Les Quinze Mardis de Saint Dominique 1/3
Les Quinze Mardis de Saint Dominique
Vie de Saint Dominique
1170-1221
À l'origine de l'Ordre des Prêcheurs, il y a Dominique de Guzman, l'homme évangélique, ainsi que le qualifie Jourdain de Saxe dans son petit livre sur les origines de l'Ordre. Qui était-il? Pourquoi a-t-il fondé cette communauté à laquelle il a lui-même donné le nom de Frères Prêcheurs et qui, par la suite, sera désignée couramment à partir de son nom: les Dominicains? Saint Dominique ne nous a laissé aucun écrit où nous pourrions trouver une réponse à ces questions. Il nous faut donc questionner les chroniques qui nous parlent de lui et ce que l'histoire nous dit de son époque, le Moyen Âge. Alors se dessinent sous nos yeux les traits d'un homme qui n'aspire qu'à une seule chose: imiter Jésus Christ. Un homme, nous disent les témoins, qui ne parlait qu'avec Dieu ou de Dieu. En même temps, Dominique se révèle comme un homme solidaire d'un monde en plein bouleversement; un monde qu'il aime et veut embraser du feu de l'Évangile qui le consume lui-même. C'est au terme d'une longue recherche du dessein de Dieu, tel qu'il l'a lu dans les événements qui ont jalonné sa vie, que Dominique fonde l'Ordre des Prêcheurs.
Un
monde bouleversé
Saint Dominique
naît vers 1170 dans le bourg de Caleruega, en Espagne. La société
médiévale dans laquelle il va vivre et oeuvrer pour l'Évangile est
alors en pleine transition. Celle-ci est d'abord causée par l'une
des plus importantes explosion démographique de l'histoire,
accompagnée d'un vaste mouvement d'urbanisation. Dans le système
féodal les activités telles le commerce et la politique se
déroulaient autour des châteaux des seigneurs ou des abbayes.
Maintenant, tout cela se déplace vers les villes qui deviennent les
pôles de l'activité politique et économique, alors qu'auparavant
elles n'étaient que des lieux de peuplement. Cette urbanisation fait
naître, à côté de la noblesse et des clercs, une nouvelle classe
sociale: la bourgeoisie. Importante par l'argent qu'elle acquiert du
commerce, cette bourgeoisie marchande dirige la ville. Seigneurs
locaux, souverains et gens d'Église doivent maintenant compter avec
elle, parce que c'est elle qui peut fournir l'argent nécessaire au
maintien des armées ou au financement des nouvelles constructions.
Mais cet accroissement de la population et cette urbanisation
n'apportent pas la prospérité à tous; la pauvreté est le lot
commun. La majorité des gens ne dispose que du minimum pour vivre,
leur situation contrastant scandaleusement avec celle de la noblesse
féodale et de la bourgeoise. De plus, les épidémies et surtout les
famines frappent durement les populations; des hommes libres
redeviennent des serfs pour assurer leur subsistance. En même temps,
l'on assiste à l'émergence d'une conscience nationale chez les
Anglais, les Français, les Espagnols et les Allemands. Leurs
souverains respectifs sont en train de constituer leur royaume sur
cette base nationaliste. L'Église n'échappe pas à ce mouvement de
transformation. Jusque là, sa vie gravitait autour des abbayes.
C'étaient presque les seuls lieux où l'on pouvait recevoir une
formation intellectuelle poussée, et où l'on pouvait recruter des
clercs assez instruits pour en faire des évêques. Désormais, les
écoles passent des abbayes aux cathédrales, donc au centre des
villes. Au début, les écoles cathédrales ne dispensent qu'un
enseignement théologique pour les clercs des diocèses. Mais
rapidement, elles prennent de l'expansion et s'ouvrent à un plus
grand nombre pour offrir un enseignement couvrant toutes les sciences
de l'époque (grammaire, rhétorique, mathématiques, philosophie) et
donner naissance aux universités. Au temps de saint Dominique, les
plus célèbres sont celles de Bologne et Paris. À l'image des
commerçants bourgeois qui s'organisent en corporations, relevant de
l'autorité royale, les universités s'organisent en corporation
relevant de l'autorité du pape. Malgré cela, le bas clergé, curés
de paroisses et chapelains, reste majoritairement sous-instruit.
Généralement, ces prêtres ne savent ni lire, ni écrire car, issus
de milieux pauvres, ils n'ont pu étudier. Ayant appris par coeur les
textes d'une messe et l'évangile correspondant, ils les répètent
inlassablement Quand ils prêchent, ce n'est pas sur l'Évangile,
mais sur un sujet de morale. Paradoxalement, I'Europe est chrétienne,
mais non évangélisée. Ceux qui peuvent corriger cette situation,
ce sont les évêques. Mais ils sont le plus souvent accaparés par
l'administration des fiefs qui leur sont confiés par les rois.
