Neuvaine
à Notre Dame du Port
Librairie
Catholique,
Rue
Barbançon et du Terrail, Clermont-Ferrand, 1843
Approbation
de Monseigneur l'Evêque
Nous
Louis-Charles, évêque de Clermont, approuvons la présente Neuvaine
à Notre-Dame souterraine du Port, comme propre à favoriser la
piété des fidèles.
A
Clermont, le 7 mai 1843.
L.
C. évêque de Clermont.
Par
Monseigneur Boucard, Chan. secrét. Général.
Un
mot sur cette Neuvaine
Les souvenirs
historiques qui se rattachent à Notre-Dame du Port, et les monuments
authentiques où sont consignés les prodiges opérés par la
protection de la bienheureuse Vierge invoquée dans ce sanctuaire,
disparaissent chaque jour. Nous avons donc cru faire une œuvre
agréable à Dieu, et utile aux fidèles de la ville et du diocèse
de Clermont, en faisant paraître cette Neuvaine. Ces vieilles
chroniques, ces traits signalés de la protection de Marie sur la
ville et la province d'Auvergne, ne seront pas sans intérêt, et la
piété pourra y trouver un nouvel aliment. A la suite du trait
historique de chaque jour, vient une lecture puisée dans les saintes
Ecritures, les Pères et l'histoire de l'Eglise, accompagnée d'une
prière également tirée des écrits des Docteurs et autres saints
personnages. D'autres prières en l'honneur de la sainte Vierge qui
expriment les divers besoins de chacun selon son état, sa position
particulière. On le voit, rien ne nous appartient dans ce petit
travail, si ce n'est l'ordre et l'arrangement des matières. Aussi le
déposons-nous avec confiance aux pieds Celle que nous ne savons
appeler. S'il peut contribuer à lui gagner un cœur, à inspirer
pour elle un sentiment de reconnaissance et d'amour, nous aurons
obtenu la plus douce des récompenses. C'est le vœu du dernier, mais
non du moins dévoué de ses enfants.
Premier jour
Origine
de la dévotion à Notre-Dame du Port
H est peu de
sanctuaires dans le monde chrétien qui réveillent d'aussi touchants
souvenirs, d'aussi douces pensées, et invitent au recueillement
comme l'église de Notre Dame du Port. Nous ne faisons ici que
rapporter les impressions de tous les étrangers qui chaque jour
viennent la visiter. Ces vieux murs noircis par le temps, cette
architecture qui nous reporte à plus de douze siècles, cette
chapelle souterraine qui ne laisse qu'à regret pénétrer les rayons
du soleil, cette Image miraculeuse autour de laquelle se pressent
incessamment des milliers de cœurs, tout est plein de mystère. Le
curieux, l'impie lui-même, subissent malgré eux cette salutaire
influence , et sentent le besoin de prier. Saint Avit, de la noble
famille des Avitus, qui tenait le premier rang parmi les sénateurs
d'Auvergne, et dix-huitième évêque de Clermont, jeta les
fondements de cette église vers la fin du sixième siècle, de l'an
à 575 à 594. Rien ne fut épargné pour rendre ce monument digne de
Celle qui devait y être honorée. Les détails que Grégoire de
Tours et les historiens qui l'ont suivi, nous donnent sur la
construction de cet édifice, et les sacrifices immenses que le saint
évêque s'imposa en cette occasion, témoignent hautement, et de sa
tendre dévotion envers la Mère de Dieu, et de son zèle pour
étendre son culte dans toute la province. Les fidèles comprirent
les pieuses intentions de leur saint pasteur, et la multitude ne
cessa depuis d'environner l'autel de Marie de sa confiance et de son
amour. Tel fut le berceau de cette dévotion. Chrétiens, n'entrez
pas ici distraits ou indifférents. Songez à toutes les générations
qui se sont agenouillées à votre place, y ont versé avec foi leurs
prières, leurs larmes,et se sont relevées heureuses et consolées.
Ne vous disent-elles pas ce que doivent être vos prières et vos
espérances?
Méditation
Confiance
envers la Sainte Vierge
Recueillez-vous un
instant. Songez aux motifs qui vous amènent dans ce sanctuaire...
Interrogez votre cœur. Demandez-lui s'il est heureux, pleinement
heureux? Regardez autour de vous. N'avez-vous rien à réclamer de la
Bonté divine? de la protection toute puissante de la Reine du ciel?
Hélas! votre poitrine se soulève, et vous ne répondez que par un
soupir. C'est assez pour vous révéler l'immensité de votre misère,
et vous crier avec force que vous êtes pauvre, bien pauvre!
Toutefois, n'allez pas vous livrer à la tristesse, au découragement.
Que votre âme se dilate, au contraire, et s'abandonne aux transports
d'une sainte joie: vous êtes ici auprès d'une Mère aussi puissante
que tendre et compatissante. Si j'osais le dire, vous n'avez pas
besoin de franchir, par la pensée, la distance qui sépare la terre
du ciel; sa présence est sensible en ce lieu, tout vous raconte sa
bonté, sa miséricorde envers les pécheurs et les affligés. Quelle
jouissance vous allez goûter pendant ces neuf jours! quels fruits
abondants vous allez recueillir de ces doux entretiens où votre cœur
va se répandre tout entier dans celui de cette Mère bien-aimée! Ce
que la très Sainte Vierge vous demande avant tout, c'est la
confiance, une confiance d'enfant. Douter, ce serait l'outrager.
Quand les paralytiques, les aveugles criaient: « Jésus, fils
de David, ayez pitié de nous », le Sauveur leur adressait
cette seule demande: « Croyez-vous dans le Fils de Dieu? »
S'ils répondaient: « Oui, Seigneur, je crois ».
Jésus-Christ, reprenait aussitôt: « Allez, votre foi vous a
sauvés »; ils étaient guéris. Marie, comme son Fils, vous
adresse la même demande. Dites, dites sans hésiter: « Oui, ma
Mère, je crois que vous êtes toute bonne, toute puissante ».
Il suffit, vous êtes entendu, vous êtes exaucé.
Prière
du Bienheureux Alain de La Roche
Vierge
Sainte, dont la gloire, après celle de Dieu, surpasse toutes nos
pensées; Vierge la plus sainte entre tous les saints, souveraine
dispensatrice de la grâce, Mère de notre salut et de tous les
biens, pourrait-on sans folie cesser de vous aimer, cesser de vous
honorer, de vous invoquer? N'êtes-vous pas notre lumière, notre
secours, notre consolatrice , notre refuge, et après votre adorable
Fils, toute notre espérance, tout notre bonheur? Oh! mille fois
heureux, ceux qui savent vous aimer, vous honorer, vous servir en
enfants dévoués! O Mère! voilà mon âme, voilà mon corps, ils
sont à vous. Que vos leçons, que votre protection m'accompagnent
partout et toujours, vous, ma défense et ma vie! Ainsi-soit-il.
Les
prières suivantes doivent être récitées tous les jours.
Prière
de Saint François de Sales à la Sainte Vierge pour toutes sortes de
besoins
Je
vous salue, très douce Vierge Marie, Mère de Dieu, et vous choisis
pour ma très chère Mère; je vous supplie de m'accepter pour votre
fils et serviteur; je ne veux plus avoir d'autre mère et maîtresse
que vous. Je vous prie donc, ma bonne, gracieuse et douce Mère,
qu'il vous plaise vous souvenir que je suis votre fils, que vous êtes
très puissante, et que je suis une pauvre créature vile et faible.
