Le Mois de Marie Historique de Notre Dame du Puy
Le Mois de Marie Historique de Notre Dame du Puy
Treizième jour
Comment Adhémar du Monteil, évêque du Puy, institua en l'honneur de Notre Dame le Salve Regina
Adhémar du Monteil est l'une des plus grandes figures de l'épiscopat anicien. C'est aussi l'un des personnages qui ont le plus aimé et honoré Notre-Dame du Puy. La maison des seigneurs de Monteil, du nom d'Aymard ou d'Adhèmar, est fort ancienne, et peut prendre rang parmi les plus illustres du Dauphiné. Elle subsistait déjà avec éclat, sous le règne de Charlemagne, puisque vers 814, cet empereur établit duc de Gênes, un de ses membres, Hugues Adhèmar, pour le récompenser d'avoir expulsé les Sarrasins de l'île de Corse. Cette famille était donc puissante, dès le neuvième siècle. Une de ses principales branches possédait en apanage, et avait pour siège la ville et seigneurie de Monteil. De là le nom de Monteil-Aymard ou Montélimart, donné depuis à cette ville. C'est à cette branche qu'appartient notre Adhémar, évêque du Puy.
L'élévation de ce Pontife à l'évêché du Velay, eut lieu vers 1080. Nous avons vu, hier, comment le Pape Urbain II, traversant les Alpes en 1095, s'était dirigé, par Valence, vers le Puy-Sainte-Marie, afin d'y réunir le Concile sous les auspices de Notre-Dame, et d'en appeler à toute la chrétienté pour la délivrance de la Terre sainte. Grande lut la joie dans tous les coeurs vellaviens, quand cette nouvelle se répandit dans notre pays. Grand fut le nombre des pèlerins qui voulurent visiter le sanctuaire angélique, à la fête du mois d'août, lorsqu'on sut la prochaine arrivée du Pontife et la cause de son voyage. Tout ce qu'il y avait de coeurs nobles et généreux dans la province, désirait voir le Pape et entendre ses paroles. Au jour fixé, de chaque manoir féodal comme de chaque village, par les grandes routes et par les rudes sentiers qui conduisaient à la cité d'Anis, accoururent, avec les habitants des campagnes, les châtelains suivis de leurs dames, de leurs enfants et de leurs vassaux.
Nous avons dit avec quelle pompe Adhémar reçut le Souverain Pontife, et comment celui-ci, après avoir pris connaissance de la ville, la trouva trop petite, hélas ! Pour y tenir commodément les grandes assises préliminaires de la Croisade. Le Concile fut donc convoqué à Clermont, où Adhémar se rendit avec un grand nombre de ses diocésains. Là, au milieu d'un auditoire immense et d'un silence profond, le Pape, d'une voie émue, fit une peinture aussi vive que touchante des outrages que les Musulmans, détenteurs et profanateurs des Lieux saints, faisaient subir aux pèlerins et aux sanctuaires de la Palestine. Puis, s'adressant au coeur toujours si noble et si généreux du peuple Français : « Armez-vous donc, mes chers fils, s'écria-t-il, armez-vous du zèle de Dieu ! marchez au secours de vos frères, et le Seigneur sera avec vous ! Tournez contre l'ennemi du nom chrétien, les armes que vous employez injustement les uns contre les autres. Rachetez, par ce service si agréable à Dieu, les crimes qui excluent de son royaume, et obtenez-en, par là, le pardon. Pour nous, plein de confiance en la miséricorde de Dieu et en l'autorité de saint Pierre, nous remettons toute pénitence à ceux qui prendront les armes contre les infidèles, et nous promettons l'éternelle récompense et les infinies bénédictions de Dieu à tous ceux qui combattront pour la délivrance de la Terre sainte ! »
A ces mots, une immense acclamation s'élève du sein de la foule : « Dieu le veult ! Dieu le veult ! » s'écrie-t on de toutes parts. Et le Pape regardant le ciel : « Oui, Dieu le veult, dit-il ; allez ! et que ce soit là votre cri de guerre ! »
A ce moment, un évêque vient se jeter aux pieds du Souverain Pontife, et demande humblement, le premier, la croix d'étoffe rouge qui devait servir de signe de distinction aux Croisés. Cet évêque, c'est Adhémar du Monteil. Le Pape lui impose la croix de sa propre main, et l'institue solennellement son légat en Orient et le chef ecclésiastique de la Croisade. L'exemple d'Ahémar est comme une étincelle électrique qui se communique à toute l'assistance. Tous veulent partir, tous ambitionnent l'honneur d'aller combattre les infidèles. Le nombre de ceux qui réclament les croix d'enrôlement est si grand, que toutes les étoffes rouges de la ville furent bientôt complètement épuisées.