Àl'origine, ces domaines leur avaient été donnés pour assurer des
revenus aux diocèses. Avec le temps, ces domaines devenant parfois
très importants, les évêques se voient considérés par les
souverains comme des seigneurs, au même titre qu'un comte ou un
baron, et ils se mettent à agir comme tels. L'Église, en fait la
papauté, appuyée par quelques évêques et parfois quelques
souverains, tente de corriger cette situation. Son arme principale
est la constitution de chapitres de chanoines dans les cathédrales.
II s'agit de prêtres vivant en communauté autour de l'évêque dans
la pauvreté. On donne à ces chapitres la Règle de saint Augustin,
qui insiste beaucoup sur la vie communautaire et la pauvretéen
proposant l'exemple de la vie de l'Église primitive, telle que
décrite dans les Actes des Apôtres. A long terme, on espère que
ces chapitres deviendront des pépinières d'évêques qui se
conduiront davantage selon l'idéal évangélique que selon celui de
la noblesse féodale. Mais ce travail de correction est lent et de
plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer de l'Église qu'elle
abandonne ses richesses et retourne à la pauvreté évangélique.
Ces prédicateurs vont trouver une oreille sympathique au sein d'une
population pauvre, à laquelle se joint le bas-clergé. De là vont
naître les grands mouvements de retour à l'Évangile, dont le mot
d'ordre est: «suivre nu le Christ nu», et qui vont animer tout le
XIIIème siècle. Des milliers de personnes s'attacheront à ces
prédicateurs et les suivront dans leurs déplacements. Dans ces
mouvements, l'orthodoxie se mêle à l'hérésie. Celle-ci n'est
souvent qu'une réaction excessive devant une situation perçue comme
une trahison de l'Évangile. Le plus souvent, les prédicateurs sont
des laïcs ayant reçu un enseignement rudimentaire de l'Évangile.
De ces mouvements de pauvreté naîtront les Ordres mendiants, tels
que les Prémontrés, les Franciscains et les Dominicains.
Des
écoles de Palencia au chapitre d'Osma
C'est à cette
époque de bouleversements et de renouveau qu'a vécu Dominique.
Après avoir reçu un début d'instruction de l'un de ses oncles
archiprêtre, il est envoyé à l'université de Palencia, la
première d'Espagne, pour apprendre les arts libéraux. Mais
rapidement, Dominique opte pour l'étude de la théologie. Pendant
ses études, il se fait remarquer par son application, passant des
nuits entières à approfondir sa connaissance de la Bible. Mais ce
zèle à scruter la Parole de Dieu ne le coupe pas du monde dans
lequel il vit. Au cours d'une famine qui frappe toute l'Espagne,
Dominique décide de vendre ses manuscrits et tout ce qu'il a afin de
venir en aide aux pauvres. Il disait: «Je ne veux pas étudier sur
des peaux mortes lorsque des hommes meurent de faim!» Son geste
pousse de nombreux maîtres de théologie à l'imiter. La réputation
de Dominique parvient bientôt à son évêque, Diègue d'Osma. Le
chapitre des chanoines de sa cathédrale vient tout juste d'être
réformé selon la Règle de saint Augustin. Voyant l'avantage de
s'associer un tel homme pour consolider la réforme entreprise, il
demande à Dominique de se faire chanoine. Celui_ci accepte, attiré
par la vie de pauvreté et de prière. Les chanoines se rendent vite
compte de la valeur du nouveau venu et le choisissent comme
sous-prieur, ce qui en fait le bras droit de l'évêque. On remarque
son humilité, sa douceur, son attention aux autres. Il ne quitte
presque jamais le cloître afin de mieux s'adonner à la prière, à
la méditation de l'écriture ou de textes des Pères de l'Église.
Mais, alors qu'on pourrait croire que Dominique s'est coupé des
femmes et des hommes de son temps, il les porte toujours dans son
cœur. Il n'a plus rien à vendre pour secourir les malheureux, mais
c'est à eux qu'il pense durant les nuits où une prière intense a
remplacé l'étude. Durant cette prière, il ne cesse alors de
demander à Dieu une charité efficace pour travailler au salut du
monde. Très souvent, ces prières s'accompagnent de larmes et de
gémissements: Seigneur, ayez pitié de votre peuple! Que vont
devenir les pécheurs?
La mission au Nord
Cette
sollicitude pour le salut du monde trouve bientôt à s'exercer dans
des circonstances fortuites. Diègue d'Osma est chargé par le roi de
Castille d'aller négocier le mariage de son fils avec une princesse
du Danemark ou Norvège (“les Marques”, au moyen âge). L'évêque
se met donc en route avec sa suite, dont fait partie Dominique. Ils
traversent le Sud de la France où sévit l'hérésie cathare.