Je vous supplie aussi, très douce et chère Mère, de me gouverner
et défendre eu toutes mes actions; car, hélas! je suis un pauvre
nécessiteux et mendiant qui ai besoin de votre sainte aide et
protection. Eh bien donc! Très sainte Vierge, ma douce Mère, de
grâce, faites-moi participant de vos biens et de vos vertus,
principalement de votre sainte humilité, de votre excellente pureté
et fervente charité : mais accordez-moi surtout la grâce spéciale
que je sollicite pendant cette neuvaine. Ne me dites pas, gracieuse
Vierge, que vous ne pouvez pas, car votre bien-aimé Fils vous a
donné toute puissance, tant au ciel que sur la terre. Vous
n'alléguerez pas non plus que vous ne devez pas; car vous êtes la
Mère commune de tous les pauvres enfants d'Adam, et singulièrement
la mienne; puisque donc, très Sainte Vierge, vous êtes ma mère, et
que vous êtes très puissante, qu'est-ce qui pourrait vous excuser,
si vous ne me prêtiez votre assistance. Voyez, ma mère, et voyez
que vous êtes contrainte de m'accorder ce que je vous demande et
d'aquiescer à mes gémissements. Soyez donc exaltée sous les cieux,
et par votre intercession faites-moi présent de tous les biens et de
toutes les grâces qui plaisent à la très sainte Trinité, Père,
Fils et Saint-Esprit, l'objet de tout mon amour pour le temps présent
et pour la grande Eternité. Ainsi soit-il.
Prière
de Saint Bernard
Souvenez-vous,
ô très-miséricordieuse Vierge Marie, qu'on n'a jamais entendu dire
qu'aucun de ceux qui ont eu recours à vous, imploré votre
assistance et réclamé votre secours, ait été délaissé. Animé
d'une pareille confiance, je cours vers vous, ô Vierge des vierges
et notre Mère! Je me jette à vos pieds, et pécheur que je suis, je
parais devant vous gémissant. Ne rejetez pas, ô Mère du Verbe, mes
humbles prières, mais daignez les écouter favorablement et les
exaucer. Ainsi soit-il.
O
Marie, conçue sans péché, priez pour nous, qui avons recours à
vous!
O
Marie, refuge des pécheurs, priez pour nous!
Nous
avons placé a la fin de la Neuvaine des litanies et prières que
chacun pourra choisir selon sa dévotion.
Deuxième jour
Restauration
de l'église par Saint Sigon
La ville de Clermont et
la province d'Auvergne vivaient paisibles et heureuses à l'ombre des
autels de Marie, instruites et édifiées par les exemples d'héroïsme
et de vertu des saints évêques qui se succédaient Sur le siège de
saint Austremoine, lorsque tout-à-coup les peuples du Nord vinrent
fondre sur cette terre et semer partout la désolation et la mort. La
ville, ruinée et livrée aux flammes, disparaît, pour ainsi dire,
au milieu des cendres, et ses habitants ont la douleur de voir périr,
avec leurs demeures, les basiliques dont la construction remontait
aux premiers jours de la prédication de la foi parmi nous, et une
partie des ossements précieux d'une multitude de confesseurs et de
martyrs. Les Barbares étaient à peine partis, Saint Sigon, évêque
de Clermont, après avoir déployé en faveur de son troupeau toutes
les ressources de sa charité, consacra ses premiers efforts, ses
premiers soins à la reconstruction de l'église du Port et à lui
rendre son ancien éclat. Cette église avait-elle moins souffert que
les autres de cette irruption? Il est permis de le croire, car elle
devint alors église principale, et même église cathédrale pendant
un certain nombre d'années. Quoi qu'il en soit de ce fait, que nous
abandonnons aux archéologues, Saint Sigon, fidèle aux traditions de
piété de ses prédécesseurs et surtout de Saint Avit, donna en
cette occasion un éclatant exemple de sa dévotion envers la Mère
de Dieu. Ce zèle à restaurer avec magnificence le sanctuaire de
Notre-Dame du Port, et le silence de tous les monuments historiques
sur les autres églises détruites à cette époque, démontrent deux
choses d'abord, quelles profondes racines le culte de la Sainte
Vierge avait jetées dans le cœur de nos pères dans le neuvième
siècle, et le degré de vénération et de gloire dont jouissait
l'église du Port. Saint Sigon la choisit pour le lieu de sa
sépulture.
Méditation
Puissance
de Marie annoncée à l'homme dès l'origine du monde
En parcourant les
témoignages prophétiques des saintes Ecritures sur la puissance et
la gloire de la Sainte Vierge, le cœur s'arrête d'admiration et
d'étonnement devant ces paroles solennelles sorties de la bouche de
Dieu: « Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, elle
écrasera la tête ». Ainsi, l'antique serpent ne jouira pas
toujours de son triomphe; il sera écrasé à son tour, et par qui?
par cette femme forte, par cette seconde mère qui, selon le langage
de l'Eglise, doit recouvrer et nous rendre ce que la première avait
honteusement perdu. Ainsi, cette Vierge incomparable accomplit,
autant qu'il est en elle, une mission correspondante à celle de son
Fils. Le premier Adam a entraîné dans sa chute le genre humain; le
second, Jésus-Christ, a tout réparé, tout guéri, tout renouvelé.
Ecoutons Saint Augustin: « C'est par la femme que la mort est
entrée dans le monde; c'est par la femme que la vie nous est rendue;
par Eve, la damnation; par Marie, le salut ». Après de
semblables paroles, quel autre sentiment pouvez-vous éprouver: que
celui de la constance? Vous le voyez, Marie a le pied sur la tête du
serpent. Si cet esprit infernal vous presse, vous menace; si, comme
le lion rugissant, il est prêt à vous dévorer; si même vous êtes
déjà abattu à ses pieds, le remède est aussi facile
qu'infaillible: poussez le cri de détresse vers votre Mère: d'un
seul regard elle va le faire rentrer dans les enfers; elle vous tend
la main, vous êtes sauvé! Et que fait-elle autre chose depuis
dix-huit cents ans, sinon de combattre toutes les puissances ennemies
de notre salut, de nous protéger, nous, ses enfants, de prêter
assistance à tous ceux qui l'invoquent dans leurs besoins? Le démon
sait bien qu'il n'a pas d'ennemi plus redoutable, plus terrible sur
la terre.
Prière
de Saint Epiphane
O Marie, épouse de la
très-sainte Trinité, dispensatrice de tous ses biens, vous possédez
la plénitude de la grâce. Par vous, Eve a été relevée de sa
chute; par vous, Adam est rentré dans le paradis, d'où son péché
l'avait chassé. Vierge sainte, vous nous avez tout donné, et cette
douce paix dont jouit le monde, et le privilège d'être élevés à
la gloire des anges, et la faveur inestimable de pouvoir nous dire
les serviteurs, les amis, et par-dessus tout les enfants de Dieu. La
mort, vous l'avez vaincue et foulée aux pieds; l'enfer, vous l'avez
dépouillé; les idoles, vous les avez renversées ; le ciel et votre
divin Fils, vous avez appris à la terre à les connaître. Daignez,
ô Marie, prendre quelque intérêt pour les pauvres délaisses. O
Mère de Dieu, ô mère de miséricorde, venez à mon secours tous
les jours de ma vie! Veillez auprès de mon lit de mort; que l'ennemi
craigne de s'en approcher en vous voyant! Conservez ma pauvre âme,
ne permettez pas que les sombres et hideuses figures des démons
viennent m'épouvanter au jour du jugement. Préservez-moi de la
damnation éternelle; faites que j'entre dans l'assemblée des
Saints, dans la gloire de votre Fils et dans l'héritage des enfants
de Dieu. Ainsi soit-il.
Les
autres prières comme le premier jour.
