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sanctuaires
17 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne13

Dix-huitième jour

Notre Dame de Consolation

 

La sainte Vierge règne dans le ciel par la gloire ; elle règne dans le Purgatoire par la bonté. Aussi nos pères ne pouvaient-ils manquer de l'associer à leurs prières pour les trépassés.

La plupart de ces puissantes confréries, si nombreuses dans les siècles passés et tant aimées de nos ancêtres, avaient sans doute pour but de commémorer un mystère ou d’honorer un saint ; toutes s'appliquaient en même temps à multiplier les prières pour leurs membres défunts. Je n’ai pas besoin de remarquer qu’il en était ainsi particulièrement dans les confréries de la sainte Vierge. Ce que nous avons dit de celle de la Chandeleur suffirait largement à le prouver, puisque les messes et services qu’on y faisait dire chaque année pour les confrères défunts se chiffrent par centaines. Mais nous n’avons pas à revenir sur votre célèbre confrérie ; mentionnons plutôt une autre dévotion nantaise qui avait, je le crois du moins avec l'abbé Lagrange, un double objet, honorer Marie et soulager les âmes du purgatoire, je veux dire Notre-Dame de Consolation.

La madone au nom si doux pour les cœurs affligés, et devant laquelle les mères désolées, les veuves, les orphelins, tous les endeuillés devaient s’agenouiller si volontiers, avait son autel et sa confrérie dans l’église de Sainte Croix.

L’histoire ne nous a transmis aucun détail sur l’origine de cette dévotion dans notre ville. Peut-être le bruit des miracles qui se multipliaient à Rome, au pied d’une image de la sainte Vierge que le peuple, bien inspiré dans sa reconnaissance, appela Notre-Dame de Consolation, donna-t-il à la piété de nos pères l’occasion d‘introduire ce vocable chez nous. Ce qui est incontestable, c’est que les miracles commencèrent à Rome en 1471, et que Notre Dame de Consolation était vénérée à Nantes quelques années plus tard. M. Lagrange affirme qu'on la trouve mentionnée dés l'année 1489, et le procès-verbal d'une visite épiscopale, daté de 1638, fait remonter la fondation de notre confrérie à 1492 ou environ. Elle était donc plus jeune que sa sœur de Saint Nicolas, mais d’âge bien respectable encore.

Pour le service de la confrérie, on chante tous les samedis une messe de Beatà à l’autel de Notre Dame de Consolation, et une autre à toutes les fêtes de Marie. En outre, « le jour particulier de la feste, qui est la Conception immaculée de la Vierge, il y a procession par la Grande-Rue, et, au soir, vespres des morts, et, le lendemain, service général pour les frères et sœurs décédés ». Ce qui n’empêchait point la célébration d’un service particulier pour chaque confrère, quelques jours après son décès.

Ce n’est pas tout ; outre les cérémonies solennelles établies à son autel par la confrérie elle-même, d’autres y avaient été fondées par des personnes pieuses, probablement des membres dévoués de l'association. C'est ainsi que, le 11 septembre 1518, maître Yves du Bot, médecin, originaire de Josselin et également dévoué à Notre Dame du Roncier, fonde une messe hebdomadaire à l‘autel de Notre Dame de Consolation. ll exerçait a Nantes, sur la paroisse de Sainte Croix, et la rente perpétuelle qu'il léguait pour sa fondation était assise sur sa maison de la Saulzaie. Lui-même nomma le premier chapelain chargé de l’acquitter et régla qu’après lui le droit de présentation appartiendrait aux fabriqueurs de la paroisse. Ceux-ci ne le laissèrent pas tomber et, jusqu’à la Révolution, en ne manqua pas de célébrer, tous les lundis, à l’autel de Notre Dame de Consolatiou, la messe de « maître Yves du Bot ».

C’est ainsi encore que, durant l’année 1637, Missire Pierre Couperic, prêtre, docteur en théologie, chanoine théologal et archidiacre de la Mée, et son frère Jean Couperie, sieur des Jonchéres, docteur en droit, conseiller du Roy et président au Présidial de Nantes, dont les parents avaient été enterrés dans la chapelle de notre confrérie, y faisaient une importante et curieuse fondation. « Désireux de contribuer à l'augmentation du divin service en ladite église parrochialle de Sainte Croix, à la gloire de Dieu et de la sainte Vierge Marie, pour le salut des vivans et repos des trépassez et particulièrement des âmes des deffunts » leurs père et mère, ils établissent ceci : aux sept fétes principales de Notre Dame, savoir : la Conception, la Nativité, la Présentation, l'Annonciation, la Visitation, la Purification et l’Assomption, une messe basse devra être célébrée, a l'autel de Notre Dame de Consolation, à l'issue de la messe paroissiale. Au cas où deux messes solennelles seraient chantées, ces mêmes jours, l’une pour la paroisse, l'autre pour la confrérie, c’est seulement à l’issue de celle-ci que sera dite la messe basse. De plus, au soir de ces mêmes fêtes, après l’office des vêpres, le clergé de Sainte Croix devait, en vertu de la même fondation, chanter un Salut de la Vierge. On se rendait donc processionnellement à l’autel de Notre Dame de Consolation ; deux prêtres de choeur ou du moins deux clercs, ces détails sont spécifiés dans l'acte, doivent chanter « en entier et à haute voix les litanies de Notre-Dame » et tout le clergé paroissial doit chanter aussi la réponse. Après l’Oraison de la sainte Vierge, on chante, toujours au même autel, pour les fidèles trépassés, « le psaume De profundis avec que son Libera et l'oraison Fidelium ».

Le XVIIIe siècle amena la ruine de la confrérie. Un arrêt de justice, du 12 août 1738, prononça sa dissolution, sous prétexte qu’elle n'avait pas de lettres-patentes dûment enregistrées au Parlement. Deux siècles et demi d'existence légale ne suffirent pas a la défendre et ses rentes allèrent grossir les maigres revenus du Sanitat.

Un siècle plus tard, en 1853, une dévotion, différente par le nom, mais née d'une inspiration analogue, était établie à Nantes, dans la chapelle de l’Immaculée Conception : c’est la confrérie bien connue de Notre Dame du Suffrage. Elle poursuit deux buts, inséparables d’ailleurs : assister toutes les âmes du purgatoire et, plus particulièrement, les âmes des associés défunts et de leurs parents ; exciter ses membres, par la pensée de la mort et des expiations qui la suivent, à mener une vie plus chrétienne.

Les fidèles, désireux de venir en aide à leurs défunts, désireux surtout de se ménager a eux-mêmes des suffrages assurés, comprirent aussitôt cette dévotion et s’agrégèrent nombreux à la confrérie. Depuis lors, l’autel spécialement dédié à N.-D. du Suffrage n'a pas cessé d’être visité par les familles en deuil ; depuis lors aussi, la conf'rérie n'a pas cessé d’accomplir ses pieux exercices. Chaque semaine, une messe est offerte aux intentions de l'œuvre. Chaque mois, le premier lundi, la messe est précédée d'une allocution, et le soir ou fait solennellement le Chemin de la Croix, suivi de la bénédiction de la Vraie-Croix et d'une absoute. Chaque année, l'octave des morts y est célébrée par des exercices semblables à ceux du premier lundi. Enfin, au décès de chaque confrère, deux messes basses pour le repos de son âme sont annoncées et dites à l’autel privilégié de Notre Dame du Suffrage.

Depuis 1853, bien des défunts avaient été soulagés par les prières de notre confrérie ; en 1899, on se demanda S’il n’était pas possible de faire davantage. Des âmes, héroïquement oublieuses d'elles-mêmes, abandonnent parfois toutes leurs satisfactions aux âmes délaissées du purgatoire : pourquoi la confrérie ne les imiterait-elle pas, en consacrant une partie de ses ressources au soulagement de ces mêmes âmes ? Hélas ! Que de défunts pour lesquels des familles sans religion et plus souvent sans fortune ne font jamais offrir le saint sacrifice ! La charité serait heureuse de réparer ces cruels oublis, en faisant dire une messe pour chacun de ces délaissés. Cela se fait ailleurs, à Redon par exemple ; une personne riche et profondément chrétienne y a pourvu. La confrérie du Suffrage aurait voulu imiter cet exemple ; mais la ville de Nantes est trop grande et le nombre des indigents y est trop considérable pour qu'il lui fut possible d’accorder a tous cet insigne bienfait. Elle a pensé du moins qu'elle pouvait faire quelque chose, et depuis cinq ans déjà, chaque matin, elle fait célébrer a son autel une messe pour les indigents décédés la veille dans la ville de Nantes. Cette pensée n’est-elle pas touchante, et n’est-il pas vrai que la confrérie de N. D. du Suffrage pourrait s’appeler, comme sa devancière, N.-D. de Consolation ?

Non seulement elle adoucit, mais elle délivre. C’est une pieuse croyance que, le jour de son Assomption, le purgatoire demeura vide, Marie ayant obtenu de son Fils la grâce d‘entrer au Ciel accompagnée de toutes les âmes détenues dans ce lieu d'expiation. Certains auteurs affirment qu’à chacune de ses fêtes, elle descend au purgatoire et délivre une foule d’âmes, choisies principalement parmi celles qui l’ont bien servie sur la terre. Des révélations, qui n'ont point été désavouées par l’Eglise, font croire aux fidèles qu‘elle favorise entre tous les membres de la confrérie du Mont-Carmel, et qu’elle délivre, le samedi d’après leur mort, ceux d’entre eux qui ont porté fidèlement le scapulaire, pratiqué la charité, récité le petit office de la sainte Vierge, observé les jeûnes et l‘abstinence du mercredi.


Marie est bien la consolatrice des âmes détenues dans le purgatoire ; elle est par là-même la consolatrice de ceux qui restent pour quelques jours encore sur cette terre d’exil. Aussi je comprends que la chapelle commémorative élevée naguère, à Paris, sur l'emplacement du Bazar de la charité, ait été dédiée à N.-D. de Consolation. Prions donc Marie pour nos défunts, confions-lui les prières et les suffrages que nous offrons pour leur soulagement, demandons-lui de ne pas nous oublier après notre mort, et répétons, comme autrefois nos pères : « Notre Dame de Consolation, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

 

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16 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne12

 Dix-septième jour

Notre Dame des Anges

 

Pendant quelques années, bien longues, hélas ! Pour son amour, Marie demeura sur cette terre d’exil, après le départ de son Jésus ; et, comme nous le disions hier, elle se consolait de ne plus le voir et l‘entendre par de ferventes communions. Enfin, sonna l’heure de la délivrance et le ciel s’ouvrit pour recevoir sa Reine. C’est là que nous allons la suivre en étudiant Notre Dame des Anges.

Vous n'ignorez point que ce vocable rappelle une dévotion franciscaine et vous ne serez pas surpris d'apprendre, si vous ne le saviez déjà, que l'église des Capucins de la Fosse, dont l’enclos occupait le cours Chambronne et ses abords, était consacrée à Notre Dame des Anges. La première pierre en fut solennellement posée par l'évêque de Nantes, Philippe Cospéan, le dimanche 26 mars 1628. Trois ans plus tard, les religieux ensevelissaient dans son enceinte, avec le concours d’une foule immense de Nantais, un de leurs frères, le Père Archange, de Nantes, observateur très fidèle de la Reigle de sainct François et grand serviteur de la Bien-Heureuse Vierge Marie ». Vincent Charron, qui mentionne sa pieuse mort, ajoute : « Quelques religieux de son ordre mont asseuré que la glorieuse Vierge lui apparut avant sa mort, qu’aussi-tost il se mit en son séant sur sa couche, et joignant les mains il dit intelligiblement le Salma Regina, et que bien-tost après il rendit l'esprit ».

Il s‘agit donc pour vous d'une dévotion tout a fait locale ; et cela est d'autant plus vrai que la délicieuse chapelle, qui termine si heureusement l'abside de votre belle. église, est aussi dédiée à Notre Dame des Anges. Disons toutefois que le pays nantais n'avait pas attendu l'arrivée des Pères Capucins pour adopter cette dévotion, et qu'il la pratiquait depuis au moins deux siècles.

Connaissez-vous l'histoire de Saint François d'Assise ? Il s'éprend d'amour pour une toute petite chapelle, dite de Notre-Dame des Anges ou de la Portioncule, la restaure des dons de la Charité, s’établit à son ombre ; puis il obtient de Notre Seigneur ce que les siècles passés ont appelé le « grand pardon d‘Assise », ce que nous appelons, nous, l’indulgence de la Portioncule. Quiconque, à partir des secondes vêpres de la fête de saint Pierre-ès-liens jusqu’au soir du lendemain, pénétrera et priera dans la petite chapelle, gagnera autant de fois une indulgence plénière. La petite chapelle existe encore, et les foules s’y pressent toujours ; seulement elle est désormais à l’abri des intempéries, dans une superbe basilique, au-dessous d’une gigantesque coupole jetée là par la piété des siècles pour la protéger.

Tous ne pouvaient faire le voyage d'Assise, et, de bonne heure, les Souverains Poutifes étendirent l‘indulgence à d'autres sanctuaires. Un recteur d'Orvault forma le projet de procurer cette faveur à ses paroissiens. Il s'appelait Jean Bernard de la Grée et gouvernait cette paroisse dans la première moitié du XVe siècle. En l‘an de grâce 1436, il jeta les fondements d‘une chapelle ayant exactement la même forme et les mêmes dimensions que celle d'Assise et dédiée connue elle à Notre Dame des Anges. Bientôt la chapelle était achevée, pourvue par son fondateur d'ornements et de vases sacrés, enrichie enfin de la précieuse indulgence. Elle s’élevait, que dis-je ? elle s’élève encore, à un kilomètre environ au-delà de l’église paroissiale, sur un plateau d’où elle domine, connue une reine la reine de la contrée et le bourg, et la campagne environnante, et toute cette fraîche vallée du Gens, que nos pères baptisèrent, dit-on, du nom de Vallée d’Or, Aurea Vallis, Orvault.

Les fidèles de la paroisse en apprirent vite le chemin ; ceux du voisinage ne tardèrent pas à les suivre et, afin de satisfaire la dévotion de tous, les prêtres d’Orvault furent obligés de se rendre souvent au nouveau sanctuaire pour y célébrer le saint sacrifice de la messe.

La piété généreuse des habitants pourvoyait à l'entretien de la chapelle et du vestiaire ; on donnait des calices, des ornements, du linge et des nappes d’autel, voire même « une robe, des guimpes, et tout l'ensemble dés habillements nécessaires pour orner, selon le goût du temps, l'image vénérée de Notre-Dame des Anges ». On y faisait aussi de pieuses fondations de messes, de services, des processions. Enfin, la foule des pèlerins déposait d'abondantes offrandes sur l'autel de Notre Dame. Est-ce pour cela que les seigneurs du pays se crurent, ou du moins se prétendireut, seigneurs-fondateurs de la chapelle ? Peut-être. Il y avait à cela honneur, sinon profit. À trois reprises, dans l’espace d‘un siècle, ils tentèrent d’imposer leurs prétentions. Mais les marguilliers veillaient, stimulés au besoin par les parents et héritiers du véritable fondateur ; et la Cour des Régaires maintint dans leurs droits séculaires les paroissiens et les recteurs d’Orvault.

Au XVIIe siècle, l’un de ces derniers établit dans la petite chapelle une confrérie de Notre Dame des Anges et, le 5 juillet 1661, parut une ordonnance de l’Evêque de Nantes approuvant ses statuts et publiant une indulgence accordée par le Pape a la confrérie et « même au prédicateur ».

Le but de cette pieuse association était d‘honorer la sainte Vierge comme les anges l’honorent dans le ciel. Aussi multipliait-elle les hommages rendus à Marie. A toutes les fêtes gardées de Notre-Dame, les confrères devaient prendre part a une procession qui partait de l’église paroissiale pour se rendre à la chapelle, en chantant des hymnes et des cantiques ; assister à la grand'messe solennelle dans ce dernier sanctuaire ; réciter, enfin, sept Pater et sept Ave Maria en mémoire des sept allégresses dont la Vierge jouit dans le ciel. indépendamment de ces exercices particuliers, les membres de la confrérie prenaient part également a sept autres processions et grand'messes célébrées à la chapelle pour satisfaire les pèlerins des paroisses voisines. A la mort de chaque confrère, les prévôts faisaient célébrer, a N. D. des Anges, un service précédé de l’office de la Vierge et sept messes basses, pour le repos de son âme ; s'il était prêtre, ses confrères dans le sacerdoce devaient, en outre, dire ou faire dire pour lui une messe au même lieu.

On peut juger par ces détails du courant de dévotion qui entraînait toute la région à Notre Dame des Anges. Tous ces pèlerinages étaient bien suivis, l‘un d’eux pourtant l’emportait sur les autres, celui-du lundi de la Pentecôte. La foule s’y portait de toutes les bourgades d'alentour et même de la ville de Nantes : les boutiquiers et les baladins s'y rendaient aussi ; le pèlerinage dégénéra en assemblée profane et l’on y vit bientôt, hélas ! Les désordres trop ordinaires dans ces réunions.

À la Révolution, les paysans voisins enterrèrent la cloche et cachèrent soigneusement les ornements de leur chapelle. Leur dévotion à Notre Dame, obligée de se dissimuler, ne se ralentit pas, et Notre Dame ne cessa point de les protéger. L'un d'eux. Louis Corbar, tombé malheureusement sous les roues d'un chariot, eut les deux jambes affreusement écrasées. Il promit une neuvaine à Notre Dame, sa bonne voisine. D’abord il lui fallut se l'aire porter à la chapelle ; bientôt, aidé d’un bâton, il fit à pied les trois ou quatre cents pas qui l’en séparaient. Un jour, pendant qu’il y priait, il entendit un grand bruit au dehors, mais continua pieusement ses oraisons. Quand il reporta la clef à son gardien, celui-ci lui demanda s’il n’avait rien entendu. Alors il remarqua dans la cour un grand feu où achevait de brûler la croix de bois qui se dressait sur un des murs de l’enclos, et les débris de la croix de pierre qui surmontait l'autre. Des soldats patriotes avaient passé par la ; mais aucun d'eux n’avait en la pensée de pénétrer dans la chapelle : Marie gardait son serviteur. Elle le guérit complètement : cinquante ans plus tard, Louis Corbar montrait encore les cicatrices de ses plaies : le doigt s'y cachait tout entier, et jamais depuis il n'avait ressenti la moindre douleur.

Après la Révolution, le cher monument réparé sommairement revit les beaux jours d'autrefois : Marie continua d'y prodiguer ses grâces, et même, assure-t-on, d'y faire éclater des miracles.

En 1851, la chapelle, qui s'écroulait sous le poids de quatre siècles, fut reconstruite, plus grande, plus belle aussi, mais dans d'autres proportions et sous une autre forme que le petit sanctuaire tant vénéré d'Assise. La vieille statue, portée d’abord triomphalement à l’église paroissiale, fut habilement restaurée, puis exposée de nouveau, dans sa chapelle neuve, à la vénération des fidèles. Elle y est encore, toujours visitée et toujours aimée. Deux fois par an, au soir de la première communion et le jour de l'Assomption, la paroisse s'y rend processionnellement ; et quand revient le grand pardon du deux août, tous les fervents chrétiens du voisinage s’y donnent rendez-vous : plusieurs messes sont célébrées a la chapelle, et, si la fête tombe un dimanche, le clergé paroissial vient y chanter les vêpres.

Depuis quelques années, la ville de Nantes possède un nouveau sanctuaire dédié à Notre Dame des Anges, c'est la chapelle d'un pensionnat de jeunes filles pieusement abritées sous ce gracieux patronage ; mais le peuple, fidèle aux traditions du passé, va de préférence chercher Notre-Dame des Anges a la chapelle d’Orvault.


Lorsque vous penserez à Notre Dame des Anges, rappelez-vous l'engagement pris autrefois par les membres de sa confrérie : « honorer la sainte Vierge sur la terre, comme les anges l‘honorent dans le ciel ».

Les anges sont dans le ciel les chanteurs de Notre Dame. Sans doute,comme jadis au-dessus de la pauvre grotte de Bethléem, ils chantent encore : « Gloria in Allissimis Deo ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » Sans doute ils accordent leurs lyres et leurs voix-pour exalter les grandeurs du Fils ; mais ils célèbrent en même temps les louanges de la Mère et, sous la conduite de Gabriel, ils s'inclinent respectueusement devant elle, en murmurant, dans une ravissante harmonie : « Je vous salue, pleine de grâce, Ave, gratia plena ! » Toutefois, remarquez-le bien, si ces louanges font battre délicieusement le cœur de Marie, c’est parce que les esprits célestes qui les chantent sont des êtres très purs ; c’est parce qu’ils n’ont jamais rien fait qui put contrister son Jésus ; c'est parce que, flammes immortelles, ils brûlent constamment d’amour pour le Très-Haut ; c'est parce qu‘ils chantent avant tout et par dessus tout la gloire de l’Eternel !

Vous aussi, mes Frères, soyez ici-bas les chanteurs de Notre Dame. Chantez ses louanges en unissant vos voix dans des antiques pieux et des hymnes d'amour ; chantez ses louanges en apprenant a ceux qui les ignorent ses grandeurs et ses bontés ; chantez ses louanges en visitant ses sanctuaires et en vous mêlant à la foule de ses pèlerins ; chantez ses louanges en vous enrôlant dans ses confréries et en vous montrant fiers d'être ses enfants; chantez ses louanges en célébrant ses fêtes et en donnant de la splendeur à ses temples, des fleurs à ses autels ; chantez ses louanges en égrenant votre rosaire et en jetant a tous les échos de la terre et du ciel vos Ave Maria !

Mais n’oubliez pas que vos louanges et vos prières ne seront agréables à Marie qu’autant que, jusqu'au bout, vous ressemblerez aux anges. Elle veut que ses chanteurs de la terre, comme ses chanteurs du ciel, disent ses louanges avec des lèvres pures ; elle veut que ses chanteurs de la terre, connue ses chanteurs du ciel, toujours fidèles au devoir, ne fassent pas couler les pleurs de son Jésus ; elle veut que ses chanteurs de la terre, connue ses chanteurs du ciel, fassent monter vers Dieu l’encens de leur prière et lui paient tout d'abord le tribut d’un éternel amour.

 

ND de Nantes

 

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15 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne11

Seizième jour

Notre Dame du Tabernacle

 

La plupart d’entre vous, dans leurs excursions de vacances, ou dans ces rapides voyages que multiplient les trains de plaisir, ont visité la coquette station de Pornic ; et ils n’ont pas oublié la vision enchanteresse dont on jouit, quand, après avoir dépassé le vieux donjon rajeuni de Barbe Bleue, on chemine à petits pas, humant délicieusement l’air salin et les yeux grands ouverts, entre les chalets et la mer. À droite de riantes villas, au milieu de la verdure et des fleurs; a gauche, les ions dorées de la baie de Bourgneut, les bal aux de pèche et les yachts dont le vent gonfle les blanches voiles, et, dans le lointain, Noirmouliers avec son bois de la Chaise et sa tour massive de Saint Philibert. La promenade, dont chaque sinuosité varie les aspects, se prolonge, on atteint la Noë-Veillard, on franchit les Grandes-Vallées, on remonte enfin le coteau ; c’est Sainte Marie. D’un côté, une jeune église surmontée d’un élégant clocher qui domine toute la baie, et que l’on aperçoit, par dessus la Plaine, de la rive droite de la Loire ; de l’autre, au milieu d’une vaste prairie, qui s’étend en amphithéâtre jusqu’au bord de la falaise, une ruine circulaire ; d’un côté le présent, de l’autre le passé. Cette ruine est en effet tout ce qui reste d’une antique abbaye, berceau de la paroisse et même de la ville voisine, Sainte Marie de Pornic. Je me trompe, dans la jeune église, il est un autre reste, lien d’amour qui nuit le présent au passé, la vieille statue de Notre Dame.

En avant de l’autel de la sainte Vierge, près de la balustrade, on remarque une image de Marie qui contraste, par ses formes antiques, avec les sculptures modernes qui l’entourent : c’est le Palladium de Sainte Marie. Voici qui expliquera ce mot païen. Des archéologues font remonter cette statue au XIIIe siècle ; ceux qui en rapprochent davantage l’origine reconnaissent qu’elle date au moins du XVe. Cinq siècles incontestés d’existence, c‘est déjà bien respectable. Aussi les habitants, qui l'ont toujours vue, dans l’ancienne connue dans la nouvelle église, et qui, de père en fils, s’agenouillent devant elle, tiennent-ils à leur madone connue à la prunelle de leurs yeux.

On prétend même que la vénération dont ils l’entourent revêt parfois des formes quasi-superstitieuses ; ils sont persuadés que l’enlèvement de la statue amènerait infailliblement quelque malheur. C’était en 1839, on réparait le choeur, aujourd’hui disparu, de l’ancienne église ; la statue dut être déplacée. Or, pendant les travaux, le 16 juin de la même année, un orage violent, accompagné d’énormes grêlons, vint s’abattre sur la côte de Sainte Marie et détruisit toutes les cultures. Les habitants ne manquèrent pas d’attribuer cette calamité au déplacement de leur « Sainte Vierge ».

L’âge de la statue suffirait à expliquer cet extraordinaire attachement ; mais il y a mieux, pendant des siècles, elle a servi de tabernacle. Elle est taillée dans un bloc de calcaire très dur et représente Notre-Dame debout, portant sur le bras gauche l'Enfant Jésus. Sa tète est recouverte d’un léger capulet ; ses cheveux, réunis en deux grosses tresses, encadrent son visage et glissent sur ses épaules. Par dessus la tunique dont elle est recouverte, est jeté un large manteau que soulèvent les avant-bras et qui retombe de chaque côté. Enfin les deux premiers doigts de la main droite se dirigent vers la poitrine, comme pour y attirer les regards. C’est là, en effet, la particularité la plus curieuse de cette image : au centre de la poitrine se remarque une ouverture circulaire, large de douze centimètres et fermée par une glace sans tain. La poitrine de la Vierge forme une sorte d’armoire ; close en avant par la glace que je viens de mentionner, elle l’était en arrière par une porte haute de trente-deux centimètres et large de quatorze: l’un des gonds y est encore attaché. C’était un tabernacle.

Au moyen âge, la sainte réserve était souvent placée dans un vase, en forme de colombe, suspendu au-dessus de l’autel, et l’on voit encore dans quelques églises, notamment à Dol, d’énormes crosses en bois sculpté et doré, qui lui servaient de supports. Les religieux cisterciens avaient adopté une statue de la sainte Vierge tenant sur le bras gauche l’Enfant-Jésus, et, de la main droite, un pavillon auquel on suspendait le ciboire. L’usage d'une Vierge-Tabernacle, comme à Sainte-Marie, est extrêmement rare, peut-être unique, dans l’histoire du culte eucharistique. Il est pourtant incontestable, et nous avons la preuve qu'il exista dans l’église qui nous occupe, au moins du XVIe au XVIIIe siècle. En effet, un acte de 1554 fonde une lampe ardente qui doit brûler perpétuellement devant l’image de Notre Dame, « servant de sacraire ». Et dans un procès-verbal de 1678, un vieillard de soixante-quatorze ans affirme « avoir toujours vu messieurs les vicaires perpétuels... prendre le Saint Sacrement, dans l’image de la Vierge qui est au des et au-dessus de l’autel, le porter et administrer aux paroissiens ».

 

Les habitants de Sainte Marie n’ont-ils pas raison de vénérer cette antique image de Notre Dame ? Et me blâmerez-vous de recommander aux étrangers qui passent de ne pas l’honorer seulement d’un regard curieux, mais de fléchir le genou devant elle pour prier la Vierge qu’elle représente, et le Dieu qu'elle a jadis porté ?

La Vierge-Tabernacle symbolise l’adorable mystère de l'émotion du Verbe, opéré dans le sein de Marie par la puissance du Saint Esprit ; elle rappelle aussi le sacrement de l’Eucharistie et cette merveille qu’est la communion.

Disons seulement un mot sur la Vierge Mère et l’Eucharistie. Nous devons à Marie la victime du Calvaire, nous lui devons de même le corps eucharistique de Jésus. C’est elle, en effet, dont le sang très pur a formé le corps de l’Homme-Dieu ; c’est elle qui a procuré de la sorte au divin Sauveur le moyen de souffrir et de mourir ; et c’est ainsi, en même temps que par sa compassion, qu’elle a concouru dans une certaine mesure au rachat du monde. Le même corps est aussi dans l’hostie ; celui que nous adorons sur l’autel et que nous recevons a la table sainte, c’est l’enfant de Bethléem, c’est l‘ouvrier de Nazareth, c’est le prêcheur de Galilée, c’est le sacrifié du Calvaire, c’est le Fils de Dieu et c’est le Fils de Marie. N’est-il pas juste d’en conclure que Marie a contribué par là-même a nous donner l’eucharistie ? Quoi d’étonnant après cela que l’Eglise aime tant a rapprocher de l’autel l’image de Marie ! Quoi d’étonnant que nos pères aient imaginé la Vierge-Tabernacle !

Disons notre reconnaissance à cette bonne Mère pour cet immense bienfait. Demandons-lui en même temps de nous inspirer l’amour de l’eucharistie, de la communion. Avez-vous remarqué l’indissoluble union de Marie avec Jésus, a partir de l’instant où Gabriel lui dit de la part de Dieu : « Voici que nous concevrez et vous enfanterez un fils » ? Pendant neuf mois, elle le porte dans son sein ; elle l’accompagne ou plutôt le porte dans ses bras en Egypte ; elle vit avec lui durant les trente ans de la vie cachée, et quand, pour s’occuper des affaires de son Père céleste, Jésus lui échappe pendant trois jours, un cri d’angoisse jaillit de son cœur : « Mon Fils, qu’avez-vous fait ? Votre père adoptif et moi nous vous cherchions tout affligés ». Elle le suit encore pendant la vie publique ; elle s’attache a ses pas jusqu’au Calvaire ; et la tradition nous apprend qu’après l’Ascension, pour se consoler de ne plus le voir et l’entendre, elle communiait chaque jour de la main de saint Jean. Elle avait goûté de Jésus, elle ne pouvait plus se passer de Jésus. Après avoir communié une fois, les chrétiens devraient désirer de le faire tous les jours de leur vie. Hélas ! Combien qui ne s’approchent de la table sainte qu’à de longs intervalles ! Combien qui ne communient plus jamais ! Demandons à Marie d’obtenir pour ceux-ci le goût de la communion, et pour ceux-là l’ardent désir d’une communion plus fréquente.

Enfin demandons à Notre Dame de nous enseigner la manière de communier dignement. Quelles dispositions remplissaient le coeur de Marie a l’arrivée de Jésus ? Recherchons-les, et nous saurons quelles doivent être les nôtres. C’est tout d’abord la foi : je n’en veux pas d’autre preuve que l’exclamation mélancolique d’Elisabeth, dont la pensée allait évidemment de cette jeune fille si magnifiquement récompensée à Zacharie, son époux, si terriblement puni : « Vous êtes bien heureuse d’avoir cru ! » C’est l’humilité : le mot de Marie à Gabriel ne sort-il pas d’un cœur humble : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole » ? La même d’ailleurs n’a-t-elle pas proclamé, dans le Magnificat, que Dieu a regardé l’humilité de sa servante ? C’est la pureté aussi, car elle est sainte, immaculée, pleine de grâce ; et c’est enfin l’amour, l‘amour qui l’a portée, dès l’âge de trois ans, a se donner il Dieu ; l’amour qui l’a déterminée, contrairement a tous les usages de son temps et de son pays, à repousser les amours de la terre pour consacrer à son divin époux la fleur de sa virginité.

Demandez à Notre Dame de vous donner la foi, de vous donner l’humilité, de vous donner la pureté, de vous donner l’amour, et venez sans crainte à la table de communion : Jésus sera ravi de descendre dans vos cœurs et d’en faire ses tabernacles.

 

ND de Nantes

 

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14 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Quinzième jour

Notre Dame de Toutes joies

 

La très Sainte Vierge et c’était la consolation des affligés, s’appelait chez nous Notre Dame des Langueurs, Notre-Dame de Pitié, Notre Dame des Larmes ; elle s’appelait aussi, elle s’appelle encore Notre Dame de Toutes Joies.

Dans ce délicieux coin de terre que tous les Nantais connaissent et que les étrangers ne manquent pas de visiter, à deux pas de Clisson, qu’elle domine et protège, s’élève, depuis des siècles, une chapelle de la Vierge. Laissez-moi résumer rapidement son histoire.

C’était au XIVe siècle, pendant cette désastreuse guerre de Cent-Ans, qui mit la France à deux doigts de sa perte, et qui lit éclater, par l’entremise de Jeanne d’Arc, la protection du Ciel sur notre pays. Dans les marches communes de la Bretagne et du Poitou, aux avant-postes de notre chère petite patrie, se dressait une forteresse dont nous admirons encore les imposants débris. De ce nid d’aigle, le sire de Clisson définit tous les efforts de l’ennemi. L’Anglais, voulant a tout prix s’emparer de cette place, véritable clef de la Bretagne, du côté de l’Aquitaine, où il régnait en maître, vint l’assiéger avec des forces considérables. Il posa son camp sur les hauteurs de la Challouére, d’où il dominait la ville et le château. Plus confiant dans la force de son bras que dans ses imprenables murailles, le sire de Clisson sortit au-devant des assiégeants et remporta sur eux une victoire complète. Au moment même où l'ennemi fuyait sous ses coups, on accourut annoncer au vainqueur qu’il venait de lui naître un fils. Cet enfant devait illustrer a jamais sa race ; c’est celui que l’histoire appelle Olivier de Clisson, connétable de France, et qui, réalisant les présages de sa naissance, mérita d’être surnommé « le boucher des Anglais. « Allons, s’écria le vaillant guerrier, joie hors la ville, joie dans la ville ! » Et il se hâta de rentrer au château. Sa femme, l’héroïque Jeanne de Belleville, laissa, en le voyant, éclater les transports de sa reconnaissance, et, les yeux levés au Ciel, s'écria à son tour : « Toute joie vient de vous, Seigneur, toute joie vient de vous ».

