Le Mois du Sacré Cœur de Terre Sainte
Le Mois du Sacré Cœur de Terre Sainte
Introduction
« Trahe ine : post te currimus in odorem unguentorum tuorum ». (Ct. 1, 3).
Quand le pèlerin fatigué aborde au rivage de la Terre Sainte, son premier cri, élan de son cœur, se résume en un mot : « Jésus-Christ ! » Ce mot est son égide, sa force et son aiguillon : c'est pour lui qu'il a traversé les mers, avide de contempler de ses yeux la patrie terrestre du Fils de Dieu.
Si l'étranger qui pénètre au sein d'un pays illustré par quelque mortel fameux, se sent ému soudain, à la pensée de cet être, aux souvenirs héroïques et glorieux d'un peuple, que dire de l'émotion du pèlerin qui pose le pied sur le sol sacré, qui contemple pour la première fois la terre des Patriarches et des Prophètes, la terre toute baignée du sang de Jésus-Christ !
La langue humaine ne sait exprimer ce bonheur intense et recueilli où l'âme, en pleine raison, semble perdre le sens tant elle est ravie, transportée ! Le ciel et la terre de la Palestine sont d'éloquents témoins du passage de l'Homme-Dieu : l'une a gardé l'empreinte de ses pas, l'autre a vu son amour rayonner comme un soleil. Ah ! c'est que là surtout, sur cette terre privilégiée, l'amour du Christ a resplendi, émané de son foyer vivant, qui est le Sacré Cœur de Jésus.
Il semble, en effet, partout, sur les sen tiers de la Palestine, comme sur le chemin de notre vie, que Jésus-Christ ait placé son Cœur à tous les passages difficiles pour nous dire : « O vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est Amor sicut Amor meus ! » Il nous sollicite à nous approcher de ce Cœur, à méditer ses douleurs, à écouter recueillis les enseignements divins, à nous pénétrer de sa chaleur vivifiante, de son amour brûlant.
Oui, ce Cœur adorable peut être comparé au lumineux soleil qui distribue à flots la lumière et la vie ; sous les effluves des rayonnements solaires tout palpite et vit, toute créature croît et s'anime, et, ce qui est vrai pour le soleil matériel, l'est infiniment plus pour le soleil de nos âmes, le Cœur sacré de Jésus-Christ.
Et en ce mot de Cœur, pris dans son sens le plus général, j'entends à la fois l'amour créé et l'amour incréé qui sont en Jésus-Christ, j'entends tout mouvement affectif parti de ce Cœur pendant sa vie mortelle, et dont le rayonnement s'en perpétue à travers les âges.
Quand le Verbe incarné prit la forme de l'homme, son Cœur devint, à la fois, le noble organe de la vie de son corps et le sanctuaire de son amour. Cet amour se répandit comme un torrent de flammes le jour où Longin perça de sa lance le côté du Sauveur crucifié ; c'est ce jour-là que cette parole s'accomplit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, que désiré-je, sinon qu'il s'allume ! » Le saint vase qui le renfermait fut brisé, afin que les flots du pur amour s'échappassent avec l'eau sacrée qui arrosait la terre. À nous de recueillir cette rosée, à nous d'allumer ce feu.
Oh ! qu'il est doux, fort et puissant, le Cœur de Jésus-Christ ! Appuyons-nous sur cette poitrine sacrée, et écoutons les battements de ce Cœur qui n'a battu que pour nous pendant trente-trois ans ! À travers les âges, ses rayonnements nous éclairent encore, et le divin souvenir du Christ est toujours resté immortel et vivant. Dans tous les mystères de sa vie humaine, nous voyons se dégager une influence directe, un sens profond qui s'appliquent soit aux hommes de son temps, soit aux hommes à venir et à son Église future, parce que ses paroles, ses actes et son amour s'adaptent à tous les temps, à tous les actes, à toutes les âmes. C'est ce que nous appellerons l'action permanente du divin Cœur à travers le monde, que nous chercherons à suivre comme un filon précieux, comme une source féconde qui distribue par mille canaux l'abondance et la vie !