Troisième jour
Comment
la dévotion à Notre-Dame du Port s'est étendue après Saint Sigon
Le zèle de saint Sigon
à restaurer l'église du Port, la magnificence qu'il avait déployée
pour l'orner et l'embellir, contribuèrent puissamment à donner un
nouvel élan à la dévotion des fidèles. Mais les guerres
continuelles qui désolaient là contrée, les incursions fréquentes
des peuples ennemis, qui livrèrent plusieurs fois la ville à la
dévastation et aux flammes, ne laissaient presque point de repos aux
habitants. Aussi combien de monuments précieux de cette dévotion à
Notre Dame du Port, ont disparu dans ces temps de troubles! Voici ce
qu'il nous a été possible de recueillir d'après des documents
authentiques. Le pape Urbain second, venu à Clermont l'an 1095 pour
la première croisade, ordonna qu'il serait chanté une messe votive
de la Sainte Vierge pour la tenue du concile. Cette messe fut chantée
solennellement dans la chapelle souterraine avant d'être célébrée
dans les autres églises, en présence de plusieurs Pères du
concile, de tous les seigneurs de la province et d'un concours,
immense des habitants. Plus tard, en 1320, Aubert Aycelin, évêque
de Clermont, frappé des prodiges qui s'opéraient dans le sanctuaire
du Port, adresse un mandement à tout le clergé de son diocèse,
pour exciter la dévotion des fidèles, et accorde des indulgences à
tous ceux qui s'y rendront pour prier et contribueront à
l'entretenir et à l'orner. Vers la fin du quatorzième siècle, en
1393, Pierre de Barrière, ayant prêché en présence de Boniface IX
et de plusieurs cardinaux, déclara que, sur cinq églises de France
célèbres par les faits miraculeux qui s'y opéraient depuis des
siècles, la première était l'église du Port. On nous saurait
mauvais gré de ne pas rapporter ici une vieille tradition, appuyée
sur des titres conservés jusqu'aux jours de la révolution. La
voici. Un évêque de Clermont, se disposant à consacrer l'église
du Port, fut averti par révélation qu'elle avait été consacrée
par le ministère des Anges, comme on le raconte de Notre Dame du Puy
et de plusieurs autres églises. La critique sévère peut rejeter le
fait, mais les vrais enfants de Marie y trouveront un aliment à leur
pieuse croyance. Il y a quelque chose de bien touchant, de bien
admirable dans cette dévotion des habitants de la ville et de la
province pour la Sainte Vierge, dévotion qui se conserve, se
développe à travers les siècles, et forme comme une chaîne de
prières qui se succèdent sans interruption depuis Saint Avit
jusqu'à nos jours, c'est-à-dire pendant une période de douze cent
soixante ans.
Méditation
Marie
est Mère de Dieu
Après quatre mille ans
d'attente, l'heure est venue pour la réconciliation de la terre et
du ciel. Un Ange est chargé de négocier cette grande affaire, il a
deployé ses ailes, et d'un vol rapide il est venu saluer l'humble
Vierge de Nazareth. La Sainte Trinité attend son consentement pour
accomplir le mystère de la Rédemption. O Marie, l'univers a les
yeux fixes sur vous; dites un mot, un seul mot, et il va tressaillir
de bonheur!.... Prêtez l'oreille, pauvres esclaves de l'enfer,
malheureux enfants d'un père coupable; que tout fasse silence autour
de vous; c'est la Vierge qui parle: « Voici la servante du
Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ». Et le Verbe
s'est fait chair; et le monde est sauvé ! Méditons sur ce grand
mystère. Marie, Mère de Dieu, quel titre! quelle gloire! Selon la
pensée de Saint Thomas, par la maternité divine, Marie est associée
en quelque sorte à l'auguste Trinité, et forme avec elle l'alliance
la plus étroite qu'il soit possible de concevoir entre Dieu et une
pure créature. Bénissons donc mille fois la Bonté divine d'avoir
élevé notre Mère à ce degré d'honneur, et répétons avec Marie
ce beau cantique: « Mon âme glorifie le Seigneur.... Toutes
les générations m'appelleront heureuse, parce que le Seigneur a
fait en moi de grandes choses ». La bienheureuse Vierge voit
donc à ses pieds les anges, les chérubins, les plus sublimes
intelligences; le ciel et la terre sont donc soumis dès ce moment à
ses lois. L'enfer commence à pressentir sa défaite et la fin de son
règne. Réjouissons-nous, relevons nos fronts humiliés, nos nous
annonce la véritable liberté des enfants de Dieu.
Prière de Saint
Jérôme
O
Mère de mon Dieu! quelle gloire est la vôtre! vous avez conçu,
dans votre sein virginal, l'Auteur même de la vie; vous avez pressé
contre votre cœur et couvert de vos maternels embrassements, votre
bien-aimé Jésus; quoique votre Créateur et votre Maître, vous
l'avez vu petit Enfant s'attacher à vous, essayer à vos côtés ses
premiers pas et inonder votre âme d'une ineffable jouissance. O
heureux enfantement! vous faites tressaillir d'allégresse les anges,
vous êtes l'attente de tous les saints. Enveloppé dans une même
réprobation, le genre humain tout entier avait besoin de vous pour
être déchargé du poids de cet anathème.
Les
autres prières comme au premier jour.
Quatrième jour
Extrait
des procès-verbaux de Notre Dame du Port et de plusieurs mandements
des évêques de Clermont
En 1614, l'hiver fut si
long, le froid si âpre, les gelées si extraordinaires dans toute
l'Auvergne, et principalement dans la Limagne et les environs de la
ville de Clermont, que le germe de tous les grains paraissait étouffé
dans le sein de la terre. Le mois de mai était déjà avancé, et la
terre, nue comme au mois janvier, ne laissait paraître aucun brin
d'herbe, aucune fleur, aucune feuille. Les habitants avaient perdu
toute espérance de récolte, et n'avaient en perspective que les
horreurs de la famine. Dans ces tristes conjonctures, ils sentirent
le besoin de recourir au Ciel. Une assemblée générale du clergé,
des autorités et des habitants de la ville, dans l'église
cathédrale, le siège vacant, détermine une procession, où devait
être portée l'image miraculeuse de Notre Dame du Port. Le 15 mai,
c'était le jour fixé, après une messe solennelle chantée dans
l'église du Port, les vicaires généraux du diocèse, le clergé de
tous les chapitres et de toutes les paroisses de la ville, ainsi que
les religieux de tous les ordres, précédés et suivis d'un concours
innombrable du peuple, se mettent en marche. Jamais on n'avait vu une
multitude aussi recueillie; ce silence, interrompu par les chants
graves de l'Eglise, ces larmes qu'on voyait rouler dans tous les
yeux, ces visages où se peignait la douleur la plus profonde, cette
attitude suppliante, ces gémissements, ces prières ardentes qui
partaient de tous les cœurs, tout témoignait de la sincérité de
leur repentir et de la vivacité de leur foi. Le Ciel était vaincu;
Marie avait obtenu grâce pour ses enfants. Tout-à-coup et pendant
la procession la température change et s'adoucit, l'air prend la
sérénité des beaux jours du printemps, en quelques jours la terre
se couvre d'un tapis de verdure, tout refleurit, tout se développe
avec une incroyable rapidité, et cette année, par l'abondance des
moissons et de toute espèce de fruits, surpassa toutes celles dont
les hommes avaient jamais conservé le souvenir. Deux ans après,
Monseigneur Joachim d'Estaing, évèque de Clermont, s'étant assuré,
par une enquête juridique signée par les principaux habitants de la
ville, de l'authenticité du fait, publia une ordonnance qui
instituait le quinze mai comme fête d'obligation pour la ville.
Voici les noms des signataires les plus remarquables du procès
verbal: M. le président Savaron; noble Jean Vachier, conseiller au
présidial; Gilbert llocliias, chanoine de la cathédrale; Balthazar
de Raymond, chanoine de Saint-Genès; Etienne Trolier, élu et
premier échevin; Antoine Munier ; Meynard; Claude Laborieux; Michel
Noëla, ancien procureur du roi en l'élection de Clermont; Hugues
Granet, élu échevin, etc. Le procès verbal est dressé et signé
par M. Cistel de la Garde, officiai; Baron, secrétaire. Dans le
procès verbal, le président Savaron atteste et dépose en outre que
quarante-deux ans auparavant, en 1573, le même prodige,accompagné
des mêmes circonstances, avait été opéré par l'intertcession de
Notre Dame du Port, sous ses yeux et ceux des habitants. Un poème
latin de M. Madur, et un mémoire de M. Liftier Samoël, conseiller
au présidial, en avaient transmis lé souvenir et les détails. La
tradition rapporte aussi plusieurs faits de ce genre arrivés pendant
les siècles précédents, et surtout vers la fin du quatorzième
siècle.
