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16 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Dix-septième jour

Dévotion toute singulière de Vincent pour imiter Jésus-Christ et se conformer à ses exemples

 

L'amour suppose la ressemblance ou bien la produit, et fait que l'aimant tache de se transformer autant qu'il peut en la personne aimée, et de lui devenir semblable, pour lui plaire davantage, et rendre par ce moyen plus stable et plus parfaite l'union de leur amitié. C'est pour cela que le Fils de Dieu, voulant nous témoigner l'excès de son amour, a voulu se faire homme, pour se rendre semblable à nous. C'est aussi pour la même raison que ceux qui aiment vraiment Jésus-Christ doivent autant qu'il est en eux avec le secours de sa grâce, se rendre semblables à lui par l'imitation de ses divines vertus ; et plus cet amour est grand, plus aussi cette imitation doit-elle être parfaite et accomplie.

Vincent s'est étudié à imiter Jésus-Christ en sa manière de vie pauvre, cachée et commune, qui ne paraissait avoir rien de singulier pour l'extérieur et néanmoins était toute admirable, toute sainte et toute divine pour l'intérieur ; car à l'imitation de cet incomparable maître, il a mené une vie basse et commune eu apparence, ne faisant rien paraître en lui d'éclatant ni d'extraordinaire, et fuyant toute ostentation et singularité, mais il pratiquait au-dedans et dans le secret de son cœur des actions excellentes et vraiment héroïques de toutes sortes de vertus.

Il n'a pas toujours été retiré en son particulier, ni toujours exposé en public, mais, suivant l'exemple de son divin prototype, il a fait un parfait mélange de la vie active et de la contemplative ; il a été quelquefois dans la solitude avec Jésus-Christ ; il l'a aussi quittée comme lui pour aller prêcher la pénitence et pour s'employer à procurer la conversion des pécheurs et le salut des âmes.

Nous pouvons encore dire que Notre Seigneur a pratiqué la vie cachée, non tant en se séparant de la conversation des hommes, qu'en tenant couvert et ne leur manifestant pas ce qu'il avait de plus excellent et de plus divin. Il pouvait se faire connaître et honorer en tous lieux comme le vrai Fils de Dieu, il pouvait faire éclater les rayons de sa gloire aussi bien par toute la Judée comme sur le Tabor, il n'a toutefois voulu paraître à l'extérieur que le fils d'un simple charpentier, et un homme du commun. Vincent, à son exemple, faisait gloire de dire en toutes sortes de rencontres, qu'il n'était que le fils d'un pauvre paysan et recherchait de n'être tenu que pour un simple prêtre de village cachant autant qu'il pouvait aux yeux des hommes, les excellents dons de nature et de grâce qu'il avait reçus de Dieu, et qui le rendaient digne d'honneur et de vénération. Il a parfaitement imité cette vie commune et cachée de son divin maître ; et comme il connaissait par sa propre expérience le trésor de grâces qui est caché dans ce champ mystique de l'Évangile, il invitait et exhortait les autres à y participer. Voici quelques extraits de diverses lettres qu'il a écrites à une même personne qu'il conduisait par cette voie : « Honorons toujours, lui dit-il, l'état inconnu du Fils de Dieu. C'est-là notre centre ; et c'est-ce qu'il demande de nous pour le présent et pour l'avenir ; et pour toujours si sa divine Majesté ne nous fait connaître en sa manière qui ne peut tromper, qu'il veuille autre chose de nous. Honorons, dis-je, la vie commune que Notre Seigneur a mené sur la terre, son humilité, son anéantissement, et la pratique qu'il a faite de plus excellentes vertus dans cette manière de vivre. Mais honorons particulièrement ce divin Maître dans la modération de son agir. Non, il n'a pas voulu faire toujours ce qu'il a pu, pour nous apprendre à nous contenter, lorsqu'il n'est pas expédient de faire tout ce que nous pourrions faire, mais seulement ce qui est convenable à la charité, et conforme aux ordres de la divine volonté.

Oh ! Que j'estime cette généreuse résolution que vous avez prise d'imiter la vie cachée de Notre Seigneur ! Il paraît bien que cette pensée vient de Dieu, puisqu'elle est si éloignée de la chair et du sang. Tenez pour certain que c'est-là proprement l'assiette qui convient aux enfants de Dieu, et par conséquent demeurez-y ferme, et résistez courageusement à tous les sentiments contraires qui pourraient vous arriver. Assurez-vous que, par ce moyen, vous serez en l'état auquel Dieu vous demande, et que vous ferez incessamment sa sainte volonté, qui est la fin à laquelle nous tendons et à laquelle ont tendu tous les Saints ».

Vincent ne portait pas seulement les personnes particulières à cette sainte pratique, mais aussi tous ceux de sa compagnie en général, les exhortant souvent de se rendre vrais imitateurs de Jésus-Christ en sa vie commune et cachée. A ce sujet, leur expliquant un jour en quoi consistait le renoncement qu'on doit faire de soi-même, selon que Notre Seigneur l'a ordonné à tous ceux qui le veulent suivre, entre six ou sept choses qu'il leur enseigna pour le pratiquer parfaitement, il en proposa une tirée de la doctrine de Saint Basile, qui est de renoncer aux pompes. Sur quoi il fit une objection, à laquelle il fit une réponse digne de lui, qui donne assez à connaître ce qu'il pratiquait lui-même, en leur déclarant ce qu'ils devaient faire. Voici ses paroles : « Vous me direz peut-être : Nous sommes, Monsieur, de pauvres Prêtres, qui avons déjà renoncé à toutes les pompes du monde ; nous n'avons que de simples, habits, des meubles fort chétifs et rien qui ressente la vanité ou le luxe dont on fait parade dans le monde ; qu'est-il donc besoin de nous exhorter à renoncer aux pompes dont nous sommes si éloignés ? Ô Messieurs et mes frères, ne nous y trompons pas ! Quoique nous ayons de pauvres habits et de pauvres meubles, nous pouvons avec cela avoir l'esprit pompeux. Et comment cela ? Me direz-vous : par exemple, quand on s'étudie à faire de belles prédications ; quand on est bien aise que ce qu'on l'on fait, et que ce que l'on dit, soit approuvé et estimé des autres ; quand on se réjouit d'entendre ses louanges, ou que l'on publie le bien que l'on a fait, ou même que l'on y prend quelque vaine complaisance : toutes ces choses sont des marques qu'on a l'esprit pompeux ; et, pour le combattre et le terrasser, il est plus expédient quelquefois de faite moins bien une chose, quant à l'extérieur, que de se complaire de l'avoir bien faite. Il faut, avec cela, prendre bien garde de ne donner aucune entrée en notre esprit à la vanité, mais renoncer aussitôt à toutes les pensées et à tous les sentiments qui nous en viennent intérieurement aussi bien qu'aux applaudissements qui nous sont faits extérieurement. Il faut se donner à Dieu, mes frères, pour s'éloigner de la propre estime et des louanges du monde, qui font la pompe de l'esprit. Enfin, mes frères, c'est une vérité de l'Évangile, que Notre Seigneur ne se plaît rien tant que dans l'humilité du cœur, et dans la simplicité des actions ; c'est là que son esprit réside, et en vain le cherche-t-on ailleurs : si donc vous voulez le trouver, il faut renoncer à l'affection et au désir de paraître, à la pompe de l'esprit aussi bien qu'à celle du corps, et enfin à toutes les vanités et satisfactions de la vie ».

Un célèbre Docteur demandant un jour à un prêtre de la Mission, qui observait fort Vincent, quelle était sa propre et principale vertu, il lui répondit que c'était l'imitation de Jésus-Christ, parce qu'il l'avait toujours devant les yeux pour se conformer à lui ; c'était son livre et son miroir, dans lequel il se regardait en toute rencontres; et lorsqu'il se trouvait en quelque doute comment il devait faire une chose pour être parfaitement agréable à Dieu, il considérait aussitôt de quelle façon Notre Seigneur s'était comporté en pareille rencontre, ou bien ce qu'il en avait dit, ou ce qu'il en avait, signifié par ses maximes, et sans hésiter, il suivait son exemple et sa parole ; et marchant à la faveur de cette divine lumière, il foulait aux pieds le propre jugement, le respect humain, et la crainte qu'il eût pu ressentir que sa conduite ne fût improuvée par la licence de ceux qui s'efforcent de relâcher la sainte sévérité de l'Église, et d'accommoder la piété chrétienne à l'esprit du temps. « Car enfin, disait-il quelquefois, la prudence humaine se trompe et s'égare souvent du droit chemin, mais les paroles de la sagesse éternelle sont infaillibles, et ses conduites sont droites et assurées ».

C'était-là l'étude continuelle de ce saint homme, que d'imiter Jésus, non-seulement en sa manière d'agir et de parler extérieurement, mais aussi en toutes ses dispositions intérieures, en ses plus saints désirs, et en ses plus parfaites intentions: en sorte qu'en tout et partout il ne désirait et ne prétendait autre chose, sinon ce que ce divin Sauveur avait désiré et prétendu, qui était que Dieu fût de plus en plus connu, honoré, servi et glorifié, et que sa très-sa nte volonté fût entièrement et parfaitement accomplie, se tenant à tout moment disposé de faire et de souffrir ce qu'il plairait à Dieu pour des fins si nobles et si justes, étant toujours prêt à s'exposer aux travaux, aux fatigues, aux humiliations, aux peines et aux persécutions qu'il eût fallu subir et endurer pour ce sujet. De là provenait qu'il n'était jamais surpris d'aucun accident qu'il lui arrivât, quelque fâcheux qu'il pût être, ni d'aucun mauvais traitement qu'on lui pût faire, étant préparé, à l'imitation de son divin maître, lorsqu'il était question de procurer l'accroissement de la gloire de Dieu, ou de se soumettre à ses volontés, de tout faire et de tout souffrir, même de se voir dépouillé de tout ce qu'il avait de plus cher dans le monde, jusqu'à voir sa propre congrégation dissipée et détruite si tel était le bon plaisir de Dieu. A ce sujet, parlant quelquefois à ceux de sa communauté: Je prie Dieu, disait-il, deux ou trois fois tous les jours, qu'il nous anéantisse si nous ne sommes utiles à son service. Eh quoi ! mes frères, voudrions-nous être au monde sans plaire à Dieu, et sans procurer qu'il soit connu et aimé ?

Il se conformait non-seulement au désir et aux intentions du Fils de Dieu, mais même à ses déplaisirs, à ses douleurs et à ses angoisses intérieures. Oh ! qui aurait pu pénétrer dans les secrets du cœur de ce fidèle et zélé imitateur de Jésus-Christ, il l'aurait vu, comme celui de son divin maître, tout outré de douleur, dans la vue des péchés innombrables qui se commettent contre Dieu; tout rempli d'aversion contre les maximes du monde, si opposées à celles de l'Évangile ; tout pénétré des sentiments de tristesse et d'affliction pour le progrès des hérésies, et pour les grands dommages qui en arrivent à l'Église; et enfin, vivement louché de compassion sur les misères spirituelles et temporelles des peuples, et le délaissement et abandon où se trouvent tant d'âmes plongées dans les ténèbres de l'ignorance ou de l'infidélité. Oh ! combien de fois a-t-il souhaité de mourir et de donner sa vie pour remédier à tant de maux ! Mais sa vie n'ayant presque été qu'une mort continuelle, par ses mortifications et ses souffrances, on peut dire aussi qu'elle a été comme un remède plus long et plus étendu, dont Dieu a voulu se servir pour cet effet.

Il voulait que ses enfants entrassent dans ces mêmes sentiments, et qu'à l'imitation du même Jésus-Christ, ils fussent tous des hosties vivantes qui s'immolassent continuellement avec ce divin Sauveur pour le salut de tous les peuples. De quoi leur parlant un jour : « Qui voudra sauver sa vie, mes frères, leur dit-il, la perdra ; c'est Jésus-Christ qui nous le déclare et qui nous dit que l'on ne saurait faire un plus grand acte d'amour que de donner sa vie pour son ami. Eh quoi ! Pouvons-nous avoir un meilleur ami que Dieu ? et ne devons-nous pas aimer tout ce qu'il aime, et tenir pour l'amour de lui notre prochain pour notre ami ? Ne serions-nous pas indignes de jouir de l'être que Dieu nous donne, si nous refusions de l'employer pour un si digne sujet ? Certes, reconnaissant que nous tenons notre vie de sa main libérale, nous ferions injure à sa bonté, et une très grande injustice si nous refusions de l'employer et de la consumer, selon ses desseins, à l'imitation de son Fils Notre Seigneur ». Et leur parlant une fois sur le même sujet, il proféra ces paroles de l'abondance de son cœur : « Qui dit un missionnaire, dit un homme appelé de Dieu pour sauver les âmes ; car notre fin est de travailler à leur salut, à l'imitation de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est le seul véritable Rédempteur, et qui a parfaitement rempli ce nom aimable de Jésus, c'est-à-dire Sauveur ».

Enfin, parlant dans ce même esprit à tous ceux de sa Congrégation dans l'épître qu'il leur adresse, et qu'il a mise au commencement de leurs règles ou constitutions : « Considérez, leur dit-il, ces règles et constitutions, non pas comme produites par l'esprit humain, mais plutôt comme inspirées par Dieu, de qui tout bien procède, et sans qui nous ne sommes pas capables de penser quelque chose de bon par nous-mêmes. Car que trouverez-vous dans ces règles qui ne serve à vous exciter et enflammer, soit à la fuite des vices, ou à l'acquisition des vertus, et à la pratique des maximes évangéliques ? Et ça été pour cela, que nous avons tâché autant qu'il nous a été possible, de les puiser toutes de l'esprit de Jésus-Christ, et de les tirer des actions de sa vie, comme il est aisé à voir, estimant que les personnes qui sont appelées à la continuation de la mission du même Sauveur, laquelle consiste particulièrement à évangéliser les pauvres, doivent entrer dans ses sentiments et ses maximes, être remplies de son même esprit et marcher sur ses mêmes pas ».

 

Fleurs Spirituelles

 

« Les quatre extrémités de la croix sont ornées de quatre perles bien précieuses. L'humilité est placée au pied de la croix ; l'obéissance occupe la droite ; la patience occupe la gauche, enfin la charité, comme la première et la reine des vertus, brille en caractères d'or au haut de la croix. Ces quatre vertus éclatent d'une manière particulière et bien frappante, dans la passion de Jésus-Christ : ce sont les quatre principaux fruits qu'il faut tirer de la méditation de Jésus Crucifié ». (Saint Bernard).

« Il ne suffit pas de faire de bonnes choses il faut de plus les bien faire à l'exemple de Jésus-Christ de qui il est écrit : Il a bien fait toutes choses. Appliquons-nous donc à faire toutes nos actions dans l'esprit de Jésus-Christ, c'est-à-dire de la manière qu'il faisait ses actions, nous proposant les mêmes fins ; autrement toutes les bonnes œuvres en elles-mêmes que nous ferons, attireront sur nous des châtiments plutôt que des récompenses ». (Saint Vincent De Paul).

Pratique : Efforcez-vous aujourd'hui de faire toutes vos actions, même les plus indifférentes, avec les mêmes intentions qu'avait Notre Seigneur en faisant les siennes pendant qu'il était sur la terre. Priez pour les personnes qui font leurs actions avec des intentions pures.

 

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15 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Seizième jour

Attention continuelle à la présence de Dieu, et oraison de Saint Vincent

 

La grandeur et la perfection de l'amour que Vincent avait pour Dieu se sont fait connaître, non-seulement par sa soumission parfaite à toutes ses volontés, mais encore particulièrement par son attention continuelle à la présence de sa divine Majesté; car c'est le propre de l'amour que de faire désirer et rechercher le présence de la personne aimée, et de se plaire en sa compagnie, en sa vue et en ses entretiens. Or, l'application de Vincent à Dieu était telle, selon le témoignage qu'en a rendu un très vertueux prêtre qui l'a particulièrement connu et observé durant plusieurs années, qu'il était facile de juger que son esprit était continuellement attentif à la présence de Dieu: on ne le voyait jamais dissipé pour quelques sortes d'affaires et d'occupations qui lui pussent arriver, mais toujours recueilli et présent à lui-même ; et on a remarqué que pour l'ordinaire il ne rendait point de réponse à ce qu'on lui demandait, surtout si c'était quelque chose d'important, sans faire quelque petite pause, pendant laquelle il élevait son esprit à Dieu pour implorer sa lumière et sa grâce, afin de ne dire ni faire aucune chose que selon sa volonté et pour sa plus grande gloire.

Ce même ecclésiastique a déclaré qu'il l'avait vu quelquefois des heures entières tenir les yeux collés sur un Crucifix qu'il avait entre les mains, et qu'en diverses autres occasions, lorsqu'on lui apportait les nouvelles de quelques affaires fâcheuses, ou d'autres qui pouvaient lui donner quelque sujet de consolation, il paraissait en son visage une telle égalité d'esprit, qu'elle ne pouvait venir que de cette application continuelle qu'il avait à Dieu. A ce propos, on lui a souvent ouï dire, « qu'il n'y avait pas grand chose à espérer d'un homme qui n'aimait pas à s'entretenir avec Dieu, et que si l'on ne s'acquittait pas comme il fallait de ses emplois pour le service de Notre Seigneur c'était faute de se bien tenir à lui, et de lui demander le secours de sa grâce avec une parfaite confiance ».

Quand il allait ou venait par la ville, c'était dans un grand recueillement, marchant en la présence de Dieu, le louant et le priant en son cœur ; et, sur ces dernières années, lorsqu'il allait tout seul avec son compagnon dans le carrosse dont il avait été obligé de se servir, non-seulement il se tenait intérieurement recueilli, mais ordinairement il avait les yeux fermés, et le plus souvent il tirait sur lui le rideau, en sorte qu'il ne pouvait ni voir ni être vu de personne, pour se pouvoir mieux entretenir avec Dieu.

Il avait cette coutume, que toutes les fois qu'il entendait sonner l'horloge, soit les heures ou les quarts, à la maison ou à la ville, soit qu'il fût seul ou en compagnie, il se découvrait et faisait le signe de la croix, élevant son cœur à Dieu. Il disait que cette pratique était très propre pour renouveler en son esprit la présence de Dieu, et se ressouvenir des résolutions qu'on aurait prises le matin en l'oraison, et pour cela il l'a introduite parmi ceux de sa compagnie, qui en usent selon que le temps et les lieux le leur peuvent permettre.

Comme il connaissait, par sa propre expérience, les grâces et les bénédictions renfermées dans ce recueillement intérieur et dans cette attention à la présence de Dieu, il y portait les autres autant qu'il pouvait, pour les en rendre participants. Il était fort intelligent à se servir des choses naturelles et sensibles pour s'élever à Dieu ; et pour cet effet, il ne s'arrêtait pas à l'écorce, ni à la figure extérieure, ni même aux excellences particulières des êtres créés ; mais il s'en servait seulement pour passer à la considération des perfections du Créateur. Quand il voyait des campagnes couvertes de blés, ou des arbres chargés de fruits, cela lui donnait sujet d'admirer cette abondance inépuisable de biens qui est en Dieu, ou bien de bénir et louer le soin paternel de sa Providence pour fournir la nourriture et pourvoir à la conservation de ses créatures. Lorsqu'il voyait des fleurs, ou quelque autre chose belle et agréable, il en prenait occasion de penser à la perfection et beauté infinie de Dieu, et de dire en son cœur ces paroles qu'on a trouvées écrites de sa main : « Qu'est-ce qu'il y a de comparable à la beauté de Dieu, qui est le principe de toute la beauté et perfection des créatures ? N'est-ce pas de lui que les fleurs, les oiseaux, les astres, la lune et le soleil empruntent leur beauté ? » » Il dit un jour à sa communauté, qu'étant allé voir une personne malade et affligée d'un continuel mal de tête, elle souffrait cette incommodité avec une si grande patience, qu'il lui semblait voir sur son visage je ne sais quelle grâce, qui lui faisait connaître que Dieu résidait dans cette âme souffrante ; d'où il prit sujet de faire cette exclamation : « O l'heureux état que celui de souffrir pour l'amour de Dieu ! Combien est-il agréable à ses yeux, puisque son propre Fils a voulu couronner les actions héroïques de sa sainte vie d'un excès de douleurs qui l'ont fait mourir !

La pensée de la présence de Dieu nous rendra familière la pratique de faire incessamment sa volonté ; le souvenir de la divine présence s'établira peu à peu dans l'esprit, et par sa grâce se formera en habitude ; en sorte que nous serons enfin comme animés de cette divine présence. Combien pensez-vous, mes frères, qu'il y a de personnes même dans le monde, qui ne perdent presque point Dieu de vue ? Je me rencontrai ces jours passés avec une qui faisait conscience d'avoir été trois fois le jour distraite de la pensée de Dieu : ces gens-là seront nos juges, qui nous condamneront devant la majesté divine de l'oubli que nous avons pour elle, nous qui n'avons autre chose à faire qu'à l'aimer et h lui témoigner notre amour par nos regards et par nos services. Prions Notre Seigneur qu'il nous fasse la grâce de dire comme lui : ma nourriture et ma vie est de faire la volonté de Dieu ; supplions-le qu'il nous donne toujours une faim et une soif de cette justice ».

L'oraison étant comme une manne précieuse que Dieu a donnée à ses fidèles pour conserver et perfectionner la vie de leurs âmes, et comme une rosée céleste pour faire germer et croître dans leurs cœurs toutes sortes de vertus, il n'y a pas lieu de s'étonner si Vincent a fait toujours paraître une estime si particulière de ce saint exercice, et une si grande affection à le pratiquer et à le faire pratiquer aux autres.

Il ne manquait jamais tous les matins d'employer une heure à faire oraison mentale ; quelques affaires qu'il pût avoir, et en quelque lieu qu'il se rencontrât, et par préférence à toute autre bonne œuvre qui ne fût point d'obligation ou de nécessité : c'était pour consacrer à Dieu les prémices de la journée, et se disposer à passer saintement tout le reste. Il la faisait dans l'Église avec toute sa communauté ; et quelquefois, ne pouvant contenir tous les sentiments que le Saint-Esprit lui donnait, on l'entendait pousser avec ardeur des élans de son amour envers Dieu, et ses soupirs donnaient de la dévotion aux plus tièdes. Il a mis sa congrégation dans l'usage de ce saint exercice, et voulait que tous les jours chacun s'y appliquât ; il disait que les infirmes mêmes la pouvaient faire sans être incommodés, usant de la méthode qu'il leur enseignait, c'est à savoir, de s'y porter par les affections de la volonté plus que par l'application de l'entendement, se tenant doucement en la présence de Dieu, en formant des actes réitérés de résignation, de conformité à la volonté divine, de contrition de ses péchés, de patience, de confiance en la divine bonté, de remerciement de ses bienfaits, d'amour de Dieu et autres semblables.

On n'a pu découvrir quelle était l'oraison de Vincent, ni si elle était ordinaire ou extraordinaire, son humilité lui ayant toujours fait cacher les dons qu'il recevait de Dieu autant qu'il lui était possible; mais, qu'elle ait été en particulier, nous pouvons dire en général qu'elle a été assurément très parfaite, comme on le peut inférer avec raison des excellentes dispositions qu'il y apportait, et des grands fruits qu'il en retirait. Il voulait qu'on jugeât de la perfection et de la bonté de l'oraison par les dispositions qu'on y apportait, et par les fruits qu'on en retirait. Pour les dispositions, il disait qu'il n'en reconnaissait point de meilleures que l'humilité, la reconnaissance de son néant devant Dieu, la mortification des passions et des mouvements déréglés de la nature, la récollection intérieure, la droiture et simplicité de cœur, l'attention à la présence de Dieu, la dépendance entière de ses volontés, et les aspirations fréquentes vers sa bonté.

Mais s'il exhortait les autres à se mettre dans ces saintes dispositions, il s'y exerçait encore mieux lui-même, préparant ainsi continuellement son âme pour recevoir abondamment dans l'oraison les lumières et les grâces que Dieu y versait à pleines mains. Pour ce qui est des fruits qu'il recueillait dans son oraison, quoique les principaux nous soient inconnus, son humilité les lui ayant toujours fait couvrir du voile du silence, et n'a pas pu néanmoins se contenir de telle sorte, qu'il n'ait quelquefois paru comme un autre Moïse, sinon tout lumineux, au moins tout ardent de ferveur et d'amour au sortir des .communications qu'il avait eues avec sa divine Majesté, et l'on pouvait aisément juger par les paroles qu'il proférait de l'abondance de son cœur au sortir de ce saint exercice, quels étaient les effets qu'il avait produits dans son âme ; mais, outre cela, on peut dire avec vérité que toutes les actions de vertu qu'il a pratiquées durant le cours de sa vie, son humilité, sa patience, sa mortification, sa charité et généralement tout ce qu'il a fait pour la gloire et pour le service de Dieu, ont été les fruits de son oraison.

 

Fleurs Spirituelles

 

« Que celui qui veut que l'oraison lui soit très utile ne fasse aucun compte des consolations spirituelles. Je sais, par expérience, qu'une âme qui commence à entrer dans cette voie avec une vraie détermination d'être reconnaissante, soit que le Seigneur lui donne ces goûts et ces tendresses, soit qu'il ne les lui donne pas, à déjà fait une grande partie du voyage ». (Sainte Thérèse d'Avila).

« L'oraison, ainsi que toute prière vocale, doit être humble, fervente, persévérante, accompagnée de résignation et de confiance, considérant qu'on est en la présence de Dieu, et qu'on parle à celui devant qui les vertus célestes tremblent, saisies de respect et de crainte ». (Sainte Madeleine de Pazzi).

Pratique : Soyez très fidèles à vous rappeler souvent la présence de Dieu. Priez pour les personnes qui s'appliquent à la vie intérieure.

 

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14 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Quinzième jour

Son union parfaite au bon plaisir de Dieu par une entière résignation et indifférence

 

Saint Vincent considérait cette pratique comme un souverain remède à tous les maux : et quand on lui demandait comment on se pourrait corriger de quelque promptitude ou impatience, ou autre imperfection, ou bien vaincre quelque tentation, ou conserver la paix du cœur parmi les pertes et les souffrances, il répondait que ce serait en se conformant à la volonté de Dieu. Mais il voulait qu'on persistât courageusement en cette sainte pratique, et qu'on eût une affection persévérante à chercher de connaître et d'accomplir en toutes choses cette sainte et divine volonté ; et il ne pouvait souffrir en cela aucune relâche ni aucune remise, souhaitant que la volonté de Dieu fut comme le propre élément de l'âme, que ce fut l'air qu'elle respirât, et le bonheur auquel elle aspirât continuellement. Lorsque Notre Seigneur voulut enseigner le moyen d'arriver à la perfection à cet homme dont il est parlé dans l'Évangile, il lui dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive ». Or, je vous demande qui est-ce qui renonce plus à soi-même, qui porte mieux la croix de la mortification, et qui suit plus parfaitement Jésus-Christ, que celui qui s'étudie à ne faire jamais sa volonté et à faire toujours celle de Dieu ? L'écriture sainte dit aussi en quelque autre lieu, que celui qui adhère à Dieu, est un même esprit avec Dieu ; or, je vous le demande, qui est-ce qui adhère plus parfaitement à Dieu, que celui qui ne fait que la volonté de Dieu même, et jamais la sienne propre ; qui ne veut et ne souhaite que ce que Dieu veut ?

Oh ! que c'est-là un moyen bien court pour acquérir en cette vie un grand trésor de grâces ! Vincent a fait paraître son affection et sa fidélité à cette sainte pratique, d'une manière que l'on peut dire lui avoir été presque singulière, en ce qu'il n'est jamais entré dans aucun emploi, et n'a jamais procuré aucun avantage temporel à sa Congrégation, sinon autant qu'il connaissait manifestement que cela était conforme à la volonté de Dieu, et qu'il y était même fortement poussé par autrui. Il a fait à la vérité, son possible pour conserver les biens temporels que la Providence divine avait donnés à sa compagnie ; parce que Dieu le voulait ainsi, mais on ne l'a jamais vu aller au devant pour lui en procurer, ni faire aucune recherche ou sollicitation pour y attirer personne; et quoiqu'il soit licite et même louable de convier les autres à se mettre dans un état auquel ils puissent mieux servir Dieu, quand cela se fait par un pur zèle de sa gloire, néanmoins la dévotion de ce saint homme était d'attendre toujours le bon plaisir de Dieu pour le suivre, et de ne le prévenir jamais, ce qui est une vertu assez rare ; et il était tellement rempli et animé de ce désir, que la volonté de Dieu fut la souveraine sur son cœur, et sur tout ce qui pouvait dépendre de lui, qu'il tenait pour maxime de ne rien épargner, ni dépense, ni peine, ni même la vie quand il était question d'accomplir cette très sainte volonté.

Il voulait que, dans les aridités spirituelles et dans les infirmités du corps, on demeurât soumis au bon plaisir de Dieu et que l'on fut content dans tous les états où il lui plairait nous mettre, et qu'on ne désirât jamais d'en sortir, sinon autant que l'on connaîtrait lui être agréable ; et il disait que, selon son sentiment, c'était la pratique la plus excellente et la plus relevée en laquelle un chrétien et même un prêtre, pût s'exercer sur la terre. Il l'avait tellement à cœur, que c'était une de ses plus grandes joies que de voir ses enfants dans cette disposition : « Dieu soit loué, dit-il, à l'un d'eux dans une lettre qu'il lui écrivit, de ce que vous êtes prêt à foire en tout et partout sa très sainte volonté, et d'aller vivre et mourir en quelque part qu'il ait agréable de vous appeler. C'est la disposition des bons serviteurs de Dieu et des hommes vraiment apostoliques qui ne tiennent à rien ; c'est la marque des vrais enfants de Dieu, qui sont toujours en liberté de répondre aux desseins d'un si digne Père. Je l'en remercie pour vous avec un grand sentiment de tendresse et de reconnaissance, ne doutant pas que votre cœur, étant ainsi préparé, ne reçoive les grâces du Ciel en abondance, pour faire beaucoup de bien sur la terre comme j'en prie sa divine bonté ».

Vincent s'était prescrit comme une règle pour demeurer conforme à la volonté de Dieu, l'une et l'autre manière: premièrement, de se tenir incessamment dans une entière soumission au bon plaisir de Dieu pour tous les accidents les plus fâcheux qu'il lui plairait ordonner ou permettre, et dans une disposition et résolution, lorsqu'ils arriveraient, de les recevoir et accepter, non-seulement avec patience et soumission, mais aussi avec affection et avec joie, étant toujours très content que la sainte volonté de Dieu s'accomplit en lui, et que tous ses ordres fussent entièrement exécutés. Et pour ce qui est des choses que Dieu laissait en sa liberté, il agissait toujours selon ce qu'il connaissait être de plus agréable à sa divine Majesté, dressant à cette fin son intention au commencement de chacune de ses actions, et disant en son cœur : Mon Dieu je vais faire ceci, ou laisser cela, parce que je crois que telle est votre volonté et que vous l'avez ainsi agréable. De temps en temps, il renouvelait cette intention, afin que toujours et en toutes choses, il accomplit fidèlement et saintement la volonté de Dieu. Il appelait cet exercice de conformité à la volonté divine le trésor du chrétien, parce qu'il contenait en éminence celui de la mortification, de l'indifférence, de l'abnégation de soi-même, de l'imitation de Jésus-Christ, de l'union avec Dieu , et généralement de toutes les vertus, qui ne sont vertus que parce qu'elles sont agréables à Dieu et conformes à sa volonté, qui est la source et la règle de toute perfection. C'est principalement, dans les afflictions et les souffrances, soit intérieures, soit extérieures, que paraît le véritable amour de Dieu et la parfaite conformité à sa volonté, lorsque le cœur humain s'unit à son bon plaisir, acquiesçant, non seulement avec patience, mais aussi avec paix et joie, à toutes les dispositions de sa bonté divine, recevant et portant amoureusement les croix qu'elle lui envoie, parce que tel est son bon plaisir.

C'est ce qui se fait par la résignation; lorsque la volonté humaine se remet et se résigne entièrement entre les mains de Dieu, faisant un effort sur toutes ses répugnances naturelles, et les soumettant parfaitement au bon plaisir de sa divine Majesté. C'est ce que Vincent a excellemment pratiqué parmi toutes les croix, et les souffrances, par lesquelles Dieu a voulu éprouver sa vertu; car, en toutes ces fâcheuses rencontres, on ne lui entendait dire autre chose, que : « Dieu soit béni » ; « le nom de Dieu soit béni » : C'était-là son refrain ordinaire, par lequel il faisait connaître la disposition de son cœur, toujours prêt et résigné à toutes les volontés divines ; et il avait une telle affection et estime pour cette vertu, qu'un jour voyant un des siens touché d'un accident fâcheux arrivé à leur congrégation, il lui dit qu'un acte de résignation et d'acquiescement au bon plaisir de Dieu, valait mieux que cent mille bons succès temporels.

Voici comme il parla un jour à sa communauté sur ce sujet : « L'indifférence est un état de vertu, qui fait que l'on est tellement détaché des créatures, et si parfaitement uni à la volonté du Créateur, qu'on est presque sans aucun désir d'une chose plutôt que d'une autre. J'ai dit que c'est un état de vertu, et non pas simplement une vertu, laquelle doit agir dans cet état ; car il faut qu'elle soit active, et que par elle le cœur se dégage des choses qui le tiennent captif, autrement ce ne serait pas une vertu ; et cette vertu est non-seulement d'une grande excellence, mais aussi d'une singulière nécessité pour l'avancement en la vie spirituelle ; et même on peut dire qu'elle est nécessaire à tous ceux qui veulent parfaitement servir Dieu; car comment pouvons-nous chercher le royaume de Dieu, et nous employer à procurer la conversion des pécheurs, et le salut des âmes, si nous sommes attachés aux aises et aux commodités de la vie présente ? Comment accomplir la volonté de Dieu, si nous suivons les mouvements de la nôtre ? Comment renoncer à nous-mêmes, selon le conseil de notre Seigneur, si nous recherchons d'être estimés et applaudis ? Comment nous détacher de tout, si nous n'avons pas le courage de quitter une chose de néant qui nous arrête ? Voyez donc combien cette sainte indifférence nous est nécessaire, et quelle est l'obligation que nous avons de nous donner à Dieu pour l'acquérir, si nous voulons nous exempter d'être esclaves de nous-mêmes, ou, pour mieux dire, d'être esclaves d'une bête, puisque celui qui se laisse mener et dominer par sa partie animale ne mérite pas d'être appelé homme, mais plutôt d'être tenu pour une bête.

L'indifférence tient de la nature du parfait amour, ou, pour mieux dire, c'est une activité de ce parfait amour, qui porte la volonté à tout ce qui est de meilleur, et qui détruit tout ce qui l'empêche ; comme le feu, qui non-seulement tend à sa sphère, mais qui consume tout ce qui le retient, et c'est en ce sens que l'indifférence, selon la pensée d'un saint, est l'origine de toutes les vertus, et la mort de tous les vices.

Ô grand Saint Pierre ! vous le disiez bien, que vous aviez tout quitté, et vous le fîtes bien voir, lorsqu'ayant reconnu votre Maître sur le rivage de la mer, et que vous entendîtes son bien-aimé disciple, qui vous dit: c'est le Seigneur, vous vous jetâtes dans l'eau pour aller à lui; vous ne teniez point au bateau, ni à votre robe, ni à votre vie, mais seulement à ce divin Sauveur, qui était votre tout. Et vous, saint Paul, grand apôtre, qui, par une grâce très spéciale, dont vous avez été prévenu dès le moment de votre conversion, avez si parfaitement pratiqué cette vertu d'indifférence, en disant: Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Ce langage marquait un changement merveilleux, et un détachement qui n'avait pu être fait que par un coup de grâce, ayant été en un instant détaché de sa loi, de sa commission, de ses prétentions, de ses sentiments, et mis dans un état si parfait, qu'il était prêt et indifférent à tout ce que Dieu voudrait de lui. Si donc ces grands saints ont tant chéri et pratiqué cette vertu d'indifférence, nous devons les imiter et les suivre ; car les missionnaires ne sont point à eux, mais à Jésus-Christ, qui veut en disposer pour faire ce qu'il fait, et pour souffrir à son exemple. De même que mon Père m'a envoyé, disait-il à ses apôtres et à ses disciples, ainsi je vous envoie, et comme on m'a persécuté on vous persécutera.

Après toutes ces considérations, ne faut-il pas vider notre cœur de toute autre affection que de celle de nous conformer à Jésus-Christ, et de toute autre volonté que de celle de l'obéissance ? Il me semble que je vous y vois tous disposés, et j'espère que Dieu vous fera cette grâce. Oui, mon Dieu, je l'espère pour moi tout le premier, qui en ai tant besoin, à cause de mes misères, et de toutes mes attaches, dont je me vois presque dans l'impuissance de me retirer, et qui me fait dire en ma vieillesse, comme David : Seigneur, ayez pitié de moi ».

Vincent n'exhortait pas seulement en général les siens à cette sainte indifférence, il y portait encore un chacun d'eux en particulier dans les occasions qui s'en présentaient.

 

Fleurs Spirituelles

 

« Ne croyez pas être arrivé à la pureté que vous devez avoir, tant que vous ne serez pas constamment, entièrement et joyeusement soumis à la sainte volonté de Dieu en toutes choses, même dans celles qui répugnent le plus ». (Saint François de Sales).

« Il en est beaucoup qui disent à Dieu : « Je me donne tout à vous sans aucune réserve » ; mais il en est peu qui embrassent la pratique de cet abandon. Il consiste dans une certaine indifférence à recevoir de la main de Dieu toutes sortes d'accidents selon l'ordre de la divine Providence. (Saint François de Sales).

Pratique : Efforcez-vous aujourd'hui de vous tenir dans, une parfaite indifférence par rapport aux emplois dont on vous chargera, dans la vue d'accomplir la sainte volonté de Dieu. Priez pour les personnes qui tâchent de se conserver dans cette sainte indifférence.

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13 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Quatorzième jour

Amour de Saint Vincent pour Dieu

 

Si c'est une marque assurée d'un parfait amour de Dieu, selon le témoignage du disciple bien-aimé et bien aimant, de garder la loi de Dieu, et de se rendre obéissant et fidèle à sa parole, on peut dire avec vérité, que Vincent a beaucoup aimé Dieu, puisqu'il a été si fidèle et si exact à observer sa loi et à suivre ce qui est prescrit par sa sainte parole, que ceux qui l'ont le plus hanté et qui ont considéré de plus près tous ses déportements, assurent qu'il n'eût pas fallu être homme pour manquer moins que lui, et qu'il était tellement attentif sur lui-même, mortifié en ses passions, équitable en ses jugements, circonspect en ses paroles, prudent en sa conduite, exact en ses pratiques de piété, et enfin si parfaitement uni à Dieu, autant qu'on en pouvait juger à l'extérieur, qu'il paraissait assez que c'était l'amour divin qui animait son cœur, et qui régnait sur toutes les puissances de son âme, et même sur les organes et facultés de son corps, pour régler tous leurs mouvements et toutes leurs opérations selon les ordres de cette loi éternelle, qui est la première règle de toute justice et sainteté. Et l'on peut dire que toute sa vie était un sacrifice continuel qu'il faisait à Dieu, non-seulement des honneurs, commodités, plaisirs, et autres biens du monde, mais de tout ce qu'il avait reçu de sa main libérale, de ses lumières, de ses affections, de sa liberté, et de tout ce qui pouvait tomber en sa disposition ; et que la plus grande et la plus intime joie de son cœur était de penser à la gloire incompréhensible que Dieu possède en lui-même, à l'amour ineffable qu'il se porte, et aux infinies perfections qui sont renfermées dans l'unité et simplicité de sa divine essence.

Que ses plus ardents et continuels désirs étaient que Dieu fût de plus en plus connu, adoré, servi, obéi, aimé et glorifié en tous lieux, par toutes sortes de créatures ; et que tout ce qu'il faisait et disait, ne tendait autrement qu'à graver, autant qu'il était en lui, ce divin amour dans tous les cœurs, et particulièrement dans ceux de ses enfants, qui ont admiré et éprouvé la grâce de cette parfaite charité qui était en lui, et qui faisait ressentir ses ardeurs à ceux qui s'approchaient de sa personne. C'est ce qui les portait toujours à exécuter avec grande estime et dévotion toutes ses paroles, et même quelquefois à les recueillir jusques aux moindres : et néanmoins ils ont reconnu et confessé que les paroles de ce grand serviteur de Dieu avaient tout autre force en sa bouche que sur le papier, et que le même esprit qui animait son cœur, donnait une vertu et une énergie particulière à ses paroles, en sorte qu'on pouvait dire que c'étaient des paroles de grâce, qui pénétraient jusqu'au cœur de ceux qui l'écoutaient.

Or, ce grand amour que Vincent avait pour Dieu, s'est fait particulièrement connaître par la droiture et pureté de ses intentions, qui tendaient uniquement et incessamment à la grande gloire de sa divine Majesté : il faisait chaque chose, et même celles qui semblaient les plus petites dans la vue de Dieu, pour lui plaire et pour accomplir ce qu'il reconnaissait lui être le plus agréable. Aussi disait-il souvent, que Dieu ne regardait pas tant l'extérieur de nos actions que le degré d'amour et de pureté d'intention dans lequel nous les faisons ; que les petites actions faites pour plaire à Dieu, ne sont pas si sujettes à la vaine gloire que les autres actions plus éclatantes, qui bien souvent s'en vont en fumée ; et enfin que, si nous voulons plaire à Dieu dans les grandes actions, il faut nous habituer à lui plaire dans les petites.

Un jour, quelqu'un des siens s'étant accusé devant les autres d'avoir fait quelque action par respect humain, Vincent, tout animé de l'amour de Dieu, dit qu'il vaudrait mieux être jeté pieds et mains liés parmi les charbons ardents, que de faire une action pour plaire aux hommes. Ensuite, s'étant mis à faire d'un côté le dénombrement de quelques-unes des perfections divines, et de l'autre, des défauts, imperfections et misères des créatures, pour faire mieux voir l'injustice et la folie de ceux qui négligent de faire leurs actions pour Dieu, et qui perdent leurs temps et leurs peines pour n'avoir en ce qu'ils font que des vues basses et humaines, il ajouta ces paroles dignes de remarque : « Honorons toujours les perfections de Dieu ; prenons pour but de tout ce que nous avons à faire, celles qui sont les opposées à nos imperfections, comme sa douceur, sa clémence, directement opposées à notre colère; sa science, si contraire à notre aveuglement ; sa grandeur et sa majesté, si fort élevées au-dessus de notre bassesse et vileté : son infinie bonté toujours opposée à notre malice ; étudions-nous à faire toutes nos actions pour honorer et glorifier cette perfection, qui est directement contraire à nos défauts. Il ajouta que c'était cette direction et application, qui étaient comme l'âme de nos œuvres et qui rehaussaient grandement leur prix et leur valeur, se servant à ce sujet d'une comparaison familière des habits dont se revêtent les princes et les grands seigneurs aux jours de leurs triomphes et magnificences : « Car, disait-il, les habits ne sont pas ordinairement tant estimés pour l'étoffe dont ils sont faits, que pour les passements d'or et enrichissements de broderies, perles et pierres précieuses dont ils sont ornés ; de même il ne faut pas se contenter de faire des bonnes œuvres, mais il les faut enrichir et relever parle mérite d'une très noble et très sainte intention, les faisant uniquement pour plaire à Dieu et pour le glorifier ».