Celle_ci, profitant des mouvements de pauvreté et de retour à
l'Évangile, véhicule sous un extérieur chrétien, une doctrine
dualiste opposant un Dieu bon, créateur des réalités spirituelles,
et un dieu mauvais, créateur du monde matériel. Dans ce contexte,
le détachement des biens de ce monde camoufle un mépris pour tout
ce qui est matériel. Passant la nuit dans une auberge, Dominique
apprend que son propriétaire est un cathare. Il discute alors avec
lui une partie de la nuit, si bien que l'homme se convertit. L'évêque
et son sous-prieur poursuivent leur route et arrivent au Danemark.
Les négociations ayant favorablement abouties, ils reviennent en
Espagne en faire rapport au roi qui les renvoie chercher la fiancée.
Celle-ci étant morte entre temps, Diègue fait parvenir la nouvelle
au roi et va à Rome avec Dominique pour rencontrer le pape.
La
prédication en Languedoc
Aux
Marques, I'évêque a entendu parler des Cumans, peuple païen aux
moeurs barbares. Aussi, demande-t-il au pape de le relever de la
charge de son diocèse afin de pouvoir aller les évangéliser avec
son sous prieur. Le pape refuse et les renvoie chez eux. Sur le
chemin du retour, à Montpellier, Diègue et Dominique
rencontrent les légats du pape chargés de prêcher l'Évangile et
la foi contre les erreurs cathares. Les légats se plaignent à
Diègue du peu de succès de leur mission. Celui_ci comprend vite que
le succès des cathares leur vient de la rigueur et la pauvreté de
la vie de leurs prédicateurs. Aussi, il conseille aux légats de se
défaire de leurs escortes et de leurs chevaux et d'aller prêcher
l'Évangile à pied, n'emportant que les livres nécessaires. Diègue
joint aussitôt le geste à la parole, et part prêcher avec
Dominique, accompagné par les légats. Nous sommes alors en 1206.
Pendant deux ans, ils vont prêcher ainsi: à pied et sans escorte, à
travers tout le Languedoc. Leur prédication connaît alors un
certain succès. Un groupe de femmes cathares converties, se trouvant
de ce fait sans aucun moyen de subsistance, sera rassemblé par
Dominique et son évêque pour former un monastère à Prouilhe, tout
près de Fanjeaux, où Dominique sera plus tard nommé curé. Ce
monastère, embryon de ce qui deviendra l'Ordre des Moniales
dominicaines, sert à Dominique de “quartier général” après la
mort de Diègue (en Espagne) et le départ des légats missionnaires
( ils sont moines cisterciens, ils doivent rentrer à leurs
communautés).
Le
début de l'Ordre des Prêcheurs
De
1208 à 1213, Dominique poursuit donc seul l'oeuvre de prédication,
tout en continuant de prendre soin du monastère de Prouilhe. II
gagne le respect des cathares par la rigueur de sa vie, sa bonne
humeur, sa vie de prière, sa pauvreté, son zèle. Sur la route,
entre les villages, il marche pieds nus. Il mendie son pain et, quand
on lui offre le gîte, il couche sur le sol. Lorsqu'il ne prêche pas
ou n'est pas en train d'exhorter quelqu'un à la conversion, il prie
et, dès qu'il est près d'une chapelle ou d'une église, il s'y rend
pour célébrer l'Eucharistie ou participer à la prière liturgique.
Avec le temps, quelques hommes se joignent à lui pour travailler à
l'évangélisation. La petite communauté s'installe d'abord dans une
maison à Fanjeaux. Puis, comme Pierre Seilhan, fils de Jean Seilhan,
viguier de Toulouse (représentant du compte de Toulouse face aux
capitouls) se donne à lui avec ses biens, elle se déplace à la
maison de Pierre, en face de l’actuel Palais de Justice. Foulques,
évêque de la ville, reconnaît officiellement la communauté avec
son projet de prédication en 1215, et lui concède comme revenu une
partie de la dîme des pauvres. Dans le même temps, Dominique confie
les six frères qui vivent avec lui à un maître en théologie pour
qu'il les instruise. Foulques de Toulouse se rend à Rome pour
participer au IV Concile de Latran et Dominique l'accompagne, voulant
obtenir l'approbation du pape pour un ordre qui s'appellera l'Ordre
des Prêcheurs. Le pape promet l'acceptation, à la condition que
Dominique et ses frères choisissent une règle déjà existante.