Le Tasse nous apprend, dans son immortel poème de la Jérusalem délivrée, que la ville du Puy, à elle seule, ne fournit pas moins de quatre cents guerriers à la Croisade.
Quatro cento guerrier... di Pogio.
Quant aux autres Croisés vellaviens, il n'y en eut pas moins de quatre à cinq mille, disent un grand nombre d'historiens. Souvenir à jamais glorieux pour le diocèse et la ville du Puy-Sainte-Marie !
Or, c'est à l'occasion du départ de ces guerriers pour la Terre sainte, que l'évêque du Puy composa l'hymne magnifique, connu sous le nom de Salve Regina. On a émis beaucoup d'opinions différentes sur l'auteur de cette admirable prière. Mais il résulte de l'étude approfondie de cette question que c'est bien véritablement l'évêque du Puy, Adhémar du Monteil, qui composa cet hymne pour en faire le chant de guerre des Croisés. Voilà pourquoi, dès le douzième et treizième siècle, cette sublime invocation était généralement connue sous le nom d'Antienne du Puy, Antiphona de Podio. Saint Bernard lui-même ne l'appelait pas autrement lorsqu'il en parlait, en 1130, à un abbé de Dijon. On croit, et il est probable, que cette Antienne fut chantée, pour la première fois, lorsque Adhémar, avant de partir, réunit dans sa cathédrale, aux pieds de Notre-Dame, tous ceux de ces valeureux diocésains qui avaient pris la croix. Ce n'est pas sans émotion religieuse et sans fierté patriotique, que l'on se figure ces quatre à cinq mille guerriers vellaviens, inaugurant, sous les voûtes sombres de la basilique Anicienne, ce cantique admirable, qu'un élan de saint enthousiasme avait fait jaillir du coeur de leur Evêque, et où leur âme trouvait, magnifiquement rendus, les sentiments d'amour et de vénération qu'ils professaient tous pour la Mère de Dieu, Notre-Dame du Puy. Avec quelle ardente foi et quelle pieuse énergie toutes ces voix mâles et fortes durent lancer vers le ciel les supplications pressantes et les touchantes invocation, dont se compose le Salve Regina. Les anges du Paradis durent certainement applaudir à ce magnifique et formidable concert, et Marie, du haut du ciel, dut bénir tous ces valeureux enfants du Velay. Quoiqu'il en soit de l'inauguration de ce chant, l'historien Darras dit que le Salve Regina fut chanté, au moment du départ, par les cent mille Croisés que Godefroy de Bouillon passa en revue, et qu'Adhémar du Monteil bénit solennellement.
Depuis lors, le Salve Regina est devenu célèbre. Il fait partie de la liturgie romaine, écrin magnifique dont il n'est pas la perle la moins précieuse, et la sainte Eglise, après l'avoir enchâssée ainsi dans son office canonial, le récite tous les jours, depuis la Trinité jusqu'à l'Avent.
Rien de plus suave, au reste, de plus beau et de plus saintement éloquent que le texte de cette admirable prière. Composée par un saint, dit le vénérable Canisius, elle a été propagée par des saints. Son sens fécond, sa profondeur mystérieuse, sa grâce ineffable, nourrissent l'esprit, attendrissent le coeur et embrasent les âmes d'amour pour la Mère de Dieu. Saint Bonaventure, saint Bernard et plusieurs autres mystiques se sont plu à commenter cette antienne. Saint Alphonse de Liguori, dans un de ses ouvrages, en a fait une paraphrase qui fait les délices des âmes pieuses. Il est certain que cette prière renferme, pour l'âme, des trésors cachés de douceur et de consolation. Oh ! qui dira tous les apaisements, toutes les espérances, tous les baumes que cette antienne, inexprimablement belle d'Adhémar du Monteil, a versés, depuis bientôt huit siècles, dans le coeur de tous ceux qui soupirent ici-bas après le bonheur du ciel, et qui, par cette antienne, supplient Marie de leur en ouvrir la porte.