Les nobles époux témoignèrent à Dieu leur gratitude. Non loin du château, s’élevait jadis une chapelle consacrée à N.-D. de Lorette et qui, sans doute, avait été détruite par les incursions de l’ennemi. Ils la rebâtirent un peu plus haut, sur le lieu même de la bataille, au sommet de ce coteau qui sépare la Sèvre de la Moine, aspectant les deux vallées et leurs poétiques garennes. Ils la dédièrent à Notre Dame de Toutes-Joies.

Bien souvent, le sire de Clisson, Jeanne de Belleville et le futur connétable y vinrent prier Marie. Toute la contrée y vint après eux et la petite chapelle fut bientôt un pèlerinage célèbre. En vain les Protestants la réduisirent en cendres, l’amour des peuples la rebâtit. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les foules ne cessèrent de s’y presser et, chaque année, durant l’octave de l'Assomption, vingt-cinq paroisses s’y rendaient tour à tour en ordre de procession.

La Révolution traita le pieux sanctuaire comme avaient fait les Protestants. Une division de Mayençais, l’armée de Mayence ! Comme disent encore en tremblant nos paysans Vendéens et Bretons passa par Clisson et une scène ignoble se déroula à Notre Dame de Toutes Joies. Ces soldats impies s’affublèrent des ornements sacerdotaux et coururent les sentiers et les champs d’alentour, dans une sorte de procession sacrilège. Le lendemain, ils étaient battus à Torfou par les Vendéens. Les survivants, dans leur retraite précipitée sur Nantes, mirent le feu a la chapelle.

A la paix, tout était ruiné : les habitants relevèrent comme ils purent leurs maisons ; les prêtres rétablirent a la hâte leurs églises ; mais personne ne pensait à la vieille chapelle. Une pauvre fille, Jeanne Favrot, y songea. S’emparant d’une statuette de faïence, à demi-brisée par les Vandales modernes, elle la posa pieusement sur une petite table, et, pendant des années, elle se tint à la porte de la chapelle en ruines, filant sa quenouille et sollicitant la charité. Les paysans, après tant de pillages et d’incendies, étaient aussi pauvres qu’elle, et les riches se moquaient de la vaillante fille. Pourtant, les jours de foire, quelques sous tombaient dans sa sébile. Elle finit par réunir la nautique somme de 30 francs et fit réparer une partie du toit, au-dessus de l’autel. Alors la piété s'émut, les aumônes devinrent plus abondantes et la chapelle put être restaurée entièrement.

Les pèlerinages reprirent. Au XVIIe siècle, le principal fondateur des séminaires en France, M. Olier, prieur de la Trinité de Clisson, aimait à prier dans la chapelle ; ses fils ont hérité de sa vénération pour le modeste sanctuaire et, chaque année, le mardi qui suit la mi-août, ils s’y rendent fidèlement avec un grand nombre de séminaristes. La paroisse de Gétigné, fière de posséder la chapelle sur son territoire, y vient en procession, le jour même de l’Assomption.

En ce siècle généreux, où l’on élève de splendides églises, la chapelle semblait bien pauvre aux dévots serviteurs de Marie. Elle a été reconstruite, il y a quelques années, et l’architecte a ménagé, à l’angle de la façade, une chaire extérieure d’où le prédicateur peut, le jour du pardon, adresser la parole à la foule, trop considérable pour que le monument puisse la contenir.

Le pays de Clisson n‘était pas seul à posséder un sanctuaire dédié à Notre-Dame de Toutes Joies. Durant de longs siècles, la ville de Nantes a en un prieuré du même nom, dépendance de la Collégiale,annexé plus tard à l’Université. La chapelle était située tout près de l’Hôtel de Ville, et, jusqu’à ces dernières années, une rue de notre cité en rappelait encore le souvenir : c’était la Petite rue Notre Dame, plus justement dénommée autrefois rue de la Petite Notre Dame.

Il y a cinquante ans, ce vocable a été relevé. Des prêtres dévoués, voulant fonder une œuvre pour la persévérance de la jeunesse ouvrière, ont en l’heureuse idée de donner ce nom significatif à la magnifique chapelle de l’établissement. Elle est aujourd’hui succursale de Saint Similien ; mais nos jeunes ouvriers en employés vont encore se délasser de leurs travaux, à l’ombre et sous la protection de Notre Dame de Toutes Joies.

 

Rappelez-vous, mes Frères, le cri de Jeanne de Belleville, alors et pour peu de temps, hélas ! Heureuse châtelaine de Clisson : « Toute joie vient de vous, Seigneur, toute joie vient de vous ! » Il est vrai, toute joie vient de Dieu ; il est vrai aussi, et les nobles seigneurs l’avaient compris, toute joie vient de Dieu par Marie. C’est pour cela qu’ils témoignèrent leur reconnaissance à Dieu et à la très sainte Vierge, en donnant à la chapelle, où Dieu devait être honoré en même temps que sa Mère, le nom symbolique de Notre Dame de Toutes Joies.

Nous aussi, chrétiens, nous savons ces choses, et c’est pour cela que nous demandons si souvent à Dieu, par l’intermédiaire de Marie, de mettre un peu de joie dans notre vie. Quand la tristesse nous abat, quand la douleur poignante nous étreint le cœur, quand la maladie nous assiège, quand des peines intimes nous rongent, quand le malheur, sous quelque forme que ce soit, vient fondre sur nous et sur les nôtres, nous crions à Dieu par Marie, et nous demandons un peu de joie, un peu de bonheur.

C’est bien, mais ce n’est pas assez. Quand nous souffrons, nous comprenons cela ; quand la joie manque, nous sentons que c’est à Dieu et à sa Mère qu’il faut la demander. Mais quand la vie nous sourit, mais quand la joie vient s’asseoir a notre foyer, y pensons-nous encore ? Dans la prospérité, faisons-nous remonter à Dieu et à Marie l’élan de notre reconnaissance ? Même quand nous sommes convaincus que cette faveur, que cette joie, que ce retour de bonheur, nous les devons aux prières répandues aux pieds de la bonne Mère, même alors pensons-nous a les lui attribuer, pensons-nous à remercier Notre Dame de Toutes Joies ? Plusieurs y pensent sans doute, et c’est avec émotion que nous voyons les ex-voto qui tapissent les sanctuaires de la sainte Vierge : mais combien qui n’y pensent pas ! Combien qui négligent de dire merci ! Combien qui, dans la joie et la prospérité, oublient la divine main qui les donne ! Ah ! Mes frères, ne soyons pas des ingrats ; disons nous aussi : « Toute joie vient de vous, Seigneur, toute joie vient de vous » ; et si, dans la tristesse, nous pensons à invoquer Notre Dame de Pitié, n’oublions pas, dans l’allégresse, de remercier Notre Dame de Toutes Joies.

J’ajoute que la nouvelle chapelle, érigée sous ce vocable a Nantes, pour sanctifier les joies de la jeunesse, nous rappelle un devoir et nous donne une leçon : c’est qu’il n’y a de joies légitimes et vraies que celles qui sont prises sous les regards de Dieu et de Marie. L’homme, fait pour le bonheur, cherche a se réjouir ici-bas : ce n’est pas un mal, bien au contraire ; mais a une condition, c’est que nous évitions les joies mauvaises, c’est que nous évitions même les joies dangereuses, c’est que nous évitions les joies excessives et trop multipliées, qui nous occupent tout entiers et nous font oublier les joies éternelles. Ces joies-là ne sont pas légitimes, nous ne pouvons pas les prendre sous le regard de Marie. Les joies légitimes, ce sont les joies innocentes, ce sont les joies qui ne souillent pas le cœur, ce sont les joies qui n’ébranlent pas la foi, ce sont les joies modérées qui n’absorbent que nos loisirs et ne prennent pas sur le temps du devoir, ce sont celles-là qui sourient à Dieu et que nous pouvons prendre sous le regard de Marie.

Donc, mes Frères, quand nous sommes dans la prospérité, quand nous nous réjouissons de quelque événement heureux, que notre reconnaissance aille à Dieu et à Marie de qui vient toute joie ; quand, pour nous délasser des peines et des fatigues de la vie, nous nous livrons à quelque plaisir, que ce soit sous les regards de Dieu et de Notre Dame de Toutes Joies.

 

ND de Nantes

 

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13 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Quatorzième jour

Notre Dame de Patience

 

La piété des fidèles de Nantes avait dressé un autel à Notre-Dame de Patience dans la Collégiale. Les habitants de Petit-Mars avaient fait mieux, et lui avaient consacré une chapelle. Celle-ci fut élevée, en l’année 1649, à la dignité d’église paroissiale. S’il faut en croire l’archidiacre Binet, cité par M. l’abbé Grégoire, ce n’était qu’une restitution, et l’église du Vieux-bourg, comme on dit encore aujourd’hui, ne faisait que rendre à sa voisine un titre que naguère elle lui avait ravi. C’est le 16 novembre que l’église de Patience, agrandie et transformée, « fut bénite, par noble, vénérable et discret Michel Laubier, bachelier en théologie de la faculté de Paris, vicaire général et official de Nantes ». Le dimanche suivant, 19 novembre, la paroisse s’y rendit solennellement en procession et la messe y fut chantée pour la première fois. Le nouveau temple était bien pauvre : point de carrelage, point de lambris, point de balustrade aux petits autels, et tout le reste à l’avenant... Et ce fut ainsi pendant près d’un siècle, jusqu’en 1726 ! L'église eut été plus justement dédiée à Notre Dame de Bethléem ! Mais n’insistons pas, car ce serait sortir de notre sujet. En effet, la chapelle de Patience, en devenant église, avait perdu son nom, pour prendre sans doute celui du patron de la paroisse, saint Pierre-ès-liens. Ajoutons cependant que l’emplacement occupé naguère par l’antique chapelle de Notre Dame, puis durant deux siècles par l’église paroissiale, l’est aujourd'hui par un calvaire que la piété des habitants de Petit-Mars s’est plu a environner de verdure et de fleurs.

Pour trouver un autre sanctuaire consacré à Notre Dame de Patience, il nous faut revenir à Nantes, sur le territoire de la paroisse actuelle de Saint Jacques. C’était dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, vers 1765 ; une fervente chrétienne, Madame Bontant, édifiait par sa piété le quartier Dos-d'âne, c’est-à-dire, l’angle formé par la Loire et la Sèvre. Elle se faisait surtout remarquer par son amour envers la sainte Vierge. Elle avait, a proximité de sa demeure, des sanctuaires assez nombreux, semble-t-il, pour satisfaire sa dévotion : sur la hauteur que signale aujourd’hui l’élégant clocher de Saint Paul, Notre Dame des Vertus ; à l’entrée de la route de Vertou, Notre Dame de Bonne Garde ; enfin, dans l’église du prieuré de Pirmil, l’autel vénéré et la confrérie célèbre de Notre Dame de Vie. Tout cela pourtant ne lui suffisait point, et elle voulut avoir elle-même sa chapelle de Marie : elle la fit élever avec amour et la dédia à Notre Dame de Patience. Peut-être, durant sa vie déjà longue, avait-elle connu beaucoup de tribulations, et voulait-elle chercher, dans la méditation continuelle des douleurs de la Vierge-Mère, et de sa sublime résignation au pied de la croix, la patience dans ses propres infortunes. Peut être voulait-elle simplement rappeler un pauvre peuple du voisinage que la patience dans les privations et les peines est, pour le chrétien, le secret d’être heureux.

Madame Bontant, en effet, ne garda point son oratoire pour elle seule ; dès le principe, les portes en fureut ouvertes a tous les habitants du quartier. Ceux-ci ne tardèrent pas à s’y presser, et la fondatrice organisa pour eux des exercices quotidiens. Le matin, à l’aube, on récitait en commun la prière, les litanies du saint Nom de Jésus, puis un premier chapelet, suivi d’une lecture de piété ; un prêtre, attaché sans doute à la petite chapelle, venait alors célébrer la sainte messe, que suivaient un deuxième chapelet et une seconde lecture. Enfin, on ajoutait le De profundis, le Salve Regina, trois Ave Maria, deux Pater et deux Ave : c’était l’exercice de la matinée. Le soir, la pieuse assemblée récitait un troisième chapelet pour achever le rosaire. Chacun de ces exercices se terminait par le chant d’un cantique.

Madame Bontant était avancée en âge. Elle voulut, avant de mourir, assurer l’existence de cette oeuvre intéressante des prières du matin et du soir. Elle voulut aussi, du même coup, procurer l’instruction chrétienne aux petites filles de ce pauvre quartier. Le meilleur moyen était de faire appel a une communauté de religieuses enseignantes. Ainsi pensa la fondatrice. Elle adressa une touchante supplique au Père Besnard, supérieur général des Soeurs de la Sagesse, le conjurant « à genoux, de lui envoyer deux sœurs, afin qu’avant de mourir elle eût la consolation de voir se perpétuer le culte que l’on rendait a la sainte Vierge dans la chapelle qu’elle avait fait bâtir ». Comment résister à de tels accents ? Les deux sœurs furent immédiatement accordées. Elles s’appelaient sœur Agnès et sœur Bathilde et arrivèrent rue Dos-d’Ane, à la fin de l’année 1770, le 16 novembre. Les deux saintes filles s’en allèrent d’abord demander la bénédiction de l’Evêque de Nantes, Mgr de la Muzanchère, puis ouvrirent sans tarder leur école charitable.

L’oeuvre nouvelle prospéra et, dès l’année 1773, il fallait demander à Saint-Laurent une troisième religieuse. On en comptait sept dans la maison de la rue Dos-d’Ane, en 1791. La très sainte Vierge d’ailleurs ne pouvait manquer de bénir un établissement où elle était si fidèlement honorée. Les exercices religieux, établis par Madame Bontant, n’avaient point été interrompus ; chaque matin et chaque soir, la chapelle s’ouvrait aux fidèles ; ceux-ci priaient avec plus d’ardeur que jamais la Bonne Mère, excités par la voix et les exemples des Soeurs. Et Notre-Dame, heureuse de ces hommages persévérants, donnait aux pieuses institutrices le courage, la force et la patience, si nécessaires dans l’oeuvre délicate et difficile de l’éducation des enfants. Elle devait aussi leur donner courage, force et patience, pour supporter sans faiblesse la persécution qui allait s’abattre sur la petite communauté.

Le 9 juin 1791, elles refusèrent de prêter le serment schismatique et déclarèrent unanimement qu’elles voulaient continuer leur vie religieuse. Elles la continuèrent, en effet, pendant près de deux ans, non pas, toutefois, sans subir bien des vexations et courir bien des dangers. La plupart des parents retirèrent leurs enfants d’une école désormais suspecte ; et les pauvres sœurs, n’ayant plus qu’un petit nombre d’élèves, passaient leurs jours dans la tristesse et les alarmes. Le 15 octobre 1792, on vint faire l’inventaire de leur modeste mobilier. Elles purent soustraire les vases sacrés et les principaux ornements de la chapelle, qui furent confiés plus tard à la famille Giraud. Enfin, le 28 mars 1793, eut lieu leur expulsion. Ces saintes femmes, qui n’avaient jamais fait que du bien, furent, non seulement chassées de leur maison, mais traitées indignement, et emmenées en prison, au milieu des huées de la populace. On les conduisit au Sanital, où elles passèrent de longs mois entassées, avec d’autres religieuses, dans un grenier. Elles y reçurent la visite de Dieu. Un jour, elles virent entrer dans leur galetas un inconnu, qui leur dit, sans préambule : « Etes-vous disposées à verser votre sang pour Jésus Christ, à mourir pour la religion Catholique, apostolique et romaine ? » « Nous le sommes » répondirent-elles. « Avez-vous la contrition de vos péchés ? » « Oui , répondirent-elles encore. « Eh bien ! Mettez-vous à genoux ». Puis, ouvrant une boîte de métal précieux, l’étranger leur distribua la sainte communion. Il disparut ensuite sans qu’elles aient pu se rendre compte comment. Cet inconnu n’était pas prêtre, sans doute, puisqu’il ne parla point du sacrement de pénitence ; était-ce un pieux laïc ? Était-ce un ange, comme quelques uns l’ont cru ? C’était, du moins, un envoyé du Ciel.

Des sept religieuses qui composaient la petite communauté de Pirmil, une, la supérieure, mourut à l’hôpital de Brest,où les patriotes l’envoyèrent avec une de ses sœurs, soigner leurs malades ; deux disparurent sans laisser de traces ; les quatre autres reprirent ailleurs leur ministère de charité après la Révolution, et moururent saintement comme elles avaient vécu. L‘école charitable de Saint Jacques fut rouverte plus tard, mais non point dans l’établissement de la rue Dos-d’Ane, et la petite chapelle de Mme Bontant pleure toujours ses pieuses réunions d’autrefois.

 

La pieuse dame de Pirmil, dont j’ai appelé la simple et touchante histoire, nous donne de salutaires leçons. Elle s’efforce d’abord d’inspirer au peuple qui l’entoure le goût et la pratique de la prière.

Hélas ! Que de gens qui ne prient jamais, même parmi ceux qui consacrent encore vingt-cinq minutes par semaine à une messe basse entendue distraitement ! Et ils oublient Dieu, et leur foi peu a peu s’affaiblit pour s'éteindre bientôt tout a fait, et leurs idées s‘abaissent, et rien de grand n’est plus capable de faire vibrer leurs âmes, et ils se matérialisent complètement, ne songeant qu’aux affaires ou aux distractions, et ils se vautrent dans la boue et, sous la poussée des appétits insatiables, éclosent inévitablement les entreprises louches, les jalousies, les haines, les révoltes, les révolutions.... Mettez, au contraire, la prière sur leurs lèvres, et vous ranimerez la foi dans leurs âmes, et vous les forcerez a regarder le ciel, et leurs idées s’élèveront, et ils comprendront ce qui est grand, et ils aimeront ce qui est bien, et ils aspireront a la vertu, a la sainteté, au ciel, compensation et revanche des misères de la vie, et vous aurez, autant du moins qu’on peut les posséder ici-bas, la paix et l'harmonie sociales.

La bonne dame Bontant songe ensuite a procurer aux enfants le bienfait d’une éducation chrétienne ; elle veut qu’ils apprennent à connaître Dieu et à le servir. L‘enfant, c’est tout l’homme. Les principes inoculés aux jeunes âmes s'y gravent ordinairement pour la vie. Élevez les enfants sans religion et sans Dieu, vous aurez des hommes d'argent ou de plaisir, et bien souvent des monstres, parce que rien ne sera capable de contrebalancer en eux les instincts et les appétits, parce que la morale des intérêts, la seule qu’ils puissent connaître, n’est pas une morale, et qu’elle conseille les pires choses, dés-là qu’elles conduisent au succès. Mettez au contraire la foi dans les jeunes âmes, vous jetez en elles du même coup la semence des vertus ; et si les passions de l‘adolescence l’emportent souvent, il reste toujours dans ces âmes quelques bons sentiments, réserve de l’avenir, et tôt ou tard se fait entendre la voix du remords qui sonne le réveil du bien. Les enfants élevés chrétiennement, ou resteront honnêtes et vertueux, ou du moins reviendront, au soir de la vie, aux principes du jeune âge.

Suivons donc les exemples de Madame Bontant, inspirons au peuple l’amour de la prière, procurons aux enfants une éducation chrétienne. Mais pour exercer ce fécond apostolat, il faut des qualités maîtresses et par dessus tout de la patience ; et c’est bien justement que la charitable dame avait dédié la chapelle, centre de ses œuvres, à Notre Dame de Patience.

Il faut de la patience, parce que ce sont-là des œuvres délicates et difficiles qui demandent un dévouement inlassable, de tous les jours, de tous les instants, une grande maîtrise de soi, l’oubli complet de sa personne, de son amour-propre, de tous les intérêts humains. Il faut de la patience, parce que ceux qui se livrent à ce ministère charitable ne recueillent le plus souvent que l’oubli, l’indifférence, l’ingratitude ; parce que les méchants, qui ont intérêt au règne des passions mauvaises, qui détestent instinctivement la foi et la vertu, s'efforcent toujours de déchaîner contre eux des persécutions. Le passé nous l‘apprend, hélas ! Et le présent aussi. Ce n’est pas un motif suffisant pour arrêter des chrétiens, encore moins des apôtres. À l’oeuvre donc, sans hésitation ni faiblesse, sous le regard et avec la protection de Notre Dame de Patience.

 

ND de Nantes

 

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12 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Treizième jour

Notre Dame de Pitié

 

La fête de la Compassion ne rappelle pas seulement Notre Dame des Sept-Douleurs, mais aussi Notre Dame de Pitié. Ce dernier vocable nous dit la part que la Vierge-Mère prit aux souffrances de son Fils et celle qu’elle prend aux nôtres. Aussi les sanctuaires où l’on trouve des images de Notre Dame de Pitié sont-ils fort nombreux. Avant la Révolution, la plupart des églises de Nantes possédaient un autel dédié à Marie sous ce vocable, ou du moins une Pietà. Saint Nicolas avait son autel Saint-Sauveur, dont le retable était orné d’une Notre Dame de Pitié, en relief, entourée des douze apôtres. Mais c’est à Saint-Vincent que cette dévotion possédait le plus remarquable monument. Cette église existe encore partiellement, sur la place qui porte son nom ; mais le transept sud a été récemment démoli et remplacé, rue Beau Soleil, par une annexe de l’Hôtel de Bretagne. C’était là que se trouvait la chapelle de Briord, fondée par la famille du célèbre Pierre Landais, trésorier de Bretagne et seigneur de Briord. L’autel portait une statue de Notre-Dame de Pitié, puis à droite, sous un arceau voûté, on voyait « la représentation du Saint Sépulcre de Nostre Seigneur, en bosse, contenant, oultre la figure de Nostre-Seigneur, neuf personnages ».

Le vocable de Notre-Dame de Pitié évoque surtout le souvenir des maladreries et des hôpitaux que la charité chrétienne avait semés partout sur le sol de notre pays et consacrés souvent à la Compassion de Marie. On compte une douzaine de ceux-ci au moins dans le diocèse et plusieurs dans la ville de Nantes. C’est ainsi que, dès le milieu du XIVe siècle, nous trouvons, dans la rue du Port-Maillard, un hôpital de Notre Dame de Pitié, qui fut transporté plus tard à l’endroit que marque encore aujourd’hui la rue du Vieil Hôpital, sur la rive gauche et près de l’embouchure de l’Erdre.

Mais le principal était l’aumônerie de Saint Clément, Notre Dame hors la ville, comme on disait alors, parce qu’il était situé en dehors de l’enceinte, a proximité de la porte Saint Pierre, à peu près à l’endroit qu’occupe actuellement la caserne des pompiers. Lui aussi était dédié à Notre-Dame de Pitié, c’était le plus ancien hôpital de la ville et il remontait, croit-on, au IXe siècle. C’est là, au milieu des pauvres, que les évêques de Nantes allaient coucher, la veille de cette entrée solennelle où les plus puissants seigneurs de leur diocèse, les barons d’Ancenis, de Châteaubriant, de Raiz et de Pontchâteau, les portaient triomphalement sur leurs épaules ; c’est la que, le Jeudi Saint, ils lavaient les pieds à douze pauvres, qu’ils gratifiaient ensuite d’une généreuse aumône. La paroisse de Saint Clément posséda plus tard un autre sanctuaire de Notre-Dame de Pitié. Il fut construit, au XVe siècle, dans le cimetière de Champfleuri, dont les terrains sont occupés aujourd’hui par l’Hôtel du Grand Monarque. C’est sans doute pour honorer Notre-Dame de Pitié, dont la tête se célébrait la veille des Rameaux, que la procession de ce dimanche se rendait au Champ fleuri. Tous les curés se réunissaient a la Cathédrale pour se diriger ensuite vers le but traditionnel. « En quittant le cimetière, après avoir entendu le prédicateur, la procession retournait a la ville. Elle en trouvait la porte fermée ; et c’est devant la porte de ville que le premier choeur entonnait le Gloria, tous, auquel le second choeur répondait du haut des remparts ». J’imagine que c’est en souvenir de ce culte envers la Compassion de Marie, tant de fois séculaire sur le territoire de la paroisse Saint Clément, que M. le curé Bouyer demanda et obtint d’ériger dans son église, en 1833, la Confrérie de Notre Dame des Sept Douleurs. Elle y est encore très prospère et, chaque année, vers la fin de septembre, elle y célèbre sa neuvaine avec un grand concours de fidèles.

Une des plus belles et des plus importantes églises paroissiales de notre diocèse est dédiée à Notre Dame de Pitié. Plus d’un sans doute, parmi ceux qui m’écoutent ce soir, l’a admirée, défiant, dans sa robe de granit, l’effort de la tempête et appelant, de sa tour monumentale, les matelots en péril : c’est l’église du Croisic. Ce n’était d’abord qu’une modeste chapelle très vénérée, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps. Au XVe siècle (20 janvier 1432), une bulle du pape Sixte IV accorde des indulgences « à tous ceux qui contribueront à réparer, entretenir, embellir la chapelle de la Bienheureuse Marie de Pitié, en la paroisse de Saint-Guénolé de Batz ». Cinquante ans plus tard, Innocent VIII en attribue d’autres à ceux qui visiteront la chapelle à certains jours. Excités par ces faveurs spirituelles et sans doute aussi parle désir d’égaler, voire même de surpasser l’église mère, les riches armateurs croisicais se montrèrent généreux. Ils bâtirent la splendide église que nous admirons encore. Le peuple qui l’avait élevée à l’honneur de Dieu et de la Vierge, sa mère, sut aussi la défendre. A deux reprises (en 1558 et en 1562), les huguenots y pénétrèrent et eurent l’audace d’y faire leur prêche. Ils en furent promptement délogés et Notre Dame de Pitié continua d’être. honorée dans son temple. N’est-il pas vrai qu’elle y est bien a sa place ? Pour ma part, je ne puis songer, sans en être ému, a la touchante pensée qui, pour rassurer tant de mères inquiètes sur le sort de leurs enfants, et pour essuyer tant de larmes versées sur les disparus, sur « les péris en mer », comme on dit chez nous, a voulu placer là, sur la presqu’île battue des vagues et balayée par les rafales, la Vierge-Mère, pleurant sur le cadavre de son enfant.

Je veux signaler, enfin, un sanctuaire plus humble, mais d’une inspiration aussi touchante, bâti à une autre frontière de notre diocèse, sur une colline d’où il domine la Vendée.

Avant la Révolution, une toute petite et très pauvre chapelle, dédiée à Notre-Dame de Pitié, s’élevait a l’entrée du gros bourg de Legé. Simple était son histoire, aussi les archives n’ont-elles jamais révélé aux chercheurs que son nom. Durant les mauvais jours, elle partagea le sort de la bourgade, qui fut, à plusieurs reprises, témoin de terribles batailles, inondée de sang et livrée aux flammes. La torche incendiaire anéantit la petite chapelle ; mais auparavant elle avait vu des drames émouvants.

C’était en janvier 1794, plusieurs habitants de Touvois, Froidefond et Falleron, 70, d’après les notes manuscrites de l’abbé Gilliers, 90, d’après les mémoires de Lucas de la Championnière, sur la foi d’une proclamation répandue par Turreau, avaient rendu leurs armes, décidés à vivre paisiblement chez eux. Bien accueillis d’abord, ils furent enfermés dans la chapelle de Pitié pour y passer la nuit. Le lendemain, ils furent dépouillés, attachés deux par deux, les mains derrière le dos, et conduits dans le chemin qui longe le vieux manoir de Charbonneau, maintenant le presbytère. Là, on les força de s’agenouiller et on les fusilla sans autre forme de procès. Leurs cadavres furent jetés dans les carrières, au chevet du monument actuel.

Dans le même mois (12 janvier), une autre scène de mort se déroulait à cet endroit. Deux révolutionnaires de Saint Etienne de Corcoué avaient convié les habitants de leur village et des hameaux voisins à un banquet. Soixante-huit acceptèrent, vingt-neuf hommes, trente-deux femmes et sept enfants. Au milieu du festin, la troupe, qui était prévenue, arriva, et les pauvres paysans furent traînés à Legé. Les femmes et les enfants furent parqués, sous bonne garde, sur la place de la chapelle, et les hommes introduits dans la maison d’en face. Cette fois, on instruisit le procès. Pour juge, on constitua un mendiant du pays, sourd-muet de naissance. Lorsqu’on lui amenait un de ces hommes, il faisait le geste de le mettre en joue : c’était un arrêt de mort ; une fois, une fois seulement, il prit un des prévenus par le bras et l’attira près de lui: ce fut l’unique sentence d’absolution. Cet homme avait en jadis l’occasion de faire l'aumône a son juge. C’est lui qui raconta plus tard ces faits à celui-la même dont j’utilise les notes. Les victimes furent dépouillées connue les précédentes, puis conduites dans une prairie voisine, où on les fusilla. Le lendemain matin, après une nuit affreuse, au milieu des insultes et des menaces, on entraîna les femmes et les enfants auprès des cadavres de leurs époux et de leurs pères, qu’on les força de dévisager, puis on les renvoya.

Aujourd'hui rien ne reste de la vieille chapelle pour rappeler les horribles spectacles dont elle fut le muet témoin, rien, si ce n’est un débris de la croix qui en surmontait le fronton, que l’on voit encore dans le jardin du presbytère. Mais une autre chapelle, digne de ces grands et tristes souvenirs qu’elle est chargée de commémorer, s’élève à la place de l’ancienne. Sous la Restauration, des hommes de cœur eurent la délicate pensée de consacrer un monument religieux a la mémoire des héros qui s’étaient levés pour la cause de Dieu et des martyrs immolés pour leur fidélité a la foi. Legé fut choisi, et c’est sur les ruines de l’antique chapelle dédié à Notre Dame de Pitié que, le 2 mai 1825, l’évêque de Nantes, assisté des plus grands personnages et d’une foule immense de Vendéens, bénit la première pierre de l’édifice. Pouvait-on faire mieux que de lui laisser son nom ? Deux messes y sont célébrées chaque année pour les âmes des Vendéens, et tous ceux qui se souviennent - ils sont nombreux là-bas, aiment aller prier dans ce sanctuaire auquel son architecte, bien inspiré, a donné presque la forme d’un tombeau.

 

Après ce trop long exposé, que me reste-t-il a dire ? Trois mots seulement. Comme nos pères, si heureux dans les applications qu’ils avaient faites de ce vocable, demandons à Notre Dame pitié pour ceux qui souffrent, pitié pour ceux qui pleurent, pitié pour ceux que l’on persécute.

Pitié pour ceux qui souffrent ! Nos pères avaient confié leurs pauvres et leurs malades à Notre Dame. Hélas ! Malgré les progrès du siècle et le bien être que l’on prétend assurer à tous, les pauvres et les malades sont aussi nombreux qu’autrefois. Ils sont aussi plus malheureux, puisque beaucoup n’ont plus la foi, la foi qui fait accepter la souffrance, la foi qui donne le courage de la supporter, la foi qui la rend féconde et méritoire. Prions Notre Dame de donner du pain au pauvre qui a faim, de donner la santé au malade, de donner a tous la foi des anciens jours ; prions-la aussi de faire en sorte que la religion ne soit pas, chez nous comme ailleurs, bannie des hospices et des hôtels-Dieu.

Pitié pour ceux qui pleurent ! L’Evangile ne dit nulle part que Notre-Seigneur ait souri ; deux fois au moins, il nous apprend que le divin Maître a pleuré. C’est l’image de l’humanité dont il était le représentant. L’humanité pleure encore aujourd’hui : elle pleure sur ses illusions envolées, sur ses amours trompées, sur ses bien-aimés disparus. Mais ses larmes sont souvent plus amères qu’autrefois. Autrefois, elle pleurait avec Notre-Dame, au pied du crucifix, et ces deux grandes douleurs du Fils et de la Mère lui faisaient trouver les siennes plus douces. Autrefois, elle priait les yeux fixés au ciel, et la pensée du bonheur qui l’attendait là-haut, avec tous ceux qu’elle aimait et dont jamais plus elle ne serait séparée, mêlait des sourires a ses pleurs. Et aujourd'hui ?... Hélas ! les crucifix tombent en poussière ou descendent à la voirie, et l’espérance s’en va. Demandons à Marie de prendre nos larmes en pitié et de l’aire que nous ne pleurions plus comme ces païens dont parle saint Paul, et qui n’ont point d'espérance.

Pitié pour ceux que l’on persécute ! Il fut un temps chez nous où l’on pouvait croire que l’ère des persécutions était close : hélas ! Voilà qu’elle vient de se rouvrir, nous montrant qu’elle est vraie toujours la parole du Maître : Vous serez: haïs à cause de moi : on vous citera devant les proconsuls et l’on vous traînera dans les tribunaux : voilà que les prêtres, les moines, les vierges consacrées se pressent sur les chemins de l’exil ; voilà que les soutanes et les frocs remplissent les tribunaux ; voilà que, demain peut-être, vont se fermer les temples et se rouvrir les catacombes !... Prions encore Notre Dame : demandons-lui le repentir pour les bourreaux, et pour les autres, non pas d’échapper au martyre, mais d’avoir la force de le subir.

 

ND de Nantes

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11 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Bretagne8

Douzième jour

Notre Dame des Langueurs

 

Après la fête de la Chandeleur, ne tarde pas a venir celle de la Compassion ou de Notre Dame des Sept Douleurs, que l’Eglise célèbre le vendredi, avant-veille du dimanche des Rameaux. Pour suivre l’ordre des mystères, dans lequel je me tiens le plus possible, je viens vous parler ce soir d’un pèlerinage relativement récent, mais vénérable pourtant déjà par son antiquité, puisqu’il comptera bientôt trois siècles d’existence ; vénérable surtout par son origine et par la dévotion qu’il inspire a toute la contrée environnante : Notre Dame des Langueurs.

Au mois de juillet 1637, un terrible fléau, la peste, apparaît subitement et jette l’épouvante dans la paroisse de Joué. Il sévit dès l’abord avec une intensité effrayante. Le cimetière paroissial étant devenu bientôt insuffisant, et le transport des cadavres pouvant d’ailleurs contribuer à répandre la contagion, on enterre à la chapelle rurale de Saint Donation ; on improvise même un nouveau cimetière, a une lieue du bourg, au milieu d’une lande solitaire située entre les gros villages de Franchaud et de la Mulonnière, en un lieu désigné maintenant a la piété du peuple par la croix du Désert.

