N'aurions-nous pas besoin d'aller à cette école pour y apprendre à faire, non pas seulement géométriquement, mais amoureusement, le signe rédempteur ?

Et Bernadette commença. Combien de nos jeunes chrétiennes contemporaines, même dans ce qu'on appelle le grand monde, auraient été embarrassées, en semblable occurrence, de prendre dans leur poche le chapelet ! Les objets de piété sont devenus trop encombrants, trop lourds pour la poche des jeunes filles, des femmes trop légères. Des articles de vanité, d'artistiques petits miroirs, des porte-bonheur, des amulettes, des flacons, des mouchoirs parfumés, des écrits ou imprimés compromettants, cela ne pèse point et ne gène pas du tout. Mais le chapelet !!!! ô temps, ô mœurs !... Avec quelle dévotion, devant une telle Assistante, l'enfant dut égrener les Ave ! Pour elle, comme dirait le barde de Bretagne, le ciel était si bas, si bas qu'elle y voyait monter sa prière... Les vaniteuses intempestives remplissent toutes les conversations de leurs faits et gestes ; le vide de leur cerveau ou de leur cœur fait sans cesse sortir le pronom personnel, je, moi, de leur bouche pleine. La Dame, ne voulant se louer elle-même, demeurait muette au cours de la dizaine et n'ouvrait les lèvres qu'à la Doxologie, pour laisser échapper, comme trois cris d'amour, les trois invocations glorieuses au Père et au Fils et au Saint-Esprit...

 

Examen

 

Ne sommes-nous pas de ceux que décourage l'insuccès des premiers efforts personnels ? Constante, Bernadette se décida à quitter ses sabots, à traverser le canal, après avoir constaté l'inutilité des premières pierres jetées dans le ruisseau.... Quelle est notre constance dans l'apport humain que Dieu et les hommes attendent de nous ?... Un jour ou l'autre, dans le courant de notre vie, n'avons-nous pas entendu intérieurement, au fond de l'âme, sinon extérieurement, comme Bernadette, avec nos oreilles de chair, quelque grande rumeur ?... Rien ne bougeait pour nous, au dehors ; tout était bouleversé en nous, au dedans. Interrogeons nos souvenirs....

N'avons-nous pas une peur excessive des manifestations même normales du Surnaturel, et pour bannir cette peur qui, corrigée dans son outrance, nous assagirait à la façon des Saints, n'entretenons-nous pas puérilement en nous les lâches distractions, les coupables paresses, les sottes confiances ?... Quelle est notre dévotion au Saint-Esprit, l'indispensable Ouvrier de toute sanctification ? Vivons-nous, par l'exemption du péché, dans sa grâce habituelle ? Correspondons-nous à chacune de ses grâces actuelles ? Faisons-nous, avec son divin concours, usage de ses dons ?... Rien n'échappe à Bernadette : ni la rumeur renouvelée, ni l'agitation du buisson, ni le nuage couleur d'or.... Que voyons-nous, que sentons-nous, qu'entendons-nous, dans le monde du Surnaturel ?...

Si la Vierge ici présente, quoique cachée, se manifestait à nos yeux, nous accueillerait-elle comme Bernadette ? « Elle me regarda, disait l'enfant, me sourit et me fit signe d'avancer ». Que seraient pour nous ses regards, ses sourires, ses signes ?... Portons-nous habituellement le chapelet ?... Le récitons-nous avec la ferveur de Bernadette devant la Dame ?... Comment prononçons-nous le « Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto » après chaque dizaine ? Avons-nous pour les trois Personnes de l'adorable Trinité un respect un peu approchant de celui de la Vierge, à la Grotte ?... Que de résolutions à prendre sur tous ces points !...

 

Prière

 

O Notre-Dame, tout en chantant avec la nostalgie de l'exilé le cantique : « J'irai la voir un jour, au Ciel, dans ma patrie, oui, j'irai voir Marie, ma joie et mon amour », nous tenons à vous voir dès maintenant le plus possible à travers le nuage lumineux de la Foi !... Nous tenons aussi à ce qu'à notre vue, comme à celle de Bernadette, (car vous nous voyez tous mystérieusement, sans ombre;, vous ayez pour nous de gracieux sourires.... Rendez-nous persévérants dans les efforts humains, frappez nos âmes par de grands coups de grâce, livrez-nous tout entiers à l'Esprit, votre divin Époux, apprenez-nous l'art de vous plaire en effeuillant pour vous les Ave Maria, et méritez-nous de contempler, après notre mort, la Très Sainte Trinité, dans les siècles des siècles.