C'est dans cette même droiture d'intention qu'il avait souvent en bouche, et encore plus dans le cœur, ces paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ rapportées dans l'Évangile : « Cherchez premièrement le royaume des Cieux. Notre Seigneur, disait-il sur ce sujet, nous recommande par ces paroles de faire régner Dieu en nous, puis de coopérer avec lui à étendre et à amplifier son royaume dans la conquête des âmes. N'est-ce pas là un grand honneur pour nous, que d'être appelés à l'exécution d'un si grand et si important dessein ? N'est-ce pas agir comme les Anges, qui travaillent incessamment et uniquement pour l'agrandissement de ce royaume de Dieu ? Y a-t-il condition plus désirable que la nôtre, nous qui ne devons vivre que pour établir, accroître et agrandir le royaume de Dieu ? A quoi tiendra-t-il, mes frères, que nous ne répondions dignement à une vocation si sainte et si sanctifiante ? »

Saint Basile étant un jour interrogé par quel moyen on pouvait témoigner son amour envers Dieu, répondit : que c'était en faisant tout ce qu'on peut, et même s'il faut parler ainsi, pins qu'on ne pe t, pour accomplir continuellement, en toutes choses, la très sainte volonté de Dieu, avec un très-ardent désir de procurer l'accroissement de son honneur et de sa gloire ; et certes, ce n'est pas sans grande raison qu'il a parlé de la sorte ; car, puisque l'union qui se fait par l'amour est principalement des cœurs et des volontés; on ne saurait mieux faire paraître qu'on aime Dieu, que par une conformité et union parfaite de sa volonté avec celle de Dieu.

C'est ce que Vincent a saintement pratiqué ; et l'on peut dire que cette conformité de sa volonté avec celle de Dieu, était la propre, la principale, et comme la générale vertu de ce Saint homme, qui répandait ses influences sur toutes les autres ; c'était comme le maître-ressort qui faisait agir toutes les facultés de son âme et tous les arguments de son corps ; c'était le premier mobile de tous ses exercices de piété, de toutes ses plus saintes pratiques, et généralement de toutes ses actions, en sorte que, s'il se présentait devant Dieu en ses oraisons, s'il se rendait en tout temps et en toutes occasions si attentif à sa divine présence, c'était pour lui dire comme Saint Paul : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? S'il était si soigneux de consulter Dieu, de l'écouter et d'user d'une si grande circonspection, pour discerner les vraies inspirations qui venaient du Saint-Esprit, d'avec les fausses qui procédaient de la suggestion du démon, ou des mouvements déréglés de la nature, c'était pour connaître la volonté de Dieu, avec plus d'assurance, et pour se mettre plus en état de l'accomplir ; enfin, s'il rejetait si fortement toutes les maximes du monde, pour embrasser celles de l'Evangile, s'il renonçait si parfaitement à lui-même, s'il embrassait les croix avec tant d'affection, et s'il s'abandonnait à tout faire et à tout souffrir pour Dieu, c'était pour se conformer plus parfaitement à toutes les volontés de sa divine Majesté ; et il avait une telle estime de la pratique de cette sainte conformité, qu'il dit un jour de l'abondance de son cœur cette belle sentence : que se conformer en toutes choses à la volonté de Dieu et y prendre tout son plaisir, c'était vivre sur la terre d'une vie tout angélique, et même que c'était vivre de la vie de Jésus-Christ.

Il dit une autre fois sur ce même sujet, que Notre Seigneur était une communion continuelle aux âmes vertueuses qui se tenaient fidèlement et constamment unies à sa très sainte volonté, et qui avaient un même vouloir et un même non vouloir avec lui. Et comme il était tout rempli et pénétré de cette importante vérité, et qu'il connaissait par sa propre expérience les grâces et les bénédictions qui découlaient de cette conformité à la volonté de Dieu, il a toujours taché de l'inspirer dans tous les cœurs des autres et particulièrement de ceux de sa Congrégation, auxquels il en a même fait une règle particulière dans les termes suivants : « Et parce que la sainte pratique, qui consiste à faire toujours, et en toutes choses la volonté de Dieu, est un moyen assuré pour pouvoir acquérir bientôt la perfection chrétienne, chacun tâchera selon son possible, de se la rendre familière, en exécutant dûment les choses qui nous sont commandées, et fuyant soigneusement celles qui nous sont défendues, et cela toutes les fois qu'il nous appert que tel commandement et telle défense viennent de la part de Dieu ou de l'Église ou de nos supérieurs ou de nos règles et constitutions ». La perfection de l'amour, leur dit-il un jour, ne consiste pas dans les extases, mais à bien faire la volonté de Dieu : et celui-là entre tous les hommes sera le plus parfait qui aura sa volonté plus conforme à celle de Dieu; en sorte que notre perfection consiste à unir tellement notre volonté à celle de Dieu , que la sienne et la nôtre ne soient qu'un même vouloir et non-vouloir; et celui qui excellera davantage en ce point sera le plus parfait.

 

Fleurs Spirituelles

 

« Comme le Seigneur connaît ce qui est bon et utile à chacun de nous, il nous donne à tous ce qui peut contribuer davantage à sa gloire, à notre salut et au bien du prochain. C'est donc bien nous tromper, et consulter mal nos intérêts, que de ne pas nous abandonner entièrement à ce qu'il veut faire de nous ». (Sainte Thérèse d'Avila).

« Une des plus grandes raisons pour laquelle Jésus-Christ est venu sur la terre, et s'est donné à nous, c'est afin que l'homme connût jusqu'à quel point Dieu l'aime et que cette connaissance le portât à brûler d'amour pour celui qui l'a aimé si excessivement ». (Saint Augustin).

Pratique : Dans tous ce qui vous arrivera de fâcheux aujourd'hui, dites : « O mon Dieu, que votre volonté se fasse et non la mienne ». Priez pour les personnes qui dans leurs actions n'agissent pas purement pour Dieu.

 

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12 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Treizième jour

Égalité d'esprit de Saint Vincent

 

L'égalité d'esprit est une des marques plus assurées, ou plutôt un des plus excellents fruits de la parfaite mortification , par le moyen de laquelle on acquiert un tel empire, non-seulement sur ses sens extérieurs, mais aussi sur tous les mouvements intérieurs de son âme, que tout ce qui se passe au-dehors et tout ce qu'on peut ressentir au-dedans, n'est point capable d'apporter aucun trouble à celui qui s'est rendu maître de son cœur, et possesseur de cette vertu : de sorte qu'en la partie supérieure de son âme, il jouit d'une continuelle tranquillité, et demeure toujours dans une paisible possession de soi-même, et quelque accident qu'il lui puisse arriver, en quelques rencontres qu'il se puisse trouver et quoi que ce soit qu'on lui puisse dire ou faire, rien toutefois ne le peut altérer ni ébranler. On voit toujours reluire une même sérénité eu son visage, et une même retenue en toutes ses paroles et en toutes ses actions : sa voix ne change point de ton, et son cœur dans une même assiette, conserve tout le reste de son intérieur dans une constante égalité qui se fait même reconnaître à l'extérieur.

Voilà un petit portrait, quoique très imparfait, de l'état auquel Vincent était parvenu, ou plutôt auquel il avait été élevé par la pratique des vertus dont nous avons parlé, et particulièrement de la mortification qui semblait lui avoir parfaitement assujetti les mouvements de ses passions, en sorte qu'il n'en recevait aucun trouble, ni altération, retenant toujours son esprit dans une sainte égalité, qui se faisait connaître même sur son visage et sur toute la position de son extérieur.

Or, cette constance et égalité d'esprit de Vincent s'est rendu remarquable, dans sa manière de vivre, toujours humble et portée à la piété et à la charité, sans avoir jamais été interrompue par aucun désordre de jeunesse, ni par le relâchement au progrès de la vertu, pas même dans le déclin de son âge, et dans sa caducité. Il allait toujours son train ordinaire dans les actions spirituelles et dans la voie de la perfection, marchant droit à la suite de Notre Seigneur, et portant les siens à la pratique des maximes de l'Évangile et des règles de leur état, dont il leur donnait l'exemple en tous lieux et en tout temps, dans la tribulation et la consolation, dans la santé et dans la maladie, dans les grands froids et dans les excessives chaleurs ; parce que toutes ces choses lui étaient égales devant Dieu : ce qui se peut dire de tout le reste. On a souvent remarqué qu'en quelques affaires qu'il fut occupé, et même dans la plus grande presse et foule des importunités dont il était quelquefois accablé, si néanmoins quelqu'un venait pour l'interrompre et lui parler, il l'écoutait et lui répondait avec autant de présence d'esprit et de tranquillité que s'il n'eût eu aucune autre affaire: ce qui était une marque bien évidente de cette égalité en laquelle il maintenait son esprit. Elle s'est encore fait paraître plus merveilleusement dans la constance avec laquelle il a persévéré en toutes ses entreprises et occupations de piété, s'étant incessamment appliqué au service des pauvres, et à l'instruction des peuples.

Cette même égalité d'esprit a été aussi fort remarquable en lui dans la perte de plusieurs très bons sujets de sa Congrégation, qui ont été consumés par les travaux où il les avait engagés pour le service de Dieu ; car lorsqu'il apprenait la nouvelle de leur mort, quoique d'abord il en parût sensiblement touché, néanmoins recueillant aussitôt son esprit et l'élevant vers Dieu, il se conformait au bon plaisir de sa divine Majesté et demeurait ainsi dans une égalité ordinaire.

Il se possédait tellement que quand on lui disait des paroles piquantes, des injures et des calomnies, comme cela lui est arrivé, et même assez souvent, il se tenait toujours égal, ne répondant point autrement qu'à son ordinaire, sans aigreur, ni changement: ce que quelques personnes qui étaient présentes ont admiré en diverses rencontres , avouant qu'elles en ressentaient elles-mêmes quelque émotion, quoique ces injures ou calomnies ne les touchassent en rien.

 

Fleurs Spirituelles

 

« Toutes les fois qu'il nous survient quelque événement inattendu, soit des afflictions, soit des consolations spirituelles ou corporelles, nous devons tâcher de les recevoir avec égalité d'esprit, en pensant que tout nous vient de la main de Dieu ». (Saint Vincent De Paul).

« L'esprit de Jésus-Christ est un esprit de droiture, de sincérité et d'égalité ; celui qui est appelé à glorifier ce Dieu sauveur doit agir d'après son esprit ». (Saint Vincent De Paul).

Pratique : Tâchez de conserver votre âme en paix et dans le calme, dans les petites contrariétés qui pourraient vous survenir aujourd'hui. Priez pour les personnes qui ne savent pas réprimer leur humeur.

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11 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Douzième jour

Mortification extérieure et chasteté de Saint Vincent

 

Pour ce qui est de la mortification extérieure de Vincent, on peut dire avec vérité qu'elle allait d'un pas égal avec l'intérieure, c'est-à-dire qu'il la pratiquait parfaitement et presque sans aucune relâche ; car il a toujours traité son corps avec une très-grande rigueur jusqu'au temps de son extrême vieillesse, et même dans ses plus grandes infirmités; et outre ses pénitences et mortifications ordinaires, dont nous parlerons ci-après, il embrassait et recherchait toutes les occasions qu'il pouvait rencontrer de faire souffrir son corps, et particulièrement en sa manière de vivre pendant tout le voyage qu'il fit en l'année 1649 âgé de plus de soixante-dix ans, où les abstinences, les veilles, la violence du froid, et toutes les autres incommodités auxquelles il s'exposa, lui causèrent cette grande et fâcheuse maladie qui lui survint à Richelieu. Sur ce sujet, il disait que l'on pouvait pratiquer la mortification en toutes sortes de rencontres, tenant son corps dans quelque posture qui lui soit pénible, sans pourtant blesser la modestie, privant ses sens extérieurs des choses qui leur pourraient donner quelque satisfaction; souffrant volontiers les intempéries de l'air. C'est ce qu'il savait fort bien pratiquer lui-même, étant bien aise d'en trouver les occasions, et on a souvent pris garde, que pendant les plus grandes rigueurs de l'hiver, il exposait ses mains au froid, qui en paraissaient quelquefois toutes noirâtres, et les autres membres de son corps participaient à cette même incommodité, ne voulant point prendre d'autres chaussures, ni d'autres vêtements pour l'hiver que pour l'été.

Il arrivait souvent que par indisposition ou par quelque autre empêchement, il se trouvait toute la journée attaqué et presque accablé de sommeil, mais au lieu de réparer ce défaut par quelque peu de repos, il en prenait souvent occasion de se mortifier, se tenant debout, ou se mettant en quelque posture contraire, et se faisant d'autres violences, pour s'empêcher de dormir. On a remarqué qu'il n'a jamais rien rabattu de ses veilles dans son grand âge, se levant toujours à l'heure de la communauté, quoiqu'il fût le dernier couché, et avec cela, on le voyait des premiers à l'église, en quelque temps que ce fût, où il se tenait à genoux sur la terre pendant l'oraison, sans jamais avoir voulu permettre qu'on lui mit une natte sous les genoux.

Pour ce qui est de la mortification de ses sens, il la pratiquait presque continuellement et en toutes sortes d'occasions. Lorsqu'il allait par la ville, ou qu'il faisait voyage, au lieu d'égayer sa vue sur les champs ou sur la diversité des objets qu'il rencontrait, il tenait ordinairement ses yeux arrêtés sur un crucifix qu'il portait, ou il les tenait fermés pour ne voir que Dieu.

Jamais on ne lui a vu cueillir une fleur, ni en porter aucune pour se récréer par son odeur, mais, au contraire, quand il se rencontrait en quelque lieu, où il y avait des odeurs mauvaises, comme dans les hôpitaux, ou chez les pauvres malades, le désir qu'il avait de se mortifier lui faisait trouver agréable cette incommodité.

Pour le goût, il l'avait tellement mortifié, qu'il ne témoignait jamais à quelle sorte de viande il avait plus d'appétit. Il semblait même aller à regret prendre sa réfection, ne le faisant que pour satisfaire à la nécessité, et y gardant toute la bienséance possible, mangeant les choses qui lui étaient présentées en la vue de Dieu, et avec beaucoup de modestie: à quoi il avait tellement habitué les siens par son exemple, que plusieurs externes de toutes sortes de conditions qui ont mangé en son réfectoire en ont été grandement édifiés, comme ils l'ont déclaré eux-mêmes, admirant que, dans une action qui de soi semble porter à la dissolution, on y gardât une telle récollection et une si grande modestie et retenue.

Il ne sortait jamais de table, sans s'être mortifié en quelque chose, soit au boire, soit au manger, ainsi qu'il recommandait aux autres de faire.

Pour ce qui est des autres mortifications et austérités extérieures dont il usait, il les a toujours cachées autant qu'il a pu. Mais l'on s'est néanmoins bien aperçu qu'il exerçait de très-grandes rigueurs sur son corps.

Vincent portant ainsi en soi la mortification de Jésus-Christ, la vie du même Jésus-Christ selon la parole du Saint Apôtre, s'est aussi manifestée en lui par une pureté angélique et une chasteté à l'épreuve de tout ce qui lui pouvait être contraire, comme il a bien fait paraître en sa manière de converser lorsqu'il y était obligé, avec des personnes de l'autre sexe, et de tout âge, s'y étant toujours comporté de telle sorte, qu'il n'a jamais donné la moindre occasion à la calomnie, mais plutôt un sujet d'édification à un chacun. Or, comme il connaissait bien de quelle importance est cette vertu à ceux qui sont obligés de s'employer au bien spirituel des autres, et de traiter souvent avec le prochain, tels que sont les missionnaires, aussi leur donnait-il divers avis salutaires sur ce sujet : il leur disait, entre autres choses, que ce n'est pas assez aux missionnaires d'exceller en cette vertu, mais qu'ils doivent encore faire tout leur possible, et se comporter de telle sorte, que personne n'ait sujet de concevoir à leur égard aucun soupçon du vice contraire, parce que ce seul soupçon quoique mal fondé, nuisant à leur réputation, serait plus préjudiciable à leur saint emploi que tous les autres crimes qu'on pourrait leur imputer faussement. Selon cela, ajoutait-il, ne nous contentons pas d'user des moyens ordinaires pour prévenir ce mal, mais employons-y les extraordinaires si besoin est.

La pudeur de son cœur rejaillissait sur tout son visage, et réglait sa langue; ses paroles procédant d'une source très pure, faisaient évidemment voir que la chasteté lui était extrêmement précieuse. C'est pourquoi, selon la règle qu'il a donnée à ses enfants, il apportait toutes les précautions imaginables pour la conserver. Nous avons déjà vu combien il matait son corps par l'excès du travail et par sa pénitence continuelle, quelles étaient ses humiliations, et combien grande sa tempérance au boire et au manger.

Il tenait tous ses sens dans une grande retenue, particulièrement la vue, ne regardant ni légèrement, ni curieusement, ni hors de propos, ni d'un regard fixe les personnes de l'autre sexe ; il ne leur parlait point seul à seul, mais à la vue d'autres personnes, ou la porte ouverte.

Un Frère, souffrant des tentations contre la chasteté, à cause de la vue des objets qui se présentaient à lui, allant et venant pour les affaires de la maison, eut en pensée pour s'en défaire de sortir de la Congrégation de la Mission, et de se faire religieux solitaire; et en ayant écrit à Vincent, voici la réponse qu'il lui fit : « D'un côté j'ai reçu consolation de votre lettre, voyant votre candeur à découvrir ce qui se passe en vous ; mais d'un autre, elle m'a donné la même peine que Saint Bernard reçut autrefois d'un de ses religieux, qui, sous un prétexte d'une grande régularité, voulant quitter sa vocation pour passer à un autre ordre, quoique ce saint abbé lui dit que c'était une tentation, et que l'esprit malin ne demandait pas mieux que ce changement, sachant bien que s'il le pouvait ôter du premier état, il lui serait facile de le tirer du second, et après, de le précipiter de la vie, comme il arriva. Ce que je puis vous dire, mon cher frère, est que si vous n'êtes pas continent en la Mission, vous ne le serez en aucun lieu du monde, et de cela je vous en assure. Prenez garde qu'il n'y ait quelque légèreté dans le désir que vous avez de changer ; en ce cas, le remède après la prière, qui est nécessaire en tous nos besoins, serait de considérer qu'il n'y a aucune condition sur la terre en laquelle il n'arrive des dégoûts, et parfois des désirs de passer en d'autres; et après cette considération, estimez que Dieu vous ayant appelé en la Compagnie où vous êtes, il y a vraisemblablement attaché la grâce du salut, laquelle il vous refuserait ailleurs, où il ne vous appelle pas. Le second remède contre les tentations de la chair, est de fuir la communication et la vue des personnes qui les excitent, et de les communiquer aussitôt à votre directeur, lequel vous donnera d'autres remèdes. Celui que je vous conseille encore, est de vous confier fort en Notre Seigneur Jésus-Christ, et en l'assistance de l'immaculée conception de la Vierge sa Mère, à qui je vous recommanderai souvent ».

 

Fleurs Spirituelles

 

« La chasteté est la beauté inviolable des Saints, qui fleurit, comme la rose, au milieu du corps et de l'âme, et qui remplit toute la maison d'une très douce et très agréable odeur ». (Saint Ephrem).

« Il suffit d'un petit vent pour faire tomber les fleurs dont les arbres se parent au printemps ; et il ne faut quelquefois qu'une parole flatteuse pour perdre une âme chaste, plus tendre et plus délicate que les fleurs. (Père Nouet).

« La virginité est un profond silence des soins de la terre, le calme de tous les mouvements de la chair, l'affranchissement des vices, le règne de toutes les vertus ». (Saint Hildebert).

Pratique : Par amour pour Dieu, mortifiez aujourd'hui le sens de la vue, vous éviterez par-là beaucoup d'occasions de péché. Priez pour les personnes qui ont fait vœu de chasteté ou qui se préparent à le faire.

 

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10 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Onzième jour

Mortification de Saint Vincent

 

Il n'y a rien de plus grand ni de plus relevé dans la vie du chrétien, (comme dit Saint Ambroise), que d'exercer son âme dans la pratique des vertus, et pour cet effet, afin qu'elle apprenne à se soumettre, et qu'elle se rende docile à la conduite de la raison, en sorte que nonobstant les travaux et les difficultés qu'elle peut ressentir dans cet exercice, elle ne laisse pas de se porter courageusement à l'exécution des bons désirs et des saintes résolutions qu'elle aura conçus dans son cœur. Et certes, ce n'est pas sans raison que ce Saint docteur a parlé de la sorte, car puisque selon le sentiment du Sage, c'est une chose bien glorieuse que de suivre le Seigneur et que le premier pas qu'il faut faire pour marcher à sa suite, comme lui6même le déclare dans l'Évangile, c'est de renoncer à soi-même et de porter sa croix, il s'ensuit que le chrétien, doit regarder l'abnégation et la mortification comme un titre de noblesse, et comme une marque, qu'on .a l'honneur d'appartenir à Jésus-Christ et d'être de sa suite. Or, Vincent ayant toujours une profession particulière de suivre ce divin Sauveur et de marcher sur les traces de ses exemples, il n'y a pas lieu de douter qu'il n'ait été honoré de ses plus chères livrées, et que, selon la parole de l'apôtre, il n'ait porté en son corps la mortification de Jésus-Christ ; en sorte que sa vie n'a été presque qu'un sacrifice continuel de son corps et de tous ses sens, de son âme et de ses puissances, et enfin de tous les désirs et mouvements de son cœur; et c'est de l'abondance de ce cœur parfaitement mortifié, que s'entretenant un jour avec les siens, sur ces paroles de Jésus-Christ dans l'évangile, si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive.

C'est-là, leur dit-il, le conseil que Notre Seigneur donne à ceux qui se présentent à lui pour le suivre ; il leur déclare que la première démarche qu'il doivent faire est de renoncer à eux-mêmes et ensuite de porter leur croix, et puis persévérer constamment en l'un et en l'autre jusqu'à la fin. Mais nous pouvons bien appliquer à ce sujet ce que ce divin Sauveur a dit en une autre occasion : qu'il y en a peu qui se donnent vraiment à Jésus-Christ pour le suivre sous ces conditions. De là est venu que de tant de milliers de personnes qui le suivaient pour l'entendre, presque toutes l'ont abandonné et se sont retirées parce qu'elles ne le suivaient pas préparées de la sorte que Notre Seigneur leur disait qu'il le fallait être, et qu'elles n'étaient pas dans la disposition de se mortifier et de porter leur croix. C'est donc une nécessité à quiconque veut être disciple de ce divin maître, de renoncer à son propre jugement, à sa volonté, à ses sens, à ses passions, etc.

Par le jugement on entend la science, l'intelligence et le raisonnement. Oh ! Quel avantage pour un chrétien de soumettre ses lumières et sa raison pour l'amour de Dieu! qu'est-ce que cela, sinon suivre et imiter Jésus-Christ et lui faire un sacrifice de son propre jugement? Par exemple, on met une question en avant, chacun en dit son avis, on aime à montrer ce qu'on en pense, or, pour renoncer à soi-même en une telle occasion, il ne faut pas refuser d'en dire son sentiment, ruais il faut se tenir dans la disposition de soumettre son jugement et sa raison, en sorte que l'on suive volontiers, et même que l'on préfère le jugement d'autrui au sien propre.

Pour ce qui est de renoncer à sa propre volonté, Notre Seigneur nous en a donné l'exemple pendant tout le cours de sa vie et jusqu'à la mort, s'étant continuellement étudié de faire non sa volonté, mais celle de son père et d'accomplir en toutes choses ce qu'il connaissait lui être agréable. Oh que s'il plaisait à Dieu de nous prévenir de tant de grâces, que nous demeurassions toujours dans l'accomplissement de sa volonté, obéissant à ses commandements, aux règles de notre état et aux ordres de l'obéissance, nous serions alors les vrais disciples de son Fils; mais tant que nous serons attachés à notre propre volonté nous n'aurons point de disposition pour le suivre, ni de mérite à porter nos peines, ni de part avec lui.

Nous devons encore mortifier nos sens et veiller continuellement sur eux, pour les assujettir à Dieu! Oh ! Que la curiosité de voir et d'écouter est dangereuse, et qu'elle a de force pour détourner notre esprit de Dieu ! Que nous devons beaucoup prier Notre Seigneur, afin qu'il nous fasse la grâce de renoncer à cette curiosité qui a été la cause de la perte de nos premiers parents.

Jusqu'ici ce sont les paroles de Vincent que nous avons rapportées comme des fidèles expressions, non-seulement des pensées de son esprit, mais encore plus des affections et dispositions de son cœur, touchant cette vertu de mortification que l'on peut dire avoir été une de celles, qu'il a le plus universellement et constamment pratiquée pendant tout le cours de sa vie, et jusqu'à son dernier soupir. Il est vrai qu'il ne faisait pas paraître au-dehors une vie fort austère, estimant qu'une vie commune en apparence était la plus convenable pour réussir au service des peuples et des ecclésiastiques, auxquels Dieu l'avait destiné ; étant aussi la plus rapportante à la vie de Jésus-Christ et des Saints Apôtres, sur le modèle de laquelle il voulait élever les missionnaires de sa congrégation : et, par conséquent, il se croyait obligé de leur en donner l'exemple, se conformant à eux, pour l'extérieur d'une vie bien réglée, qui n'est ni trop large, ni trop étroite, ni trop douce, ni trop rigoureuse; mais, en son particulier, il se traitait fort âprement, faisant souffrir son corps en diverses manières, mortifiant sans cesse son intérieur, pour tenir l'un et l'autre parfaitement soumis aux volontés de Dieu : et cela d'une manière d'autant plus excellente et plus sainte, qu'elle paraissait moins aux yeux des hommes : en quoi il s'est rendu semblable à ce grain de froment dont parle Jésus-Christ dans l'Évangile, lequel, plus il est caché et enfoncé en terre, plus aussi il pousse ses tiges et multiplie ses fruits.

Il a mortifié cet amour de l'honneur et de la propre estime qui est si naturel à tous les hommes, et qui leur fait cacher avec tant de soin tout ce qui peut leur causerie moindre mépris ; car ce Saint Prêtre, réprimant cette inclination naturelle, ne laissait échapper aucune occasion de s'humilier, en parlant de sa basse naissance et de la pauvre condition de ses parents, qu'il ne l'embrassât très volontiers. Voici ce qu'il écrivit en l'année 1633 à l'un de ses prêtres. « Oh ! Monsieur, que nous sommes heureux de ce que nous honorons la parenté pauvre de Jésus par la nôtre pauvre et chétive! Je disais avec consolation ces jours passés, en prêchant à une communauté, que je suis le fils d'un pauvre paysan, et à une autre, que j'ai gardé les pourceaux. Croiriez-vous bien, Monsieur, que je crains d'en avoir de la vaine satisfaction, à cause de la peine que la nature en souffre ? Il est vrai, que le diable est bien fin et bien rusé ; mais certes celui-là l'est encore davantage, qui se tient honoré de la pauvre condition de l'enfant de Bethléem et de celle de ses saints parents ».

Vincent a aussi mortifié l'affection qu'il avait pour ses parents ; car ayant un très bon naturel, il aimait tendrement les siens, ainsi que lui-même l'a avoué, et néanmoins il a su fort bien mortifier cette affection et en faire un sacrifice à Jésus-Christ ; à ce sujet parlant un jour à sa communauté de l'éloignement des parents ordonné par ce divin Sauveur à ceux qui veulent le suivre : « il leur dit que plusieurs qui sont retournés en leur pays sont entrés dans les intérêts de leur famille et dans leurs sentiments de tristesse et de joie et qu'ils s'y sont fort embarrassés comme les mouches qui tombent dans les toiles d'une araignée d'où elles ne se peuvent tirer ».

On dit communément que comme du mouvement bien compassé de l'aiguille d'un cadran, il est aisé de connaître l'ajustement des roues et des autres pièces qui composent l'horloge, et qu'ainsi, de la bonne conduite de la langue on peut juger du bon état de tout le reste de l'intérieur, puisque les affections et les passions du cœur sont comme les maîtres ressorts qui lui donnent ordinairement le mouvement, et qui forment et animent ses paroles. Et certes, quand nous n'aurions point d'autres preuves de la mortification intérieure de Vincent, que cet empire absolu qu'il avait sur la conduite de sa langue, cela suffirait pour nous faire connaître qu'il a possédé cette vertu à un très haut degré de perfection, puisque selon la doctrine de l'apôtre Saint Jacques, celui qui ne pèche point en cette matière, peut-être appelé un homme parfait. Il s'était rendu tellement maître de sa langue, que le même apôtre appelle partie indomptable, qu'il ne lui échappait point ou très-peu de paroles inutiles ou superflues, et jamais de celles qui ressentent la médisance, la vanterie, la vanité, la flatterie, le mépris, la moquerie, l'impatience, ou autres semblables saillies d'une passion émue et déréglée.

Quand pour l'entretenir ou lui donner quelque satisfaction on lui rapportait quelque nouveauté ou quelque autre chose extraordinaire qu'il savait déjà, il l'écoutait avec attention, sans témoigner qu'il en eût aucune connaissance, tant pour mortifier l'amour-propre qui est toujours bien aise de faire paraître qu'il n'ignore pas ce que les autres savent, que pour ne point priver ceux qui lui parlait de la satisfaction qu'ils pouvaient ressentir de lui avoir appris quelque chose de nouveau. 11 savait surtout bien retenir sa langue, et lui imposer un rigoureux silence, lorsqu'on lui faisait des reproches, ou que par des emportements on le chargeait d'outrages et d'injures; car, quoique dans ces occasions la nature désire ardemment de se justifier et de repousser l'injure qui lui est faite, néanmoins, à l'imitation de son divin Maître, il se recueillait en lui-même, et mettait toute sa force dans le silence et dans la patience, bénissant en son cœur ceux qui le maudissaient, et priant pour ceux qui l'outrageaient.

Il a encore fait connaître combien il était mortifié en sa langue et quel empire il avait acquis sur cette partie si mal aisée à conduire, en ce que s'étant présenté une infinité d'occasions, qui l'invitaient et même qui semblaient l'obliger de parler de son esclavage de Tunis, étant une chose douce à la nature de raconter les périls et les accidents plus fâcheux, desquels on s'est heureusement dégagé, et particulièrement lorsque cela fait connaître quelque vertu qui est en nous, et que le succès peut tourner à notre propre louange; néanmoins, c'est une chose merveilleuse qu'en quelque rencontre que ce fût, on ne lui a jamais ouï dire un seul mot de son esclavage, ni de ce qu'il avait fait ou dit pour convertir celui qui le tenait captif, et pour se sauver avec lui des mains des infidèles.

Il parlait volontiers des sujets d'humiliation qui lui étaient arrivés, mais jamais de ce qui pouvait directement ou indirectement donner sujet de le foire estimer. Or, il est certain qu'il n'eût pu acquérir un tel empire sur sa langue, s'il ne se fût rendu maître absolu de ses sentiments et de ses mouvements intérieurs par une continuelle pratique de la mortification : il l'estimait d'une belle nécessité non-seulement pour la perfection, mais même pour le salut, que pour l'exprimer, il disait: que si une personne qui aurait déjà comme un pied dans le Ciel, venait à quitter l'exercice de cette vertu dans l'intervalle du temps qu'il faudrait pour y mettre l'autre, elle serait en péril de se perdre.

C'est le sujet pour lequel il a toujours tâché d'inspirer à ceux de sa compagnie un esprit de mortification intérieure, un grand dénuement et détachement de toutes choses, et une mort universelle à tous les sens, à tous les mouvements de la nature, à tout intérêt particulier, à tout amour-propre et recherche de soi-même, pour ne vivre que de la vie de l'esprit.

 

Fleurs Spirituelles

 

« Pour faire des progrès dans la vertu, il ne s'agit pas tant de se mortifier, que de choisir les meilleures mortifications. Ces mortifications sont celles qui sont plus opposées à nos inclinations naturelles ». (Saint François de Sales).

« Plus on mortifie ses inclinations naturelles, plus on se rend capable de recevoir des inspirations divines, et plus on fait des progrès dans la vertu ». (Saint François de Sales).

Pratique : Ne donnez aujourd'hui rien à l'amour-propre. Priez pour les personnes remplies d'elles-mêmes.

 

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9 juillet 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Le Mois de Saint Vincent de Paul

Lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

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Dixième jour

Parfait dégagement des biens de la terre, et amour de la pauvreté de Saint Vincent De Paul

 

Oh ! Que c'est une grande vertu, dit Saint Ambroise, de mépriser les biens de la terre ! Mais que cette vertu est rare, et qu'il y en a peu dans le monde qui la mettent en pratique. En effet, il y en a très peu qui aient le courage d'arracher entièrement de leurs cœurs cette malheureuse convoitise que l'Ecriture-Sainte appelle la racine de tous les maux, et qui puissent véritablement dire avec le Saint Apôtre : « Voilà, Seigneur, que nous avons tout quitté pour vous suivre et pour vous servir ». Heureux vraiment celui-là, qui comme dit le Sage, n'a point permis à son cœur de courir après l'or et l'argent, et qui n'a point mis ses espérances dans les richesses ni dans les trésors de la terre : où est-ce que nous le trouverons, pour lui donner les louanges qu'il a méritées, parce qu'il a fait des merveilles en sa vie.

Il ne serait pas nécessaire d'employer ici un plus long discours, pour faire remarquer cette vertueuse disposition en la personne de Vincent, puisque l'histoire de sa vie et le récit de ses grandes et saintes actions en fournissent des preuves très évidentes. Non, il ne faut pas s'étonner s'il a possédé les vertus en un si éminent degré, puisqu'il a si généreusement méprisé les richesses !

Il n'a jamais voulu avoir pour lui de chambre où il y eut une cheminée, quelque incommodité qu'il ressentit même dans un âge plus avancé, sinon quatre ou cinq ans avant sa mort, que toute sa communauté, voyant ses continuelles infirmités, l'y contraignit en quelque façon par les prières et les instances qu'elle lui en fit : de sorte que jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans, il n'a point voulu avoir d'autre retraite que dans une petite chambre sans lambris, sans natte et sans autres meubles qu'une simple table de Lois sans tapis, avec deux chaises de paille, et une chétive couchette qui n'était garnie que d'une paillasse avec une couverture et un traversin. Et comme un jour qu'il avait la fièvre, on y eut mis un petit pavillon, il l'ôta lui-même depuis et ne voulut point le souffrir : et non content de cela, il fit encore ôter de sa chambre quelques images qu'un dos frères de la maison y avait mis en divers temps, et n'en voulut retenir qu'une seule, disant que c'était contre la pauvreté d'en avoir plusieurs. Lorsqu'on faisait la visite des chambres, il voulait qu'on visitât la sienne aussi bien que les autres, pour en ôter tout ce qui serait superflu. De plus, quelqu'un ayant mis une petite pièce de vieille tapisserie à la porte de la chambre basse, où il demeurait pendant le jour pour y recevoir les personnes de dehors, et cela à cause d'un vent fort froid qui entrait par cette porte, aussitôt néanmoins qu'il s'en fut aperçu il la fit ôter.

Il allait prendre ordinairement sa réfection dans ce même esprit de pauvreté, disant souvent en lui-même : Ah ! misérable, tu n'as pas gagné le pain que tu manges ; et quand il pouvait attraper des morceaux restés aux autres, il les prenait pour les manger et pour en faire son repas.

On a remarqué sur le sujet, de cet amour qu'il avait pour la pauvreté, qu'il aimait à être nourri et vêtu pauvrement, et qu'il était ravi quand quelque chose lui manquait, soit pour le vivre ou pour le vêtement et les autres commodités de la vie ; pour cela il portait ordinairement ses soutanes fort usées et même rapiécées, et ses habits de-dessous fort pauvres, et quelquefois tout rompus. Un Seigneur de marque qui le visita un jour, lui voyant une soutane tout usée avec des pièces aux manches, en fut si touché, qu'étant sorti de chez lui, et se trouvant dans une bonne compagnie, il dit que la pauvreté et la propreté de Vincent l'avaient grandement édifié.

Lorsqu'il allait au Louvre pour parler à la Reine, ou pour assister au conseil, c'était toujours avec des habits ordinaires, pauvres et grossiers, sans vouloir jamais en prendre d'autres. Et un jour, Mr le Cardinal Mazarin le prenant par sa ceinture qui était toute déchirée, la fit considérer aux personnes de la compagnie, il dit en riant : « Voyez comme Mr Vincent vient habillé à la Cour, et la belle ceinture qu'il porte ! » Si quelqu'un de la maison lui représentait que son collet était tout déchiré, et qu'il en devait prendre un autre, ou bien que son chapeau était trop vieux, il tournait cela en raillerie, disant : « O mon frère, c'est tout ce que le Roi peut faire que d'avoir un collet qui ne soit pas rompu, et de porter un chapeau neuf ».

Quand il avait besoin de se chauffer en hiver, il ne voulait point qu'on mît sinon fort peu de bois au feu, craignant de faire le moindre dégât du bien de la maison, disant que c'était le bien de Dieu et le bien des pauvres, dont nous n'étions que Dispensateurs et non Seigneurs, et dont par conséquent il faudrait rendre un compte exact devant Dieu aussi bien que de tout le reste, qu'il fallait employer le nécessaire et jamais au delà.

Il s'est trouvé plusieurs fois à la campagne sans argent: et pressé du besoin de manger, il était ravi d'aller chez quelque particulier, ou chez quelque pauvre laboureur, demander un morceau de pain pour l'amour de Dieu : ce qui lui est arrivé particulièrement revenant un jour fort tard de Saint-Germain à Paris.

Comme son cœur était rempli de l'amour de cette vertu de pauvreté, dont il connaissait la valeur et l'excellence, il tâchait aussi d'y porter les siens et d'inspirer ce même esprit dans toute sa compagnie; sur quoi parlant un jour à ceux de sa communauté, il leur dit : « Vous devez savoir, Messieurs, que cette vertu de pauvreté est le fondement de cette congrégation de la Mission : cette langue qui vous parle, n'a jamais, par la grâce de Dieu, demandé chose aucune de toutes celles que la compagnie possède maintenant ; et quand il ne tiendrait qu'à faire un pas, ou à prononcer une seule parole pour faire que la compagnie s'établit dans les provinces et dans les grandes villes, et se multipliât en nombre et en emplois considérables, je ne la voudrais pas prononcer, et j'espère, que Notre Seigneur me ferait la grâce de ne la point dire. C'est la disposition en laquelle je suis, de laisser faire la Providence de Dieu ».

Témoignant une fois la crainte qu'il avait que l'affection de la pauvreté ne vint quelque jour à se ralentir parmi les siens, il leur dit : « Hélas ! que deviendra cette compagnie si l'attache aux biens du monde s'y met ? Que deviendra-t-elle si elle donne l'entrée à cette convoitise des biens, que l'apôtre dit être la racine de tous les maux ? Quelques grands Saints ont dit que la pauvreté est le nœud des religions : nous ne sommes pas à la vérité des religieux, n'ayant pas été trouvé expédient que nous le fussions, et nous ne sommes pas aussi dignes de l'être, bien que nous vivions en commun; mais il n'est pas moins véritable et nous le pouvons dire aussi, que la pauvreté est le nœud des communautés et particulièrement de la nôtre : c'est le nœud qui, la déliant de toutes les choses de la terre, l'attache parfaitement à Dieu. O Sauveur ! donnez-nous cette vertu, qui nous attache inséparablement à votre service, en sorte que nous ne voulions et ne cherchions plus désormais que vous seul et votre pure gloire ».

L'un de ses prêtres lui représentant un jour la pauvreté de la maison, il lui demanda : « Que faites-vous, Monsieur, quand vous manquez ainsi de ce qui est nécessaire pour la communauté ? Avez-vous recours à Dieu ? » — « Oui, quelquefois », répondit le Prêtre. — « Eh bien ! Lui répliqua-t-il, voilà ce que fait la pauvreté ; elle nous fait penser à Dieu, et élever notre cœur vers lui : au lieu que si nous étions accommodés nous oublierions peut-être Dieu : et c'est pour cela que j'ai une grande joie de ce que la pauvreté volontaire est réelle et en pratique, en toutes nos maisons. 1l y a une grâce cachée sous cette pauvreté, que nous ne connaissons pas ». — « Mais, lui répart ce Prêtre, vous procurez du bien aux autres pauvres, et vous laissez-là les vôtres ? » — « Je prie Dieu, lui dit Vincent, qu'il vous pardonne ces paroles ; je vois bien que vous les avez dites tout simplement: mais sachez que nous ne serons jamais plus riches que lorsque nous serons semblables à Jésus-Christ ».

 

Fleurs Spirituelles

 

« Soyons petits, et réjouissons-nous d'être pauvres ; sans cela nous ne serons pas de parfaits disciples de Jésus-Christ ». (Saint Vincent De Paul).

« Plus nous sommes pauvres et plus il faut nous confier à la Providence divine, à qui nous devons nous abandonner entièrement, soit pour les biens temporels, soit pour les biens spirituels ». (Saint Vincent De Paul).

« L'homme n'est jamais plus riche que lorsqu'il est semblable à Jésus-Christ ». (Saint Vincent De Paul).

Pratique : Supportez aujourd'hui avec patience et même avec joie les effets de la sainte pauvreté. Priez pour les personnes qui. ont encore quelque attache aux choses créées.