Méditation
Marie
est notre Mère
Vous êtes enfant de
Marie. Une mère donne la vie; et la première à qui ce beau nom ait
appartenu n'a laissé dans le monde que des fruits de mort, et
cependant il fallait une mère au monde. O Marie, c'est à vous que
ce glorieux titre était réservé! et, qui mieux que vous pouvait y
répondre, combler les vœux et les espérances de la terre? Nous
pouvons nous consoler maintenant, le Ciel nous a rendu plus que nous
n'avions perdu, puisque par Marie et avec Marie nous possédons
l'Auteur de la vie, puisque par Marie et avec Marie nous avons un
Frère, grand, saint, Fils de Dieu, Dieu lui-même, Jésus enfin,
c'est tout dire. Vous êtes enfant de Marie. Si un fils est d'autant
plus cher à sa mère qu'il a été enfanté au milieu des angoisses
de la mort, des plus cruelles douleurs, personne n'est plus aimé que
Vous. Que de souffrances vous lui avez coûtées! qu'il était aigu
le glaive qui a transpercé son âme! Vous avez été engendré sur
la croix, vous êtes le prix de la mort de Jésus Christ. Ecoutez
l'acte solennel qui vous investit de cette précieuse prérogative.
« Femme, voilà votre fils, et vous fils, voilà votre Mère ».
O bon Jésus, pardonnez au transport de joie qui s'échappe
involontairement de notre cœur, en entendant ces mots, lorsque nous
devrions pleurer en contemplant vos douleurs et les siennes. Marie
est votre Mère. Dans ce mot, sont renfermés et vos espérances, et
vos devoirs: vos espérances, car un enfant de Marie ne saurait
périr, Saint Bernard nous en donne l'assurance; vos devoirs, car
votre vie, vos exemples doivent être dignes en tout d'un véritable
enfant d'une aussi douce Mère. Et pourtant que de fois vous l'avez
contristée, que de fois vous avez déshonoré ce précieux
caractère! Combien de fois ne l'avez-vous pas foulé aux pieds,
échangé peut-être contre l'odieuse qualification d'enfant du
démon! Ah! s'il en est-ainsi, allez, sans délai vous prosterner au
pied du trône de votre Mère; point de retard, aujourd'hui, à
l'heure même, reconnaissez votre ingratitude, pleurez votre
aveuglement, votre pardon est assuré.
Prière de Saint
Alphonse de Liguori
O
Marie, ma très sainte Mère! comment se fait-il que vous ayez un
enfant qui vous ressemble si peu? vous si parfaite et si bonne, et
moi si pervers, si méchant; vous toute brûlante, toute consumée de
l'amour divin, tandis que je n'ai de cœur que pour la créature!
vous toute belle et pleine de grâce, et moi hélas! si pauvre de
vertu? Oh! quel fils indigne vous voyez à vos pieds! Et cependant si
indigne que je sois, laissez-moi vous appeler ma Mère! Ce nom seul
me console; je sens en le prononçant s'enflammer ma tendresse, ma
confiance pour vous; il me dit tous les droits que vous avez à mon
amour. Ne vous offensez donc pas si je ne sais vous appeler que du
nom de Mère; que ce nom si doux soit mon bouclier, mon dernier cri à
l'heure de ma mort. Ainsi-soit-il.
Pour
les autres prières, voyez le premier jour.
Cinquième jour
Extrait
des archives de Notre Dame du Port et de plusieurs mandements des
évêques de Clermont
Vers la fin du mois de
juin de l'année 1629, tous les fléaux que le ciel tient en réserve
pour les jours de sa colère, vinrent visiter la malheureuse
Auvergne. Une grêle terrible et presque générale ruina
complètement toutes les récoltes au moment où le cultivateur
allait recueillir le fruit de ses sueurs. Ce fléau en appelait un
autre, la disette et les horreurs de la famine. La rareté et le prix
excessif du blé réduisirent bientôt la plupart des habitants,
surtout dans les campagnes, à ne se nourrir que de pain d'avoine.
Cette ressource même fut d'assez courte durée, et en plus d'un
endroit on vit l'homme partager avec les animaux l'herbe des champs.
La ville se montra alors ce quelle a toujours été, ce qu'elle est
encore aujourd'hui, grande et généreuse: d'abondantes aumônes
furent distribuées, et des milliers de victimes arrachées à la
mort. Mais Dieu n'était pas satisfait; son bras était encore étendu
sur nous. L'ordre des saisons paraissait comme interverti, de
violents orages ne cessaient de désoler les campagnes, l'air était
vicié, et l'année 1630 vit éclore la peste. Pendant deux ans, elle
exerça partout les ravages les plus inouïs: la population
décroissait d'une manière effrayante; l'oreille n'était frappée
que des gémissements et des cris des malades, des mourants; des
cadavres gisant çà et là glaçaient d'horreur le passant et
précipitaient ses pas, si déjà le mal mortel ne l'avait pas
atteint; les rues étaient devenues désertes, et, pour tout dire, en
un mot, la ville était transformée comme en un vaste cimetière.
Les remèdes humains étaient impuissants pour désarmer le Ciel. La
ville eut donc recours, comme elle avait fait dans de semblables
circonstances, à sa puissante Médiatrice. La statue miraculeuse de
Notre Dame du Port est portée processionnellement dans les rues.
Inutile de dire avec quels sentiments de foi, de piété, de
recueillement, cette touchante cérémonie est accomplie; ce que nous
devons dire, c'est que toute cette population agenouillée autour de
l'image de Marie, se voua, par un acte public et solennel à Notre
Dame du Port, et s'engagea à célébrer sa fête du 15 mai. Ce vœu
était à peine formé, qu'à l'heure même la contagion cesse et
disparaît entièrement; personne n'est atteint de nouveau, et tous
les malades recouvrent la santé. Mgr. l'évêque de Clermont publia
un mandement pour confirmer soixante-six ans plus tard, c'est-à-dire
l'an 1697, Mgr François Bochard de Saron, pour affermir, et
augmenter la dévotion des fidèles envers Notre Dame souterraine, et
placer la ville sous sa protection plus immédiate, étendit aux
faubourgs et à toute la banlieue, l'ordonnance de chômer la fête
du 15 mai. Le procès-verbal de tous ces faits, couvert de
signatures, fut déposé dans les archives de l'église.
Méditation
Respect
et amour de l'Enfant Jésus pour la Sainte Vierge
Celui
qui a mis dans le cœur des mères et des enfants cette tendresse,
cette réciprocité d'affection, qui n'ont pas besoin pour être
comprises du secours de la langue; Celui qui a aimé les siens
jusqu'à mourir pour eux sur une croix, qui est venu sur la terre
pour servir de modèle aux enfants comme aux pères, pouvait-il
manquer au respect, à l'amour qu'il devait à sa Mère? Non, ce
serait une impiété, un sacrilège, rien que d'y penser! Aussi,
quels élans de là charité la plus embrasée partaient à chaque
instant du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie, la parole ne saurait
l'exprimer, ni le cœur le comprendre. Ce que nous pouvons affirmer,
c'est que jamais fils ne fut plus soumis à sa mère, jamais mère
n'a possédé d'empire aussi absolu sur son fils. Un seul témoignage
nous suffira, il répond à tout, c'est l'Evangile qui nous le
fournit: « II leur était soumis ». Trente ans
s'écoulent, et rien n'est changé à cette vie toute d'obéissance.