Ô vous, Pèlerin de désir, qui suivez courageusement les sentiers rudes de la vie, sans avoir pu répondre à ce mystérieux attrait qui vous appelle vers le Tombeau de Jésus-Christ, suivez-moi par la pensée en cette contrée bénie que l'on a si juste ment nommée « l'Évangile ouvert », et laissez-moi vous montrer les rayonnements d'amour que le divin Cœur lança sur le monde, pendant son court passage sur la terre. Nous considérerons ensemble ces diverses manifestations de son amour et nous les méditerons chaque jour de ce mois de Juin, que les âmes pieuses n'appellent plus désormais que le mois du Sacré Cœur.
Ô Jésus, grand Vainqueur et grand Vaincu de l'amour ! Vainqueur, parce que vous avez fait triompher l'amour sur la colère divine et sur la douleur ! Vaincu, parce que c'est l'amour qui vous a en chaîné et qui vous a fait mourir ! Ô Jésus, ayez pitié de nous que votre Cœur à tant aimés, aimés jusqu'à la folie de la Croix !
Premier jour
Premier rayonnement (1)
L'Incarnation à Nazareth
« Et habitavit in nobis » (Jn., 1, 14)
Pèlerin de la vie, venez et suivez moi dans ce vrai et effectif pèlerinage que nous allons faire en Terre Sainte, à la suite du Divin Maître. Je vais vous conduire au lieu même où le premier rayon divin éclata, non pas dans une majesté éblouissante comme au Sinaï, mais voilé sous le mystère, caché sous l'enveloppe mortelle, semblable à une merveilleuse flèche d'amour tombée du Cœur de Dieu dans le sein d'une créature. Je veux parler de l'Incarnation et de Nazareth.
Nazareth, heureuse petite ville de Galilée, blanche et gracieuse, est échelonnée sur un coteau, au milieu d'un amphithéâtre de collines qui lui font une verdoyante ceinture. C'est ici le lieu choisi par Dieu pour accomplir le grand Mystère de l'Incarnation.
Si Nazareth ne fut point le berceau de la Vierge Marie (2), elle fut en tout cas l'abri de son enfance, car sainte Anne et saint Joachim y possédaient une maison, et souvent, disent les vieilles chroniques, Marie accompagnait sa vénérable Mère depuis Nazareth jusqu'aux pentes du Mont-Carmel, où sainte Anne avait des troupeaux et des champs. Mais Nazareth était appelée à des destinées encore plus hautes, c'était le point sacré du globe, selon la parole d'un grand poète, que Dieu avait choisi de toute éternité pour faire descendre sur la terre sa vérité, sa justice, son amour, incarnés dans un Enfant-Dieu !
La plénitude des temps était arrivée, l'heure divine allait sonner. Ici la scène s'entr'ouvre, un coin du voile est levé... Soyons attentifs, ô Pèlerin, concentrons notre religieuse attention sur ce lieu béni. Contemplons l’humble demeure de la Fille royale de Juda ; c'est une simple chaumière, adossée à une grotte taillée dans le roc. Vous pouvez voir encore cette grotte conservée précieusement dans sa nudité primitive, enclavée sous le maître autel de l'église. Quant à la petite maison, vous savez que les anges la transportèrent à Lorette, en Italie.