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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29 avril 2014

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

Le Mois de Marie à la Grotte de Lourdes

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Veille du premier jour

L'arrivée à la Grotte

 

C'est donc à Lourdes que nous allons passer ce mois de mai tant désiré et enfin revenu. Pour le soin, souvent exagéré, du corps, on se ménage dans les stations balnéaires des cures d'eau, dans les stations climatériques des cures d'air. Remercions Dieu de nous avoir inspiré la pensée, fourni le moyen, d'entreprendre aux Pyrénées, en la station mystique la plus bienfaisante du monde, la cure d'âme dont notre esprit, notre volonté, notre cœur, plus ou moins fatigués, éprouvent le besoin. Quand on arrive au sommet des montagnes, dans les coins de forêt, sur la grève des plages, aux bords des sources, après lesquels on soupirait, la première chose qu'on fait, une fois installé en sa chambre d'hôtel, c'est de respirer en toute hâte le grand air, d'écouter le rythme, de regarder l'écume, de recevoir l'embrun des vagues, de se livrer, à l'orifice des fontaines, à d'impatientes libations. De même, sitôt arrivé à Lourdes, se hâte-t-on, avec une célérité plus légitime, de venir « voir le roc sauvage, où la Vierge un jour descendit, la Vierge au radieux visage qui nous console et nous bénit ». Et, tant qu'on a le bonheur de demeurer en cette ville sainte et d'y vivre en pèlerin, on fait de la Grotte le centre principal de ses journalières activités.

Ainsi ferons-nous, si vous le voulez, chaque jour de ce mois ! La Grotte de Massabielle explique d'ailleurs tout Lourdes, comme la grotte de Bethléem révéla aux Bergers tout le mystère de Noël, comme la grotte du jardin des Oliviers initia les trois Apôtres à l'agonie du Sauveur, comme le tabernacle, façon de grotte symbolique, contient toute l'économie cultuelle de nos églises par la présence de Jésus-Hostie....

Transportons-nous donc au 11 février 1858, et apprenons aujourd'hui de Bernadette elle-même les préliminaires de la Première Apparition.

« Le jeudi gras, il faisait froid et le temps était sombre. Après notre dîner, ma mère nous dit qu'il n'y avait plus de bois dans la maison, et elle s'en chagrinait. Ma sœur Toinette et moi, pour lui faire plaisir, nous nous offrîmes à aller ramasser des branches sèches sur le bord de la rivière. Ma mère nous répondit que non, parce que le temps était trop mauvais et que nous pourrions nous exposer à tomber dans le Gave. Jeanne Abadie, notre voisine et notre amie, qui gardait son petit frère à la maison et qui avait envie de venir avec nous, alla remettre son frère chez elle, et revint un moment après, en nous disant qu'elle avait la permission de nous accompagner. Ma mère se fit prier encore, mais voyant que nous étions à trois, elle nous laissa partir. Nous prîmes tout d'abord la rue qui conduit au cimetière, à côté duquel on décharge du bois, et où l'on trouve par moments des copeaux abandonnés.

Nous n'y trouvâmes rien ce jour-là. Nous descendîmes la côte qui mène près du Gave, et arrivées au Pont-Vieux, nous nous demandâmes s'il fallait aller vers le haut ou le bas de la rivière. Nous décidâmes d'aller vers le bas ; et prenant le chemin de la forêt nous arrivâmes à la Merlasse. Là, nous entrâmes dans la prairie de M. de Lafitte par le moulin de Savy. Une fois à l'extrémité de cette prairie, presque en face de la Grotte de Massabielle, nous fûmes arrêtées par le canal du moulin que nous venions de traverser. Les eaux de ce canal n'étaient pas fortes, car le moulin ne marchait pas, mais elles étaient froides, et, pour ma part, je craignais d'y entrer. Jeanne Abadie et ma sœur, moins peureuses que moi, prirent leurs sabots à la main et passèrent le ruisseau. Cependant lorsqu'elles furent de l'autre côté, ces drôles se mirent à crier au froid, et se baissèrent sur elles-mêmes pour réchauffer leurs pieds. Tout cela augmentait ma crainte, et je sentais que, si j'entrais dans l'eau, mon asthme allait me reprendre. Alors je priai Jeanne Abadie, qui était plus grande et plus forte que moi, de venir me passer sur ses épaules. « Oh ! Ma foi, non ! Répondit Jeanne ; tu n'es qu'une mignarde et une ennuyeuse, si tu ne veux pas passer, reste où tu es ». Ces drôles, après avoir ramassé quelques morceaux de bois sous la Grotte, disparurent le long du Gave ».

La première Apparition fut donc précédée pour Bernadette d'une contrariété. Un embarras matériel lui attirait une humiliation ; elle était traitée de mignarde, d'ennuyeuse. Ces aménités de langage ne sont-elles point aussi servies par le monde aux personnes qui font profession de piété ? Mignardes, ennuyeuses même, elles peuvent l'être, et le sont, pourquoi en disconvenir ? lorsque, dépourvues de l'habileté rudimentaire qu'ont les autres pour vaincre les obstacles, elles obligent leurs parents ou leurs amis, leurs serviteurs ou leurs servantes, à leur rendre des services dont, avec un peu d'intelligence et de bonne volonté, elles devraient se passer. Mais ces personnes, méticuleuses et importunes, ne représentent point la véritable piété. La piété véritable est, au contraire, large d'esprit et d'un commerce plein de délicatesses, de réserves et de charmes. Mais voilà ! Le monde ne se donne pas la peine de distinguer, et même, lorsque, comme Bernadette, nous nous heurtons à des difficultés réelles, il fait pleuvoir sur nous ses quolibets et ses ricanements.