Puisse désormais cette prière monter souvent de notre coeur et de nos lèvres vers Marie, et nous attirer sa toute puissante protection. Ainsi soit-il.
Prière
Ô Marie, en union avec tous les fidèles et tous les prêtres de l'Univers, nous réciterons, chaque jour, de tout notre coeur, conformément à la prescription du glorieux Pape Léon XIII, la belle prière anicienne du Salve Regina. La pensée qu'a eue le Souverain Pontife d'en faire désormais la prière quotidienne, obligatoire et universelle de toutes les églises du monde catholique, les trois cents jours d'indulgence qu'il a daigné attacher à la récitation de cette antienne, prouvent bien l'efficacité et l'importance de cette sublime invocation. Nous la réciterons donc dorénavant aux intentions marquées par Notre Saint Père le Pape.
Ô Marie, au milieu des maux si graves qui nous assiègent, et en prévision des maux plus graves encore qui nous menacent, daignez écouter la touchante supplication que fait monter vers vous l’Église Catholique tout entière. Sainte Mère de Dieu, que cet immense concert de louanges, résultant de la récitation universelle du Salve Regina, dispose favorablement votre coeur à intercéder auprès de Jésus pour vos enfants de la terre ! Ô Marie, nous vous invoquons à genoux : venez au secours de la sainte Eglise qui vous prie par notre bouche ! Comme au onzième siècle, que l'hymne d'Adhémar du Monteil soit le chant pacifique de la nouvelle croisade qui s'impose aujourd'hui à tous les fidèles, la croisade contre le démon et les suppôts du démon ! Qu'à l'exemple de ses vénérables prédécesseurs Gélase II, Innocent II et Alexandre III qui, dans la persécution dont ils étaient victimes, vinrent au Mont-Anis, se recommander à Notre-Dame par la prière anicienne du Salve Regina, l'auguste Pontife actuellement régnant, ressente lui aussi les grâces salutaires et les douces influences qui découlent de l'antienne du Puy : et qu'enfin, du Pasteur suprême, ces grâces et ces influences rejaillissent également sur le troupeau tout entier. Ainsi soit-il.
Notre-Dame du Puy, priez pour nous !
Salve Regina
Salut, ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre joie, notre espérance, salut !
Enfants d’Eve, de cette terre d’exil, nous crions vers vous. Vers vous nous soupirons vers vous, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes !
Ô vous notre avocate, tournez vers nous votre regard miséricordieux,
et au sortir de cet après l'exil , obtenez-nous de contempler Jésus, le fruit béni de votre sein !
O clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie !
V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu.
R. Afin que nous devenions dignes des promesses de Jésus-Christ.
Oraison
Dieu tout puissant et éternel, qui, par la coopération du Saint Esprit, avez préparé le corps et l'âme de la glorieuse Vierge Marie pour en faire une demeure digne de votre fils, accordez-nous d'être délivrés des maux présents et de la mort éternelle par l'intercession de Celle dont nous célébrons la mémoire avec joie, nous vous en supplions par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il.
Salve, Regina, Mater misericordiæ, vita, dulcedo et spes nostra, salve !
Ad te clamamus, exules, filii Evæ ; ad te suspiramus, gementes et flentes in hac lacrymarum valle.
Eia ergo, advocata, nostra, illos tuos misericordes occulos ad nos converte.
Et Jesum benedictum fructum ventris tui, nobis, post hoc exilium, ostende.
O clemens, o Pia, O dulcis Virgo Maria !
V. Ora pro nobis sancta Dei genitrix.
R. Ut digni efficiamur promissionibus Christi.
Oremus
Omnipotens sempiterne Deus, qui gloriosae Virginis Matris Mariae corpus et animam, ut dignum filii tui habitaculum, effici mereretur, Spiritu sancto cooperante, præparasti: da ut cujus commemorationo lætamur, ejus pia intercessione, ab instantibus malis, et a morte perpetua liberemur. Per enmdem Christum Dominum nostrum.
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