Deux pieuses filles, les sœurs Martin, habitant cette partie de la paroisse dont on a formé depuis la chapellenie de Notre Dame des Langueurs, eurent la pensée de faire un vœu à la sainte Vierge. Les paysans des villages voisins approuvèrent leur initiative et tous promirent d’ériger une chapelle à Marie, si elle écartait le fléau. Notre-Dame entendit ce confiant appel : la peste cessa immédiatement dans ces villages, alors qu’elle continua de désoler le reste de la paroisse jusqu’au mois de décembre.

Les villageois se mirent en devoir de tenir leur promesse. Mais qui posséderait la précieuse chapelle, ex-voto de la commune reconnaissance ? Le village de Franchaud prétendait y avoir des droits incontestables, sans doute parce qu’il était la plus importante agglomération du quartier ; les habitants de quelques pauvres maisons, juchées sur la lande de Vioreau, y prétendaient aussi. C’est alors, au dire du moins de la légende, que le Ciel intervint en faveur de ceux-ci.

Un fait merveilleux se produisit, qui rappelle l’apparition de l’archange saint Michel au mont Gargan, et dont témoigne la tradition unanime du pays. Un cultivateur de la Lirais, hameau de la paroisse d’Abbaretz, situé sur les confins de Joué, envoyait chaque jour, comme d’ailleurs tous ses voisins, paître ses troupeaux sur l’immense lande alors indivise de Vioreau. Vers ce temps, il remarqua qu’un de ses bœufs devenait sensiblement plus gras et plus beau que les autres. Craignant, dans sa délicatesse, que, par défaut de surveillance, l’animal ne quittait la lande pour faire des excursions dans les champs, il interrogea le patour. Celui-ci répondit que le bœuf restait constamment sur le pâtis commun et qu’il prenait la même nourriture que les autres. Le propriétaire voulut en avoir le cœur net et fit suivre le boeuf. On remarqua que celui-ci, au sortir de l’étable, relevait la tète, finirait l’air d’un certain côté, puis, d’un pas ferme et rapide, sans courir toutefois, se dirigeait vers un point de la lande, toujours le même. Il s’arrêtait près d’un buisson de houx et y restait de longues heures, jusqu’à ce qu’on le forçât de rentrer à l’étable. Il ne mangeait pas, seulement il léchait de temps en temps une grosse pierre cachée sous la verdure. La curiosité du paysan fut piquée au vif, et bientôt tous les voisins, informés de ce fait étrange, accoururent. Ils soulevèrent, a force de bras, l’énorme bloc et, ô prodige ! ils aperçurent, dans une cavité souterraine, une statue assez grande et deux autres plus petites. La première était une Pietà, c’est-à-dire représentait Marie, la mère des douleurs, avec, sur ses genoux, le corps inanimé de son Jésus ; les statuettes représentaient Saint Eutrope, premier évêque de Saintes, et sainte Marguerite d’Ecosse.

On comprend l’enthousiasme de ces bons villageois, à cette merveilleuse découverte. Ils se rappelèrent alors que la tradition signalait l’existence d’une antique chapelle dans ces lieux et que, plus d’une fois, leur enfance avait pâli au récit d’une légende la même d’ailleurs que l’on raconte aux abords de tous les vieux sanctuaires de nos campagnes. On disait, et l’on dit encore a Joué, qu’un paysan du voisinage, pénétrant un jour dans la chapelle, y avait trouvé un prêtre prêt a célébrer la sainte messe, qui l’avait prié de la lui servir. Le saint sacrifice terminé, l’officiant avait disparu. Non sans promettre a son clerc improvisé une place près de lui dans le paradis. C’était pure légende, mais qui prouvait l’existence de la chapelle. Il est une autre preuve qui ne permet pas de la contester : une très ancienne charte du cartulaire de Saint-Florent mentionne, au XIIe siècle, dans la paroisse de Joué, une chapelle dédiée à Sainte-Marie de la Lande.

Les paysans n’hésitèrent plus ; là, de par Dieu lui-même, devait s’élever la chapelle votive. On se mit immédiatement à extraire de la pierre et deux premières charretées furent transportées sur la lande. Cependant, malgré le miracle, si l’on en croit les gens de Langueur, le village de Franchaud s’obstina dans ses prétentions, et il fallut une seconde manifestation du Ciel pour qu’il avouât sa défaite. Quelques-uns de ses habitants vinrent clandestinement enlever les pierres déjà déposées sur la lande et les transportèrent, a l’entrée de leur village, dans un champ que la tradition désigne encore. Mais le lendemain matin, sans qu’on pût relever aucune trace de pas ou de chariot, les pierres se retrouvèrent sur le premier emplacement. Cette fois, tout le monde fut d’accord. On commença sur le champ la construction et l’on fit reposer un des angles de la chapelle sur le bloc de pierre qui avait préservé, pendant des siècles peut-être, la statue de Notre-Dame.

La première pierre de l’humble monument fut solennellement bénite, le 12 octobre 1637, par missire Thomas Gaultier, recteur de Joué, qu’assistaient Nicolas Guybour, prêtre de la paroisse, et Jean Foret, vicaire d’Abbaretz. L’oeuvre enfin terminée, la Pietà miraculeuse fut mise à la place d’honneur, entourée des deux statuettes, et on la salua du titre désormais consacré de Notre-Dame des Langueurs.

Je n’ai pas besoin de dire avec quel empressement les pieux fidèles de la contrée vinrent lui rendre leurs hommages. Les archives nous donnent la preuve de l’attachement de ces braves gens a leur chapelle. Malgré leur peu de fortune, plusieurs y firent des fondations, et, au premier rang des donateurs, on trouve les Martin, de la Braudiére, peut-être les deux vieilles filles qui avaient en l’initiative du vœu, du moins quelqu’un de leur parenté.

L’origine doublement merveilleuse de la chapelle la rendit chère, non seulement aux habitants de Joué et des paroisses voisines, mais a ceux de toute la région. La fête patronale fut nécessairement la Compassion de la sainte Vierge, et un grand pardon y attira chaque année la foule. Il avait lieu le samedi, veille du dimanche des Rameaux, jour où dans le diocèse de Nantes on honorait alors ce mystère. Les pèlerins accouraient de tous les villages d’alentour, même d’Ancenis, même des paroisses angevines de la rive gauche de la Loire. Les Rogations fournissaient aux fidèles de Joué une autre occasion de montrer leur dévotion à Notre Dame des Langueurs : un des trois jours, la procession s’y rendait, et l’on y célébrait la messe de station. La paroisse y retournait encore le 15 août. De bonne heure dans l’après-midi, malgré la chaleur et la longueur du chemin,clergé et fidèles se mettaient en rangs de procession, pour se rendre à la chapelle de Notre-Dame, où, sitôt arrivés, ils chantaient solennellement les vêpres ; et c’était un spectacle à la fois curieux et touchant de voir tous ces bons paysans assis ou agenouillés sur la lande, pendant que les prêtres officiaient dans la chapelle, trop étroite pour contenir la foule.

La Révolution respecta la chapelle et le pèleninage continua. Seulement, à l’aurore du XIXe siècle (1811), le grand pardon de la Compassion changea de caractère : une foire fut établie par l’autorité civile au village de Langueur, et ce ne fut plus seulement la piété qui attira le peuple.

En 1864, la chapelle fut érigée en succursale de Joué, et il fallut l’agrandir. Depuis ce temps, des transformations plus radicales ont été opérées. Une église plus spacieuse et plus belle a été construite à quelques pas de l’ancienne, et celle-ci a été renversée. L’antique Pietà a été transportée dans le nouveau monument ; mais les deux statuettes, ses compagnes de tant de siècles, n’ont pas été jugées dignes d’occuper une place a ses côtés. Un bon chrétien, ami des antiques traditions, celui-là même a qui nous devons une bonne part de nos renseignements, les a pieusement recueillies.

Les pèlerinages continuent à Notre Dame des Langueurs, et le grand pardon des temps passés n’a pas complètement disparu. Les paysans n’y viennent pas seulement faire des achats ou des ventes ; beaucoup ont pour but principal d’honorer la sainte Vierge. On y chante solennellement la messe, et, depuis l’ouverture de la halte du Pavillon, les pèlerins, amenés par le chemin de fer et dont on a soin d’attendre l’arrivée avant de commencer l’office, se présentent plus nombreux encore qu’autrefois.

 

Vous savez, mes Frères, pourquoi Marie est appelée Notre Dame des Sept-Douleurs : c’est parce qu’elle a souffert tous les jours de sa vie, particulièrement au Calvaire ; c’est parce qu’en elle s’est réalisée la prophétie du vieillard Siméon : « Un glaive de douleur transpercera votre âme ». Mais savez-vous pourquoi Marie, la toute pure, l’lmmaculée, a souffert de la sorte ? Savez-vous pourquoi la compassion de la Vierge accompagna la passion du Sauveur ? La douleur est l’expiation nécessaire du péché, et c’est pour cela qu’elle apparut dans le monde immédiatement après le péché, comme châtiment du péché : « In dolore paries, Tu enfanteras dans la douleur ». Pour expier dignement le péché, il fallait qu’un homme, représentant de ses frères, endurât une immense douleur, il fallait de plus que cette douleur fût soufferte par un cœur très pur, et qu’elle fût infinie. C’est la raison d’être de l’Incarnation : pour expier les péchés de ses frères, Jésus-Christ, l’Homme Dieu, mérita d’être appelé l’Homme de la douleur. Mais une femme, Eve, avait concouru au péché de l’homme : ne semblait-il pas convenable qu’une femme, toute sainte et toute pure, participât à la douleur de l’Homme-Dieu ? Voilà, mes frères, la raison de la compassion de Marie. Notre Dame des Sept-Douleurs, c’est la corédemptrice.

Si la très sainte Vierge nous donne de la sorte une grande preuve d’amour, elle nous donne en même temps une grande leçon de choses. Rappelez-vous le mot si connu de saint Paul : « J’accomplis dans ma chair, disait-il, ce qui manque à la passion de Jésus-Christ », et il ajoutait : « Voilà pourquoi je me réjouis dans les maux que je souffre pour vous ». C’est la douleur qui expie,Jésus-Christ a pris a sa charge la grosse part du fardeau, mais il a voulu, et ce n’est que justice, que nous en portassions une petite part aussi. Donc nous devons souffrir, sans cela la passion, pour ce qui nous concerne, resterait incomplète, et nous ne pourrions pas être sauvés : voilà ce que Marie, plus éloquemment que saint Paul, nous prêche du pied de la croix. Au lieu donc de murmurer contre la douleur, apprenons, par l’exemple de notre Mère, a rester debout quand elle nous frappe, et a porter vaillamment notre fardeau. En même temps demandons-lui de nous obtenir du courage dans nos souffrances et nos peines. Demandons-lui enfin, car sa bonté nous y autorise, d’imiter les mères de la terre qui partagent et conscient les douleurs de leurs enfants, et d’alléger notre fardeau, en nous procurant secours et consolation.

 

ND de Nantes

 

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10 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Onzième jour

Notre Dame de Recouvrance

 

Le Diocèse de Nantes comptait, il y a un siècle, cinq chapelles dédiées à Marie sous le nom de Notre-Dame de Recouvrance : deux seulement subsistent aujourd’hui. Ce sont d’ailleurs les plus vénérées : ce sont elles aussi que nous allons étudier ce soir.

La première est sur le territoire de Gétigné, paroisse privilégiée entre toutes, puisqu’elle possède deux pèlerinages de Notre Dame, tous deux antiques, tous deux vénérés, tous deux fréquentés assidûment par les populations d‘alentour : Toutes Joies et Recouvrance. Le premier sans doute est plus connu au loin ; mais il serait difficile de déterminer lequel des deux est le plus aimé des gens de Gétigné eux-mêmes. Le jour de l’Assomption ils vont processionnellement à la chapelle de Toutes-Joies ; mais le dimanche suivant, fête de sainte Radegonde, leur patronne, ils se rendent de même a celle de Recouvrance. Il est vrai, celle-ci porte trop visiblement la marque des siècles qu’elle a vécus, tandis que l’autre, fière de ses murailles neuves, de ses lignes architecturales, de son autel et de ses vitraux, semble la préférée du peuple qui l’a rajeunie ; mais Recouvrance n’est point oubliée, et les habitants de Gétigné, aussi généreux pour elle que pour sa sœur, la veulent également belle, parce qu’elle n’est pas moins aimée. Il y a cependant une différence entre elles, c’est que Toutes Joies, la voisine des sires de Clisson, possède une page dans leur histoire, tandis que Recouvrance, plus humble et presque ignorée, n’a qu’une légende, gravée dans la mémoire du peuple. Mais si l’histoire de Toutes Joies est a la fois gracieuse et touchante, la légende de Recouvrance est bien gracieuse et bien touchante aussi. Écoutez.

Le seigneur de la Roche, dont le manoir s’élevait a quelques toises de ce dernier sanctuaire, perdit un serviteur qui avait vécu en grande réputation de sainteté. On l’entera à l’ombre même de la chapelle où, suivant une coutume très répandue en ce temps-là, se trouvait sans doute un petit cimetière. Les fidèles du voisinage, pleins de confiance dans l’intercession du saint homme, ne tardèrent pas à faire des pèlerinages sur sa tombe. La fille du seigneur, qui avait vu de près la vertu du vieux serviteur, se faisait remarquer par une plus grande vénération et des visites plus assidues. Elle prenait soin de la modeste tombe et y avait fait quelques plantations. Elle y cultivait particulièrement un précieux arbuste. À quelque temps de là, le sire de la Roche devint aveugle. Sa fille, désolée mais pourtant confiante, multiplia les prières ; on la voyait plus souvent encore agenouillée sur la tombe qu’elle entourait de tant de respect. Un matin, elle eut tout a coup la pensée de recueillir la rosée que la nuit avait déposée sur les feuilles de l’arbuste, et elle en baigna les paupières fermées de son malheureux père. Ô merveille ! Elles s’ouvrirent de nouveau a la lumière, la cécité disparut. De là, dit-on, vint à la chapelle voisine le nom de Recouvrance.

Les siècles passés ne nous ont transmis aucun document sur l’origine et l’histoire de ce modeste pèlerinage. Toutefois les traditions du pays le font remonter a une haute antiquité. La toiture porte la date de 1745 ; mais il s‘agit certainement d’une reconstruction. Cinq prêtres résidaient jadis sur le territoire de Gétigné, le recteur, son vicaire et trois chapelains. Ceux-ci, titulaires de petits bénéfices, en acquittaient les messes, soit à l’église paroissiale, soit dans les chapelles rurales : l’un d’eux était attaché à N.-D. de Recouvrance.

Notre chapelle, plus heureuse que sa sœur de Toutes Joies, fut épargnée par les Mayençais et les Colonnes Infernales : et les fidèles ne cessèrent point de la fréquenter. Ils ont grande confiance dans la protection de la Bonne Mère et ne se lassent point de la prier. Ils s’agenouillent de préférence devant un bas-relief, taillé dans la pierre, qui représente l’Assomption de Marie. Cette image, trouvée naguère dans un champ voisin, provenait évidemment de l’ancienne chapelle, saccagée peut être dans les guerres de religion ; on l’y a replacée avec honneur, et le peuple la regarde connue miraculeuse.

La seconde chapelle de N. D. de Recouvrance appartient a la paroisse de Casson. Elle est située, non loin du bourg et près du village de la Hacherie, sur une petite éminence qui borde la route de Héric, dans un vallon plein de solitude et de fraîcheur, au fond duquel un ruisseau serpente capricieusement, en murmurant doucement sa chanson, sous les saules et la ramure des grands chênes.

Il y a plusieurs siècles déjà que l’on vient prier Marie dans cet oratoire, et il nous serait impossible de fixer la date de son origine. Cependant il ne peut remonter à une époque très reculée, puisque le peuple redit encore, sans qu’aucun document écrit vienne en aide à sa mémoire, le nom, la profession, le village de son fondateur. Pourtant la légende a déjà fleuri sur le récit populaire et même plusieurs versions du même fait circulent aux alentours. On raconte donc qu’un col porteur mercier, du village de la Hacherie, nommé Savary, s’était endormi, par une journée très chaude, sur le tertre où s’élève aujourd’hui la chapelle. Suivant les uns, il se trouva tout a coup si fortement pressé contre terre, et il éprouva une si violente douleur, qu’il se sentit près d’expirer ; dans ce moment d’angoisse, il appela la Vierge à son secours et, grâce a cette céleste protectrice, il recouvra sur le champ la santé. Suivant les autres, quand le donneur se réveille après un long somme, il s’aperçut que des voleurs lui avaient enlevé son gagne-pain, sa balle de colporteur avec toutes les marchandises qu’elle contenait. Le pauvre homme, tout désolé, cria sa détresse à Marie et recouvra son bien. Quelle que soit la faveur qu’il eût obtenue de la très Sainte Vierge, il est certain que le colporteur fut reconnaissant. Son petit commerce ayant prospéré, il en consacra le bénéfice à construire un oratoire à Notre Dame de Recouvrance.

Nous constatons l’existence de la chapelle en 1649, puisque, le 13 février de cette année, le recteur Despinose y bénissait le mariage de deux notables paroissiens, après avoir reçu publiquement l’abjuration de la fiancée, qui avait vécu jusque-là dans le protestantisme. L’hérésie avait eu de nombreux sectateurs a Casson, sans doute à cause du voisinage de Sucé, dont le temple est bien connu dans l'histoire de notre pays. Casson avait même son ministre particulier, nommé Guénet, en 1570. C’est surtout dans le bourg et autour de Recouvrance que se trouvaient les huguenoteries. On cite : la Cherbaudière, les Glands, la Gandonnière, la haute et la basse Hacherie, la Galpâtière, la Grohinière, la Pyronmière ; et l’on ajoute qu’en ce dernier lieu habita longtemps un ardent sectaire, le comte d’Estrées, qui tourmentait fort les catholiques.

Marie finit par convertir ses voisins qui abandonnèrent l’hérésie et devinrent tous de dévoués serviteurs de Notre Dame. Ils l’invoquaient Spécialement pour leurs brebis, et ces braves gens, dans leur langage imagé, avaient pris l’habitude d’appeler leur madone Sainte Berge, façon pittoresque de rappeler qu’elle était la protectrice des bergers.

Chaque année, le jour du mardi gras, avait lieu le pardon de Recouvrance. Il y avait messe et procession a la chapelle. Toutefois la population était pauvre, et les décors étaient modestes. On rapporte que ces bonnes gens, n’ayant pas de riche brancard pour y poser leur madone, se servaient d’une simple chaise, trône bien humble, assurément, et bien indigne de la Reine du ciel, mais que l’amour de son peuple transformait à ses yeux.

Les offrandes se ressentaient aussi de la pauvreté des visiteurs. Une pieuse femme, chargée de veiller sur l’oratoire, les recueillait fidèlement. C’était, pour l’ordinaire, de la laine. On voulait obtenir ainsi de la sainte Vierge qu’elle protégeât les bergeries.

Les pèlerins étaient nombreux, le mardi gras. On accourait de tous les points de la paroisse, même de Grandchamp et de Héric. Une bonne vieille racontait, en 1850, que ce jour-là, dans sa jeunesse, « sa maison ne désemplissait pas de gens de Héric venant s’y reposer après leur voyage ». M. Dupas, recteur de Casson, écrivait, en 1778, que l’oratoire de Notre-Dame de Recouvrance était un petit sanctuaire isolé, mais assez proprement entretenu. Au sortir de la Révolution, il n’en était plus ainsi : l'abandon avait amené la décadence, presque la ruine. On cessa de célébrer la messe dans la chapelle trop misérable. Toutefois, pendant la première moitié du XIXe siècle, on continua d’y faire la procession traditionnelle, transférée au jour de l’Assomption. Les habitants des villages voisins cachaient pieusement sous la verdure les crevasses des murailles et la pauvreté de l’autel ; des jonchées de roseaux, empruntés au ruisseau du vallon, tenaient lieu de tapis ; et les fidèles, agenouillés autour de la chapelle croulante, s’unissaient au clergé qui chantait les litanies.

En 1860, M. le curé Philippe, profitant de la présence des ouvriers qui travaillaient au château du Chalonge. fit enfin relever ces ruines : la chapelle fut complètement reconstruite. Elle est là, dans son vallon solitaire, petite et modeste comme autrefois, et toujours vénérée. L’antique madone devant laquelle s’agenouillaient les pères et repris sa place au-dessus de l’autel, pour recevoir les hommages des fils ; et les bienheureux particulièrement honorés dans la paroisse sont rangés a ses côtés, connue pour lui faire une cour, savoir : saint Pierre et saint Fiacre, sainte Anne et sainte Germaine. Une plaque commémorative porte les noms de M. Paré, maire de Casson, et des principaux bienfaiteurs : Melle de Grammont, MM. de Bouillé et de la Cadinière. Enfin, à droite, en entrant, l’on voit un bas-relief représentant Notre-Dame et, devant elle, a genoux, trois personnages lui offrant une chapelle.

 

Notre Dame de Recouvrance ! Ai-je besoin de vous indiquer le mystère que nous rappelle ce titre ? Jésus avait douze ans; pour obéir aux prescriptions de la loi Mosaïque, il accompagna ses parents a Jérusalem, au temps de la pâque. « Les jours saints étant passés, ils prirent le chemin du retour. Or, l’Enfant Jésus était resté à Jérusalem, sans que ses parents s’en fussent aperçus. Supposant qu’il était dans l’une ou l’autre compagnie, ils firent une journée de voyage. Alors ils le cherchèrent anxieusement parmi ceux de leur parenté et parmi leurs connaissances. Ne l'ayant point trouvé, ils retournèrent à Jérusalem, le cherchant toujours. Après trois jours, ils le trouvèrent dans le Temple ».

 

Nous aussi, chrétiens, nous avons Dieu avec nous, et l’on peut dire que nous le possédons surnaturellement de deux manières, par la foi et par la grâce. Mais nous aussi, nous pouvons le perdre. Toutefois, la différence est grande entre la Vierge et nous. Marie perdit l'Enfant-Dieu sans commettre aucune faute, et uniquement parce que Jésus voulut lui imposer une épreuve méritoire en nous donnant une leçon. Pour nous, au contraire, si nous perdons Dieu, c’est toujours par notre faute. En effet, que l’homme perde la foi ou la grâce, il y a toujours en quelque faute de sa part.

 

Heureusement, Dieu peut être retrouvé, et la sainte Vierge nous en donne l’exemple. Mais, pour retrouver Dieu, il faut d’abord, comme elle, éprouver quelque peine de l’avoir perdu. Les hommes d’orgueil ou de plaisir qui vivent heureux, tranquilles, sans souci de la perte qu’ils ont faite, ne retrouveront jamais Dieu. C’est la preuve qu’ils n’ont aucun repentir de la faute commise ; c’est la preuve aussi qu'ils ne comprennent pas quel grand bien c’est que de posséder Dieu. Je puis bien ajouter que, en général. l’homme heureux éprouve rarement le besoin de Dieu, tandis que celui qui souffre est tout naturellement incliné vers lui. Comment, après cela, se plaindre de la douleur et dire que les heureux de ce monde ont la meilleure part ?

 

Pour retrouver Dieu, il faut ensuite le chercher, c’est-à-dire montrer quelque bonne volonté, faire quelques efforts pour retrouver la foi ou la grâce. Alors, Dieu fait le reste du chemin et, comme il a fait dans l’Incarnation, il marche vers nous à pas de géant: exultavit ut gigas ad currendam viam.

 

Pour retrouver Dieu, il faut le chercher dans le temple, c’est-à-dire en priant et en étudiant. Pour retrouver Dieu, il faut le chercher avec Marie. Si donc, vous aviez perdu la foi, et ce malheur n’est point rare en ce siècle d’ignorance et de blasphème ; si donc vous aviez perdu la grâce, priez, étudiez, mortifiez-vous, frappez-vous la poitrine, et ne manquez pas d’invoquer en même temps Notre-Dame de Recouvrance.

 

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10 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Onzième jour

Notre Dame de Recouvrance

 

Le Diocèse de Nantes comptait, il y a un siècle, cinq chapelles dédiées à Marie sous le nom de Notre-Dame de Recouvrance : deux seulement subsistent aujourd’hui. Ce sont d’ailleurs les plus vénérées : ce sont elles aussi que nous allons étudier ce soir.

La première est sur le territoire de Gétigné, paroisse privilégiée entre toutes, puisqu’elle possède deux pèlerinages de Notre Dame, tous deux antiques, tous deux vénérés, tous deux fréquentés assidûment par les populations d‘alentour : Toutes Joies et Recouvrance. Le premier sans doute est plus connu au loin ; mais il serait difficile de déterminer lequel des deux est le plus aimé des gens de Gétigné eux-mêmes. Le jour de l’Assomption ils vont processionnellement à la chapelle de Toutes-Joies ; mais le dimanche suivant, fête de sainte Radegonde, leur patronne, ils se rendent de même a celle de Recouvrance. Il est vrai, celle-ci porte trop visiblement la marque des siècles qu’elle a vécus, tandis que l’autre, fière de ses murailles neuves, de ses lignes architecturales, de son autel et de ses vitraux, semble la préférée du peuple qui l’a rajeunie ; mais Recouvrance n’est point oubliée, et les habitants de Gétigné, aussi généreux pour elle que pour sa sœur, la veulent également belle, parce qu’elle n’est pas moins aimée. Il y a cependant une différence entre elles, c’est que Toutes Joies, la voisine des sires de Clisson, possède une page dans leur histoire, tandis que Recouvrance, plus humble et presque ignorée, n’a qu’une légende, gravée dans la mémoire du peuple. Mais si l’histoire de Toutes Joies est a la fois gracieuse et touchante, la légende de Recouvrance est bien gracieuse et bien touchante aussi. Écoutez.

Le seigneur de la Roche, dont le manoir s’élevait a quelques toises de ce dernier sanctuaire, perdit un serviteur qui avait vécu en grande réputation de sainteté. On l’entera à l’ombre même de la chapelle où, suivant une coutume très répandue en ce temps-là, se trouvait sans doute un petit cimetière. Les fidèles du voisinage, pleins de confiance dans l’intercession du saint homme, ne tardèrent pas à faire des pèlerinages sur sa tombe. La fille du seigneur, qui avait vu de près la vertu du vieux serviteur, se faisait remarquer par une plus grande vénération et des visites plus assidues. Elle prenait soin de la modeste tombe et y avait fait quelques plantations. Elle y cultivait particulièrement un précieux arbuste. À quelque temps de là, le sire de la Roche devint aveugle. Sa fille, désolée mais pourtant confiante, multiplia les prières ; on la voyait plus souvent encore agenouillée sur la tombe qu’elle entourait de tant de respect. Un matin, elle eut tout a coup la pensée de recueillir la rosée que la nuit avait déposée sur les feuilles de l’arbuste, et elle en baigna les paupières fermées de son malheureux père. Ô merveille ! Elles s’ouvrirent de nouveau a la lumière, la cécité disparut. De là, dit-on, vint à la chapelle voisine le nom de Recouvrance.

Les siècles passés ne nous ont transmis aucun document sur l’origine et l’histoire de ce modeste pèlerinage. Toutefois les traditions du pays le font remonter a une haute antiquité. La toiture porte la date de 1745 ; mais il s‘agit certainement d’une reconstruction. Cinq prêtres résidaient jadis sur le territoire de Gétigné, le recteur, son vicaire et trois chapelains. Ceux-ci, titulaires de petits bénéfices, en acquittaient les messes, soit à l’église paroissiale, soit dans les chapelles rurales : l’un d’eux était attaché à N.-D. de Recouvrance.

Notre chapelle, plus heureuse que sa sœur de Toutes Joies, fut épargnée par les Mayençais et les Colonnes Infernales : et les fidèles ne cessèrent point de la fréquenter. Ils ont grande confiance dans la protection de la Bonne Mère et ne se lassent point de la prier. Ils s’agenouillent de préférence devant un bas-relief, taillé dans la pierre, qui représente l’Assomption de Marie. Cette image, trouvée naguère dans un champ voisin, provenait évidemment de l’ancienne chapelle, saccagée peut être dans les guerres de religion ; on l’y a replacée avec honneur, et le peuple la regarde connue miraculeuse.

La seconde chapelle de N. D. de Recouvrance appartient a la paroisse de Casson. Elle est située, non loin du bourg et près du village de la Hacherie, sur une petite éminence qui borde la route de Héric, dans un vallon plein de solitude et de fraîcheur, au fond duquel un ruisseau serpente capricieusement, en murmurant doucement sa chanson, sous les saules et la ramure des grands chênes.

Il y a plusieurs siècles déjà que l’on vient prier Marie dans cet oratoire, et il nous serait impossible de fixer la date de son origine. Cependant il ne peut remonter à une époque très reculée, puisque le peuple redit encore, sans qu’aucun document écrit vienne en aide à sa mémoire, le nom, la profession, le village de son fondateur. Pourtant la légende a déjà fleuri sur le récit populaire et même plusieurs versions du même fait circulent aux alentours. On raconte donc qu’un col porteur mercier, du village de la Hacherie, nommé Savary, s’était endormi, par une journée très chaude, sur le tertre où s’élève aujourd’hui la chapelle. Suivant les uns, il se trouva tout a coup si fortement pressé contre terre, et il éprouva une si violente douleur, qu’il se sentit près d’expirer ; dans ce moment d’angoisse, il appela la Vierge à son secours et, grâce a cette céleste protectrice, il recouvra sur le champ la santé. Suivant les autres, quand le donneur se réveille après un long somme, il s’aperçut que des voleurs lui avaient enlevé son gagne-pain, sa balle de colporteur avec toutes les marchandises qu’elle contenait. Le pauvre homme, tout désolé, cria sa détresse à Marie et recouvra son bien. Quelle que soit la faveur qu’il eût obtenue de la très Sainte Vierge, il est certain que le colporteur fut reconnaissant. Son petit commerce ayant prospéré, il en consacra le bénéfice à construire un oratoire à Notre Dame de Recouvrance.

Nous constatons l’existence de la chapelle en 1649, puisque, le 13 février de cette année, le recteur Despinose y bénissait le mariage de deux notables paroissiens, après avoir reçu publiquement l’abjuration de la fiancée, qui avait vécu jusque-là dans le protestantisme. L’hérésie avait eu de nombreux sectateurs a Casson, sans doute à cause du voisinage de Sucé, dont le temple est bien connu dans l'histoire de notre pays. Casson avait même son ministre particulier, nommé Guénet, en 1570. C’est surtout dans le bourg et autour de Recouvrance que se trouvaient les huguenoteries. On cite : la Cherbaudière, les Glands, la Gandonnière, la haute et la basse Hacherie, la Galpâtière, la Grohinière, la Pyronmière ; et l’on ajoute qu’en ce dernier lieu habita longtemps un ardent sectaire, le comte d’Estrées, qui tourmentait fort les catholiques.

Marie finit par convertir ses voisins qui abandonnèrent l’hérésie et devinrent tous de dévoués serviteurs de Notre Dame. Ils l’invoquaient Spécialement pour leurs brebis, et ces braves gens, dans leur langage imagé, avaient pris l’habitude d’appeler leur madone Sainte Berge, façon pittoresque de rappeler qu’elle était la protectrice des bergers.

Chaque année, le jour du mardi gras, avait lieu le pardon de Recouvrance. Il y avait messe et procession a la chapelle. Toutefois la population était pauvre, et les décors étaient modestes. On rapporte que ces bonnes gens, n’ayant pas de riche brancard pour y poser leur madone, se servaient d’une simple chaise, trône bien humble, assurément, et bien indigne de la Reine du ciel, mais que l’amour de son peuple transformait à ses yeux.

Les offrandes se ressentaient aussi de la pauvreté des visiteurs. Une pieuse femme, chargée de veiller sur l’oratoire, les recueillait fidèlement. C’était, pour l’ordinaire, de la laine. On voulait obtenir ainsi de la sainte Vierge qu’elle protégeât les bergeries.

Les pèlerins étaient nombreux, le mardi gras. On accourait de tous les points de la paroisse, même de Grandchamp et de Héric. Une bonne vieille racontait, en 1850, que ce jour-là, dans sa jeunesse, « sa maison ne désemplissait pas de gens de Héric venant s’y reposer après leur voyage ». M. Dupas, recteur de Casson, écrivait, en 1778, que l’oratoire de Notre-Dame de Recouvrance était un petit sanctuaire isolé, mais assez proprement entretenu. Au sortir de la Révolution, il n’en était plus ainsi : l'abandon avait amené la décadence, presque la ruine. On cessa de célébrer la messe dans la chapelle trop misérable. Toutefois, pendant la première moitié du XIXe siècle, on continua d’y faire la procession traditionnelle, transférée au jour de l’Assomption. Les habitants des villages voisins cachaient pieusement sous la verdure les crevasses des murailles et la pauvreté de l’autel ; des jonchées de roseaux, empruntés au ruisseau du vallon, tenaient lieu de tapis ; et les fidèles, agenouillés autour de la chapelle croulante, s’unissaient au clergé qui chantait les litanies.

En 1860, M. le curé Philippe, profitant de la présence des ouvriers qui travaillaient au château du Chalonge. fit enfin relever ces ruines : la chapelle fut complètement reconstruite. Elle est là, dans son vallon solitaire, petite et modeste comme autrefois, et toujours vénérée. L’antique madone devant laquelle s’agenouillaient les pères et repris sa place au-dessus de l’autel, pour recevoir les hommages des fils ; et les bienheureux particulièrement honorés dans la paroisse sont rangés a ses côtés, connue pour lui faire une cour, savoir : saint Pierre et saint Fiacre, sainte Anne et sainte Germaine. Une plaque commémorative porte les noms de M. Paré, maire de Casson, et des principaux bienfaiteurs : Melle de Grammont, MM. de Bouillé et de la Cadinière. Enfin, à droite, en entrant, l’on voit un bas-relief représentant Notre-Dame et, devant elle, a genoux, trois personnages lui offrant une chapelle.

 

Notre Dame de Recouvrance ! Ai-je besoin de vous indiquer le mystère que nous rappelle ce titre ? Jésus avait douze ans; pour obéir aux prescriptions de la loi Mosaïque, il accompagna ses parents a Jérusalem, au temps de la pâque. « Les jours saints étant passés, ils prirent le chemin du retour. Or, l’Enfant Jésus était resté à Jérusalem, sans que ses parents s’en fussent aperçus. Supposant qu’il était dans l’une ou l’autre compagnie, ils firent une journée de voyage. Alors ils le cherchèrent anxieusement parmi ceux de leur parenté et parmi leurs connaissances. Ne l'ayant point trouvé, ils retournèrent à Jérusalem, le cherchant toujours. Après trois jours, ils le trouvèrent dans le Temple ».