C'est convenu : pour n'être ni mignard, ni ennuyeux, il faut être mondain. Heureusement, les contrariétés, grandes ou petites, suscitées par le monde, sont la rançon de prochaines récompenses, même temporelles. On s'applaudit alors d'avoir été traité de mignard, d'ennuyeux... Qui sait si vos assiduités au Mois de Marie ne vont point faire décocher contre vous, flèches peu malfaisantes, ces qualificatifs ? Réjouissez- vous, ce sont les préludes obligatoires des interventions du Surnaturel.

 

Examen

 

Quelles sont nos dispositions au début de ces exercices ? Ne les regardons-nous pas comme un usage de bon ton, comme un agréable passe-temps, comme une effusion de sentimentalité religieuse, au lieu d'y voir une série de pressantes invitations à la prière, à l'effort sanctificateur ?... Apprécions-nous le bienfait de cette cure d'âme qui commence, mille fois plus que les mondains et les mondaines n'apprécient les avantages corporels de leur séjour à la montagne, dans les bois, aux villes d'eaux, durant la belle saison que l'on devrait appeler souvent la saison laide du péché ?... Sommes-nous franchement décidés à suivre, quoi qu'il en coûte, le pieux traitement, le régime de vie plus sainte, prescrit par notre confesseur : sublime spécialiste, médecin des consciences dont la santé est à refaire ou à fortifier ?... Quelles prévenances avons-nous envers nos parents, surtout s'ils, sont tristes et dans le besoin ?... Bernadette, pour faire plaisir à sa mère, s'offrit, par un jour sombre et froid, à aller ramasser des branches sèches sur le bord de la rivière.... Avons-nous confiance en Dieu qui veille sur nos destinées à chaque instant de notre vie, et qui, nous crûssions-nous abandonnés, intervient en notre faveur, si magnifiquement ?... Le 11 février 1858 était, pour les Soubirous et leur fille, une date divine qu'ils ne soupçonnaient point.... Ah ! Si nous connaissions les grandes dates de la Providence sur nous !... Leur échéance est peut-être proche... Si nous savions, par notre docilité, les préparer...

 

Prière

 

O Notre-Dame, attirez-nous à vous, comme vous avez attiré, à son insu, Bernadette à la Grotte, vous proposant de vous montrer à ses regards. Quelle surprise vous lui réserviez, tout juste quand, son asthme la rendant raisonnablement craintive, elle encourait la raillerie de ses compagnes ! Surprenez-nous, pendant ce mois, par quelqu'une de vos gâteries maternelles, que nous importeront alors les critiques dont les superficiels, les vaniteux ou les jaloux pourront nous abreuver ?...

 

O Marie, conçue sans péché, Priez pour nous qui avons recours à vous.

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Texte extrait du « Mois de Marie à la Grotte de Lourdes », Abbé Archelet, Librairie P. Lethielleux, Paris, 1908

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20 janvier 2013

Neuvaine à Notre Dame de Lourdes 2013

Neuvaine à Notre Dame de Lourdes 2013

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Neuvaine à Notre Dame de Lourdes

Du 2 au 10 février 2013


O Marie, Vous qui êtes apparue à Sainte Bernadette dans le creux du rocher, dans le froid et l’ombre de l’hiver, Vous apportiez la chaleur d’une présence, l’amitié d’un sourire, la lumière et la beauté de la grâce. Dans le creux de nos vies souvent obscures, dans le creux de ce monde où le Mal est puissant, apportez l’espérance, redonnez la confiance. Vous qui avez dit à Sainte Bernadette : « Je suis l’Immaculée Conception » : venez en aide aux pécheurs que nous sommes. Donnez-nous le courage de la conversion, l’humilité de la pénitence et la persévérance de la prière. Nous Vous confions tous ceux que nous portons dans notre cœur et, particulièrement, les malades et les désespérés, Vous qui êtes «Notre-Dame du Bon Secours». Vous qui avez guidé Bernadette à la découverte de la source, guidez-nous vers Celui qui est la source de la vie éternelle, Celui qui nous a donné l’Esprit Saint pour que nous osions dire : Notre Père qui êtes aux cieux...


Chaque jour de la Neuvaine

 

1- la prière de neuvaine,

2- Une dizaine de chapelet, suivie de ces trois invocation :

« Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous ! »,

« Sainte Bernadette, priez pour nous ! »,

« Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous ».

3- Une communion le jour du 11 février ou un jour de l’octave.

4- Confession recommandée.

 

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Téléchargez le texte de cette Neuvaine (pdf) en cliquant ici

9 août 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 18/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Dix-huitième apparition

16 juillet 1858

1 juin 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 17/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Dix-septième apparition

7 avril 1858

31 mai 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 16/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Seizième apparition

25 mars 1858

30 mai 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 15/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Quinzième apparition

4 mars 1858

30 mai 2012

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Le Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes

Henri Lasserre

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Trente-et-unième jour

Transformation de la Grotte, Le curé Peyramale, la statue de la Vierge, l'église et la crypte souterraine, inauguration, les processions pèlerinages, les guérisons, les morts et les survivants, la sœur Marie-Bernard

 

I. Retournons à Lourdes. Le temps avait marché. L'activité humaine s'était mise à l'œuvre. Les abords de la Grotte, où la Vierge était apparue, avaient changé d'aspect. Sans rien perdre de sa grandeur, ce lieu sauvage et abrupt avait pris une physionomie gracieuse, douce et vivante. Encore inachevée, mais peuplée d'ouvriers en travail, une église superbe, fièrement jetée sur le sommet des Roches Massabielle, s'élevait joyeusement vers le ciel. Le grand tertre escarpé et inculte, par où jadis les pieds montagnards avaient peine à descendre, était revêtu de gazon vert, planté d'arbustes, semé de fleurs. La Grotte était fermée d'une grille à la façon d'un sanctuaire. A la voûte était suspendue une lampe d'or. Sous ces roches agrestes, que la Vierge avait foulées de son pied divin, des faisceaux de cierges brûlaient nuit et jour. Hors de cette enceinte close, la Source miraculeuse alimentait trois forts tuyaux de bronze. Une piscine, cachée aux regards par une petite construction, permettait aux malades de se plonger dans l'onde bénie.