 

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30 juin 2017

Le Mois de Saint Vincent de Paul

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Le Mois de Saint Vincent de Paul

Ou lectures de piété sur ses vertus et ses œuvres pour chaque jour du mois de juillet

Par une religieuse de Saint Vincent de Paul

 

Notice sur la vie de Saint Vincent de Paul

 

Naissance et premières années de Saint Vincent de Paul

 

Ce fut l'an 1576, le mardi d'après Pâques, que Vincent De Paul prit naissance, dans le petit village de Pouy près de Dax. 1l naquit de parents dépourvus des biens de la fortune, et vivant de leur travail : en cela, il semble que Dieu ait voulu poser et établir sur cette humble et pauvre extraction, le premier fondement de l'édifice des vertus qu'il voulait élever en l'âme de son fidèle serviteur ; car comme a fort bien dit Saint Augustin, celui qui veut devenir grand devant Dieu doit commencer par une très profonde démission de lui-même, et plus il prétend élever l'édifice de ses vertus, plus il doit creuser les fondements de son Humilité. Et en effet, parmi les emplois les plus considérables auxquels Dieu destina ensuite Vincent De Paul, et au milieu des plus grands honneurs, qu'on rendait à sa vertu, son entretien le plus ordinaire était de la bassesse de sa naissance ; et on lui entendait souvent répéter en telles rencontres, qu'il n'était que le fils d'un pauvre paysan, qu'il avait gardé les pourceaux, etc. Oh ! que c'est une marque d'une vertu bien solide, que de conserver l'amour de son abjection, avilissement et mépris, au milieu des applaudissements et des louanges ! et que Saint Bernard a eu grande raison de dire que c'est une vertu bien rare que l'humilité honorée! et qu'il y en a peu qui arrivent à ce degré de perfection, que de rechercher les mépris lorsqu'ils sont poursuivis des honneurs !

Dès ses plus jeunes années, Vincent avait le cœur fort tendre sur les misères de son prochain, et était très prompt à les secourir autant qu'il était en lui de sorte qu'il pouvait dire avec cet ancien patriarche, que la miséricorde était née avec lui, et qu'il avait toujours eu une inclination particulière à exercer cette vertu ; on a remarqué que dans un âge où les autres enfants n'ont point encore le sentiment de cette tendre pitié, Vincent pouvait déjà servir d'exemple à beaucoup : il donnait tout ce qu'il pouvait aux pauvres ; et lorsque son père l'envoyait au moulin quérir la farine, s'il rencontrait des malheureux en son chemin, il ouvrait le sac et leur en donnait des poignées, quand il n'avait autre moyen de les secourir : de quoi son père, qui était homme de bien, témoignait n'être pas fâché. Et une autre fois, à l'âge de douze ans, ayant peu à peu amassé jusqu'à trente sous de ce qu'il avait pu gagner, qu'il estimait beaucoup en cet âge et en ce pays-là où l'argent était fort rare, et qu'il gardait bien chèrement, ayant néanmoins rencontré un pauvre qui paraissait dans une grande indulgence, étant touché d'un sentiment de compassion, il lui donna tout son petit trésor, sans s'en réserver aucune chose. Certes, si l'on veut faire quelque attention à l'attache naturelle que les jeunes enfants ont aux choses qui les accommodent et qui leur plaisent, on pourra juger que ce fut là un effet particulier des premières grâces que Dieu avait mises en cet enfant de bénédiction; et de là on pouvait présager ce grand et parfait détachement des créatures, et ce degré éminent de charité où Dieu le voulait élever.

Toutes ces bonnes dispositions d'esprit du jeune Vincent et ces inclinations au bien, firent résoudre son père de faire quelque petit effort, selon l'étendue fort médiocre de ses facultés, pour l'entretenir aux études, et à cette effet, il le mit en pension chez les pères Cordeliers de Dax. Ce fut environ l'an 1588, qu'il commença ses études par les premiers rudiments de la langue latine ; où il se comporta de telle sorte et fit un tel progrès, que quatre ans après Mr de Commet l'aîné, avocat de la ville de Dax et juge de Pouy, ayant appris des pères Cordeliers les bonnes qualités de ce jeune écolier, conçut une affection toute particulière pour lui, et l'ayant retiré du couvent, le reçut en sa maison pour être précepteur de ses enfants, afin que, prenant soin de leur instruction et conduite, il eut moyen, sans être davantage à charge à son père, de continuer ses études : ce qu'il fit avec un très grand profit, ayant employé neuf ans à étudier en la ville de Dax au bout desquels Mr de Commet, qui était une personne de mérite et de piété, étant très satisfait du service que le jeune Vincent lui avait rendu en la personne de ses enfants, et de l'édification que toute sa famille avait reçue de sa vertu et sage conduite, qui surpassait de beaucoup son âge, jugea qu'il ne fallait pas laisser cette lampe sous le boisseau, et qu'il serait avantageux à l'Eglise, de l'élever sur le chandelier ; et pour cette raison, il porta Vincent De Paul, qui avait grand respect pour lui, et qui le regardait comme son second père, à s'offrir à Dieu pour le servir dans l'état ecclésiastique, et lui fit prendre la tonsure et les quatre ordres qu'on appelle mineurs, le 20 décembre 1599, étant alors âgé de 20 ans. — Il fut promu au saint ordre de prêtrise le 23 septembre 1600. On n'a pu savoir en quel lieu, ni même en quel temps il célébra sa première messe ; mais on a ouï dire qu'il avait un telle appréhension de la majesté de cette action toute divine, qu'il en tremblait, et, n'ayant pas le courage de la célébrer publiquement, il choisit plutôt de la dire à l'écart dans une chapelle retirée, assisté seulement d'un prêtre et d'un servant.

Ce fut enfin l'an 1625 que ce fidèle serviteur de Dieu, après avoir vogué plusieurs années sur la mer orageuse du monde, aborda par une conduite toute particulière de la divine Providence, en la retraite du Collège des Bons Enfants, comme en un port assuré, pour y commencer une vie toute apostolique, et en renonçant absolument aux honneurs, aux dignités et aux autres biens du monde, y faire une profession particulière de travailler à sa propre perfection et au salut des peuples, dans la pratique des vertus que Jésus-Christ a enseignées, et dont il a laissé de si beaux exemples.

Ce fut en ce lieu qu'il jeta les premiers fondements de la Congrégation de la Mission, toute dédiée comme celle des premiers disciples de Jésus Christ à suivre ce grand et premier Missionnaire venu du ciel, et à travailler au même ouvrage auquel il s'est employé pendant le temps de sa vie mortelle.

Or, pour mieux pénétrer dans les desseins de Dieu, touchant cette nouvelle institution de la Congrégation de la Mission, il est nécessaire de bien connaître quel a été celui duquel sa Providence infiniment sage en toutes ses conduites, a voulu se servir, pour en être le premier instituteur et comment il lui a donné toutes les qualités du corps et de l'esprit convenables pour bien réussir dans une entreprise si importante à sa gloire et au bien de son Eglise. Il est vrai qu'il ne sera pas aisé de représenter ce que ce grand Serviteur de Dieu s'est toujours efforcé de cacher autant qu'il lui a été possible sous le voile d'une très profonde humilité, c'est pourquoi nous ne pouvons dire que ce que la charité ou l'obéissance l'ont obligé de produire au dehors, dont néanmoins la principale partie, qui était toute intérieure et spirituelle, nous est inconnue : et partant, nous en présenterons dans le jour suivant une ébauche, laquelle quoique fort imparfaite et grossière, ne laissera pas de donner quelques lumières, pour mieux concevoir tout ce que nous avons à rapporter dans la suite de ce mois, du grand Saint Vincent De Paul !

 

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Premier jour

Les dispositions de corps et d'esprit de Saint Vincent et les qualités de sa conduite

 

Pour ce qui est du corps, Vincent était d'une taille moyenne et bien proportionnée ; il avait la tête un peu chauve et assez grosse, mais bien faite par une juste proportion au reste du corps ; le front large et majestueux, le visage ni trop plein, ni trop maigre ; son regard était doux, sa vue pénétrante, son ouïe subtile, son port grave, et sa gravité bénigne ; sa contenance simple et naïve, son abord fort affable, et son naturel grandement bon et aimable.

Il était d'un tempérament bilieux et sanguin et d'une complexion assez forte et robuste ; ce qui n'empêchait pas pourtant qu'il fut plus sensible qu'il ne semblait aux impressions de l'air, et ensuite fort sujet aux atteintes de la fièvre.

Il avait l'esprit grand, posé, circonspect, capable de grandes choses, et difficile à surprendre. Il n'entrait pas légèrement dans la connaissance des affaires ; mais lorsqu'il s'y appliquait sérieusement, il les pénétrait jusqu'à la moelle, il en découvrait toutes les circonstances petites et grandes, il en prévoyait les inconvénients et les suites, et néanmoins de peur de se tromper, il n'en portait point jugement d'abord, s'il n'était pressé de le faire, et il ne déterminait rien qu'il n'eût balancé les raisons pour et contre, étant même bien aise d'en concerter encore avec d'autres : lorsqu'il lui fallait dire son avis, ou prendre quelque résolution, il développait la question avec tant d'ordre et de clarté, qu'il étonnait les plus experts, surtout dans les matières spirituelles et ecclésiastiques. Il ne s'empressait jamais dans les affaires, et ne se troublait point par leur multitude, ni pour les difficultés qui s'y rencontraient; mais avec une présence et une force d'esprit infatigable, il les entreprenait et s'y appliquait avec ordre et lumière, et en portait le poids et la peine avec patience et tranquillité. Quand il était question de traiter d'affaires, il écoutait volontiers les autres, sans interrompre jamais aucun pendant qu'il parlait ; et néanmoins il supportait sans peine qu'on l'interrompît, s'arrêtant tout court, et puis reprenait le fil de son discours. Lorsqu'il donnait son avis sur quelque chose, il ne s'étendait pas beaucoup en discours, mais déclarait ses pensées en bons termes, ayant une certaine éloquence naturelle, non-seulement pour s'expliquer nettement et solidement, mais aussi pour toucher et persuader avec des paroles fort affectives, ceux qui l'écoutaient, quand il s'agissait de les porter au bien. Il faisait en tous ses discours un juste mélange de la prudence et de la simplicité, il disait sincèrement les choses comme il les pensait, et néanmoins il savait fort bien se taire sur celles où il voyait quelque inconvénient de parler; il se tenait toujours présent à lui-même, et attentif à ne rien dire ni écrire de mal digéré, ou qui témoignât aucune aigreur, mésestime ou défaut de charité envers qui que ce fût.

Son esprit était fort éloigné des changements, nouveautés et singularités, et tenait pour maxime, quand les choses étaient bien, de ne les pas changer facilement, sous prétexte de les mettre mieux. 1l se défiait de toutes sortes de propositions nouvelles et extraordinaires, spéculatives ou de pratique, et se tenait ferme aux usages et sentiments communs, surtout en fait de religion.

Il avait le cœur fort tendre, noble et généreux, libéral, et facile à concevoir de l'affection pour ce qu'il voyait être vraiment bon et selon Dieu ; et néanmoins il avait un empire absolu sur tous ses mouvements, et tenait ses passions si sujettes à la raison, qu'à peine pouvait-on s'apercevoir qu'il en eût.

Enfin, quoique l'on ne puisse pas dire qu'il n'eût point de défauts, l'Ecriture sainte y contredisant, et les apôtres mêmes ni les autres saints n'en ayant pas été exempts, il est pourtant véritable qu'il ne s'est guère vu d'hommes en ce siècle exposés comme lui à toutes sortes d'occasions, d'affaires et de personnes, en qui on ait trouvé moins à redire, Dieu lui ayant fait la grâce de se posséder toujours à un tel point que rien ne le surprenait, et il avait si bien en vue Notre Seigneur Jésus Christ qu'il moulait tout ce qu'il avait à dire ou à faire sur ce divin Original. C'est sur ce principe qu'il s'est comporté avec tant de circonspection et de retenue envers les plus grands, et avec tant d'affabilité et de bonté envers les plus petits, que sa vie et sa conduite ont toujours été non-seulement sans reproche, mais aussi dans une approbation universelle et publique.

Vincent avait tellement pris à cœur la pratique de l'humilité et de l'avilissement de soi-même, qu'à l'ouïr parler il semblait qu'il ne voyait en lui que vice et péché ; il souhaitait qu'on l'aidât à remercier Dieu, non tant des grâces singulières que sa libéralité lui communiquait, que de la patience que sa divine miséricorde exerçait envers lui, le supportant, comme il disait ordinairement, en ses abominations et infidélités. Ce n'est pas que, dans le secret de son cœur, il ne fût plein de reconnaissance des grandes faveurs et des dons excellents qu'il recevait de la main de Dieu; mais il n'en parlait point, craignant de s'attribuer aucun bien, et regardant toutes ces grâces comme des biens de Dieu dont il se jugeait très indigne, et lesquels, quoiqu'ils fussent en lui, n'étaient pas pourtant de lui ni à lui, mais uniquement de Dieu et à Dieu : de sorte qu'à l'exemple du grand Apôtre, il ne faisait parade que de ses faiblesses et de ses infirmités, et cachait soigneusement tout le reste : au contraire, fermant les yeux à la faiblesse et aux défauts des autres, particulièrement de ceux de la conduite desquels il n'était pas chargé, il manifestait volontiers le bien qu'il reconnaissait en eux, non pour le leur attribuer, sais pour en glorifier Dieu, qui est le souverain auteur de tout bien. Il disait : « qu'il y avait des personnes qui pensent toujours bien de leur prochain, autant que la vraie charité le leur peut permettre, et qui ne peuvent voir la vertu sans la louer, ni les personnes vertueuses sans les aimer ». C'est ainsi qu'il le pratiquait lui-même, toujours néanmoins avec grande prudence et discrétion : car pour les siens, il ne les louait que très rarement en leur présence, et seulement quand il le jugeait expédient pour la gloire de Dieu et pour leur plus grand bien ; mais pour les autres personnes vertueuses, il se conjouissait volontiers avec elles des grâces qu'elles recevaient de Dieu et du bon usage qu'elles en faisaient, et en parlait quand il le jugeait convenable pour les encourager à la persévérance dans le bien.

Enfin, pour exprimer en peu de paroles ce que nous dirons plus amplement dans la suite de ce mois, touchant les vertus de Vincent, il s'était proposé Jésus comme l'unique exemplaire de sa vie, et il avait si bien imprimé son image dans son esprit, et possédait si parfaitement ses maximes, qu'il ne parlait, ne pensait, ni n'opérait, qu'à son imitation et par sa conduite. La vie de ce divin Sauveur et la doctrine de son Evangile étaient la seule règle de sa vie et de ses actions; c'étaient toute la morale et toute la politique selon lesquelles il se réglait soi-même et toutes les affaires qui passaient par ses mains ; c'était en un mot, l'unique fondement sur lequel il élevait son édifice spirituel : de sorte que l'on peut dire avec vérité qu'il nous a laissé, sans y penser, un tableau raccourci des perfections de son âme, et marqué sa divise particulière dans ces belles paroles qu'il dit un jour de l'abondance de son cœur : « Rien ne me plaît qu'en Jésus Christ ! » De cette source procédaient la fermeté et la constance inébranlables qu'il avait dans le bien, lesquelles ne fléchissaient jamais par aucune considération ni de respect humain, ni de propre intérêt, et qui le tenaient toujours disposé à soutenir toutes les contradictions, souffrir toutes les persécutions, et, comme dit le Sage, agoniser jusqu'à la mort pour la défense de la justice et de la vérité. C'est ce qu'il déclara encore, sur la fin de sa vie, en ces termes bien remarquables : « Qui dit doctrine de Jésus-Christ, dit un rocher inébranlable ; il dit des vérités éternelles qui sont suivies infailliblement de leurs effets; de sorte que le Ciel renverserait plutôt que la doctrine de Jésus-Christ vint à manquer ».

Vincent n'avait pas seulement rempli son cœur et son esprit de ses maximes et vérités évangéliques, mais il s'étudiait, en toutes occasions, à les répandre dans les esprits et dans les cœurs des autres, et particulièrement de ceux de sa Compagnie ; voici comment il leur parlait un jour sur ce sujet : « Il faut, dit-il, que la compagnie se donne à Dieu pour se nourrir de cette ambroisie du Ciel, pour vivre de la manière que notre Seigneur a vécu, et pour tourner toutes nos conduites vers lui, et les mouler sur les siennes ». Il a mis pour première maxime, de chercher toujours la gloire de Dieu, et sa justice toujours et avant toute autre chose. Oh ! Que cela est beau, de chercher premièrement le règne de Dieu en nous, et le procurer à autrui ! Une compagnie qui serait dans cette maxime d'avancer de plus en plus la gloire de Dieu, combien avancerait-elle aussi son propre bonheur ? Quel sujet n'aurait-elle pas d'espérer que tout lui tournerait en bien ? S'il plaisait à Dieu nous faire cette grâce, notre bonheur serait incomparable. Si, dans le monde, quand on entreprend un voyage, on prend garde si l'on est dans le droit chemin, combien plus ceux qui font profession de suivre Jésus dans la pratique des maximes évangéliques (particulièrement de celle-ci, par laquelle ils nous ordonne de chercher en toutes choses la gloire de Dieu) doivent-ils prendre garde ce qu'ils font, et se demander : Pourquoi fais-tu ceci ou cela ? Est-ce pour te satisfaire ? Est-ce parce que tu as aversion à d'autres choses ? Est-ce pour complaire à quelque chétive créature ? mais plutôt n'est-ce pas pour accomplir le bon plaisir de Dieu et chercher sa justice ? Quelle vie ! Quelle vie serait celle-là ? Serait-ce une vie humaine ? Non, elle serait une vie tout angélique, puisque c'est purement pour l'amour de Dieu que je ferais tout ce que je ferais, et que je laisserais à faire tout ce que je ne ferais pas. — Quand on ajoute à cela la pratique de faire en toutes choses la volonté de Dieu, qui doit être comme l'âme de la compagnie et une des pratiques qu'elle doit avoir bien avant dans le cœur, c'est pour nous donner à un chacun en particulier un moyen de perfection, facile, excellent et infaillible, et qui fait que nos actions ne sont pas actions humaines, ni même seulement angéliques, mais en quelque façon divines, puisqu'elles se font en Dieu et par le mouvement de son esprit et de sa grâce. Quelle vie ! Quelle vie serait celle des missionnaires ! Quelle compagnie si elle s'établissait bien là dedans !

Vincent ajoutait encore à cela deux maximes très importantes, qu'il possédait parfaitement dans son cœur, et qu'il s'efforçait particulièrement d'imprimer, dans le cœur des siens.

La première était de ne pas se contenter d'avoir un amour affectif envers Dieu, et de concevoir de grands sentiments de sa bonté et de grands désirs de sa gloire, mais de rendre cet amour effectif, et, comme a dit Saint Grégoire, en donner des preuves par les œuvres ; au sujet de quoi parlant un jour à ceux de sa communauté, il leur dit :

« Aimons Dieu, mes frères, aimons Dieu ; mais que ce soit aux dépens de nos bras, que ce soit à la sueur de nos visages ; car bien souvent, tant d'actes d'amour de Dieu, de complaisance, de bienveillance, et autres affections semblables et pratiques intérieures d'un cœur tendre, quoique très bonnes et très désirables, sont néanmoins très suspectes quand on n'en vient point à la pratique de l'amour effectif. En cela, dit Notre Seigneur, mon père est glorifié que vous rapportiez beaucoup de fruit. Et c'est en quoi nous devons bien prendre garde; car il y en a plusieurs qui, pour avoir l'extérieur bien composé et l'intérieur rempli de grands sentiments de Dieu, s'arrêtent à cela ; et quand ce vient au fait, et qu'ils se trouvent dans les occasions d'agir, ils demeurent court. Ils se flattent de leur imagination échauffée, ils se contentent des doux entretiens qu'ils ont avec Dieu dans l'oraison, ils en parlent même comme des anges ; mais au sortir de là, est-il question de travailler pour Dieu, de souffrir, de se mortifier, d'instruire les pauvres, d'aller chercher les brebis égarées, d'aimer qui leur manque quelque chose, d'agréer les maladies, ou quelque autre disgrâce, hélas ! Il n'y a plus personne, le courage leur manque. Et cependant, il n'y a que nos œuvres qui nous accompagnent en l'autre vie ; faisons donc, ajoutait-il, réflexion à cela, d'autant plus qu'en ce siècle il y en a plusieurs qui semblent vertueux, et qui en effet le sont, qui néanmoins inclinent à une voie douce et molle plutôt qu'à une dévotion laborieuse et solide. L'Eglise est comparée à une grande moisson qui requiert des ouvriers, mais des ouvriers qui travaillent. Il n'y a rien de plus conforme à l'Evangile qui d'amasser d'un côté des lumières et des forces pour son âme dans l'oraison, dans la lecture et la solitude, et d'aller ensuite faire part aux hommes de cette nourriture spirituelle ; c'est faire comme notre Seigneur a fait, et après lui ses apôtres ; c'est joindre l'office de Marthe et de Marie ; c'est imiter la colombe qui digère à moitié la pâture qu'elle a prise, et puis met le reste par son bec dans celui de ses petits pour les nourrir. Voilà comme nous devons témoigner à Dieu par nos œuvres que nous l'aimons ».

La seconde maxime de ce grand Serviteur de Dieu, était de regarder Jésus-Christ dans les autres pour exciter plus efficacement son cœur à leur rendre tous les devoirs de la charité. Il regardait ce divin Sauveur comme pontife et chef de l'église dans notre saint père le Pape, comme évêque et prince des pasteurs dans les évêques, docteur dans les docteurs, prêtre dans les prêtres, religieux dans les religieux, souverain et puissant dans les rois, noble dans les gentils-hommes, juge et très-sage politique dans les magistrats, gouverneurs et autres officiers : et le royaume de Dieu étant comparé dans l'Evangile à un marchand, il le considérait comme tel dans les hommes de trafic, ouvrier dans les artisans, pauvre dans les pauvres, infirme et agonisant dans les malades et mourants ; et considérant ainsi Jésus-Christ en tous ces états, et en chaque état voyant une image de ce souverain Seigneur, qui reluisait en la personne de son prochain, il s'excitait par cette vue à honorer, respecter, aimer et servir un chacun en notre Seigneur, et notre Seigneur en un chacun, conviant les siens et ceux auxquels il en parlait d'entrer dans cette maxime, et de s'en servir pour rendre leur charité plus constante, et plus parfaite envers le prochain.

Voilà un petit crayon en général de l'esprit de Vincent, dont il a lui-même tracé de sa propre main la plus grande partie, sans y penser, et même contre son dessein, qui était toujours de se cacher, et de couvrir les dons et les vertus qu'il avait reçus du voile du silence et de l'humilité : mais Dieu a voulu qu'il se soit innocemment trompé, et en quelque façon trahi lui-même pour mieux faire connaître les grâces et les excellentes qualités qu'il avait abondamment versées dans son âme, afin de le rendre un digne instrument de sa gloire, et se servir de lui dans les grandes choses qu'il voulait opérer, par son moyen, pour le plus grand bien de son Eglise ; et pour recueillir en peu de paroles ce qui a été dit de la conduite de Vincent, on peut dire avec vérité, qu'elle a été :

1° Sainte, ayant eu uniquement Dieu pour objet : qu'elle allait à Dieu, qu'elle y menait les autres, et lui rapportait toutes choses comme à leur dernière fin. 2° Humble, se défiant de ses propres lumières, prenant conseil dans ses doutes, et se confiant à l'esprit de Jésus-Christ, comme à son guide et à son docteur. 3e Douce en sa manière d'agir, condescendant aux faiblesses, et s'accommodant aux forces, à l'inclination, à l'état des personnes. 4° Ferme pour l'accomplissement des volontés de Dieu, et pour ce qui concernait l'avancement spirituel des siens et le bon ordre des communautés, sans se rebuter par les contradictions ni se laisser abattre par les difficultés. 5° Droite, pour ne pas éviter, ni se détourner des voies de Dieu, par aucun respect humain. 6° Simple, rejetant tout artifice, duplicité, feinte et toute prudence de la chair. 7° Prudente dans le choix des moyens propres pour parvenir à la fin unique qu'il se proposait en tout, qui était l'accomplissement de ce qu'il connaissait être le plus agréable à Dieu, prenant garde, dans l'emploi de ces moyens, et en tout ce qu'il faisait, de ne choquer ni contrister personne, autant que cela pouvait dépendre de lui, et évitant judicieusement les obstacles, ou les surmontant par sa patience et par ses prières. 8° Secrète, pour ne divulguer les affaires avant le temps, ni les communiquer à d'autres qu'à ceux auxquels il était expédient d'en parler. Il disait sur ce sujet : « Que le démon se jouait des bonnes œuvres découvertes et divulguées sans nécessité, et qu'elles étaient comme des mines éventées qui demeurent sans effet ». 9° Réservée et circonspecte, pour ne s'engager pas trop à la légère, et pour ne rien précipiter ni trop s'avancer. 10° Enfin désintéressée, ne cherchant ni honneur, ni propre satisfaction, ni aucun bien périssable, mais uniquement, à l'imitation de son divin maître, la seule gloire de Dieu, le salut et la sanctification des âmes.

 

Fleurs Spirituelles

 

« Faites fidèlement à tout moment ce que le Seigneur voudra de vous, et laissez à Dieu de penser à autre chose : Je vous assure qu'en vivant ainsi, vous éprouverez une grande paix ». (Sainte Jeanne-Françoise de Chantal).

« Les œuvres de Dieu se font presque toujours peu à peu, et ont leur commencement et leur progrès. On ne doit pas prétendre faire tout en une seule fois à la hâte, ni penser que tout est perdu, si l'on ne devient pas parfait tout-à-coup. Il faut toujours marcher, mais sans s'inquiéter ; prier beaucoup le Seigneur, et se servir des moyens suggérés par l'esprit de Dieu, sans avoir aucun égard aux fausses règles du siècle. (Saint Vincent De paul).

 

Pratique : A l'exemple de Saint Vincent De Paul, tâchez aujourd'hui de faire vos différentes actions le plus parfaitement possible. Priez pour les Sœurs servantes des Pauvres.

 

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15 juin 2017

Le Jubilé des 400 ans du Charisme de Saint Vincent De Paul

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Le 400e anniversaire du charisme vincentien

Réflexion de P. Maloney

 

Saint Vincent a toujours regardé 1617 comme étant l’anniversaire de sa Famille. Même si  ses trois principales fondations avaient trois dates de naissance juridiques bien distinctes – les Confraternités de la Charité en 1617, la Congrégation de la Mission en 1625, et les Filles de la Charité en 1633 – Vincent a constamment regardé 1617 comme étant l’année où tout a commencé. Il eut deux expériences cette année-là qui ont transformé sa vie.

La première a eu lieu à Gannes-Folleville, au nord de Paris. En accompagnant Madame de Gondi alors qu’elle rendait visite à des employés sur la propriété de sa famille, il fut appelé  au chevet d’un paysan mourant qui avait la réputation d’être saint. Vincent l’encouragea à faire une confession générale. Le paysan s’épancha auprès de Vincent et confessa de choquants péchés qu’il avait retenus en lui depuis des années. Quand il reçut l’absolution, il se sentit libéré et empli de joie. Il appela sa famille, ses voisins et Madame de Gondi elle- même et leur raconta son histoire.

Trois jours plus tard, il mourut. Grâce à l’aide de Madame de Gondi, Vincent organisa rapidement une mission populaire pour ceux vivant dans cette région, en mettant l’accent sur l’importance d’une confession générale. Les gens s’y pressèrent. Le 25 janvier 1617, il fit un sermon à Folleville qui fut puissant et facile à saisir. Après cela, les confessions furent si nombreuses qu’il fallut chercher de nouveaux prêtres pour les entendre. En repensant à son “premier sermon de la Mission”, plus de 40 ans plus tard, il considéra cet événement comme étant le début de la Congrégation de la Mission.

Plus tard cette année-là, il devint Pasteur à Châtillon-sur-Chalaronne dans le Sud-Ouest de la France. Là-bas, autour du mois d’août 1617, il eut une deuxième expérience qui changea sa vie. Ayant appris que les membres d’une famille de sa paroisse étaient assez malades, il fit appel à ses paroissiens dans son sermon afin de les aider. Plus tard ce jour-là, il rencontra de nombreuses femmes qui revenaient de la maison des malades. Il se rendit compte que la charité devait être mieux organisée. Il se demanda alors : « Ces femmes ne pourraient-elles pas être rassemblées et encouragées à se consacrer à Dieu pour  servir  ces  pauvres  malades ? ». En y repensant des décennies plus tard, il considéra cette question comme l’appel de Dieu à fonder les Confraternités des Charités, dont il écrivit la première Règle quelques mois plus tard, et les Filles de la Charité dont l’existence juridique remonte à 16 années plus tard.

Mission (Folleville) et Charité (Châtillon) étaient au cœur de l’action de Vincent envers les pauvres. Il a exhorté ses disciples à servir les pauvres “spirituellement et corporellement” à travers “la parole et le travail” et il a apporté de grandes compétences d’organisation à la tâche.

Depuis 1617, plus de 300 branches ont germé sur l’arbre de la Famille Vincentienne. Certaines de ses branches sont de minuscules pousses. D’autres, comme la Société de saint Vincent de Paul, avec 800 000 membres dans 150 pays sont des branches robustes. Chacune a ses propres nuances dans la spiritualité. Cette diversité est saine et enrichissante. Cependant, au milieu de cette diversité, les branches de la Famille partagent également une riche spiritualité en commun. Cinq éléments en ressortent. C’est une spiritualité qui :

1) Qui mêle la prière à l’action

Écrivant à un prêtre de la Congrégation de la Mission en 1657, saint Vincent présentait comme « deux vertus centrales de Jésus, sa relation filiale avec le Père et sa charité envers son prochain. » il estimait la combinaison de la prière et de l’action comme étant indispensables.

donnez-moi quelqu’un qui prie”, s’exclamait Saint Vincent, “et il sera capable de tout ! En même temps, il déclara, “Aimons Dieu, mes frères et sœurs, aimons Dieu mais que ce soit à  la force de nos bras et à la sueur de notre front!”

De quelle manière pourrions-nous mieux intégrer la prière et l’action tandis que nous servons les pauvres?

2) Qui est entièrement christocentrique

A plusieurs reprises, Vincent a mis l’accent sur la centralité du Christ. En écrivant les  règles pour les différents groupes qu’il fonda, il les exhorta tous à voir le visage de Dieu dans celui des pauvres. Il les encouragea à méditer sur les “mystères” de Jésus : les événements  de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. Il dit à son ami de longue date, le Père Portail : “Rappelez-vous, nous vivons en Jésus-Christ au travers de la mort de Jésus Christ et nous mourons en Jésus-Christ au travers de la vie de Jésus-Christ. Notre vie doit être cachée en Jésus-Christ et emplie de Jésus-Christ. Pour mourir comme Jésus-Christ, nous devons vivre comme Jésus-Christ.”

Comment entrer davantage dans la vision de la foi qui a permis à Vincent de voir le visage du Christ dans celui des pauvres?

3) Qui rend la simplicité centrale

Vincent a declaré explicitement que la simplicité était “[son] évangile”. Il l’a appelée “la vertu  que  j’aime   le  plus.”               Il  a  souligné  deux  aspects  de  la  simplicité    en  particulier, particulièrement: la simplicité du discours et la simplicité dans le style de vie. Il a exhorté toutes ses fondations initiales – les Confraternités de la Charité, la Congrégation de la Mission et les Filles de la Charité – à faire de la simplicité une valeur centrale dans leurs vies.

Comment pouvons-nous apprendre à parler et à vivre plus simplement tandis que nous servons les pauvres?

4) Qui est fondée sur l’humilité

Il n’est pas de vertu à propos de laquelle Vincent ait parlé de manière plus éloquente qu’au sujet de l’humilité. Il a déclare qu’elle était “la fondation de toute perfection évangélique, le cœur de toute vie spirituelle.” Il voulait que nous regardions les plus défavorisés comme étant “nos Seigneurs et nos Maîtres”. Il insista sur l’écoute “du plus petit de nos frères et sœurs” et nous exhorta à collaborer les uns avec les autres.

Comment pouvons-nous être plus à l’écoute des pauvres, tandis que nous discernons  leurs besoins?

5) Qui s’exprime dans la charité créatrice

L’une des citations les plus citées de Vincent est “L’amour est créatif, même à l’infini.” Le contexte de cette déclaration est différent de celui que nous imaginons habituellement. Quand Vincent utilisa cette phrase, il parlait de la créativité de Jésus dans l’institution de l’Eucharistie. Pourtant la phrase est facilement applicable à Vincent lui-même et à ses disciples. En réponse aux événements, Vincent manifesta une liberté remarquable. Il conçut de nouvelles solutions et créa de nouvelles institutions afin de faire face aux problèmes récurrents des personnes marginalisées et abandonnées.

De quelles manières pourrions-nous être plus inventifs alors que nous servons les pauvres?

Vincent identifia les cinq éléments mentionnés plus haut comme étant essentiels à une spiritualité saine. Il était profondément convaincu de leur importance. En fait, il a été jusqu’à déclarer que sans l’un d’entre eux, nous cesserions d’exister en tant que Famille.

 

Présentation de la célébration du 400e anniversaire du charisme vincentien en 2017

 

Chers responsables et membres de la Famille Vincentienne,

 

Comme il a été annoncé en janvier lors de notre réunion internationale de la Famille Vincentienne à Rome, l’année 2017 marque le 400e anniversaire de la naissance du charisme vincentien.

La Commission de la Collaboration de la Famille Vincentienne, après avoir reçu l’approbation du Comité Exécutif de la Famille Vincentienne ainsi qu’un accueil enthousiaste des délégués à Rome, vous présente maintenant l’Initiative Mondiale de notre Famille Vincentienne pour la célébration de cette année.

Une note spéciale aux responsables internationaux: Prière de veiller à ce que le plan de travail de votre branche soit envoyé, avant le 1er octobre 2016 au P. Joe Agostino, CM à l’adresse email vfo@famvin.org.

Que le Seigneur bénisse tous nos efforts pour accueillir l’étranger parmi nous.

Fr. Greg Gay

 

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« J’étais un étranger et vous m’avez accueilli… »

Une initiative mondiale de la Famille Vincentienne pour célébrer le 400e anniversaire du charisme vincentien en 2017.

En 2017, nous célébrons le 400e anniversaire de la naissance du charisme vincentien. C’était en 1617, alors qu’il prêchait dans l’église paroissiale de Châtillon, que Vincent a exhorté sa congrégation à assumer la responsabilité d’une famille pauvre de la paroisse qui était gravement malade et avait besoin de nourriture et de réconfort. La famille a été sauvée grâce à la réponse massive à cet appel à l’action et Vincent a par la suite compris que, pour être efficace, la charité doit être bien organisée – un événement qui a changé le monde au cours des 400 dernières années.

Cette histoire rend également vivante un texte de l’Évangile au cœur de la vocation vincentienne que nous partageons – Matthieu 25, 35 : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli ». En tendant la main et en aidant les étrangers parmi nous, nous démontrons notre solidarité avec cet événement de Châtillon et notre unité dans notre vocation vincentienne – nous reproduisons l’exemple du Bon Samaritain dans notre communauté.

Qui sont les étrangers parmi nous aujourd’hui ? La réponse est tellement variée – les réfugiés fuyant l’oppression et la pauvreté, les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays en raison de la guerre civile, les migrants en quête d’une nouvelle vie, les sans-abris, ceux qui affrontent seuls une maladie physique ou mentale, ceux qui souffrent de la discrimination peut-être à cause de leur foi ou de leur race ou de leur couleur, les personnes solitaires et vulnérables, jeunes et vieux. Beaucoup de ces personnes et de ces problèmes sont déjà des zones familières d’action pour les membres de la Famille Vincentienne à l’échelle mondiale. Cependant, pouvons-nous faire davantage ? Y a-t-il de nouvelles pauvretés émergentes auxquelles nous sommes appelés à répondre ?

Pour célébrer le 400e anniversaire de la naissance du charisme vincentien, les responsables internationaux de la Famille Vincentienne aimeraient inviter tous les membres de la Famille Vincentienne dans le monde entier à examiner comment nous pourrions mieux accueillir les étrangers dans nos communautés en faisant d’eux le centre du 400e anniversaire du charisme vincentien.

L’année d’accueil de l’étranger se déroulera du 1er janvier au 31 décembre 2017. Il sera lancé officiellement par le P. Gregory Gay, Supérieur Général de la Congrégation de la Mission, le 15 mai 2016, en la fête de la Pentecôte.

Cette date est particulièrement importante pour notre Famille Vincentienne. Elle marque aussi la fin de l’Année de la Collaboration, avec le lancement d’un appel à l’action et une invitation à découvrir des moyens concrets pour rejoindre les étrangers dans notre milieu. Elle nous relie aussi plus profondément avec l’Eglise universelle qui, sous la direction du Pape François, célèbre le Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde.

A partir du 15 mai 2016, les responsables internationaux de la Famille Vincentienne se chargeront de l’élaboration d’un processus de réflexion et de consultation avec leur branche particulière de la Famille, dans une étroite collaboration avec leurs organismes régionaux et nationaux. Ils sont invités à se concentrer sur les questions suivantes :

  • Qui sont les étrangers parmi nous ?

  • Comment les soutenons-nous actuellement ?

  • Quels sont les nouveaux besoins qui émergent ?

  • Comment pourrions-nous répondre à ces besoins ?

  • Se pourrait-il que nous soyons les étrangers ayant besoin d’accueil ?

Cette consultation et les idées nouvelles qu’elle suscitera permettra à chaque branche de la Famille Vincentienne d’élaborer, d’ici octobre 2016, un plan de travail à exécuter en 2017. Ces plans de travail seront ensuite transmis à la Commission de la Collaboration de la Famille Vincentienne qui coordonnera et soutiendra ces activités à l’échelle mondiale grâce à la production de matériaux de réflexion et de célébration, ainsi que la promotion de l’Année et des activités réalisées sur le site web FamVin.org. La Commission se chargera également d’élaborer un rapport final sur les résultats et l’impact de cette initiative d’ici mi-2018 afin que nous puissions évaluer le résultat de nos actions à l’échelle mondiale.

Lorsque la Famille Vincentienne a des liens étroits sur le terrain, nous encourageons la Famille à collaborer à l’échelle locale, régionale, nationale ou internationale. Comme Vincent de Paul lui-même l’a reconnu, nous sommes meilleurs et plus efficaces lorsque nous travaillons ensemble.

Accueillir les étrangers parmi nous doit également être considéré comme une invitation à tous ceux qui partagent (ou pourraient être intéressés à) nos valeurs vincentiennes, notre mission ou notre spiritualité. Les personnes que nous servons actuellement sont aussi capables d’accueillir des étrangers que nous – si nous les invitons à le faire. Cela ne dépend pas de la puissance ou de la richesse ou de la hiérarchie. C’est une occasion pour tous et pour chacun de faire partie de notre famille et de participer à nos célébrations au cours de l’année.

 

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Le Logo des 400 ans du charisme vincentien

 

 

Le Père Alexis Cerquera Trujillo, nous a partagé le logo qu’il a préparé pour les « 400 ans du charisme vincentien.

 

Explication du logo

 

Il est construit à partir d’une figure basique : le cercle… (le monde, l’histoire, la vie… etc) Ce cercle est défini par différentes lignes qui s’organisent d’une manière « rayonnante » en différentes couleurs (rouge, vert, bleue)…

Ces lignes ou ces traits, symbolisent les congrégations, les groupes, les associations qui ont été fondés à partir du charisme vincentien. Ils  symbolisent aussi la société avec ses imperfections et ses joies, ses espérances et ses fatigues…

Ce cercle fait un lien entre deux étoiles qui rappellent les deux «lieux théologiques » où Vincent de Paul a vu la trace de Dieu dans sa vie et que par ses propres paroles sont devenus des événements majeurs : Gannes-Folleville et Châtillon-les-Dombes.

Les étoiles : leur place rappelle la situation géographique sur le territoire français. Elles sont liées par une croix de lumière qui  rappelle la résurrection et la pentecôte.

La croix nous rappelle qu’elle est signe d’un Esprit toujours nouveau qui nous habite et nous invite à vivre comme famille vincentienne dans notre monde, raison par laquelle le visage de Vincent se trouve dans le croisement de la croix.

 

Textes extraits du site famvin

 

A l'occasion du Jubilé des 400 ans du Charisme de Saint Vincent de Paul,

je vous invite à prier, pendant le mois de Juillet le Mois de Saint Vincent de Paul,

rendez-vous le 30 juin prochain

 

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7 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne6

Huitième jour

Notre Dame de Fréligné

 

A l’extrémité sud-ouest de la paroisse de Touvois, à deux pas du Falleron, petit fleuve sans gloire, qui sépare la Bretagne de la Vendée, s’élève une modeste chapelle chère, depuis les âges les plus reculés, aux habitants voisins des deux provinces: on l’appelle Notre Dame de Fréligné. À la fin du XVIIe siècle (1689), on la disait déjà fort ancienne et, de fait, l’observateur attentif qui la visite et qui remarque son architecture, mélange assez incohérent de roman et de gothique, est naturellement incliné a lui donner, pour date d’origine, la seconde moitié du XIIe siècle.

La légende rapporte que de riches Anglais, battus par la tempête et menacés de naufrage, firent vœu de bâtir un oratoire a la Sainte Vierge près du lieu de leur débarquement, si elle les sauvait de la mort. La Vierge puissante exauça leur prière et les voyageurs, reconnaissants, réalisèrent leur vœu. Aussi, Notre Dame de Fréligné passe pour avoir été bâtie par les Anglais et, dans le pays, on l’appelle généralement la chapelle des Anglais.

Ces faits ne paraissent nullement improbables quand on se rappelle que, dans le courant du XIIe siècle, le Poitou fut apporté en dot au roi d’Angleterre, par Eléonore d’Aquitaine et quand on songe que la mer, en ce temps-là, pénétrait beaucoup plus avant dans les terres. La fondation nouvelle, a une date que nous ne pouvons préciser, fut donnée, avec quelques revenus, â l’abbaye augustine de Geneston, et les moines prirent l’engagement d’y célébrer une messe chaque semaine. Toutefois, ils s’entendirent de bonne heure avec le recteur de la paroisse, pour assurer le service. Pendant des siècles, on y célébra la première messe du dimanche ; et les jours de fêtes de la Vierge, tout le clergé paroissial s’y transportait pour chanter solennellement les offices. Les habitants du voisinage, tout dévoués â Notre-Dame, réclamaient souvent la faveur de dormir leur dernier sommeil à l’ombre de son sanctuaire, et un assez vaste cimetière s’étendait tout autour. Le cimetière n’est plus qu’un souvenir, mais le placis verdoyant qui le remplace est toujours dominé par la croix.