Quoique son heure ne soit pas encore venue, cependant, par respect
pour sa Mère, Jésus fait son premier miracle. Mais si Jésus-Christ
honorait ainsi sa Mère sur la terre, il ne l'honore pas moins dans
le ciel. Laissons parler l'Esprit-Saint: Quelle est celle qui s'élève
dit dé sert, inondée de délices, appuyée sur son Bien-Aimé? Le
Roi a placé sur sa lé le le diadème royal, et il a remis le
sceptre entre ses mains. L'apôtre saint Jean l'a vue dans le ciel:
Elle est environnée du soleil comme d'un vêlement; la lune lui sert
de marche-pied; autour de sa tête brille une couronne de doute
étoiles; elle est assise à la droite du Tout-Puissant;
d'éblouissantes clartés jaillissent de l'or de ses vêtements; les
richesses les plus variées forment sa ceinture. C'est ainsi que le
Fils de Dieu sait honorer et glorifier sa Mère, c'est ainsi qu'il
nous apprend à nous-mêmes la mesure de respect, le degré de
confiance que nous devons à cette puissante Reine du ciel.
Prière de Saint
Méthode
Comment
pourrai-je, ô Mère vierge, ô Vierge mère! chanter vos louanges
avec une langue digne de vous? O fille de David, Mère de mon
Seigneur et de mon Dieu, si ma langue est impuissante à vous louer
dignement, eh bien! la langue de vos pères, les livres sacrés me
prêteront leurs pieux accents, leurs saints transports. O tige
bienheureuse de Jessé! le Seigneur est avec vous, car il vous a
consacrée pour être son tabernacle. C'est par vous, ô Marie! que
le Seigneur s'est fait Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous. Quoi
de plus sublime! quoi de plus merveilleux! Oui, c'est vous qui lui
avez fourni ce corps divin, dans lequel je reconnais, dans lequel
j'adore mon Dieu. Mère et servante de Dieu, salut! salut, ô vous la
seule créature à qui le Seigneur ait voulu devoir quelque chose! Il
a dit: « Honorez votre père et votre mère », et ce
précepte, il l'observe envers Celle qui lui a donné naissance,
envers Celle qu'il a couronnée de gloire au plus haut des cieux. Qui
donc, ô Marie! pourrait vous louer autant que vous le méritez?
Pour
les autres prières, voyez le premier jour.
Sixième jour
Le
trait qui suit est extrait d'un procès-verbal authentique, conservé
chez M- Chassaigne, notaire à Clermont.
« Atteint,
depuis onze ans, à la jambe gauche, d'un rhumatisme goutteux
accompagné des douleurs les plus aiguës, Etienne Durif, originaire
de la paroisse de Saint André de Busséol, en ce diocèse, et âgé
de 36 ans, avait épuisé vainement en remèdes tout ce qu'il
possédait. Devenu pauvre et sans asile, privé tout à la fois de la
liberté de plier le genou et de faire le plus léger mouvement du
pied, il sollicite l'entrée de l'hôpital, où il passe, en deux
reprises, une année. Tout est mis en œuvre pour lui procurer du
soulagement; les médecins lui font prendre successivement les bains
du Mont-Dore et de Vichy; ces essais ne font qu'irriter le mal. Les
divers traitements auxquels il est encore soumis pendant quelques
années, ne réussissent pas mieux. Renonçant enfin à toute espèce
de remèdes pour se jeter entre les mains de la divine Providence ,
sa confiance le conduit dans la chapelle souterraine de Notre Dame du
Port pour commencer une neuvaine. C'était le 26 mai 1757. Le 3 juin
suivant, dernier jour des exercices, après avoir assisté au saint
sacrifice de la messe et fait sa prière dans la chapelle comme les
jours précédents, animé de la foi là plus vive, la pensée lui
vient d'offrir à la sainte Vierge une figure de cire et de faire
brûler deux chandelles devant son image. Pressé d'obéir à cette
inspiration, il sort et se procure, sans perdre un moment, ces
objets. Il n'était pas encore de retour à l'église, qu'il
s'aperçoit que sa jambe a repris tout-à-coup sa flexibilité, et le
pied son mouvement naturel. Transporté de joie, il court déposer
son offrande à la chapelle et y suspendre le bâton et la béquille
qui lui sont désormais inutiles. Le bruit de cette guérison éclate
bientôt ; elle avait eu de nombreux témoins. En quelques instants,
la multitude se presse dans le lieu saint. Cet homme était connu
depuis quatre ans; tout le monde l'avait vu, dans son état
d'infirmité, se soutenant à peine. M. Omerin, doyen du chapitre du
Port et vicaire général du diocèse, ayant immédiatement pris
connaissance de tous ces faits, en présence de plusieurs membres du
chapitre, de M. l'abbé de Vienne, conseiller clerc en la grande,
chambre du parlement de Paris; de M. Doulcet et Bournet, chirurgiens
majors des hôpitaux de la ville; de M. Gaudon, apothicaire, et d'une
foule de témoins, fait dresser procès-verbal de tout ce qui
précède, avec mention expresse de la déclaration des deux
médecins, lesquels, après avoir examiné et visité avec le plus
grand soin la jambe d'Etienne Durif, qu'ils connaissaient depuis
long-temps, après l'avoir fait marcher en présence de toute
l'assemblée, n'ont pas hésité à reconnaître l'impossibilité
d'une guérison subite ou lente par aucune puissance de remèdes
humains, tant l'humeur qui affectait ces parties de la jambe était
fixée et consolidée. Toutes les signatures, jointes à celles des
médecins, se trouvent au bas du procès-verbal. Ce n'est pas tout; à
peine la guérison miraculeuse est juridiquement constatée, que le
son de toutes les cloches l'annonce à la ville. Une messe d'actions
de grâce est célébrée, et un Te Deum chanté dans l'église
souterraine ».
Méditation
Gloires
et vertus de Marie
Quelque
incompréhensibles que soient la puissance et la gloire de la très
Sainte Vierge dans le ciel, ce qui nous frappe surtout, c'est que
Dieu a couronné en elle le mérite et la vertu, autant et plus
encore, s'il est permis de le dire, que ses brillantes prérogatives.
Les privilèges extraordinaires accordés à certaines créatures, ne
les affranchissent pas de la loi, et le Seigneur ne prétend pas les
appeler gratuitement à la participation de sou bonheur, lui qui a
dit que le royaume du ciel souffre violence, et que ceux-là
l'emportent qui se font celle violence. Il y a plus, c'est à ces
âmes d'élite qu'il réserve ordinairement toutes ses rigueurs,
c'est à elles qu'il impose les plus héroïques sacrifices. La vie
de tous les saints, le sang de tous les martyrs, les pénitences, les
humiliations, les larmes, les prières de tous les grands serviteurs
de Dieu, sont une preuve assez éclatante de cette vérité. Et il
est vrai de dire que plus une vocation est sublime, plus elle suppose
de vertu, de courage et de dévouaient. La sainte Vierge n'est pas
exceptée de cette loi générale, et Jésus veut que sa Mère soit
la plus grande, la plus glorieuse entre toutes les créatures, par
les mérites comme par les prérogatives. Appelée à la plus
éminente dignité qu'il soit possible de concevoir, ses souffrances,
ses sacrifices, et par-dessus tout sa charité, laissent, bien loin
derrière elle, les actions, les prières, les vertus des plus saints
personnages. Aussi voyez quels rapports mystérieux entre la vie de
Jésus et celle de Marie! Comme l'histoire de la Mère est
étroitement et inséparablement liée à celle du Fils: mêmes
pensées, mêmes douleurs, ils boivent au même calice, ils sont
abreuvés des mêmes amertumes; depuis Bethléem jusqu'au calvaire
ils suivent la même, voie. Oh! quelle langue pourra jamais raconter
les angoisses, les, déchirements du cœur de Marie, lorsque le
glaive Prédit par le saint vieillard vint le transi percer? Ne
soyons donc plus étonnés de voir le trône de cette Vierge
incomparable dominer celui des Chérubins et des Séraphins, de voir
le ciel et là terre s'incliner avec respect et amour devant cette
Majesté, qui ne voit au-dessus d'elle que la Majesté même de Dieu.
O Jésus! vous qui êtes si bon, si généreux envers vos plus
petites créatures, pouviez-vous récompenser avec trop de
magnificence les vertus de votre sainte Mère? Ames chrétiennes, ne
sentez-vous pas, en lisant ces réflexions, s'accroître votre
confiance pour celle qui est aussi votre Mère?