Encourageant les travailleurs, veillant à toutes choses, suscitant des idées, mettant quelquefois lui-même la main à l'œuvre pour redresser une pierre posée à faux ou un arbre mal planté, un homme à haute taille, au front vaste et ferme, semblait être partout a la fois. Sa puissante stature, ta longue robe noire, le signalaient de loin aux regards. On devine son nom. C'était le pasteur de la ville de Lourdes, c'était le curé Peyramale. « Quand donc, disait-il souvent, me sera-t-il donné d'assister, au milieu des Prêtres et des Fidèles, à la première procession qui viendra inaugurer en ces lieux bénis le culte public de l'Église catholique? Ne devrai-je pas chanter en ce moment mon « Nunc dimittis » et n'expirerai-je point de joie à cette fête? Ses yeux se remplissaient de larmes à cette pensée. Jamais désir ne fut, au fond d'une âme, plus ardent et plus caressé que ce vœu innocent d'un cœur tout épris de Dieu. Parfois, aux heures où il y avait le moins de monde aux Roches Massabielle, une petite fille venait s'agenouiller humblement devant le lieu de l'Apparition et boire à la Source. C'était une enfant du peuple, pauvrement vêtue. Rien ne la distinguait du vulgaire, et, à moins que quelqu'un parmi les pèlerins ne la connût ou ne la nommât aux autres, nul ne devinait que ce fut là Bernadette. La privilégiée du Seigneur était rentrée dans l'ombre et le silence. Elle allait toujours à l'école des Sœurs où elle était la plus simple et aurait voulu être la plus effacée. Les visites innombrables qu'elle y recevait ne troublaient point cette âme paisible, où vivait pour toujours le souvenir du ciel entr'ouvert et l'image de la Vierge incomparable. Bernadette conservait ces choses en son cœur. Les peuples cependant accouraient de toutes parts, les miracles s'accomplissaient et le temple s'élevait. Et Bernadette, de même que le saint curé de Lourdes, attendait comme le plus fortuné des jours après ceux de la visite divine, celui où elle verrait de ses yeux les Prêtres du vrai Dieu conduire eux-mêmes les Fidèles, la croix en tête et bannières déployées, à la Roche de l'Apparition.

II. Malgré le mandement de l'Évêque, l'Église, en effet, n'avait encore pris possession, par aucune cérémonie publique, de cette terre à jamais sacrée. Cette prise de possession eut lieu solennellement le 4 avril 1864, par l'inauguration et la, bénédiction d'une superbe statue de la sainte Vierge, qui fut placée, avec toute la pompe usitée en pareil cas, dans cette niche rustique, bordée de plantes sauvages, où la Mère de Dieu était apparue à la fille des hommes. Le temps était magnifique. Le jeûna soleil du printemps s'était levé et s'avançait dans un dôme d'azur, que ne ternissait aucun nuage. La ville de Lourdes était pavoisée de fleurs, d'oriflammes, de guirlandes, d'arcs de triomphe. A la haute tour de la paroisse, à toutes les chapelles de la cité, à toutes 'es églises des environs, les bourdons, les cloches et les campaniles sonnaient à toute volée. Des peuples immenses étaient accourus à cette grande fête de la Terre et du Ciel. Une procession, comme on n'en avait jamais vu de mémoire d'homme, se mit en marche pour aller de l'église de Lourdes à la Grotte de l'Apparition.

Des troupes, avec toutes les richesses et tout l'éclat de l'appareil militaire tenaient la tête. A leur suite, les confréries de Lourdes, les sociétés de Secours mutuels, toutes les Corporations de ces contrées, portant leurs bannières et leur croix; la Congrégation des Enfants de Marie, dont les traînantes robes avaient l'éclat de la neige; les Sœurs de Nevers avec leur long voile noir; les Filles de la Charité, aux grandes coiffes blanches; les Sœurs de Saint Joseph enveloppées dans leur manteau sombre; les ordres religieux d'hommes, les Carmes, les Frères de l'instruction et des Écoles chrétiennes, des multitudes prodigieuses de pèlerins, hommes, femmes, enfants, vieillards, cinquante à soixante mille hommes rangés en deux interminables files serpentaient le long du chemin fleuri qui conduisait aux Roches illustres de Massabielle. D'espace en espace, des •chœurs de voix humaines et d'instruments faisaient entendre des fanfares, des cantiques, toutes les explosions de l'enthousiasme populaire. Ensuite, fermant ce cortège inouï, s'avançait solennellement, entouré de quatre cents prêtres en habit de chœur, de ses grands vicaires, des dignitaires et du chapitre de son église cathédrale, très-haut et très-éminent prélat, Sa Grandeur, Monseigneur Bertrand-Sévère Laurence, évêque de Tarbes, la mitre au front, revêtu de son costume pontifical, d'une main bénissant les peuples, de l'autre s' appuyant sur son grand bâton d'or.