L’Archidiacre de Nantes, qui visita Fréligné au XVIIe siècle, nous a laissé une curieuse relation. Il prend soin de signaler l’antiquité de l’oeuvre, le joli clocher qui surmonte la chapelle et les deux cloches qui s’y balancent harmonieusement pour appeler les pèlerins, les vastes greniers où l’on dépose les dons en nature offerts par la piété généreuse des fidèles, les fresques a demi effacées par le temps qui décorent les vieilles murailles, les ex-voto de cire qui disent la puissance de Notre Dame et la reconnaissance de ses pauvres suppliants, enfin « la très vieille image d’une Vierge allaitant son enfant, taillée en bosse dans une grande pierre carrée ». Surtout il remarque avec satisfaction qu’il y a à Fréligné « de très grandes dévotions ». Peut être, s’il avait en le temps d’interroger les anciens du pays, eut-il appris que ce pèlerinage était jadis célèbre parmi les habitants du Bas-Poitou et que. son renom s’étendait au loin ; peut-être eut-il noté, dans sa relation, qu’aux temps lointains du XIVe siècle, durant la guerre qui mit aux prises pendant cent ans l’Angleterre et la France, les belligérants accordaient des laissez-passer aux pèlerins de Fréligné ; peut-être eut-il recueilli quelques uns de ces curieux jetons dont on retrouve encore des spécimens aux archives de Poitiers.

Pendant la Révolution, la chapelle fut d‘abord livrée à des usages profanes, puis incendiée, avec tout le village, par les colonnes infernales. La vieille charpente s‘abîma dans les flammes, mais les épaisses murailles, que six siècles n’avaient pu ébranler, résistèrent à l’action du feu. Au printemps de 1794, 2,000 soldats s’établirent dans un camp fortement retranché, à quelques pas des ruines. Leurs déprédations incessantes, les incendies et les meurtres qu’ils multipliaient tous les jours exaspérèrent les Vendéens. Charette résolut de les débusquer. Le 14 septembre, il convoque les paroisses du quartier; le 15, il est a Fréligné. Les paysans qui l’entourent et dont les demeures ont été brûlées, les familles massacrées, se précipitent, ivres de vengeance, â l’assaut. Leur colonne arrive sur le placis qui s’étend au-devant de la chapelle en ruines. Alors, d’un même mouvement, tous tombent a genoux, et, dans une fervente prière, demandent à Notre Dame la grâce de vaincre on de mourir de la mort des saints. Déjà les balles ennemies sifflent sur leurs tètes ; n’importe, ils achèvent leur prière. Puis, se relevant, ils s’élancent à la bataille. La résistance des soldats patriotes fut longue et vaillante ; mais que pouvaient-ils contre ces héros protégés par Marie ? La victoire, cette fois encore, fut pour la Vendée.

Avec la paix reprirent les pèlerinages. La chapelle était en ruines, sans doute : quatre murs, un autel fait de quelques planches, un drap au-dessus de l’autel... Mais c‘était le sanctuaire aimé de Notre Dame, et le vieux curé retour d'exil y célébrait la messe, et les survivants de la grande guerre s’agenouillaient au milieu des débris. Enfin, revinrent les beaux jours. En 1820, on reconstruisit la toiture ainsi que le clocher, et toutes les paroisses voisines se réunirent pour transporter dans le sanctuaire rajeuni la nouvelle statue, remplaçante de la « vieille image » de pierre que la tempête n’avait pas respectée.

Depuis 1839, on ne célèbre plus la première messe du dimanche a Notre-Dame de Fréligné, l’église paroissiale garde jalousement son privilège. Cependant, sept fois par an, les lundis de Pâques et de la Pentecôte, et a cinq fêtes de la Sainte Vierge, le clergé paroissial, entouré des dévots serviteurs de Notre Dame, vient y célébrer tous les offices.

C’est le 8 septembre, fête patronale du pèlerinage, qu’il faut aller a Fréligné. La chapelle et ses alentours sont gracieusement décorés, et la foule pieuse accourt de cinq et six lieues a la ronde. À 9 heures et demie, deux processions s’ébranlent, l’une vient de Touvois, c’est la procession bretonne ; l’autre, la Vendéenne, part de l’église de Falleron. Le rendez-vous est sur le placis de la chapelle,car la nef est trop étroite pour contenir la foule, et c’est sous une tente, à l’abri du calvaire, dont le piédestal est transformé en autel, que le prêtre célèbre le saint sacrifice. Dans la soirée, on chante solennellement les vêpres et l’on donne, du haut de l’estrade, la bénédiction du très saint sacrement. Dans l’intervalle des deux cérémonies, la foule, en longues files, s’en va prier dans la chapelle, et de la se dirige pieusement vers « la bonne fontaine », pour demander des grâces et des miracles à Marie. C‘est toujours par milliers que l’on compte les pèlerins, des prêtres nombreux accompagnent leurs paroissiens, et, deux fois au moins, depuis vingt ans, on y a vu Monseigneur l’évêque de Nantes.

 

Un procès-verbal authentique, nous venons de le voir témoigne que l’ancienne statue de Frétigné représentait la Vierge-Mère allaitant son enfant. C’est donc Marie, nourricière de Jésus, que l’on honorait en ce lieu. Marie, nourricière de Jésus ! A ces mots, quel tableau a la fois plein de réalisme et de gracieuse poésie se déroule à nos yeux ! Le Fils de Dieu, en se faisant homme, a voulu se soumettre a toutes les faiblesses du jeune âge, et Marie dut l’entourer des soins que les autres mères prodiguent a leurs enfants. L’Evangile nous apprend, en effet, qu’à sa naissance la mère de Jésus l’enveloppa de langes, puis le coucha sur la paille d’une crèche : ces détails du saint Livre nous permettent de conjecturer ce que fut la première enfance du Sauveur et de contempler la Vierge-Mère penchée, nuit et jour, sur son enfant. La voyez-vous, mes Frères, présentant à sa lèvre altérée le breuvage qu’elle réclame, couvrant ses membres débats des pauvres vêtements qui les défendront contre la froidure, veillant amoureusement sur le sommeil de l’Enfant-Dieu, guidant ses pas mal assurés dans leurs premiers essais et enseignant ses lèvres inhabiles â bégayer des mots ? Quels abaissements ! Mais quelle grandeur pour Marie !

Marie est aussi notre mère. N’est-ce pas une conséquence qu’elle soit la grande nourricière de l’humanité ? Dieu, qui se sert de son intermédiaire pour nous communiquer les trésors de sa grâce, doit en user également pour nous communiquer tous les autres biens. Les pauvres, les malheureux, les affligés l’ont compris, et ils se pressent aux autels de Marie, et ils la supplient d’apaiser leur faim, de vêtir leur nudité, de soulager leur misère, de leur donner tous les biens qu’ils n’ont pas. Et Marie les écoute, et leur confiance n’est point trompée. Ce sont surtout les tout petits qui réclament une mère nourricière ; ce sont eux surtout qu’elle assiste. Regardez au fronton de nos orphelinats catholiques : vous y verrez la Vierge-Mère qui tend les bras et sourit aux petits enfants. Cette image n’est pas seulement un symbole, c’est un portrait. La mère qui veille sur ces asiles, c’est Marie, et il semble parfois qu’elle emprunte la robe de bure et la cornette de la fille de charité pour traverser les rangs de ses chers petits, pour leur distribuer des caresses et du pain.

Marie, nourricière de Jésus et par la même des frères de Jésus, inspire confiance à notre misère, elle nous donne aussi d’instructives leçons. Elle encourage de son sourire les mères de la terre et leur recommande les petits frères de son Jésus : les soins dont il faut entourer leur enfance délicate sont un devoir bien deux pour les vrais Coeurs des mères ; mais ils semblent parfois une charge trop pesante aux âmes moins généreuses : Marie, nourricière de Jésus, c’est la récompense des unes, c’est le remords des autres. Enfin, elle nous montre à tous les tout petits qui n’ont pas de mères, les tout petits qui n’ont pas de pain, et nous rappelle éloquemment que celui qui possède est l’économe de Dieu et le nourricier du pauvre.

 

ND de Nantes

 

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6 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Notre Dame de Bethléem de Saint Jean-Boiseau

Septième jour

Notre Dame de Bethléem

 

Nous avons étudié précédemment un vocable qui rappelle la plus belle des vertus de Marie, celle qui attira sur la pure jeune fille les regards de Dieu : je voudrais ce soir en étudier un autre qui rappelle sa principale grandeur, source de toutes celles qui suivirent.

Le voyageur qui se dirige du Pellerin a Saint Jean de Boiseau ne tarde pas a rencontrer, sur sa gauche, une fort jolie chapelle. Abritée contre les vents du Nord par le coteau de la Combe, presque cachée sous la feuillée, elle n’attire pas l’attention ; et pourtant c’est un bijou architectural du XVe siècle. Les paysans du voisinage, tout ignorants qu’ils sont des principes de l’art, se montrent fiers de leur chapelle. Ils disent volontiers qu’elle surpasse Saint Pierre de Nantes et que c’est le même architecte qui l’a construite.

Cette dernière assertion, si elle n’est pas prouvée, est du moins vraisemblable, car la chapelle, ai-je dit, date du XVe siècle, et elle n’est pas indigne de ce Mathurin Rodier, maître maçon, comme il s’intitulait, qui a donné a Nantes la façade de sa cathédrale et le choeur de Saint Antoine de Fade.

Je n’essaierai point de décrire les beautés de ce charmant édifice. Disons seulement que des fondations mêmes s’échappe une source limpide au-dessus de laquelle l’artiste a sculpté une jolie grotte ; et que, dans l’intérieur, on lit ces mots,gravés en lettres gothiques, sur une clé de voûte : « Templum Virgini dicatum Bethleem ». C’est le nom même de la chapelle : Notre Dame de Bethléem.

Quelle est l’origine de ce sanctuaire ? Est-ce, comme la légende le rapporte, le vœu d’un chevalier, ramené de la croisade par la protection de Marie, et qui voulut immortaliser ainsi le souvenir de son pèlerinage au berceau du Sauveur ? Est-ce, comme le conjecture un érudit, le zèle éclairé d’un pasteur qui voulut faire disparaître des pratiques superstitieuses, en honorant Notre-Dame de Bethléem, sur l’emplacement occupé par une idole celtique, dont le nom de « Bétélian », « Pierre folle », est resté aux champs voisins ? Je n’en sais rien. Ce qui paraît plus certain, c’est que l’édifice actuel a été construit par les Goheau, seigneurs de Saint ignan, et est dû surtout a la piété magnifique de l’un d’eux, abbé de Geneston. Cette noble famille n’était pas à ses débuts dans la générosité, et, dès le XIIe siècle, elle avait déjà donné à Sainte Marie de Geneston cette terre de la Pierre folle, Petra stella, sur laquelle frère Jehan Goheau devait lui élever plus tard ce splendide monument.

De tous ces détails retenons seulement que le culte de Marie dans ce lieu date au moins de sept siècles. Nous pouvons ajouter qu’il n’est point déchu. Les curés de Saint Jean ont restauré la chapelle, sans pouvoir, hélas ! lui rendre sa splendeur d’antan, et l’entretiennent avec amour. Chaque année, le mardi de Pâques, c’est grand pardon au pays : on va en procession à la chapelle, les femmes prennent part à la communion générale, les plus mécréants parmi les hommes franchissent ce jour-là le seuil du vieux et cher sanctuaire, et retrouvent dans leur mémoire quelques-unes des prières d’autrefois. Et savez-vous comment le peuple explique cette date du mardi de Pâques choisie pour le pardon ? C’est que le pèlerinage a pour but de consoler Marie de toutes les tristesses qu’elle a éprouvées pendant la Passion de son Fils. N’est-ce pas à la fois touchant et gracieux ?

Nantes avait aussi, et c‘était encore sur la paroisse de Saint Nicolas, son pèlerinage de Notre Dame de Bethléem. Faute de détails, contentons-nous de le nommer. C’était un simple autel érigé sous ce vocable, dans la chapelle Sainte-Catherine. Les Nantais cependant ne manquaient pas d’y aller prier, et nous avons vu que, en 1487, ils y firent une procession solennelle.

Mais si, dans les siècles passés, notre ville n’avait érigé qu’un autel à Notre Dame de Bethléem, elle lui a construit de nos jours une chapelle et tout un vaste établissement. Mieux que moi sans doute, vous connaissez l’histoire intéressante et simple de cette création. C’était… à l’époque où le choléra jetait la terreur a Nantes, principalement dans les quartiers populaires, en 1854. Dans la pauvre et toute récente paroisse de Saint Félix. le fléau avait fait dix orphelins. Il y avait la un vicaire au cœur d’or, M. l’abbé Gilbert Bauduz, qui s’est éteint pieusement, il y a quelques années, et que vous avez tous connu. Il prit les orphelins a sa charge. Le nombre s’en accrut rapidement, et il fallut, pour les loger, bâtir une vaste maison. Le bon M. Bauduz, sachant peut être que la propriété voisine de la Houssinière avait possédé jadis une chapelle dédiée à Notre Dame de Bethléem et dans laquelle, chaque dimanche, on célébrait une messe fondée par de pieux chrétiens, voulut donner ce même nom a son établissement. C’était d’ailleurs un nom plein de promesses et admirablement choisi : M. Bauduz n’ignorait pas que Bethléem veut dire maison du pain, et que la Mère de Jésus, émue par le souvenir des angoisses de la nuit de Noël, servirait de mère à ses pauvres orphelins et saurait bien leur procurer du pain. Vous savez le reste, et que, depuis cinquante ans, des milliers d’enfants ont dû la vie du corps et la vie de l’âme, le pain matériel et le pain céleste à Notre Dame de Bethléem.

 

Notre Dame de Bethléem ! Quel mystère ineffable nous rappelle ce nom ! Relisons l’Evangile selon Saint Luc : « Vers cette époque parut un édit de César Auguste ordonnant d’opérer le dénombrement universel de la population. Ce dénombrement, qui était le premier, fut exécuté par Cyriuus, gouverneur de Syrie. Chacun devait aller en son lieu d’origine se faire enregistrer sur les rôles. Joseph qui était de la tribu et de la Famille de David partit donc de Nazareth, ville de la Galilée, pour monter au pays de Judée et se rendre a Bethléem, la cité de David, afin d’y être inscrit avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Or, pendant qu’elle était a cet endroit, il advint que le moment d’enfanter arriva ; et elle mit au monde son Fils premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche ; car, pour eux, il n’y avait pas de place a l’hôtellerie ».

Quelques pauvres bergers, convoqués par les anges, accourent aussitôt ; ils adorent Jésus, le Fils de Dieu devenu le Fils de Marie; ils vénèrent aussi la Mère après avoir adoré l’Enfant : les premiers, ils rendent leurs pieux hommages à Notre-Dame de Bethléem. Des mages, guidés par l’étoile mystérieuse, viennent à leur tour du fond de l’Orient : eux aussi adorent le Dieu fait homme ; eux aussi vénèrent la Mère en même temps qu’ils adorent l’Enfant : après les pauvres les riches, après les ignorants les savants rendent leurs hommages à Notre Dame de. Bethléem.

Depuis ce temps, la grotte de la Nativité est devenue un lieu de pèlerinage pour les chrétiens : qu’y vont-ils faire ? Ah ! Sans doute, tout d’abord et principalement, comme les bergers et les mages, ils vont adorer Jésus, le Dieu fait homme, le Sauveur du Monde ; mais ils vont aussi vénérer sa Mère. Aujourd’hui l’on voit dans la grotte une étoile d’argent éclairée par seize lampes, qui se détache sur le marbre blanc dont les parois sont revêtues, et une inscription commémorative : « Hic de Virgine Maria Jesus Christus natus est : Ici de la Vierge Marie est né Jésus Christ » C’est l’Enfant-Dieu, c'est Jésus-Christ que l’on y vient adorer; mais on y vénère en même temps la Vierge sa mère, Notre Dame de Bethléem.

Voilà la signification de ce vocable ; il rappelle la plus grande gloire de Marie, principe de toutes les autres, qu’elle est la Mère de Jésus, la Mère de Dieu! C’est de son sang virginal que le corps de l’Homme-Dieu a été façonné, c’est dans son sein qu’elle l'a porté, c‘est dans ses bras qu’elle l’a reçu. Comme Adam, apercevant pour la première fois la femme que Dieu lui donnait pour compagne, Marie peut dire en contemplant Jésus : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair ! » Oui, Marie est mère de Jésus, Marie est mère de Dieu !

Mais elle est aussi notre mère a nous, et l’on peut dire c’est la doctrine exposée récemment par Pie X, que Marie, dès là qu’elle est mère de Jésus-Christ est nécessairement mère des hommes. Il y a en Jésus comme une double manière d’être, l’une physique, l’autre morale. Il y a Jésus, Fils du Père Eternel ; et il y a Jésus, chef de l’humanité régénérée, attirant a lui, en se communiquant a eux, tous les membres de l’humanité pour ne faire avec eux qu’un seul corps dont lui est la tête et dont ils sont, eux, les membres. Mais ces deux manières d’être sont inséparables en Jésus, et Marie, mère du Christ, Fils de Dieu, est par là-même mère du Christ, chef de l’humanité, mère du Christ dans ses membres, mère de tous ceux qui surnaturellement ne font qu’un avec le Christ. On ne peut donc séparer en Marie la Mère de Dieu et la Mère des hommes. Jésus n’a fait que proclamer cette doctrine quand il a jeté, du haut de sa croix, ces mots que l’humanité a pieusement recueillis et qui alimentent la piété catholique depuis dix neuf siècles : « Voilà votre Fils ! Voilà votre Mère ! »

Il n’est rien de plus propre a fortifier notre confiance que cette belle doctrine catholique de la double maternité de Marie. Il n’est donc pas de vocable plus doux que celui qui nous la rappelle : Notre Dame de Bethléem.

 

ND de Nantes

 

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3 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Quatrième jour

Notre Dame de Grâce

 

Dans la partie sud-est de la commune de Guenroüet, sur la rive gauche et a deux pas de l’Isac, pour ainsi dire à l’ombre du château princier et des hautes futaies de Carheil, s’élève une modeste église paroissiale : Notre-Dame de Grâce. Il y a seulement soixante ans, le 22 juillet 1844, qu’elle a été décorée de ce titre; jusque là, ce n’était qu’une chapelle rurale de Guenroüet. Mais elle n’en est pas moins célèbre dans les fastes de la contrée, et peut-être remonte-t-elle aussi haut que la paroisse- mère, qui, pourtant, n’est pas jeune.

Les seigneurs du château voisin des Carheil d’abord, ensuite des Coislin, revendiquaient les titres de seigneurs fondateurs et prééminenciers dans la chapelle de Grâce, ainsi que dans l’église de Guenroüet ; ils y conservaient jalousement leurs droits de banc et de tombeau ; leurs armoiries, peintes sur la litre des murailles aussi bien que sur les vitraux, témoignaient orgueilleusement de ces droits. Et connue l’intérêt se mêle à tout dans la vie, les Cambout de Coislin, qui n’étaient pas sans voir, des fenêtres de leur manoir, l’affluence des pèlerins a certains jours, en conclurent qu’il serait bon d’établir des foires a leur profit sur le « pâtis » de la chapelle. Ils en sollicitèrent la création, et voilà comment, le 1er mars 1578, le Parlement de Bretagne opposait son visa sur une ordonnance royale accordant a M. de Cambout, vicomte de Carheil, trois foires par chacun an « au bourg de Grasse », a savoir, le mardi de la Pentecôte, le jour de Saint Jean-Baptiste et à la fête patronale du lieu « Nostre-Dame de Septembre ».

Les seigneurs de Carheil montraient leur sollicitude pour Notre-Dame de Grâce en cherchant surtout a en tirer honneur et profit ; d’autres seigneurs, bien autrement puissants, manifestèrent la leur d’une manière plus désintéressée, en comblant la modeste chapelle de leurs bienfaits. C’étaient les ducs de Bretagne, ou du moins deux princes, ducs de cette maison de Montfort si pieusement généreuse, qui couvrit de monuments splendides, consacrés à Dieu et à la Vierge, toute la terre de Bretagne, et particulièrement le sol nantais.

Mais pourquoi nos ducs pensaient-ils à cette humble et lointaine chapelle de N. D. de Grâce ? Hasardons d’abord des conjectures. Alain le Grand, roi de Bretagne, après avoir battu glorieusement les pillards Normands, vers la fin du IXe siècle, s’était retiré dans son château de Plessé - Plebs Sei, comme l’écrit l’auteur de la Chronique nantaise ; Plou Sé, d’après la traduction de notre grand historien breton A. de la Borderie. C’était, non pas au chef-lieu actuel de cette paroisse, mais a 5 kilomètres de là, sur un rocher abrupt qui domine l’Isac et que marque toujours l’antique chapelle de Saint Clair,probablement contemporaine du grand batailleur, si elle n’est plus ancienne encore. Alain y tenait cour nombreuse, seigneurs et hommes de guerre s’y pressaient autour de lui. La Chronique de Nantes nous apprend que l'évêque de cette ville, Foulcher, y vint lui rendre visite et lui demander des faveurs pour son Eglise désolée.

Sur la rive opposée de l’Isac, s’étalant au flanc d’un coteau encore plus élevé que celui de Saint-Clair, on voyait la petite bourgade de Guenroüet. Alain la fit ériger en paroisse et la dota de sa première église. Est-ce vers la même époque qu’on éleva la chapelle de Grâce, dont l’origine se perd dans la nuit des temps ? L’apparition de la Vierge en ce lieu, dont parle la légende, fut-elle connue du châtelain de Plessé ? Est-ce pour cela que les sires de Carheil, seigneurs de ce pays après Alain le Grand, possédèrent connue lui des droits de fondateurs dans les deux églises ? Est-ce pour cela, enfin, que les ducs du XVe siècle, gardiens des pieuses traditions de leurs devanciers, conservèrent une grande dévotion envers la sainte Dame de ces lieux ? Ce sont la des questions auxquelles je ne saurais répondre ; et pourtant je me sens incliné à chercher dans ce lointain passé l’origine de la dévotion de nos ducs a Notre-Dame de Grâce.

Un historien nantais, que tous les autres ont copié, affirme, malheureusement sans donner de preuves, qu’Arthur III aimait et avait considérablement enrichi la chapelle de Grâce. En effet, pendant que ce prince n’était encore que le comte de Richemond, connétable de France, et qu’il bataillait aux côtés de Jeanne d’Arc, pour délivrer notre pays du joug de l’Anglais, son frère, le duc. Jean V, lui avait abandonné la jouissance de la seigneurie du Gâvre. Arthur aimait cette terre où, mieux que partout ailleurs, il pouvait se livrer au plaisir de la chasse, cette vivante image de la guerre qu’il aimait tant. Ce fut même lui qui rebâtit le château, jadis détruit par Olivier de Clisson. « Je veu a Dieu, disait-il, je ferai ici une belle place et maison ». Et, pendant de longues années, il consacra à cette entreprise les 25,000 livres, somme énorme à l’époque , que lui donnait le Roi de France pour sa charge de connétable. Notre Dame de Grâce n’était qu’à une courte distance du château, et l’on comprend que le prince, qui était un Montfort, pieux par conséquent, malgré sa rudesse de soldat, ait fait souvent ce pèlerinage et y ait laissé des marques de sa munificence. Nous pouvons donc, sans preuves, croire les historiens.

Mais ce qu’aucun d’entre eux n’a dit, et ce qui est pourtant bien certain, c’est que Jean V, son frère et son troisième prédécesseur sur le trône de Bretagne, fit un vœu et un pèlerinage à Notre Dame de Grâce en des circonstances solennelles.

On connaît la guerre de succession de Bretagne et la lutte entre les deux maisons rivales de Penthièvre et de Montfort. Celle-ci finit par l’emporter, et Jean IV, un Montfort, fut reconnu de tous connue duc de Bretagne. Son fils, Jean V, lui succéda sans conteste sur le tronc ducal. Il régnait depuis vingt ans quand la haine sournoise et félone des Penthièvre faillit renouveler le fléau de la guerre civile. Jean V, invité par eux à les visiter dans leur terre de Châteauceaux, fut traîtreusement arrêté, chargé de chaînes, accablé d’injures, menacé d’une mort horrible, traîné de château en château, de forteresse en forteresse, pendant plusieurs mois, et finalement jeté dans un cachet à Châteauceaux même. Toute la Bretagne se leva et vint tirer le duc de sa prison.

Mais Jean V, s’il comptait sur ses féaux sujets et ses preux chevaliers, comptait surtout sur ses protecteurs du Paradis. Il avait multiplié les vœux. Il en avait fait à Notre Dame des Carmes, dont nous reparlerons ; il en avait fait à Notre Dame du Folgoët et à saint Yves ; il en a fait fait aussi à Notre Dame de Grâce. J’en trouve la preuve dans un mandat de paiement par lequel il ordonne à son trésorier de rembourser quarante écus d’or empruntés pour acquitter les vœux faits, dans sa prison, « à Saint-Julien-de-Vovantes, à Redon, à Nostre-Dame de Graices, à Prières et ès-chapclles de Nostre-Dame du Bodou et du Méné ».

Jean V, a peine délivré, avait voulu accomplir ses vœux. Il commença par Notre Dame des Carmes ; ensuite il envoya des représentants aux sanctuaires trop éloignés qu’il ne pouvait visiter immédiatement, tels que le Folgoët et Saint Yves de Tréguier. Mais il n’en était pas ainsi des églises que j’ai nommées tout a l’heure. Les Etats de Bretagne étaient convoqués à Vannes pour juger les Penthièvre. Jean V résolut d’acquitter ses vœux avant que de s’y rendre, ou plutôt en s’y rendant. Délivré le 6 juillet 1420, il était, dans le courant du même mois, à Châteaubriant, d’où il se rendit à Saint-Julien ; de là, à l’abbaye de Saint Sauveur de Redon, d’où il était facile de faire le voyage de Grâce ; puis à l’abbaye de Prières ; puis enfin à Vannes, où se trouvaient les chapelles du Bondon et du Méné. Le duc n‘avait oublié que de remplir sa bourse ; peut-être ne l’avait-il pas pu, car son trésor était à sec : il avait tout donné à Notre-Dame des Carmes.

Depuis, l’humble chapelle a-t-elle reçu d‘aussi nobles visiteurs ? Peut-être, car la belle fille de Jean V, Françoise d’Amboise, passa six mois dans son château du Gâvre, où elle perdit sa mère, et il ne serait point surprenant qu’elle eût fait un pèlerinage au sanctuaire tant aimé de son beau-père et de son oncle. De plus, un historien prétend qu’une Marguerite de Bretagne, qui ne peut être que la soeur de Jean V et d’Arthur III, femme d’Alain de Rohan, laissa, en 1428, trente sous de rente à Notre Dame de Grâce pour la célébration d’une messe annuelle ; et, si le fait est exact, nous pouvons en conclure que la pieuse princesse aima, connue ses frères, notre petite chapelle et la visita souvent. Sans doute, en des temps plus rapprochés de nous, les grands seigneurs du voisinage, les Coislin de Carheil, les Rohan de Blain, la visitèrent â leur tour ; mais les Coislin et les Rohan eux-mêmes étaient de petits compagnons auprès des Ducs de Bretagne.

L’histoire ne dit presque plus rien de notre sanctuaire. Nous savons cependant que la piété du peuple y entretenait un chapelain et que les fidèles d‘alentour s’y rendaient assidûment le dimanche et les jours de fête. La preuve, c’est que, le 14 janvier 1656, une sentence de l’officialité faisait défense aux prêtres de Grâce de célébrer la messe dans la chapelle aux heures des offices paroissiaux.

La défense n’a plus de raison d’être. Notre Dame de Grâce est désormais paroisse. On n’y célèbre plus, il est vrai, comme fête patronale, N.-D. de Septembre ; mais la piété et la confiance en Marie n‘ont pas faibli : le peuple répète toujours qu’une apparition de la Sainte Vierge a fait ériger ce sanctuaire, la foule va toujours demander des guérisons a l’eau miraculeuse de la fontaine de Riavau ; et de toutes les paroisses du voisinage, de Guenrouët, de Plessé, de Campbon, de Quilly, de Montoir même, on s’y rend en pèlerinage.

 

Que nous ayons le droit d’appeler Marie Notre Dame de Grâce, il semble superflu de le démontrer. L’Archange disait à la Vierge de Nazareth, en s’inclinant devant elle : « Ave, gratia plena : Je vous salue, pleine de grâce ». Marie possède donc la grâce dans sa plénitude, c’est-à-dire qu’elle possède autant de grâces que tous les anges et tous les saints réunis ; autant de grâces que peut en recevoir une simple créature. Une seule en a possédé davantage, Jésus Christ, mais Jésus-Christ n’était pas une simple créature, Jésus Christ était Dieu.

Pleine de Grâce, avait dit Gabriel, et c’était pour signifier toutes les grâces et toutes les grandeurs prodiguées par Dieu à Marie, c’était pour nous apprendre aussi que la Vierge, mère de Dieu et mère des hommes, serait chargée de répandre sur ses fils indigents tous les trésors spirituels. Elle est, en effet, ta mère de la divine grâce et d‘elle on peut dire, dans une certaine mesure, ce que saint Jean a dit de son Fils : « De ptenitudine ejus omnes nos uccepimus : Nous avons tous reçu de sa plénitude ». Il y a toutefois une différence entre eux, et elle est essentielle, c’est que Jésus est le créateur de la grâce qu’il nous a méritée au Calvaire, tandis que Marie n’en est que la dispensatrice, c’est l’aqueduc, c’est le canal dont Dieu se sert pour la faire parvenir jusqu’à nous.

Il y a longtemps que saint Augustin l’avait dit : « La Vierge incomparable, étant mère de notre Chef selon la chair, a dû être, selon l’esprit, la Mère de tous ses membres, en coopérant par sa charité a la naissance spirituelle des enfants de Dieu ». Il y a longtemps aussi déjà que Bossuet avait ajouté : « Dieu ayant une fois voulu nous donner Jésus-Christ par la Sainte Vierge, cet ordre ne se change plus, et les dons de Dieu sont sans repentance. Il est et sera toujours véritable, qu’ayant reçu par elle une t’ois le principe universel de la grâce, nous en recevions encore, par son entremise, les diverses applications dans tous les états différents, qui composent la vie Chrétienne. Sa charité maternelle ayant tant contribué à notre salut dans le mystère de l’Incarnation, qui est le principe universel de de la grâce, elle y contribuera éternellement dans toutes les autres opérations, qui n’en sont que des dépendances ».

Mais Bossuet, mais saint Augustin lui-même, n’étaient que des voix particulières, et voici que la voix même de l’Eglise, que le Pape a parlé, que Pie X a proclamé Marie le ministre suprême de la dispensation des grâces. Nos pères avaient donc raison de dire, et nous, après eux, nous avons raison de répéter : Notre Dame de Grâce, priez pour nous.

 

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Notre Dame de grâce de nos jours

 

« La paroisse de Grâce a été crée en 1845 par ordonnance de Louis-Philippe, notifiée par l’évêque de Nantes. Le 12 janvier un curé y fut installé. La situation de ce dernier était bien précaire : presbytère inhabitable, une chapelle insuffisante et délabrée, puisque l’eau filtrait sur l’autel à travers les lambris, pas de sacristie, pas de cloche, puisque l’ancienne avait été envoyée à Savenay par les révolutionnaires pour être fondue. En 1855, le conseil de fabrique (paroissial) votait le projet définitif de construction d’une église dont le marché de travaux, après bien des difficultés et vicissitudes, fut conclu fin juillet 1866, entre un architecte Blinois et une entreprise de St Nicolas de Redon. Les travaux durèrent deux ans, le clocher, faute de moyens, ne fut pas construit. L’aménagement intérieur, la fabrication des bancs et des autels latéraux terminés en 1875, l’église pouvait accueillir 450 personnes. Le curé Héry a réalisé l’autel de la Vierge et a participé à la fabrication des bancs et des confessionnaux. Il fallu attendre le 29 septembre 1877 pour voir enfin le clocher terminé et ses quatre cloches carillonner. Ce carillon continua de marquer les heures joyeuses et douloureuses du pays, jusqu’au 7 décembre 1944, durant la poche de Saint-Nazaire.

Ce jour là, après de nombreux bombardements par les américains, une averse d’obus plus violente, qui dura trois heures, troua les murs, fit écrouler la moitié de la toiture de la nef et toucha le clocher. Le cadran de l’horloge traversa la place et la grosse cloche rendue inutilisable, le clocher restait suspendu dans le ciel  par quatre tiges de fer énormes ancrées dans la maçonnerie. Après la libération, une messe célébrée dans les ruines de l’église, le 13 mai 1945, rassembla les paroissiens rescapés et ceux qui avaient pu rentrer au pays. La démolition de l’édifice commença en 1949. La flèche du clocher fut jugée dangereuse, et un tracteur de l’armée américaine, au moyen d’un filin, la tira vers le sol, mutilant un peu plus le clocher, dont les trois cloches rescapées avaient été préalablement démontées ; la plus grosse des trois, dont les oreilles de fixation étaient brisées, tomba sur un tas de gravats et se fendit un peu plus. Elle faisait 1200 Kg et fut envoyée à la fonderie.

 

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L’Eglise provisoire

 

Des bâtiments en bois montés à Savenay par les anglais, pour y loger les troupes en 1940, étaient disponibles. Le démontage de deux éléments par les artisans de Notre Dame de Grâce, ont été réassemblés sur le terrain, où aujourd’hui, est situé le parking derrière l’église. Un bâtiment de vingt mètres de long par huit de large se trouva rapidement bâti, permettant d’accueillir les paroissiens pour toutes les cérémonies religieuses. Un clocher fut érigé indépendamment, sur le coté. Les cloches épargnées par les obus furent électrifiées et motorisées avec du matériel provenant de la démolition d’une église de Saint Nazaire. L’ensemble des bâtiments fut mis en service le 15 août 1945 et a servi d’église jusqu’au 2 juin 1952. Après quoi elle fut désaffectée et servit de salle de théâtre et de cinéma paroissial, puis démolie au cours des années 1959/60. A noter que la cloche brisée, refondue à Annecy en compagnie de celles de Guenrouët, après une cérémonie de bénédiction le 25 octobre 1948, prit une place avec ses sœurs dans le clocher provisoire.

 

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L’église actuelle

 

En 1947, le conseil municipal commença à se préoccuper des églises de la commune, toutes deux touchées lors de la poche de Saint Nazaire. Notre église paroissiale trop touchée par les obus, fût jugée irréparable lors la venue à Nantes du ministre de la reconstruction (un délégué se déplaça sur les lieux). Les travaux de démolition commencèrent en 1949. A la fin de l’année 1950, les plans acceptés, la reconstruction de cette nouvelle église commença. Les travaux furent rondement menés. La première pierre fut posée, le 2 mars 1951. Sous cette première pierre, située à droite dans le choeur et au pied de la fresque, un cylindre métallique renfermant les documents récupérés de l’ancienne église démolie, auxquels ont été ajoutés la narration des tribulations vécues et les noms des contemporains de cette nouvelle histoire. Le 2 juin 1952 restait les finitions intérieures. Les vieux bancs et chaises étaient tout justes assez nombreux pour accueillir la foule des paroissiens et voisins, venue avec les personnalités civiles et religieuses, participer à sa consécration par Monseigneur Villepelet, alors évêque de Nantes ».

L'église Notre Dame de Grâce a été reconnue « Patrimoine du XXe siècle en mai 2015.

(D'après un texte extrait du site www.guenrouet.ft)

 

ND de Nantes

 

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2 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

ND la Blanche de Guérande 2

Notre Dame la Blanche de Guérande

Troisième jour

Notre Dame la Blanche

 

La piété naïve du moyen âge, prenant à la lettre le mot de l’Ecriture, souvent appliqué à la sainte Vierge, « Nigra sum sed formosa, Je suis noire, mais belle », vénérait parfois des Vierges noires, et le pèlerin de Notre Dame de Chartres s’agenouille toujours avec respect devant une de ces antiques statues. Mieux inspirés par la pureté sans tache de la Vierge des vierges, les fidèles aimaient a surnommer Marie Notre Dame-la-Blanche. Ce vocable n’est point inconnu dans le diocèse de Nantes.

Le voyageur, qui se dirige de Rezé vers l’ancien monastère de la bienheureuse Françoise, devenu le petit séminaire de Notre Dame des Couëts, ne tarde pas â rencontrer un modeste édifice. C’est à l’endroit même où la colline se hausse pour contempler le splendide panorama qui se déroule a ses pieds, la verdoyante vallée de la Loire, les vaisseaux chargés de richesses qui descendent ou remontent notre beau fleuve, Chantenay avec ses bruyants ateliers et ses hautes cheminées fumantes, enfin Nantes avec ses églises et ses palais, assise connue une reine sur les coteaux de la rive droite. On aperçoit tout d’abord un édicule surmonté de la croix, abritant sous un arc une statuette de Marie ; au dessous se lit l’invocation : « Notre Dame la Blanche, priez pour nous ». En arrière, séparé des autres constructions par un chemin de ronde, on voit un bâtiment quelconque, assez délabré : un rez-de-chaussée, éclairé par deux fenêtres carrées sans caractère, une vieille porte en anse de panier, et, à l’angle sud, un contrefort de granit. Au dessus, un étage moderne, ressemblant à toutes les maisons voisines. A l’intérieur, un dallage usé, partie en briques, partie en granit, un bénitier poussiéreux, une crédence, trois niches vides creusées au chevet. C’est tout ce qui reste d’une chapelle dédiée à Notre Dame la Blanche.

Rien dans cette masure qui attire l’attention, et pourtant elle est digne de notre respect ; c’est peut être, avec la chapelle de saint Etienne, dans le cimetière de Saint Donatien, la plus vieille église du diocèse de Nantes. Les antiquaires, dont les manies parfois nous font sourire, mais dont les recherches sont souvent fort utiles â l’histoire, ont examiné attentivement ces pauvres murailles ; et ils ont démontré qu’une partie au moins, car l’antique chapelle a été bien des l’ois remaniée, présente des caractères fort anciens. Ils vont jusqu’à prétendre et il semble qu’ils n’ont point tort, que cette insignifiante construction est antérieure au IIIe siècle de l’ère chrétienne. Rezé était alors, sous le nom de Ratiate, une ville plus riche et plus importante que Nantes ; et peut-être ce modeste édifice, resté debout malgré le poids des siècles, est-il le premier temple, consacré, sur cette terre, au culte chrétien. Si nous ne pouvons l’affirmer, du moins est-il permis de conjecturer que c‘est le premier sanctuaire dédié a Marie dans le diocèse de Nantes.

Est-ce pour ce motif qu’il était si vénéré de nos pères ? Peut-être. Ce qui est certain, c’est que Nantes, qui possédait dans ses murs et à ses portes tant d’églises de la Sainte Vierge. tant de pèlerinages fréquentés, allait jusqu’à Rezé invoquer Notre Dame la Blanche. Dans les temps troublés qui précédèrent la réunion de la Bretagne a la France, quand les armées royales, campées à Richebourg, menaçaient Nantes, pointaient leurs canons sur son château ducal et faisaient craindre pour l’indépendance de la patrie bretonne, les fidèles de la ville multiplièrent les processions et visitèrent tour à tour les divers sanctuaires consacrés à Marie : la Collégiale, N.-D. de Bon-Secours, N.D. des Carmes, N.-D. de-Bethléem que l’on vénérait a deux pas d’ici, dans la chapelle de Sainte Catherine, et enfin Notre Dame la Blanche en Rezé.

N’est-il pas vrai que ce sanctuaire, tout modeste qu’il est, mérite un respectueux souvenir ? L’ancien curé de Rezé pensait comme nous et avait acquis, au prix de. lourds sacrifices, ces restes précieux. Je sais que son successeur partage ses sentiments et que le défaut de ressources l’empêche seul, avec les malheurs du temps présent, de restaurer ce cher monument, et de rouvrir a la piété de ses paroissiens ce qui fut le berceau du christianisme chez eux.

Il existait, dans la paroisse de la Chapelle Launay, un établissement religieux, dont les bâtiments sécularisés sont encore intacts, et dont le nom semblerait indiquer qu’on y honorait Notre Dame la Blanche : c’est l’abbaye de Blanche Couronne.

Mais ce n’est qu’une conjecture, et j’aime mieux vous rappeler un autre sanctuaire, plus célèbre et plus beau, et bien dédié, celui-là, â Notre Dame-la-Blanche. Il était, il est encore un des ornements de l’antique cité guérandaise.

Durant les guerres désastreuses qu’occasionna, au XIVe siècle, la succession de Bretagne, Guérande avait pris parti pour le comte de Montfort, dont elle était d’ailleurs l’apanage, et luttait avec énergie pour le triomphe de la cause qu’elle avait embrassée. Louis d’Espagne, qui combattait pour Charles de Blois, vint, a la tête d’une troupe d’Espagnols et de Gênois, mettre le siège devant cette ville. Malgré le courage de ses défenseurs, Guérande fut prise, ses murailles furent rasées, ses maisons réduites en cendre ; ses cinq églises suffirent le même sort et huit mille habitants périrent. C’était, pouvait-on croire, la ruine pour jamais. Heureusement les Montforts furent reconnaissants. Le duc Jean IV, ou plutôt sa mère, l’héroïque Jeanne de Flandre, releva, dès avant son triomphe sur son adversaire, les ruines de Guérande (1348). Non seulement les murailles de la ville, mais les maisons particulières furent reconstruites aux frais du prince. Saint-Aubin fut restauré, incomplètement il est vrai, car il ne devait retrouver que dans les dernières années du XIXe siècle sa splendeur disparue. C’est à ce moment-là que, par les soins du duc, fut élevée la gracieuse chapelle de Notre Dame la Blanche. Remplaçait-elle une ancienne église consacrée à Marie ? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est que le duc Jean IV aimait Guérande et y séjournait souvent, c’est qu’il aimait aussi spécialement Notre Dame-la-Blanche.

C’est dans la cité fidèle, qui avait tant souffert pour lui, qu’il voulut signer le traité de paix qui consacrait ses droits à la couronne de Bretagne ; et quand, seize ans plus tard, de nouvelles conventions réconcilièrent la Bretagne et la France, c’est encore dans la ville de Guérande que Jean IV voulut les accepter. Le premier traité avait été signé devant le grand autel de Saint Aubin ; le second fut juré sur la vraie croix, dans l’église de Notre Dame la Blanche.

Ce fut un beau jour pour notre chapelle, et jamais assemblée plus brillante ne fut réunie dans ses murs. Pour la France, représentant le roi, on voyait l’évêque de Chartres, le seigneur de Chevreuse et Arnault de Corbie, premier président du parlement de Paris ; pour la Bretagne, l’élite de ses fils : le duc d’abord, les évêques de Rennes et de Vannes, puis des Rohan, des Rochefort, des Laval, et le sire de Beaumanoir, dont les échos de Mi-Voie redisent toujours la vaillance. Oui, ce fut un beau jour, mais suivi de plus beaux jours encore.

