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12 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne9

Treizième jour

Notre Dame de Pitié

 

La fête de la Compassion ne rappelle pas seulement Notre Dame des Sept-Douleurs, mais aussi Notre Dame de Pitié. Ce dernier vocable nous dit la part que la Vierge-Mère prit aux souffrances de son Fils et celle qu’elle prend aux nôtres. Aussi les sanctuaires où l’on trouve des images de Notre Dame de Pitié sont-ils fort nombreux. Avant la Révolution, la plupart des églises de Nantes possédaient un autel dédié à Marie sous ce vocable, ou du moins une Pietà. Saint Nicolas avait son autel Saint-Sauveur, dont le retable était orné d’une Notre Dame de Pitié, en relief, entourée des douze apôtres. Mais c’est à Saint-Vincent que cette dévotion possédait le plus remarquable monument. Cette église existe encore partiellement, sur la place qui porte son nom ; mais le transept sud a été récemment démoli et remplacé, rue Beau Soleil, par une annexe de l’Hôtel de Bretagne. C’était là que se trouvait la chapelle de Briord, fondée par la famille du célèbre Pierre Landais, trésorier de Bretagne et seigneur de Briord. L’autel portait une statue de Notre-Dame de Pitié, puis à droite, sous un arceau voûté, on voyait « la représentation du Saint Sépulcre de Nostre Seigneur, en bosse, contenant, oultre la figure de Nostre-Seigneur, neuf personnages ».

Le vocable de Notre-Dame de Pitié évoque surtout le souvenir des maladreries et des hôpitaux que la charité chrétienne avait semés partout sur le sol de notre pays et consacrés souvent à la Compassion de Marie. On compte une douzaine de ceux-ci au moins dans le diocèse et plusieurs dans la ville de Nantes. C’est ainsi que, dès le milieu du XIVe siècle, nous trouvons, dans la rue du Port-Maillard, un hôpital de Notre Dame de Pitié, qui fut transporté plus tard à l’endroit que marque encore aujourd’hui la rue du Vieil Hôpital, sur la rive gauche et près de l’embouchure de l’Erdre.

Mais le principal était l’aumônerie de Saint Clément, Notre Dame hors la ville, comme on disait alors, parce qu’il était situé en dehors de l’enceinte, a proximité de la porte Saint Pierre, à peu près à l’endroit qu’occupe actuellement la caserne des pompiers. Lui aussi était dédié à Notre-Dame de Pitié, c’était le plus ancien hôpital de la ville et il remontait, croit-on, au IXe siècle. C’est là, au milieu des pauvres, que les évêques de Nantes allaient coucher, la veille de cette entrée solennelle où les plus puissants seigneurs de leur diocèse, les barons d’Ancenis, de Châteaubriant, de Raiz et de Pontchâteau, les portaient triomphalement sur leurs épaules ; c’est la que, le Jeudi Saint, ils lavaient les pieds à douze pauvres, qu’ils gratifiaient ensuite d’une généreuse aumône. La paroisse de Saint Clément posséda plus tard un autre sanctuaire de Notre-Dame de Pitié. Il fut construit, au XVe siècle, dans le cimetière de Champfleuri, dont les terrains sont occupés aujourd’hui par l’Hôtel du Grand Monarque. C’est sans doute pour honorer Notre-Dame de Pitié, dont la tête se célébrait la veille des Rameaux, que la procession de ce dimanche se rendait au Champ fleuri. Tous les curés se réunissaient a la Cathédrale pour se diriger ensuite vers le but traditionnel. « En quittant le cimetière, après avoir entendu le prédicateur, la procession retournait a la ville. Elle en trouvait la porte fermée ; et c’est devant la porte de ville que le premier choeur entonnait le Gloria, tous, auquel le second choeur répondait du haut des remparts ». J’imagine que c’est en souvenir de ce culte envers la Compassion de Marie, tant de fois séculaire sur le territoire de la paroisse Saint Clément, que M. le curé Bouyer demanda et obtint d’ériger dans son église, en 1833, la Confrérie de Notre Dame des Sept Douleurs. Elle y est encore très prospère et, chaque année, vers la fin de septembre, elle y célèbre sa neuvaine avec un grand concours de fidèles.