Une émotion indescriptible, une ivresse comme en connaissent seules les multitudes chrétiennes assemblées sous le regard de Dieu remplissait tous les cœurs. Il était enfin venu, après tant de peines, tant de luttes, tant de traverses, le jour du triomphe solennel.. Des larmes de bonheur, d'enthousiasme et d'amour coulaient sur les visages émus de ces peuples, remués par le souffle de Dieu. Quelle joie indicible devait, au milieu de cette fête universelle, remplir le cœur de Bernadette, marchant sans doute en tête de la Congrégation des Enfants de Marie? Quels sentiments d'écrasante félicité devaient inonder l'âme du vénérable Curé de Lourdes, chantant sans doute, à côté de l'Évêque, l'Hosanna de la victoire divine? Ayant été tous deux à la peine, le moment était pour eux venu d'être tous deux à la gloire.

III. Hélas! parmi les Enfants de Marie on cherchait en vain Bernadette; parmi le Clergé qui entourait le prélat on cherchait en vain le Curé Peyramale. Il est des joies trop fortes pour la terre et qui sont réservées pour le Ciel. Ici-bas, Dieu les refuse à ses fils plus chers. A cette heure où tout était en fête, et où le soleil heureux éclairait le triomphe des fidèles et des croyants, le Curé de Lourdes, atteint d'une maladie que l'on jugeait mortelle, était en proie à d'atroces souffrances physiques. Il était étendu sur son lit de douleur, au chevet duquel veillaient et priaient nuit et jour deux religieuses hospitalières. Il voulut se faire lever pour voir passer le grand cortège, mais les forces lui manquèrent, et il n'eut même pas la vision fugitive de toutes ces splendeurs. A travers les rideaux fermés de sa chambre, le son joyeux des cloches argentines ne lui arrivait que comme un glas funèbre. Quant à Bernadette, Dieu lui marquait aussi sa prédilection, comme il a coutume de le faire pour ses élus, en la faisant passer par la grande épreuve de la douleur. Tandis que, dominant l'immense procession des Fidèles, Sa Grandeur Monseigneur Laurence, évêque de Tarbes, allait, au nom de l'Église, prendre possession des Roches Massabielle et inaugurer solennellement le culte de la Vierge qui était apparue à la Voyante, Bernadette, comme le prêtre éminent dont nous venons de parler, était frappée par la maladie; et la maternelle Providence, redoutant peut-être pour son enfant bien-aimée la tentation de quelque vaine gloire, lui dérobait le spectacle de ces fêtes inouïes, où elle eût entendu son nom acclamé par des milliers de bouches et glorifié du haut de la chaire chrétienne par l'ardente parole des prédicateurs. Trop indigente pour être soignée en sa maison, ou ni elle ni les siens n'avaient jamais voulu recevoir aucun don, Bernadette avait été transportée à l'hôpital où elle gisait sur l'humble grabat de la charité publique, au milieu de ces pauvres, que le Monde qui passe appelle malheureux, mais que Jésus-Christ a bénis, en les déclarant les bienheureux de son Royaume éternel.

IV. Aujourd'hui, quatorze ans se sont écoulés depuis les Apparitions de la Très Sainte Vierge. Le vaste temple est achevé. Des Missionnaires diocésains de la maison de Garaison ont été installés par l'Évêque à quelques pas de la Grotte et de l'église pour distribuer aux pèlerins la parole apostolique, les sacrements et le corps du Seigneur. Les pèlerinages ont pris un développement sans exemple peut-être dans l'univers, car jamais, jusqu'à notre époque, ces vastes mouvements de la foi populaire n'avaient eu à leur disposition les tout-puissants moyens de transport inventés par la science moderne. Le chemin de fer des Pyrénées, pour lequel un tracé plus direct et moins coûteux était marqué d'avance entre Tarbes et Pau, a fait un détour pour passer à Lourdes, où il verse incessamment d'innombrables voyageurs, qui viennent, de tous les points de l'horizon, invoquer la Vierge apparue à la Grotte, et demander à la Source miraculeuse la guérison de leurs maux. On y accourt non-seulement des diverses provinces de la France, mais encore de l'Angleterre, de la Belgique, de l'Espagne, de la Russie, de l'Allemagne, Du fond des lointaines Amériques, de pieux chrétiens se sont levés, et ont franchi les Océans pour se rendre à la Grotte de Lourdes, et s'agenouiller devant ces Roches célèbres, que la Mère de Dieu a sanctifiées en les touchant. Souvent, ceux qui ne peuvent venir écrivent aux Missionnaires, et demandent qu'on leur fasse parvenir en leur pays un peu de cette eau miraculeuse. Il s'en envoie dans le monde entier.