De ce jour date en effet la fin des guerres civiles qui, depuis Si longtemps, désolaient la Bretagne. Notre Dame la Blanche donna cent ans de paix à notre pays, et jamais, dans toute la suite des âges, la Bretagne n’a été florissante comme en ce temps-là. Parcourez nos côtes et nos campagnes bretonnes, vous verrez partout des témoins qui le répètent encore : les cathédrales de Nantes, de Vannes, de Quimper, de Tréguier, et le Folgoët, cette fleur de granit épanouie sur nos landes, et ces flèches gothiques qu’on rencontre, à chaque pas au fond de la Cornouailles et du Léon, sortirent du sol breton en cet âge d’or de la patrie.

Le peuple fut reconnaissant à Notre Dame la Blanche ; chaque mois, a la suite du Chapitre de Saint Aubin, il se rendait processionnellement a la chapelle,et dans la plupart des paroisses de la presqu’île guérandaise, à Piriac, â Saint Molf, à Saillé, ailleurs encore, on éleva des sanctuaires dédiés sous ce nom. La Révolution chassa Notre Dame la Blanche de sa chapelle et. la Vierge, protectrice de la Bretagne, en fut exilée pendant soixante ans. Mais elle y est rentrée, et depuis 1853, la glorieuse chapelle a retrouvé sa splendeur d’autrefois. Les princes n’y vont plus sans doute, mais la piété et la charité en ont fait, pour ainsi dire, leur quartier général, et nous pouvons affirmer que la chapelle n’est point déchue.

Citons enfin, dans le cimetière de Saint Jean de Corcoué, au sommet de ce coteau pittoresque d’où l’on domine la gracieuse vallée de la Logne, ainsi que le bourg et l’église de Saint Etienne, une toute petite chapelle, sous le vocable de Notre Dame la Blanche. Hélas ! maintenant on pourrait l’appeler la Rouge et la dédier à Notre Dame des Martyrs. Écoutez.

Le 28 janvier 1794, un détachement de soldats patriotes venait s’établir à Saint Jean. Un révolutionnaire de Saint Etienne de Corcoué, qui s’était réfugié précédemment a Nantes, arrivait avec eux. Le misérable parcourut ce dernier bourg, et les villages environnants, engageant toutes les personnes qu’il rencontrait a se rendre au camp, sous prétexte de pacification. Deux semaines auparavant, plusieurs personnes de cette paroisse avaient été surprises dans un guet-apens dont nous reparlerons et odieusement massacrées ; malgré ce précédent, une quinzaine de paysans se laissèrent persuader et montèrent a Saint Jean. On les emprisonna à Notre Dame la Blanche. Le traître alors s’en alla trouver le commandant et lui demanda de faire fusiller ces malheureux, le menaçant d’une dénonciation s’il y refusait. Saisi d’horreur et de dégoût, l‘officier lui répondit qu’il pouvait faire lui-même ce qu’il voudrait de ses prisonniers, mais qu’aucun des soldats placés sous ses ordres n’accepterait de les mettre à mort. Le bandit ne recula pas devant le forfait, il pénétra dans la chapelle et, de son sabre, il égorgea tous les voisins et amis qu’il y avait attirés. Le lendemain, les soldats quittaient Saint Jean, mais le commandant, fou de honte et de remords, se brûlait la cervelle avant le départ. Le bourreau, lui, vécut de longues années encore, au milieu des parents de ses victimes. Dieu lui laissait le temps du repentir. Il n’en profita point, et la justice divine le frappa enfin : il périt d’une mort horrible. La petite chapelle est là toujours : il me souvient d’y avoir présidé naguère une procession du mois, et, dans les moisissures dont le temps et l’humidité ont couvert ses vieux murs, je croyais voir les traces sanglantes des martyrs.

 

Faut-il exposer maintenant les raisons de ce poétique vocable ? Il nous rappelle le plus beau fleuron de la couronne de Marie et il nous désigne les vertus que nous devons surtout pratiquer a son exemple.

Quand vous contemplez vos chères petites filles, charmantes et radieuses dans leur costume de communiantes, vous demandez-vous pourquoi ces robes et ces voiles a la blancheur neigeuse ? C’est le symbole de la pureté sans tache avec laquelle il convient de recevoir Celui qui se plaît au milieu des lis. La blancheur, c’est le symbole de la pureté, c’est la couleur des vierges. Telle est la raison d’être du vocable que nous étudions ce soir : Marie s’appelle Notre Dame la Blanche parce qu’elle est pure, parce qu’elle est vierge.

Elle était pure et c’est par là qu’elle attira principalement les regards du Très Haut. Les saints Pères nous l’assurent, et vous mêmes, vous aimez a chanter ce couplet d’un de nos plus gracieux cantiques : « C’est le lis de la vallée dont le parfum précieux, Sur la terre désolée, attira le Roi des cieux ». Elle était vierge aussi. Nous affirmons chaque jour notre foi à ce dogme en récitant notre symbole : « Je crois en Jésus Christ... qui est né de la Vierge Marie ». Non seulement elle était vierge, mais les docteurs catholiques s’accordent à dire qu’elle avait fait à Dieu le vœu de virginité. Tel est, en effet, le sens de sa réponse à l’archange Gabriel : « Comment ces choses s’accompliront-elles, puisque je ne connais point d’homme », c’est-à-dire puisque je suis vierge et que je me suis engagée à le rester toujours ? Ai-je besoin de vous dire après cela quelles vertus nous prêche la Vierge très pure ? Elle prêche, avec l’éloquence de l’exemple, la virginité â l’élite, la chasteté à tous.

Je le sais, tous ne sont pas appelés à garder la virginité : c’est la vertu des anges. Le Maître lui même l’a déclaré : « Tous ne la sauraient comprendre ». Mais il a dit aussi : « Que celui qui peut comprendre comprenne ! » Ses apôtres ne comprirent pas tout d’abord, mais un jour vint bientôt où le Saint Esprit ouvrit leurs oreilles a ce chant des vierges que Jean devait ouïr dans les cieux, chant harmonieux comme un concert de lyres, que nul ne sait ni n’entend, que ceux qui suivent l’Agneau partout ou il va.

Bien des âmes, depuis dix neuf siècles, ont compris a leur tour et ont marché à la suite de l’Agneau : elles ne faisaient que s’engager dans la route tracée par Marie, la Vierge des vierges. Le démon les a poursuivies de cette haine infernale qu’il garde a la femme incomparable dont le pied lui a broyé la tête ; il les poursuit encore. Mais l’exemple de Marie continuera de porter ses fruits et, jusqu’à la fin des temps, le monde verra des fleurs virginales s’épanouir dans le parterre de l’Eglise.

Pour vous, mes Frères, que Dieu n’a point appelés a cette perfection, n’oubliez pas que Marie prêche en même temps la chasteté a tous. C’est la vertu qui faille plus d’honneur a l’homme, puisqu’elle le dégage de la matière pour le faire vivre de la vie des esprits, puisqu’elle le tire de la fange où il s’enlise pour l’élever à la hauteur des anges. mettez votre orgueil à la pratiquer, et, si votre fragilité vous effraie, demandez à Marie de vous tendre la main et de vous aider a gravir ces sommets où règne la divine pureté. Aimez à répéter le gracieux vocable qui a fait le sujet de cet entretien : c’est adresser à notre Mère du ciel la plus délicate des louanges et en même temps la plus efficace des prières que de lui dire : « Notre Dame la Blanche, priez pour nous ».

 

ND la Blanche de Guérande

La Chapelle Notre Dame la Blanche de Guérande

 

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30 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Premier jour

Notre Dame de Nantes

 

Le plus célèbre et le plus beau des sanctuaires dédiés à Marie, dans notre pays, celui dont le nom résume tous les autres, c’est l’église que l’on avait coutume d’appeler simplement Notre Dame, ou bien encore Notre Dame de Nantes. Écoutez l’abrégé de son histoire.

Trois fois au moins, durant le cours du IXe siècle, la ville de Nantes avait été prise et détruite par les barbares Normands, et nos annales racontent, non sans nous faire frémir encore, ces scènes de pillage et d’incendie, ces massacres surtout qui firent couler des flots de sang chrétien et mirent une auréole au front de l’évêque Gohard et de ses compagnons. Ces vainqueurs féroces s’étaient même établis dans les îles de la Loire, spécialement dans l’île de Biesse, et, de la, continuaient à rançonner le pays. Alain le Grand, l’un des plus illustres de nos rois bretons, les chassa et Nantes, grâce a sa protection, grâce surtout aux efforts de son évêque Foulcher, sortit enfin de ses ruines.

Hélas ! Ce n’était pas pour longtemps. Le grand roi descend dans la tombe et les barbares accourent, impatients de laver dans le sang leurs défaites. Nantes est pris de nouveau, les survivants de la bataille s’enfuient épouvantés, la ville entière est saccagée, livrée aux flammes. Elle resta déserte pendant vingt ans. Gardiens jaloux de ces débris, les vainqueurs s'installent sur les rives de notre beau fleuve, ravageant a plaisir le Comté Nantais et la Bretagne entière. On ne voit partout que champs en friche et ruines fumantes ; la résistance se décourage ; la plupart des Bretons, princes en tête, se réfugient en Angleterre. C’est de là qu’allait venir le vengeur.

Il était petit-fils d’Alain le Grand et, lui aussi, portait ce nom plein d’espérance, auquel le peuple ajouta l’étrange surnom de Barbetorte, que la gloire et la reconnaissance ont transmis à la postérité. Comme les Bretons de tous les temps, le jeune Alain souffrait dans l’exil ; il avait hâte de revoir sa Bretagne. Dès qu’il fut en âge de batailler, il traversa la Manche à la tête d’une troupe de fidèles. Il surprit et culbuta les envahisseurs à Dol d’abord, puis à Saint Brieuc. Mais c’est à Nantes qu’ils avaient leur établissement principal, c’est à Nantes qu’il fallait les vaincre. Barbetorte traversa toute la haute Bretagne et vint les attaquer dans leur repaire.

Les Barbares étaient retranchés dans l’angle formé par la Loire et l’Erdre, sur la rive droite de cette dernière rivière : c’était alors une vaste prairie appelée le pré Saint-Aignan, in prato sancti Antoni, c’est aujourd’hui le quartier Sainte Catherine, et la rue du Pré-Nian rappelle encore ce nom célèbre dans les fastes de Nantes et de la Bretagne. Les Bretons attaquent avec furie ces hordes étrangères campées sur le sol de la patrie. Mais les Normands sont braves et fortement retranchés ; ils repoussent les assaillants. Alain remonte lentement les pentes abruptes qui conduisent à la colline du Marchix. Harassé par le combat, dévoré par une soif ardente, brisé d’émotion, tremblant pour sa Bretagne, il appelle Marie a son secours et la supplie de lui procurer un peu d’eau pour apaiser sa soif et celle de ses soldats : la Vierge écouta sa prière et lui découvrit une source d’eau vive. Elle existe encore, on l’appelle depuis ce temps la fontaine Sainte Marie et vous pouvez la vénérer a quelques pas d’ici, au fond de la rue Paré.

Réconfortés par ce breuvage, exaltés par la protection visible de la Mère de Dieu, Alain et ses soldats recommencèrent la lutte et mirent cette fois les Barbares en fuite. Nantes était délivré. Mais Nantes existait-il encore ?... Les vainqueurs se dirigèrent vers l’église Saint Pierre pour rendre grâces à Dieu. Hélas ! Ils furent obligés, pour se frayer un passage, de trancher les ronces et les épines avec leurs épées ; le temple n’était plus qu’une ruine informe. Alain pourtant ne se découragea point et il releva la ville, dont il fit sa capitale.

Gardons ces souvenirs, mes Frères, et n’oublions pas que, sans Alain Barbetorte, sans la protection de Marie surtout, Nantes peut-être, comme Rezé sa voisine et tant d’autres cités, aurait pour jamais disparu. Alain fut reconnaissant. Il ne pouvait songer à bâtir une église près de la fontaine Sainte Marie, situé: aux portes de la ville, exposée à toutes les attaques de l’ennemi, mais il avait existé, non loin de la Cathédrale, une chapelle de la Vierge, disparue comme tout le reste. Alain la releva splendidement et la dédia à Notre-Dame. C’est là qu’il fut enseveli.

Écoutez ce que raconte la Chronique de Nantes : on enterra le libérateur à Saint-Donatien, mais le lendemain matin la tombe était ouverte et le cadavre sur la terre nue. Soigneusement on le replaça dans le sépulcre, qu’on chargea de grosses et lourdes pierres et qu’on entoura de gardiens. Le lendemain, en dépit des pierres et des soldats, le cadavre était déterré. Un familier d’Alain dit alors : « Le noble Duc a toujours aimé la sainte Mère de Dieu plus que tous les autres saints et l’a toujours invoquée dans ses besoins, portez-le dans l’église qu’il a reconstruite en l’honneur de la Vierge et il y trouvera le repos ». On suivit le conseil et le grand batailleur y trouva le repos pendant dix siècles. Quatre cents ans plus tard, l’évêque Daniel Vigier, poussé par la piété des Nantais envers Notre-Dame, érigeait son église en collégiale et y plaçait dix-neuf chanoines chargés de chanter les louanges de Marie.

Bientôt l’antique église, que tous les siècles avaient embellie, revêtit une splendeur nouvelle. Pierre de Bretagne et Françoise d’Amboise, plus tard souverains de ce pays, se promettent par serment de n’appartenir qu’à Dieu, si la mort les sépare, et, pour consacrer cette promesse. ils font rebâtir magnifiquement le choeur de Notre-Dame. Ils y érigent en même temps leur tombeau et y fondent une messe solennelle quotidienne. Le Duc y descendit le premier et, chaque jour, pendant qu’elle résidait à Nantes, la pieuse Françoise s’y rendait à pied pour y répandre ses larmes et ses prières. La sainte veuve ne devait jamais y reposer près de lui, l’affection de ses chères Carmélites des Couëts rendit vaines les réclamations des chanoines de Notre Dame.

Nos ducs continuèrent la reconstruction de la collégiale et la reine Anne y mit la dernière main. L’édifice était digne de ceux qui l’avaient construit et son clocher en pierres, le plus beau de la ville, s’élevait jusqu’à deux cents pieds. Les ducs n’étaient pas seuls dévots à Notre-Dame ; tous les Nantais y venaient prier, tous les Nantais y répandaient leurs largesses. Au XVe siècle, les fondations y étaient si nombreuses que cinquante prêtres ne suffisaient pas à les acquitter.

Hélas ! Toute cette gloire a disparu. L’église, vendue nationalement à la Révolution, devint un atelier de fondeur. On ne tarda pas à la démolir. Aujourd’hui, nous savons encore qu’elle était sur la place Dumoutiers ; mais c’est en vain que nous y cherchons quelques débris d’un temple autrefois si glorieux. Il n’en reste plus rien qu’une petite chapelle mutilée, incomparable joyau dédié jadis a saint Thomas et dû probablement au ciseau de Michel Columb, le grand artiste qui sculptait, à la même époque, le chef d’oeuvre que nous appelons aujourd’hui le tombeau des Carmes. Ce débris d’une splendeur évanouie a été placé naguère dans l’ancienne chapelle de l’Oratoire.

Le temple est détruit, mais non pas notre amour pour Marie : aujourd’hui connue autrefois, nous pouvons l’appeler Notre Dame de Nantes. Et quel est le sens de cette expression : « Notre Dame » ?

Vous savez, mes Frères, ce qu’était un seigneur des siècles passés. Dans le principe, c’était un chef de bande, un vaillant capitaine, ou même simplement un possesseur de fief, un puissant propriétaire, autour duquel se rangeaient des soldats, des paysans, des hommes du peuple, qui se plaçaient sous sa dépendance et réclamaient son appui contre les ennemis, petits et grands, qui pullulaient alors. Le seigneur devait protéger ses vassaux, défendre leurs intérêts, leur rendre la justice ; les vassaux, de leur côté, devaient au seigneur hommage et fidélité. Bientôt les fiefs devinrent héréditaires et leurs possesseurs furent seigneurs de père en fils. Plus tard, après le XIIe siècle, à défaut d’enfants mâles, les femmes héritaient des fiefs et elles portaient alors le nom de dames. De même qu’on écrivait dans les actes publics haut et puissant seigneur, on écrivait aussi haute et puissante dame.

A cette époque de foi ardente et naïve, ces expressions ne tardèrent pas a passer dans la langue religieuse; on disait couramment alors Monsieur saint Michel et Madame sainte Anne. Tout naturellement le mot Seigneur, pris d’une manière absolue, sans adjonction d’un nom propre, fut attribué à Jésus, notre divin Sauveur, c’est lui par excellence qui est le Maître, c’est lui que tous appelaient le Seigneur, Notre Seigneur. Les Livres saints d’ailleurs avaient donné l’exemple et l’on ne faisait guère que les traduire. Tout naturellement aussi le mot Dame, sans adjonctif, fut appliqué à Marie, car, suivant la belle expression de Saint Bernard, elle est bien vraiment « la Dame de tout le monde ». N’est-elle pas dépositaire des pouvoirs de son Fils ? N’a-t-elle pas été associée à sa grandeur ? N’est-telle pas chargée d’exercer sa puissante protection sur les hommes ? N’a-telle pas, en conséquence, droit a leur fidélité et a leurs hommages ? Nos pères savaient ces choses, et ils croyaient à la puissance de Marie, et ils l’invoquaient dans toutes les difficultés de la vie, et ils la servaient avec fidélité, et ils lui rendaient leurs hommages, et ils l’appelaient du nom expressif de Notre Dame. N’est-il pas délicat et juste, ce nom ? Ne traduit-il pas admirablement les relations de Marie avec les chrétiens et des chrétiens avec Marie ?

Ce n’est pas tout ; ce terme avait encore un autre sens, un peu différent du premier, et emprunté aux coutumes de la chevalerie. Les hommes de ce temps-là, les nobles surtout, les chevaliers, étaient passionnés pour les luttes courtoises des tournois et pour les combats plus terribles de la guerre; mais ils avaient appris de l’Eglise a respecter tout ce qui est faible, les prêtres, les orphelins, les femmes. Aussi la plupart avaient à cœur d’honorer les nobles dames, les belles et vertueuses châtelaines. Lejeune homme, devenu chevalier, ne manquait pas d’adresser l’hommage de son cœur à quelque noble damoiselle, et, dans les joutes brillantes des tournois, dans les luttes sanglantes de la guerre, il arborait les couleurs de sa Dame et faisait mainte prouesse en son honneur. Tel Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Mais plusieurs, parmi les plus chrétiens et les plus purs, ne voulaient avoir d’autre Dame que la Vierge Marie : c’est à elle seule qu’ils donnaient leur cœur, se sont ses couleurs qu’ils portaient, et quand ils frappaient d’estoc et de taille, quand ils faisaient fuir l’ennemi devant leur vaillante épée, quand ils se couvraient de gloire dans les tournois ou dans les combats, c’était en l’honneur de Marie, leur Maîtresse et leur Dame. Ne vous souvient-il pas que notre grand connétable breton avait pour cri de guerre : « Notre Dame Guesclin » ?

Le peuple du Moyen-Age, plus que le peuple d’aujourd’hui sans doute, était épris d’idéal et de poésie, et il comprenait ces délicats symboles. Tous avaient adopté Marie pour leur Dame, et tous aimaient a lui donner ce titre. Et s’ils travaillaient, s’ils combattaient, s’ils accomplissaient fidèlement leurs devoirs de chrétiens, c’était sans doute et tout d’abord pour l’honneur de Notre-Seigneur, mais c’était aussi pour l’honneur de Notre Dame.

Cette belle et touchante expression a presque disparu de la langue religieuse, au moins dans notre pays : nous désignons encore par ces mots les églises et les pèlerinages consacrés à Marie, nous disons Notre Dame de Bon Port, Notre Dame de Toutes Aydes, Notre Dame de Lourdes ; nous ne disons plus simplement Notre Dame, en parlant de la Sainte Vierge elle-même. Il est permis de le regretter. Du moins, ayons dans le cœur les sentiments exprimés par ces mots : confions-nous à la protection de Marie, soyons empressés a son service, adressons-lui fréquemment nos hommages, donnons-lui toujours notre amour ; et nous aurons, aujourd’hui connue autrefois, le droit de l’appeler Notre Dame.

 

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Notre Dame du Précieux Sang

Vénérée en l'église Saint Guénolé de Batz-sur-Mer

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29 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Ouverture du Mois de Marie

Le culte de la Très Sainte Vierge

« Toutes les générations me proclameront Bienheureuse ». (St Luc,1, 48).

 

J’imagine que si l’un de ces docteurs orgueilleux et suffisants, qui devaient plus tard traîner Jésus Christ au Calvaire, avait entendu ce cri, poussé par une jeune fille de quinze ans, fiancée d’un pauvre charpentier de village, il eut haussé dédaigneusement les épaules et se fut éloigné en esquisse… un sourire de pitié. Pourtant c’était une prophétie, et, pour prouver son accomplissement, il suffit de montrer l’univers catholique pressé au pied des autels dédiés il cette humble femme ; il suffit de prêter l’oreille aux discours et aux chants qui vont, durant ces quatre semaines, redire il tous les échos de la chrétienté ses incomparables grandeurs.

Ce verset du Magnificat appellerait un commentaire, le seul qui lui convienne, l’histoire du culte de la Très Sainte Vierge. Vous m’excuserez de ne point l’entreprendre ; ni le temps dont je dispose ici, ni mes forces ne me le permettent ; il y faudrait plus que la vie d’un homme. Je voudrais cependant apporter une pierre - fut-elle des plus modestes - à ce splendide monument, en étudiant avec vous le culte de Marie dans le diocèse de Nantes. Ce sera le sujet de nos entretiens durant ce mois. En guise d’introduction, disons deux. mots ce soir sur la légitimité du culte de Marie, et sur les avantages de ce que j’appellerai le culte local de Très Sainte Vierge.

Les théologiens, après avoir étudié il fond le mystère de l'Incarnation, et avoir exposé la vie de l’Homme Dieu, ne manquent pas d‘ajouter que la connaissance du Fils sans celle de la Mère serait imparfaite, et que le traité du Verbe incarné doit être suivi de celui de la Trés Sainte-Vierge. D’ailleurs, disent-ils encore, il n'est pas possible de séparer deux êtres si étroitement unis ; il n’est pas possible, quand on parle si longuement du Christ, de garder le silence sur sa divine Mère. C’est ce que le cardinal Mermillod exprimait ainsi familièrement : « La Sainte-Vierge est-elle donc de trop quand on parle de Jésus ? »

Ce que les théologiens disent de l’étude nécessairement simultanée de Jésus et de Marie, il me semble que je puis bien le dire de leur culte. Le culte du Fils, sans le culte de la Mère, serait incomplet; pour honorer pleinement Jésus, il faut honorer Marie. Le culte de la Très Sainte Vierge est, en effet, une conséquence nécessaire et comme le prolongement du culte de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Pourquoi honorons-nous Notre Seigneur Jésus Christ ? Parce qu’il est Dieu. Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu, dit Saint Jean, et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. Avec les apôtres, dont l’antique symbole résume notre foi Catholique ; avec tous les siècles chrétiens, héritiers et gardiens de leur doctrine, nous croyons que Jésus-Christ est Dieu, et nous tombons a genoux devant lui, disant comme Saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Eh bien ! Marie est la mère de Jésus, Marie est la mère de Dieu. Marie est mère de Dieu ! Ce sont encore tous les siècles chrétiens qui le proclament; c’est l’Eglise qui le définit aux applaudissements des peuples ; que dis-je ? C’est le ciel qui l’annonce il la terre. C’est sainte Elisabeth qui s’écrie, dans un élan inspiré : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Dieu daigne me visiter ? » C’est l’Archange Gabriel qui dit a la Vierge de la part de Dieu : « Celui qui naîtra de vous sera saint et on l’appellera le Fils du Très Haut : il régnera éternellement sur la maison de Jacob ».

Marie est mère de Dieu ! Savez-vous la conséquence ? La Vierge elle-même va vous la dire. Au seuil de la maison d’Elisabeth, elle entend le cri inspiré de sa cousine : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Dieu daigne me visiter ? ». Alors, dans une sublime extase, elle-même entrevoit l’avenir et à son tour elle s’écrie : « Voici que toutes les générations une proclameront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses ». Ces grandes choses accomplies en Marie par la toute puissance de Dieu, c’est la maternité divine, et, a cause de cela en effet, toutes les générations ont proclamé la Vierge bienheureuse ; et à cause de cela toutes les générations se sont prosternées respectueusement devant elle.

N’est-ce pas légitime ? N’est-ce pas nécessaire ? Eh quoi ! La mère d’un prince est exaltée au-dessus de toutes les autres femmes, et la mère de Dieu n’aurait pas droit a plus de respect et d’amour ? Non, non, cela n’est pas possible ; c’est le contraire qui doit être, c’est le contraire qui est. « Je vous salue, disaient Elisabeth et Gabriel, parce que vous êtes bénie au-dessus de toutes les femmes ». Et nous répétons après eux : « Je vous salue, Marie, je vous honore au-dessus de toutes les femmes, au-dessus de tous les saints, au-dessus de tous les anges, parce que vous êtes plus grande qu’eux tous ; parce que vous approchez de plus près le Maître du ciel et de la terre ; parce que vous êtes l’alliée, l’associée, que dis-je ? la mère de Dieu !

Pourquoi honorons-nous Notre Seigneur Jésus-Christ ? Nous l’honorons, non pas seulement parce qu’il est Dieu, mais aussi parce qu’il est homme. Vous connaissez la belle et profonde doctrine de l’lncarnation. Le péché, qui s’attaquait à Dieu, était, d’une certaine manière, infini. Donc, pour apaiser Dieu, pour expierle péché, il fallait une satisfaction infinie. Dieu seul est infini, Dieu seul est capable d’accomplir des actions infinies ; d’un autre côté, l’homme seul est capable de satisfaire et d’expier, parce que seul il est capable de souffrir. La conséquence, c’est que, pour offrir la satisfaction convenable, il fallait un Homme-Dieu. Saint Jean nous donne la solution du problème : « Et le Verbe s’est fait chair ». Le Fils de Dieu a pris notre nature humaine, a revêtu notre chair mortelle, et il a pu souffrir, mourir, apaiser Dieu, expier le péché, racheter le monde, rouvrir a l’homme coupable les portes éternelles. Vous savez ces choses, mes Frères, et tant d’amour vous confond et vous tombez aux genoux de l’Homme Dieu pour le bénir et pour l’adorer.

Mais comment le Verbe de Dieu s’est-il fait Homme ? N’est-ce pas en s’incarnant dans le sein de Marie ? Mais de qui le Verbe de Dieu tient-il cette chair, grâce a laquelle il a pu souffrir et mourir ? N’est-ce pas de sa Mère ? Écoutez, c’est Saint Augustin qui parle : « La chair du Christ est la chair de Marie, et bien qu’elle soit actuellement transfigurée par la gloire de la résurrection, elle reste la même, c’est toujours la chair qu’il a reçue de Marie ». C’est donc à Marie que nous devons ce petit enfant qui vagit à Bethléem, sur la paille d’une crèche ; c’est à Marie que nous devons ce divin ouvrier qui nous donne, il Nazareth, le fécond exemple du labeur humble et méritoire ; c’est à Marie que nous devons cet infatigable prêcheur qui, pendant trois années, parcourt la Palestine, en semant sa parole et ses miracles ; c’est à Marie que nous devons cette sainte et innocente victime qui gravit péniblement le Calvaire, et, pour nos péchés, expire sur la croix ; c’est à Marie que nous devons cette même victime perpétuellement immolée sur l’autel, perpétuellement donnée en nourriture à nos âmes, perpétuellement présente dans nos tabernacles ; c’est à Marie, en un mot, que nous devons, après Dieu, la rédemption du monde. N’est-ce pas ce qui justifie le beau titre de corédemptrice, qui lui a été décerné par les Pères ? N’est-ce pas ce qui justifie en même temps le culte que nous lui rendons ?

C’est pour cela que l’Eglise, appuyée sur l’exemple de l’archange Gabriel et de sainte Elisabeth, a, depuis dix-neuf siècles, prosterné ses fidèles au pied des autels de la Vierge et multiplié les fêtes en son honneur. C’est pour cela que toutes les générations chrétiennes, fières de pouvoir se dire les enfants de Marie, se sont ingéniées en mille façons à lui manifester leur amour. Je le répète, il nous serait impossible de passer en revue devant vous tous les pays et tous les siècles chrétiens, et de vous montrer, même en raccourci, ce qu’ils ont fait pour célébrer leur Mère; nous allons nous borner au culte local, c’est-à-dire, rechercher les honneurs rendus à Marie dans ce coin de terre catholique qui s’appelle le Diocèse de Nantes.

Je ne sais si je me trompe, séduit par mon amour passionné des vieilles choses et des vieux souvenirs de mon pays : il me semble que cette étude historique et religieuse n’est pas seulement curieuse, et qu’elle peut nous être également utile. C’est un moyen, et le meilleur peut-être, de dire la gloire de Marie sur la terre. En voyant comment elle a été honorée et aimée sur un point quelconque de la catholicité, en étudiant les détails de son culte dans un territoire restreint, ce qu’il serait impossible de faire pour des contrées plus vastes, on devine aisément quels honneurs elle a reçus dans l’univers Catholique, car ce qui s‘est fait chez nous s’est aussi fait ailleurs.

C’est un moyen, et l’un des plus doux à notre piété, de dire la gloire de notre petite patrie. Nous sommes fiers de notre foi bretonne, nous exaltons, quelquefois plus que de raison, ce vaste et beau diocèse de Nantes : son amour pour Marie, le soin qu’il a pris de l’honorer, les termes spéciales et multiples dont il s’est servi pour lui témoigner son filial attachement, tout cela est une preuve de notre foi, tout cela nous met en beau rang parmi les Eglises de France et du monde.

Mais ce qui importe davantage, c’est qu’une telle étude est de nature à fortifier notre foi et notre piété. Rien, pour obtenir ce résultat, comme la fidélité aux traditions religieuses d’un pays, la persévérance dans les pratiques pieuses des ancêtres. Les dévotions nouvelles sont bonnes assurément et nous pouvons les adopter quand elles ont été approuvées par l’Eglise. C’est dans l’ordre. Le progrès existe dans la piété comme en toutes choses. Je l’ai dit, les fêtes instituées dans la suite des âges, les pratiques diverses par lesquelles la piété des peuples a voulu honorer Marie sont une de ses gloires. Si l’on a pu les multiplier dans le passé, il est évident qu’on peut les multiplier dans le présent. Mais il y a un écueil : la tendance à embrasser toutes les nouveautés, d’où qu’elles viennent. C’est un signe d’inconstance et qui indique souvent plus de curiosité, d’humeur fantasque, de passion pour le changement et la mode que de fermeté dans la foi, de vivacité dans l’amour, de sérieux dans la piété. Peut être la piété contemporaine n’a-t-elle pas su se prémunir assez contre ce péril, et, en passant ainsi d’une dévotion à une autre, en accueillant, avec transport toute pratique nouvelle et surtout étrangère, a-t-elle montré qu’elle était plus superficielle que profonde. La fidélité aux dévotions anciennes, aux pratiques chères à nos pères, aux sanctuaires qu’ils ont aimés, est un indice de foi plus profonde et de piété plus sûre. Ces dévotions ont leurs racines dans le passé et nous rattachent à lui: la_ fidélité aux pratiques de nos pères entretient et fortifie la fidélité à leur foi.

N’ai-je pas le droit d’ajouter que ces dévotions locales, manifestations le plus souvent spontanées d’amour à Marie, convenaient au tempérament, aux habitudes, aux sentiments, aux mœurs de nos ancêtres ; que toutes ces choses qui constituent le caractère particulier d’une population, d’une province, ne se sont pas tellement modifiées qu’on ne puisse les retrouver chez nous, et que, par conséquent, ce qui plaisait à leur piété doit aussi plaire à la nôtre ? N’ai-je pas enfin le devoir de remarquer qu’un très grand nombre de ces pratiques, de ces dévotions, de ces pèlerinages, nés d’un cri d’angoisse ou d’un hommage de la reconnaissance, inspirés miraculeusement par Marie ou du moins approuvés par elle, sont une dette que nous n’avons pas le droit de protester, en même temps qu’un glorieux héritage dont nous avons le devoir d’être fiers ?

Venez donc, mes Frères, durant tout ce mois, étudier avec nous le culte de Marie au diocèse de Nantes. Sans doute nous ne dirons pas tout, nous ne citerons pas les quatre-vingt dix vocables sous lesquels on l’honorait dans notre pays ; nous n’énumérerons pas les quatre-vingt trois chapelles consacrées à son nom sur le territoire diocésain; nous ne calculerons pas le nombre des statues, ni même des autels qui lui furent dressés par la piété de nos pères ; nous ne cataloguerons pas toutes les congrégations et les confréries qui lui furent érigées ; nous ne signalerons pas toutes les processions qui se déroulaient en son honneur, chaque année, chaque mois, presque chaque semaine, dans les rues de nos villages et de nos villes ; nous ne mentionnerons pas tous ces curieux saluts de la Très Sainte-Vierge, dont le nom, sinon tout a fait la pratique, a disparu chez nous ; enfin nous ne dénombrerons pas les pèlerins qui ont tracé, à travers nos forêts et nos landes, les sentiers menant à nos sanctuaires locaux, pas plus d’ailleurs que ceux qui s’en vont aujourd’hui, emportés parla vapeur, à la Salette, à Pontmain et à Lourdes. J’espère toutefois que nous en dirons assez pour prouver que Nantes a toujours aimé Marie et que Marie le lui a bien rendu ; assez par conséquent pour vous déterminer à l’aimer toujours, et vous convaincre que toujours elle saura vous le rendre.

 

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28 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

 

Pour ce mois de Marie, je vous emmène en Bretagne, en Loire Atlantique, département duquel est orginaire ma famille, pour visiter et prier dans les nombreux petits sanctuaires, qui sont parfois très anciens qui se trouvent dans ce département. Les méditations de ce Mois de Marie, sont extraites du "Le Mois de Marie des Madones Nantes" ont été publié en 1904, par l'Abbé Ricordel, toutes ont étées prêchées en l'église Saint Nicolas, à Nantes, pendant le mois de mai de cette même année. (F.M.)

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Introduction

La Loire Atlantique, terre mariale

 

Lorsque je commençai d'étudier les madones nantaises, j’avais uniquement pour but d'exposer, devant un auditoire d‘élite, les forums variées qu'a revêtues, dans le diocèse de Nantes, le culte de la Très Sainte Vierge. La pensée ne m’était point venue de faire un livre. Invité cette année a donner les instructions du mois de Marie dans la basilique de Saint-Nicolas, j'entrepris de traiter ce même sujet. Des amis, trop bienveillants peut-être, ont été d’avis, les uns après les avoir entendu, les autres après avoir parcouru mes manuscrits, qu‘il fallait présenter ce travail à un public moins restreint. M. le Curé de Saint Nicolas lui-même a été assez aimable pour en faire l’éloge à la clôture des exercices et pour exprimer, du haut de la chaire, l’espoir qu‘il serait publié. Ces instances mirent fin a mes hésitations.

Toutefois, ce travail demandait a être complété si je voulais qu’il put servir aux lectures du mois de Marie. A Saint Nicolas, il n’y a pas de prédication le samedi et, par conséquent, je n’avais donné que vingt-sept instructions ; de plus, la première n‘était qu’une entrée en matière et, pour ainsi dire, une exposition du sujet ; enfin, le triduum en l'honneur de N.-D. de Bon-Conseil m’avait obligé à résumer l’histoire de cette image miraculeuse qui n'est que par une très récente adoption une madone nantaise. Il me restait donc à composer sept notices supplémentaires, c’est ce que j’ai fait. J’ai cru devoir cependant conserver l’instruction d’ouverture, ce qui porte il trente-deux le nombre des chapitres. De cette façon, il y aura assez de lectures pour ceux qui commencent les exercices la veille du 1er mai.

Je n'ai pas eu l‘intention de faire l'histoire complète du culte de la Très Sainte-Vierge dans notre pays. Il aurait fallu pour cela des loisirs que je n'ai point, il aurait fallu surtout une connaissance approfondie des choses du passé, il laquelle je suis loin de prétendre. Ce livre, d‘ailleurs, est moins le résultat de mes recherches personnelles qu’une sorte de vulgarisation des travaux antérieurs, et si je puis m’attribuer quelque mérite, c’est celui de posséder une bibliothèque. A part quelques sujets absolument inédits, puisés dans les archives départementales, ou empruntés aux registres paroissiaux, je n’ai guère fait que résumer les études consacrées par des spécialistes à nos pèlerinages diocésains et glaner quelques détails perdus dans des ouvrages d’histoire locale. Je n’ai point entendu faire non plus œuvre de critique et j’ai soigneusement écarté ce qui sent l’érudition pour donner une très large place aux légendes édifiantes que j’ai pu recueillir. J’ajoute même ingénument, au risque d’effaroucher les sévères historiens, que si j’éprouve un regret, c’est de n’en avoir pas récolté davantage. La science n’a rien à y gagner, mais la piété peut y trouver un aliment, et j'ai eu principalement pour but de faire une œuvre de piété.

Un livre de cette nature ne comporte pas les renvois multipliés au bas des pages, que l’on trouve dans les ouvrages d’érudition. On ne trouvera donc pas une seule note dans celui-ci. Je n’est pas cependant que je n’aie consulté beaucoup d’auteurs ; ce n’est pas non plus que je veuille m’attribuer le mérite de découvertes qui sont le fait d’autrui. Pour satisfaire, dans a mesure du possible, les exigences des lecteurs instruits, je donnerai, a la fin de cette introduction, la liste complète des sources où j’ai puisé. On verra par là que, sans chercher a faire œuvre d’historien, j’ai toujours respecté la vérité historique, quand elle m’était connue.

Les recherches auxquelles je me suis livré, les ouvrages que j’ai parcourus, les notes qui m’ont été transmises m’ont fait connaître bien des sanctuaires et bien des faits intéressants qui ne pouvaient entrer dans les notices particulières aux exercices du mois de Marie. Fallait—il les laisser enfouis dans mes cartons ? Je ne l’ai pas pensé. Il vaut mieux, semble-t-il, leur accorder une place dans cette introduction. De cette façon, sans donner l’histoire complète de ce que le diocèse de Nantes a fait pour honorer Marie, je fournirai quelques matériaux de plus il ceux qui seront tentés de l’écrire ; de cette façon aussi, je procurerai il un plus grand nombre de lecteurs la satisfaction de lire quelques lignes concernant les dévotions qui leur sont chères.

J’ai adopté, pour les notices destinées aux lectures publiques, l'ordre des mystères, le plus logique d’ailleurs et le seul possible en l’absence de dates précises ; je crois devoir suivre encore, en cette rapide revue, a peu près le même ordre.

M. l‘abbé Grégoire, dans son Etat du diocèse de Nantes en 1790, cite quatre-vingt-neuf vocables de la Sainte Vierge, et encore quelques-uns ont-ils dû échapper il ses patientes investigations ; en outre, plusieurs datent seulement du XIXe siècle ; enfin, beaucoup d’entre eux se retrouvent dans cinq ou six paroisses, souvent davantage. Je ne puis donc énumérer tous les lieux où le culte de Marie fut en honneur ni tous les titres qu’on lui décerna. Celle nomenclature, mêle dans une introduction, semblerait fastidieuse. Essayons, néanmoins, d'en donner quelque idée.

L'Immaculée-Conception, je le dirai plus tard, avait été, dans les âges les plus reculés, adoptée pour patronne par la Trève de Bouée ; elle y avait aussi une florissante confrérie, à laquelle une bulle du pape Paul V avait accordé (1515) de précieuses indulgences. Durant le cours du siècle dernier, trois paroisses nouvellement créées ont été heureuses de prendre ce vocable: N.-D. de Bon Port à Nantes, l’Immaculée-Conception a Saint-Nazaire et le Landreau. N.-D. la Blanche avait des chapelles, non seulement à Guérande, à Rezé ; à Saint Jean de Corcoué, où elle portait aussi le titre de N.-D. des Neiges ; mais à Carquefou, au milieu d’un cimetière du même nom, à Piriac, à Saint André des Eaux, à Saint Lyphard, à Herbignac, à Saint Molf, à Saillé, à Montoir. Ce dernier sanctuaire, modeste prieuré,presque perdu dans la Grande Brière, à l’extrémité du village d’Aisnes – aujourd’hui paroisse de Méan - eût son chapelain jusqu’à la Révolution, et ouvrait souvent ses portes aux nourrices des environs, qui venaient demande à la Vierge-Mère le lait dont elles avaient besoin pour leurs chers petits.

Ailleurs, à Sainte Croix de Machecoul, le peuple se prosterne devant N.-D. la Noire. N.-D. de Grâce possède une chapelle, dont nous parlerons, sur les bords de l’Isac, et un oratoire dans la banlieue de Nantes, près du château de la Collinière. La première n’a fait que grandir, le second a complètement disparu. Mais, depuis 1856, une paroisse voisine de notre grande cité, Saint-Sébastien d’Aigne, a érigé un petit monument et fait un pèlerinage annuel à N.-D. de Toutes Grâces. Le dimanche le plus rapproché du 8 septembre, fête de la Nativité de Marie, une procession part de l’église paroissiale et se dirige pieusement vers le village du Doucet. Elle s’arrête devant une grotte qui abrite une image de la Bonne Mère, pour la remercier de la protection qu’elle daigna accorder au village du Douet, en arrêtant le fléau des morts subites qui avait jeté l'effroi au sein de cette population.

Blain offrait ses hommages et ses prières à N.-D. des Vertus ; Remouillé et Rezé possédaient des chapelles du même nom ; le Temple appelait la sienne N.-D. de Toutes Vertus, comme pour indiquer la puissance universelle de la Reine qu’on y venait prier. Il a toujours pour elle la même confiance, et les mères du voisinage ne cessent pas d’aller demander a la Bonne Mère du ciel de fortifier et de faire marcher leurs petits enfants. Il y a bien longtemps qu’on la vénère ; les anciens registres donnent les noms des personnages importants qui voulurent dormir leur dernier sommeil au pied de son autel ; ils contiennent surtout un procès-verbal qui dira mieux que de longs développements quelle confiance on lui témoignait.