Revenu auprès d'eux, ils adoptent à l'unanimité la Règle de saint
Augustin. Dominique repart pour Rome chercher l'approbation qui lui
est alors accordée. En 1217, Dominique disperse sa petite
communauté. Il envoie fonder à Paris et à Bologne, les centres
universitaires du temps, de même qu'en Espagne et à Rome. À partir
de ce moment, les choses se précipitent. Au début, les frères de
Dominique suscitent le scepticisme. Mais assez rapidement, leur
pauvreté, leur attachement à la prière, leur prédication et leur
vie évangélique, leur valent un accueil enthousiaste et l’éveil
de vocations partout où ils vont. Par exemple, le couvent de Paris,
fondé par deux ou trois frères, en compte près de cinquante à la
mort de Dominique, quatre ans plus tard, sans compter ceux qui ont
quitté Paris pour fonder ailleurs.
Le
premier chapitre de l'Ordre
Quant
à Dominique, il va de couvent en couvent pour exhorter les frères à
tenir bon. Toujours il va à pied et quête son pain. Dans les
couvents il n'a ni cellule ni lit et, malgré les fatigues du voyage,
il passe toujours ses nuits en prière dans l'église. En 1220, il
convoque le premier chapitre général de l'Ordre à Bologne en
Italie, chaque couvent devant y envoyer un certain nombre de frères.
Une fois qu'ils sont réunis, Dominique leur demande de choisir un
autre supérieur, lui-même s'estimant indigne de cette charge ; mais
les frères refusent. Ils adoptent les premières Constitutions de
l'Ordre, qui règlent la vie des frères en incarnant dans des
dispositions concrètes la Règle de saint Augustin. Ils prennent à
ce moment des décisions importantes: l'Ordre doit abandonner ses
revenus et chaque couvent doit quêter sa subsistance au jour le
jour. Enfin, pour mieux répondre aux besoins de l'évangélisation,
l'Ordre est divisé en provinces.
La
mort de saint Dominique
Le
chapitre terminé, Dominique reprend sa tournée des divers couvents.
Il est aussi chargé par le pape d'une mission d'évangélisation
dans le Nord de l'ltalie. Puis, à l'été 1221, usé par ses marches
interminables et par ses veilles incessantes, il tombe malade à
Bologne. Constatant la gravité de son état, il demande à se
confesser et à recevoir la communion. Il se recommande ensuite aux
frères présents, et leur affirme qu'il leur sera plus utile au ciel
que sur terre. Puis il s'éteint pendant que les frères recommandent
son âme à Dieu. Mort dans la cellule d'un autre, puisqu'il n'en
avait dans aucun couvent, on l'enterre dans l'église, au pied de
l'autel, revêtu de la tunique d'un autre. La sienne, estiment les
frères, est en trop mauvais état: usée, épuisée... comme le
pauvre qu'elle habillait.
Les Quinze Mardis de Saint Dominique
Qu'est-ce que la dévotion des quinze mardis?
Elle est exactement semblable à celle des quinze samedis; le jour seul est différent. Le mardi est spécialement consacré à saint Dominique, instituteur du Rosaire, et c'est l'unique raison de ce choix. Quels sont les motifs qui nous engagent à pratiquer la dévotion des quinze mardis ? 1° Saint Dominique a été donné au monde pour procurer le salut d'un grand nombre d'âmes. 2° Ce saint a toujours montré une charité très-vive à leur égard, et il s'est assujetti à des travaux incroyables pour les secourir. 3° Ses prières sont très-puissante: il avouait lui-même avoir toujours obtenu tout ce qu'il demandait. 4° Il a promis dans ses derniers moments de nous être plus utile après sa mort que pendant sa vie. 5° Il a opéré en tout temps un nombre prodigieux de miracles pour subvenir aux nécessités des personnes qui imploraient son secours.
En quel temps pratique-t-on la dévotion des quinze mardis ?
En tout temps, comme la précédente, mais plus particulièrement durant les quinze mardis avant la fête de saint Dominique. Il sera encore fort utile de l'associer à celle des quinze samedis. On gagnera par là plus d'Indulgences, on honorera mieux le bienheureux Patriarche, dont la fête se trouve dans l'intervalle, et en répétant ainsi le mardi les exercices du samedi, on est sûr d'obtenir des grâces plus abondantes.
Méthode de saint Dominique pour méditer le Rosaire
Cette méthode est celle qui fut ordinairement pratiquée par le Saint Patriarche Dominique. Elle consiste à énoncer ou verbalement ou mentalement, non-seulement avant chaque dizaine, mais encore avant chaque Ave, un point du mystère que l'on médite, et l'on s'arrête plus ou moins longtemps à la pensée ou au sentiment suggéré par cette énonciation. L'usage et l'habitude rendront cette pratique facile. Elle deviendra même, lorsqu'on le voudra, aussi courte que toute autre. Entre autres avantages, elle a celui d'empêcher les distractions, ou du moins de les rendre plus rares et moins considérables. Afin de marcher à la suite de Saint Dominique, chaque mardi, nous méditerons un mystère du Rosaire avec sa méthode.