Une des plus belles et des plus importantes églises paroissiales de notre diocèse est dédiée à Notre Dame de Pitié. Plus d’un sans doute, parmi ceux qui m’écoutent ce soir, l’a admirée, défiant, dans sa robe de granit, l’effort de la tempête et appelant, de sa tour monumentale, les matelots en péril : c’est l’église du Croisic. Ce n’était d’abord qu’une modeste chapelle très vénérée, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps. Au XVe siècle (20 janvier 1432), une bulle du pape Sixte IV accorde des indulgences « à tous ceux qui contribueront à réparer, entretenir, embellir la chapelle de la Bienheureuse Marie de Pitié, en la paroisse de Saint-Guénolé de Batz ». Cinquante ans plus tard, Innocent VIII en attribue d’autres à ceux qui visiteront la chapelle à certains jours. Excités par ces faveurs spirituelles et sans doute aussi parle désir d’égaler, voire même de surpasser l’église mère, les riches armateurs croisicais se montrèrent généreux. Ils bâtirent la splendide église que nous admirons encore. Le peuple qui l’avait élevée à l’honneur de Dieu et de la Vierge, sa mère, sut aussi la défendre. A deux reprises (en 1558 et en 1562), les huguenots y pénétrèrent et eurent l’audace d’y faire leur prêche. Ils en furent promptement délogés et Notre Dame de Pitié continua d’être. honorée dans son temple. N’est-il pas vrai qu’elle y est bien a sa place ? Pour ma part, je ne puis songer, sans en être ému, a la touchante pensée qui, pour rassurer tant de mères inquiètes sur le sort de leurs enfants, et pour essuyer tant de larmes versées sur les disparus, sur « les péris en mer », comme on dit chez nous, a voulu placer là, sur la presqu’île battue des vagues et balayée par les rafales, la Vierge-Mère, pleurant sur le cadavre de son enfant.

Je veux signaler, enfin, un sanctuaire plus humble, mais d’une inspiration aussi touchante, bâti à une autre frontière de notre diocèse, sur une colline d’où il domine la Vendée.

Avant la Révolution, une toute petite et très pauvre chapelle, dédiée à Notre-Dame de Pitié, s’élevait a l’entrée du gros bourg de Legé. Simple était son histoire, aussi les archives n’ont-elles jamais révélé aux chercheurs que son nom. Durant les mauvais jours, elle partagea le sort de la bourgade, qui fut, à plusieurs reprises, témoin de terribles batailles, inondée de sang et livrée aux flammes. La torche incendiaire anéantit la petite chapelle ; mais auparavant elle avait vu des drames émouvants.

C’était en janvier 1794, plusieurs habitants de Touvois, Froidefond et Falleron, 70, d’après les notes manuscrites de l’abbé Gilliers, 90, d’après les mémoires de Lucas de la Championnière, sur la foi d’une proclamation répandue par Turreau, avaient rendu leurs armes, décidés à vivre paisiblement chez eux. Bien accueillis d’abord, ils furent enfermés dans la chapelle de Pitié pour y passer la nuit. Le lendemain, ils furent dépouillés, attachés deux par deux, les mains derrière le dos, et conduits dans le chemin qui longe le vieux manoir de Charbonneau, maintenant le presbytère. Là, on les força de s’agenouiller et on les fusilla sans autre forme de procès. Leurs cadavres furent jetés dans les carrières, au chevet du monument actuel.

Dans le même mois (12 janvier), une autre scène de mort se déroulait à cet endroit. Deux révolutionnaires de Saint Etienne de Corcoué avaient convié les habitants de leur village et des hameaux voisins à un banquet. Soixante-huit acceptèrent, vingt-neuf hommes, trente-deux femmes et sept enfants. Au milieu du festin, la troupe, qui était prévenue, arriva, et les pauvres paysans furent traînés à Legé. Les femmes et les enfants furent parqués, sous bonne garde, sur la place de la chapelle, et les hommes introduits dans la maison d’en face. Cette fois, on instruisit le procès. Pour juge, on constitua un mendiant du pays, sourd-muet de naissance. Lorsqu’on lui amenait un de ces hommes, il faisait le geste de le mettre en joue : c’était un arrêt de mort ; une fois, une fois seulement, il prit un des prévenus par le bras et l’attira près de lui: ce fut l’unique sentence d’absolution. Cet homme avait en jadis l’occasion de faire l'aumône a son juge. C’est lui qui raconta plus tard ces faits à celui-la même dont j’utilise les notes. Les victimes furent dépouillées connue les précédentes, puis conduites dans une prairie voisine, où on les fusilla. Le lendemain matin, après une nuit affreuse, au milieu des insultes et des menaces, on entraîna les femmes et les enfants auprès des cadavres de leurs époux et de leurs pères, qu’on les força de dévisager, puis on les renvoya.