« L‘an 1710, le 26 juillet, sur les cinq heures du matin, par moi recteur soussigné, licencié en théologie, droit canon et civil, a été présenté devant l’image miraculeuse de N.-D. de Toutes Vertus, chapelle sise sur la lande, terroir du Temple-Maupertuis, honorable garçon Charles Bernard, natif de ce bourg, âgé de 22 ans ou environ, fils des défunts M” Julien Bernard, notaire et d’honorable femme Marie Guinel, ses père et mère, lequel étant allé sur mer en qualité de chirurgien, sur les vaisseaux marchands de Nantes, voguant sur les côtes d’Espagne en Amérique, étant en 1707, la nuit de la Toussaint sur le vaisseau nommé le Diamant, et se trouvant en danger de perdre la vie, avec tout le monde qui y était, il muse d’une tempête effroyable qui lit échouer le vaisseau contre un rocher qui le mit en pièces, fit le vœu qu'il rend aujourd‘hui à ladite chapelle, d’aller du bourg du Temple à ladite chapelle, pieds nus et en chemise, y faire dire la messe connue il a fait, et se sentit aussitôt délivré du naufrage, s’étant sauvé sur une barrique qui lui restait. Le vœu accompli, les dits jour et an que dessus, en présence de plusieurs qui ne signent, et a signé avec nous. Signé : Astruc, rect. du Temple, Charles Bernard ».

Bourgneuf honorait à la fois la maternité de Marie et la naissance humaine du Fils de Dieu, en invoquant N.-D. de Bétlhéem ; Machecoul faisait de même, et semblait avoir pris plaisir à multiplier les vocables sous lesquels il désignait la Vierge-Mère, connue pour montrer qu’il surpassait toutes les autres contrées dans son amour pour elle. On y trouvait en effet, N.-D. de Bethléem et N.-D. la Noire, les Neuf Mois, Notre-Dame et Saint-Jean, N.-D. de Bon Conseil, N.-D. de Bon Secours, N.-D. de Pitié, N.-D. des Dons, N.-D. des Clercs, N.-D. la Grande, N.-D. du Rosaire, N.-D. de Lorette, N.-D. du Calvaire, N.-D. d’Espérance, N.-D. de la Davsière, N.-D. de la Chaume. Riaillé, qui avait choisi l’Assomption pour sa fête patronale, avait aussi, comme Saint-Nicolas, sa confrérie de la Chandeleur.

Le mystère du recouvrement de Jésus au Temple, symbole de celui de la grâce, était rappelé au peuple par cinq chapelles, dédiées à N.-D. de Recouvrance. Deux d’entre elles feront l’objet d’une notice, signalons seulement les trois autres qui s’élevaient à Pornic, au Loroux-Bottereau, a Port-Launay, en Couérou. De celle du Leroux, il reste un pan de mur et une crédence, servant de niche a une statuette de la Vierge ; des deux autres il ne subsiste plus rien. Celle de Pornic était située sur l’emplacement de l'Hôtel de France ; l’autre a fait place a une route, et, parmi les voyageurs qui passent, combien sont-ils ceux qui savent qu’ils foulent aux pieds un sol autrefois consacré ? Ce dernier sanctuaire eut pourtant jadis une certaine importance, quand le Porl-Launay voyait les grands navires des armateurs nantais s’arrêter à ses cales; quand les gros négociants et les agents maritimes y construisaient les belles maisons que l’on y voit encore ; quand marins, manœuvres et commerçants allaient, actifs et empressés, remplissant de mouvement et de bruit ces lieux aujourd’hui silencieux et presque solitaires. L’oratoire avait alors son chapelain ; et lorsque, vers la fin du XVIIIe siècle (1763), on le dota d’une cloche nouvelle, ce fut un vicaire général de Nantes, l’abbé de Hercé, qui vint la bénir, en présence du marquis de la Musse, seigneur de la contrée, de sa fille et de son neveu qui donnèrent a la cloche les noms de Reine Françoise, de plusieurs ecclésiastiques, parmi lesquels on remarquait le prieur d’lndre et le recteur de Saint-Clément, de Nantes.

N.-D. de Pitié ne comptait pas moins de 22 chapelles, et si je voulais nommer tous les autels qui lui étaient dédiés, toutes les statues qui la représentaient, il me faudrait passer en revue le diocèse tout entier. Le même mystère est rappelé par N.-D. des Sept-Douleurs, a laquelle Saint-Clément reste toujours fidèle, et par N.-D. des Croix, qui avait jadis des chapelles à Paulx et à Abbaretz. La première, située au bas du bourg, possédait trois autels consacrés, ce qui peut nous faire juger de son importance. Celle d’Abbaretz marquait le point culminant de la paroisse et tirait son nom de plusieurs croix groupées très anciennement sur cette colline, qui domine tout le pays. Elle datait du XIIIe ou du XIVe siècle et les revenus que quelques fidèles y avaient attachés lui permettaient d’avoir son chapelain.Les du Matz, seigneurs de Villeneuve, prétendaient a certains droits sur elle, et la fille de l’un d’eux, Aliénor du Matz, voulut y recevoir la bénédiction nuptiale, en 1629. Ses derniers débris ont disparu « quand a été faite la récente route d’Abbaretz a Meilleraye, néanmoins, la piété des habitants voisins leur a fait élever, près du nouveau chemin, une croix de pierre rappelant l’ancien sanctuaire. On continue même d’y venir en pèlerinage ».

D’Abbaretz à Châteaubriant, il n’y a pas loin. Cette antique cité posséda naguère une église de Notre-Dame. On constate son existence au XIIe siècle ; mais bientôt elle disparaît sans laisser de trace. Les barons l’avaient reconstruite et il est à croire qu’on profita de la circonstance pour lui donner un nouveau patron, saint Nicolas. Ce n’était alors qu’une simple chapelle urbaine, sous l’autorité du doyen de Béré ; c’est aujourd’hui la paroisse principale.

L’église de Saint-Jean gardait du moins son autel de N.-D. des Villages, devant lequel était placé l’énorme cierge que les laboureurs portaient en procession. En 1663, le célèbre doyen Blays voulut établir à Châteaubriant la confrérie de N.-D. de la Mercy, et le R. P. Audouére, commandeur des religieux de ce nom, vint en faire l’installation solennelle. Quelques années plus tard (1670), le doyen attacha la nouvelle confrérie à l’autel des Villages ; avec les droits d’entrée des confrères et quelques dons particuliers, il fit faire un bel autel en bois, surmonté d’un tableau représentant la Rédemption des captifs. Il y plaça en même temps une statue de N.-D. de Bon-Secours, offerte par un prêtre de la ville. A partir de cette époque, l’autel de N.-D. des Villages changea son nom en ce ni de N.-D. de la Mercy. L’Evèque de Nantes autorisa la confrérie ; il permit en même temps de faire une quête a la grand’messe et d’apposer un tronc au-devant de l’autel. Les collectes devaient être remises aux Pères de la Mercy, qui venait de s’établir à l’ermitage du Pont-du-Cens, près de Nantes ; et ceux-ci avaient charge de les employer a la libération des captifs. Disons enfin que, dans la même église, fut également établie la confrérie du rosaire.

J’ai tout dit, ou a peu près, sur le culte officiel de la Sainte Vierge à Châteaubriant ; mais non pas sur le culte populaire. Une vieille légende rimée, publiée par M. l’abbé Goudé, nous apprend en effet que le peuple avait élevé à Marie un oratoire où on l’invoquait sous le nom de N.-D. de Jovence. C’était, près d’une fontaine, à quelques pas de la porte Saint Michel, une petite grotte, au fond de laquelle se dressait un autel surmonté d’une statue de la Vierge. Cette image, d’après le récit légendaire, était miraculeuse. Elle apparut subitement en ce lieu, sans qu’on put savoir qui l’y avait posée. Le bruit s’en répandit rapidement et la foule cria au miracle. Le clergé paroissial se hâta de la transporter à l’église de Béré ; mais, le lendemain matin, on le retrouvait au même endroit. De là, grande dévotion chez le peuple: les pèlerins affluèrcnt bientôt et leur foi naïve fut récompensée par d’éclatants prodiges. La ferveur dura cinquante ans, puis ce fut la négligence et presque l’abandon. Le pauvre oratoire tomba dans un délabrement complet. Cependant les Castelbriantais rougirent de leur ingratitude ; ils rétablirent dans un état décent la grotte et son autel, et la dévotion reprit. ()n venait surtout demander aux pieds de la madone un temps favorable et parfois le concours des fidèles était considérable. Cela dura jusqu’à la Révolution. Un propriétaire voisin profita de ces temps troublés pour démolir l’humble chapelle, qui était là depuis un temps immémorial, et employer ses débris a la construction d’une écurie. Le Conseil municipal s’émut un peu tardivement, réclama le terrain et le rétablissement des choses en l’état. Il obtint très probablement la restitution, mais l’oratoire ne fut point rebâti.

J’ai déjà signalé à Machecoul le touchant vocable de « Notre Dame et Saint Jean » ; le même existait a Saint-Michel du Pallet. On trouve ailleurs celui de « Mère et Fils », qui me semble plus touchant encore, et qui révèle bien la délicatesse de nos pères.

Le mystère de la Rédemption est plus particulièrement rappelé par N.-D. de Salvation, que l’on honorait à Blain, et par N.-D. du Salut, qui possédait une chapelle très vénérée à Maisdon. Un Jousseaume de la Bretèche voulut y recevoir la bénédiction nuptiale en 1691 ; et, au début de la Révolution, les fidèles de la contrée s’y rendaient en pèlerinage. Elle a disparu et nul n’a en l’heureuse pensée de la rétablir. Ajoutons, pour être juste, qu’un magnifique calvaire s’élève sur son emplacement et qu’un petit oratoire, aménagé dans ses soubassements, perpétue le souvenir et le culte de N.-D. du Salut.

L’Assomption de Marie a toujours été très vénérée chez nous. Le vœu de Louis XIII a sans doute donné plus d’éclat à cette solennité ; mais dès longtemps elle était la fête patronale d’un grand nombre de sanctuaires. Elle l’est encore de vingt-sept paroisses : Aigrefeuille, Bourgneuf, Brains, Grandchamp, la Chapelle-Basse Mer, la Chapelle-des-Harais, la Haie-Fouassière, la Limouzinière, la Marne, le Gâvre,Legé, le Pellerin, la Plaine, les Sorinières, Maisdon, Mesquer, Montbert, Mouais, N.-D. de la Montagne, Pompas, Biaillé, Roche Blanche, Sainte Marie, Vallet, Vieillevigne, Villepot, N.-D. de Clisson. J’ai renvoyé celle-ci a la fin parce que la noble collégiale, fondée par Olivier de Clisson, ne peut, malgré sa déchéance, rester confondue dans la foule. On a raconté son histoire et il m’est impossible de la résumer ici. Je veux du moins donner son acte de naissance en citant, d’après dom Lobineau, un passage du testament de son fondateur :

« Item, je vueil et ordonne que un Collège de Chanoines ou (chappelains séculiers soit fondé en l’Eglise de N.-l). de Cliczon, où il y ait Déan, Chanoines, Chappelains, Clercs et Serviteurs en tel nombre, et qui aient telles revenües connue les Commissaires qu’il plaira à nostre S. Père le Pape ordonner sur le fait d’icelle fondation verront que les rentes, terres et revenües que je ordonne pour cette anse pourront soustenir; pour la fondation et dotation duquel Collège le donne et laisse, quitte et transporte (lez le temps de présent à ladite Eglise de N.-D. de Cliczon et aux Déan, Chanoines, Chappelains, Clercs et Serviteurs des susdits, toute ma terre et Chastellenie de Montfaucon que j’ai conquise et fait amortir pour céste cause; parce que je retiens et réserve à moy et à mes hoirs successeurs, et ayants cause de moi, Seigneurs de Cliczon, le Patronnage et la présentation d’iceux Bénéfices toutes fois et quantes qu’ils vacqueront en aucun d’iceux vacquera. Item, je laisse à ladite Eglise de Cliczon une ymage d’argent de N.-D. dou poids de XX mares ».

Le connétable signa ce testament le 5 février 1406 ; un an plus tard, il entrait dans l’éternité. Ses dernières volontés furent exécutées strictement et Clisson eut sa collégiale. Elle se composait d’un doyen, de six chanoines, de six chapelains perpétuels ou semi-prébendés, de quatre serviteurs d’église et quatre enfants de choeur. Elle subsista près de quatre siècles : la Révolution seule mit fin aux hommages que le Chapitre de Clisson rendait à Notre-Dame et aux prières qu’il adressait à Dieu pour son illustre fondateur.

L’Assomption était aussi la fête principale d’une célèbre confrérie, établie dans l’église du prieuré de Pirmil, sous le nom de N.-D. de Vie. L’origine de cette association n’est pas connue ; on sait seulement. qu’elle existait en 1446, et qu’elle avait été fondée avec l’assentiment du Prieur. Un des moines de Saint Jacques en était le directeur, et l’administrait avec trois prévots, choisis parmi ses membres. Ceux-ci étaient ordinairement au nombre de 800. Le pape Léon X l’avait approuvée (10 fév. 1526) et favorisée de riches indulgences, fixées aux fêtes de l’Assomption, l’Annonciation, la Conception, la Purification ; et le roi François 1er lui avait accordé des lettres patentes. Chaque année, on distribuait le pain bénit aux confrères. Les jours d’indulgences, le saint Sacrement était exposé et le salut chanté à l’autel de la confrérie, situé dans la nef. Chaque semaine, trois messes étaient dites au même autel, le lundi et le samedi, jours où la messe était chantée, le jeudi où elle était basse. Enfin, au décès de chaque confrère, il y avait trois messes chantées pour le repos de son âme.

La plupart des pèlerinages nantais, dont nous parlerons, avaient pour ainsi dire des succursales sur divers points du diocèse. Il semble que les fidèles aient voulu faire dériver chez eux les flots de grâces qu’y répandait Marie ; à moins qu’il ne faille voir dans ces chapelles, des ex-voto de faveurs obtenues dans les sanctuaires principaux. C’est ainsi que nous trouvons N.D. de Miséricorde à Rouans, à Saint Philbert, à Saint Père-en-Betz, au Croisic, à Herbignac où elle supplanta N. D. la Blanche, lors de la restauration (1770) de sa chapelle qui existe encore; a Trescallan, dont l’église paroissiale porte toujours ce titre. N. D. de Bon Secours est titulaire d’un grand nombre de sanctuaires ; à Herbignac, où la succursale de Pompas était anciennement sous ce vocable ; à Machecoul, au Pellerin, à Prinquiau, à Saint-Mars-la-Jaille où on la voit toujours dans le cimetière, à Saint Joachim, à Crossac. La petite chapelle de Saint-Joachim n’a pas été détruite, plus heureuse que l’ancienne église brûlée pendant la 'Terreur ; elle est là, bien humble et toute basse, presque cachée au milieu des maisons plus jeunes et plus vastes. Les fidèles la regardent comme le berceau de la paroisse, et, s’ils sont fiers de leur église aux proportions de cathédrale, ils ne sont pas moins attachés à l’oratoire de Bon Secours ; c’est là, dans les jours d'angoisse, qu’ils vont de préférence réclamer le secours de Marie. Celle de Crossac a disparu, et pourtant elle était vénérable aussi, bien qu’elle ne fût pas fort ancienne. Bâtie par les aumônes des paroissiens, sur le fief de Bellebat, elle « fut bénite le 18 juin 1743, par Missire Vincenl Noël, recteur de Pontchâteau, en présence de Missire Lefebvre, recteur de Crossac ». A la Révolution, cette dernière paroisse dut subir, pendant quelques mois, la présence d’un intrus ; mais le vicaire légitime, l’abbé Jacques Vaillant, resta dans le pays, et c’est a Bon Secours qu’il célébrait la messe, jusqu’à ce que la persécution violente l'obligea à se cacher et à célébrer en secret. L’humble oratoire fut incendié bientôt, et n’a pas été rétabli.

N. D. des Dons était honorée a la Collégiale de Nantes et a Sainte Croix de Machecoul. Aucune de ces deux églises ne subsiste, et ce vocable serait tout a fait tombé dans ce pays, si un curé de Saint Nicolas-de-Redon ne l’avait donné a une chapelle élevée, pour abriter les œuvres paroissiales, à l’ombre de son église. Le titre de N. D. de Bon Garant ne se retrouve que dans la chapelle frairienne de Brésauvé, dans la paroisse d’Herbignac, qui semble avoir voulu réunir sur son territoire tous les noms célèbres du pays nantais.

N. D. de Toutes-Aides était mieux partagée. La chapelle de l’hôpital Saint Jean, à Nantes, commanderie de l’ordre de Malte, lui était dédiée. C’est ensuite, il Sévérac, le sanctuaire très antique et très vénéré de N. D. de Toutes-Aydes de Caradou ; c’est une chapelle du même nom à Saint Nazaire, dans la circonscription paroissiale de Saint Gohard. Elle fut bâtie en 1659, par les soins et sur .a proprieté de Jean Mothais, prêtre du pays, qui en fut le premier chapelain. Quand je la vis pour la première fois, elle se cachait, solitaire et pieuse, au milieu d’un verdoyant placis, sous la ramure des grands arbres, et, tout jeune que j’étais alors, je goûtai la douce poésie de ce sanctuaire champêtre. Je l’ai revue depuis. Hélas ! Quel changement ! Elle est désormais perdue au‘ milieu des guinguettes et des salles de bal de la banlieue, et ressemble, dans sa vétusté, a ces paysannes bretonnes qui promènent leurs costumes fanés dans les rues de nos faubourgs nantais. C’est encore la Chapelle-des-Marais. Ce sanctuaire existait en 1628. Quelques années plus tard on commence a l’agrandir avec les aumônes des frairiens ; puis on obtient du parlement de Bretagne l’autorisation de lever 600“ pour l’achever, sur tous les habitants de la frairie de Notre Dame. La chapelle devient succursale de Missillac, puis paroisse (1771). Elle fut remplacée par une belle église en 1860 ; mais Marie en resta toujours la patronne. Toutefois, nul dans le pays ne l’appelle plus N. D. de Toutes-Aides. Il y a quelques années, pendant une retraite que je donnais aux enfants de la communion, J'ajoutai à la prière qui terminait les exercices : « N. D. de Toutes Aides, priez pour nous », on me demanda le pourquoi de cette invocation.

La chapelle qui, des hauteurs de Saint Jacques, domine la cité nantaise, n’est pas la première qui ait été dédiée, dans ce diocèse, à N. D. de Bonne-Garde. Teillé possédait depuis longtemps un sanctuaire de ce nom. La tradition prétend qu’il avait été église paroissiale. Nous savons du moins qu’il existait en 1588, puisque la grosse cloche de la paroisse y fut à cette date fondue, puis bénite. Un Raoul de la Guibourgérey fut baptisé quelques années plus tard (1606). Les registres paroissiaux ne nous apprennent rien de plus. Nous savons aussi, par ailleurs, qu’on y faisait des processions et que le peuple lui marquait une grande dévotion. Elle était située dans « le haut du bourg ».

Nous ne sommes pas encore au bout de la revue que nous avons entreprise. Sur les ponts de Nantes, il nous faut saluer N. D. de Tous-saints, aumônerie fondée en 1363 par Charles de Blois, et composée « d’une église avec cimetière, hôpital et Hôtel-Dieu, pour loger et hébeger les pèlerins de Saint Jacques en Galice et de Saint-Méen, allans et retournans de leur voyage ». Un pont rappelle son souvenir aux Nantais, et le chercheur attentif peut découvrir encore quelques pans d’un mur de la chapelle.

Donnons aussi un souvenir à N.-D. des Vignes qui avait son autel chez les Jacobins ainsi qu’à l’hôpital de Sainte-Marie hors des murs. N. D. du Fresne nous est restée : elle était titulaire de deux chapelles, berceaux de deux paroisses. L’une des deux porte toujours ce nom ; l’autre s’appelle N.-D. de la Montagne, et garde fidèlement le souvenir de l’oratoire où sa patronne fut d’abord honorée. Chaque année, au soir de l’Assomption, les fidèles se rangent en ordre de procession, et la foule pieuse déroule ses longues files sur les riants coteaux qui dominent la Loire. Non loin du village de Roche-Ballue, elle s’arrête ; et le prédicateur de la fête, montant sur une chaire improvisée, adresse quelques mots d’édification à l’assemblée. Cette station se fait sur l’emplacement qu’occupait autrefois la chapelle de N.-D. du Fresne.

Il ne reste aussi qu’un vague souvenir de N.-D. des Ormeaux, à Oudon, bien qu’elle ait été, dit-on, le chef-lieu de la paroisse. On sait pourtant qu’elle s’élevait auprès de l’ancien presbytère, et c’est là ce qui explique l’éloignement, incompréhensible autrement, de celui-ci. Ce vocable me fait songer que nos pères avaient emprunté beaucoup d’autres noms à la nature, pour les donner à leurs madones ; nous voyons, par exemple, N.-D. des Léards à Saint-Julien-de Concelles, N.-D. du Sycomore â Guérande, N.-D. du Verger au Pallet, N. D. la Rose au Cellier et à la Collégiale, N.-D. du Châtellier à Saint Lumine-de-Coutais. Guérande nommait aussi la madone du Sycomore N. D. de la Clarté, et comme contraste, la Chevrolliére avait N.-D. des Ombres, de l’ombre des grands bois où elle se cachait, vocable mystérieux connue les forêts, qui inspira un cantique au Père de Montfort. Le propriétaire des Huguetières l’a fait reconstruire, il y a quelques années, et, mieux avisé que beaucoup d’autres, lui a laissé son nom.

Grandchamp reste fidèle à sa chère et vieille chapelle de N. D. des Fontaines et Vieillevigne à celle de N. D. de Belle-Fontaine, que l’on appelait aussi quelquefois N. D. de Crée-Lait, a raison de la faveur temporelle que les nourrices allaient y demander. fin 1687, elle est déjà, semble-t-il d’âge fort respectable, puisqu’il faut en rebâtir le choeur, et ce qui est « pareillement gast de la nef, joignant le coeur ». Non seulement la Fabrique y emploie ses propres ressources, mais elle met à contribution celles des confréries du Rosaire et des Agonisants. Elle décide, en outre, de prendre de la pierre dans les ruines de la chapelle Saint Thomas, mais on laissera de quoi « faire une muraille pour fermer et clôre ce qui en reste ». La chapelle Saint-Thomas était l’ancien temple protestant, et ainsi se justifiait encore, sur ce coin de terre, le texte de l’antienne que nous chantons aux fêtes de la Vierge : « C’est vous qui, dans l’univers entier, avez brisé toutes les hérésies ».

Mesquer possède un vocable analogue, N. D. du Puits. Il a, de plus, son prieuré de Merquel, dont l’oratoire subsiste, malgré les tempêtes des Révolutions et celles de l’Océan. On l’avait justement dédie â N.-D. de Bon-Port. Assérac, moins heureux, ne peut plus montrer, de l’autre côté du bras de mer qui les sépare, son prieuré et sa chapelle de N. D. de Penbé. Il se console en redisant la légende que lui ont transmis ses pères et dont témoignent d’ailleurs des parchemins vieux de neuf siècles. Aux jours lointains du XIe siècle, des étrangers furent jetés par la tempête sur la côte qui s’étend au sud et près de l’embouchure de la Vilaine. Ils se réfugièrent sur la hauteur de Penbé qui, comme le donne a entendre son nom celtique, commande l’entrée de la baie. L’un d’eux endurait de violentes douleurs. « Diverses révélations et ses compagnons eux-mêmes l’engagèrent a attendre là, au milieu du sommeil, le secours divin ». Bientôt il s’endort et se réveille guéri, disant avec le patriarche : « Le Seigneur est vraiment dans ce lieu ». Les étrangers élevèrent, sur la plage déserte, un autel a la Mère de Dieu et partirent. Les seigneurs du pays, mis au courant de ces merveilles, offrent alors « à un homme pieux nommé Aluchen d’y élever, avec leur concours, un oratoire pour servir la Vierge immaculée », promettant d’établir une fondation. Aluchen refusa d’abord, « objectant l’aridité du lieu, si exposé au vent et aux tempêtes ». Il finit cependant par accepter, à la condition qu’il pourrait transmettre les terres qu’on lui offrait â une abbaye de son choix. La condition fut agréée et, l’oratoire bâti, Aluchen l’offrit aux moines de Redon. Ceux-ci en firent un prieuré et, pendant huit siècles, la messe fut célébrée, au moins chaque dimanche, dans la chapelle d’Aluchen. Les moines furent dépossédés par la Révolution et l'oratoire laissé à l’abandon. Bientôt il tomba en ruines. On vendit alors ce qui pouvait être utilisé au profit de l’église d’Assérac. Le reste se désagrégea peu à peu sous l’action du vent et de la pluie ; mais longtemps encore les douaniers s’abritèrent derrière les derniers débris du vieux sanctuaire.

Pont-Saint Martin avait sa chapelle de N.-D. de Pubé; Montoir, celle de N. D. de Saint-Malo, bereau de la paroisse de ce nom ; Thouaré, cette de N.-D. d’Auray, au village de la Cartière : celle-ci était paroissiale et le recteur allait fidèlement y célébrer la messe aux fêtes de la Vierge, aux Hameaux et le lendemain des quatre fêtes annuelles. Parfois quelque notable y faisait bénir son mariage et les fidèles voisins allaient y prier souvent. Aussi le général avait-il grand soin d’entretenir sa « chapelle paroissiale d’Auray ». On finit pourtant par l’abandonner et la desserte se fit a la Seilleraye.

À Plessé, c’était N.-D. de Laré où, comme â Grâces, les vicomtes de Carheil avaient obtenu l’établissement d’une foire, preuve de l’affluence des pèlerins, et où ils partageaient, avec les barons deFresnay, les droits de prééminence, de banc et d’enfeu. Quilly entretient avec amour N.-D. de Planté, que Campbon ne se console pas d’avoir perdue (1832). On s’y rend en pèlerinage de toutes les paroisses d’alentour et l’on y publie les bienfaits que Marie ne se lasse pas de dispenser a ses dévoués serviteurs. On y parle souvent aussi de l’ermite qui se sanctifia dans ces lieux, il y a plus d’un siècle et demi. Il s’appelait Julien Château, était frère tertiaire de Saint François et mourut en grande réputation de sainteté, à 46 ans (1744). Les registres paroissiaux de Campbon racontent, en quelques lignes, sa vie et ses vertus.

Saint-Géréon avait jadis une chapellenie, c’est-à-dire une fondation de N.-D. des Miracles. Ce vocable était sans doute une importation, les moines du prieuré ayant voulu commémorer ainsi la madone célèbre de l’abbaye de Déols, dont ils dépendaient. Beaucoup d’autres pèlerinages célèbres furent de la sorte transplantés chez nous. Dès le XVIe siècle, N. D. de Lorette avait sa dévotion dans l’église de Saint-Saturnin, dont le Trésor possédait « une ymaige de N.-D. de Lorette, enchassée en une petite boueste de sapin garnie d’une vitre, apportée par deffunct Missire Guillaume Garnier, vivant recteur de céans, au voyage qu’il fit à Rome ». Guillaume Garnier avait été recteur de 1598 a 1607. On rencontre la même dévotion â Sucé, dont l’église reconnut longtemps la Sainte-Vierge pour titulaire ; à Saint-Mars-de-Coutais, Saint-Mars-du-Désert, Pannecé, chez les Carmes et chez les Minimes. La communauté des Missionnaires de Saint Clément, fondée par M. René Lévêque, au XVIIe siècle, fut d’abord établie sur la paroisse Sainte Croix et reçut le nom de N.-D. de Lorette. Cette dévotion. est toujours chère à Sainte Croix, dont l’église est affiliée il la basilique italienne.

Deux grands pèlerinages ont pris naissance en France. durant le XIXe siècle : la Salette et Lourdes. Tous deux sont dignement représentés chez nous. Deux paroisses de notre diocèse, Varades et la Rouxière, commémorent solennellement chaque année l’apparition de la Salette, et notre ville compte parmi ses plus beaux monuments la chapelle érigée sous ce vocable en 1855, grâce à l’initiative de Melle des Brulais et de M. le Chanoine Jacques Anneau, grâce surtout au talent de M. le chanoine Rousteau. Depuis lors, chaque année, au mois de septembre, la ville de Nantes célèbre la neuvaine de la Salette et la vaste chapelle se remplit tous les soirs de dévots serviteurs de Notre-Dame.

Et Lourdes, que dire de Lourdes ? N’est-ce pas aussi par adoption une dévotion nantaise ? Tous les ans, depuis 1872, c’est par milliers que nos pèlerins s’en vont aux roches de Massabielle, et, pendant ce temps, les fidèles de Nantes célèbrent de pieux triduums dans les deux sanctuaires consacrés a cette nouvelle et populaire dévotion, la chapelle de l’Immaculée Conception et celle du Pont de Cens.

N.-D. du Sacré Coeur encore une dévotion française possède une chapelle a Mauves et des statues a tous les foyers. N.-D. de Bon-Conseil et N.-D. du Perpétuel Secours nous sont venues de plus loin. La première était dès longtemps connue â Sainte-Croix de Machecoul ; elle a maintenant sa madone et son association de la Pieuse-Union dans la basilique de Saint Nicolas. La seconde est invoquée dans la plupart des paroisses rurales où les Pères Rédemptoristes ont prêché des missions, mais elle a commencé par être honorée a la Retraite de Nantes et c’est là surtout qu’elle prodigue ses faveurs à la piété confiante.

Le clergé séculier et les ordres religieux ont, dans tous les siècles, professé la plus tendre dévotion envers Marie. Nantes avait jadis sa confrérie, et Machecoul son autel de N.-D. des Clercs. Aujourd’hui presque tous nos séminaires, tous nos collèges,tous nos pensionnats de jeunes filles ont la sainte Vierge pour patronne ; et les rares maisons, érigées sous d’autres patronages, n’en sont pas moins dévouées au culte de Notre Dame, lui ont consacré des congrégations et dédié des chapelles.

Nos communautés religieuses ne sont pas restées en arrière. Le diocèse comptait autrefois huit abbayes ; six portaient le doux nom de Notre-Dame : la Chaume, Blanche-Couronne, Buzay, Melleray, Pornic et Villeneuve. La proportion était la même pour les couvents ; elle n’a pas changé depuis lors.

Les châteaux avaient aussi des chapelles ; bien rares sont celles dont les vocables sont venus à notre connaissance ; pourtant nous savons que beaucoup avaient été placées sous l’égide de Marie. Il y a moins de châteaux aujourd’hui ; mais il y a beaucoup plus de villas et des Moûtiers â Saint-Brevin, de Saint Nazaire, à Mesquer, nos côtes sont couvertes de châlets, et peuplées en été connue les cités les plus populeuses. Il a fallu multiplier les sanctuaires, et, presque partout, c’est a la sainte Vierge qu’on les a dédiés. Nous avons ainsi N. D. de la Bernerie, N. D. de Préfailles, N. D. des Dunes, N.-D. de la Baule.

Nos marins, si dévoués à la Bonne Mère sainte Anne, surtout depuis les révélations faites au pieux Nicolazic, ont aussi toujours montré beaucoup de confiance en Marie. Nos pères avaient élevé dans l’église de Sainte Croix un autel à N.-D. de la Navigation ; ils avaient consacré à N. D. de Bon Port une église et deux chapelles, la première, à Bourgneuf', les deux autres a la Chevrollière et a Mesquer. Il peut sembler étrange que nos riches armateurs nantais, si dévoués pourtant au culte de la sainte Vierge, n’aient point songé, dans les siècles passés a mettre leurs armements et leurs expéditions lointaines sous sa puissante protection, par l’érection d’un sanctuaire spécial. Le XIXe siècle a réparé cette omission ; et l’édifice qu’il a bâti est digne de celle dont il porte le nom. Voyez ce dôme qui s’élève, majestueux, dominant la Fosse et le port tout entier, ce fronton sculpté qui explique le vocable à la foule, ces peintures qui décorent l’intérieur de la coupole, ces riches autels qui attirent les regards en invitant à la prière, tout cela n’est-il pas digne de la Reine du ciel, et la grande cité n’a-t-elle pas dressé vraiment un trône d’honneur à N. D. de Bon Port ?

Toutefois, j’ai hâte de dire et ce livre en fournira des preuves, que nos marins n’avaient pas attendu cette construction tardive pour mettre leur confiance dans celle qu’ils saluent si volontiers du nom consolant d’Etoile de la Mer. Ils invoquaient, a Nantes, N. D. de Miséricorde, N. D. de Bon Secours, N. D. de Bonne Garde, N. D. de Toutes Aides, et les ex-voto sont là pour en témoigner ; â Donges, N.-D. de Bonne-Nouvelle ; à Saint-Nazaire, N. D. d’Espérance et N. D. de Toutes-Aides ; dans la presqu’île Guérandaise, N.-D. de la Délivrance ; au Croisic, N. D. de Pitié ; à Batz, N.-D. du Mùrier. Arrêtons-nous ici, devant cette merveille de l’art gothique que tout le monde admire, dont tout le monde déplore l’abandon, et, a défaut de l’histoire, laissons parler la légende.

C’était au XIVe ou au XVe siècle, un chevalier breton, et non pas des moindres, car il appartenait a l’illustre famille de Rieus, qui possédait alors le marquisat d’Assérac et avait pour résidence le château de Ranrouët - s’était épris de la fille du seigneur de Lesnérac. Dédaigné par celle-ci, malgré la noblesse de sa race et la puissance de sa maison, il franchit la Manche et s’en alla guerroyer en Angleterre. Il moissonna des lauriers sur maint champ de bataille mais rien ne pouvait arracher de son cœur le souvenir de celle qu’il aimait, puis, connue les bretons de tous les temps, il était rongé par le mal du pays. Il s’embarqua donc et cingla vers la terre d’Arvor. Hélas ! il fut bientôt assailli par une furieuse tempête ; après avoir vainement défié la mort sur tant de champs de bataille, allai-il donc périr au moment d'aborder a la terre natale ? Dans cette extrémité, le chevalier fit un vœu a la Sainte Vierge, et promit de lui bâtir une chapelle a l’endroit même où il débarquerait. Quelques instants après, il apercevait, brillant dans la nuit, une lumière ; peu à peu la tempête s’apaisa, et les voyageurs, guidés par la lumière mystérieuse, abordèrent dans la baie du Bourg de Batz. Ils virent alors que la clarté miraculeuse qui les avait sauvés provenait d’une statue de la Vierge, que les habitants avaient placée sur le tronc d’un mûrier voisin de la plage.

Le lendemain, Rieux se rendit au château de Lesnérac, dans l’espérance de voir, à cette fois, ses hommages mieux accueillis. Hélas ! c’était grande fête au manoir, la fille de céans allait épouser un seigneur du voisinage. La jeune fille n’avait pas tardé à se repentir des dédains par lesquels elle avait répondu à l’amour du jeune sire de Rieux, et longtemps elle avait attendu qu’il revint. Mais si vite jeunesse s’envole qu’elle avait craint sans doute de vieillir dans une attente vaine, et elle s’était enfin rendue aux vœux d’un nouveau soupirant. Déjà les cierges brûlaient dans la chapelle et les fiancés, suivis d’un brillant cortège, se rendaient à la messe nuptiale. Soudain les yeux de la jeune fille tombent sur le chevalier qu’elle a si cruellement dédaigné, puis attendu, et qu’elle devine toujours fidèle. Un cri s’échappe de ses lèvres et révèle a tous le secret de son cœur. La légende raconte encore que la fille du seigneur de Lesnérac épousa le chevalier de Rieux ; que celui-ci, reconnaissant à la Vierge qui l’avait si visiblement protégé, fit venir de loin les plus habiles ouvriers et construire la merveille de la contrée, cet admirable joyau qui s’appelle N.-D du Mûrier. Elle ajoute, qu’il voulut après sa mort, reposer dans la chapelle votive, et qu’il est la toujours, dormant son dernier sommeil, sous les arceaux à demi rompus et les murailles croulantes.

Terminons par deux vocables qui résument tous les autres : N. D. de la Cité et N. D. des Enfants-Nantais. Celui ci est peu connu : il était usité seulement chez les Chartreux, installés par Arthur III, à la Chapelle-au-Duc, collégiale fondée par les princes de Bretagne en l’honneur de nos saints patrons. Un tableau, qui n’est point sans valeur, représentait Notre Dame entre les deux jeunes martyrs. Il a plus vécu que la collégiale et la Chartreuse et on peut le voir encore au Grand Séminaire de Nantes. La paroisse de Saint-Donatien ne pouvait laisser ce titre tomber en oubli ; elle a tenu à honneur de le relever et l’on trouve dans son église un tableau moderne, dû a un artiste de Rome, qui représente la Bienheureuse Vierge Marie entre les saints Enfants Nantais.

N. D. de la Cité avait son autel et sa confrérie au cœur même de la ville, dans l’église de Saint-Saturnin. Celle confrérie avait, comme toutes les autres, ses fondations et ses fêtes, et il serait fastidieux de les exposer en détail. Il est pourtant une de ces fondations dont je veux dire un mot, parce qu’elle n’est point banale et qu’elle nous fait saisir sur le vif la piété profonde de nos aïeux. Le 12 juillet 1471, Guillaume de Launai, riche bourgeois de Nantes, tendait en cette ville, sur la paroisse de Saint Léonard, le collège Saint Jean. Le fondateur était pieux et paroissien de Saint-Saturnin, probablement membre zélé de la confrérie de N.-D. de la Cité. On le vit bien dans les conditions du contrat. Les régents du nouveau collège durent s’engager, pour eux et pour leurs successeurs, a « dire ou faire dire a leurs dépans, à perpétuité, le samedi de chaque semaine, une messe o note de l’office de Notre-Dame, en l’église de Saint Saturnin de Nantes, à l’autel de N.-D. de la Cité, quelle messe répondront les enfans gramoiriens de ladite escole, qui pour ce faire fussent processionnellement menez et conduits par lesdits maistres régens, deux a deux ensemble de ladite escole jusques à ladite église, chantant un hymne ou prose de Nostre-Dame, selon l’occurence du tempsà l’arbitrage, et à l’issue de ladite messe o note dire o note sur la tombe dudit de Launai aprés son déceix les répons « Libem me » et les versets, avec une oraison et Pater Noster et Ave Maria. Aussi dit que si le jour de samedi estait empesché par feste solemnelle, vacation d’estude ou autrement, tellement que les enfans ne vinssent à ladite escole, et par conséquent ne peussent estre conduits ne menez, comme dit est, a la célébration de ladite messe, en celui cas, lesdits maistres et leurs successeurs seront tenus dire ou faire dire ladite messe celui jour de samedi avec les autres suffrages ».

Ainsi fut fait, jusqu’au 23 janvier 1656. A cette date, avec l’autorisation des héritiers du fondateur, le collège Saint-Jean fut uni à celui de l’Oratoire, et la ville prit l’engagement de faire célébrer a Saint Saturnin le service établi par Guillaume de Launai : mais plus d’écoliers, plus de procession, plus de notes ! On le voit, les fondations en l’honneur de Marie étaient innombrables dans notre pays et la piété s’ingéniait à multiplier ses sanctuaires et ses autels. Sur 261 paroisses que compte actuellement le diocèse de Nantes, 39 l’ont adoptée pour patronne. Il n’est pas une. église qui ne lui ait au moins consacré un autel. Avant la Révolution, les sanctuaires les plus modestes possédaient beaucoup plus d’autels qu’aujourd’hui : on en voyait a tous les piliers, le long de tous les murs et jusque dans les moindres recoins ; aussi beaucoup d’églises comptaient jusqu’à trois et quatre autels dédiés à la Sainte Vierge sous des vocables différents, quelquefois davantage. C’est ainsi que la Collégiale, consacrée elle-même à Marie, lui avait dressé quatre petits autels : N.D. de Bon Amour, N.-D. de la Rose, N.-D. de Patience, N.D. de Pitié. On pourrait encore citer plus d’une église prodiguant de la même façon les hommages a la Sainte-Vierge. Mais c’est assez. Cependant, puisque j’ai mentionné les congrégations de nos collèges et de nos pensionnats, il faut bien dire que, dans un très grand nombre de paroisses, les jeunes filles et parfois les jeunes gens ont été groupés dans des associations semblables ; il faut bien rappeler que nos cercles et nos patronages ont été mis partout sous la protection de Marie.

Tout sera dit peut-être quand j’aurai signalé les exercices du mois de Marie qui s’accomplissent dans toutes les paroisses, et même dans les plus humbles hameaux où les fidèles, trop éloignés de l’église paroissiale, se réunissent dans quelque salle transformée en oratoire ; quand j'aurai fait remarquer, enfin, que nos familles de paysans ont conservé presque partout l’usage du chapelet en commun. Arrêtons-nous donc ici. Aussi bien cette énumération monotone est déjà suffisante pour démontrer, indépendamment de ce qui sera raconté dans la suite de ce livre, que s’il est des contrées où Marie a en des sanctuaires plus célèbres, il n’en est certainement pas où elle ait été plus aimée.

 

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 Notre Dame de Nantes

Icône vénérée dans l'église Sainte Croix de Nantes

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1 avril 2017

Le Carême avec Saint François et Sainte Claire d'Assise

Le Carême avec Saint François et Sainte Claire d'Assise

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Cinquième Dimanche du Carême

 

Méditation

 D'un François à l'autre...

 

« Selon le récit biblique de la création, Dieu a placé l’être humain dans le jardin à peine créé (cf. Gn 2, 15) non seulement pour préserver ce qui existe (protéger) mais aussi pour le travailler de manière à ce qu’il porte du fruit (labourer). En réalité, l’intervention humaine qui vise le développement prudent du créé est la forme la plus adéquate d’en prendre soin, parce qu’elle implique de se considérer comme instrument de Dieu pour aider à faire apparaître les potentialités qu’il a lui-même mises dans les choses : « Le Seigneur a créé les plantes médicinales, l’homme avisé ne les méprise pas » (Si 38, 4). (…) Si nous essayons de considérer quelles sont les relations adéquates de l’être humain avec le monde qui l’entoure, la nécessité d’une conception correcte du travail émerge (...), car si nous parlons de la relation de l’être humain avec les choses, la question du sens et de la finalité de l’action humaine sur la réalité apparaît. Nous ne parlons pas seulement du travail manuel ou du travail de la terre, mais de toute activité qui implique quelque transformation de ce qui existe, depuis l’élaboration d’une étude sociale jusqu’au projet de développement technologique. N’importe quelle forme de travail suppose une conception d’une relation que l’être humain peut ou doit établir avec son semblable. La spiritualité chrétienne, avec l’admiration contemplative des créatures que nous trouvons chez saint François d’Assise, a développé aussi une riche et saine compréhension du travail (...) ». (Pape François, Encyclique Laudato Si, n° 124-125).