Nous aussi, chrétiens, nous avons Dieu avec nous, et l’on peut dire que nous le possédons surnaturellement de deux manières, par la foi et par la grâce. Mais nous aussi, nous pouvons le perdre. Toutefois, la différence est grande entre la Vierge et nous. Marie perdit l'Enfant-Dieu sans commettre aucune faute, et uniquement parce que Jésus voulut lui imposer une épreuve méritoire en nous donnant une leçon. Pour nous, au contraire, si nous perdons Dieu, c’est toujours par notre faute. En effet, que l’homme perde la foi ou la grâce, il y a toujours en quelque faute de sa part.

Heureusement, Dieu peut être retrouvé, et la sainte Vierge nous en donne l’exemple. Mais, pour retrouver Dieu, il faut d’abord, comme elle, éprouver quelque peine de l’avoir perdu. Les hommes d’orgueil ou de plaisir qui vivent heureux, tranquilles, sans souci de la perte qu’ils ont faite, ne retrouveront jamais Dieu. C’est la preuve qu’ils n’ont aucun repentir de la faute commise ; c’est la preuve aussi qu'ils ne comprennent pas quel grand bien c’est que de posséder Dieu. Je puis bien ajouter que, en général. l’homme heureux éprouve rarement le besoin de Dieu, tandis que celui qui souffre est tout naturellement incliné vers lui. Comment, après cela, se plaindre de la douleur et dire que les heureux de ce monde ont la meilleure part ?

Pour retrouver Dieu, il faut ensuite le chercher, c’est-à-dire montrer quelque bonne volonté, faire quelques efforts pour retrouver la foi ou la grâce. Alors, Dieu fait le reste du chemin et, comme il a fait dans l’Incarnation, il marche vers nous à pas de géant: exultavit ut gigas ad currendam viam.

Pour retrouver Dieu, il faut le chercher dans le temple, c’est-à-dire en priant et en étudiant. Pour retrouver Dieu, il faut le chercher avec Marie. Si donc, vous aviez perdu la foi, et ce malheur n’est point rare en ce siècle d’ignorance et de blasphème ; si donc vous aviez perdu la grâce, priez, étudiez, mortifiez-vous, frappez-vous la poitrine, et ne manquez pas d’invoquer en même temps Notre-Dame de Recouvrance.

 

ND de Nantes

 

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9 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Dixième jour

Notre Dame de la Chandeleur

 

Missire Vincent Charron, chanoine de la Cathédrale, écrivait en 1637, dans son Calendrier historial de la glorieuse Vierge Mère de Dieu : « A Nantes, en Bretagne, il y a une très belle et très ancienne Confrairie érigée en l‘église parroissiale de Saint-Nicolas, sous le nom de Nostre-Dame de Chandeleur ». Guillaume Greslan, notable commerçant et prévôt en charge de cette Confrérie, renchérissait encore sur ces éloges, dans un mémoire rédigé vers 1727 : « La Confrairie de Notre Dame de la Chandeleur est, de toutes celles qui sont établies en l’honneur de la Sainte Vierge en la ville de Nantes, peut-être même dans le royaume, la plus célèbre par son ancienneté, par le sujet de son établissement et par le nombre de ses membres ». C’est de cette dévotion, si chère à vos ancêtres, que je voudrais vous entretenir ce soir.

Des actes authentiques prouvent que notre Confrérie existait déjà à l'aurore du XVe siècle (1402). E11c dut sa fondation a la pieuse initiative de quelques fidèles qui voulaient, comme son nom l’indique, honorer d’ une manière particulière le Mystère de la Purification de Marie et de la Présentation de Notre-Seigneur au temple, ainsi que la sainte joie du vieillard Siméon.

A sa tête se trouvaient deux prévôts, élus chaque année et choisis parmi « les gens solvables et sans reproche », l’un « pour la ville et paroisse », l'autre « pour la Fosse et le Bignon-Létard », c’est-à-dire le quartier qui s’étend aujourd’hui de la rue Crébillon a la rue du Calvaire. Ils étaient assistés, dans leur gestion, par six commissaires, trois de la ville et trois de la Fosse, élus aussi chaque année et choisis parmi les anciens prévôts résidant sur la paroisse. Enfin, le plus ancien prévôt était toujours commissaire-né et réputé syndic de la Confrérie ; en cette qualité, il était dépositaire d'une des trois clefs des archives et de la caisse. Un procureur pouvait, en outre, être chargé de surveiller l'entretien des immeubles sur lesquels étaient assises les fondations.

La Confrérie de Chandeleur comptait à Nantes parmi les plus cotées ; aussi les confrères, prêtres ou laïques, étaient-ils fort nombreux. Vincent Charron prétend que la plupart des habitants en faisaient partie. Cela peut sembler exagéré. Nous savons du moins que, au commencement du XVIIIe siècle, alors que la célèbre association commençait à déchoir, le nombre des confrères dépassait encore deux mille. Les paroissiens de Saint Nicolas tenaient à honneur d’en être prévôts, « ceux même qui y primaient par leur rang et par leur bien » ; et la liste de ceux qui occupèrent cette charge, bien qu’elle soit incomplète, pourrait constituer le livre d’or du haut commerce nantais. C'était une douce satisfaction, pour les anciens prévôts, d’occuper a l’église une place dans l’un des trois bancs marqués aux armes de la Confrérie. Le pape Paul V lui accorda des indulgences, en 1612, et la bulle en fut publiée l’année suivante, par mandement de l’évêque de Nantes. Ces pièces étaient conservées précieusement « dans l’armoire aux archives » et, à certains jours, une. traduction sur vélin en était affiché sur la porte du « chapitreau ».

La Purification était naturellement la fête patronale de la Confrérie. La veille, le bresteur ou bedeau, en surplis et dalmatique, s’en allait, avec sa cloche, annoncer la fête et ses indulgenes dans toutes les places publiques « de la ville et fauxbourgs, et au-devant des maisons des anciens prévôts ». Le jour même de la fête, on exposait, dès le matin, le Très Saint-Sacrement et l’on chantait matines et laudes. Toutefois, pour ne pas gêner la paroisse qui célébrait solennellement la Chandeleur et avait, comme toute l’Eglise, sa procession des cierges ; et sans doute aussi pour que sa propre procession ne passât point inaperçue, la Confrérie la transportait au dimanche suivant. Ce jour-là, donc, à l’issue de la grand’messe paroissiale, la « cloche de la Confrairie » sonnait en branle durant un quart d’heure. La cérémonie commençait par l’installation des prévôts entrants, dont les noms avaient été proclamés au salut, un des dimanches précédents. Les deux élus s’agenouillent à la balustrade de l’autel de la Confrérie. Un prêtre, revêtu de la chape blanche et assisté d’un diacre et d’un sous-diacre, se lient au-dedans. ll entonne le Veni Creator, puis a la strophe : « Accende lumen sensibus », il met dans la main droite des prévôts un cierge allumé, auquel est attachée une plaque d’argent représentant la Sainte-Vierge. Les récipiendaires lui baisent la main.

Après l’oraison, deux prêtres entonnent les Litanies de la Sainte Vierge auxquelles le choeur. et les assistants répondent. À « Sancta Maria », le bresteur, en surplis et dalmatique blanche, annonce le départ de la procession avec sa cloche qu’il fait sonner de temps en temps durant tout le parcours.

Alors, sous les regards Curieux de la foule, défile le cortège. En tête, les quatre grosses torches de la Confrérie, portées par des laïques en surplis ; puis, le bresteur agitant sa cloche ; le crucigêre assisté de deux enfants de choeur heureux d’arborer les grands chandeliers d’argent de la Confrérie, avec des cierges ornés de plaques aussi d’argent, à l’effigie de la Vierge; le clergé, cierges en main ; le célébrant, assisté de ses ministres et portant la statue d’argent de la Sainte Vierge, du poids de vingt-trois marcs, onze livres et demie, chef d’oeuvre d’un artiste nantais du XVIIe siècle, Thomas Jus, dont la Confrérie de la Chandeleur est si justement fière ; enfin, derrière le célébrant, les prévôts anciens et nouveaux, en habit noir, et tous les membres de la Confrérie, tous avec des cierges, tous rangés sur deux lignes.

On se rend à la chapelle Saint Julien, au centre de la place actuelle du commerce, et l’on y chante l’antienne de la fête avec les verset et oraison. Puis on revient dans le même ordre à Saint-Nicolas, où est célébrée, à l’autel de la Confrérie, une messe solennelle de la Purification. À l’offertoire, tous les prévôts avertis, chacun, par un coup de cloche du bresteur, vont baiser la paix que le célébrant leur présente. Enfin, on distribue a tous le pain bénit. La veille de l’Octave de la Fête-Dieu, le bresteur fait encore sa ronde. En outre, les prévôts en charge envoient aux anciens prévôts et à des confrères, « gens de probité, pour remplir le nombre de 70, des billets dattez et signez d’un d’eux pour les inviter de se trouver en habit noir ledit jour d’Oclave, a cinq heures après midi, au chapitreau, pour y recevoir de leurs mains une torche et marcher a la procession du Très Saint Sacrement qui se fait à six heures, de l’église de Saint-Nicolas a la chapelle de Saint-Julien ».

La Confrérie n'honorait pas seulement le Saint-Sacrement et Notre-Dame, elle songeait aussi à honorer et à soulager ses membres défunts. Après le décès de chaque confrère, le bresteur, revêtu d’un surplis et d'une dalmatique noire, s'en allait par les rues de la ville annoncer ses obsèques, comme il faisait pour les indulgences. On portait à la cérémonie funèbre les quatre grosses torches jaunes de la Confrérie. On y voyait aussi la « quarrée », ou catafalque de l’Association, avec ses quarante cierges, et, s’ils étaient demandés, ses ornements de velours aux riches garnitures d’argent, ornements blancs pour les garçons et les filles, noirs pour les autres défunts. Mais cet appareil n’était transporté que dans les églises paroissiales et dans les chapelles de Toussaints, de l’Hôtel Dieu et du Sanitat. De plus, les prévôts faisaient célébrer, à l’autel de la Confrérie, un service et trente messes basses pour le repos de son âme.

La Confrérie avait beaucoup d’autres exercices que le temps ne me permet pas d’énumérer ; par exemple, tous les dimanches et fêtes de Notre Dame, un Salut de la Sainte-Vierge, où l’on chantait l’Ave Maris Stella, ou un autre hymne, suivant le temps, avec trois fois l’Ave Maria. Pourtant il est une touchante pratique qui ne peut être passée sous silence, c’est la messe de « la porte ouvrante ». L’église de Saint Nicolas attenait aux remparts dont on peut voir encore quelques restes a deux pas d’ici, et la porte du même nom était proche. Elle s’ouvrait a 4 heures du matin en été, il 5 en hiver. Pour procurer « une messe sûre aux voyageurs, artisans et ouvriers sans attendre », la Confrérie en faisait célébrer une aussitôt l’ouverture. C’était « la messe de la porte ouvrante », et elle était offerte pour les confrères défunts.

Pendant des siècles, la Confrérie fut florissante et riche. C’est alors qu’elle acquit ces pièces d’orfèvrerie et ces magnifiques ornements qu'elle était fière d’étaler aux yeux de toute la ville et qu’elle gardait avec un soin jaloux. Elle était fière aussi et jalouse de sa cloche, la plus grosse de Saint Nicolas, peut-être de la ville, qui pesait plus de 2,000 livres. Surtout, elle était fière de ses tapisseries. Elles avaient été faites, en 1649, par un artiste nantais, Gabriel Pierron. Brodées en soie et dessinées avec art, elles étaient vraiment splendides. Huit grandes pièces représentaient la Nativité de Marie, sa Présentation, l’Annonciation, la Nativité de Notre Seigneur, la Purification, l’Adoration des Mages, le Retour des Bergers, l’Assomption ; elles décoraient le choeur dans l’ordre où je viens de les énumérer. Une neuvième pièce, plus petite, représentait la Fuite en Egypte : elle était placée entre le maître-autel et celui de la Confrérie. Les marguillers de Saint-Nicolas avaient l‘autorisation de s’en servir, ainsi que de la cloche et quelquefois de l’argenterie, mais il une condition, « que messieurs les nouveaux fabriqueurs fassent, au commencement de leur charge, civilité à ce sujet aux prévôts » de la Confrérie.

Aux jours de sa splendeur, la Confrérie savait se montrer généreuse: elle vient en aide aux hôpitaux dans les épidémies ; elle accorde d’importants secours aux victimes des incendies ; elle contribue à la construction d’une salle de catéchisme à Saint Nicolas, « la seule paroisse du diocèse que l’on sache avoir un lieu destiné a cela » ; elle paie un riche vitrail à l’église paroissiale ; enfin, elle offre, pendant de longues années, un don de 60 livres au prédicateur du carême.

Hélas ! avec le XVIIIe siècle vint la décadence : la dépréciation de l‘argent réduisit considérablement la valeur des fondations, alors que, d’un autre côté, les honoraires des services étaient augmentés ; puis ce fut la perturbation amenée dans les affaires par la banque de Law. Les cotisations diminuèrent et toutes les ressources décrurent : ce fut le déficit. Des prévôts intelligents et dévoués firent des réformes, rédigèrrnt des statuts, tinrent la main a la bonne gestion des finances et réussirent à conserver un peu de vie a leur chère Confrérie. Toutefois, elle ne revit plus les beaux jours d’antan et elle ne faisait guère que végéter quand la Révolution lui porta le dernier coup.

 

Le cierge de la Chandeleur symbolise Jésus-Christ, et c’est la Sainte-Vierge qui nous donne Jésus Christ : c’est elle qui, dans le mystère adorable de l’Incarnation, a été choisie de Dieu pour le donner a la terre ; c’est elle qui, depuis dix-neuf siècles, continue et, jusqu’à la fin des temps, continuera de nous le donner. « Il n’est route, en effet, ni plus sûre ni plus facile que Marie pour aller à Jésus et pour obtenir, moyennant Jésus, cette parfaite adoption des fils, qui rend saint et sans tache sous le regard de Dieu ». Qui, mieux que Marie possède la connaissance de notre divin Sauveur, qu’elle a porté dans son sein, qu’elle a suivi d’un regard maternel pendant toute sa vie, dont elle a médité sans cesse les mystères ? Qui, par conséquent, est plus capable de nous mener à la connaissance de Notre Seigneur Jésus-Christ ? L’Evangile fait la remarque que le miracle de Cana fut le premier accompli par Jésus et qu’à sa vue, ses apôtres crurent en lui ; or, c’est Marie qui l‘avait obtenu ; d’où nous pouvons conclure que c‘est Marie qui procura aux apôtres la vraie connaissance de Jésus. C’est le.premier acte du rôle qu’elle remplit a travers les âges.

Nous pouvons le dire, ce qui manque le plus au monde, particulièrement à cette époque, c’est la connaissance de Jésus-Christ. Elle manque aux infidèles qui couvrent les trois quarts de notre globe ; elle manque aux hérétiques qui ont déchiré la robe sans couture de l’Eglise en se séparant d’elle ; elle manque aux catholiques apostats et rebelles, qui se multiplient tous les jours ; elle manque aux indifférents et aux mondains qui sont la foule ; elle manque même aux bons catholiques, qui ne savent pas comprendre le Maître ou qui n’ont pas le courage de le suivre.

Demandons à Marie de nous montrer, comme autrefois à Siméon, « cette lumière venue pour éclairer les nations ». Et répétons la prière de nos ancêtres : « Notre Dame de la Chandeleur, priez pour nous ».

 

ND de Nantes

 

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8 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Neuvième jour

Notre Dame de Créé-Lait

 

A l’entrée de la chaussée de la Madeleine, à Nantes, entre les numéros 7 et 9, on aperçoit, au fond d’une ruelle, une vieille maison, portant l‘enseigne de la Boule d’Or. En face de cette maison, sur le terrain qu’occupe actuellement le square de l’Hôtel-Dieu, se voyait naguère un édicule, dégradé par le temps et dont les restes mutilés indiquaient une oeuvre du XVe siècle. On l’appelait le « Pilier de Notre-Dame », ou bien encore, d’un nom plus vulgaire et plus expressif : « Notre-Dame de Crée-Lait ». La chaussée, sorte de pont qui s’allongeait pendant trois à quatre cents pas, sur des arcades de pierre, à travers les prairies basses de la Madeleine, ne commençait alors qu’à l’auberge de la Boule d’Or, et la voie étroite et courte qui, du pont de la Belle-Croix, aboutissait à la chaussée, s’appelait « rue de la Bonne Vierge de Crée-Lait », nom très compréhensible dont la foule ignorante avait fait « rue Bonne-Vierge-Grêlée ».

L’origine de cette humble construction et la dévotion qui y conduisit nos pères, pendant près de quatre siècles, méritent qu’on les signale. Vous avez tous entendu parler de ce Gilles de Raiz, dont l’histoire s’est confondue chez nous avec la légende de Barbe Bleue. C’était un riche et puissant seigneur, ses terres étaient immenses et ses revenus dépassaient un million de notre monnaie ; c’était un brave aussi : il avait combattu vaillamment aux côtés de Jeanne d’Arc et, dès l’âge de 27 ans, il avait conquis, à la pointe de son épée, le bâton de maréchal de France. Mais il avait été gâté par des parents trop faibles, et des passions ardentes que nul, dans son enfance, ne s’était occupé de réprimer, l’avaient emporté vers l’abîme et avaient fait de lui le monstre hideux et lubrique dont le souvenir nous fait horreur. C’est par centaines que l’on compte les enfants qui furent ses victimes, et les mères ne peuvent entendre prononcer son nom sans tressaillir d’effroi.

L’évêque de Nantes, Jean de Malestroit, sans se laisser effrayer par la puissance du monstre et par les liens de parenté qui l’unissaient à deux familles souveraines, dénonça ses forfaits. Le duc Jean V lui donna des juges et, le 25 octobre 1440, Gilles de Laval, baron de Batz et maréchal de France, fut condamné à être brûlé vif. Ce fut un événement public : les pères et les mères jeûnèrent trois jours pour lui obtenir la miséricorde divine et infligèrent, dit-on,la peine du fouet à leurs enfants, afin qu’ils gardassent dans leur mémoire le souvenir du châtiment terrible qui allait frapper ce grand criminel. La sentence fut exécutée sur la prairie de la Madeleine ; les cloches de toutes les églises tintèrent des glas et une procession précéda le coupable jusqu’au lieu du supplice ; le clergé, l’évêque, le duc lui-même étaient là. En considération de son rang et de son repentir, Gilles de Raiz fut d‘abord étranglé et son cadavre, à peine touché par les flammes, fut enseveli dans l‘église des Carmes.

En exécution des dernières volontés du défunt, on érigea, sur le lieu de son supplice, une croix de pierre, la Belle Croix. Dans le soubassement qui la portait, ou,ce qui me parait plus probable, dans une sorte de mur étroit ou de pilier élevé il quelque distance, on creusa trois grottes en style gothique de l‘époque et l’on y plaça l’image des saints préférés du seigneur de Raiz, celle de Notre Dame au milieu, puis, à droite et a gauche, celles de saint Gilles et de Saint Laud.

Avant de mourir, le grand coupable, repentant de ses crimes, avait déclaré « que sa mauvaise éducation était cause de tous ses désordres, que l’oisiveté l’avait perdu, que les mères devaient refuser a leurs enfants des mets trop délicats et, au contraire, les nourrir de bons principes ». Les mères chrétiennes prirent l’habitude de venir au Pilier de Notre Dame prier pour le malheureux qui les avait tant fait pleurer et demander, en même temps, à leur bonne Mère du Ciel, la grâce pour leurs propres enfants de ne pas marcher sur ses traces. Elles faisaient ordinairement ce pèlerinage dans les mois qui suivaient immédiatement leur délivrance, alors qu’elles nourrissaient encore ces chers petits. Naturellement, elles ne se contentaient pas de solliciter pour eux des grâces d’ordre surnaturel, mais elles demandaient aussi des avantages temporels, et particulièrement le lait dont elles avaient besoin pour les nourrir. Bientôt, comme il arrive presque toujours, hélas ! Les préoccupations temporelles l’emportèrent sur les autres et l’on ne demanda plus guère a Notre Dame que la nourriture nécessaire aux petits enfants. De là ce vocable singulièrement expressif, inventé par le peuple : Notre-Dame de Crée-Lait.

Pendant des siècles, un courant de dévotion conduisit les mères au Pilier de Notre-Dame. Malgré l’encombrement de la rue, plus étroite à cet endroit qu’elle ne l’est aujourd’hui et voie unique de communication de la rive gauche avec la ville, on y voyait souvent des mères agenouillées, et parfois même des foules considérables. Marie ne pouvait manquer d’exaucer les prières qu’inspirait cette foi simple et touchante. Le Bureau de ville, qui s’intéressait à tous les souvenirs de la cité, arrêtait, le5janvier 1578, de faire établir un auvent protecteur au-dessus des trois statues pour assurer leur conservation. La Terreur mit fin à ce modeste pèlerinage. Les trois statues furent enlevées et probablement détruites. Toutefois, les niches subsistèrent jusqu’en 1867. A cette époque, le Pilier de Notre-Dame fut renversé pour l’aménagement du square de l’Hôtel-Dieu. En d’autres temps, on ont regardé connue un devoir de dresser, sur cet emplacement consacré par la piété populaire, au milieu de la verdure et des fleurs du jardin, un autre « pilier » et une nouvelle image de Notre-Dame ; le Bureau de ville de l’an de grâce 1578 n’y eût pas manqué ; notre société laïque, pour ne pas dire païenne, n’a plus de ces pieuses délicatesses et la naïve dévotion à Notre-Dame de Crée-Lait a pour toujours disparu. Pour trouver quelques restes du vieux monument, il faut aller au Musée archéologique, où sa partie supérieure a été recueillie et gît mélancoliquement au milieu d’autres débris du passé. Il est vrai pourtant que, sur le pont voisin, se dresse toujours la « Belle-Croix ».

 

La leçon qui se dégage de ce court historique est surtout pour les mères : permettez-moi donc, Mesdames, en terminant, de m’adresser plus spécialement il vous. À l’exemple de vos devancières, demandez la nourriture corporelle pour vos enfants. Elle est nécessaire, et c’est Dieu qui la donne ; c’est Dieu qui féconde le sein des mères et y distille mystérieusement la liqueur précieuse qui fortifie et fait grandir ces êtres chéris : c’est à Dieu donc qu’il faut la demander. Mais si l’on veut être plus sûrement exaucé, il est bon d’employer l’intermédiaire de Notre-Dame. Demandez en même temps la grâce de comprendre et d’aimer ces grands devoirs de la maternité que Dieu impose, mais que le monde rejette ou dédaigne, parce que l’égoïsme les redoute ou simplement parce que la mode les prescrit.

Demandez à Marie de comprendre et de pratiquer les conseils que Gilles de Raiz mourant donnait, de son échafaud, a toutes les mères de tous les temps. Gardez-vous, dans l‘éducation que vous donnez à vos enfants, de la mollesse et de l’oisiveté. Un orateur catholique le disait au siècle dernier : « La mollesse énerve l’âme et en détruit le ressort; tout languit dans l’enfant a qui l’on ne refuse rien. Si vous voulez faire de votre enfant un homme, ne l’amollissez pas par des soins exagérés, sinon le sentiment de l’honneur s’affaiblira dans son âme et son sang s’appauvrira dans ses veines. Inconnu aux hommes, oubliant Dieu, il ne sera rien, ni en cette vie, ni en l’autre. Vous lui aurez appris a manger et non il travailler, a dormir et non à veiller, à céder et non il vaincre, a véiller et non à vivre : votre mollesse aura tout perdu ».

Appliquez-vous surtout à « nourrir vos enfants de bons principes ». Et qu’est-ce donc que nourrir ses enfants de bons principes ? C’est mettre sur leurs lèvres les noms de Dieu, de Jésus et de Marie, et ces premières prières, les prières de l’enfance, qui restent gravées dans la mémoire jusqu’au dernier souffle, et que l’on aime toujours, même quand on n’a plus le courage de les redire ; c’est mettre dans leur intelligence, avec la connaissance des choses de Dieu et de la religion, une foi que les attaques de l'impiété non plus que les séductions du vice ne sauraient ébranler ; c’est mettre sur leur front l’orgueil de cette foi, le sent orgueil permis, celui qui fait que l’on ne rougit pas de son baptême, que l’on ne s’incline pas devant les idoles, que l’on ne s’abaisse pas devant les puissances ; c’est mettre dans leur cœur la volonté qui fait les hommes, les héros et les saints. Voilà, mes Frères, la leçon qui ressort de notre vocable; voilà ce que signifie cette invocation qui, peut-être, vous fait sourire : « Notre-Dame de Crée-Lait, priez pour nous ! »

 

ND de Nantes

 

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7 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Huitième jour

Notre Dame de Fréligné

 

A l’extrémité sud-ouest de la paroisse de Touvois, à deux pas du Falleron, petit fleuve sans gloire, qui sépare la Bretagne de la Vendée, s’élève une modeste chapelle chère, depuis les âges les plus reculés, aux habitants voisins des deux provinces: on l’appelle Notre Dame de Fréligné. À la fin du XVIIe siècle (1689), on la disait déjà fort ancienne et, de fait, l’observateur attentif qui la visite et qui remarque son architecture, mélange assez incohérent de roman et de gothique, est naturellement incliné a lui donner, pour date d’origine, la seconde moitié du XIIe siècle.

La légende rapporte que de riches Anglais, battus par la tempête et menacés de naufrage, firent vœu de bâtir un oratoire a la Sainte Vierge près du lieu de leur débarquement, si elle les sauvait de la mort. La Vierge puissante exauça leur prière et les voyageurs, reconnaissants, réalisèrent leur vœu. Aussi, Notre Dame de Fréligné passe pour avoir été bâtie par les Anglais et, dans le pays, on l’appelle généralement la chapelle des Anglais.

Ces faits ne paraissent nullement improbables quand on se rappelle que, dans le courant du XIIe siècle, le Poitou fut apporté en dot au roi d’Angleterre, par Eléonore d’Aquitaine et quand on songe que la mer, en ce temps-là, pénétrait beaucoup plus avant dans les terres. La fondation nouvelle, a une date que nous ne pouvons préciser, fut donnée, avec quelques revenus, â l’abbaye augustine de Geneston, et les moines prirent l’engagement d’y célébrer une messe chaque semaine. Toutefois, ils s’entendirent de bonne heure avec le recteur de la paroisse, pour assurer le service. Pendant des siècles, on y célébra la première messe du dimanche ; et les jours de fêtes de la Vierge, tout le clergé paroissial s’y transportait pour chanter solennellement les offices. Les habitants du voisinage, tout dévoués â Notre-Dame, réclamaient souvent la faveur de dormir leur dernier sommeil à l’ombre de son sanctuaire, et un assez vaste cimetière s’étendait tout autour. Le cimetière n’est plus qu’un souvenir, mais le placis verdoyant qui le remplace est toujours dominé par la croix.

L’Archidiacre de Nantes, qui visita Fréligné au XVIIe siècle, nous a laissé une curieuse relation. Il prend soin de signaler l’antiquité de l’oeuvre, le joli clocher qui surmonte la chapelle et les deux cloches qui s’y balancent harmonieusement pour appeler les pèlerins, les vastes greniers où l’on dépose les dons en nature offerts par la piété généreuse des fidèles, les fresques a demi effacées par le temps qui décorent les vieilles murailles, les ex-voto de cire qui disent la puissance de Notre Dame et la reconnaissance de ses pauvres suppliants, enfin « la très vieille image d’une Vierge allaitant son enfant, taillée en bosse dans une grande pierre carrée ». Surtout il remarque avec satisfaction qu’il y a à Fréligné « de très grandes dévotions ». Peut être, s’il avait en le temps d’interroger les anciens du pays, eut-il appris que ce pèlerinage était jadis célèbre parmi les habitants du Bas-Poitou et que. son renom s’étendait au loin ; peut-être eut-il noté, dans sa relation, qu’aux temps lointains du XIVe siècle, durant la guerre qui mit aux prises pendant cent ans l’Angleterre et la France, les belligérants accordaient des laissez-passer aux pèlerins de Fréligné ; peut-être eut-il recueilli quelques uns de ces curieux jetons dont on retrouve encore des spécimens aux archives de Poitiers.

Pendant la Révolution, la chapelle fut d‘abord livrée à des usages profanes, puis incendiée, avec tout le village, par les colonnes infernales. La vieille charpente s‘abîma dans les flammes, mais les épaisses murailles, que six siècles n’avaient pu ébranler, résistèrent à l’action du feu. Au printemps de 1794, 2,000 soldats s’établirent dans un camp fortement retranché, à quelques pas des ruines. Leurs déprédations incessantes, les incendies et les meurtres qu’ils multipliaient tous les jours exaspérèrent les Vendéens. Charette résolut de les débusquer. Le 14 septembre, il convoque les paroisses du quartier; le 15, il est a Fréligné. Les paysans qui l’entourent et dont les demeures ont été brûlées, les familles massacrées, se précipitent, ivres de vengeance, â l’assaut. Leur colonne arrive sur le placis qui s’étend au-devant de la chapelle en ruines. Alors, d’un même mouvement, tous tombent a genoux, et, dans une fervente prière, demandent à Notre Dame la grâce de vaincre on de mourir de la mort des saints. Déjà les balles ennemies sifflent sur leurs tètes ; n’importe, ils achèvent leur prière. Puis, se relevant, ils s’élancent à la bataille. La résistance des soldats patriotes fut longue et vaillante ; mais que pouvaient-ils contre ces héros protégés par Marie ? La victoire, cette fois encore, fut pour la Vendée.

Avec la paix reprirent les pèlerinages. La chapelle était en ruines, sans doute : quatre murs, un autel fait de quelques planches, un drap au-dessus de l’autel... Mais c‘était le sanctuaire aimé de Notre Dame, et le vieux curé retour d'exil y célébrait la messe, et les survivants de la grande guerre s’agenouillaient au milieu des débris. Enfin, revinrent les beaux jours. En 1820, on reconstruisit la toiture ainsi que le clocher, et toutes les paroisses voisines se réunirent pour transporter dans le sanctuaire rajeuni la nouvelle statue, remplaçante de la « vieille image » de pierre que la tempête n’avait pas respectée.

Depuis 1839, on ne célèbre plus la première messe du dimanche a Notre-Dame de Fréligné, l’église paroissiale garde jalousement son privilège. Cependant, sept fois par an, les lundis de Pâques et de la Pentecôte, et a cinq fêtes de la Sainte Vierge, le clergé paroissial, entouré des dévots serviteurs de Notre Dame, vient y célébrer tous les offices.

C’est le 8 septembre, fête patronale du pèlerinage, qu’il faut aller a Fréligné. La chapelle et ses alentours sont gracieusement décorés, et la foule pieuse accourt de cinq et six lieues a la ronde. À 9 heures et demie, deux processions s’ébranlent, l’une vient de Touvois, c’est la procession bretonne ; l’autre, la Vendéenne, part de l’église de Falleron. Le rendez-vous est sur le placis de la chapelle,car la nef est trop étroite pour contenir la foule, et c’est sous une tente, à l’abri du calvaire, dont le piédestal est transformé en autel, que le prêtre célèbre le saint sacrifice. Dans la soirée, on chante solennellement les vêpres et l’on donne, du haut de l’estrade, la bénédiction du très saint sacrement. Dans l’intervalle des deux cérémonies, la foule, en longues files, s’en va prier dans la chapelle, et de la se dirige pieusement vers « la bonne fontaine », pour demander des grâces et des miracles à Marie. C‘est toujours par milliers que l’on compte les pèlerins, des prêtres nombreux accompagnent leurs paroissiens, et, deux fois au moins, depuis vingt ans, on y a vu Monseigneur l’évêque de Nantes.

 

Un procès-verbal authentique, nous venons de le voir témoigne que l’ancienne statue de Frétigné représentait la Vierge-Mère allaitant son enfant. C’est donc Marie, nourricière de Jésus, que l’on honorait en ce lieu. Marie, nourricière de Jésus ! A ces mots, quel tableau a la fois plein de réalisme et de gracieuse poésie se déroule à nos yeux ! Le Fils de Dieu, en se faisant homme, a voulu se soumettre a toutes les faiblesses du jeune âge, et Marie dut l’entourer des soins que les autres mères prodiguent a leurs enfants. L’Evangile nous apprend, en effet, qu’à sa naissance la mère de Jésus l’enveloppa de langes, puis le coucha sur la paille d’une crèche : ces détails du saint Livre nous permettent de conjecturer ce que fut la première enfance du Sauveur et de contempler la Vierge-Mère penchée, nuit et jour, sur son enfant. La voyez-vous, mes Frères, présentant à sa lèvre altérée le breuvage qu’elle réclame, couvrant ses membres débats des pauvres vêtements qui les défendront contre la froidure, veillant amoureusement sur le sommeil de l’Enfant-Dieu, guidant ses pas mal assurés dans leurs premiers essais et enseignant ses lèvres inhabiles â bégayer des mots ? Quels abaissements ! Mais quelle grandeur pour Marie !

Marie est aussi notre mère. N’est-ce pas une conséquence qu’elle soit la grande nourricière de l’humanité ? Dieu, qui se sert de son intermédiaire pour nous communiquer les trésors de sa grâce, doit en user également pour nous communiquer tous les autres biens. Les pauvres, les malheureux, les affligés l’ont compris, et ils se pressent aux autels de Marie, et ils la supplient d’apaiser leur faim, de vêtir leur nudité, de soulager leur misère, de leur donner tous les biens qu’ils n’ont pas. Et Marie les écoute, et leur confiance n’est point trompée. Ce sont surtout les tout petits qui réclament une mère nourricière ; ce sont eux surtout qu’elle assiste. Regardez au fronton de nos orphelinats catholiques : vous y verrez la Vierge-Mère qui tend les bras et sourit aux petits enfants. Cette image n’est pas seulement un symbole, c’est un portrait. La mère qui veille sur ces asiles, c’est Marie, et il semble parfois qu’elle emprunte la robe de bure et la cornette de la fille de charité pour traverser les rangs de ses chers petits, pour leur distribuer des caresses et du pain.