De soixante à quatre-vingts lieues arrivent presque tous les jours d'immenses processions transportées de ces distances énormes sur les ailes rapides de la vapeur. Nous en avons vu venir de Bayonne, de Peyrehorade, de la Teste, d'Arcachon, de Bordeaux. Il en viendra de Paris. Sur la demande des Fidèles, le chemin de fer du Midi organise chaque fois des trains spéciaux, des trains de pèlerinage, consacrés exclusivement à ce vaste et pieux mouvement de la foi catholique. A l'arrivée de ces trains, les cloches de Lourdes sonnent à toute volée. Et, de ces noirs wagons, sortent et se mettent en procession dans la cour du chemin de fer, les jeunes filles habillées de blanc, les femmes, les veuves, les enfants, les hommes mûrs, les vieillards, le Clergé revêtu de ses habits sacrés. Les bannières et les banderoles flottent au vent. On voit passer la croix du Christ, la statue de la Vierge, l'image des Saints. Les chants en l'honneur de Marie éclatent sur toutes les lèvres. L'innombrable procession traversa la ville, qui a, ces jours-là, l'aspect d'une cité sainte, comme Rome ou Jérusalem. A ce spectacle le cœur s'élève: il monte vers Dieu et se sent porté de lui-même à ces hauteurs sublimes où des larmes viennent aux yeux et où l'âme est délicieusement oppressée par la présence sensible du Seigneur Jésus. On croit avoir durant un instant comme une vision du Paradis. La main du Tout-Puissant ne se fatigue point de répandre au lieu où sa Mère apparut des grâces de toute nature. Les miracles y sont devenus innombrables.

V. Ces faits ont reçu la plus immense publicité, et l'incrédulité n'a jamais osé les prendre corps à corps et les combattre. Quarante-cinq éditions du livre dont nous venons de lire l'abrégé se sont écoulées sans que personne ait entrepris l'impossible tâche de réfuter les événements miraculeux qu'il raconte et qui ont eu pour témoins des peuples entiers. Voulant pousser jusques en leurs derniers retranchements les incroyants et les libres penseurs, un chrétien de notre temps, M. E. Artus, a ouvert un pari de 10 000 francs ou de toute autre somme plus forte si on le voulait, contre quiconque contesterait la véracité des nombreux miracles rapportés par M. Henri Lasserre; et il a choisi à l'avance pour juges de ce débat les membres les plus honorables et les plus illustres de l'Académie de médecine, de l'Académie des sciences et de toutes les classes de l'Institut. Nul, dans tout le camp de la libre pensée, n'a essayé de tenir le pari. L'incrédulité en masse a reculé. Après la publication de ce livre, Notre Très-Saint Père le Pape Pie IX a solennellement reconnu la vérité des Apparitions et des Miracles de Lourdes, par un Bref adressé à M. Henri Lasserre et cité plus haut. Et depuis ce moment, sur la supplique de M. Henri Gaston de Béarn, prince de Viana, Sa Sainteté a accordé (outre des faveurs moindres pour un simple pèlerinage pieusement accompli), l'Indulgence Plénière la rémission de tous les péchés aux Fidèles de l'un et de l'autre sexe qui, vraiment pénitents, ayant confessé leurs péchés et reçu la Communion, visiteront dévotement un jour de l'année, à leur choix, l'église de Notre Dame de Lourdes, et qui y prieront avec piété pour la concorde des princes chrétiens, l'extirpation des hérésie et l'exaltation de Notre Mère la Sainte Eglise.

VI. La plupart des personnages nommés dans le cours de cette histoire vivent encore. Il n'en est que quelques-uns qui ne soient plus de ce monde. Le préfet Pardoux, le juge Jean D., le maire H Anselme, Mgr Laurence sont morts. Plusieurs ont fait des pas en avant dans le chemin de la fortune. M. Gustave R. a quitté le Ministère des Cultes qui, ce semble, lui convenait peu, pour administrer les lingots d'or de la Banque de France. M. Vital, Procureur Impérial, est devenu Conseiller à la Cour. M. Dominique est Commissaire central dans une des plus grandes villes de France. Bourriette, Croisine Bouhohorts et son fils, Henri Busquet,, Mlle Moreau de Sazenay, la veuve Crozat, Jules Lacassagne, presque tous ceux dont nous avons raconté la guérison sont encore pleins de vie et témoignent par leur santé retrouvée et leurs infirmités disparues, de la toute-puissante miséricorde de l'Apparition de la Grotte. M. le docteur Dozous continue d'être le médecin le plus éminent de Lourdes. M. le docteur Vergez est médecin des eaux de Barèges et il peut attester aux visiteurs de ces thermes célèbres des miracles qu'il constata jadis. M. Estrade, cet observateur impartial dont nous avons -plus d'une fois reproduit les impressions, est Receveur des Contributions Indirectes, à Bordeaux. M. l'abbé Peyrainale a guéri de la cruelle maladie dont nous parlions plus haut. Il est toujours le vénéré pasteur de cette chrétienne ville de Lourdes où sa personnalité, puissante dans le bien, est à jamais marquée en traits ineffaçables. Longtemps, très-longtemps après lui, alors qu'il sera couché sous les herbes au milieu de la génération qu'il a formée au Seigneur, alors que les successeurs de ses successeurs habiteront en son Presbytère et occuperont a l'église son grand fauteuil de bois, sa pensée sera encore vivante dans l'âme de tous; et quand on dira ces mots : « le Curé de Lourdes », c'est à lui que l'on pensera. Tandis que les millions se dirigent vers la Grotte pour faire achever le temple auguste, le père Soubirous est demeuré un pauvre meunier, vivant Déniblement du labeur de Ses mains. Marie, celle de ses filles qui était avec la Voyante lors de la première Apparition, a épousé un bon paysan, qui est devenu meunier et qui travaille avec son beau-père. L'autre compagne de l'enfant, Jeanne Abadie, est servante à Bordeaux.