 

Cinquième Semaine du Carême

 

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Lundi

François et la Crèche vivante

 

François cherche toujours à gagner plus d'âmes au Christ. Pour réveiller la Foi des fidèles, à Greccio, trois ans avant sa mort, il a l'idée de rendre plus solennelle la Nativité de Jésus. Avec l'autorisation du Pape, il met en place la première Crèche vivante. La foule accourt en grand nombre provoquant chez François des larmes de joie. Étant diacre, il chante l'Evangile et prêche sur la naissance de l'Enfant-Dieu à Bethléem. Chacun repart chez lui empli d'allégresse et muni d'une brindille du foin de la Crèche qui s'avéra miraculeuse, facilitant les accouchements difficiles, guérissant hommes, femmes et animaux.

 

À l'école de Saint François

 

« Ce Verbe du Père, si digne, si saint et si glorieux, le très haut Père du ciel annonça, par son saint ange Gabriel, qu'il viendrait dans le sein de la glorieuse Vierge Marie ; et de fait il reçut vraiment, dans son sein, la chair de notre fragile humanité. Lui qui était riche plus que tout, il a voulu, avec la bienheureuse Vierge sa mère, choisir la pauvreté ». (François d'Assise, Deuxième Lettre à tous les Fidèles, 1).

Parole de Dieu : Devenu semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ». (Philippiens 2, 7-8).

 

Dans ma vie

 

François cherche à gagner le plus d'âmes possibles à Jésus. Quand je vois ma paroisse se vider, les bancs ornés de cheveux gris, de cheveux blancs, que fais-je pour essayer d'endiguer l'hémorragie ? Est-ce que, comme François, je m'implique, cherche des idées, les propose (sans les imposer, car c'est toujours au Curé de décider ! Et c'est normal!!!) Est-ce que ma pratique religieuse est personnelle ou communautaire ? Gagner des âmes, c'est le cri de Jésus sur la Croix : « J'ai soif ! » Il a soif des âmes et, en tant que baptisé, je suis son instrument.

Effet de conversion : Je me décide à m'impliquer dans ma paroisse. Pour cela, je commence à sonder quels sont les besoins et je vois ce que je peux proposer comme service.

 

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Mardi

Claire et la prière

 

Oraison, méditation... Claire reste de longs moments en prière. Elle s'évertue aussi à donner à ses sœurs le goût et la fidélité à la prière, se levant habituellement la première et n'hésitant pas elle-même à les réveiller à l'heure des offices. Sa méditation préférée est celle de la Passion de Jésus, au cours de laquelle elle verse énormément de larmes. Le démon vient même la harceler lors de ses oraisons, tenant de la détourner malignement de son office. À chaque fois, il échoue. Ses Sœurs s'émerveillent néanmoins de constater que la joie transfigure leur Supérieure dès son retour du temps de prière.

 

À l'école de Sainte Claire

 

« J'ai donc bien sujet de me réjouir, et personne ne pourrait me ravir ma joie, quand je vois réalisé ce que, dès cette terre, je désire : tu triomphes d'une manière terrible et surprenante des ruses de l'ennemi, de l'orgueil qui a jeté tout le genre humain dans sa perte, de la vanité qui sème la folie au cœur de l'homme ; tu en triomphes avec cette admirable sagesse que tu sembles tenir de la bouche même de Dieu (...) » (Claire d'Assise, Troisième Lettre à Agnès de Prague 5-6).

Parole de Dieu : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Marc 8, 33).

 

Dans ma vie

 

Le démon a chercher à détourner Claire de sa prière, de sa proximité avec Dieu. Le démon enrage quand un être choisir de se consacrer au Seigneur. Alors, il le harcèle pour le faire chuter. Pour cela, il a des armes, notamment le découragement, le manque de persévérance, etc... Cela marche plutôt bien, si l'on juge par tous les mariages qui ne tiennent pas ! Le malin utilise parfois nos frères pour nous tenter. N'a-t-il pas tenté Jésus jusque sur la Croix en lui disant de se sauver Lui-même ? Il aurait pu se sauver ! Mais Jésus était donné entièrement à la Volonté de Dieu qui primait sur tout.

Effet de conversion : Je recherche dans ma vie les découragements et manques de persévérance qui m'ont détourné de Dieu. Je cherche comment y remédier et demande la force de l'Esprit-Saint dans la prière.

 

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Mercredi

Claire et le don de prophétie

 

Claire est gratifiée par le Seigneur du don de prophétie. Par deux fois au moins elle en fait preuve. François lui envoyant cinq femmes en vue de leur entrée dans son monastère, Claire n'en accepte que quatre. On la presse d'accueillir la cinquième, mais elle pressent que la dame ne tiendra pas trois années... Sous la pression, Claire cède : la jeune femme entre, mais quitte les lieux au bout de six mois. De même, au sujet d'un chevalier ayant répudié sa femme depuis 22 ans : Claire prédit à celle-ci qu'il va la reprendre et lui donnera un fils, lui procurant une joie immense... ce qui advient !

 

À l'école de Sainte Claire

 

« J'avertis et j'exhorte (...) toutes mes sœurs, présentes et à venir, d'avoir à suivre toujours la voie de la sainte simplicité, de l'humilité et de la pauvreté, d'avoir aussi à mener une vie sainte et édifiante (...). Ces vertus, en effet, sans qu'il y ait mérite de notre part mais par la seule miséricorde et la grâce de Celui qui en est l'auteur, le Père des Miséricordes, doivent répandre partout le parfum de notre bonne réputation (...) ». (Claire d'Assise, Testament 17).

Parole de Dieu : « Je suis un serviteur comme toi, comme tes frères qui portent le témoignage de Jésus. Prosterne-toi devant Dieu ! Car c’est le témoignage de Jésus qui inspire la prophétie. » (Apocalypse 19, 10).

 

Dans ma vie

 

« Tout viens de toi, ô Père très bon, nous T'offrons les merveilles de Ton Amour ! » Chantons-nous dans un cantique. Rien ne m'appartient, tout m'est donné et je t'offre en retour (action de grâces) au Père de toute Bonté. S'il a mis en moi des dons, je les met à contribution de sa gloire et de l'annonce du Royaume. Que ce don paraisse insignifiant ou extraordinaire, il est divin et je ne dois pas le gâcher. Il y a notamment deux manières de le gâcher : en ne l'utilisant pas ou en m'attribuant personnellement les mérites de ce qui découlerait de ce don.

Effet de conversion : J'offre à Dieu ce qu'il a mis en moi, depuis mon intelligence, mes actes, mes paroles d'amour jusqu'au moindre battement de cil ou à la plus petite respiration. Je réfléchis à Lui offrir ma vie comme elle est aujourd'hui, dans toutes ses composantes.

 

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Jeudi

Les dons de François

 

François ne connaît pas les Ecritures par les études, mais par l'oraison et la contemplation. Par grâce de Dieu, il maîtrise les textes sacrés et peut ainsi débattre avec d'éminents théologiens. L'esprit de connaissance dont le Seigneur gratifie François, couplé avec l'esprit de prophétie, lui permet de lire dans les âmes et de prédire l'avenir, toujours pour la gloire de Dieu. Il annonce par exemple leur mort prochaine à des personnes qui peuvent ainsi se confesser, « mettre de l'ordre dans leur affaires ». De même, il décèle le mensonge et la désobéissance chez des Frères, les remettant ainsi sur le droit chemin.

 

À l'école de Saint François

 

« Que Ton Nom soit sanctifié, que devienne toujours plus lumineuse en nous la connaissance que nous avons de toi, afin que nous puissions mesurer la largeur de tes bienfaits, la longueur de tes promesses, la hauteur de ta majesté, la profondeur de tes jugements ». (François d'Assise, Pater Paraphrasé).

Parole de Dieu : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance ». (Luc 10, 24).

 

Dans ma vie

 

Un certain nombre de Saints ont préféré rester des Frères ou Sœurs de second ordre (convers) ou ne pas accéder au Sacerdoce. Pourtant ils maîtrisaient les Ecritures sans les avoir étudiées. Le Seigneur donne les grâces nécessaires à chaque état de vie. Dans ces grâces, il y a les connaissances dont j'ai besoin. Mais c'est comme pour la Providence : je ne dois pas les attendre béatement sans rien faire ! Je dois me donner les moyens de connaître les textes fondateurs de ma Foi, les textes du Magistères, les enseignement du Pape et des Pères de l’Église... Dieu a aussi permis qu'il y ait des théologiens, intellectuels, chercheurs, etc...

Effet de conversion : Je me donne des objectifs pour augmenter mes connaissances de l’Église, de ma Foi : lire un Evangile, des articles du Catéchisme de l’Église Catholique, une encyclique.

 

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Vendredi

Claire met le feu !

 

Claire aimerait partager un repas avec François. Celui-ci n'y consent que devant l'insistance de ses Frères, et à la condition qu'il se déroule à Sainte Marie des Anges, lieu où Claire a revêtu l'habit. Claire, accompagnée d'une Sœur, retrouve François et ses Frères : visite des lieux, mise du couvert à même le sol – comme d'habitude –, prière du Bénédicité... Au cours du repas, François parle de Dieu avec enthousiasme, provoquant le ravissement et l'extase de toute l'assemblée. Le monastère et le bois s'embrasent à tel point que les gens d'Assise accourent pour éteindre l'incendie... mais il ne découvrent que le feu céleste des religieux en extase !

 

À l'école de Sainte Claire

 

« Par Ta mort très amère, donne-moi la Foi droite, l'Espérance certaine et la Charité parfaite ; que je T'aime de tout mon corps, de toute mon âme et de toutes ma force ; confirme-moi dans les bonnes œuvres, et donne-moi une persévérance à Ton saint service, que que je puisse T'y plaire parfaitement sans fin. Amen. » (Claire d'Assise, Prière aux Cinq Plaies : Oraison et louange à la plaie du Côté).

Parole de Dieu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ». (Deutéronome 6, 5).

 

Dans ma vie

 

Le commandement de Dieu transmis par Moïse au peuple hébreux (Dt 6, 5-7), Jésus nous le redonne aussi (Mt 22, 37-40). Jésus y adjoint d'aimer son prochain comme soi-même. Voilà qui est facile à commander, mais en pratique, c'est un combat quotidien. Claire elle-même – modèle pour nous d'amour d'humilité et de tant d'autres vertus impossibles à lister – , nous surprend en demandant l'aide du Seigneur dans sa prière afin de remplir ces « obligations de base ». C'est bien parce qu'ils sont la base que ces commandements sont difficiles à observer et que nous avons besoin de l'aide du Saint-Esprit pour y parvenir !

Effet de conversion : Je relis Mt 22, 37-40 et me répète ces versets tout au long de ma journée. Je prie le Seigneur de m'aider pour que ces commandements soient au cœur de ma vie.

 

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Samedi

Claire guide de ses Sœurs

 

Claire à grand souci de l'instruction de ses Sœurs. La pénitence et le goût de la Confession lui sont chers parmi les qualités qu'elle souhaite les voir acquérir. De même leur enseigne-t-elle de fuir les bruits du monde et la sobriété des paroles afin de mieux cerner les secrets de Dieu. Quitter parents, maison, pays, mépriser les voluptés charnelles et combattre la sensualité font partie du programme de la vie des Pauvres Dames. Claire enjoint ses Sœurs à louer Dieu en toutes circonstances, ainsi qu'à travailler : le travail redonne goût et ferveur à l'oraison.

 

À l'école de Saint François

 

« Dans toutes vos prédications, enseignez au peuple qu'il doit faire pénitence, et que nul ne peut être sauvé s'il ne reçoit le Corps et le Sang très saints du Seigneur. Enseignez et prêchez à tous les peuples ce devoir de le louer pour que (...) louange, et actions de grâces soient rendues toujours (…) au Dieu tout-Puissant ». (François d'Assise, Lettre à tous les Custodes).

Parole de Dieu : « Ce mystère, c’est le Christ, en qui se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance ». (Colossiens 2, 2-3).

 

Dans ma vie

 

Deux choses sont essentielles au baptisé : l'Eucharistie et la louange-action de grâces. Le Salut passe par l'Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Pour y accéder et bénéficier pleinement des grâces dispensées par Dieu, il est nécessaire d'être « en bons termes » avec Lui, c'est-à-dire d'être passé par le Sacrement de pénitence et de réconciliation. Le Seigneur pourra alors opérer au mieux en moi et à travers moi. Quant à la louange-action de grâces, c'est comme une respiration, une reconnaissance de chaque instant envers la bonté du Créateur et la beauté de sa création.

Effet de conversion : Si ce n'est pas encore fait, je programme un rendez-vous avec un prêtre pour me confesser.

 

Texte extrait du hors série de Parole et Prière « Mon Carême avec Saint François et Sainte Claire d'Assise », publié en 2016

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25 mars 2017

Le Carême avec Saint François et Sainte Claire d'Assise

Le Carême avec Saint François et Sainte Claire d'Assise

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Quatrième Dimanche du Carême

 

Méditation

 D'un François à l'autre...

 

« Les créatures de ce monde ne peuvent pas être considérées comme un bien sans propriétaire : « Tout est à toi, Maître, ami de la vie » (Sg 11, 26). D’où la conviction que, créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble. Le sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si en même temps il n’y a pas dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains. L’incohérence est évidente de la part de celui qui lutte contre le trafic d’animaux en voie d’extinction mais qui reste complètement indifférent face à la traite des personnes, se désintéresse des pauvres, ou s’emploie à détruire un autre être humain qui lui déplaît. Ceci met en péril le sens de la lutte pour l’environnement. Ce n’est pas un hasard si dans l’hymne à la création où saint François loue Dieu pour ses créatures, il ajoute ceci : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi ». Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société ». (Pape François, Encyclique Laudato Si, n) 89, 91).

 

Quatrième semaine du Carême

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Lundi

Humilité de François

 

François se considère comme pécheur. L'humilité, qui peut être considérée comme pauvreté de soi-même, l'obsède autant que la pauvreté. Il se dévalorise pour ne pas sombrer dans l'orgueil. L'humiliation est pour lui une joie, alors que le compliment le chagrine. Ainsi, à la surprise de tous, il démissionne de sa charge de supérieur, préférant obéir plutôt que de commander. Au Cardinal d'Ostie, protecteur de son ordre, il écrit : « Seigneur, si mes frères ont reçu le nom de petits (mineurs), c'est pour qu'ils n'aspirent jamais à devenir grands. (…) ne leur permettez jamais d'accéder aux dignités ecclésiastiques ».

 

À l'école de Saint François

 

Que les frères se gardent bien de recevoir, sous aucun prétexte, ni églises, ni humbles demeures maisons, ni tout ce que l'on construit pour eux, si cela n'est conforme à la pauvreté que nous avons promise dans la Règle ; qu'ils y séjournent toujours comme des hôtes de passage, comme des étrangers, des pèlerins. (François d'Assise, Testament, 24).

Parole de Dieu : « L'orgueil précède l’effondrement, et la prétention, la chute. Mieux vaut être humble parmi des gens modestes, que partager un butin avec des orgueilleux ». (Proverbes 16, 18-19).

 

Dans ma vie

 

L'humilité n'est pas vraiment au goût du jour. L'a-t-elle vraiment été ? L'heure est plutôt à la compétition, au gravissement des échelons, et de la hiérarchie, quitte à se servir de l'autre et à l'écraser. L'humble se veut petit, conscient de ne rien posséder qui ne lui aurait été confié par Dieu. L'humble travaille, donne tout de sa personne pour le bien commun, pour son frère, non pour accéder à la première place. L'humble n'attend rien en retour, pas même un merci : ce qu'il fait, il l'offre, et quand c'est offert, cela ne lui appartient plus. L'humble est prêt à être malmené... parce qu'il est humble !

Effet de conversion : Aujourd'hui, je ne cherche pas à passer devant les autres ni en actes, ni en paroles. Je m'efforce d'être un marchepied pour mes frères... au nom du Christ.

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Mardi

Claire aux commandes de la barque

 

Trois ans durant, les Sœurs de Claire, et François lui-même, souhaitent que leur fondatrice devienne leur abbesse. Par grande humilité, Claire résiste et tient bon dans son refus. Au prix de l'obéissance, elle finit par s'y soumettre. La crainte prend l'ascendant sur la joie : l'obéissance était plus confortable que la responsabilité et la tenue du gouvernail. Se sentant davantage redevable, Claire s'ingénie à servir ses Sœurs en tout : elle échange son habit avec celle qui en a un moins bon, s'assoit la dernière à table, lave les pieds au retour des sorties... Claire préfère exécuter elle-même les tâches plutôt que de les ordonner.

 

À l'école de Sainte Claire

 

« Je prie aussi celle qui sera chargée des sœurs, de s’étudier à être la première par la vertu et la sainteté de sa vie plus que par sa charge (...). Qu’elle ait pour ses sœurs la prévoyance et le discernement d’une mère pour ses filles, (...). Qu’elle soit en outre si bienveillante et si avenante pour toutes, que les sœurs puissent en toute sécurité s’ouvrir à elle de leurs nécessités et recourir à elle à chaque instant avec confiance, (...) ». (Claire d'Assise, Testament, 19).

Parole de Dieu : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave ». (Matthieu 20, 26-27).

 

Dans ma vie

 

Dans une apparition à Sœur Faustine, Jésus lui demande une chose qu'elle ne peut mettre en œuvre car sa Supérieure s'y oppose. Jésus console Faustine attristée : son obéissance à sa Supérieure a porté plus de fruits que si elle avait désobéi. L'obéissance n'est cependant pas réservée aux religieux et consacrés. En tant que baptisé, j'obéis à l’Église et au Pape, même si je ne suis pas d'accord : je n'ai pas toutes les cartes en main pour tout comprendre. J'obéis aussi à l'Etat, sans frauder, etc. par respect pour mes frères. Quant aux lois iniques (avortement, euthanasie...) je peux (dois?) m'y opposer... en restant dans la Charité, l'amour et le respect du prochain.

Effet de conversion : Respecter la loi par égard pour les autres. Je commence par exemple en respectant les limitations de vitesse... et je relis les dix commandements.

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Mercredi

Claire et la pauvreté

 

Dès les débuts de sa vocation, la pauvreté est l'apanage de Claire. Elle vend ses biens, hérités de son père. Le fruit de la vente n'est bien sûr ni a son bénéfice, ni même à celui de son monastère. Elle les distribue directement aux miséreux. Les couvents de ses Sœurs ne doivent pas être trop confortable, à l'image de la Crèche accueillant le Fils de Dieu. Le Pape Innocent III octroie à l'Ordre de Claire l'étendard de la pauvreté. Son successeur Grégoire IX tente bien de lui proposer quelques propriétés pour assurer la subsistance à son ordre. C'est peine perdue : Claire s'en tient à son premier vœu.

 

À l'école de Sainte Claire

 

« La voilà, cette perfection qui, dans les palais des cieux, scellera ton union avec le Roi (…)  : cette perfection a consisté pour toi à mépriser les grandeurs d'un royaume terrestre ; à juger indignes, en comparaison, les propositions d'un mariage avec l'empereur ; à pratiquer la très sainte pauvreté et, avec tout l'élan de ton amour et de ton humilité, à suivre les traces de Celui aux noces duquel tu as mérité d'être conviée ». Claire d'Assise, Deuxième Lettre à Agnès de Prague 5-7).

Parole de Dieu : « Ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu ». (Luc 16, 15).

 

Dans ma vie

 

Tenir bon dans sa vocation ! Tenir bon dans ses résolutions ! Parfois la tentation peut même venir de personnes de l’Église comme Grégoire IX qui propose à Claire d'alléger la pauvreté qu'elle impose à son ordre. Cela part d'une bonne intention. Ne dit-on pas que « l'enfer est pavé de bonnes intentions » ?! Parfois, c'est moi qui tente les autres en leur disant que telle ou telle chose ne vaut pas la peine, etc. Carême est un temps de combat pendant lequel je dois tenir bon, mais pas tout seul : Dieu Trinité, Marie, les Saints, mon Ange Gardien sont là (et vraiment là!) pour m'aider.

Effet de conversion : À ce stade du Carême, je ressens des difficultés à tenir mes résolutions. Je fais le point sur ce qui m'est facile et difficile. Je relis le passage de l'Evangile de Saint Luc 4, 1-13.

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Jeudi

François et le sultan

 

François éprouve une sainte jalousie pour les martyrs. Il veut prêcher la Foi Chrétienne chez les Sarrasins. La Syrie puis le Maroc se refusent à lui : cela semble être la Volonté de Dieu. Un troisième essai aboutir, le conduisant chez le sultan de Babylone. La guerre y fait rage entre chrétiens et sarrasins, avec promesse d'or à qui amènera une tête de chrétien. Fait prisonnier, François est amené auprès du sultan, impressionné par la Foi et la ferveur de sa prédication. Sans adhérer pour autant, le sultan estime l'homme, en fait son hôte et le couvre de présents... qu'il refuse, accroissant encore l'estime du sultan.

 

À l'école de Saint François

 

« Les frères qui, sous l'aspiration de Dieu, voudront aller chez les Sarrasins et autres infidèles en demanderont la permission à leur ministre provincial. Les ministres, eux, ne le permettront qu'à ceux qu'ils jugeront capables de cette mission ». (François d'Assise, Deuxième Règle 12).

Parole de Dieu : « De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir ». »

 

Dans ma vie

 

Pourquoi notre cher François à eu la vie sauve alors qu'il cherchait à mourir pour sa Foi et être semence pour l'avènement du Royaume dès ici-bas ? Pourquoi d'autres, inconnus, n'ont-il pas eu cette « chance » de garder la vie sauve ? Le Seigneur sait ce dont chaque cœur a besoin et ce dont il est capable. Il sait ce dont a besoin une terre pour être fertile. Nous n'avons pas connaissance de ces données. Laissons-le donc guider nos vies. Ouvrons-nous toujours à l'Esprit-Saint et accueillons les événements.

Effet de conversion : Ai-je un projet de vie ? Où en suis-je de ce projet ? Je relis ma vie, mes échecs et mes réussites et j'essaie d'y voir la main de Dieu qui m'a relevé ou guidé...

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Vendredi

Claire et la multiplication du pain

 

Sœur Cécile est désespérée : l'heure du repas s'annonce et il ne reste qu'un seul pain. Inquiète, elle s'empresse d'en informer Claire. Confiante, la mère abbesse demande à Sœur Cécile de partager le pain en deux : une moitié pour les Frères qui sortent mendier quelques dons pour les Pauvres Dames, et l'autre pour les Sœurs. Dans la moitié du pain des Sœurs, Cécile devra couper 50 morceaux, un pour chaque Sœur du monastère. Comment faire avec un si petit morceau de pain ? « Va, ma fille, et fais en paix ce que je t'ai dit », assure Claire. Cécile obtempère... et chaque Sœur mange à sa faim.

 

À l'école de Sainte Claire

 

« Avec quel soin donc, avec quel élan passionné du corps et de l'âme ne devons-nous pas accomplir ce que nous demande Dieu notre Père, afin qu'avec sa grâce nous puissions lui rendre multiplié le talent que nous en avons reçu ! Multiplié, car ce n'est pas seulement pour les autres que Dieu nous a destinées à être des modèles et des miroirs, mais aussi pour chacune de nos sœurs afin qu'elles soient à leur tour des modèles et des miroirs pour ceux qui vivent dans le monde ». (Claire d'Assise, Testament, 6).

Parole de Dieu : « Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule ». (Luc 9, 16).

 

Dans ma vie

 

Être missionnaire et faire des disciples peut ne pas demander d'effort physique ou de déplacement exorbitant. Quand je vis de la Vie du Christ, je rayonne de Son Amour autour de moi. Cela interpelle mes frères et sœurs et les incite à suivre eux-mêmes Celui qui veut notre bonheur – et qui le fait déjà sur terre en vue du Ciel. Tout mon travail de conversion est de vouloir ressembler en tout ce qui m'est possible au Christ. Lui ressembler, c'est déjà Le servir. C'est aussi servir mes frères, puisque je leur offrirai de voir en partie le Visage du Christ, ce qui devrait les inciter à le suivre à leur tour.

Effet de conversion : Aujourd'hui, je m'efforce d'avoir une « tête de ressuscité » plutôt qu'une « tête de Carême » ! Je m'efforce de sourire et d'être agréable, même si cela me coûte énormément.

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Samedi

Claire et le jeûne

 

Claire ne s'épargne aucun sacrifice, en offrande sainte à Celui en les mains duquel elle a remis sa vie. Ainsi, Claire dort à même le sol, une paillasse ou un morceau de bois lui servant d'oreiller. Le jeûne est, pourrait-on dire, son aliment préféré. Lors du Carême, elle se contente de pain et d'eau,, véritable festin comparé aux trois jours hebdomadaires de jeûne total. Par souci de santé, François et l'évêque d'Assise usent de leur autorité et interdisent à Claire le jeûne total, l'obligeant à prendre au moins « une once et demie de pain ».

 

À l'école de Sainte Claire

 

« Sauf pour les malades et les sœurs particulièrement fragiles (auxquelles saint François nous a bien recommandé et ordonné de procurer avec le plus grand dévouement possible tous les aliments sans considération d'interdiction de règle), aucune de nous, pourvu qu'elle soit saine et valide, ne devrait jamais suivre un autre régime que celui du carême, et cela aussi bien les jours de fête que les fériés ; le jeûne devrait être perpétuel, sauf le dimanche et le jour de Noël » (Claire d'Assise, Troisième Lettre à Agnès de Prague 31-33).

Parole de Dieu : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». (Matthieu 22, 39).

 

Dans ma vie

 

Le jeûne alimentaire est une chose admirable qui porte du fruit, c'est à n'en pas douter. Le jeûne est cependant un choix personnel. Je ne dois pas regarder l'autre de travers parce qu'il a choisi de ne pas jeûner ou parce qu'il ne le peut pas... ou même parce qu'il succombe et finit par manger. Chacun son Carême ! Ni intransigeance (il fait savoir lâcher du lest, y compris envers soi-même, surtout si la santé l'exige), ni intolérance. Il y a tellement de façon de jeûner...

Effet de conversion : Aujourd'hui, je fais un effort (offert au Seigneur) sur mon alimentation : jeûne intégral ou partiel (pain et eau par exemple). J'offre à manger à un mendiant ou je fais don du montant de ma privation à une association caritative.

 

Texte extrait du hors série de Parole et Prière « Mon Carême avec Saint François et Sainte Claire d'Assise », publié en 2016

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8 mars 2017

Le Mois du Coeur Agonisant de Jésus

Le Mois du Cœur agonisant de Jésus

Père Blot

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 Vingt-deuxième jour

Le Cœur agonisant

 

Pour la fête de l'oraison de Notre Seigneur sur le mont des Oliviers, l'introït de la messe commence ainsi : « Cor meum conturbatum est in me, mon Cœur s'est troublé en moi, et la crainte de la mort est tombée sur moi » (Psaume 37, 11). C'est donc spécialement au Cœur, que se rapportent les souffrances de Jésus agonisant.

 

Méditation

 

I. Le Cœur du bon Maître endura seul des souffrances plus nombreuses et plus acerbes, que toutes les autres parties de son corps prises ensemble ; l'état de ce Cœur adorable, livré à toutes les sévérités de la justice divine, était bien plus lamentable que l'état de ce corps mortel, déchiré par la cruauté des bourreaux ; la passion intérieure fut plus poignante que la passion extérieure. Voyez ce Cœur délaissé, abandonné de tous, chargé de tous les péchés des hommes. Il est réduit à dire au Père céleste : « Vous avez détourné de moi votre face, et j'en suis tout troublé » (Psaume 19, 8). Dieu semble en effet s'être éloigné, il livre à lui-même ce Cœur innocent devenu victime pour nous, il ne lui donne ni vues, ni lumières, ni goûts. Tout rebute ce pauvre Cœur, tout contribue à lui faire sentir le poids de sa peine. En quel abattement il tombe ! Quel ennui le saisit et le désole ! Quelles sombres réflexions l'inquiètent et le tourmentent ! Il a beau prier, le ciel est fermé pour lui ; la nature et les sens ne cessent de lui dire : « Où donc est ton Dieu ? » (Psaume 41, 4). Il éprouve toutes les agonies, il ressent toutes les souffrances morales, pour nous aider à les sanctifier. Hâtons-nous donc de prendre tous ses sentiments. Il faut que le Cœur agonisant du divin Maître batte en quelque sorte dans mon cœur affligé, pour que je participe à sa soumission, à son énergie, à son dévouement. Cœur admirable, soyez mon modèle, mon amour et mon soutien !...

II. Jésus s'était séparé de la plus grande partie de ses amis, et de sa Mère elle-même, en quittant le cénacle ; il s'était séparé de huit apôtres, en entrant dans Gethsémani ; enfin dans le jardin, il se sépare des trois disciples qu'il aime le plus. Ils s'endorment, pendant que Judas veille pour le trahir, et que nous veillons tous pour l'offenser. Nos péchés sans nombre, de hideux fantômes, de cruels démons peuplent seuls sa solitude. Son Cœur devient le confluent de toutes les souffrances, à cause des iniquités qui débordent de tous nos cœurs. Dans le Cœur agonisant du Sauveur tombent tous les crimes du monde, comme les fleuves entrent dans la mer avec la fange qu'ils charrient : de là des tristesses, des angoisses, des agitations, des tempêtes excitées parla colère même de Dieu irrité contre nous. Ah ! que ne puis-je arrêter le torrent de nos iniquités ? D'où vient que je le grossis encore par mes propres péchés ?...

III. De ce même Cœur, de cet océan de douleur et d'amour, sortent des gémissements, des prières, des actes répétés de résignation, des vapeurs sanglantes qui forment des nuages bienfaisants, pour répandre au loin une rosée salutaire. Par un flux et reflux continuel de miséricorde et d'expiation, il bat tous les rivages, il atteint tous nos cœurs, durs, secs, froids, stériles et insensibles comme des rochers ; puis il se replie sur lui-même, en soupirant, mais pour nous bénir encore et préparer notre salut. Voilà jusqu'où va sa douleur, voilà jusqu'où va sa bonté, dans le plus complet isolement. Pauvre Cœur abandonné, votre agonie n'a plus de bornes., et vos souffrances sont sans mesure. L'infinité de nos péchés vous accable, et notre ingratitude y met le comble en vous délaissant. Moi, du moins, je vous tiendrai compagnie, j'essuierai votre sueur, je m'unirai à votre prière, je partagerai vos afflictions et vos peines...

Lisez dans l'Agonie de Jésus, liv. I, ch. VIII, Jésus agonisant chef des pénitents.

 

Pratique : Résignons-nous à être, autant qu'il plaira au Seigneur, dans le trouble, dans l'inquiétude, dans la tristesse, dans la crainte, dans le dégoût et l'ennui. Ne cherchons pas à échapper à l'agonie du cœur par l'acceptation de l'agonie, en imitant ces âmes égoïstes qui veulent trouver dans leur résignation même quelque goût ou plaisir spirituelle calme, la paix, le contentement. Travaillons avec zèle à l'extension de l'archiconfrérie et de la communauté du Cœur agonisant.

 

Exemple

 

On obtient chaque jour de très nombreuses conversions, en invoquant le Cœur agonisant de Jésus, en plaçant son image dans la chambre du malade, sa médaille sur la poitrine ou sous l'oreiller du moribond. Dans presque tous les hôpitaux tenus par des religieuses on pourrait dire, comme les religieuses de Saint Alexis de Limoges : « Depuis que nous ayons embrassé la dévotion au Cœur agonisant de Jésus et au Cœur compatissant de Marie, elle a été une source de grâces précieuses et abondantes, d'abord pour nous-mêmes, ensuite pour les pauvres malades de notre vaste hôpital, que nous n'avons plus la douleur de voir mourir sans recevoir les derniers sacrements. Avons-nous affaire aux âmes les plus endurcies, dès que nous implorons pour elles les Cœurs sacrés de Jésus et de Marie, nous sommes exaucées ». On obtient de même des guérisons. Le 26 mai 1872, on écrivait de Lavaur (Tarn) : « Marie Cany, épouse de Jean Raynaud, en proie à d'atroces souffrances et abandonnée des médecins, appliqua une médaille, le 7au matin, sur le point le plus douloureux. Aussitôt la douleur se calma, et à deux heures le bien était complet ; il s'est maintenu. Nous espérons que cette faveur excitera de plus en plus la dévotion au Cœur agonisant, et ranimera le zèle des associés ». La pieuse médaille préserva de la mort un grand nombre de soldats, durant la guerre de1870-1871.

 

Vingt-troisième jour

Agonisons avec Jésus

 

De la grotte de l'agonie, l'Homme-Dieu nous dit : « Mon Cœur n'a attendu que des outrages et de la misère, improperium expectavit Cor meura et miseriam. J'ai été dans l'attente de quelqu'un qui s'affligerait avec moi, et il n'y en a point eu ; j'ai espéré des consolateurs, et je n'en ai point trouvé » (Psaume 78, 21). Voulons-nous le consoler ? Partageons ses souffrances et son agonie, avant de partager sa gloire et sa couronne (Romains 8, 17).

 

Méditation

 

I. La première manière d'agoniser avec le Sauveur, c'est de souffrir avec lui. Mais qui se présente pour partager l'état de Jésus agonisant dans Gethsémani ? Qui veut éprouver comme lui la crainte, l'ennui, le dégoût, la tristesse mortelle ? Qui veut suer sang et eau ? Qui se plaît à rencontrer un Judas parmi ses amis ? Qui est heureux d'adresser au Seigneur de longues prières, sans les voir exaucées ? Il est surtout un trait que nous n'imitons guère : c'étaient les péchés des hommes qui mettaient Jésus à l'agonie. Or, nous n'avons aucun empressement à partager cette agonie de douleur et de confusion, pour nos propres péchés, moins encore pour les péchés des autres. Il faut ordinairement que Dieu frappe à coups redoublés, que son bras s'appesantisse sur nous, pour que nous nous décidions à expier nos fautes ; encore nous bornons-nous alors à faire des afflictions qui nous sont envoyées une salutaire expiation. Mais nous n'allons pas au-devant, comme le divin Maître, comme les religieux pénitents ou contemplatifs qui embrassent volontairement un genre de vie, qu'ils savent être la plus large participation aux agonies du Sauveur. Quand donc serons-nous les compagnons de Jésus dans ses humiliations et ses souffrances !...

II. Une autre manière de lui tenir compagnie, d'agoniser avec lui, c'est d'avoir patience avec nous-mêmes, c'est de nous résigner aux tourments que nous causent notre imagination et notre sensibilité. N'est-ce pas exprès, tout exprès, que le Fils de Dieu a voulu s'abandonner à l'excès de sa sensibilité, comme aux sombres prévisions de son imagination ? A-t-il donc failli ? Non, il nous a sauvés par ces souffrances intérieures recherchées à dessein, autant que par les tortures extérieures infligées par ses bourreaux. Réduit à l'agonie par la vivacité de son imagination qui prévient les événements, et par la sensibilité de son Cœur qui aime éperdument des ennemis, il console et rassure ces âmes pieuses, qui s'entendent reprocher souvent de porter dans leur cœur la cause de leurs afflictions. Et ne portons-nous pas dans notre corps la cause de nos maladies ? Nos infirmités corporelles n'en peuvent pas moins être très-méritoires, si nous savons faire de nécessité vertu. Lors donc qu'une âme est torturée par la prévision ou l'exagération de ses maux, par l'excès de sa délicatesse ou de sa sensibilité, qu'elle laisse mille personnes la charger de reproches ou de mépris, et qu'elle considère Jésus-Christ seul en son agonie. Jésus lui reste, et c'est assez ; car il lui reste avec la force, avec la lumière, avec la consolation de ses souffrances et de ses exemples

III. Une troisième manière d'agoniser avec le Sauveur, c'est d'endurer comme lui notre dernière agonie, c'est de prier, d'agir, de souffrir pour sanctifier l'agonie des autres. Qu'elles sont affreuses les angoisses des pauvres moribonds, lorsque le remords de la conscience, la crainte du jugement qui s'approche et l'incertitude du salut éternel se réunissent, pour remplir leur âme de trouble et de frayeur ! L'enfer, qui n'a plus qu'un peu de temps (Apocalypse 12,1 2), redouble sa rage et fait un effort suprême, pour saisir au passage cette proie qui va lui échapper. Pour ce dernier combat, le démon qui d'ordinaire tendait des embûches à l'âme durant son pèlerinage, ne se contente pas de venir seul à la charge, mais il appelle à son aide des légions innombrables d'esprits infernaux. L'Église a donc bien raison de convoquer ses fidèles et ses ministres, d'appeler même les anges du ciel, auprès du plus humble agonisant qui va quitter la terre, pour opposer les saintes phalanges de la lumière et de l'amour aux infernales phalanges des ténèbres et de la haine. Secondons-nous de tous nos efforts les pieux desseins de notre mère ? Invoquons-nous Jésus agonisant pour chaque moribond, comme fait le prêtre qui l'assiste ?...

Lisez dans l'Agonie de Jésus, liv. I, ch. VII, Jésus agonisant, soutien des affligés.

 

Pratique : Laissons le Seigneur nous immoler en paix et sans bruit, sur le calvaire du cœur ou dans le jardin de l'agonie. Confortons les affligés, comme l'ange consolateur conforta Jésus. Engageons les cœurs qui souffrent à recourir au Cœur agonisant du divin Maître, pour qu'il sanctifie leur agonie par l'exemple et le mérite de la sienne. Prions tous les jours pour les mourants.

 

Exemple

 

On raconte de saint André Avellin, qu'au moment de sa mort son lit fut entouré de milliers de démons, et que pendant son agonie il eut un combat si terrible à soutenir contre l'enfer, que tous les religieux qui l'assistaient en furent saisis d'épouvante. On vit le visage du saint se décomposer, et prendre une couleur livide ; il tremblait de tous ses membres ; les larmes coulaient de ses yeux en abondance : autant d'indices du violent assaut qu'il avait à repousser. Un pareil spectacle arrachait des pleurs à tous les assistants : chacun redoublait de prières, chacun tremblait pour soi en voyant qu'un saint mourait de la sorte. Une seule chose consolait ces religieux ; c'était que le moribond tournait souvent ses regards vers une image de la très sainte Vierge, comme pour demander du secours. On se souvenait qu'il avait dit plus d'une fois, durant sa vie, que Marie serait son refuge à l'heure de la mort : « Ora pro nobis, in hora mortis ». Ce fait est cité par Saint Alphonse de Liguori.

 

Vingt-quatrième jour

La sueur sanglante

 

Durant son agonie et sa longue prière, Jésus sua du sang, sudor ejus sicut guttœ sanguinis decurrentis in terram (Luc 22, 44). Le sang et la sueur ordinaire ayant paru presque en même temps sur son corps, le sang s'y figea bientôt, et fut entraîné jus- qu'à terre par la fluidité de la sueur, qui lui servait comme de véhicule ; ou bien la sueur de sang étant très abondante coula jusqu'à terre, aidée à prendre ce cours par l'humidité que la sueur laissa sur la peau.

 

Méditation

 

I. Le péché se forme dans le cœur, avant de se consommer à l'extérieur par l'action, et il consiste dans la détermination de la volonté, plutôt que dans l'acte matériel. Il faut donc que le pécheur, avant d'offrir à Dieu le sacrifice de son corps au moyen de la satisfaction, lui offre le sacrifice de son cœur au moyen de la contrition. Caution des pécheurs, Jésus allait offrir le sacrifice de son corps sur le Calvaire, en satisfaisant surabondamment à la justice divine ; mais il commence par offrir, au jardin des Oliviers, le sacrifice de son Cœur par une indicible contrition. Sur le Calvaire la présence des bourreaux, faisant violence au Sauveur, empêchera les Juifs de croire que cette mort sanglante soit libre et volontaire du côté de la victime. Mais au jardin, la sueur de sang met en évidence cette liberté du sacrifice, qui importe tant à notre salut. Ici point de tourments ni de coups ; aucune blessure extérieure ne force le sang à jaillir des veines. Ici le Fis de Dieu, tout à la fois prêtre, autel et victime, ouvre lui-même, par son propre vouloir, ses veines sacrées. Profitons-nous aussi de notre liberté, pour multiplier nos sacrifices, les rendre plus saints et plus complets ?...

II. Quel supplice ne cause pas à toutes les parties du corps de Jésus agonisant, la rupture subite de tant de fibres délicates, dont le moindre dérangement nous cause de si excessives douleurs ! Mon sacrifice serait imparfait, disait le Fils de Dieu, s'il n'était celui d'un esprit abattu et d'un cœur brisé, spiritus contribulatus, cor contritum (Psaume 50, 19). Et mon âme, plus excellente que mon corps, doit être plus accablée par la crainte et la douleur, que mon corps ne le sera par les coups redoublés qui tomberont sur lui. Je ne trouve donc maintenant d'autre consolation que de consentir à m'affliger, puisque vous voulez que je souffre, ô mon Père ! Cette nuit est pour moi aussi douloureuse que le sera ma croix. Tous mes os sont comme arrachés de leur place, tous mes nerfs sont mis à la torture, mon Cœur est devenu semblable à la cire qui se fond (Psaume 21, 15), et mes artères sont agitées par un mouvement si violent, qu'elles s'entr'ouvrent et répandent du sang par tous mes pores. Avons-nous souffert, avons-nous combattu, avons-nous seulement résisté jusqu'au sang ?...

III. J'ai foulé le pressoir, avait dit le Sauveur par la bouche du prophète, je l'ai même foulé seul, car personne n'était avec moi, et mon vêtement a été couvert de sang (Isaïe 63, 3). Dans Gethsémani, qui signifie pressoir, sa chair a été foulée comme sous un pressoir, et le sang en est sorti, comme le suc sort du raisin en rougissant les habits de ceux qui le pressent. C'était Jésus lui-même qui, sans le secours d'aucun bourreau, pressait ainsi sa chair très sainte pour en exprimer le sang. Il pouvait dire : « Aucun homme de cœur n'est avec moi », car aucun gentil, aucun juif ne partageait son agonie, ne le soutenait dans cette lutte, n'essuyait sa sueur. Exposé à cette juste colère de Dieu, qui est comparée à un pressoir (Apocalypse 19, 15), et pour ainsi dire vendangé par le Seigneur (Thren. 1, 12) en punition de nos crimes, le Cœur du bon Maître ressemblait à un raisin foulé avec violence sous le pressoir, pour qu'un vin généreux en jaillisse de toutes parts. Jésus, c'est moi qui ai mis votre Cœur sous le pressoir pour en faire jaillir le sang. Puisse une goutte de ce sang tomber sur mon cœur refroidi, pour l'animer, l'échauffer, et le rendre tout brûlant du feu sacré de votre amour !...