Marie, nourricière de Jésus et par la même des frères de Jésus, inspire confiance à notre misère, elle nous donne aussi d’instructives leçons. Elle encourage de son sourire les mères de la terre et leur recommande les petits frères de son Jésus : les soins dont il faut entourer leur enfance délicate sont un devoir bien deux pour les vrais Coeurs des mères ; mais ils semblent parfois une charge trop pesante aux âmes moins généreuses : Marie, nourricière de Jésus, c’est la récompense des unes, c’est le remords des autres. Enfin, elle nous montre à tous les tout petits qui n’ont pas de mères, les tout petits qui n’ont pas de pain, et nous rappelle éloquemment que celui qui possède est l’économe de Dieu et le nourricier du pauvre.

 

ND de Nantes

 

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6 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

Notre Dame de Bethléem de Saint Jean-Boiseau

Septième jour

Notre Dame de Bethléem

 

Nous avons étudié précédemment un vocable qui rappelle la plus belle des vertus de Marie, celle qui attira sur la pure jeune fille les regards de Dieu : je voudrais ce soir en étudier un autre qui rappelle sa principale grandeur, source de toutes celles qui suivirent.

Le voyageur qui se dirige du Pellerin a Saint Jean de Boiseau ne tarde pas a rencontrer, sur sa gauche, une fort jolie chapelle. Abritée contre les vents du Nord par le coteau de la Combe, presque cachée sous la feuillée, elle n’attire pas l’attention ; et pourtant c’est un bijou architectural du XVe siècle. Les paysans du voisinage, tout ignorants qu’ils sont des principes de l’art, se montrent fiers de leur chapelle. Ils disent volontiers qu’elle surpasse Saint Pierre de Nantes et que c’est le même architecte qui l’a construite.

Cette dernière assertion, si elle n’est pas prouvée, est du moins vraisemblable, car la chapelle, ai-je dit, date du XVe siècle, et elle n’est pas indigne de ce Mathurin Rodier, maître maçon, comme il s’intitulait, qui a donné a Nantes la façade de sa cathédrale et le choeur de Saint Antoine de Fade.

Je n’essaierai point de décrire les beautés de ce charmant édifice. Disons seulement que des fondations mêmes s’échappe une source limpide au-dessus de laquelle l’artiste a sculpté une jolie grotte ; et que, dans l’intérieur, on lit ces mots,gravés en lettres gothiques, sur une clé de voûte : « Templum Virgini dicatum Bethleem ». C’est le nom même de la chapelle : Notre Dame de Bethléem.

Quelle est l’origine de ce sanctuaire ? Est-ce, comme la légende le rapporte, le vœu d’un chevalier, ramené de la croisade par la protection de Marie, et qui voulut immortaliser ainsi le souvenir de son pèlerinage au berceau du Sauveur ? Est-ce, comme le conjecture un érudit, le zèle éclairé d’un pasteur qui voulut faire disparaître des pratiques superstitieuses, en honorant Notre-Dame de Bethléem, sur l’emplacement occupé par une idole celtique, dont le nom de « Bétélian », « Pierre folle », est resté aux champs voisins ? Je n’en sais rien. Ce qui paraît plus certain, c’est que l’édifice actuel a été construit par les Goheau, seigneurs de Saint ignan, et est dû surtout a la piété magnifique de l’un d’eux, abbé de Geneston. Cette noble famille n’était pas à ses débuts dans la générosité, et, dès le XIIe siècle, elle avait déjà donné à Sainte Marie de Geneston cette terre de la Pierre folle, Petra stella, sur laquelle frère Jehan Goheau devait lui élever plus tard ce splendide monument.

De tous ces détails retenons seulement que le culte de Marie dans ce lieu date au moins de sept siècles. Nous pouvons ajouter qu’il n’est point déchu. Les curés de Saint Jean ont restauré la chapelle, sans pouvoir, hélas ! lui rendre sa splendeur d’antan, et l’entretiennent avec amour. Chaque année, le mardi de Pâques, c’est grand pardon au pays : on va en procession à la chapelle, les femmes prennent part à la communion générale, les plus mécréants parmi les hommes franchissent ce jour-là le seuil du vieux et cher sanctuaire, et retrouvent dans leur mémoire quelques-unes des prières d’autrefois. Et savez-vous comment le peuple explique cette date du mardi de Pâques choisie pour le pardon ? C’est que le pèlerinage a pour but de consoler Marie de toutes les tristesses qu’elle a éprouvées pendant la Passion de son Fils. N’est-ce pas à la fois touchant et gracieux ?

Nantes avait aussi, et c‘était encore sur la paroisse de Saint Nicolas, son pèlerinage de Notre Dame de Bethléem. Faute de détails, contentons-nous de le nommer. C’était un simple autel érigé sous ce vocable, dans la chapelle Sainte-Catherine. Les Nantais cependant ne manquaient pas d’y aller prier, et nous avons vu que, en 1487, ils y firent une procession solennelle.

Mais si, dans les siècles passés, notre ville n’avait érigé qu’un autel à Notre Dame de Bethléem, elle lui a construit de nos jours une chapelle et tout un vaste établissement. Mieux que moi sans doute, vous connaissez l’histoire intéressante et simple de cette création. C’était… à l’époque où le choléra jetait la terreur a Nantes, principalement dans les quartiers populaires, en 1854. Dans la pauvre et toute récente paroisse de Saint Félix. le fléau avait fait dix orphelins. Il y avait la un vicaire au cœur d’or, M. l’abbé Gilbert Bauduz, qui s’est éteint pieusement, il y a quelques années, et que vous avez tous connu. Il prit les orphelins a sa charge. Le nombre s’en accrut rapidement, et il fallut, pour les loger, bâtir une vaste maison. Le bon M. Bauduz, sachant peut être que la propriété voisine de la Houssinière avait possédé jadis une chapelle dédiée à Notre Dame de Bethléem et dans laquelle, chaque dimanche, on célébrait une messe fondée par de pieux chrétiens, voulut donner ce même nom a son établissement. C’était d’ailleurs un nom plein de promesses et admirablement choisi : M. Bauduz n’ignorait pas que Bethléem veut dire maison du pain, et que la Mère de Jésus, émue par le souvenir des angoisses de la nuit de Noël, servirait de mère à ses pauvres orphelins et saurait bien leur procurer du pain. Vous savez le reste, et que, depuis cinquante ans, des milliers d’enfants ont dû la vie du corps et la vie de l’âme, le pain matériel et le pain céleste à Notre Dame de Bethléem.

 

Notre Dame de Bethléem ! Quel mystère ineffable nous rappelle ce nom ! Relisons l’Evangile selon Saint Luc : « Vers cette époque parut un édit de César Auguste ordonnant d’opérer le dénombrement universel de la population. Ce dénombrement, qui était le premier, fut exécuté par Cyriuus, gouverneur de Syrie. Chacun devait aller en son lieu d’origine se faire enregistrer sur les rôles. Joseph qui était de la tribu et de la Famille de David partit donc de Nazareth, ville de la Galilée, pour monter au pays de Judée et se rendre a Bethléem, la cité de David, afin d’y être inscrit avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Or, pendant qu’elle était a cet endroit, il advint que le moment d’enfanter arriva ; et elle mit au monde son Fils premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche ; car, pour eux, il n’y avait pas de place a l’hôtellerie ».

Quelques pauvres bergers, convoqués par les anges, accourent aussitôt ; ils adorent Jésus, le Fils de Dieu devenu le Fils de Marie; ils vénèrent aussi la Mère après avoir adoré l’Enfant : les premiers, ils rendent leurs pieux hommages à Notre-Dame de Bethléem. Des mages, guidés par l’étoile mystérieuse, viennent à leur tour du fond de l’Orient : eux aussi adorent le Dieu fait homme ; eux aussi vénèrent la Mère en même temps qu’ils adorent l’Enfant : après les pauvres les riches, après les ignorants les savants rendent leurs hommages à Notre Dame de. Bethléem.

Depuis ce temps, la grotte de la Nativité est devenue un lieu de pèlerinage pour les chrétiens : qu’y vont-ils faire ? Ah ! Sans doute, tout d’abord et principalement, comme les bergers et les mages, ils vont adorer Jésus, le Dieu fait homme, le Sauveur du Monde ; mais ils vont aussi vénérer sa Mère. Aujourd’hui l’on voit dans la grotte une étoile d’argent éclairée par seize lampes, qui se détache sur le marbre blanc dont les parois sont revêtues, et une inscription commémorative : « Hic de Virgine Maria Jesus Christus natus est : Ici de la Vierge Marie est né Jésus Christ » C’est l’Enfant-Dieu, c'est Jésus-Christ que l’on y vient adorer; mais on y vénère en même temps la Vierge sa mère, Notre Dame de Bethléem.

Voilà la signification de ce vocable ; il rappelle la plus grande gloire de Marie, principe de toutes les autres, qu’elle est la Mère de Jésus, la Mère de Dieu! C’est de son sang virginal que le corps de l’Homme-Dieu a été façonné, c’est dans son sein qu’elle l'a porté, c‘est dans ses bras qu’elle l’a reçu. Comme Adam, apercevant pour la première fois la femme que Dieu lui donnait pour compagne, Marie peut dire en contemplant Jésus : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair ! » Oui, Marie est mère de Jésus, Marie est mère de Dieu !

Mais elle est aussi notre mère a nous, et l’on peut dire c’est la doctrine exposée récemment par Pie X, que Marie, dès là qu’elle est mère de Jésus-Christ est nécessairement mère des hommes. Il y a en Jésus comme une double manière d’être, l’une physique, l’autre morale. Il y a Jésus, Fils du Père Eternel ; et il y a Jésus, chef de l’humanité régénérée, attirant a lui, en se communiquant a eux, tous les membres de l’humanité pour ne faire avec eux qu’un seul corps dont lui est la tête et dont ils sont, eux, les membres. Mais ces deux manières d’être sont inséparables en Jésus, et Marie, mère du Christ, Fils de Dieu, est par là-même mère du Christ, chef de l’humanité, mère du Christ dans ses membres, mère de tous ceux qui surnaturellement ne font qu’un avec le Christ. On ne peut donc séparer en Marie la Mère de Dieu et la Mère des hommes. Jésus n’a fait que proclamer cette doctrine quand il a jeté, du haut de sa croix, ces mots que l’humanité a pieusement recueillis et qui alimentent la piété catholique depuis dix neuf siècles : « Voilà votre Fils ! Voilà votre Mère ! »

Il n’est rien de plus propre a fortifier notre confiance que cette belle doctrine catholique de la double maternité de Marie. Il n’est donc pas de vocable plus doux que celui qui nous la rappelle : Notre Dame de Bethléem.

 

ND de Nantes

 

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5 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Sixième jour

Notre Dame de Bonne Nouvelle

 

Dans la commune de Puceul, au chef-lieu de la paroisse de la Chevallerais, nous trouvons une modeste et gracieuse église consacrée à Notre-Dame de Bonne Nouvelle. Écoutons d’abord parler la légende.

C’était, il y a longtemps, bien longtemps, sur les bords de l’Isac. Des bois s’étendaient entre Saffré et Blain, jusqu’à ceux du Cuivre, avec lesquels ils ne formaient sans doute qu’une seule et immense forêt. Un jour, un pauvre bûcheron, qui travaillait dans les halliers, aperçut une belle Dame, auprès d’une source d’eau vive ; et, comble de bonheur ! la belle Dame se fit connaître et dit qu’elle voulait, en ces lieux, une chapelle dédiée il son nom. Le lendemain, revenant au même endroit, il trouva une statuette de la Sainte Vierge cachée dans les broussailles.

Le bûcheron était pauvre et, par conséquent, incapable d’élever, a lui seul, un superbe édifice : il mit sa cognée au service de la belle Dame, fit disparaître les broussailles, tailla des poutres dans la forêt, et bientôt la madone eut sa chapelle, bien humble il est vrai, avec ses cloisons et son toit de feuillage, mais monument touchant de foi et d’amour. Puis, quand la statuette eut été placée dans son sanctuaire, le dévot serviteur de Marie se prosterna devant elle, et les foules vinrent après lui prier devant l’image miraculeuse et boire à la source bénie.

Or les seigneurs du voisinage, pour se délasser de leurs chevauchées guerrières, venaient souvent chasser dans la forêt, aux environs du pauvre oratoire. Un jour, l’un d’eux, croyant frapper une bête fauve, atteignit et blessa grièvement un de ses compagnons. Dans sa désolation, le chevalier, de la le nom de Chevallerais, promit d’élever une chapelle à la Vierge, si le blessé guérissait. Quelque temps après, informé de cette bonne nouvelle, le noble seigneur accomplit sa promesse, et une chapelle convenable remplaça, avec le titre de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, la hutte du pauvre bûcheron.

Quoi qu’il en soit de cette gracieuse légende, nous connaissons, par les archives de Saffré, l’existence de la chapelle en 1620, et nous avons appris naguère, en compulsant un vieux registre de Puceul, que le recteur de cette dernière paroisse fit restaurer, en 1722, la chapelle de la Chevallerais.

Pendant des siècles, les pèlerins allèrent prier dans ce modeste sanctuaire et, peu a peu, des habitations se groupèrent aux alentours. Le hameau ne tarda pas à devenir une fratrie distincte et posséda son chapelain. Les mauvais jours arrivèrent, et le troisième chapelain de la Chevallerais, Jean-Martin Chrétien de la Cour, périt, malgré ses quatre-vingts ans, dans les eaux de la Loire. Marin Leroy, son successeur, jeune mais infirme, ne fut pas plus heureux et périt avec lui.Les révolutionnaires de Blain tirent une expédition contre la chapelle et la livrèrent aux flammes. Mais l’un d'eux, pris de remords sans doute, sauva la statuette et la remit à une femme du village, qui la conserva avec amour.

La frairie de la Chevallerais restait fidèle à Dieu et à Notre-Dame. Un prêtre non sermenté, M. l'abbé Chédeville, y fixa sa résidence et y entretint ces sentiments chrétiens. Aussi, dès 1795, les habitants relevèrent la chapelle de ses ruines et, quand le Concordat de 1802 ramena définitivement le calme et la liberté religieuse, la statuette vénérée reparut sur son autel. Un prêtre du voisinage, M. l’abbé Le Bastard, vint s’installer au milieu de ces braves gens et, pendant plusieurs années, il y dirigea un petit séminaire qu’il avait fondé à l’ombre du sanctuaire de Marie.

Depuis, la frairie est devenue paroisse ; une église simple, mais de bon goût, a remplacé la chapelle croulante ; et les habitants y invoquent, avec plus de confiance que jamais, Notre Dame de Bonne Nouvelle. Les fidèles du voisinage y font souvent des pèlerinages. Puceul Surtout, la paroisse-mère, qui ne se console pas d’avoir perdu sa perte la plus précieuse, se fait remarquer par sa fidélité au culte de la Bonne Mère. Quand quelque danger la menace, quand la sécheresse ou des pluies persistantes mettent les récoltes en péril, quand le croup, le terrible croup porte la désolation au cœur des mères et le deuil a tous les foyers, elle se forme en procession et court invoquer Marie. Dans son église neuve, elle s’est fait un devoir d’élever un autel à Notre Dame de Bonne Nouvelle ; et, pour traduire aux yeux du peuple le mystère de cette dévotion tant aimée, un de nos meilleurs artistes nantais, délicieusement inspiré,a taillé dans la pierre une Vierge-Mère présentant son Fils au monde.

Dans les temps anciens, N. D. de Bonne Nouvelle n’était pas Seulement honorée a la Chevallerais ; elle possédait, elle possède encore une petite chapelle à Donges. Cet humble édifice, que l’on aperçoit, a droite du chemin de fer, quelques minutes après avoir quitté la gare de Savenay, n’est pas éloigné de la Loire ; aussi les marins invoquaient-ils volontiers sa madone tandis que, de leur côté, les parents inquiets s’en allaient, pendant les voyages trop prolongés des leurs, demander à Marie de bonnes nouvelles.

A Nantes, dans la chapelle Saint Yves, on voyait un autel de N. D. de Bonne-Nouvelle où, chaque vendredi, sur la fin du jour, se chantait le Stabat ; on on voyait un autre à la Cathédrale. Ecoutez messire Vincent Charron : «Yves du Quirisec, issu d’une ancienne et noble famille de Bretagne, Scolastique de Vannes et chanoine de Nantes, fut fort affectionné à la Sainte-Vierge, en l’honneur de laquelle il fonda un beau salut a la Cathédrale dudit Nantes, qui se chante tous les samedys de l’an, après Complies, devant l’autel de N. D. de Bonne Nouvelle en ladite église, et y fonda depuis deux chapellanies, de deux messes par semaine chacune, et voulut être enterré devant ledit autel, après son décès qui arriva à tel jour (l6 janvier) l’an 1518. Il git sous une belle grande tombe de cuivre ».

 

Il y a bientôt dix neuf siècles, au milieu d’une froide nuit d’hiver, de pauvres bergers de Palestine furent favorisés d’une ravissante vision. Un ange tout resplendissant de lumière leur apparut et, connue ils étaient saisis d’épouvante, la douce voix du céleste messager leur dit : « Ne craignez point, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie : c’est qu’ilvous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur ». La bonne nouvelle par excellence, c’est la naissance du Messie, c’est la Rédemption prochaine, c’est le salut du monde. Et, à cause de cela, l’ange de Bethléem a été regardé, dans tous les siècles chrétiens, connue le messager de la Bonne Nouvelle.

Mais ne pouvons-nous pas dire que c’est Marie qui, la première, annonce cette bonne nouvelle au monde ? Je le faisais observer hier ; Marie, dès l’origine, a entretenu l'espérance de l’humanité; je puis bien ajouter aujourd’hui que la raison c'est la bonne nouvelle qu’elle annonçait. Je ne veux pas me répéter ; disons cependant que l‘apparition de Marie a été l’annonce de l’arrivée prochaine de Jésus; que le monde, a sa naissance, pouvait déjà la saluer du beau nom de Notre Dame de Bonne Nouvelle ; qu’ils ont été bien inspirés ceux qui ont choisi la Nativité de la Sainte Vierge pour fête patronale de notre sanctuaire. Tous les Pères de l’Eglise se sont plu à appeler Marie l’aurore du soleil de justice. Est-ce que l’aurore, à sa naissance, ne donne pas au monde l’heureuse nouvelle de l’apparition prochaine du soleil ? De même Marie, a sa naissance, donne au monde l’heureuse nouvelle de l’apparition du Messie.

Ce n’est pas tout. Nous disions avec Bossuet : les dons de Dieu sont sans repentance : le rôle qu’il a confié jadis à Marie, la Vierge le remplit encore. C’est elle qui annonça le Rédempteur a la terre, le salut au monde ; c’est elle encore qui annonce le salut il chacun d’entre nous et, plus particulièrement aux pécheurs. On le répète souvent, et c’est un fait d'expérience, la piété envers Marie est un sûr indice et connue un gage certain de sanctification et de salut. Ne regarde-t-on pas, dans l’Eglise catholique, la dévotion à la Sainte Vierge comme un signe de prédestination ? N’est-on pas accoutumé a désespérer presque du salut des insulteurs de Marie ?

N’a-t-on pas pour habitude de dire, avec preuves à l’appui, le serviteur de Marie ne périra pas ? Je puis donc bien l’affirmer, l’amour de Marie, la dévotion à Marie est l’annonce du salut assuré, et c’est encore pour cela que nous avons raison de l’appeler Notre Dame de Bonne Nouvelle. Je vais plus loin, et ma déduction est logique, le culte de Marie est le gage et l’annonce du salut pour les nations. La France était jadis couverte de sanctuaires dédiés à son nom et le peuple ne se lassait pas de les visiter. La France alors était prospère et glorieuse ; la France surtout était chrétienne. Durant le XVIIIe siècle, les pèlerins s’y rendirent moins nombreux, les chapelles furent négligées, plusieurs même tombèrent en ruines. La Révolution fit le reste et, durant les premières années du XIXe siècle, on acheva de démolir les précieux débris de ces sanctuaires désolés. La France, hélas ! vit s’évanouir ses gloires et la foi s’éteignit chez la plupart de ses fils.

Depuis un peu plus de quarante ans (Mois de Marie publié en 1904, ndlr), à la suite des apparitions de la Salette, de Lourdes et de Pontmain, la France s’est reprise à aimer Marie ; les vieux sanctuaires ont été relevés ou rajeunis et la foule en a retrouvé les chemins ; de nouvelles basiliques ont été fondées et les voies, ouvertes aux voyageurs par le génie moderne, ont été tout étonnées de voir des milliers de pèlerins, revenants d’un autre âge, traverser la France entière, jeter au vent leurs Avé et leurs refrains pieux. Alors la religion a relevé la tête. Ah ! Sans doute l’impiété blasphème plus que jamais, je le sais bien ; mais c’est de rage, et parce qu'elle sent qu‘elle joue sa dernière partie. Le nombre des timides diminue; le nombre des croyants, des courageux surtout, s’accroît d’une manière consolante ; on ne craint plus, comme autrefois, de se montrer publiquement chrétien, et, si le temps des persécutions revenait, ce serait aussi le temps des martyrs. Nous sommes loin du triomphe, c’est vrai ; mais courage ! Si nous voulons que notre France redevienne chrétienne, si nous voulons opérer notre propre salut, honorons Marie, aimons, invoquons Notre Dame de Bonne Nouvelle.

 

ND de Nantes

 

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4 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Cinquième jour

Notre Dame d‘Espérance

 

L’ordre logique de nos études m’amène à vous parler aujourd’hui d’un vocable de la très sainte Vierge, dont on peut vraiment dire qu’il est aussi vieux que le monde : Notre Dame d’Espérance. Quand, au soir de la chute, le grand Justicier prononça contre nos premiers parents la terrible sentence, il joignit il la parole de colère une parole de miséricorde : Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, entre sa postérité et la tienne, et elle t’écrasera la tête. Et lorsque, plus tard, les tristes exilés du Paradis terrestre sentaient le poids des malédictions divines peser trop lourdement sur leurs épaules, ils voyaient apparaître, comme une vision réconfortante, la femme, prédite par le Très-Haut, qui leur souriait doucement dans le lointain de l’avenir : c’était Notre Dame d’Espérance.

Quand, aux derniers jours du déluge, Noé, jetant un regard sur la terre désolée et songeant, non sans effroi peut être, à l’immense solitude qu’était devenu le monde, aperçut la colombe qui revenait dans l‘arche, tenant dans son bec un rameau d’olivier, il dut voir, dans cette messagère de paix et de pardon, la gracieuse image de Notre Dame d’Espérance.

Quand le prophète Isaïe, palpitant sous le souffle de Dieu, criait au peuple d’Israël : « Ecce Virgo concipiet : Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils que l’on appellera Emmanuel, l’Homme-Dieu » ; celle qu'il annonçait de la sorte, sept siècles avant sa venue, c’était Notre Dame d’Espérance.

Quand nos druides gaulois, dépositaires inconscients des traditions primitives, étranges interprètes des oracles divins, élevaient des autels il la Vierge qui devait enfanter, Virgini pariturae, ces surprenants hommages s'adressaient encore à Notre-Dame d'Espérance.

Quand sainte Elisabeth, saisie d’un transport céleste, disait à l'humble jeune fille qui venait de franchir le seuil de sa maison : « D‘où me vient cet honneur que la Mère de mon Dieu daigne me visiter ; et quand la Vierge répondait par ce sublime cantique que le monde chrétien ne se lasse pas de chanter, c’était la terre acclamant Notre Dame d‘Espérance, c’était Notre-Dame d’Espérance entonnant l‘hymne de la reconnaissance et de l’amour.

Vous étonnerez-vous maintenant que la piété catholique ait élevé, sur tous les points du globe, d’innombrables églises dédiées, sous ce vocable, à la très sainte Vierge Marie ? Le diocèse de Nantes ne fait pas exception. Dans la nouvelle église de Saint Nazaire, au dessus de l’autel de la sainte Vierge, un vitrail du transept gauche représente l’archange Gabriel, portant une banderole, avec l’inscription : « Spes nostra, notre Espérance ». C’est pour perpétuer le souvenir d’une chapelle ancienne et très vénérée que beaucoup sans doute parmi vous ont jadis visitée. Les vieillards l’appellent ordinairement la chapelle du Gand Cimetière, du lieu, autrefois et pendant des siècles principal cimetière de Saint Nazaire, où elle était située ; les jeunes la désignent plus habituellement sous le nom de chapelle du Fort, à raison de la batterie voisine qui défendait, il n’y a pas encore longtemps, l'entrée du port ; mais tous savent qu‘elle est consacrée à Notre Dame d‘Espérance.

On ignore son origine et l‘histoire de sa fondation; toutefois on remarque, sur la porte d’entrée, le blason de la famille de Carné, qui posséda la vicomté de Saint-Nazaire, dans la seconde moitié du XVIIe siècle (1660-1706), ce qui prouve que le monument actuel remonte au moins a cette époque.

A la Révolution, la commune s’en empara, et elle devint successivement magasin à fourrages, halle, écurie, pour être élevée enfin à la dignité de maison d’école. Un arrêté préfectoral la rendit à la fabrique en 1829, et elle redevint ce qu’elle était dans le passé, le sanctuaire très aimé de Marie. Plus tard, en 1861, M. l’abbé Bouyer, curé de la paroisse, fit procéder à sa restauration complète. Pendant toute la fin de ce siècle, elle fut un centre de piété. L’archiconfrérie pour la conversion des pécheurs y avait son siège. Les habitants du vieux Saint-Nazaire, héritiers des traditions de leurs pères, allaient volontiers la visiter, prier Notre Dame pour leurs marins, faire brûler des cierges devant son image, déposer des ex-voto, témoins authentiques de la bonté compatissante de la Mère et de l’amour reconnaissant des fils. Placée tout au bord de l'Océan, dont les embruns la recouvraient parfois, elle apparaissait bien vraiment connue l’espérance des marins, mis en péril par la tempête ; bâtie au centre d'un ancien cimetière, elle s’offrait bien naturellement aussi connue l’espérance des âmes ballottées sur la mer de ce monde et qui abordent au port de l’éternité.

Malheureusement, à l’occasion des travaux de la nouvelle entrée du bassin, la vieille chapelle, tant aimée de nos pères, a été récemment aliénée et désaffectée. Le cœur se serre de la revoir : à la place des bancs et des prie-Dieu, des sacs de plâtre ou de ciment ; à la place des pieux fidèles en prières, des ouvriers qui fredonnent des couplets profanes ou qui profèrent des blasphème !… Encore un vieux souvenir qui s'en va, encore un lambeau de nos antiques dévotions qui disparaît !

Machecoul posséda, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, sa chapelle de Notre-Dame d’Espérance. Elle était située dans le faubourg Saint Martin. Le temps et les hommes l‘ont renversée, et ses derniers débris ont depuis longtemps disparu. Je ne voudrais pas assurer que ceux qui foulent chaque jour le sol qui la porta en ont gardé même le souvenir.

En revanche, la ville de Nantes, qui n’avait jadis aucune église de ce nom, s’est enrichie, au siècle dernier, d’un beau sanctuaire dédié à Notre Dame d‘Espérance.

Vous connaissez, pour les avoir vues, empressées et délicates, a votre chevet peut-être, sûrement a celui de quelqu’un des vôtres, les religieuses hospitalières qui portent ce nom si doux. Fondées, à l’aurore du XIX° siècle, dans la ville de Bordeaux, elles vinrent s’établir à Nantes, en 1838, sous l’épiscopat et avec l’appui de Mgr de Hercé. J’aime a proclamer que c’est un missionnaire diocésain, de la maison de Saint François, M. l’abbé Briand, nom cher aussi d’ailleurs à cette paroisse qu’il administra pendant deux ans (1848-1850), qui leur en facilita les moyens et mérita d’être appelé « leur fondateur et leur père nourricier ». Elles s’installèrent d’abord à l’extrémité du territoire de Saint Nicolas, rue du Boccage, je crois, dans la maison qui fait face à la rue Bonne-Louise. La pauvreté des débuts ne leur permettait point d’avoir aumônier, ni chapelle. Mais l’église voisine de Saint-François s’ouvrait a leur piété, et les missionnaires étaient là.

Depuis, l’arbrisseau a été transplanté et a pris des proportions gigantesques. Les sœurs garde-malades ont bâti un vaste établissement et construit une superbe chapelle, dédiée, comme leur œuvre, à Notre-Dame d'Espérance. N’est-ce pas le nom qui convient à ces filles du ciel ? Et ne portent-elles pas vraiment l’espérance avec elles ? Oui, l’espérance ! Parfois l’espérance de la guérison et de la santé que hâtent leurs soins délicats; plus souvent encore, peut être, l’espérance du ciel qu’elles ouvrent a bien des pêcheurs endurcis, et dont elles rendent, aux autres, l’accès plus facile.

 

Invoquez donc, mes Frères, Notre-Dame d’Espérance. Invoquez-la pour vous. Qui donc peut se passer d’espérance ? Et l’espérance parfois nous manque. Les jours heureux sont clair-semés dans la vie et, bien souvent, au milieu des souffrances et des peines, le cœur le mieux trempé sent faiblir son courage. Les luttes pour la vertu fatiguent plus vite encore peut être ; que d’âmes, effrayées par les difficultés qu’il faut surmonter, par les tentations qu’il faut vaincre, par l’effort qu’il faut faire, et qui croient la lutte impossible, et qui désespèrent d’atteindre le but, et qui s’abandonnent au courant, comme le naufragé, épuisé par l’effort, qui finit par lâcher la branche qu’il avait saisie et se laisse emporter au fil de l’eau ! c’est alors, surtout, qu’il importe de jeter un regard et un cri suppliants vers Marie. Elle nous permet de lui demander ces biens et ces joies de la terre qu’elle dédaigna pour elle-même et, souvent, sa pitié maternelle les accorde à notre faiblesse; en tout cas, elle ne refuse jamais le baume qui adoucit, l’affection qui console et, réconforté par son sourire, en se relève et l’on marche son chemin plus vaillant et plus fort. Surtout elle accueille les pauvres âmes désemparées, elle ne manque jamais de leur accorder secours et protection, elle les lire de la l’ange et les prend dans ses bras pour les porter à Dieu.

Invoquez-la pour l’Eglise. Certes, l’Eglise n’a rien à craindre des orages qui grondent sur sa tête : les orages passent et l’Eglise demeure. C’est le chêne, cramponné au sol depuis des siècles, et qui, sans fléchir, affronte la tempête. Mais le souffle de la tempête, s’il n’ébranle pas le tronc, emporte par milliers les feuilles de nos grands chênes, celles surtout qui commencent à jaunir et dans lesquelles la sève ne circule plus qu’imparfaitement ; et elles s’en vont, roulées par l’ouragan, à la fange, à l’abîme. De même, les tempêtes qui soufflent contre l’Eglise font tomber, hélas ! Bien des âmes, surtout les âmes anémiées, il la foi affaiblie, a la vertu branlante, dans laquelle ne circule plus qu'imparfaitement la sève de la grâce : et elles s’en vont, à la fange, à l’abîme. Demandez donc à Marie d’écarter la tempête de l’Eglise, pour empêcher la perdition des âmes.

Invoquez-la surtout pour la France ! On dit que la France est a son déclin. Serait-elle donc finie, la glorieuse journée que Dieu lui accorda de vivre ? Va-t-il donc disparaître ce grand astre dont l’éclat illuminait le monde, comme ce soleil que nous voyons à la fin du jour s’incliner sur l’horizon et se coucher majestueusement dans l’azur ? La France est l’apanage, le royaume de Marie, et, durant les quinze siècles qu’elle a vécus, aux jours sombres de son histoire, Marie fut toujours sa suprême espérance. Elle ne peut faillir aujourd’hui aux promesses de son passé. Confiance donc, mes Frères, et ne vous lassez pas d’invoquer Notre Dame d’Espérance.

 

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3 mai 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Quatrième jour

Notre Dame de Grâce

 

Dans la partie sud-est de la commune de Guenroüet, sur la rive gauche et a deux pas de l’Isac, pour ainsi dire à l’ombre du château princier et des hautes futaies de Carheil, s’élève une modeste église paroissiale : Notre-Dame de Grâce. Il y a seulement soixante ans, le 22 juillet 1844, qu’elle a été décorée de ce titre; jusque là, ce n’était qu’une chapelle rurale de Guenroüet. Mais elle n’en est pas moins célèbre dans les fastes de la contrée, et peut-être remonte-t-elle aussi haut que la paroisse- mère, qui, pourtant, n’est pas jeune.

Les seigneurs du château voisin des Carheil d’abord, ensuite des Coislin, revendiquaient les titres de seigneurs fondateurs et prééminenciers dans la chapelle de Grâce, ainsi que dans l’église de Guenroüet ; ils y conservaient jalousement leurs droits de banc et de tombeau ; leurs armoiries, peintes sur la litre des murailles aussi bien que sur les vitraux, témoignaient orgueilleusement de ces droits. Et connue l’intérêt se mêle à tout dans la vie, les Cambout de Coislin, qui n’étaient pas sans voir, des fenêtres de leur manoir, l’affluence des pèlerins a certains jours, en conclurent qu’il serait bon d’établir des foires a leur profit sur le « pâtis » de la chapelle. Ils en sollicitèrent la création, et voilà comment, le 1er mars 1578, le Parlement de Bretagne opposait son visa sur une ordonnance royale accordant a M. de Cambout, vicomte de Carheil, trois foires par chacun an « au bourg de Grasse », a savoir, le mardi de la Pentecôte, le jour de Saint Jean-Baptiste et à la fête patronale du lieu « Nostre-Dame de Septembre ».

Les seigneurs de Carheil montraient leur sollicitude pour Notre-Dame de Grâce en cherchant surtout a en tirer honneur et profit ; d’autres seigneurs, bien autrement puissants, manifestèrent la leur d’une manière plus désintéressée, en comblant la modeste chapelle de leurs bienfaits. C’étaient les ducs de Bretagne, ou du moins deux princes, ducs de cette maison de Montfort si pieusement généreuse, qui couvrit de monuments splendides, consacrés à Dieu et à la Vierge, toute la terre de Bretagne, et particulièrement le sol nantais.