VII. Bernadette n'est plus à Lourdes. On a vu comme elle avait, en maintes circonstances, repoussé les dons enthousiastes et refusé d'ouvrir à la fortune qui frappait à l'humble porte de sa maison. Elle rêvait d'autres richesses. « On saura un jour, avaient, à l'origine, dit les incroyants, comment elle sera récompensée ». Bernadette, en effet, a choisi sa récompense et mis la main sur son trésor. Elle s'est faite Sœur de charité. Elle s'est vouée à soigner, dans les hôpitaux, les pauvres et les malades recueillis par la pitié publique. Après avoir vu devant ses yeux la face resplendissante de la Mère du Dieu trois fois saint, que pouvait-elle faire autre chose que de devenir la servante attendrie de ceux dont le Fils de la Vierge a dit: « Ce que vous ferez au plus humble de ces petits, c'est à Moi-même que vous le ferez ».

C'est chez les Sœurs de la Charité et de l'Instruction chrétienne de Nevers que la Voyante a pris le voile. Elle se nomme la sœur Marie-Bernard. L'auteur de ce livre l'a vue naguère en son costume de religieuse, à la maison mère de bette Congrégation. Bien qu'elle ait aujourd'hui vingt-sept à vingt-huit ans, sa physionomie a conservé le caractère et la grâce de l'enfance. Elle possède un charme incomparable, un charme qui n'est point d'ici-bas et qui élève l'âme vers les régions du ciel. Eu sa présence, le cœur se sent remué dans ce qu'il a de meilleur par je ne sais quel sentiment religieux, et on la quitte tout embaumé par le parfum de cette paisible innocence. On comprend que la sainte Vierge l'ait aimée. D'ailleurs, rien d'extraordinaire, rien qui la signale aux regards et qui puisse faire deviner le rôle immense qu'elle a rempli entre la Terre et le Ciel. Sa simplicité n'a pas même été atteinte par le mouvement inouï qui s'est fait autour d'elle. Le concours des multitudes et l'enthousiasme des peuples n'ont pas plus troublé son âme que l'eau ne ternirait, en le baignant une heure ou un siècle, l'impérissable pureté du diamant.

Dieu la visite encore, non plus par des Apparitions radieuses, mais par l'épreuve sacrée de la souffrance. Elle est souvent malade, et ses tortures sont cruelles. Elle les supporte avec une patience douce et presque enjouée. Plusieurs fois on l'a crue à la mort: « Je ne mourrai pas encore », dit-elle en souriant. Jamais, à moins d'être interrogée, elle ne parle des faveurs divines dont elle a été l'objet. Elle fut le témoin de la Vierge. Maintenant qu'elle a rempli son message, elle s'est retirée à l'ombre de la vie religieuse, humble et cherchant à se perdre dans la foule de ses compagnes. C'est pour elle un chagrin lorsque le monde la vient chercher au sein de sa retraite et que quelque circonstance la force à se produire encore. Elle redoute le bruit et fuit la gloire humaine. Elle repousse loin d'elle tout ce qui peut lui rappeler la célébrité de son nom dans l'univers chrétien. Ensevelie en sa cellule ou absorbée dans le soin des malades, elle ferme son oreille à tous les tumultes de la terre: elle en détourne sa pensée et son cœur pour se recueillir dans la paix de sa solitude ou dans les joies de sa charité. Elle vit dans l'humilité du Seigneur et elle est morte aux vanités d'ici-bas Ce livre dont nous achevons la dernière page, ce livre qui parle tant de Bernadette, la sœur Marie-Bernard ne le lira jamais.

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Prière pour l'œuvre de Notre-Dame de Lourdes

 

Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous.

 

Que vous demanderons-nous, ô Notre-Dame de Lourdes, en ce dernier jour du beau mois fleuri qui vous est consacré? Que vous demanderons-nous après avoir terminé ce livre où sont racontés les Miracles de votre toute -puissante bonté, ces Miracles que vous continuez chaque jour aux Roches bénies de Massabielle? Nous vous prierons, ô Marie, pour l'Oeuvre même que vous avez fondée: pour l'œuvre générale et publique que vous avez établie , en faveur du genre humain, aux lieux illustres où jaillit la Source miraculeuse; pour l'œuvre particulière et cachée que vous avez établie, durant ces trente et un jours, au fond du cœur de chacun de nous. Notre-Dame de Lourdes, protégez ce Pèlerinage sacré, ce Sanctuaire de grâces et de bénédictions que vous avez remis à la garde fragile des hommes; et empêchez qu'il ne périsse par leurs fautes, comme périssent, hélas! Ici bas, tant de grâces de Dieu dont ne craint point d'abuser la basse ingratitude des enfants d'Adam.