Marie a atteint sa quatorzième année, elle est remplie de grâce et de beauté : « Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, il n'y a aucune tache en vous ». À l'heure solennelle dont nous parlons, Marie est seule dans la demeure paternelle, elle est à genoux et prie de toute l'ardeur de son cœur pur et doux. Soudain, une lumière céleste envahit la grotte ; l'Archange Gabriel, revêtu d'habits magnifiques, apparaît à ses yeux. Il se courbe et s'incline, le messager de Dieu, devant sa jeune souveraine et lui dit : « Je vous salue, Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes ». À cette étrange salutation, Marie, troublée dans son humilité, ne répond rien ; mais Gabriel la rassure et lui révèle de la part de Dieu le mystère de l’Incarnation. Elle n'acquiesce point d'abord, la prudente Vierge ; jalouse du privilège de sa virginité, elle n'accepte point d'abord la redoutable mission. Mais, de nouveau, l'Ange écarte ses craintes : « Cela se fera, dit-il, par l'opération du Saint-Esprit ». À ces paroles, la Vierge s'incline : « Voici la servante du Seigneur, répond-elle, qu'il me soit fait selon votre parole ». Et aussitôt elle conçut. Le Fils de Dieu qui attendait cette parole de sa créature, entra dans le sein de la Vierge tout entier, bien qu'il restât aussi tout entier dans le sein du Père, dit saint Bonaventure.
C'est ainsi que la parole d'Isaïe fut accomplie : « Voilà que la Vierge concevra et mettra au monde un Fils qui sera appelé Emmanuel », c'est-à-dire : Dieu avec nous ». La bénédiction divine descend en ce jour sur la terre maudite ; l'œuvre de Satan se défait, celle de Dieu se restaure et le monde nouveau se substitue à l'ancien. Le Cœur de Jésus, vivant avec nous sur la terre, commence à rayonner son amour. Ah ! il fallait que ce Cœur qui allait battre sur le cœur de Marie, nous aimât d'un amour incomparable pour accepter cet abaissement de tout son être, pour rester enfermé dans le sein d'une Vierge quand l'univers entier ne peut contenir sa gloire.
Mais entrons, ô Pèlerin, plus avant dans le mystère. Que faisait le Cœur de Jésus pendant cette réclusion de neuf mois ? Il formait le Cœur de sa Mère. Sa présence était pour elle une communion permanente, dans laquelle Jésus infusait au cœur tout céleste de Marie une grande abondance de grâces, des révélations intimes et saintes, un amour inexprimable, en sorte que ces deux cœurs les plus parfaits de la création, le Cœur divin et le Cœur immaculé, unis dans la plus étroite union, n'en formaient plus qu'un : telle on voit la brillante étoile du matin s'approcher du soleil, s'embraser de ses feux et se confondre avec lui.
N'est-ce pas, du reste, l'action toute semblable que Jésus fait en l'âme qui s'approche de lui et entre par la méditation dans les profondeurs de son Cœur ? Peu à peu le divin Maître la forme comme une cire malléable, lui fait sentir sa présence par ses dons et se donne tout à elle en ce commerce d'amour.
Ce jour de l'Incarnation est donc bien, en vérité, le jour de la fête nuptiale du Fils de Dieu qui célébrait ses noces avec l'humanité ; la fête du divin Prisonnier de l'Eucharistie, captif aujourd'hui dans l'enclos du sein virginal, la fête de son amour, la fête de son Cœur !
Invocation
O Seigneur, tandis que nos lèvres sont appuyées sur la place bénie qui vous vit descendre du Ciel, et que notre âme tressaille d'allégresse, apprenez-nous à méditer cet adorable mystère, à nous pénétrer de ce grand amour, présent déjà, mais encore caché à nos yeux. « Contentez nos désirs, montrez-vous à nous. Ô Seigneur, inclinez les cieux et descendez. Ô cieux, distillez votre rosée, et que la terre enfante son Sauveur... » Mais tout est silence dans la grotte sacrée, nos paroles s'éteignent dans des larmes de bonheur ; seules les aspirations ardentes de nos cœurs vous parlent, ô Jésus Incarné !
(1) Par ce premier rayonnement, on entend l'éclatante manifestation de l'amour divin, plutôt qu'un rayonnement véritable du Sacré Cour de Jésus.
(2) Deux opinions sont en présence : l'une fixe le lieu de la naissance de la Sainte Vierge à Nazareth ; l'autre, l'opinion orientale et la plus accréditée, le fixe à Jérusalem, dans la maison de Joachim et d'Anne, près de la Piscine probatique.
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