Mais pourquoi nos ducs pensaient-ils à cette humble et lointaine chapelle de N. D. de Grâce ? Hasardons d’abord des conjectures. Alain le Grand, roi de Bretagne, après avoir battu glorieusement les pillards Normands, vers la fin du IXe siècle, s’était retiré dans son château de Plessé - Plebs Sei, comme l’écrit l’auteur de la Chronique nantaise ; Plou Sé, d’après la traduction de notre grand historien breton A. de la Borderie. C’était, non pas au chef-lieu actuel de cette paroisse, mais a 5 kilomètres de là, sur un rocher abrupt qui domine l’Isac et que marque toujours l’antique chapelle de Saint Clair,probablement contemporaine du grand batailleur, si elle n’est plus ancienne encore. Alain y tenait cour nombreuse, seigneurs et hommes de guerre s’y pressaient autour de lui. La Chronique de Nantes nous apprend que l'évêque de cette ville, Foulcher, y vint lui rendre visite et lui demander des faveurs pour son Eglise désolée.

Sur la rive opposée de l’Isac, s’étalant au flanc d’un coteau encore plus élevé que celui de Saint-Clair, on voyait la petite bourgade de Guenroüet. Alain la fit ériger en paroisse et la dota de sa première église. Est-ce vers la même époque qu’on éleva la chapelle de Grâce, dont l’origine se perd dans la nuit des temps ? L’apparition de la Vierge en ce lieu, dont parle la légende, fut-elle connue du châtelain de Plessé ? Est-ce pour cela que les sires de Carheil, seigneurs de ce pays après Alain le Grand, possédèrent connue lui des droits de fondateurs dans les deux églises ? Est-ce pour cela, enfin, que les ducs du XVe siècle, gardiens des pieuses traditions de leurs devanciers, conservèrent une grande dévotion envers la sainte Dame de ces lieux ? Ce sont la des questions auxquelles je ne saurais répondre ; et pourtant je me sens incliné à chercher dans ce lointain passé l’origine de la dévotion de nos ducs a Notre-Dame de Grâce.

Un historien nantais, que tous les autres ont copié, affirme, malheureusement sans donner de preuves, qu’Arthur III aimait et avait considérablement enrichi la chapelle de Grâce. En effet, pendant que ce prince n’était encore que le comte de Richemond, connétable de France, et qu’il bataillait aux côtés de Jeanne d’Arc, pour délivrer notre pays du joug de l’Anglais, son frère, le duc. Jean V, lui avait abandonné la jouissance de la seigneurie du Gâvre. Arthur aimait cette terre où, mieux que partout ailleurs, il pouvait se livrer au plaisir de la chasse, cette vivante image de la guerre qu’il aimait tant. Ce fut même lui qui rebâtit le château, jadis détruit par Olivier de Clisson. « Je veu a Dieu, disait-il, je ferai ici une belle place et maison ». Et, pendant de longues années, il consacra à cette entreprise les 25,000 livres, somme énorme à l’époque , que lui donnait le Roi de France pour sa charge de connétable. Notre Dame de Grâce n’était qu’à une courte distance du château, et l’on comprend que le prince, qui était un Montfort, pieux par conséquent, malgré sa rudesse de soldat, ait fait souvent ce pèlerinage et y ait laissé des marques de sa munificence. Nous pouvons donc, sans preuves, croire les historiens.

Mais ce qu’aucun d’entre eux n’a dit, et ce qui est pourtant bien certain, c’est que Jean V, son frère et son troisième prédécesseur sur le trône de Bretagne, fit un vœu et un pèlerinage à Notre Dame de Grâce en des circonstances solennelles.

On connaît la guerre de succession de Bretagne et la lutte entre les deux maisons rivales de Penthièvre et de Montfort. Celle-ci finit par l’emporter, et Jean IV, un Montfort, fut reconnu de tous connue duc de Bretagne. Son fils, Jean V, lui succéda sans conteste sur le tronc ducal. Il régnait depuis vingt ans quand la haine sournoise et félone des Penthièvre faillit renouveler le fléau de la guerre civile. Jean V, invité par eux à les visiter dans leur terre de Châteauceaux, fut traîtreusement arrêté, chargé de chaînes, accablé d’injures, menacé d’une mort horrible, traîné de château en château, de forteresse en forteresse, pendant plusieurs mois, et finalement jeté dans un cachet à Châteauceaux même. Toute la Bretagne se leva et vint tirer le duc de sa prison.

Mais Jean V, s’il comptait sur ses féaux sujets et ses preux chevaliers, comptait surtout sur ses protecteurs du Paradis. Il avait multiplié les vœux. Il en avait fait à Notre Dame des Carmes, dont nous reparlerons ; il en avait fait à Notre Dame du Folgoët et à saint Yves ; il en a fait fait aussi à Notre Dame de Grâce. J’en trouve la preuve dans un mandat de paiement par lequel il ordonne à son trésorier de rembourser quarante écus d’or empruntés pour acquitter les vœux faits, dans sa prison, « à Saint-Julien-de-Vovantes, à Redon, à Nostre-Dame de Graices, à Prières et ès-chapclles de Nostre-Dame du Bodou et du Méné ».

Jean V, a peine délivré, avait voulu accomplir ses vœux. Il commença par Notre Dame des Carmes ; ensuite il envoya des représentants aux sanctuaires trop éloignés qu’il ne pouvait visiter immédiatement, tels que le Folgoët et Saint Yves de Tréguier. Mais il n’en était pas ainsi des églises que j’ai nommées tout a l’heure. Les Etats de Bretagne étaient convoqués à Vannes pour juger les Penthièvre. Jean V résolut d’acquitter ses vœux avant que de s’y rendre, ou plutôt en s’y rendant. Délivré le 6 juillet 1420, il était, dans le courant du même mois, à Châteaubriant, d’où il se rendit à Saint-Julien ; de là, à l’abbaye de Saint Sauveur de Redon, d’où il était facile de faire le voyage de Grâce ; puis à l’abbaye de Prières ; puis enfin à Vannes, où se trouvaient les chapelles du Bondon et du Méné. Le duc n‘avait oublié que de remplir sa bourse ; peut-être ne l’avait-il pas pu, car son trésor était à sec : il avait tout donné à Notre-Dame des Carmes.

Depuis, l’humble chapelle a-t-elle reçu d‘aussi nobles visiteurs ? Peut-être, car la belle fille de Jean V, Françoise d’Amboise, passa six mois dans son château du Gâvre, où elle perdit sa mère, et il ne serait point surprenant qu’elle eût fait un pèlerinage au sanctuaire tant aimé de son beau-père et de son oncle. De plus, un historien prétend qu’une Marguerite de Bretagne, qui ne peut être que la soeur de Jean V et d’Arthur III, femme d’Alain de Rohan, laissa, en 1428, trente sous de rente à Notre Dame de Grâce pour la célébration d’une messe annuelle ; et, si le fait est exact, nous pouvons en conclure que la pieuse princesse aima, connue ses frères, notre petite chapelle et la visita souvent. Sans doute, en des temps plus rapprochés de nous, les grands seigneurs du voisinage, les Coislin de Carheil, les Rohan de Blain, la visitèrent â leur tour ; mais les Coislin et les Rohan eux-mêmes étaient de petits compagnons auprès des Ducs de Bretagne.

L’histoire ne dit presque plus rien de notre sanctuaire. Nous savons cependant que la piété du peuple y entretenait un chapelain et que les fidèles d‘alentour s’y rendaient assidûment le dimanche et les jours de fête. La preuve, c’est que, le 14 janvier 1656, une sentence de l’officialité faisait défense aux prêtres de Grâce de célébrer la messe dans la chapelle aux heures des offices paroissiaux.

La défense n’a plus de raison d’être. Notre Dame de Grâce est désormais paroisse. On n’y célèbre plus, il est vrai, comme fête patronale, N.-D. de Septembre ; mais la piété et la confiance en Marie n‘ont pas faibli : le peuple répète toujours qu’une apparition de la Sainte Vierge a fait ériger ce sanctuaire, la foule va toujours demander des guérisons a l’eau miraculeuse de la fontaine de Riavau ; et de toutes les paroisses du voisinage, de Guenrouët, de Plessé, de Campbon, de Quilly, de Montoir même, on s’y rend en pèlerinage.

 

Que nous ayons le droit d’appeler Marie Notre Dame de Grâce, il semble superflu de le démontrer. L’Archange disait à la Vierge de Nazareth, en s’inclinant devant elle : « Ave, gratia plena : Je vous salue, pleine de grâce ». Marie possède donc la grâce dans sa plénitude, c’est-à-dire qu’elle possède autant de grâces que tous les anges et tous les saints réunis ; autant de grâces que peut en recevoir une simple créature. Une seule en a possédé davantage, Jésus Christ, mais Jésus-Christ n’était pas une simple créature, Jésus Christ était Dieu.

Pleine de Grâce, avait dit Gabriel, et c’était pour signifier toutes les grâces et toutes les grandeurs prodiguées par Dieu à Marie, c’était pour nous apprendre aussi que la Vierge, mère de Dieu et mère des hommes, serait chargée de répandre sur ses fils indigents tous les trésors spirituels. Elle est, en effet, ta mère de la divine grâce et d‘elle on peut dire, dans une certaine mesure, ce que saint Jean a dit de son Fils : « De ptenitudine ejus omnes nos uccepimus : Nous avons tous reçu de sa plénitude ». Il y a toutefois une différence entre eux, et elle est essentielle, c’est que Jésus est le créateur de la grâce qu’il nous a méritée au Calvaire, tandis que Marie n’en est que la dispensatrice, c’est l’aqueduc, c’est le canal dont Dieu se sert pour la faire parvenir jusqu’à nous.

Il y a longtemps que saint Augustin l’avait dit : « La Vierge incomparable, étant mère de notre Chef selon la chair, a dû être, selon l’esprit, la Mère de tous ses membres, en coopérant par sa charité a la naissance spirituelle des enfants de Dieu ». Il y a longtemps aussi déjà que Bossuet avait ajouté : « Dieu ayant une fois voulu nous donner Jésus-Christ par la Sainte Vierge, cet ordre ne se change plus, et les dons de Dieu sont sans repentance. Il est et sera toujours véritable, qu’ayant reçu par elle une t’ois le principe universel de la grâce, nous en recevions encore, par son entremise, les diverses applications dans tous les états différents, qui composent la vie Chrétienne. Sa charité maternelle ayant tant contribué à notre salut dans le mystère de l’Incarnation, qui est le principe universel de de la grâce, elle y contribuera éternellement dans toutes les autres opérations, qui n’en sont que des dépendances ».

Mais Bossuet, mais saint Augustin lui-même, n’étaient que des voix particulières, et voici que la voix même de l’Eglise, que le Pape a parlé, que Pie X a proclamé Marie le ministre suprême de la dispensation des grâces. Nos pères avaient donc raison de dire, et nous, après eux, nous avons raison de répéter : Notre Dame de Grâce, priez pour nous.

 

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Notre Dame de grâce de nos jours

 

« La paroisse de Grâce a été crée en 1845 par ordonnance de Louis-Philippe, notifiée par l’évêque de Nantes. Le 12 janvier un curé y fut installé. La situation de ce dernier était bien précaire : presbytère inhabitable, une chapelle insuffisante et délabrée, puisque l’eau filtrait sur l’autel à travers les lambris, pas de sacristie, pas de cloche, puisque l’ancienne avait été envoyée à Savenay par les révolutionnaires pour être fondue. En 1855, le conseil de fabrique (paroissial) votait le projet définitif de construction d’une église dont le marché de travaux, après bien des difficultés et vicissitudes, fut conclu fin juillet 1866, entre un architecte Blinois et une entreprise de St Nicolas de Redon. Les travaux durèrent deux ans, le clocher, faute de moyens, ne fut pas construit. L’aménagement intérieur, la fabrication des bancs et des autels latéraux terminés en 1875, l’église pouvait accueillir 450 personnes. Le curé Héry a réalisé l’autel de la Vierge et a participé à la fabrication des bancs et des confessionnaux. Il fallu attendre le 29 septembre 1877 pour voir enfin le clocher terminé et ses quatre cloches carillonner. Ce carillon continua de marquer les heures joyeuses et douloureuses du pays, jusqu’au 7 décembre 1944, durant la poche de Saint-Nazaire.

Ce jour là, après de nombreux bombardements par les américains, une averse d’obus plus violente, qui dura trois heures, troua les murs, fit écrouler la moitié de la toiture de la nef et toucha le clocher. Le cadran de l’horloge traversa la place et la grosse cloche rendue inutilisable, le clocher restait suspendu dans le ciel  par quatre tiges de fer énormes ancrées dans la maçonnerie. Après la libération, une messe célébrée dans les ruines de l’église, le 13 mai 1945, rassembla les paroissiens rescapés et ceux qui avaient pu rentrer au pays. La démolition de l’édifice commença en 1949. La flèche du clocher fut jugée dangereuse, et un tracteur de l’armée américaine, au moyen d’un filin, la tira vers le sol, mutilant un peu plus le clocher, dont les trois cloches rescapées avaient été préalablement démontées ; la plus grosse des trois, dont les oreilles de fixation étaient brisées, tomba sur un tas de gravats et se fendit un peu plus. Elle faisait 1200 Kg et fut envoyée à la fonderie.

 

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L’Eglise provisoire

 

Des bâtiments en bois montés à Savenay par les anglais, pour y loger les troupes en 1940, étaient disponibles. Le démontage de deux éléments par les artisans de Notre Dame de Grâce, ont été réassemblés sur le terrain, où aujourd’hui, est situé le parking derrière l’église. Un bâtiment de vingt mètres de long par huit de large se trouva rapidement bâti, permettant d’accueillir les paroissiens pour toutes les cérémonies religieuses. Un clocher fut érigé indépendamment, sur le coté. Les cloches épargnées par les obus furent électrifiées et motorisées avec du matériel provenant de la démolition d’une église de Saint Nazaire. L’ensemble des bâtiments fut mis en service le 15 août 1945 et a servi d’église jusqu’au 2 juin 1952. Après quoi elle fut désaffectée et servit de salle de théâtre et de cinéma paroissial, puis démolie au cours des années 1959/60. A noter que la cloche brisée, refondue à Annecy en compagnie de celles de Guenrouët, après une cérémonie de bénédiction le 25 octobre 1948, prit une place avec ses sœurs dans le clocher provisoire.

 

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L’église actuelle

 

En 1947, le conseil municipal commença à se préoccuper des églises de la commune, toutes deux touchées lors de la poche de Saint Nazaire. Notre église paroissiale trop touchée par les obus, fût jugée irréparable lors la venue à Nantes du ministre de la reconstruction (un délégué se déplaça sur les lieux). Les travaux de démolition commencèrent en 1949. A la fin de l’année 1950, les plans acceptés, la reconstruction de cette nouvelle église commença. Les travaux furent rondement menés. La première pierre fut posée, le 2 mars 1951. Sous cette première pierre, située à droite dans le choeur et au pied de la fresque, un cylindre métallique renfermant les documents récupérés de l’ancienne église démolie, auxquels ont été ajoutés la narration des tribulations vécues et les noms des contemporains de cette nouvelle histoire. Le 2 juin 1952 restait les finitions intérieures. Les vieux bancs et chaises étaient tout justes assez nombreux pour accueillir la foule des paroissiens et voisins, venue avec les personnalités civiles et religieuses, participer à sa consécration par Monseigneur Villepelet, alors évêque de Nantes ».

L'église Notre Dame de Grâce a été reconnue « Patrimoine du XXe siècle en mai 2015.

(D'après un texte extrait du site www.guenrouet.ft)

 

ND de Nantes

 

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30 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Premier jour

Notre Dame de Nantes

 

Le plus célèbre et le plus beau des sanctuaires dédiés à Marie, dans notre pays, celui dont le nom résume tous les autres, c’est l’église que l’on avait coutume d’appeler simplement Notre Dame, ou bien encore Notre Dame de Nantes. Écoutez l’abrégé de son histoire.

Trois fois au moins, durant le cours du IXe siècle, la ville de Nantes avait été prise et détruite par les barbares Normands, et nos annales racontent, non sans nous faire frémir encore, ces scènes de pillage et d’incendie, ces massacres surtout qui firent couler des flots de sang chrétien et mirent une auréole au front de l’évêque Gohard et de ses compagnons. Ces vainqueurs féroces s’étaient même établis dans les îles de la Loire, spécialement dans l’île de Biesse, et, de la, continuaient à rançonner le pays. Alain le Grand, l’un des plus illustres de nos rois bretons, les chassa et Nantes, grâce a sa protection, grâce surtout aux efforts de son évêque Foulcher, sortit enfin de ses ruines.

Hélas ! Ce n’était pas pour longtemps. Le grand roi descend dans la tombe et les barbares accourent, impatients de laver dans le sang leurs défaites. Nantes est pris de nouveau, les survivants de la bataille s’enfuient épouvantés, la ville entière est saccagée, livrée aux flammes. Elle resta déserte pendant vingt ans. Gardiens jaloux de ces débris, les vainqueurs s'installent sur les rives de notre beau fleuve, ravageant a plaisir le Comté Nantais et la Bretagne entière. On ne voit partout que champs en friche et ruines fumantes ; la résistance se décourage ; la plupart des Bretons, princes en tête, se réfugient en Angleterre. C’est de là qu’allait venir le vengeur.

Il était petit-fils d’Alain le Grand et, lui aussi, portait ce nom plein d’espérance, auquel le peuple ajouta l’étrange surnom de Barbetorte, que la gloire et la reconnaissance ont transmis à la postérité. Comme les Bretons de tous les temps, le jeune Alain souffrait dans l’exil ; il avait hâte de revoir sa Bretagne. Dès qu’il fut en âge de batailler, il traversa la Manche à la tête d’une troupe de fidèles. Il surprit et culbuta les envahisseurs à Dol d’abord, puis à Saint Brieuc. Mais c’est à Nantes qu’ils avaient leur établissement principal, c’est à Nantes qu’il fallait les vaincre. Barbetorte traversa toute la haute Bretagne et vint les attaquer dans leur repaire.

Les Barbares étaient retranchés dans l’angle formé par la Loire et l’Erdre, sur la rive droite de cette dernière rivière : c’était alors une vaste prairie appelée le pré Saint-Aignan, in prato sancti Antoni, c’est aujourd’hui le quartier Sainte Catherine, et la rue du Pré-Nian rappelle encore ce nom célèbre dans les fastes de Nantes et de la Bretagne. Les Bretons attaquent avec furie ces hordes étrangères campées sur le sol de la patrie. Mais les Normands sont braves et fortement retranchés ; ils repoussent les assaillants. Alain remonte lentement les pentes abruptes qui conduisent à la colline du Marchix. Harassé par le combat, dévoré par une soif ardente, brisé d’émotion, tremblant pour sa Bretagne, il appelle Marie a son secours et la supplie de lui procurer un peu d’eau pour apaiser sa soif et celle de ses soldats : la Vierge écouta sa prière et lui découvrit une source d’eau vive. Elle existe encore, on l’appelle depuis ce temps la fontaine Sainte Marie et vous pouvez la vénérer a quelques pas d’ici, au fond de la rue Paré.

Réconfortés par ce breuvage, exaltés par la protection visible de la Mère de Dieu, Alain et ses soldats recommencèrent la lutte et mirent cette fois les Barbares en fuite. Nantes était délivré. Mais Nantes existait-il encore ?... Les vainqueurs se dirigèrent vers l’église Saint Pierre pour rendre grâces à Dieu. Hélas ! Ils furent obligés, pour se frayer un passage, de trancher les ronces et les épines avec leurs épées ; le temple n’était plus qu’une ruine informe. Alain pourtant ne se découragea point et il releva la ville, dont il fit sa capitale.

Gardons ces souvenirs, mes Frères, et n’oublions pas que, sans Alain Barbetorte, sans la protection de Marie surtout, Nantes peut-être, comme Rezé sa voisine et tant d’autres cités, aurait pour jamais disparu. Alain fut reconnaissant. Il ne pouvait songer à bâtir une église près de la fontaine Sainte Marie, situé: aux portes de la ville, exposée à toutes les attaques de l’ennemi, mais il avait existé, non loin de la Cathédrale, une chapelle de la Vierge, disparue comme tout le reste. Alain la releva splendidement et la dédia à Notre-Dame. C’est là qu’il fut enseveli.

Écoutez ce que raconte la Chronique de Nantes : on enterra le libérateur à Saint-Donatien, mais le lendemain matin la tombe était ouverte et le cadavre sur la terre nue. Soigneusement on le replaça dans le sépulcre, qu’on chargea de grosses et lourdes pierres et qu’on entoura de gardiens. Le lendemain, en dépit des pierres et des soldats, le cadavre était déterré. Un familier d’Alain dit alors : « Le noble Duc a toujours aimé la sainte Mère de Dieu plus que tous les autres saints et l’a toujours invoquée dans ses besoins, portez-le dans l’église qu’il a reconstruite en l’honneur de la Vierge et il y trouvera le repos ». On suivit le conseil et le grand batailleur y trouva le repos pendant dix siècles. Quatre cents ans plus tard, l’évêque Daniel Vigier, poussé par la piété des Nantais envers Notre-Dame, érigeait son église en collégiale et y plaçait dix-neuf chanoines chargés de chanter les louanges de Marie.

Bientôt l’antique église, que tous les siècles avaient embellie, revêtit une splendeur nouvelle. Pierre de Bretagne et Françoise d’Amboise, plus tard souverains de ce pays, se promettent par serment de n’appartenir qu’à Dieu, si la mort les sépare, et, pour consacrer cette promesse. ils font rebâtir magnifiquement le choeur de Notre-Dame. Ils y érigent en même temps leur tombeau et y fondent une messe solennelle quotidienne. Le Duc y descendit le premier et, chaque jour, pendant qu’elle résidait à Nantes, la pieuse Françoise s’y rendait à pied pour y répandre ses larmes et ses prières. La sainte veuve ne devait jamais y reposer près de lui, l’affection de ses chères Carmélites des Couëts rendit vaines les réclamations des chanoines de Notre Dame.

Nos ducs continuèrent la reconstruction de la collégiale et la reine Anne y mit la dernière main. L’édifice était digne de ceux qui l’avaient construit et son clocher en pierres, le plus beau de la ville, s’élevait jusqu’à deux cents pieds. Les ducs n’étaient pas seuls dévots à Notre-Dame ; tous les Nantais y venaient prier, tous les Nantais y répandaient leurs largesses. Au XVe siècle, les fondations y étaient si nombreuses que cinquante prêtres ne suffisaient pas à les acquitter.

Hélas ! Toute cette gloire a disparu. L’église, vendue nationalement à la Révolution, devint un atelier de fondeur. On ne tarda pas à la démolir. Aujourd’hui, nous savons encore qu’elle était sur la place Dumoutiers ; mais c’est en vain que nous y cherchons quelques débris d’un temple autrefois si glorieux. Il n’en reste plus rien qu’une petite chapelle mutilée, incomparable joyau dédié jadis a saint Thomas et dû probablement au ciseau de Michel Columb, le grand artiste qui sculptait, à la même époque, le chef d’oeuvre que nous appelons aujourd’hui le tombeau des Carmes. Ce débris d’une splendeur évanouie a été placé naguère dans l’ancienne chapelle de l’Oratoire.

Le temple est détruit, mais non pas notre amour pour Marie : aujourd’hui connue autrefois, nous pouvons l’appeler Notre Dame de Nantes. Et quel est le sens de cette expression : « Notre Dame » ?

Vous savez, mes Frères, ce qu’était un seigneur des siècles passés. Dans le principe, c’était un chef de bande, un vaillant capitaine, ou même simplement un possesseur de fief, un puissant propriétaire, autour duquel se rangeaient des soldats, des paysans, des hommes du peuple, qui se plaçaient sous sa dépendance et réclamaient son appui contre les ennemis, petits et grands, qui pullulaient alors. Le seigneur devait protéger ses vassaux, défendre leurs intérêts, leur rendre la justice ; les vassaux, de leur côté, devaient au seigneur hommage et fidélité. Bientôt les fiefs devinrent héréditaires et leurs possesseurs furent seigneurs de père en fils. Plus tard, après le XIIe siècle, à défaut d’enfants mâles, les femmes héritaient des fiefs et elles portaient alors le nom de dames. De même qu’on écrivait dans les actes publics haut et puissant seigneur, on écrivait aussi haute et puissante dame.

A cette époque de foi ardente et naïve, ces expressions ne tardèrent pas a passer dans la langue religieuse; on disait couramment alors Monsieur saint Michel et Madame sainte Anne. Tout naturellement le mot Seigneur, pris d’une manière absolue, sans adjonction d’un nom propre, fut attribué à Jésus, notre divin Sauveur, c’est lui par excellence qui est le Maître, c’est lui que tous appelaient le Seigneur, Notre Seigneur. Les Livres saints d’ailleurs avaient donné l’exemple et l’on ne faisait guère que les traduire. Tout naturellement aussi le mot Dame, sans adjonctif, fut appliqué à Marie, car, suivant la belle expression de Saint Bernard, elle est bien vraiment « la Dame de tout le monde ». N’est-elle pas dépositaire des pouvoirs de son Fils ? N’a-t-elle pas été associée à sa grandeur ? N’est-telle pas chargée d’exercer sa puissante protection sur les hommes ? N’a-telle pas, en conséquence, droit a leur fidélité et a leurs hommages ? Nos pères savaient ces choses, et ils croyaient à la puissance de Marie, et ils l’invoquaient dans toutes les difficultés de la vie, et ils la servaient avec fidélité, et ils lui rendaient leurs hommages, et ils l’appelaient du nom expressif de Notre Dame. N’est-il pas délicat et juste, ce nom ? Ne traduit-il pas admirablement les relations de Marie avec les chrétiens et des chrétiens avec Marie ?

Ce n’est pas tout ; ce terme avait encore un autre sens, un peu différent du premier, et emprunté aux coutumes de la chevalerie. Les hommes de ce temps-là, les nobles surtout, les chevaliers, étaient passionnés pour les luttes courtoises des tournois et pour les combats plus terribles de la guerre; mais ils avaient appris de l’Eglise a respecter tout ce qui est faible, les prêtres, les orphelins, les femmes. Aussi la plupart avaient à cœur d’honorer les nobles dames, les belles et vertueuses châtelaines. Lejeune homme, devenu chevalier, ne manquait pas d’adresser l’hommage de son cœur à quelque noble damoiselle, et, dans les joutes brillantes des tournois, dans les luttes sanglantes de la guerre, il arborait les couleurs de sa Dame et faisait mainte prouesse en son honneur. Tel Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Mais plusieurs, parmi les plus chrétiens et les plus purs, ne voulaient avoir d’autre Dame que la Vierge Marie : c’est à elle seule qu’ils donnaient leur cœur, se sont ses couleurs qu’ils portaient, et quand ils frappaient d’estoc et de taille, quand ils faisaient fuir l’ennemi devant leur vaillante épée, quand ils se couvraient de gloire dans les tournois ou dans les combats, c’était en l’honneur de Marie, leur Maîtresse et leur Dame. Ne vous souvient-il pas que notre grand connétable breton avait pour cri de guerre : « Notre Dame Guesclin » ?

Le peuple du Moyen-Age, plus que le peuple d’aujourd’hui sans doute, était épris d’idéal et de poésie, et il comprenait ces délicats symboles. Tous avaient adopté Marie pour leur Dame, et tous aimaient a lui donner ce titre. Et s’ils travaillaient, s’ils combattaient, s’ils accomplissaient fidèlement leurs devoirs de chrétiens, c’était sans doute et tout d’abord pour l’honneur de Notre-Seigneur, mais c’était aussi pour l’honneur de Notre Dame.

Cette belle et touchante expression a presque disparu de la langue religieuse, au moins dans notre pays : nous désignons encore par ces mots les églises et les pèlerinages consacrés à Marie, nous disons Notre Dame de Bon Port, Notre Dame de Toutes Aydes, Notre Dame de Lourdes ; nous ne disons plus simplement Notre Dame, en parlant de la Sainte Vierge elle-même. Il est permis de le regretter. Du moins, ayons dans le cœur les sentiments exprimés par ces mots : confions-nous à la protection de Marie, soyons empressés a son service, adressons-lui fréquemment nos hommages, donnons-lui toujours notre amour ; et nous aurons, aujourd’hui connue autrefois, le droit de l’appeler Notre Dame.

 

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Notre Dame du Précieux Sang

Vénérée en l'église Saint Guénolé de Batz-sur-Mer

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29 avril 2017

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Le Mois de Marie des Madones Nantaises

Abbé Ricordel

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Ouverture du Mois de Marie

Le culte de la Très Sainte Vierge

« Toutes les générations me proclameront Bienheureuse ». (St Luc,1, 48).

 

J’imagine que si l’un de ces docteurs orgueilleux et suffisants, qui devaient plus tard traîner Jésus Christ au Calvaire, avait entendu ce cri, poussé par une jeune fille de quinze ans, fiancée d’un pauvre charpentier de village, il eut haussé dédaigneusement les épaules et se fut éloigné en esquisse… un sourire de pitié. Pourtant c’était une prophétie, et, pour prouver son accomplissement, il suffit de montrer l’univers catholique pressé au pied des autels dédiés il cette humble femme ; il suffit de prêter l’oreille aux discours et aux chants qui vont, durant ces quatre semaines, redire il tous les échos de la chrétienté ses incomparables grandeurs.

Ce verset du Magnificat appellerait un commentaire, le seul qui lui convienne, l’histoire du culte de la Très Sainte Vierge. Vous m’excuserez de ne point l’entreprendre ; ni le temps dont je dispose ici, ni mes forces ne me le permettent ; il y faudrait plus que la vie d’un homme. Je voudrais cependant apporter une pierre - fut-elle des plus modestes - à ce splendide monument, en étudiant avec vous le culte de Marie dans le diocèse de Nantes. Ce sera le sujet de nos entretiens durant ce mois. En guise d’introduction, disons deux. mots ce soir sur la légitimité du culte de Marie, et sur les avantages de ce que j’appellerai le culte local de Très Sainte Vierge.

Les théologiens, après avoir étudié il fond le mystère de l'Incarnation, et avoir exposé la vie de l’Homme Dieu, ne manquent pas d‘ajouter que la connaissance du Fils sans celle de la Mère serait imparfaite, et que le traité du Verbe incarné doit être suivi de celui de la Trés Sainte-Vierge. D’ailleurs, disent-ils encore, il n'est pas possible de séparer deux êtres si étroitement unis ; il n’est pas possible, quand on parle si longuement du Christ, de garder le silence sur sa divine Mère. C’est ce que le cardinal Mermillod exprimait ainsi familièrement : « La Sainte-Vierge est-elle donc de trop quand on parle de Jésus ? »

Ce que les théologiens disent de l’étude nécessairement simultanée de Jésus et de Marie, il me semble que je puis bien le dire de leur culte. Le culte du Fils, sans le culte de la Mère, serait incomplet; pour honorer pleinement Jésus, il faut honorer Marie. Le culte de la Très Sainte Vierge est, en effet, une conséquence nécessaire et comme le prolongement du culte de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Pourquoi honorons-nous Notre Seigneur Jésus Christ ? Parce qu’il est Dieu. Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu, dit Saint Jean, et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. Avec les apôtres, dont l’antique symbole résume notre foi Catholique ; avec tous les siècles chrétiens, héritiers et gardiens de leur doctrine, nous croyons que Jésus-Christ est Dieu, et nous tombons a genoux devant lui, disant comme Saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Eh bien ! Marie est la mère de Jésus, Marie est la mère de Dieu. Marie est mère de Dieu ! Ce sont encore tous les siècles chrétiens qui le proclament; c’est l’Eglise qui le définit aux applaudissements des peuples ; que dis-je ? C’est le ciel qui l’annonce il la terre. C’est sainte Elisabeth qui s’écrie, dans un élan inspiré : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Dieu daigne me visiter ? » C’est l’Archange Gabriel qui dit a la Vierge de la part de Dieu : « Celui qui naîtra de vous sera saint et on l’appellera le Fils du Très Haut : il régnera éternellement sur la maison de Jacob ».

Marie est mère de Dieu ! Savez-vous la conséquence ? La Vierge elle-même va vous la dire. Au seuil de la maison d’Elisabeth, elle entend le cri inspiré de sa cousine : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Dieu daigne me visiter ? ». Alors, dans une sublime extase, elle-même entrevoit l’avenir et à son tour elle s’écrie : « Voici que toutes les générations une proclameront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses ». Ces grandes choses accomplies en Marie par la toute puissance de Dieu, c’est la maternité divine, et, a cause de cela en effet, toutes les générations ont proclamé la Vierge bienheureuse ; et à cause de cela toutes les générations se sont prosternées respectueusement devant elle.

N’est-ce pas légitime ? N’est-ce pas nécessaire ? Eh quoi ! La mère d’un prince est exaltée au-dessus de toutes les autres femmes, et la mère de Dieu n’aurait pas droit a plus de respect et d’amour ? Non, non, cela n’est pas possible ; c’est le contraire qui doit être, c’est le contraire qui est. « Je vous salue, disaient Elisabeth et Gabriel, parce que vous êtes bénie au-dessus de toutes les femmes ». Et nous répétons après eux : « Je vous salue, Marie, je vous honore au-dessus de toutes les femmes, au-dessus de tous les saints, au-dessus de tous les anges, parce que vous êtes plus grande qu’eux tous ; parce que vous approchez de plus près le Maître du ciel et de la terre ; parce que vous êtes l’alliée, l’associée, que dis-je ? la mère de Dieu !

Pourquoi honorons-nous Notre Seigneur Jésus-Christ ? Nous l’honorons, non pas seulement parce qu’il est Dieu, mais aussi parce qu’il est homme. Vous connaissez la belle et profonde doctrine de l’lncarnation. Le péché, qui s’attaquait à Dieu, était, d’une certaine manière, infini. Donc, pour apaiser Dieu, pour expierle péché, il fallait une satisfaction infinie. Dieu seul est infini, Dieu seul est capable d’accomplir des actions infinies ; d’un autre côté, l’homme seul est capable de satisfaire et d’expier, parce que seul il est capable de souffrir. La conséquence, c’est que, pour offrir la satisfaction convenable, il fallait un Homme-Dieu. Saint Jean nous donne la solution du problème : « Et le Verbe s’est fait chair ». Le Fils de Dieu a pris notre nature humaine, a revêtu notre chair mortelle, et il a pu souffrir, mourir, apaiser Dieu, expier le péché, racheter le monde, rouvrir a l’homme coupable les portes éternelles. Vous savez ces choses, mes Frères, et tant d’amour vous confond et vous tombez aux genoux de l’Homme Dieu pour le bénir et pour l’adorer.