Prière
tirée de Sainte Ecritures
Bonne
et tendre Mère, lorsque je contemple vos grandeurs et votre gloire,
mon cœur est inondé de joie; il a besoin de redire mille fois que
cela était juste. Oui, il était juste que la plus humble servante
du Seigneur fût proclamée heureuse par toutes les générations;
que le Tout-Puissant fît en elle et pour elle de grandes choses; il
était juste que Celle qui avait été cruellement blessée par un
glaive de douleur, que Celle qui avait eu assez de courage pour
recueillir debout, au pied de la Croix, le dernier soupir de son
Fils, devînt la gloire de Jérusalem, la joie d'Israël, l'honneur
du peuple de Dieu. Salut, ô Reine victorieuse! vous, brillante comme
l'aurore qui se lève, belle comme la lune, éclatante comme le
soleil, terrible comme une armée rangée en bataille. Puissent, ô
Marie, ma langue, mon cœur et toutes les puissances de mon âme vous
offrir un sacrifice perpétuel de louanges, célébrer dignement
votre puissance, vos vertus et attirer un de ces regards de Mère qui
consolent et qui sauvent! Ainsi soit-il.
Pour
les autres prières, voyez le premier jour.
Septième jour
Extrait
du Manuel de la dévotion à Notre Dame du Port
Une jeune fille de
vingt ans, nommée Jeanne Girard, appartenant à Une famille pauvre,
mais trè -honnête du Pont de Lempdes (aujourd'hui département de
la Haute-Loire), eut, par suite d'une attaque, le côté droit
entièrement paralysé. Traitée d'abord avec quelque succès par le
chirurgien juré de l'endroit, M. Royer, elle retomba bientôt dans
un état plus déplorable encore que le premier, et toutes les
ressources de l'art de guérir restèrent sans résultat. Touchés de
compassion pour cette infortunée, vouée si jeune à l'existence la
plus triste, la plus insupportable, M. Caillé, curé du Pont de
Lempdes, et M. Viallard, bailli du même lieu, la font conduire à
Clermont, munie de toutes les pièces qui pouvaient lui ouvrir
l'entrée d'un des hospices de la ville; ils y joignent le rapport et
la déclaration de M. Royer. Toutes les pièces sont datées du 13
mai 1765. Le quatorze du même mois, on la présente au grand
Hôtel-Dieu. Le chirurgien, après un mûr examen, ayant déclaré
son mal incurable, la refuse et lui conseille de se faire conduire à
l'hôpital Saint Joseph, avec l'assurance qu'elle peut, et qu'elle
doit même y être reçue. Mais un nouvel obstacle l'attendait là
encore; aucun lit n'était vacant. Dieu voulait faire éclater par un
nouveau prodige la puissance de la Sainte Vierge. La pauvre fille,
repoussée partout, se livra alors à la douleur la plus amère; de
retour à son auberge, les pensées les plus sombres, les images les
plus sinistres vinrent l'assiéger et remplir les longues heures du
soir et de la nuit. Le soleil cependant venait de se lever, et le son
des cloches annonçait la solennité du 15 mai. La pieuse hôtesse
raconte les merveilles opérées depuis des siècles à Notre Dame du
Port. A ce récit, la confiance renaît dans cette âme abattue et
presque désespérée. Elle accepte avec transport la proposition de
visiter la chapelle souterraine et de s'y faire conduire. Rendue dans
ce sanctuaire, elle priait, fervente et recueillie, lorsqu'elle voit
tous les fidèles s'agenouiller pour l'élévation. C'était le
signal de sa guérison. Elle aussi abandonne sa chaise et se
prosterne avec la multitude. Â l'instant la vie est rendue aux
membres paralysés. Elle achève d'entendre la messe à deux genoux,
sans douleur, sans aucun secours étranger. Le Saint Sacrifice
terminé, elle se relève, pleine de force et de vigueur, suspend aux
murs de la souterraine les bâtons qui la soutenaient, et la foule la
contemple avec admiration et rend gloire à la puissance et à la
bonté de la Mère de Dieu. Pendant six semaines encore que dura le
séjour de cette fille dans Clermont, chacun, la voyant circuler,
agir et travailler, put s'assurer de la vérité de sa guérison.
Tous ces faits du reste furent recueillis, accompagnés des pièces
authentiques et conservés avec soin. Elle passa ces six semaines
chez Madame Champ-Flour de Mauriat, à qui elle avait été
recommandée à raison de la petite distance du château de Mauriat à
Lempdes.
Méditation
Confiance
des Apôtres et des premiers chrétiens envers la très Sainte Vierge
Voulez-vous avoir la
mesure de votre confiance envers la très-Sainte Vierge, demandez aux
Saints de tous les siècles, demandez aux Docteurs de l'Eglise,
demandez aux Apôtres eux-mêmes ce qu'ils en ont écrit et pensé,
comment ils l'ont honorée. Quel harmonieux concert de louanges Vous
allez entendre sortir de leur bouche! Jésus-Christ montant au ciel
avait dit à ses apôtres: Je ne vous laisserai point orphelins. Et,
en effet, il leur laissait une Mère. Aussi voyez comme Marie tient
au milieu d'eux la place de son Fils! Comme elle veille à la garde
du troupeau qui lui a été confié! Elle devient le conseil, la
lumière, la force, l'âme de l'Eglise naissante. Dans le cénacle,
je la vois au milieu des disciples priant et appelant l'Esprit Saint.
Comme sa présence réchauffé et enflamme ces hommes encore
grossiers et timides! comme sa voix est écoutée avec respect et
avidité ! Sans doute, c'est à Pierre, le chef du collège
apostolique, qu'il a été dit: « Pais mes agneaux, pais mes
brebis ». Mais les apôtres, mais les disciples et les premiers
chrétiens (c'est la tradition qui nous le rapporte) ne laissaient
pas que de s'adresser constamment à la Mère de Jésus, ils
n'attendaient pas, pour l'environner de leurs respects, pour implorer
son assistance, qu'elle fût montée au ciel. S'ils avaient le
bonheur de la voir, d'entendre une de ses paroles, quels que fussent
leurs besoins, leurs peines, ils étaient soulagés; la paix, la joie
rentraient aussitôt dans ces cœurs fatigués. Saint Denis
l'aréopagite, converti par l'apôtre Saint Paul, avait obtenu la
faveur insigne d'être présenté à la Sainte Vierge encore vivante:
voici comment il parle de cette bienheureuse visite: « A son
aspect tout divin, je me sentis enveloppé d'une splendeur
étincelante, j'aperçus une si grande multitude d'esprits célestes
qui formaient comme sa cour, et la Vierge elle même était inondée
de tant de lumière, que je l'aurais prise pour une divinité, si je
n'avais pas été instruit par l'Evangile ». Que ne nous est-il
donné de rapporter ici tous les pieux élans, toutes les ardentes
aspirations, tous les magnifiques éloges, les titres glorieux que
les Pères de chaque siècle, dans leur sainte émulation, ont donnés
à la Mère de Dieu! C'est Saint Irénée qui nous répète, avec
l'accent de la piété la plus tendre, de la reconnaissance la plus
vive, comment la Sainte Vierge a donné le salut au monde en lui
donnant Jésus-Christ. C'est Saint Ephrem, cédant aux transports de
son amour et saluant Marie la Vierge Sainte et immaculée par
excellence, la Reine de la terre et des cieux, l'espérance des
affligés, l'espérance de nos pères, la joie des prophètes, la
consolation des apôtres, la gloire des martyrs, l'honneur de tous
les Saints, etc., etc. C'est Saint Jérôme qui ne trouve pas
d'expression assez noble, assez belle, pour célébrer les gloires de
Marie, et qui ne voit pas de bonheur comparable à celui d'être son
enfant. C'est Saint Cyrille d'Alexandrie qui salue mille fois Marie
Mère de Dieu, trésor de l'univers; c'est enfin Saint Bernard, car
nous ne pouvons les nommer tous, qui laisse échapper de son cœur
les chants les plus suaves: « Marie est la noble étoile de la
mer, qui resplendit dans la vaste étendue des cieux, qui éclaire le
monde, qui échauffe les âmes plus que les corps, qui détruit les
vices et fait germer toutes les vertus », etc., etc.. Enfant de
Marie, n'éprouvez-vous pas le besoin d'unir votre cœur et votre
voix à tant de Saints et illustres personnages?