Reine de Vérité, préservez contre toute atteinte la divine intégrité de votre incomparable histoire. Vous l'avez défendue à l'origine contre les attaques ouvertes ou les pièges cachés de l'incrédulité, irritée jusqu'à la fureur. Défendez-la désormais contre ce fatal esprit de légende, que le Démon fait si souvent surgir à côté des actes divins, afin de les perdre plus tard en les rendant réfutables par ce mélange d'erreur. A toujours défendez-la contre le zèle irrespectueux des faux historiens, contre tous ceux qui, par des faits acceptés sans critique, par des miracles apocryphes, par des inventions humaines oseraient se flatter d'embellir en quoi que ce soit ce qu'a jugé bon d'accomplir en ce monde la Sagesse éternelle qui gouverne la Terre et le Ciel. Défendez-la contre ces écrits inconsidérés qui ont tant de fois compromis ou discrédité les événements les plus certains et les mieux établis, et, par l'adjonction de ce Surnaturel imaginaire, œuvre de l'homme, altéré, dans l'âme des peuples, la foi au Surnaturel véritable, œuvre de Dieu. Que votre divine histoire demeure à jamais immuable et solide comme le Roc que foulèrent vos pieds.

Veillez aussi, ô Marie, sur ces Roches très-saintes où les multitudes, toutes frémissantes d'amour, viennent se prosterner à genoux. Défendez-les contre toute profanation, et que le seuil en soit à jamais sacré comme celui du temple auguste d'où le fouet de Jésus indigné chassa les vendeurs et les trafiquants. Donnez, donnez avec surabondance et conservez aux gardiens de ce lieu béni l'esprit de pauvreté, l'esprit de l'humble Bernadette et de son indigente famille, cet esprit de pauvreté dont, avec Jésus et Joseph, vous fûtes, ô Vierge de Nazareth, le modèle idéal. Que par le spectacle de leur dévouement apostolique, ils édifient les fidèles et les infidèles, accourus de tout l'univers. Qu'entre leurs mains votre œuvre demeure pure, ô Marie, et que nulle âme, venue pour y chercher la Foi, n'y trouve jamais le scandale ou la pierre d'achoppement! Que cette œuvre demeure pure à jamais comme la Source sacrée que votre volonté fit jaillir.

Notre-Dame de Lourdes, bénissez l'Êvêque de ce diocèse de Tarbes où vous êtes apparue. Confirmez-le dans toutes les vertus épiscopales, et pénétrez-le de plus en plus de l'esprit même du Sauveur. Qu'il veille particulièrement, qu'il veille avec un soin pieux à ce que nul alliage indigne ne se mêle à l'immaculée pureté et à l'absolue vérité de votre œuvre très-sainte. Bénissez-le, ô Marie, et embrasez son âme de ce puissant et divin sentiment qui faisait appliquer si justement à Jésus ces paroles du Prophète: « Le zèle de Votre Maison me dévore ».

Notre-Dame de Lourdes, bénissez encore une fois l'infaillible Chef de l'Église, Notre Très-Saint Père le Pape, assis en cette Chaire de Vérité sur laquelle, depuis bientôt dix-neuf siècles, plane l'Esprit de Dieu. Bénissez ce Saint-Siége qui a eu la gloire de proclamer votre Immaculée Conception, et qui a reconnu solennellement, la vérité de vos Apparitions et la réalité de vos Miracles. Pour Notre Très-Saint-Père nous avons prié en commençant votre histoire; pour Notre Très-Saint-Père, nous vous prions encore en la finissant. Ne représente-t-il pas en ce monde Celui qui a dit de lui-même: « Je suis le commencement et la fin, je suis l'Alpha et l'Oméga de toutes choses ».

Et maintenant, ô Notre-Dame de Lourdes, nous vous prions aussi pour l'œuvre particulière que vous avez fondée en nous-mêmes. Conservez en nos cœurs la foi ardente qui, par moments est venue échauffer nos âmes pendant que nous contemplions vos merveilles. Maintenez en nos cœurs les bonnes résolutions que nous avons prises, durant ce mois qui nous a tous réunis en votre nom. Humblement prosternés à vos pieds, nous nous consacrons à Vous, ô Notre-Dame de Lourdes, nous nous donnons à Vous, nous remettons à Votre bonté la direction de notre vie. Soyez désormais notre espérance et notre force, notre consolation et notre soutien, notre joie et notre amour. Chaque jour, nous ajouterons à nos prières, Ces mots, désormais chers à notre cœur: « Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous ». Nous les répéterons souvent en nous-mêmes, sachant que vous les entendez et que vous êtes à côté de nous, ô Notre Mère, invisible et présente. Nous les dirons enfin à l'heure redoutable où nous irons paraître devant le Souverain Juge. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous! Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous! Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous! Ainsi soit-il.

 

Fin du Mois de Marie

 

Prochain Mois de Dévotion, le Mois du Sacré Cœur, rendez-vous le 31 mai

 

Téléchargez l'intégralité des méditations du Mois de Marie de Notre Dame de Lourdes (pdf) en cliquant ici

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29 mai 2012

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes 14/18

Les apparitions de Notre Dame de Lourdes

Quatorzième apparition

3 mars 1858

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