Mais comment le Verbe de Dieu s’est-il fait Homme ? N’est-ce pas en s’incarnant dans le sein de Marie ? Mais de qui le Verbe de Dieu tient-il cette chair, grâce a laquelle il a pu souffrir et mourir ? N’est-ce pas de sa Mère ? Écoutez, c’est Saint Augustin qui parle : « La chair du Christ est la chair de Marie, et bien qu’elle soit actuellement transfigurée par la gloire de la résurrection, elle reste la même, c’est toujours la chair qu’il a reçue de Marie ». C’est donc à Marie que nous devons ce petit enfant qui vagit à Bethléem, sur la paille d’une crèche ; c’est à Marie que nous devons ce divin ouvrier qui nous donne, il Nazareth, le fécond exemple du labeur humble et méritoire ; c’est à Marie que nous devons cet infatigable prêcheur qui, pendant trois années, parcourt la Palestine, en semant sa parole et ses miracles ; c’est à Marie que nous devons cette sainte et innocente victime qui gravit péniblement le Calvaire, et, pour nos péchés, expire sur la croix ; c’est à Marie que nous devons cette même victime perpétuellement immolée sur l’autel, perpétuellement donnée en nourriture à nos âmes, perpétuellement présente dans nos tabernacles ; c’est à Marie, en un mot, que nous devons, après Dieu, la rédemption du monde. N’est-ce pas ce qui justifie le beau titre de corédemptrice, qui lui a été décerné par les Pères ? N’est-ce pas ce qui justifie en même temps le culte que nous lui rendons ?

C’est pour cela que l’Eglise, appuyée sur l’exemple de l’archange Gabriel et de sainte Elisabeth, a, depuis dix-neuf siècles, prosterné ses fidèles au pied des autels de la Vierge et multiplié les fêtes en son honneur. C’est pour cela que toutes les générations chrétiennes, fières de pouvoir se dire les enfants de Marie, se sont ingéniées en mille façons à lui manifester leur amour. Je le répète, il nous serait impossible de passer en revue devant vous tous les pays et tous les siècles chrétiens, et de vous montrer, même en raccourci, ce qu’ils ont fait pour célébrer leur Mère; nous allons nous borner au culte local, c’est-à-dire, rechercher les honneurs rendus à Marie dans ce coin de terre catholique qui s’appelle le Diocèse de Nantes.

Je ne sais si je me trompe, séduit par mon amour passionné des vieilles choses et des vieux souvenirs de mon pays : il me semble que cette étude historique et religieuse n’est pas seulement curieuse, et qu’elle peut nous être également utile. C’est un moyen, et le meilleur peut-être, de dire la gloire de Marie sur la terre. En voyant comment elle a été honorée et aimée sur un point quelconque de la catholicité, en étudiant les détails de son culte dans un territoire restreint, ce qu’il serait impossible de faire pour des contrées plus vastes, on devine aisément quels honneurs elle a reçus dans l’univers Catholique, car ce qui s‘est fait chez nous s’est aussi fait ailleurs.

C’est un moyen, et l’un des plus doux à notre piété, de dire la gloire de notre petite patrie. Nous sommes fiers de notre foi bretonne, nous exaltons, quelquefois plus que de raison, ce vaste et beau diocèse de Nantes : son amour pour Marie, le soin qu’il a pris de l’honorer, les termes spéciales et multiples dont il s’est servi pour lui témoigner son filial attachement, tout cela est une preuve de notre foi, tout cela nous met en beau rang parmi les Eglises de France et du monde.

Mais ce qui importe davantage, c’est qu’une telle étude est de nature à fortifier notre foi et notre piété. Rien, pour obtenir ce résultat, comme la fidélité aux traditions religieuses d’un pays, la persévérance dans les pratiques pieuses des ancêtres. Les dévotions nouvelles sont bonnes assurément et nous pouvons les adopter quand elles ont été approuvées par l’Eglise. C’est dans l’ordre. Le progrès existe dans la piété comme en toutes choses. Je l’ai dit, les fêtes instituées dans la suite des âges, les pratiques diverses par lesquelles la piété des peuples a voulu honorer Marie sont une de ses gloires. Si l’on a pu les multiplier dans le passé, il est évident qu’on peut les multiplier dans le présent. Mais il y a un écueil : la tendance à embrasser toutes les nouveautés, d’où qu’elles viennent. C’est un signe d’inconstance et qui indique souvent plus de curiosité, d’humeur fantasque, de passion pour le changement et la mode que de fermeté dans la foi, de vivacité dans l’amour, de sérieux dans la piété. Peut être la piété contemporaine n’a-t-elle pas su se prémunir assez contre ce péril, et, en passant ainsi d’une dévotion à une autre, en accueillant, avec transport toute pratique nouvelle et surtout étrangère, a-t-elle montré qu’elle était plus superficielle que profonde. La fidélité aux dévotions anciennes, aux pratiques chères à nos pères, aux sanctuaires qu’ils ont aimés, est un indice de foi plus profonde et de piété plus sûre. Ces dévotions ont leurs racines dans le passé et nous rattachent à lui: la_ fidélité aux pratiques de nos pères entretient et fortifie la fidélité à leur foi.

N’ai-je pas le droit d’ajouter que ces dévotions locales, manifestations le plus souvent spontanées d’amour à Marie, convenaient au tempérament, aux habitudes, aux sentiments, aux mœurs de nos ancêtres ; que toutes ces choses qui constituent le caractère particulier d’une population, d’une province, ne se sont pas tellement modifiées qu’on ne puisse les retrouver chez nous, et que, par conséquent, ce qui plaisait à leur piété doit aussi plaire à la nôtre ? N’ai-je pas enfin le devoir de remarquer qu’un très grand nombre de ces pratiques, de ces dévotions, de ces pèlerinages, nés d’un cri d’angoisse ou d’un hommage de la reconnaissance, inspirés miraculeusement par Marie ou du moins approuvés par elle, sont une dette que nous n’avons pas le droit de protester, en même temps qu’un glorieux héritage dont nous avons le devoir d’être fiers ?

Venez donc, mes Frères, durant tout ce mois, étudier avec nous le culte de Marie au diocèse de Nantes. Sans doute nous ne dirons pas tout, nous ne citerons pas les quatre-vingt dix vocables sous lesquels on l’honorait dans notre pays ; nous n’énumérerons pas les quatre-vingt trois chapelles consacrées à son nom sur le territoire diocésain; nous ne calculerons pas le nombre des statues, ni même des autels qui lui furent dressés par la piété de nos pères ; nous ne cataloguerons pas toutes les congrégations et les confréries qui lui furent érigées ; nous ne signalerons pas toutes les processions qui se déroulaient en son honneur, chaque année, chaque mois, presque chaque semaine, dans les rues de nos villages et de nos villes ; nous ne mentionnerons pas tous ces curieux saluts de la Très Sainte-Vierge, dont le nom, sinon tout a fait la pratique, a disparu chez nous ; enfin nous ne dénombrerons pas les pèlerins qui ont tracé, à travers nos forêts et nos landes, les sentiers menant à nos sanctuaires locaux, pas plus d’ailleurs que ceux qui s’en vont aujourd’hui, emportés parla vapeur, à la Salette, à Pontmain et à Lourdes. J’espère toutefois que nous en dirons assez pour prouver que Nantes a toujours aimé Marie et que Marie le lui a bien rendu ; assez par conséquent pour vous déterminer à l’aimer toujours, et vous convaincre que toujours elle saura vous le rendre.

 

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3 août 2014

Litanies de Notre Dame de Bon Encontre

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Notre Dame de Bon Encontre

Consolatrice des Affligés

Patronne de l'Agenais

 

En 1422, au lieu dit « La Croix-des-Chemins », ancien village de Pau, aujourd'hui Bon Encontre, un petit oratoire était déjà dédié à la Très Sainte Vierge Marie. Cette petite chapelle protégeait une croix qui avait la particularité d'être creusée dans sa partie verticale. On avait déposé dans cette cavité une statue, de style gothique, de la Mère du Seigneur, dont la légende rapporte que Jacmes Frayssinet, qui était gardien d'un troupeau, étonné par le comportement d'un bœuf qui était en arrêt devant un buisson d'épines. Jacmes s'approche du buisson et y découvre ce qui deviendra la statue miraculeuse, une terre cuite représentant une vierge tenant dans ses bras un enfant. La Reine de Navarre, Marguerite de Valois, fut rapidement mise au courant de la dévotion entourant cette statue ainsi des nombreux miracles obtenus en la vénérant. Le 25 août 1584, elle décida la construction d'une église qui sera consacrée en 1604. La statue est conservée dans un reliquaire de la basilique. Le pèlerinage a toujours attiré de nombreux fidèles venus du Lot-et-Garonne, mais aussi de régions plus lointaines.

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Litanies de Notre Dame de Bon Encontre

 

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, ayez pitié de nous.

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, écoutez-nous.

Jésus-Christ, exaucez-nous.

Père céleste, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Fils, rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Saint-Esprit, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Trinité, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

 

Sainte Marie, Notre Dame de Bon Encontre, priez pour nous.

Notre Dame de Bon Encontre, honorée par un animal sans raison, priez pour nous.

Notre Dame de Bon Encontre, invoquée par nos pères, priez pour nous.

Notre Dame de Bon Encontre, source de la piété de nos aïeux,

Notre Dame de Bon Encontre, miraculeuse en votre sainte image,

Notre Dame de Bon Encontre, visitée par les princes de la terre,

Notre Dame de Bon Encontre, notre sécurité dans les périls,

Notre Dame de Bon Encontre, consolatrice dans les afflictions,

Notre Dame de Bon Encontre, notre refuge dans les malheurs,

Notre Dame de Bon Encontre, notre libératrice dans les tentations,

Notre Dame de Bon Encontre, notre santé dans les maladies,

Notre Dame de Bon Encontre, soutien des faibles,

Notre Dame de Bon Encontre, protectrice des étudiants,

Notre Dame de Bon Encontre, soutien du soldat,

Notre Dame de Bon Encontre, salut du nautonier,

Notre Dame de Bon Encontre, tutelle des orphelins,

Notre Dame de Bon Encontre, espoir des mères,

Notre Dame de Bon Encontre, secours des enfants,

Notre Dame de Bon Encontre, lumière des aveugles,

Notre Dame de Bon Encontre, ouïe des sourds,

Notre Dame de Bon Encontre, espérance des désespérés,

Notre Dame de Bon Encontre, refuge des pécheurs,

Notre Dame de Bon Encontre, trésor des pauvres,

Notre Dame de Bon Encontre, gardienne de la France,

Notre Dame de Bon Encontre, qui défendez le Saint Siège,

Notre Dame de Bon Encontre, qui avez écrasé l'hérésie,

Notre Dame de Bon Encontre, qui nous avez délivré de la peste,

Notre Dame de Bon Encontre, si chère aux pèlerins,

Notre Dame de Bon Encontre, Reine du clergé,

Notre Dame de Bon Encontre, conçue sans la tache originelle,

Notre-Dame de Bon Encontre, notre secours pendant la vie et à l'heure de la mort,

 

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous, Seigneur.

 

Jésus-Christ, écoutez-nous.

Jésus-Christ, exaucez-nous.

 

Notre Dame de Bon Encontre, priez pour nous,

Afin que nous devenions dignes des promesses de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Prions

 

Mon Dieu, qui par vos prophètes avez annoncé au monde la Vierge qui doit enfanter le Désiré des Nations, accordez-nous par l'intercession de Notre Dame de Bon Encontre les grâces que nous sollicitons de Votre Bonté Paternelle, et formez dans nos cœurs Jésus-Christ, Votre Divin Fils, qui vit et règne avec Vous dans les siècles et les siècles. Ainsi soit-il.

 

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Prière et consécration à Notre Dame de Bon Encontre

 

O Notre Dame de Bon Encontre ma Mère et ma souveraine, avec quel bonheur je me prosterne à Vos pieds ! Nul ne peut dire tous les prodiges que Vous opérez chaque jour en faveur des âmes qui Vous invoquent, aussi, quelle confiance et quel amour animent vos enfants !

O Vierge aux miracles, comme Vous appelaient nos pères, guérissez ceux qui souffrent, consolez ceux qui pleurent, préservez les familles, protégez les enfants, veillez sur les justes pour les soutenir, sur les pécheurs pour les convertir, sur les Prêtres pour les fortifier, sur les fidèles pour les sauver.

O Mère aimable et pleine de bonté, ayez pitié d'une âme qui se fait gloire de Vous appartenir. Détournez les dangers auxquels je suis exposé ; dispersez mes ennemis, soutenez ma faiblesse, assistez-moi dans tous les moments de ma vie, dirigez-moi jusqu'à la fin de la course sur la mer orageuse de ce monde et conduisez-moi au port de la bienheureuse éternité, où j'espère Vous voir, Vous louer et Vous aimer avec tous les élus pour les siècles et les siècles. Ainsi soit-il.

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Prière à Notre Dame de Bon Encontre

 

Vous, que nos pères ont tant aimé et que nous chérissons tendrement à leur exemple, veuillez nous donner comme à eux, des témoignages de votre sainte protection. Secourez-nous dans tous nos besoins, consolez-nous dans toutes nos peines et après nous avoir aidés pendant la vie, assistez-nous à l'heure de la mort. Amen.

 

Site internet de la Basilique et de la Paroisse de Bon Encontre

http://paroissenotredamedebonencontre47.over-blog.com

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 Téléchargez le texte de ces Litanies (pdf) en cliquant ici

30 décembre 2013

Neuvaine à Notre Dame du Puy 1/4

Neuvaine à Notre Dame du Puy

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Premier jour

Origine de la dévotion à Marie, son ancienneté

 

La première gloire de Notre-Dame du Puy est fondée sur l'ancienneté de son origine, et cette première considération nous amène naturellement à considérer l'ancienneté de la dévotion même à Marie, à cette auguste Reine dont la splendeur a si glorieusement éclairé les rochers abrupts du Mont Anis. Dévotion à Marie ! 1°Elle est aussi ancienne que le monde ; 2° elle est aussi ancienne que l'Église ; 3° elle doit être aussi ancienne que le cœur de tous les chrétiens.

 

La dévotion à Marie est aussi ancienne que le monde

 

J'aurais pu dire quelque chose de plus, et, me transportant dans le sein de Dieu lui-même, représenter cette Vierge auguste, prédestinée avant tous les siècles, et vivant, pour ainsi dire, déjà dans les pensées de l'Éternel, J'aurais pu contempler les Saints Anges, dès le premier moment de leur félicité, recevant une communication claire et sublime des abaissements du Verbe, et en l'adorant d'avance dans le mystère de Son Incarnation, saluant aussi par une vénération anticipée la créature privilégiée qui devait un jour devenir Sa Mère. Mais il ne m'appartient pas de sonder les profondeurs des mystères divins ; et sans remonter si haut, la terre ne m'offre-t-elle pas des marques assez reculées de la dévotion à la Mère de Dieu ?

A peine le premier homme a-t-il sacrifié son bonheur à une vaine et déplorable curiosité, que Dieu fait briller les premiers rayons de cette gloire qui doit environner son existence. La voyez-vous paraître cette femme puissante et redoutable à l'enfer? En vain le démon voudrait-il la supplanter, comme il a su le faire à l'égard de la première Ève; elle le foulera sous ses pieds, et écrasera, sans rien craindre, sa tête superbe.

Dès ce moment, tous les Patriarches et tous les Prophètes annonceront, comme en chœur, la venue future et désirée de cette aurore bienfaisante qui apportera au monde la lumière et la vie. Ils célébreront avec Isaïe cette Vierge qui doit concevoir et donner à la terre le véritable Emmanuel, le Dieu avec nous. Les figures se joindront aux prédictions des envoyés du ciel, pour esquisser d'avance les traits qui doivent la caractériser. Ce sera ici le buisson de Moïse, qui, plein de Dieu et brûlant sans se consumer, figurera le sein virginal, qui, sanctuaire de la Divinité, sera, sans se consumer, brûlé par le feu du divin amour; là la baguette d'Aaron,qui, fleurissant contre les lois ordinaires de la nature, présagera l'enfantement surnaturel et ineffable de la Vierge-Mère ; plus loin l'arche d'alliance, qui, composée d'un bois incorruptible, nous apprendra que dans cette arche de l'alliance nouvelle il ne saurait y avoir ni corruption, ni souillure ; ce sera la toison de Gédéon, qui, demeurée sèche au milieu de l'humidité générale répandue sur la terre, nous préparera à voir cette créature bénite, seule préservée du torrent d'iniquités qui inonde le monde ; et heureusement humectée de la rosée céleste au milieu de la sécheresse universelle, nous montrera la grâce inondant son cœur parmi la disette à laquelle sont réduites toutes les nations qui ne reçoivent que par son canal les présents du ciel. Que dirons-nous du trône de Salomon, tout couvert de l'or le plus pur ? N'est-ce pas l'âme de Marie, toute radieuse de l'or de la charité ? La nuée d'Élie d'où s'échappe cette pluie si douce, si féconde, n'est-ce pas Marie, répandant avec Jésus toutes les grâces sur la terre ?

Mais pourquoi parler de ces figures mortes et inanimées, quand tant d'autres figures animées et vivantes viennent s'offrir à mes regards ? Sara de stérile devient féconde, et enfante, dans la personne d'Isaac, la victime sacrée de l'obéissance ; Marie voit la fécondité s'unir en Elle, avec la virginité, et engendre par un prodige ineffable le Dieu fait obéissant jusqu'à la crèche et jusqu'à la croix. Rebecca revêt Jacob des riches habits de son fils aîné, et attire ainsi sur lui la bénédiction paternelle ; Marie revêt en Jésus l'humanité de la nature divine comme d'un riche manteau, et fait ainsi découler sur elle les trésors dont elle est la source. Marie, sœur de Moïse, passe sa vie dans l'exercice de la pureté, et chante à la tête des filles d'Israël un cantique de louanges après la délivrance de son peuple ; Marie, Mère de Jésus, conserve avec fidélité le glorieux privilège d'une inaltérable modestie, et entonne, pour célébrer les Divines Miséricordes du Sauveur, un cantique d'actions de grâces et d'amour. Jahel est bénie entre les femmes pour avoir immolé le persécuteur des enfants de Dieu ; Marie, pour avoir renversé le pouvoir de l'oppresseur tyrannique du genre humain, est exaltée au-dessus de toutes ses semblables. Judith tranche la tête d'Holopherne, et le peuple est sauvé ; Marie écrase la tête du démon, et le salut est assuré à l'univers. Esther se présente devant Assuérus, et sa médiation puissante détourne la mort prête à frapper toute la nation juive ; Marie se prosterne devant le Trône de Dieu, et les fléaux temporels ou spirituels dont les hommes étaient menacés, sont dissipés par la force de ses supplications. Abigaïl apaise par sa prudence et par ses présents la colère du roi David, qui allait frapper un prince orgueilleux et insensible ; Marie, par l'offrande de ses vœux et de ses vertus, désarme le courroux du Seigneur irrité de l'orgueil et de l'insensibilité des hommes qui, destinés à être rois des créatures, en sont devenus, par de honteuses passions, les misérables esclaves.

Les païens eux-mêmes n'ont pas été sans quelque pressentiment de la gloire future de cette Reine incomparable; leurs sibylles ont célébré ses louanges ; leurs poètes ont salué son aurore ; leurs druides ont élevé un autel à la Vierge qui devait enfanter. La terre semble s'être unie au ciel pour l'honorer par un concert universel d'éloges et d'espérances. Serions-nous les seuls à ne pas vénérer celle que tous les âges ont environné de leur vénération ?

 

La dévotion à Marie est aussi ancienne que l'Église

 

En vain l'hérésie voudrait-elle, dans ses blasphèmes, ranger la piété envers la Mère de Dieu parmi les pratiques inconnues aux premiers siècles de la foi chrétienne, et inventées par le mysticisme des siècles modernes ; jamais l'Église n'a oublié ce que mérite de respect et d'hommage l'auguste Mère du Créateur. Formée par l'exemple même du glorieux Archange qui la salua avec tant d'égard et de soumission, elle l'a toujours traitée avec la même soumission et les mêmes égards. Quelle joie, quels transports dans Élisabeth, lorsque, ravie à la vue de la Mère future de son Sauveur, elle s'écrie, pleine de l'Esprit de Dieu : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. Et d'où me vient cette grâce que la « Mère de mon Seigneur veuille venir à moi ? Je n'ai pas plutôt entendu votre voix, lorsque vous m'avez saluée, et que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. Vous êtes bienheureuse d'avoir cru, parce que la parole du Seigneur s'accomplira en vous ! »

Quelles marques de tendresse Jésus ne lui donne-t-il pas lui-même en opérant à sa demande le premier de ses miracles, et en la confiant sur la croix à son Disciple bien-aimé ! Quelle attention filiale dans saint Jean, devenu, par le choix même du Fils de Dieu, son remplaçant sur la terre ! Quelle dévotion dans les Saints Apôtres qui ne croient pas pouvoir mieux se préparer à la réception de l'Esprit divin, qu'en se tenant en prières dans la compagnie de Marie ! Quel empressement à tout quitter pour venir, ainsi que l'enseigne la tradition, entourer son lit de mort, assister à ses derniers moments, et ensevelir, pour quelques instants, ce corps qu'une résurrection prématurée devait bientôt rappeler à la vie et transporter dans le ciel ! N'est-ce pas Saint Pierre qui consacra et érigea en chapelle la pauvre demeure de Nazareth, où Marie a pris naissance, reçu son éducation, et conçu le Verbe divin ? N'a-t-on pas lieu de croire que c'est lui qui joignit dans les prières du Saint Sacrifice la commémoraison de la Mère avec l'immolation du Fils ? Ne sont-ce pas les Apôtres qui, avant de se séparer, ont composé ce symbole de foi où Marie est déclarée Vierge et Mère de Dieu ? Ne croit-on pas avec raison que Saint Jacques a prêché en Espagne la dévotion envers cette auguste Reine, avec la connaissance de Jésus et de sa divinité ? Les privilèges de Marie ne se trouvent-ils pas déjà exprimés dans les anciens Pères qui se rattachaient de si près aux temps apostoliques ? Un auteur ancien écrivant à Saint Jean, sous le nom de saint Ignace, n'affirme-t-il pas que dans elle « la nature d'une sainteté angélique se trouvait associée avec la nature humaine ? » Saint Ignace lui-même ne reconnaît-il pas que « c'est d'elle qu'est véritablement né le Fils de Dieu, sans que jamais elle ait eu connaissance d'un homme mortel ? »

Saint Justin et saint Irénée ne proclament-ils pas que « comme la première Eve a été, par sa désobéissance, la cause de la perte du genre humain, ainsi la seconde Ève a été, par son obéissance, le principe de son salut ? » Ce dernier n'ajoute-t-il pas ailleurs que « comme le genre humain avait été assujetti à la mort par une vierge, il a été par une autre vierge délivré de la mort ». Nous pourrions ajouter à ces antiques témoignages bien d'autres éloges prodigués dans le siècle suivant par un Origène qui la nomme « la mère du Fils unique de Dieu, le temple de sa gloire, le palais du Créateur, la maison immaculée du céleste Époux » ; par un saint Grégoire de Néocésarée, qui proclame que « le trésor de toutes grâces était renfermé en elle, et que seule parmi les familles du monde elle a été parfaite de corps et d'esprit » ; par un saint Denis d'Alexandrie qui la peint comme « la fille unique de la vie, comme un tabernacle qui a été fait non par la main des hommes, mais par le Saint-Esprit, et qui par là mérite toute espèce de louanges, comme un paradis virginal qui possède tout et ne manque de rien » ; par un saint Méthode qui la dit « mère du Créateur, mère des fidèles, propitiatoire de la divinité, robe sans tache, créature assez riche pour avoir prêté à Dieu qui n'a besoin de rien la chair qu'il n'avait pas ». Mais ce que nous avons exposé suffit abondamment pour démontrer que la piété de l'Église envers Marie a pris naissance avec son établissement, et que si elle s'est développée davantage dans les siècles postérieurs, c'est parce qu'elle avait sa source dans la foi primitive et dans les enseignements apostoliques.

 

La dévotion à Marie doit être aussi ancienne que le cœur de tous les chrétiens

 

Et certes peut-on, sans aimer Marie, commencer à porter ce nom ? Être chrétien, n'est-ce pas connaître, servir, aimer Jésus ? Jésus n'est-il pas le Fils de Marie ? Comment aimerait-on le Fils sans aimer la Mère ? D'ailleurs la vie du chrétien ne commence-t-elle pas par un bienfait de cette illustre protectrice ? S'il est vrai, comme l'a publié saint Bernard, que Dieu n'accorde aucune grâce sur la terre, qui ne passe par les mains de Marie, n'est-ce pas à Marie que nous sommes redevables de notre adoption divine par le baptême ? Et serait-il possible de ne pas, dès le premier instant de sa raison, consacrer son cœur tout entier à cette bienfaitrice libérale, dont la bonté a prévenu nos prières et nos mérites pour nous introduire dans le bercail de l'Église et nous rendre participants des glorieuses prérogatives d'enfants de Dieu ?

C'est donc à vous, ô Marie ! Qu'après Dieu, j'aurais du offrir les prémices de mes affections ; c'est à vous, qu'après Dieu, j'aurais dû adresser mes premiers vœux et mes premiers sentiments ; mais hélas ! N'ai-je pas trop tardé peut être à m'acquitter de ce devoir ? Les plus belles années de ma vie ne se sont-elles pas écoulées sans penser à vous, et n'ont-elles pas été peut-être employées à déchirer votre cœur en offensant votre divin Fils ? Ô ma tendre Mère ! Je vous ai connue trop tard ; j'ai commencé trop tard à vous aimer ; mais si mon amour n'a pas été aussi ancien que mon existence, je veux du moins qu'il commence dès ce moment pour se perpétuer jusqu'à mon dernier soupir. Aidez-moi vous-même à vous aimer, à vous servir, et assurez ainsi ma persévérance et mon salut, puisqu'il est impossible de se perdre quand on a le bonheur de vous aimer et de vous servir.

 

Prière à la Très Sainte Vierge

Tirée des sermons de l'empereur Léon VI, dit le Sage ou le Philosophe

 

O Vierge bienheureuse, la prédiction que Vous avez faite s'est réellement accomplie pour Vous. Oui, voici que toutes les nations célèbrent Vos louanges en Vous proclamant bienheureuse.... Bienheureuse ! C'est le titre que Vous donnent tous les peuples de la terre, à la vue des prodiges ineffables accomplis par Votre ministère, de ces prodiges par lesquels le bras du Tout-Puissant a fait briller en vous sa puissance, lorsque, par un mystère qui surpasse la raison, prenant de vous une chair mortelle, il a, par son humilité, renversé le prince superbe de l'orgueil et exalté la bassesse des humbles. Bienheureuse ! ainsi vous saluent ceux qui, réduits à l'indigence avant que germât sans semence l'épi fécond que vous avez produit, ont été, depuis sa naissance, comblés de la douce abondance de tous les biens. Il est vrai que l'ancien peuple d'Israël avait une arche qui, reproduisant d'avance vos traits, le protégeait quand il était pressé par l'adversité et le soulageait, quelquefois dans ses besoins. Mais ce qui se passait alors, n'étant qu'une image et une figure de l'avenir, était loin d'égaler les dons répandus par votre munificence. Aussi les Juifs n'obtenaient-ils pas toujours secours par son assistance ; le salut ne leur était donné que lorsque, animés envers Dieu d'un esprit de piété, ils ne s'éloignaient point de la voie droite des préceptes divins.... Mais il n'en est pas ainsi de vous, ô Marie ! Ce n'est pas là l'assistance, la protection, la défense que vous accordez au peuple nouveau. Vous avez commencé par aider de votre puissance ceux qui avaient entièrement succombé aux attaques du péché, et maintenant encore, ce n'est pas seulement aux âmes fidèles à marcher dans la route des commandements célestes que vous prodiguez vos faveurs, c'est envers ceux-là même qui marchent dans les sentiers du déréglement et s'exposent, par leur désobéissance, à de justes peines, que vous déployez votre miséricordieux pouvoir, afin de les arracher aux supplices qu'ils ont mérités ; car Dieu, par respect pour son arche sacrée, se montre clément à l'égard de ceux qui sont indignes de toute clémence, les exempte du châtiment, incline la balance de sa justice et la fait pencher d'un autre côté. Par égard pour vous, il semble faire acception des personnes ; les mains qui sont tendues vers lui sont celles-là même qui l'ont porté sur la terre ; pourrait-il ne pas les honorer ? Non, elles ne s'élèveront pas en vain vers lui; il ne saurait les mépriser ; il se laisse fléchir, et, n'écoutant que sa miséricorde et sa clémence, il remet la dette aux pécheurs, et daigne rendre ses faveurs à des ingrats qui n'avaient à attendre qu'une juste punition. Ainsi, dès que vous êtes présente, il ne reste pas même à nos adversaires la confiance de prononcer une parole ; dès que la joie de votre splendeur a brillé, il n'y a plus de place pour la tristesse. Vous êtes, dès le commencement, venue dans le monde pour le ramener à un état plus heureux; vous conservez encore aujourd'hui la même volonté et vous ne cessez de répandre sur nous des bienfaits.

Les Israélites avaient aussi un chandelier remarquable par l'éclat de sept lampes lumineuses, ainsi qu'une urne où la manne était conservée, une branche mystérieuse qui donnait une fleur, symbole glorieux de votre virginité, et beaucoup d'autres objets précieux qui distinguaient avec raison ce peuple de toutes les autres nations; mais tous ces monuments religieux se sont évanouis avec le bruit et la majesté de leur nom; car, comme ils étaient une ombre de votre grandeur, ô Marie, ils se sont éclipsés à la lueur de votre lever radieux. Pour vous, qui brillez comme un chandelier éclairé d'une perpétuelle lumière, vous avez toujours arraché et vous arrachez encore les âmes à la mort ténébreuse du péché ; vous embaumez le monde par les fleurs de vos vertus ; vous lui avez donné la fleur du salut, et en même temps vous le nourrissez par l'aliment substantiel du pain de vie. C'est de vous, comme d'une source intarissable, que découlent de continuels bienfaits, et par cette émission perpétuelle de grâces, vous comprimez l'impétuosité et la violence-des malheurs que nous endurons. Les nuages de la tristesse se dissipent lorsque, par votre clarté, vous ramenez la sérénité sur notre vie; les maladies s'enfuient, la terreur des périls se change en sécurité ; point de bien qui ne soit obtenu quand vous le voulez ; point de mal qui ne soit banni pourvu que vous prêtiez voire secours. Il vous accorde tout, et par vous il se plaît à tout prodiguer, celui qui, pour honorer l'ouvrage de ses mains, vous a fait naître dans ce monde.... ô Vierge ! Ô Mère ! qui avez réuni dans votre personne deux privilèges si différents, la virginité et la fécondité ! Ô puissante protectrice ! Ô asile assuré ! Ô ancre inébranlable qui maintenez par votre force et conservez l'univers !... Ah ! Je ne vous demande pas de prolonger les années de ma vie ; cette vie, je ne l'aime pas avec tant d'ardeur ; je n'éprouve peint un insatiable désir de cette navigation pleine d'amertume et d'agitation ; mais si Dieu a décrété mon émigration prochaine de ce monde, accordez-moi du moins d'être soulagé du poids de mes péchés. Si, au contraire, il me fallait demeurer encore dans la chair.... faites que je paisse, d'une manière utile et à moi-même et au peuple, le troupeau qui m'est confié ; ou plutôt paissez-moi vous-même avec lui ; conduisez tous mes pas, de peur que, dans ce jugement suprême, on ne me demande compte des déréglements d'autrui, et que les fautes des sujets ne deviennent la cause de la damnation du monarque. Puissions-nous tous plutôt dans la vie future, comme dans ce jour de la vie présente, célébrer une fête éternelle et nous réjouir à jamais dans le grand triomphe des premiers-nés du Seigneur, en Jésus-Christ, votre premier-né, votre Fils, le Seigneur de toute créature, à qui convient la gloire, la puissance, l'honneur et l'adoration dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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Deuxième jour

Le Sanctuaire de Marie au Puy

 

Le Sanctuaire de Notre-Dame du Puy, concentré d'abord dans un espace étroit, et dépouillé presque de tout ornement, s'est agrandi avec les années, a revêtu de jour en jour une nouvelle magnificence, et a fini par devenir un monument unique qui attire l'admiration des savants aussi bien que la dévotion des âmes pieuses. C'est que dans tous les temps, les fidèles ont eu un zèle ardent pour décorer les palais de Marie ; c'est que les motifs les plus graves justifiaient cette sainte ferveur ; c'est que la dévotion sait inventer mille moyens de réaliser le désir de glorifier ainsi la puissante et miséricordieuse protectrice du genre humain. Ainsi nous arrivons naturellement à considérer: 1° quel a été, dès les premiers siècles de l'Église, le zèle des chrétiens à honorer la Très Sainte Vierge par l'érection et l'embellissement de ses temples ; 2° quels motifs puissants les ont animés dans ces religieuses entreprises ; 3° quels moyens nous pouvons employer pour nous montrer les dignes enfants de ces antiques et dévoués serviteurs de la Mère de Dieu.