Prière
de Saint Anselme
O Marie, vous dirai-je,
tout transporté de joie, d'espérance et d'amour, quelles seraient
notre pauvreté et notre misère, si le Père des miséricordes ne
vous eût pas tirée de ses trésors pour vous donner à nous! O mon
bonheur! ô ma vie! j'ai mis ma confiance en votre saint Nom. Je sais
que mon cœur veut vous aimer, que ma bouche veut vous louer, que mon
esprit veut vous contempler, que ma langue désire vous prier; et que
mon âme brûle d'être tout à vous. Recevez-moi, soutenez-moi,
défendez-moi, conservez-moi, je ne saurais périr entre vos mains.
Pour
les autres prières, voyez le premier jour.
Huitième
jour
Vœux
et pèlerinages à Notre Dame du Port
De vieux titres,
conservés dans les archives de l'église du Port jusqu'aux jours
mauvais où tant de monuments précieux ont péri, faisaient mention
d'un grand nombre de pèlerinages, de vœux et de dons faits à la
chapelle souterraine par les dauphins, ducs, comtes et seigneurs
d'Auvergne, ainsi que par les habitants de la province et même par
des paroisses entières et des communautés qui venaient chaque année
processionnellement, pendant l'octave de la fête du 15 mai, assister
à une messe solennelle et y faire leurs dévotions. Ce pieux usage
subsiste encore pour plusieurs et notamment pour la paroisse de Saint
Eutrope. Mais notre but n'est pas de rapporter ici tous les
témoignages de la confiance de nos pères envers la Sainte Vierge et
de leur zèle à visiter Notre Dame du Port. Quelques traits plus
rapprochés de nous suffisent à la piété des fidèles. Nous
n'avons pas besoin de rappeler le vœu fait par la ville en 1631.
Voici des faits plus récents. En 1742, un négociant, surpris en mer
par une violente tempête, n'avait d'espoir de salut que dans la
protection du ciel; le navire allait disparaître sous les vagues en
fureur. La pensée lui vient de se vouer à Notre-Dame du Port.
Aussitôt il lui adresse une courte mais fervente prière. A peine
a-t-il achevé , que Marie commande, comme autrefois Jésus-Christ,
aux vents et à la mer, et il arrive heureusement au terme de sa
navigation. De retour à Paris, son premier comme son plus impérieux
besoin fut celui de la reconnaissance: trois lampes d'argent envoyées
à Notre Dame du Port et accompagnées d'une lettre, où il raconte
avec détail comment il a échappé miraculeusement, par la
protection sensible de la sainte Vierge, à une mort inévitable,
devinrent le témoignage et du prodige de sa délivrance et de la
confiance avec laquelle il avait invoqué Marie. Il y a quelques
années, une personne, attirée dans le sanctuaire du Port pour
solliciter une grâce particulière qu'aucune puissance humaine ne
pouvait lui accorder, eut bientôt la consolation de voir le succès
de sa prière dépasser ses espérances. Quelques jours après, elle
vint elle-même témoigner à la sainte Vierge sa gratitude et sa
joie, et joindre au don qu'elle crut devoir faire un billet qui
exprimait la protection signalée de Marie qui venait d'éclater sur
elle et la faveur extraordinaire qu'elle avait obtenue. Il n'est pas
d'année où l'on ne puisse citer quelques traits qui attestent la
puissante protection de Marie dans le sanctuaire du Port. C'est ce
qui explique pourquoi tant d'âmes affligées, aux prises avec le
malheur, ou éprouvées par des douleurs violentes, ou dévorées par
le chagrin, ou pressées d'obtenir quelque grâce spirituelle et même
temporelle, viennent si souvent, à toutes les époques de l'année
et surtout pendant la Neuvaine, la visiter.
Méditation
Comment
le culte de la Sainte Vierge s'est répandu dans le monde
La dévotion à la
sainte Vierge, les honneurs qu'on lui rend, doivent être quelque
chose de bien agréable à Dieu et de bien précieux pour les enfants
de l'Eglise, puisque ce culte s'est propagé avec une incroyable
rapidité par toute la terre. Interroges tons les siècles du
christianisme, tous les saints , parcourez le monde catholique, tout
vous parle de Marie; partout je la vois aimée, invoquée, honorée.
Jésus-Christ n'a jamais voulu se séparer de sa sainte Mère. Il
l'associe à sa gloire, à ses triomphes, comme à ses combats; il
veut qu'elle soit honorée partout où il est honoré lui-même; à
lui est réservée l'adoration qui n'appartient et qui n'est rendue
qu'à Dieu; à sa Mère il donne cette puissance d'intercession qui a
tous les secrets de la miséricorde sans jamais blesser la justice;
c'est lui qui lave dans son sang les iniquités du monde, qui ouvre
les portes du ciel et ferme celles de l'enfer; c'est sa Mère qui a
la noble mission d'appeler, de ramener les pauvres pécheurs, de les
présenter à son Fils et de faire revivre l'espérance dans les âmes
malades et abattues. Aussi, dès les premiers temps du christianisme,
que de basiliques dédiées à la Très Sainte Vierge! elle a partout
des autels. Je cherche dans l'univers une église, une chapelle, un
oratoire où elle n'ait pas de place, et partout je vois briller sa
douce image, son nom béni. Elle accompagne et protège les pas do
pauvre missionnaire qui parcourt les vastes contrées de l'Amérique,
de l'Asie, des îles océaniques et des autres parties du monde. Je
la retrouve dans toutes les habitations chrétiennes. Des millions
d'hommes se font gloire de revêtir ses livrées saintes, de
s'inscrire parmi ses enfants. Après le Nom de Jésus, il n'est, dans
l'univers, aucun nom plus connu et surtout plus aimé, aucun nom qui
fasse tressaillir plus de cœurs. L'Eglise elle-même, assistée et
dirigée par l'Esprit-Saint, vient donner à cet élan des fidèles
la sanction de son autorité divine. Elle approuve, encourage,
enrichit de tous les trésors dont elle est dépositaire le culte de
la Sainte Vierge. Elle en donne même l'exemple, en établissant des
fêtes pour honorer ses mystères, ses vertus, ses innombrables
bienfaits. Oui, ô Marie, et je me plais à le proclamer, tous les
chants de l'Eglise sont pleins de votre nom. Oui, tout l'univers n'a
qu'une voix pour l'exalter et Je bénir! Oui, tous les siècles
racontent votre puissance et votre gloire! Oh! comme il fait bon
mêler sa voix à ce magnifique concert de louanges. Quel bonheur de
pouvoir déposer sa faible prière dans cet immense réservoir où
sont réunies les prières qui partent incessamment de tous les
points du globe! Comme on est fier d'être l'enfant d'une si
puissante et si glorieuse Mère!
Prière
de Saint Alphonse de Liguori
Mère
du Seigneur de l'univers, Marie, la plus sublime, la plus aimable de
toutes les créatures, la plus élevée en dignité; il est vrai que
plusieurs sur la terre ont le malheur de ne vous point connaître et
de n'avoir pour vous ni respect ni tendresse; mais aussi il y a dans
le ciel des milliers de bienheureux qui ne cessent de vous louer et
vous bénir, et sur la terre même combien d'âmes fidèles brûlent
de votre amour! Ah! puissé-je être embrasé de la même flamme et
attirer à vous tous les cœurs. Ainsi-soit-il.
Pour
les autres prières, voyez le premier jour.