Lisez dans l'Agonie de Jésus, liv. XI, ch. X, Fins et significations de la sueur de sang.

 

Pratique : Voulons-nous satisfaire à Dieu pour nos péchés ? Prenons pour modèle Jésus suant sang et eau, et implorons son secours. Mon Sauveur, qui avez sué volontairement du sang pour moi, changez la délicatesse de mon cœur en un vif désir de souffrir quelque chose pour vous.

 

Exemple

 

Sainte Madeleine de Pazzi éprouvait une indicible compassion pour le Sauveur en sa sueur de sang. Un jour, dans une extase, l'ayant vu tout sanglant au jardin des Oliviers, elle en conçut tant de douleur que de moment en moment elle tombait par terre, comme si elle eût été morte. Puis poussant les soupirs les plus enflammés, elle s'écria : « Mon Jésus, vous avez sué du sang ! Ah ! que ne puis-je enchaîner toutes les volontés des créatures, et les amener à vous !... Je ne puis plus, ô mon amour, vous appeler le plus beau des enfants des hommes, comme faisait le prophète (Psaume 44, 3), puisque je vois tout votre visage plein de sang. Tous vos apôtres dorment ; je m'étonne qu'ils ne se lèvent pas pour considérer votre face ensanglantée... » La sainte voyait tomber des gouttes de sang du visage de Jésus-Christ jusqu'à terre ; elle s'écriait avec une grande stupeur : « Il sue du sang ! mon amour, ne suffit-il pas que vous suiez du sang de tous les membres de votre corps ? Faut-il encore que je vous voie répandre par vos yeux des gouttes de sang, au lieu de larmes ? mon amour, que n'ai-je été moi-même la terre qui recevait ce sang !... Oh ! Si je pouvais recevoir quelques gouttes de votre sang, qui sont comme autant de rubis précieux tombant sur la terre ! Oh ! Si mon cœur était cette terre qui les reçoit, qu'il serait riche, qu'il serait heureux ! Il aurait en lui-même un trésor suffisant pour acheter mille mondes ».

 

Vingt-cinquième jour

Le sommeil

 

Durant sa prière, Jésus agonisant se leva plusieurs fois pour visiter ses apôtres privilégiés ; mais il les trouva toujours dormants, invenit eos dormientes (Matthieu 26, 40). Combien ce lâche sommeil fut poignant pour le Cœur du bon Maître ! Combien notre cœur à nous-mêmes ne souffre-t-il pas du sommeil ou de l'indifférence de nos amis, pendant que le vent de l'adversité souffle sur nous !

 

Méditation

 

I. Dans le présent Jésus lisait l'avenir, et il se disait : Ce sommeil de mes disciples m'est plus dur que la cruauté de mes bourreaux. Je vois que mon corps mystique, par la somnolence de mes pontifes et de mes prêtres, sera dans la suite assailli et maltraité, autant de fois que les successeurs des apôtres les imiteront dans leur sommeil, plus que dans leur courage. On verra dans les champs de l'Évangile, ensemencés par ma parole, arrosés par mon sang, croître les germes funestes de l'ivraie ou de la zizanie, les doctrines licencieuses, les hérésies manifestes, parce que mes apôtres dorment et que leurs successeurs dormiront encore. On verra les églises non respectées, les sacrements non fréquentés, les autels sans ornements, les mœurs sans pureté, la religion sans prestige,parce que mes apôtres dorment et que leurs successeurs dormiront encore. Ah ! mon Cœur en éprouve une agonie de tristesse et de dégoût ! Ne contribuons-nous point a endormir dans la tiédeur et la mollesse quelques âmes, des fidèles et même des prêtres ?...

II. Le sommeil de nos amis était aussi représenté dans le sommeil des amis de Jésus. Quel désappointement cruel pour nous, quand nous sommes forcés, durant nos épreuves, de comparer nos amis à ces oiseaux de passage, qui ne s'arrêtent en nos climats qu'autant que l'air en est doux et tempéré, et qui s'envolent aussitôt que l'hiver approche ! Alors notre sensibilité se retourne contre elle-même, et le développement qu'elle avait acquis par l'amitié, ne sert plus qu'à augmenter notre tourment. Heureux, mille fois heureux, Seigneur, l'homme qui tend vers vous les bras de son affection, et qui met en vous seul tout son amour, toute sa confiance ! Car vous seul peuplez réellement pour lui toutes les solitudes, vous seul ne lui manquez jamais, vous seul lui êtes un appui toujours prêt et toujours puissant, vous seul faites refleurir pour lui les sentiers de la vie, vous seul lui ouvrez à la mort les portes du ciel. Vous seul, ô Dieu fait homme, Jésus agonisant, victime du sommeil de vos amis, vous êtes pour nous un ami qui jamais ne sommeille réellement...

III. Dieu lui-même semble dormir quelquefois à notre égard : sommeil apparent, mais néanmoins douloureux pour nous, qui nous écrions alors avec David : Quare obdormis, Domine ? pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Pourquoi oubliez-vous notre indigence et notre tribulation ? (Psaume 43, 23-26) ? Il nous répond : « Je dors, mais mon Cœur veille, Cor meum vigilat » (Cantique 5, 2). Mon sommeil ne ressemble-t-il pas à celui d'une mère, auprès du berceau de son enfant ? Lors même que ses sens paraissent le plus endormis, son cœur veille, et le moindre cri poussé par l'objet de son amour, la retrouve prête à lui prodiguer ses soins. Ainsi, malgré mon sommeil apparent sous le voile des espèces sacramentelles, mon Cœur eucharistique est toujours veillant et priant pour vous. Oui, mon Dieu, vous êtes l'ami qui veille pour les amis mêmes qui s'endorment ; vous êtes celui qu'au sortir de leur sommeil, interrompu parle malheur, ils trouvent toujours prêt à leur prodiguer ses conseils, ses secours et son sang. Ai-je recouru à ce Cœur divin qui veille nuit et jour près de moi, toutes les fois que je me suis senti malheureux et délaissé ?...

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. IX, ch.I, Le sommeil de nos amis.

 

Pratique : Rougissons d'abandonner nos amis dans le malheur, ou de nous montrer indifférents à leurs souffrances. Si nous sommes nous-mêmes abandonnés de nos amis, ne nous en plaignons qu'à Dieu, et versons toutes les tristesses de notre cœur dans le Cœur agonisant ou dans le Cœur eucharistique de Jésus, en attendant de lui seul notre meilleure consolation.

 

Exemple

 

Saint Jean Eudes, fondateur des prêtres de Jésus et Marie, et des Religieuses de Notre-Dame de charité, vit ses meilleurs amis s'éloigner de lui, tant sa réputation fut attaquée par d'atroces calomnies. Ceux mêmes qui l'avaient exhorté à entreprendre l'établissement de sa Congrégation, l'abandonnèrent dans le malheur, à l'exception de trois; la reine-mère refusa de l'admettre à se justifier ; le vertueux baron de Renty fut lui-même ébranlé. Mais le P. Eudes ne se montra jamais plus tranquille et plus satisfait, que lorsqu'on le traita plus indignement. Un jour, dans les rues de Caen, une femme applaudie par la populace le chargea des injures les plus grossières. Il ne songea seulement pas à se dérober aux insultes, et on ne s'aperçut qu'il avait senti cette brutalité, que lorsqu'étant rentré au séminaire il dit à celui qui l'accompagnait : « Allons, mon frère, allons remercier Notre-Seigneur de la grâce qu'il nous a faite, de vouloir bien partager avec nous ses humiliations ». Dans ce même temps il écrivit : « Où trouvera-t-on un ami fidèle ? C'est la chose du monde la plus facile. Aimons Jésus fils de Marie, et Marie mère de Jésus ; mettons toute notre confiance en eux, et ils feront paraître leur puissance et leur bonté ». Ces deux amis célestes lui ramenèrent, en effet, la confiance et l'estime de tous, avec le succès de ses œuvres.

 

Vingt-sixième jour

Le réveil

 

Les deux premières fois que le Sauveur visita ses apôtres endormis, il leur adressa des reproches pour les réveiller : « Est-ce donc ainsi que vous tenez vos promesses ? Quoi ! vous n'avez pu veiller une heure avec moi ! » Mais dans la troisième visite il leur dit : « Dormez maintenant et reposez-vous » (Marc 14, 41). Néanmoins il ajouta aussitôt : « C'est assez, levez-vous ! »

 

Méditation

 

I. Le bon Maître réveille ou corrige ceux qu'il aime le plus parmi ses disciples, et c'est même au premier d'entre eux qu'il adresse d'abord ses reproches : « Simon, dormis ! Simon, tu dors ! » (Marc 14, 37). Il avait plus promis que les autres, il était leur chef ; n'était-il pas plus obligé à veiller ? Pour qu'il sente mieux sa faute, il reçoit ici le nom du vieil homme, le nom de l'humble et obscur pêcheur, Simon ; il ne reçoit pas du tout le nom de l'homme nouveau, du pontife suprême, du fondement de l'Église, Pierre. De même après notre conversion, après des jours de ferveur, si nous commençons à nous endormir, la voix de notre conscience nous adresse de légers reproches, et nous rappelle aussi notre humiliant passé. L'écoutons-nous ? Secouons-nous notre torpeur ?...

II. Jésus agonisant dit ensuite aux trois apôtres ensemble : « Sic non potuistis una hora vigilare mecun ? Ainsi vous n'avez pu veiller une heure avec moi ? » (Matthieu 26, 40). Ainsi se rapporte à ce que tous avaient dit après leur chef : « Quand même il me faudrait mourir avec vous, je ne vous nierai point » (Matthieu 26, 35). Voilà donc, leur dit le Sauveur, voilà donc comme vous êtes préparés à mourir avec moi, vous qui n'avez pas même pu veiller avec moi pendant une heure ! Une heure signifie ici un moment, par une figure dont le Maître se sert, pour faire ressortir toute la négligence de ses disciples. Par sa brièveté ce reproche unit la force à la douceur. Avec moi rend le reproche plus grave Jésus veillait lui-même, il veillait pour ses disciples, il veillait en présence de ses disciples, il gardait ses disciples comme un père garde ses petits enfants, comme un pasteur arde ses timides brebis : les trois disciples n'avaient donc point à s'effrayer de leur solitude, et, sous les yeux du divin Maître, leur indolence ou leur lâcheté devenait moins excusable et plus honteuse. Nous-mêmes nous ne sommes jamais seuls, le Seigneur est toujours avec nous, comme le prêtre nous le souhaite et l'affirme souvent. Dominus vobiscum ! Pourquoi donc sommes-nous si facilement découragés, abattus ?...

III. Les apôtres préférés, et pourtant si faibles, fie savaient que répondre aux justes reproches que le Fils de Dieu leur adressait, ignorabant quid responderent ei (Marc 14, 40). Les yeux de leur âme étaient appesantis, comme ceux de leur corps, leur intelligence était elle-même obscurcie par la sensualité, par le péché. L'ignorance est un sommeil. L'ignorance volontaire, causée par la paresse de l'esprit, est parfois en nous un sommeil coupable, dont nous rendrons un compte sévère. Les disciples écoutèrent avec une humble confusion les reproches du Maître, et ne cherchèrent point à se justifier. Ce silence est digne d'éloges : l'imitons-nous, nous qui sommes toujours si prompts à trouver des excuses ? Mais ils n'en retombèrent pas moins dans le sommeil : combien nous aussi nous profitons peu des avertissements qui nous sont donnés ! Combien nous restons endormis au service de Dieu !...

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. IX. ch. IV, Le repos permis.

 

Pratique : Réveillons-nous à l'approche du carême, et par nos prières, nos actes, nos exemples, faisons en sorte que la sainte parole réveille les âmes endormies. Venons nous-mêmes toujours, et amenons les autres au pied de la chaire de vérité, afin de produire cette édification du nombre, qui est un réveil et un entraînement pour toute une paroisse.

 

Exemples

 

Dans l'histoire des Saints, on voit quelles admirables industries le Seigneur leur inspire pour réveiller les âmes. Saint François-Xavier, après avoir vainement exhorté un grand pécheur à se confesser, l'invite à faire avec lui une promenade sur une montagne voisine. Dès qu'ils sont seuls et à l'écart, l'apôtre saisit des chardons, s'en fait une discipline, se dépouille et se frappe rudement, en répétant à son compagnon : « C'est pour vous, c'est pour apaiser la colère de Dieu qui va tomber sur vous ! » Le sang qui sort des épaules de l'innocent rejaillit sur le coupable ; vaincu par un tel exemple de charité, le pécheur tombe aux pieds du saint, se confesse et se corrige.

Du vivant de saint Ignace, un Frère de la Compagnie de Jésus, fort tenté sur sa vocation, résolut de quitter Dieu pour retourner au monde. Le saint fondateur, ayant découvert que la cause de ce trouble venait d'un péché dont ce Frère ne voulait pas se confesser, alla le trouver et lui raconta toute sa vie passée, combien il avait été acharné au faux amour des créatures, afin de lui ôter la honte, et de lui donner une meilleure impression de la miséricorde divine. Heureux l'homme qui, dans la voix terrible des révolutions et des malheurs publics ou privés, reconnaît la voix du divin Maître lui donnant une leçon sur la vanité des choses humaines, pour le réveiller de son assoupissement et rattacher on cœur à Dieu !

 

Vingt-septième jour

N'entrons pas dans la tentation

 

Aux reproches, Notre-Seigneur ajouta un précieux conseil : « Veillez et priez, dit-il aux trois apôtres, afin que vous n'entriez point en tentation » (Marc 14, 38). De quelle tentation parle-t-il ? de toute tentation, principalement de la tentation de l'abandonner lui-même, comme les apôtres vont le faire dans sa passion, parce qu'ils n'ont ni assez veillé ni assez prié.

 

Méditation

 

I. Nous sommes tous éprouvés par quelque espèce de tentation. L'Homme-Dieu fut tenté, et sa tentation s'étend à tous les chrétiens ; elle se fit sentir aux apôtres et se fait sentir à chacun de nous, elle se fera sentir à ceux qui viendront après nous. Aussi ne dit-il pas : « Veillez et priez pour n'être point tentés » ; il dit seulement : « Veillez et priez pour ne pas entrer dans la tentation, ut non intretis in tentationem » (Matthieu 26, 41), pour n'être pas vaincus par la tentation, pour qu'elle ne vous prenne ni ne vous retienne dans ses filets. Nous ne pouvons pas empêcher le démon de nous tendre des pièges, des filets, des embûches, mais nous pouvons ne jamais y tomber ; nous sommes tentés malgré nous, mais nous n'entrons dans la tentation que de notre gré. Tenons-nous donc sur nos gardes, et prévoyons le danger, l'occasion, la tentation, pour n'y pas entrer...

II. Qu'est-ce que d'entrer dans la tentation ? C'est entrer dans les sentiments qu'elle suggère, en suivre l'attrait, en subir la violence ; c'est entrer dans le courant de nos passions, et nous laisser entraîner ou submerger. Entrer en tentation, c'est appliquer notre esprit à ce qui nous est subitement suggéré de mauvais, c'est nous en occuper. On veut voir ce que c'est, on s'entretient quelque temps avec le serpent, on ne veut pas le chasser sans savoir ce qu'il dit, et l'on pénètre ainsi plus ou moins rapidement dans la tentation, où l'on ne tardera pas à périr. Car toutes les tentations ont un commencement, qui mène fort loin quand il est négligé. Mais il serait aisément vaincu, si on ne lui laissait pas le temps de se fortifier, soit par une espèce d'engourdissement et de paresse, soit par une mauvaise curiosité, soit par une présomption téméraire. Nous entrons d'autres fois dans la tentation par plaisir ou par faiblesse, parce que nous négligeons la prière, et que nous nous laissons amorcer par le moindre appât, comme le poisson qui entre dans le filet ou mord à l'hameçon. N'est-ce point là l'explication de nos chutes ?...

III. En disant tous les jours à Dieu : « Et ne nos inducas in tentationem, ne nous induisez point en tentation, ne nous laissez pas succomber à la tentation (Matthieu 6 , 13), nous ne refusons pas d'être tentés, nous demandons la force de résister aux tentations, une force qui soit proportionnée au péril. Nous prions notre Père céleste de régler tellement, à notre égard, tous les événements dont il est le maître absolu, qu'aucun ne devienne pour nous une tentation trop forte, subite ou imprévue. Nous demandons qu'il nous inspire la vigilance et la fidélité, pour réprimer les plus légers commencements de la séduction ou de la crainte ; nous demandons qu'il fasse cesser la tentation, avant que notre patience et notre fermeté soient abattues. Si néanmoins nos tentations se multiplient, tâchons de nous en consoler et de nous en réjouir. Comme la fumée précède le feu, la tentation précède la gloire : et comme l'or s'épure dans le creuset, l'homme se perfectionne dans les épreuves. Ne nous laissons-nous point aller, au contraire, à la tristesse et au découragement ?...

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. XI, ch. IX, N'entrez pas dans la tentation.

 

Pratique : Pour ne point entrer dans la tentation ou pour en sortir victorieux, veillons par la pratique des bonnes œuvres, prions par la fréquentation des sacrements. Augmentons même souvent alors nos charités, nos oraisons et nos austérités. Pour faire de toutes nos tentations autant de sources de grâces, demandons instamment à Dieu la prudence et le courage.

 

Exemple

 

Au temps de saint Vincent de Paul, un célèbre docteur en théologie fut soumis à une terrible épreuve. Son esprit s'obscurcit, sa foi s'ébranla, la prière sur ses lèvres se changea en blasphème, et le désespoir lui soufflait de continuelles tentations de suicide. Après de vains efforts pour le guérir, Vincent s'offrit à Dieu en victime, et consentit à prendre sur lui la tentation du docteur. Cet héroïque sacrifice fut accepté dans toute son étendue. Pendant que la lumière, l'espérance et l'amour affluaient dans l'âme du docteur, le saint était cruellement tenté, malgré ses larmes et ses bonnes œuvres. Alors il écrivit son Credo, et l'appliqua comme un remède sur son cœur. Puis, il convint avec Dieu que sa main, posée sur ce papier, serait un désaveu de la tentation et un acte de foi. De plus, il se fit une loi de contredire en tout les suggestions de l'ennemi, dans ses pensées, ses paroles et ses actes, s'appliquant à suivre toujours l'esprit de foi, à ne proférer que son langage, et à ne produire que les œuvres de la divine charité. Ce fut alors qu'il multiplia ses visites et ses services dans les hôpitaux. Cependant trois ou quatre années se passèrent dans ce rude exercice, et la tentation durait toujours. Dieu voulait encore quelque chose de son serviteur. Un jour qu'il était plus désolé que de coutume, il tomba à genoux et voua a vie à Jésus Christ dans la personne des pauvres. Il se releva libre et consacré apôtre de la charité.

 

Vingt-huitième jour

Promptitude et faiblesse

 

En recommandant la vigilance et la prière, Jésus en donna ce motif : « Spiritus quidem promptus est, caro autem infirma » (Matthieu 26, 41), parce que l'esprit est prompt à s'élever vers l'avenir, et à former de beaux projets, mais la chair est faible à les réaliser, et à tenir nos meilleures résolutions. Une trop grande confiance dans la promptitude de l'esprit, doit nous faire craindre d'autant plus la faiblesse de la chair.

 

Méditation

 

I. Le Verbe incarné, pendant sa vie mortelle, avait eu la promptitude de l'esprit, et il avait vivement désiré sa passion ; mais à peine l'heure de souffrir est-elle venue, qu'il éprouve la faiblesse de la chair et tombe en agonie. De même nous concevons dans la joie, mais nous enfantons dans la douleur, et peut-être ne participons-nous jamais mieux à l'agonie du Sauveur, qu'au moment d'accomplir, comme lui, ce qui doit contribuer à la gloire de Dieu et au salut des âmes. Si notre esprit est généreux, comme le sien, à vouloir ce qui est saint et utile, prompt à trouver les moyens de le faire, notre chair est faible dans l'exécution ; elle sent la peine et la fatigue, elle nous force à dire quelquefois : ah ! Qu'il en coûte pour faire le bien ! Sommes nous alors courageux, comme Jésus, pour aller au-devant des difficultés ?...

II. Les apôtres avaient prouvé la promptitude de leur esprit, quand ils avaient dit : « Nous mourrons avec vous » (Marc 14, 31) ; maintenant ils prouvent l'infirmité de leur chair, en se livrant au sommeil précurseur du renoncement ou de l'abandon. Nous-mêmes ne prouvons-nous pas cette promptitude de l'esprit dans les moments de ferveur ? par exemple, lorsque, dans la joie d'une première communion, nous renouvelons nos promesses du baptême ? Mais vienne l'adversité, vienne la tentation, nous ne montrons plus que la faiblesse de la chair. Cette promptitude et cette faiblesse, en un même sujet, nous causent parfois une sorte d'agonie. L'agonie est un abaissement de la vie : notre vie ne s'abaisse-t-elle pas par la faiblesse de la chair ? L'agonie est un combat : le combat, ne se ranime-t-il pas en nous par la promptitude de l'esprit ? Chacun de nous peut dire : Il y a deux hommes en moi, l'homme de l'esprit et l'homme de la chair ; et ces deux hommes se font souvent la guerre. Puisse cette lutte intérieure m'apprendre à être plus indulgent pour le prochain, plus miséricordieux dans mes jugements !...

III. Le tour de phrase dont se servit le divin Maître, attirait l'attention de ses disciples sur la faiblesse de là chair, plus que sur la promptitude de l'esprit, et la leur présentait comme ce qui les exposait le plus à entrer dans la tentation ; car l'esprit est prompt à la vérité, mais la chair est bien faible. Saint Paul insistera aussi davantage sur cette infirmité de la partie animale de notre être, puisqu'il en gémira souvent dans ses épîtres. Le principal motif de cette insistance est, sans doute, que la faiblesse de la chair n'est pas une simple absence de forces, quelque chose de purement négatif, mais une résistance positive à l'esprit par la violence des désirs contraires. Cette faiblesse de la chair n'est point semblable à la débilité d'un malade ou d'un enfant, qui n'est capable d'aucun effort ; on doit la comparer à la résistance d'un homme sain et robuste, d'un athlète ferme et vigoureux, combattant contre un autre qui prétend l'assujettir. Que faisons-nous pour diminuer cette résistance de la chair aux mouvements de l'esprit ? Nous imposons-nous des privations ou quelques macérations, comme le grand apôtre qui châtiait son corps pour le réduire en servitude (1 Corinthiens 9, 27) ?...

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. IX,ch. XI, Promptitude de l'esprit et faiblesse de la chair en nous-mêmes.

 

Pratique : Gardons-nous d'accroître la fragilité de la chair, en prenant les habitudes d'un siècle sensuel, où chacun cherche ses aises et veut trouver partout le confortable. Défions-nous de l'ardeur même de l'esprit, qui peut devenir pour nous un danger, parce qu'elle naît quelquefois de l'orgueil et engendre la présomption. A la mortification unissons toujours l'humilité.

 

Exemple

 

Saint Thomas d'Aquin, à peine âgé de seize ans, s'enfuit de sa famille qui s'opposait à sa résolution d'entrer chez les dominicains. Surpris en route, il fut ramené au château d'Aquin et resserré dans une étroite prison. Une courtisane fut même introduite dans sa chambre. Aussitôt, prenant un tison enflammé, il repousse et poursuit la misérable. Puis, avec le même tison, il trace une croix sur le mur, tombe à genoux et renouvelle le vœu qui le consacrait entièrement au Seigneur. Pendant qu'il priait, un doux sommeil s'empara de lui. Les anges le visitèrent dans cette extase de la virginité, et ceignirent ses reins d'une ceinture, en lui disant : « Nous venons à toi, de la part de Dieu, te conférer le don de virginité perpétuelle ». Le cordon miraculeux que Thomas avait reçu des anges, et qu'il porta jusqu'à la fin de sa vie, fut donné à la maison des dominicains de Verceil, en Piémont. Sur ce modèle furent faits d'autres cordons semblables, qui devinrent la marque distinctive d'une nouvelle association, nommée la Milice Angélique, dont le but était de conserver ou de reconquérir le trésor de la pureté. Cette légion sainte, armée pour le triomphe de l'esprit sur la chair, se répandit avec une merveilleuse rapidité dans toutes les contrées de l'Europe, et s'est perpétuée jusqu'à nos jours. Les riches et les pauvres, les rois et les reines se firent gloire, pendant plus de cinq siècles, de porter le cordon de saint Thomas et de la sainte Vierge ; il devint surtout en usage parmi les étudiants de toutes les universités.

 

Vingt-neuvième jour

Prière répétée

 

Jésus agonisant se tourna trois fois vers son Père pour demander grâce, et trois fois il parut repoussé. Il s'approcha trois fois de ses plus chers disciples, comme pour en recevoir un peu de consolation, et trois fois il les trouva endormis. Comment cette réitération des mêmes efforts, toujours infructueux en apparence, n'aurait-elle pas aggravé l'agonie du chef, puisqu'elle aggrave tous les jours l'agonie des membres, nos luttes et nos souffrances morales ?

 

Méditation

 

I. Le Sauveur au jardin des Olives fit trois fois la même prière, oravit tertio eumdem sermonem dicens (Matthieu 26, 44). Il répéta les mêmes choses, et presque les mêmes paroles. Cette répétition peut se rapporter au transeat, au calice dont il demandait l'éloignement, et dans ce cas l'identité des termes n'excluait point la variété des intentions. Par ce calice, le divin agonisant ne pouvait-il pas indiquer tantôt une chose, tantôt une autre ? Cette répétition peut s'entendre du fiat, c'est-à-dire de la résignation qui, dans l'expression comme dans le sentiment, était générale et s'étendait à tout, mais qui pouvait admettre quelque variété dans les termes : « Que votre volonté soit faite et non la mienne (Luc 22, 42), non ce que je veux, mais ce que vous voulez (Marc 14, 36), comme vous voulez et non pas comme je veux (Matthieu 26, 39). Toutes les prières ne sont-elles pas résumées ou renfermées dans celles-là? Et n'est-ce pas cette partie de sa prière que Notre-Seigneur répéta surtout ? Est-ce aussi ce que nous aimons à répéter le plus, fiat ! Fiât !? D'ordinaire nous ne répétons volontiers que le transeat de la répugnance : loin de moi cette épreuve, loin de moi ce mépris, loin de moi cette douleur ! Notre parfait modèle l'a dit en son agonie, mais en ajoutant chaque fois le fiat de la soumission. L'imitons-nous ?...

II. Cette répétition se rapporte à l'ensemble, et s'entend de toute là prière de Notre-Seigneur. Il la répéta plusieurs fois intégralement, et voulut nous apprendre ainsi à persévérer dans nos demandes, à les renouveler même avec une constance toujours plus grande. Car notre insistance finit par obtenir ce qui pourrait être refusé à notre indignité. Cette importunité réjouit merveilleusement notre Père céleste. S'il diffère de nous accorder ses dons, son motif ordinaire est de nous les faire demander lus souvent et plus instamment. La foi, l'humilité, le respect et la confiance préparent les grâces, mais c'est la persévérance qui nous les obtient. Nous obstinons-nous dans la même prière, dans la même demande ?...

III. Le bon Maître voulait aussi nous montrer qu'une première résignation, une première acceptation du calice, ne suffit pas de notre part, et que nous devons réitérer souvent les protestations de notre obéissance, avec les prières qui peuvent seules nous obtenir cette conformité. Le Fils de Dieu ne s'était-il pas pleinement soumis dès la première fois, et son sacrifice n'avait-il pas été sans réserve ? Cependant il réitère les mêmes instances, pour s'entretenir dans ces heureuses dispositions. Pourquoi donc nous, qui sommes si changeants et si faibles, ne réitérerions- nous pas les mêmes exercices de piété, la méditation, l'examen, la confession, la visite et la communion ? L'Église le fait, comme son divin Époux. C'est la manne qui tombe toujours la même dans le désert de cette vie, mais qui a tous les goûts et toutes les délices (Sagesse 16, 20). Sommes- nous fidèles à la recueillir ?...

 

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. IX, ch. XIV, Répétition des mêmes prières.

 

Pratique : Combattons la paresse de l'esprit, qui met obstacle à notre persévérance dans les mêmes prières, à nos progrès dans l'oraison, à notre perfection dans la vie contemplative. Tenons-nous en garde contre la manie de changer ou de multiplier les pratiques de dévotion, parce qu'elle n'est qu'une pure impatience de notre nature, qui veut toujours courir à cent choses, et qui n'aime rien tant que la nouveauté.

 

Exemple

 

La charité de saint Paul était un vaste et profond océan ; il donnait quelque soulagement à l'impétuosité de ses flots, en multipliant ses prières, en réitérant ses instances pour les enfants d'Israël. Pour eux l'affection de mon cœur, écrivait-il. et pour leur salut ma prière à Dieu (Romains 10, 1).La charité divine fut toujours le foyer du plus ardent patriotisme, et, en vivant ou en mourant pour Jésus-Christ, les saints priaient très souvent pour leur patrie. Ils prient encore pour elle comme pour leur famille, comme pour lEghse, et ils ajoutent à la prière le sacrifice. Pour décider le Seigneur à donner des grâces de choix, les religieuses du Cœur agonisant réitèrent chaque jour leur vœu d'immolation. Il les oblige au jeûne hebdomadaire et cette pratique extérieure de mortification a pour but de leur rappeler abattement corporel, auquel la sueur de sang réduisit le divin Maître. Il les oblige à l'exercice quotidien d'intercession, et cet exercice répond à la prière prolongée que fit l'Homme-Dieu dans le jardin des Oliviers. Quoi de plus éloquent que le cri de miséricorde poussé par toutes ces épouses du Sauveur, qui viennent au pied de l'autel s'associer à son sacrifice, unir leur prière à sa Prière, leur agonie à son agonie ! Des faits nombreux ont prouvé qu'elles obtiennent les grâces variées et puissantes, surtout des pensons inespérées, des conversions sincères, des morts édifiantes. Mais elles laissent à Dieu le soin de révéler ces faits. Leur vif désir est de rester elles-mêmes dans l'ombre et l'oubli, pour mieux imiter Jésus agonisant, dont la prière et le sacrifice sur le mont des Oliviers se firent dans le silence de la nuit.

 

Trentième jour

Les prévisions

 

Après avoir réveillé une troisième fois ses disciples, le divin Maître leur dit : « Il suffit, l'heure est venue, voici que le Fils de l'homme va être livré aux mains des pécheurs, Ecce Filius hominis tradetur. Levez-vous donc et allons. Voici que celui qui va me livrer est proche » (Marc 14, 41-42). Ces mots nous révèlent en Notre Seigneur cette prévision des épreuves, qui est souvent en nous une cause d'agonie, de souffrance, d'accablement.

 

Méditation

 

I. Les dernières paroles de Jésus agonisant à ses trois apôtres préférés, nous apprennent l'efficacité d'une résignation parfaite secondée de la grâce : il n'est rien de si pénible qu'elle ne nous fasse endurer ou entreprendre avec intrépidité ; elle réveille et fortifie toutes les puissances de L'âme. Notre Seigneur avait tremblé, avait été accablé de tristesse, s'était étendu sur la poussière et avait répandu une sueur de sang ; mais depuis qu'il s'est résigné pleinement à la volonté de son Père, il est plein d'ardeur pour affronter les redoutables épreuves qu'il prévoit, et il s'écrie lui-même : « En avant ! Venit hora », voici l'heure attendue depuis tant de siècles, voici l'heure que j'ai toujours regardée depuis le premier instant de ma vie, voici l'heure de ma détention et de votre affranchissement. Voici l'heure d'offrir aux hommes un suprême exemple de courage et de force, afin que, dans les occasions où ils se verront assaillis de difficultés, ils se souviennent de moi et surmontent tout généreusement, comme ils m'auront vu faire. Et pour qui va-t-il le faire ? pour qui court-il au-devant des souffrances prévues ? pour des indifférents, pour des ingrats, pour ses bourreaux eux-mêmes. Le Cœur agonisant de Jésus est un immense brasier d'amour ; le vent de l'ingratitude en rend la flamme plus vive et plus ardente. Ah ! Je veux en approcher mon cœur, pour qu'il s'embrase aussi et lui devienne semblable...

II. Les pécheurs désignés par la parole de Notre-Seigneur, in manus peccatorum, sont les Romains idolâtres, les Juifs déicides et Judas le traître. Cette connaissance anticipée de la trahison, de l'arrestation, de tous les détails de la passion, rendit plus douloureuse pour son Cœur toute sa vie mortelle, et en particulier son agonie. Dès son entrée en ce monde, il était homme pour sentir cette peine dans toute son étendue, et Dieu pour la prévoir dans toutes ses circonstances. Durant la passion, il y eut peu d'intervalle entre les différents supplices, à peine lui donnait-on le loisir de respirer ; néanmoins il ne les souffrit pas tous à la fois, au lieu qu'au jardin ces maux vinrent en foule assaillir son âme désolée : elle découvrit d'une seule vue toute cette longue et tragique histoire. Or tel qui pourrait résister en détail à tous ces malheurs, est accablé par la multitude. Le Sauveur fut d'abord abattu, mais avec quelle énergie il se releva ! Ainsi la grâce corrige et complète la prévision naturelle, qui souvent exagère les maux à venir, et nous abat plus qu'elle ne nous relève ; la grâce en fait la prévoyance chrétienne, qui prie avec Jésus, se mortifie avec Jésus, et se relève avec Jésus en face des difficultés réelles, pour les affronter de grand cœur...

III. Notre âme a deux facultés qui multiplient pour nous les douleurs et les épreuves. La mémoire et la prévoyance ne sont-elles pas en nous comme deux échos, qui répètent tous les sons lamentables, ou comme deux miroirs qui réfléchissent toutes les images sombres et attristantes ? Nous oublions plus facilement nos joies que nos douleurs, et nous sommes plus prompts à prévoir la peine que le plaisir. Cette prévision nous sert-elle toujours à augmenter nos mérites, en multipliant nos actes de résignation ? C'était dans sa prière que le Fils de Dieu prévoyait et acceptait toutes ses épreuves ; le temps de nos exercices de piété n'est il pas aussi le plus favorable à la prévoyance, et à l'acceptation de nos croix ? L'oraison du matin et la retraite annuelle sont des actes de prévoyance pour toute une journée, pour toute une année. La vie spirituelle est une continuelle prévoyance, et les saints furent les plus prévoyants de tous les hommes. Sous ce rapport, sommes-nous les enfants des saints ?...

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. XI, ch. I, Prévoir les épreuves.

 

Pratique : Étendons notre prévoyance jusqu'au dernier instant de notre vie, afin que la mort ne puisse nous surprendre, quand même elle serait subite. Propageons la confrérie de la Bonne-Mort, et les associations de prières pour les défunts. Si nous le pouvons, consacrons un jour par mois à l'exercice de la préparation à la mort.

 

Exemple

 

Mademoiselle de Saint-Légier de la Sauzaye avait le zèle des malades. Ce fut à leur chevet qu'elle reçut l'inspiration d'établir une œuvre spéciale pour les aider à bien mourir, et pour préparer l'habitation de l'indigent à la visite du suprême consolateur. Bientôt, avec le concours d'une autre pieuse demoiselle, vouée comme elle au service de Notre-Seigneur dans la personne des pauvres, elle fonda l' Œuvre du Saint-Viatique. Elle put en constater les heureux fruits, mais elle mourut avant de la voir érigée en archiconfrérie. Cette érection date du 13 avril 1874, et le siège de l'archiconfrérie est la basilique de Saint Pierre à Saintes (Charente Maritime, France). Les associés commencent par remplir auprès des malades le ministère d'anges de paix, de bon conseil et de pieuse assistance ; ils leur inspirent des sentiments de foi et de confiance en Dieu, ils les disposent à se confesser, puis à communier ; ils ornent la chambre, et y portent toute une petite chapelle. Ils accompagnent le Saint-Viatique, et après que le prêtre s'est retiré ils n'abandonnent pas le mourant : ils l'exhortent à unir ses souffrances à celles du Sauveur, et prient avec lui et pour lui. « Quelle consolation pour le prêtre, écrivait-on, de trouver des chrétiennes au cœur brûlant d'amour pour Jésus, qui mettent leur bonheur à préparer les âmes, et à faire oublier aux pauvres le dénuement de leur mansarde, lorsque Dieu vient les visiter ! Aussi je désire vivement que l'OEuvre s'établisse partout ».

 

Trente-et-unième jour

Le Cœur compatissant de Marie

 

On croit que la Vierge-Mère eut le privilège de savoir ce que son Fils endurait, et d'unir son Cœur compatissant au Cœur agonisant de l'Homme-Dieu. Plusieurs âmes d'élite ont même pensé que Marie fut corporellement présente auprès de Jésus agonisant dans le Jardin, comme elle se tint debout auprès de Jésus mourant sur le Calvaire.

 

Méditation

 

I. La prévoyance avait fait de la vie de la Mère, comme de la vie du Fils, une longue agonie, et tout ce que les prévisions de Jésus avaient de plus douloureux, s'était réfléchi dans les prévisions de Marie, comme dans un miroir fidèle, afin d'augmenter sa participation aux souffrances qui devaient nous sauver. Marie fut ainsi, après Jésus, le plus parfait modèle de la résignation dans la prévoyance, et afin que sa résignation fût plus méritoire, sa prévoyance s'étendait au delà de ses maux personnels, à tous les maux de celui qu'elle aimait plus qu'elle-même. Elle n'aurait pu supporter un tel poids de douleurs, s'il n'avait été tempéré par de fréquentes consolations. Le Cœur agonisant de Jésus appelait donc le Cœur compatissant de Marie, et comme c'est au jardin que l'un fut le plus agonisant, c'est alors que l'autre fut le plus compatissant. L'agonie du Fils causa l'agonie de la Mère, et celle-ci à son tour rendit celle-là plus cruelle. Les honorons-nous toutes deux, par un pieux souvenir et une efficace compassion ?...

II. Pour aller du cénacle au jardin des Oliviers, pour courir à la mort, le Sauveur avait dû s'éloigner de sa Mère ; mais il ne s'en était séparé que de corps : il lui laissa tout entier son Cœur, et demeura toujours avec elle par la pensée et l'affection. L'amour qu'il avait pour sa Mère, fut un clou qui lui perça le Cœur, et l'attacha à une croix intérieure. Il voyait Marie présente à tous les mystères de sa passion, il voyait toutes les plaies de son corps se réunir et se ramasser dans le Cœur virginal de cette Mère bien-aimée : la compassion qu'elle avait ainsi de sa mort, le faisait plus souffrir que sa mort même. Voilà comment, rapprochés par un amour sans bornes, les Cœurs sacrés de Jésus et de Marie s'embrasaient de plus en plus l'un pour l'autre, et leurs flammes en s'unissant rendaient plus ardente la compassion réciproque pour leurs communes douleurs. Chaque coup qui frappait l'un ou l'autre de ces deux Cœurs, loin de trancher le nœud de leur amour, le resserrait davantage. En est-il ainsi de nous ?...

III. Venez donc, ô Marie, venez essuyer la sueur sanglante de Jésus. Et si vous n'avez pas de linge, essuyez, comme Madeleine, avec vos propres cheveux (Luc. vu, 38). Que de fois, lorsqu'il était encore enfant, vous avez essuyé ses larmes, en lui témoignant un souverain respect et une singulière dévotion ! Que de fois, le Cœur débordant de tendresse, vous lui avez donné un baiser ! Ce soir encore essuyez-le, baisez-le ! Non, vous ne pouvez être de corps auprès de lui, vous savez seulement ce qu'il endure dans son agonie. Mais cette connaissance suffit à déchirer votre Cœur, autant que si vous éprouviez vous-même ses angoisses. Votre Cœur est aussi brûlant que s'il était dans une ardente fournaise, et le feu de l'affliction vous pénètre tout entière. Durant cette triste nuit quelles paroles jaillirent de votre Cœur comme des étincelles ! « Ô mon Fils, disiez-vous, qui me fera la grâce de souffrir tous vos tourments, de mourir en votre place ? Ô Jésus, unique consolation de mon Cœur pourquoi ne me permet-on pas du moins de mourir avec vous ?... »N 'oublions-nous point ces gémissements de notre Mère ? (Eccle. 7, 29) Sommes-nous dans les sentiments où était Jésus (Philip, II, 5), où était Marie ?...

Lisez dans L'Agonie de Jésus, liv. XII, ch. VI, L'agonie de Marie.

 

Pratique : Imitons Notre-Dame du Mont des Oliviers, et invoquons son Cœur compatissant pour les affligés, les pécheurs et les moribonds. Dans le même but, répandons cette série non interrompue d'hommages, qu'on nomme Supplication perpétuelle au Cœur compatissant de Marie.

 

Exemple

 

Une noble veuve, très-zélée à répandre en Angleterre la dévotion qui nous occupe, offrait à Dieu tous ses efforts comme une prière pour des grâces nouvelles, comme un témoignage de reconnaissance pour les faveurs déjà obtenues. Une de ses parentes, ayant reçu une grande grâce par l'intercession de Notre-Dame des Victoires, voulait envoyer à Paris un riche ex-voto en métal. « N'y dépensez plutôt qu'une somme modique, lui dit la pieuse veuve, et faites offrir beaucoup de messes en action de grâces, en priant les prêtres que vous en chargerez, d'en remettre les mérites aux mains de la très sainte Vierge, pour qu'elle en fasse elle-même l'application aux âmes des agonisants, qui devront ce jour-là paraître devant Dieu. Ces âmes sauvées par la vertu du saint sacrifice, seront un ex-voto vivant et éternel, qui sera plus agréable au Cœur agonisant de Jésus et au Cœur compatissant de Marie ». Ce conseil fut suivi, comme on peut le voir dans les Annales de l'archiconfrérie du très saint et immaculé Cœur de Marie, numéro de décembre 1872. Combien de prêtres et de fidèles reconnaissants voudront aussi contribuer, par l'oblation du sacrifice de la messe, au salut des agonisants de chaque jour ! Les âmes ainsi sauvées deviendront dans le ciel autant d'ex-voto vivants, qui rendront éternellement témoignage de notre gratitude, pour les grâces dont nous sommes comblés ici-bas. Adressons-nous donc au Cœur compatissant de Marie, pour qu'il applique aux moribonds tous nos mérites et les mérites du sang de Jésus-Christ.

 

Retrouvez et téléchargez les 3 volumes de L'Agonie de Jésus du Père Blot,

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968_001-001

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