 

Zèle des anciens chrétiens à honorer la Très Sainte Vierge par l'érection et l'embellissement de ses temples

 

Nous avons déjà parlé de la tradition qui rapporte à Saint Pierre la consécration de la première chapelle dédiée à Marie, dans la chambre même de Nazareth, où le Verbe s'est fait chair, et nous aurions pu ajouter a ce premier exemple les souvenirs de l'Église Espagnole, attribuant à Saint Jacques la construction de la célèbre église de Notre-Dame du Pilier, ainsi que les vieilles chroniques de France nous montrant à Marseille un sanctuaire bâti par Sainte Marthe, sous le vocable de cette auguste reine. Mais, pour ne point entrer dans des discussions étrangères à notre sujet, qui ne sait qu'un des plus anciens temples élevés à la gloire de Marie est dû à la piété du Saint Pape Callixte I, auquel l'on attribue ordinairement la fondation de l'église de Sainte-Marie au-delà du Tibre dans la capitale du monde chrétien ; fondation accompagnée, au rapport de Paul Orose et de Charlemagne, d'un prodige qui frappa de surprise les idolâtres, étonnés de voir naître une fontaine d'huile dans ce lieu le jour même où prit naissance le Sauveur du monde ? Qui ne sait que le grand Constantin, après sa conversion au christianisme, ayant fondé la ville célèbre qu'il appela de son nom, voulut la dédier à la Vierge Marie, Mère de Dieu notre Seigneur, en présence de tous les Pères assemblés pour le grand Concile de Nicée, et qu'au moment où, bâtissant une église en l'honneur de cette glorieuse patronne de la nouvelle cité, il ne pouvait trouver personne d'assez habile pour élever d'énormes colonnes destinées à l'ornement de cette basilique, la bienheureuse Vierge, selon la narration de Saint Grégoire de Tours, apparut en songe à l'architecte chargé de ce travail, pour lui révéler un moyen facile de réussir dans cette difficile entreprise ? Sainte Hélène, digne émule de la dévotion de son illustre fils, n'enrichit-elle pas la Palestine de trois temples magnifiques également destinés à rappeler la mémoire des mystères dont Marie a été l'instrument, l'un au lieu où elle eut le bonheur d'enfanter le Sauveur ; le second dans la vallée de Josaphat, où l'on croit qu'elle fut ensevelie ; le troisième près de Bethléem, où l'ange apparut aux bergers ? L'impératrice Pulchérie, sœur de l'empereur Théodose-le-Jeune, si connue par la protection qu'elle donna aux Pères du Concile d'Éphèse, ne rivalisa-t-elle pas, sous le même rapport, de dévouement avec la mère du premier empereur chrétien, en dotant la ville de Constantinople de trois nouveaux édifices religieux, l'un sur la place des fondeurs, appelé Chalcoprace, que consacra le patriarche saint Germain, et où l'on déposa la ceinture de la Vierge, dont ce Saint Prélat a si magnifiquement célébré la valeur dans plusieurs admirables discours ; l'autre, que l'on nomma Notre-Dame conductrice, parce qu'elle voulut elle-même servir de guide à deux aveugles qui vinrent, sur son inspiration, y retrouver la lumière, et où se conservait sa précieuse image peinte d'après nature par Saint Luc, avec les langes sacrés du Sauveur, dont l'avait enrichie l'impératrice Eudoxie ; le dernier enfin, si célèbre sous le nom d'église des Blaquernes, qui, bâti sur le port de Constantinople, possédait une précieuse collection de reliques antiques et vénérables ? Le successeur de cette pieuse princesse, Léon, surnommé le Grand, ajouta à ces somptueux édifices deux basiliques nouvelles, décorées avec une magnificence royale, l'une au port et l'autre sous les murailles, pour servir de défense à cette fameuse cité, que l'on nommait par excellence la ville de la Vierge. Mais il semble que l'empereur Justinien surpassa tous ses prédécesseurs par l'espèce de sainte passion qui le portait à préparer à Marie et à ses fervents serviteurs de nouveaux et religieux asiles. Parmi les ouvrages exécutés sous son règne et par son ordre, on compte, outre plusieurs autres monuments moins connus, les églises bâties à l'honneur de Marie sur la montagne des Oliviers, sur le sommet du Sinaï, en Samarie, à Jéricho, à Carthage, à Constantinople, à Antioche, et surtout la célèbre Notre-Dame-la-Neuve, qu'il fit construire dans la ville de Jérusalem, et dont l'érection fut signalée par la découverte d'une forêt de cèdres et d'une carrière de marbre rouge qui, chacune dans son genre, fournit à l'édifice les matériaux nécessaires à sa solidité et à son embellissement.

Si, de l'Orient, nous revenons parcourir les royaumes de notre Europe, que de nouvelles preuves du dévouement des peuples pour préparer à Marie des demeures dignes de ses hautes prérogatives ! En France, Notre Dame de Chartres, Notre Dame du Puy, Notre Dame de Rocamadour, Notre-Dame de Boulogne, Notre Dame de Liesse, Notre Dame de Fourvière, Notre-Dame des Vertus, Notre Dame de Paris, etc... en Espagne, Notre Dame de Montserrat, Notre Dame de la Garde, Notre Dame de Guadeloupe, Notre Dame de la Roche-Française, dont l'église magnifique fut bâtie par Jean II, roi de Castille ; en Italie, ou plutôt dans Rome seule, centre glorieux de cette illustre péninsule, quarante-six temples dédiés à la Vierge-Mère, à la tête desquels viennent se placer les basiliques célèbres de Notre Dame des Neiges et de Sainte Marie Majeure, où se garde une autre image de Marie, sortie des pinceaux de l'évangéliste Saint Luc. Partout Marie a des palais où, reine bienfaisante, elle donne une audience facile à ceux qui l'invoquent ; et comme s'il ne suffisait pas qu'elle eût des sanctuaires désignés par son nom et soumis à son empire, voilà que Jésus lui-même veut partager avec elle ses propres temples, et lui céder en quelque sorte, dans toutes les églises de l'univers, une chapelle consacrée à son culte, et un autel qui, surmonté de son image, emprunte d'elle son titre et ses droits à la confiance populaire.

 

Mais quels puissants motifs ont poussé toutes les générations à ces pieuses constructions ?

 

Thomas A Kempis, ou l'auteur des ouvrages qui portent son nom, nous l'explique par cette belle parole : « Comme autrefois le temple de Salomon surpassait par la splendeur de ses ornements tous les temples de l'univers, et attirait par la célébrité de son nom et l'abondance de ses richesses les glorieux hommages des rois et des peuples, ainsi le temple spirituel de Dieu, qui est Marie, brille par sa pureté sans tache au dessus de tous les temples de l'univers, et mérite par là des honneurs plus grands et un plus ardent amour ». C'est donc parce qu'elle a été le temple de la Divinité, un temple vraiment digne de Dieu, un temple convenable à sa grandeur, un temple unique dans son genre, un temple vivant, un temple saint, un temple plus grand que le ciel, un temple où s'est reposé l'Esprit Saint et où s'est concentrée la nature divine, c'est pour cela qu'on s'est empressé à lui dresser à elle-même des autels et des temples, afin d'honorer dans sa personne le Dieu Sauveur dont elle a été le Glorieux sanctuaire. Oui, son cœur était bien le sanctuaire de la Divinité, lorsque, à la parole de l'ange, l'Esprit Saint descendait en elle, et que la vertu du Très-Haut la couvrait de son ombre ; il était bien son sanctuaire, pendant ces mois de bénédictions et de grâces, où le Fils de Dieu reposait dans ses entrailles virginales ; il ne l'était pas moins quand, après la Résurrection et l'Ascension du divin Sauveur, tous les jours elle allait le recevoir à l'autel des mains du disciple bien-aimé, et s'unissait intimement à lui dans le sacrement auguste de sa charité. Que dis-je ! n'avait-elle pas même commencé à être son temple par la vertu de l'innocence, qui attire Dieu dans les âmes pures, avant de le devenir par le mystère ineffable de l'Incarnation du Verbe ? N'a-t-elle pas continué à l'être tous les jours de sa vie par sa fidélité à demeurer attachée à lui par le recueillement intérieur et les transports du saint amour ? Le temple de Dieu est saint ; et quel temple égala jamais en sainteté et en perfection la conscience si pure de la Vierge immaculée ? Le temple de Dieu est une maison de prières ; et dans quelle maison offrit-on jamais au Seigneur des prières plus ferventes et d'aussi profondes adorations ? Le temple du Seigneur est un lieu de sacrifices ; et quels sacrifices n'a pas immolés dans le secret au Seigneur, l'âme tendre et sensible de Marie, soit au moment où elle entendait la parole de Siméon, soit lorsqu'elle fuyait avec Jésus vers l'Égypte, soit quand, debout au pied de la croix, elle recueillait sur elle les gouttes précieuses de son sang adorable, soit enfin lorsque, condamnée à un exil prolongé sur là terre, elle soupirait après l'heure de sa délivrance, mais avec un abandon sans réserve à la volonté suprême. Ô palais auguste que la Sagesse éternelle s'est bâti de toute éternité ! Ô sanctuaire ineffable où se sont opérés les plus hauts mystères ! n'est-il pas juste que nous vous consacrions des églises, puisque vous-même avez été comme le premier temple où s'est consommée la grande œuvre de notre salut ? Mais ne sommes-nous pas aussi les temples et les sanctuaires du Tout-Puissant ? Et si les édifices religieux élevés à la gloire de votre nom sont capables de vous plaire, ne vous plaisez-vous pas davantage encore dans la consécration qui vous est faite des corps et des âmes de vos enfants ? Mais voyez-vous en nous des sanctuaires dignes de vous et de votre Fils ? N'y apercevez6vous pas des souillures qui puissent blesser la pureté de vos regards et des siens ? O Marie ! purifiez, sanctifiez, ornez, embellissez ces églises intérieures et animées, afin qu'elles soient dignes de la majesté du grand Dieu qui a dit: Si quelqu'un m'aime, nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure.

 

Moyens à prendre pour imiter le zèle des premiers chrétiens à l'égard des temples de Marie

 

Des grands et des rois ont employé leur puissance et leurs richesses à dresser des monuments à l'honneur de la Mère de Dieu ; ils ne pouvaient sans doute en faire un meilleur usage. Mais tous ne sont pas nés dans l'illustration et la grandeur; il n'a pas été donné à tous de jouir de l'abondance et de posséder des trésors. Que reste-t-il donc aux petits et aux pauvres pour témoigner à Marie, dans ses temples, leur dévouement et leur amour? Eh! ne savonsnous pas qu'à l'exemple de Dieu, Marie ne regarde pas la valeur des dons, mais l'affection de celui qui donne? Si l'obole de la veuve ('2) était plus agréable au Seigneur que les riches offrandes des opulents du siècle, une obole présentée à Marie dans son sanctuaire ne sera-t-elle pas quelquefois reçue avec plus de bienveillance que les sommes énormes prodiguées peut-être par l'orgueil plutôt que par la piété? De pauvres ouvrières, de simples filles de campagne, en ornant l'autel de celle qu'elles aiment à appeler leur Mère, et en déposant devant son image un humble bouquet de fleurs empruntées à la nature, n'auront-elles pas souvent plus de mérites au jugement de Marie que les dames opulentes et les superbes seigneurs des plus illustres cités? Sachons donc, chacun selon ses facultés, contribuer, soit par nos présents, soit par notre travail, à la gloire des lieux consacrés à la Reine du ciel.

Mais cherchons plutôt encore à les honorer par notre piété; dérobons, autant qu'il dépendra de nous, quelques instants à nos occupations temporelles pour venir orner sa maison par notre présence, car la présence d'enfants chéris est pour une bonne mère le plus doux de tous les ornements ; avec cux, la demeure la plus humble devient pour elle un palais; sans eux, les palais même ne lui semblent qu'une obscure prison. Cependant, pour que cette vue satisfasse son cœur et le comble de joie, il faut qu'elle trouve dans sa jeune famille les sentiments de l'affection et la perfection des œuvres. C'est donc avec un esprit recueilli, avec un cœur obéissant, avec une âme embrasée d'amour que nous devons paraître dans la maison de cette Vierge miséricordieuse, à qui nous sommes redevables de la vie spirituelle. Loin de nous, quand nous nous présentons devant son trône, cet esprit de légèreté qui l'afflige, ces révoltes passionnées qui la désolent, cette froideur et cette insensibilité qui la dégoûtent. Allons à elle dans son sanctuaire; mais allons-y pour prier avec attention, pour écouter avec docilité ses inspirations salutaires, pour reconnaître ses bontés par une charité vive et agissante; allons à elle avec ces saintes dispositions, et elle nous obtiendra d'être sur la terre de dignes sanctuaires de la Divinité, et de mériter, après cette vie, une place dans le temple de la gloire.

 

Prière de Saint Germain, archevêque de Constantinople


Je vous salue, ô vous qui, touchée de compassion à la vue de l'affreuse nudité où nous avait réduits, dans le jardin d'Éden, le fruit pernicieux qui donna la mort à nos âmes, nous avez recouverts d'un vêtement magnifique.., que la main des hommes n'a point tissu, mais qui nous a été imposé par Dieu lui-même; vous qui, lorsque nous étions enfoncés dans la fange de l'iniquité, nous avez été donnée comme la rémission des péchés, ô épouse sacrée du Tout Puissant !... Je vous salue, ô vous qui, sous vos pas si bien réglés, avez foulé ce tyran qui m'entraînait, pour me nuire, à la transgression, ce conseiller perfide, cet ennemi de tout bien, ce serpent trompeur qu'on appelle le Diable, et avez pris, comme par la main, notre nature corruptible et toujours prête à tomber, pour la conduire, dans votre compagnie, au sanctuaire spirituel et au tabernacle divin qui ne vieillit jamais ! Je vous salue, ô vous qui avez fait éclore la clarté d'un jour de joie et d'allégresse sur la tête de ceux qui se trouvaient comme enchaînés dans les ténèbres du trépas, dans l'abîme de l'infirmité, et auxquels vous avez promis de dissiper, par la puissance de Dieu, cette obscurité funeste, ô Marie, plus sublime que tous les miracles. Je vous salue, ô vous qui distillez sur nous la rosée divine de l'intelligence, ô nuée brillante qui avez fait lever sur notre horizon, enveloppé des ombres de la mort, le plus éclatant de tous les soleils !... ô source qui, prenant votre origine dans le ciel, formez ces fleuves rapides de la connaissance de Dieu, qui entraînent, par les eaux limpides et pures de la foi orthodoxe, le limon de l'hérésie ! Je vous salue, ô divin paradis, ô séjour de la sagesse, ô jardin plein de charmes, planté parla main du Tout-Puissant,... où fleurit le bois de vie pour communiquer la science de la vérité et donner l'immortalité à ceux qui en goûtent ! Je vous salue, ô édifice sacré, ô palais immaculé et sans tache du grand Roi, de Dieu lui-même, ô vous qui avez été revêtue de sa majesté et avez appelé tous les hommes à recevoir en vous une sainte hospitalité, où ils pourront jouir des mystères de la foi depuis leur première origine !... Je vous salue, ô nouvelle Sion, ô sainte Jérusalem, ô cité auguste du grand Roi, dans les tours de laquelle Dieu est clairement connu, et au milieu de laquelle il passe sans l'ébranler et sans lui porter atteinte, tandis qu'il émeut les nations et fait tomber les rois à vos pieds pour rendre hommage à votre gloire !... Je vous salue, ô montagne féconde et ombragée, où a été nourri l'Agneau raisonnable qui a effacé nos péchés et guéri nos maladies, et d'où s'est détachée, sans l'aide d'une main humaine, cette petite pierre qui a renversé les autels des idoles, et, par un prodige admirable à nos yeux, est devenue la pierre angulaire ! Je vous salue, ô saint trône de Dieu, ô trésor sacré, ô brillante et glorieuse maison, ô vénérable tabernacle, ô vase choisi que Dieu a réservé pour son usage, ô propitiatoire de tout l'univers, ô ciel qui racontez la gloire du Très-Haut, ô miraculeux Orient d'où s'élève un astre qui ne connaît pas de couchant, dont le sommet du ciel est le point de départ, et dont personne ne saurait éviter la chaleur, c'est-à-dire la conduite providentielle !.... Je vous salue, Marie, pleine de grâce, plus sainte que les saints, plus haute que les cieux, plus glorieuse que les chérubins, plus digne d'honneur que les séraphins, et plus vénérable que toute créature !... Je vous salue, ô radieuse colombe qui nous avez apporté le rameau d'olivier, symbole du salut et signe certain de la fin du déluge où s'engloutissaient les intelligences, ô urne d'or pur qui renfermez la manne véritable, Jésus-Christ, la douceur et les délices de nos âmes !

O Reine de pureté qui méritez tout hommage et toute vénération, ô cœur dédié au Seigneur par une consécration qui surpasse la condition de toute créature, ô terre que l'homme n'a point cultivée, ô champ toujours intact, ô vigne abondante en pampres magnifiques, ô vase où se puise la joie, ô source qui répandez l'eau comme par torrent, ô Vierge-Mère, ô Mère toujours Vierge, ô trésor d'intégrité, ô chef-d'œuvre de chasteté, daignez, par la vertu de vos douces supplications, que l'autorité maternelle rend si puissantes auprès de votre Fils et de votre Dieu, de ce Dieu créateur de tous, que vous avez engendré sans père, nous conduire dans le port assuré du salut, et tenant en main le gouvernail de l'ordre ecclésiastique, nous préserver du naufrage dont nous menacent les flots de l'hérésie et des scandales ; ornez les prêtres, comme d'un manteau glorieux, de la justice et de la joie pure, d'une foi droite et irréprochable ; dirigez dans la paix et dans le repos les sceptres des empereurs orthodoxes qui, de préférence à la pourpre, à l'or, aux diamants, aux pierres précieuses, vous regardent comme leur couronne, leur vêtement royal et l'ornement inamissible de leur puissance ; renversez et subjuguez les nations barbares et infidèles qui vous déchirent par leurs blasphèmes et outragent avec vous le Dieu qui de vous a pris naissance ; soyez, à l'heure du combat, la protectrice de l'armée qui s'appuie toujours sur votre secours, et confirmez, selon le précepte de Dieu, le peuple appelé à la dépendance dans la pratique d'une facile et soumise obéissance; couronnez de triomphes cette ville (Constantinople) qui vous appartient et qui vous considère comme sou rempart et son fondement; doublez ses forces et soyez sa gardienne; conservez toujours la beauté de ce temple sacré, votre demeure ; défendez vos panégyristes de toutes calamités et de toute angoisse spirituelle; donnez la liberté aux captifs ; tendez au monde entier votre main auxiliatrice, afin que nous puissions célébrer, dans une pompeuse splendeur, avec la solennité de ce jour, toutes vos autres solennités , en Jésus-Christ, le Roi de l'univers et notre vrai Dieu, à qui conviennent la gloire et l'empire, ainsi qu'au Père, centre de la sainteté et principe de la vie, dans la compagnie de l'Esprit consubstantiel, qui partage leur essence et leur domination, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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Troisième jour

La statue miraculeuse de Notre Dame du Puy

 

La Très Sainte Vierge, en jetant un si vif éclat sur son Image du Puy, n'a pas voulu glorifier seulement cette antique et vénérable Statue, riche et précieux don du plus saint de nos rois ; elle s'est proposé en même temps de recommander aux fidèles une pieuse confiance et une tendre dévotion pour toutes les autres représentations de son auguste personne. Aussi la perte de ce religieux trésor peut-elle jusqu'à un certain point se compenser par les souvenirs qui nous en restent et par les autres figures qui rappellent à nos yeux les traits de cette Mère chérie. Nous sommes ses enfants, et à ce titre, il faut nous faire un bonheur comme un devoir 1° d'honorer ses Images, 2° de propager ses Images, 3° de retracer son Image dans toute notre conduite, trois pensées importantes qui méritent toute notre attention.

 

Il faut honorer les Images de Marie

 

L'église l'a fait dans tous les temps. C'est une tradition antique et universelle que Saint Luc, peintre et médecin tout ensemble, employa son talent à reproduire le visage sacré de cette auguste Vierge dans plusieurs tableaux, dont les plus célèbres sont celui que la princesse Eudoxie, femme de Théodose, envoya à l'impératrice Pulchérie, qui lui fit bâtir un temple magnifique à Constantinople, et celui que Rome conserve encore aujourd'hui, et qui fut porté en procession à travers les rues et les places publiques de cette glorieuse cité par Saint Grégoire le Grand, au moment où elle était désolée par une peste cruelle, dont la vue de cette miraculeuse peinture dissipa en un moment les miasmes empoisonnés. Les Pères du second Concile de Nicée, septième général, ont déclaré hautement « qu'ils vénéraient les Images de la Mère de Dieu, de Notre Dame, l'irréprochable, l'immaculée et la glorieuse mère de toute pureté qui a enfanté le Fils du Très-Haut ». Dans cette noble et catholique assemblée, on ne craignit pas de citer des faits miraculeux opérés par ces Images sacrées, entre autres la révélation faite par une d'elles à saint Basile, du trépas sanglant de Julien l'Apostat, accordé aux prières du Saint martyr Mercure, et la tentation dont, au rapport d'un ancien auteur, fut tourmenté un fervent anachorète, à qui le démon voulut, mais en vain, persuader de ne plus rendre hommage a une pieuse figure de, Marie, exposée dans sa cellule. Saint Jean de Damas, ce célèbre athlète de la vraie Foi contre l'hérésie des iconoclastes, cet illustre docteur, qui, après avoir eu la main coupée par le bourreau, la recouvra par la puissance de son auguste protectrice, rapporte la guérison d'un homme perclus de la moitié du corps, qui fut rappelé à sa première vigueur par Saint Étienne le Jeune, en révérant deux images, l'une de Jésus et l'autre de sa Mère, présentées à sa vénération. Saint Germain, patriarche de Constantinople, dans une de ses lettres lue au septième Concile général, raconte qu'à Sozopolis, ville de la Pisidie, on voyait une Statue de la Vierge dont la main laissait découler continuellement un baume précieux qui guérissait toutes sortes de maladies, ce que confirme la Vie de saint Eutychius, patriarche de la même ville, qui rendit la santé à un enfant moribond, en le frottant de cette divine liqueur. Nous serions infinis, si nous voulions raconter en détail tous les exemples qui peuvent inspirer le respect pour les saintes Images de Marie. Ici c'est, d'après le récit de Nicéphore, un de ces précieux trésors découvert dans un cyprès par l'éclat d'une grande lumière qui en jaillit la nuit et le jour ; là c'est un portrait de Marie qui fait reconnaître saint Alexis que la pénitence avait, quoique présent, dérobé à l'œil même de ses parents désolés ; plus loin c'en est un autre qui console Marie Égyptienne au moment où elle était arrêtée par une main invisible à la porte de l'église, dans laquelle elle cherchait vainement à pénétrer pour adorer la sainte Croix ; d'un autre côté, c'est une figure irritée de cette Mère ordinairement si pleine de douceur, qui repousse l'impie Anatolius, prosterné devant elle pour prier ; c'est enfin, selon le témoignage de saint Grégoire Pape, une représentation de cette puissante Patronne de Constantinople, qui, portée solennellement autour des murailles, délivre la ville des Sarrasins dont les troupes la tenaient assiégée depuis deux ans.

Cette dévotion, si conforme à la raison et à la piété, bien loin de s'affaiblir avec le temps, n'a cessé de prendre de nouvelles forces. L'histoire que nous venons de lire en est une preuve évidente qui se retrouve dans tous les lieux célèbres consacrés à la Reine du ciel. Que dis-je ! Est-il aujourd'hui, je ne dis pas une église, mais une maison pieuse qui ne se montre parée de quelqu'un de ces religieux ornements ? D'innombrables médailles ne reproduisent-elles pas sur le cuivre et sur l'argent les plus célèbres Images de la Mère de Dieu ? Celle qui a mérité, par les grâces qu'il a plu à Dieu d'y attacher, d'être appelée miraculeuse, ne brille-telle pas sur la poitrine des femmes chrétiennes, et ne se cache-t-elle pas même quelquefois sous les vêtements des hommes qui ont conservé le sentiment précieux de la foi ? Le Saint Scapulaire, si heureusement empreint des traits de Marie, n'est-il pas comme un préservatif assuré suspendu au cou de la plupart des fidèles ? N'est-ce pas enfin aux pieds de cette Vierge toute-puissante, rendue visible par le pinceau ou par la sculpture, que les âmes les plus égarées, que les ennemis même de l'Église viennent abjurer leurs erreurs et leurs déréglements ?

Que l'image de Marie soit donc, Seigneur, l'objet de nos respects ; qu'elle garde nos demeures, qu'elle conserve nos personnes, qu'elle nous accompagne dans toutes nos démarches. Fidèles à l'honorer, et protégés continuellement par sa présence, nous braverons, sans rien craindre, les séductions du monde et les attaques de l'enfer ; les traits de l'enfer et du monde viendront s'émousser sur elle, comme sur un bouclier d'airain, comme sur un rempart inexpugnable.

 

Il faut propager les images de Marie

 

Car nous ne devons pas nous contenter de jouir nous-même des avantages qu'elles procurent ; mais il convient de les communiquera tous ceux qui nous environnent. Avons-nous des parents vertueux et de pieux amis ? encourageons-les à persévérer, à croître même dans ces utiles pratiques. Aurions-nous le malheur de voir ceux que nous chérissons, dans l'oubli de leur devoirs, et dans la haine de Dieu ? faisons tous nos efforts pour leur inspirer du moins quelque confiance aux saintes Images de Marie. Obtiendrions-nous seulement qu'ils consentissent à les porter sur eux-mêmes, soyons persuadés qu'alors nous aurions déjà remporté une grande victoire. Qui n'a pas appris qu'armés de ce nouveau palladium, des voyageurs exposés, comme il n'est que trop ordinaire aujourd'hui, à d'horribles dangers, sur ces nouvelles routes si rapides et si périlleuses, ont seuls été préservés au milieu des cadavres et des flammes, d'une mort qui semblait inévitable ? Ne sait-on pas que de braves soldats ont vu quelquefois tous leurs compagnons d'armes tomber sans vie à leurs côtés, tandis qu'une main invisible détournait les coups qui auraient dû les renverser, parce que les traits de Marie, gravés sur une pieuse médaille, reposaient sur leur cœur ? Des époux, des frères n'ont-ils pas échappé souvent à un trépas funeste, parce qu'ils portaient, peut-être sans le savoir, ce puissant préservatif, qu'avait déposé dans leurs vêtements l'industrieuse sollicitude d'une épouse ou d'une sœur ? Ce sont là des moyens de propagation, qui ne surpassent ni les forces ni les ressources de qui que ce soit; les pauvres même et les petits peuvent les réaliser dans le cercle étroit qui les environne ; mais le riche est capable d'étendre plus loin les effets de son zèle ; il peut, en visitant les malheureux, joindre à l'aumône corporelle une image simple, mais touchante, de celle qui a consenti elle-même à vivre dans l'indigence, une médaille commune, mais souvent bien puissante, de cette douce et aimable patronne des infirmes et des misérables, dont elle a partagé le sort. Cette charité ne sera sans doute ni moins agréable à Dieu, ni moins utile aux infortunés qui en seront l'objet, que toutes les autres œuvres de bienfaisance auxquelles nous pourrions nous adonner.

 

Il faut retracer en nous-même l'Image de Marie

 

Mais le point essentiel pour nous, c'est de ne pas oublier nos propres intérêts en procurant ceux du prochain; c'est de graver en nous, comme des enfants bien nés, tous les traits de notre mère ; car comment montrer que nous lui appartenons, s'il ne se trouve en nous aucun caractère de ressemblance avec elle ? Aussi semble-t-elle nous dire, avec bien plus de raison encore que le grand Apôtre : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Jésus Christ ». Écoutons cette parole, et travaillons à nous conformer au grand modèle qui nous est offert.

1° Modèle de foi, Marie n'hésite pas en entendant la promesse de l'ange ; elle croit à l'oracle céleste, et si elle demande comment ce prodige s'accomplira, ce n'est pas par suite d'un doute, c'est par le désir d'apprendre l'ordre de la Providence dans cet auguste mystère. Aussi Sainte Élisabeth lui dira-t-elle : « Vous êtes heureuse, parce que vous avez cru ».

2° Modèle de pureté; Marie estime si fort cette belle vertu, qu'elle aimerait mieux renoncer au privilège de la maternité divine, que de porter atteinte à la sainte virginité. « Comment cela se fera-t-il, puisque je suis étrangère à tout commerce humain ? »

3° Modèle d'obéissance; Marie a renoncé à sa propre volonté, pour suivre en tout point la volonté de Dieu manifestée par ses supérieurs ; elle obéit à tous, aux empereurs païens, à la loi mosaïque, aux auteurs de ses jours, à Saint Joseph, au Disciple bien-aimé. Elle obéit en tout, dans les occasions les plus pénibles, comme dans les circonstances les plus aisées, quand il faut fuir en Égypte, comme quand il faut revenir à Nazareth. Elle obéit avec des dispositions toujours parfaites, dans la seule vue de plaire au Seigneur et de procurer sa gloire.

4° Modèle d'humilité ; Marie ne se prévaut ni de sa naissance, ni des grâces spirituelles qu'elle a reçues ; elle cache à tous, même à saint Joseph, le secret de sa grandeur ; elle se proclame servante du Seigneur, au moment où elle en devient la mère ; elle passe sa vie dans l'obscurité d'une pauvre chaumière, sans éclat, sans actions brillantes, sans développements miraculeux de sa puissance ; elle se plaît à être oubliée, et comptée pour rien.

5° Modèle de patience ; Marie souffre tout sans murmurer et sans se plaindre : la crèche et son dénuement, l'exil et ses privations, le Calvaire et ses douleurs ne sauraient l'abattre; elle est debout au pied de la croix, non moins résignée dans ce moment suprême, que quand elle se voyait, à Bethléem, contrainte de se réfugier dans une pauvre étable.

6° Modèle de charité ; Marie aime Dieu, jusqu'à vivre, jusqu'à mourir d'amour ; elle aime le prochain, jusqu'à consentir à la mort cruelle de celui qui possède son cœur tout entier et comme son créateur, et comme son fils. Prodiges ineffables, qui ne se représentent nulle part ailleurs ! Mourir d'amour pour Dieu, et sacrifier pour l'homme le Dieu dont l'amour occasionne sa mort ! quelle tendresse admirable! quelle ineffable charité !

Jetez, chrétiens, les yeux sur ce grand modèle, et faites de généreux efforts pour le reproduire dans votre conduite ; que la foi dirige toutes vos œuvres, que la pureté règne dans votre cœur, que l'obéissance règle vos démarches, que l'humilité vous porte à vous anéantir devant Dieu et devant les hommes, que la patience vous soutienne dans les afflictions, que la charité enfin couronne toutes vos vertus, et alors vous deviendrez véritablement dignes d'appeler Marie votre mère, et de vous compter au nombre de ses bien-aimés enfants.

 

Prière de saint Germain de Constantinople

 

O Marie, Mère de Dieu, accordez votre secours et votre protection à ceux qui célèbrent vos solennités; délivrez-nous par vos puissantes prières de toute nécessité et de tout péril; éloignez de nous non-seulement le poison funeste de la maladie, et les calamités de tout genre, mais encore la juste colère de votre fils et ses terribles menaces pour l'avenir ; placez-moi, en vertu de votre titre de Mère du Seigneur, dans ce lieu de délices, où brille la lumière, où règne la paix, où se distribuent avec abondance tous les biens capables de combler les désirs de l'homme. Qu'elles soient réduites au silence les lèvres artificieuses dont l'orgueilleuse malice et les fiers dédains osent insulter votre innocence ; que leur image soit réduite au néant dans votre cité ; que vos ennemis soient confondus, qu'ils tombent en défaillance, qu'ils périssent, et qu'ils sachent que vous vous appelez Notre Dame. seule vous êtes la Mère de Dieu, la plus sublime de toutes les créatures terrestres, la divine épouse que nous bénissons dans la foi, que nous honorons par le désir, que nous révérons avec crainte, que nous ne cessons d'exalter, et que, dans notre vénération, nous proclamons bienheureuse. Oui, bienheureux parmi les hommes est votre père, bienheureuse votre mère parmi les femmes ; bienheureuse votre maison, bienheureux ceux qui vous ont connue, bienheureux ceux qui vous ont vue ; bienheureux ceux qui ont eu de douces relations avec vous ; bienheureux ceux qui vous ont servie, bienheureux les lieux que vos pieds ont foulés ; bienheureux le temple où vous avez été offerte ; bienheureux Zacharie qui vous a reçue dans ses bras ; bienheureux Joseph, qui vous a prise pour son épouse ; bienheureuse votre couche, bienheureux votre tombeau, car vous êtes le souverain honneur, la récompense souveraine, la souveraine grandeur.

Mais, ô ma reine, ô seule consolation que Dieu m'a donnée, rosée céleste qui apaisez mes brûlantes ardeurs, pluie bienfaisante qui descendez d'en haut pour humecter mon cœur desséché, lampe brillante qui dissipez les ténèbres de mon âme, guide fidèle de mes pas, soutien de ma faiblesse, vêtement de ma nudité, richesse de mon indigence, remède de mes inguérissables blessures, ô vous qui éteignez mes larmes, qui faites cesser mes gémissements, qui dissipez mes calamités, qui allégez mes douleurs, qui brisez mes chaînes, ô espérance de mon salut, exaucez mes prières, soyez touchée de mes soupirs, accueillez mes lamentations, et prenez pitié de mes misères ; que les entrailles de votre miséricorde se laissent attendrir et fléchir par mes pleurs ; car vous êtes la Mère du Dieu de bonté et de clémence. Regardez-moi et recevez favorablement mes supplications, comblez le désir de mon âme altérée... Introduisez-moi dans la terre promise à la douceur, dans les tabernacles des justes, dans la région des saints. Daignez, ô vous qui êtes la protectrice, la joie, l'allégresse, les délices de tous, daignez, je vous eu conjure, m'inonder de consolations... dans la félicité vraiment ineffable du divin roi qui est né de vous, dans son incorruptible sanctuaire, dans ses douceurs perpétuelles dans ses satisfactions exemptes de tout dégoût, dans son royaume interminable et sans fin. Oui, vous êtes ma reine, vous êtes mon refuge, ma vie et mon secours, mou armure et ma gloire, mon espérance et ma force, accordez-moi la grâce de jouir... dans ce céleste séjour des dons inénarrables et incompréhensibles de votre Fils. Car vous avez, je le sais, en votre qualité de Mère du Très Haut, autant de pouvoir que de tendresse ; c'est cette pensée qui m'inspire la confiance, et m'anime d'une sainte audace. Ne permettez pas, ô reine de pureté, que je sois frustré dans mon attente, mais faites plutôt que j'en obtienne l'accomplissement, ô épouse de Dieu même, qui par un ineffable prodige avez enfanté l'attente de l'univers notre divin maître Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Seigneur, à qui convient toute gloire, tout honneur et toute adoration avec le Père éternel et l'Esprit vivifiant, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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