Neuvième jour
Fête
et Neuvaine de Notre Dame du Port
Pour parler des
merveilles opérées à Notre Dame du Port, nous n'avons pas besoin
aujourd'hui d'interroger nos pères, ni de consulter les monuments
anciens. Il s'agit d'un fait que tout le monde a sous les yeux. C'est
le magnifique spectacle que présente chaque année l'église du
Port, le jour de la fête, et pendant tout le cours de la Neuvaine.
La ville n'a pas oublié qu'elle accomplit ce jour-là un vœu à
jamais mémorable, qu'elle acquitte la dette de la reconnaissance.
Aussi, cette solennité a-t-elle un caractère particulier qui n'a
rien de commun avec les fêtes paroissiales ou patronales. Elle est
véritablement la fête de tout un peuple, de toutes les paroisses
réunies. Autrefois, les échevins et toutes les autorités
assistaient en corps à la messe, fit suivaient la procession,
précédés du clergé de toute la ville et des divers chapitres.
Plus tard, et, toujours par suite du même vœu, jusqu'à l'année
i83o, le maire et les principaux membres du conseil municipal se sont
rendus à la messe et à la procession. Ce qu'il y a de plus frappant
ce jour là, comme pendant la neuvaine, et ce qui se reproduit encore
aujourd'hui, c'est l'attitude recueillie de la multitude immense qui
se presse dans le sanctuaire du Port. Bien avant le lever du soleil,
et pendant toute la matinée, quoique les prêtres se succèdent
presque sans interruption à l'autel, l'église ne désemplit pas. Il
est impossible de résister à une profonde émotion, lorsque le soir
l'oeil contemple tous les rangs, tous les âges, femmes, vieillards,
enfants, riches et pauvres, mêlés et confondus au pied du même
autel, invoquant la même Mère; ce religieux silence, qu'interrompt
seul le bruit des pas de la foule, qui se succède incessamment, a
quelque chose qui va au cœur et le remue. C'est là le rendez-vous
général de tous ceux qui se souviennent qu'il ont une Mère au
ciel. Aujourd'hui, les élèves du grand et du petit Séminaire;
demain les pauvres, les infirmes, les enfants à qui la charité a
offert un asile dans les hôpitaux; d'autres jours, les chœurs de
cantiques des diverses paroisses, les députations des communautés
religieuses, viennent successivement faire retentir ces voûtes de
leurs chants sacrés. Voyez comme cette bonne Mère prête son
concours à toutes les œuvres, aux pieuses réunions qui dilatent le
cœur et soulagent toutes les misères comme toutes les
infortunes!... L'œuvre de la Providence n'est-elle pas son œuvre,
n'est-ce pas Elle qui abrite sous son aile la petite orpheline? Les
personnages les plus éminents par leurs lumières comme par leur
vertu, ont puissamment contribué à entretenir, à échauffer cette
dévotion dans le cœur des fidèles. Que d'illustres prélats sont
venus et viennent encore célébrer les saints mystères sur l'autel
de Marie, et réclamer sa protection pour eux et pour leur diocèse.
Plus d'une fois le saint évêque de Bardstown, Mgr. Flaget, est venu
prier dans ce sanctuaire, et nous édifier par sa tendre dévotion
envers la sainte Vierge; c'est là, c'est aux pieds de cette image
miraculeuse qu'un autre évêque, jeune encore, mais dévoré d'un
saint zèle, est venu confier le succès de sa mission de l'Océanie
centrale, et lui a consacré sa personne, celle de ses prêtres et
des frères qui l'accompagnent, tous comme lui enfants de l'Auvergne
et de saint Austremoine. Nos évêques surtout nous ont constamment
donné d'éclatants exemples de leur confiance envers Notre-Dame du
Port; nous nous rappelons avec bonheur que Mgr. de Dampierre, de
sainte mémoire, ne commençait aucune visite pastorale,
n'entreprenait aucun voyage sans avoir célébré la sainte Messe
dans la chapelle souterraine. Et aujourd'hui cet exemple ne nous
est-il pas donné plus fréquemment encore par le digne héritier de
sa piété comme de son siège?
Méditation
Miséricorde
de Marie envers les pécheurs
Je ne sais si vous avez
médité ces paroles: « Marie est mère de la miséricorde »,
pour découvrir tout ce qu'elles renferment de trésors. Quant à
moi, je ne puis les prononcer, je ne puis même y songer sans
éprouver une joie, une consolation qui ne sauraient s'exprimer. Ce
qui me semblance admirable entre les pensées, les sentiments de
Jésus et de Marie. Il me semble entendre la voix de cette bonne
Mère: « Je suis venue sur la terre pour les pécheurs; ceux
qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont
malades. Qu'ils viennent donc à moi ceux qui souffrent, ceux qui
sont près de succomber, et je les soulagerai. Je suis le salut des
infirmes, le refuge des pécheurs, la consolation des affligés, le
secours des chrétiens ». Et de tous les points de l'univers je
vois accourir autour de ce trône de miséricorde des milliers de
pécheurs. Tout ce qui pleure, tout ce qui est visité par le
malheur, vient se jeter à ses pieds, implorer son assistance, et
alors je vois éclater les miracles de sa puissance et de sa bonté;
les coeurs les plus rebelles s'avouent vaincus, et se glorifient de
porter ses chaînes. Des retours inespérés, des grâces
extraordinaires, des victimes innombrables arrachées à l'enfer,
viennent chaque jour réjouir l'Eglise et lui ramener des enfants
jusqu'alors indociles et ingrats. Ce que Marie a fait pour tous ces
pauvres pécheurs, elle peut, elle veut le faire pour vous. Quelles
que soient vos misères, ne craignez rien; plus vous êtes pauvre,
plus vous êtes malade, plus vous êtes affligé, et plus vous avez
droit à sa protection, à son amour. O vous, s'écrie saint Bernard,
qui flottez au gré des vagues sur une mer en fureur, que vos yeux ne
perdent pas de vue l'Etoile qui brille sur votre tête, si vous ne
voulez pas être englouti par les flots. Si les vents des tentations
sont déchaînés contre vous, si les écueils de la tribulation
menacent de vous briser, regardez votre Etoile, appelez Marie. Si la
tourmente de l'orgueil, de l'ambition, de la médisance, de la
jalousie, vous presse, vous désole, invoquez, appelez Marie. Si la
colère, ou l'avarice, ou l'aiguillon de la chair, ont déjà envahi
votre âme par l'énormité de vos crimes, confus des plaies hideuses
de votre conscience, épouvanté au souvenir du jugement, vous êtes
déjà enveloppé dans le tourbillon de la sombre tristesse, dans
l'abîme du désespoir, pensez, penses à Marie. Dans les périls,
dans les angoisses, dans les doutes,invoques Marie. Que ce doux nom
soit toujours sur vos lèvres, dans votre cœur; et, pour être
exaucé, n'oublies pas les exemples qu'il vous rappelle. En suivant
Marie, vous ne vous égares point; en priant Marie, vous ne
désespérez point. Avec Marie, vous ne tombez point. Qu'elle vous
protège et vous ne craindrez plus rien; qu'elle vous conduise, vous
ne sentirez pas la fatigue; qu'elle vous soit propice, et vous
arriverez au port du salut.
Prière
de Saint Louis de Gonzague
Abandon
de tout moi-même à la Sainte Vierge
O
Marie, ma souveraine! ô sainte et bonne Mère de mon Dieu! je remets
avec une confiance entière entre vos mains bénies, sous votre garde
particulière, et dans le sein de votre miséricorde, aujourd'hui et
tous les jours, et à l'heure de ma mort, mon âme, mon corps et
toute ma destinée. Espérances, consolations, angoisses, misères,
maux et biens de toute espèce, ma vie et la fin de ma vie,
j'abandonne tout à la tendre Mère que j'ai dans les ci eux, afin
que, par votre très-sainte intercession et par vos mérites, ô
Marie! toutes mes œuvres soient dirigées et disposées selon
l'aimable volonté de votre Fils et la vôtre. Ainsi-soit-il.
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