Aujourd'hui rien ne reste de la vieille chapelle pour rappeler les horribles spectacles dont elle fut le muet témoin, rien, si ce n’est un débris de la croix qui en surmontait le fronton, que l’on voit encore dans le jardin du presbytère. Mais une autre chapelle, digne de ces grands et tristes souvenirs qu’elle est chargée de commémorer, s’élève à la place de l’ancienne. Sous la Restauration, des hommes de cœur eurent la délicate pensée de consacrer un monument religieux a la mémoire des héros qui s’étaient levés pour la cause de Dieu et des martyrs immolés pour leur fidélité a la foi. Legé fut choisi, et c’est sur les ruines de l’antique chapelle dédié à Notre Dame de Pitié que, le 2 mai 1825, l’évêque de Nantes, assisté des plus grands personnages et d’une foule immense de Vendéens, bénit la première pierre de l’édifice. Pouvait-on faire mieux que de lui laisser son nom ? Deux messes y sont célébrées chaque année pour les âmes des Vendéens, et tous ceux qui se souviennent - ils sont nombreux là-bas, aiment aller prier dans ce sanctuaire auquel son architecte, bien inspiré, a donné presque la forme d’un tombeau.

 

Après ce trop long exposé, que me reste-t-il a dire ? Trois mots seulement. Comme nos pères, si heureux dans les applications qu’ils avaient faites de ce vocable, demandons à Notre Dame pitié pour ceux qui souffrent, pitié pour ceux qui pleurent, pitié pour ceux que l’on persécute.

Pitié pour ceux qui souffrent ! Nos pères avaient confié leurs pauvres et leurs malades à Notre Dame. Hélas ! Malgré les progrès du siècle et le bien être que l’on prétend assurer à tous, les pauvres et les malades sont aussi nombreux qu’autrefois. Ils sont aussi plus malheureux, puisque beaucoup n’ont plus la foi, la foi qui fait accepter la souffrance, la foi qui donne le courage de la supporter, la foi qui la rend féconde et méritoire. Prions Notre Dame de donner du pain au pauvre qui a faim, de donner la santé au malade, de donner a tous la foi des anciens jours ; prions-la aussi de faire en sorte que la religion ne soit pas, chez nous comme ailleurs, bannie des hospices et des hôtels-Dieu.

Pitié pour ceux qui pleurent ! L’Evangile ne dit nulle part que Notre-Seigneur ait souri ; deux fois au moins, il nous apprend que le divin Maître a pleuré. C’est l’image de l’humanité dont il était le représentant. L’humanité pleure encore aujourd’hui : elle pleure sur ses illusions envolées, sur ses amours trompées, sur ses bien-aimés disparus. Mais ses larmes sont souvent plus amères qu’autrefois. Autrefois, elle pleurait avec Notre-Dame, au pied du crucifix, et ces deux grandes douleurs du Fils et de la Mère lui faisaient trouver les siennes plus douces. Autrefois, elle priait les yeux fixés au ciel, et la pensée du bonheur qui l’attendait là-haut, avec tous ceux qu’elle aimait et dont jamais plus elle ne serait séparée, mêlait des sourires a ses pleurs. Et aujourd'hui ?... Hélas ! les crucifix tombent en poussière ou descendent à la voirie, et l’espérance s’en va. Demandons à Marie de prendre nos larmes en pitié et de l’aire que nous ne pleurions plus comme ces païens dont parle saint Paul, et qui n’ont point d'espérance.

Pitié pour ceux que l’on persécute ! Il fut un temps chez nous où l’on pouvait croire que l’ère des persécutions était close : hélas ! Voilà qu’elle vient de se rouvrir, nous montrant qu’elle est vraie toujours la parole du Maître : Vous serez: haïs à cause de moi : on vous citera devant les proconsuls et l’on vous traînera dans les tribunaux : voilà que les prêtres, les moines, les vierges consacrées se pressent sur les chemins de l’exil ; voilà que les soutanes et les frocs remplissent les tribunaux ; voilà que, demain peut-être, vont se fermer les temples et se rouvrir les catacombes !... Prions encore Notre Dame : demandons-lui le repentir pour les bourreaux, et pour les autres, non pas d’échapper au martyre, mais d’avoir la force de le subir.

 

ND de Nantes

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