L'Avent avec les Saints du Carmel
L'Avent avec les Saints du Carmel
Quatrième Semaine
Enseignés par saint Joseph, accueillir le don inouï de Celui qui vient
Sous le patronage de saint Joseph
Tandis que nous approchons de la nuit de Noël, la liturgie nous fait entendre les récits des événements qui ont immédiatement précédé la naissance du Sauveur. Ce dimanche, l’évangéliste Matthieu nous rapporte l’annonce reçue par saint Joseph. Cette « annonce à Joseph » nous est peut-être moins familière que celle reçue par la Vierge Marie, racontée par saint Luc, et commémorée lors de la solennité de l’Annonciation, ainsi que chaque jour, par la prière de l’Angelus. C’est pour nous l’occasion de nous laisser rejoindre, sur notre chemin d’Avent, par saint Joseph, lui que la tradition spirituelle du Carmel affectionne particulièrement.
À son sujet, sainte Thérèse d’Avila affirmait notamment : Je ne vois pas comment on peut penser à la Reine des anges et à tout ce qu’elle eut à souffrir en compagnie de l’Enfant-Jésus, sans remercier saint Joseph de les avoir si bien assistés l’un et l’autre. Ceux qui ne trouvent pas de maître pour leur enseigner l’oraison n’ont qu’à prendre ce saint pour guide et ils ne feront pas fausse route (Livre de la Vie 6, 8). C’est donc au nom du réalisme de l’incarnation – et d’un bon sens élémentaire ! – que sainte Thérèse nous encourage à nous tourner vers saint Joseph. À la suite de sainte Thérèse, à la fin du XVIIe siècle, les Carmes déchaux instaurèrent une fête du « patronage de saint Joseph », pour célébrer leur Protecteur. Ne pourrions-nous pas nous aussi vivre cette dernière semaine de l’Avent sous le patronage de saint Joseph, en le choisissant comme guide ? Pour ce faire, commençons par nous mettre à l’écoute du récit évangélique de « l’annonce à Joseph » :
Voici comment fut engendré Jésus Christ :
Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse (Mt 1, 18-24).
Face aux imprévus…
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette annonce est déroutante pour Joseph. Accueillir la venue du Fils de Dieu dans sa vie, cela va le conduire à renoncer à son projet personnel, ou plutôt à renoncer à la forme qu’il avait légitimement envisagée pour la réalisation de son projet personnel. Certainement, il sent dans son cœur l’appel à être époux et père. Cependant, après la visite de l’ange du Seigneur, il va recevoir de Dieu lui-même la façon dont se réaliseront ses désirs : il sera époux et père, mais d’une manière bien différente de ce qu’il avait imaginé, d’une manière encore plus belle et féconde que ce qu’il avait imaginé.
Pour ce qui nous concerne, tout au long de notre retraite, notre désir de la venue du Fils de Dieu a grandi, notre confiance en sa venue certaine s’est affermie. Mais aussi, soyons bien sûr qu’il viendra à nous de la manière qu’il voudra et non pas forcément de la manière que nous imaginons. Alors, en cette dernière semaine, il nous est bon de nous laisser enseigner par saint Joseph : pour cela, voyons comment Joseph lui-même parvient à consentir à l’inouï qui est en train de se produire dans sa vie.
D’abord, comme l’ange l’y encourage, il fait confiance à Dieu : « Ne crains pas ». Peut-être nous demandons-nous quelle pourrait bien être la peur qui menace Joseph, lui dont l’évangéliste saint Matthieu nous dit qu’il est « un homme juste » ? Sans doute celle d’un fiancé amené à renoncer à ses projets les plus chers, et même à son projet de vie. En effet, l’irruption inouïe du Fils de Dieu dans la vie de sa fiancée amène Joseph à consentir à renoncer non pas à un élément de sa vie, mais de renoncer à sa vocation profonde, ou tout au moins à l’image qu’il en avait jusque-là. C’est une plongée dans l’inconnu qui peut susciter un véritable effroi : il lui est demandé d’accepter une paternité si différente de ce qu’il avait légitimement prévu.
Nous aussi, nous pouvons connaître des remises en cause, petites et grandes, de nos projets personnels. Évidemment, il importe que nous soyons des acteurs responsables de notre vie, que nous ne nous laissions pas ballotter au gré des événements. Mais quand l’inattendu surgit dans notre vie, Joseph nous invite à ne pas craindre, à faire confiance, afin de pouvoir accueillir, même dans ce que nous n’avions pas prévu, le dessein d’amour de Dieu.
Ensuite, le messager divin demande à Joseph : « Prends chez toi Marie ton épouse ». Rendu capable d’accueillir la nouveauté du projet du Seigneur, Joseph est appelé à collaborer à l’œuvre de Dieu. En effet, « prendre chez lui » son épouse, ce n’est pas seulement accueillir celle-ci dans une maison, c’est prendre soin d’elle, veiller sur elle et sur l’Enfant qu’elle porte : Joseph sera le responsable, le gardien de la Sainte Famille, le garant de l’accomplissement de la vocation divine de Marie et de son Fils.
Nous aussi, à travers les circonstances parfois déroutantes de nos vies, nous sommes appelés à découvrir comment nous allons participer à la croissance du Royaume de Dieu en notre monde, comment nous allons soutenir nos frères et sœurs afin qu’ils grandissent dans l’accomplissement de leur propre vocation. Joseph nous montre le chemin du véritable amour du prochain : avec discrétion et discernement, prendre dans notre cœur, dans notre prière, dans la sollicitude de notre action, ce soin de la relation d’autrui avec Dieu.
Enfin, saint Matthieu nous rapporte que, une fois réveillé, « Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit ». Tel est Joseph qui, sans bruit, agit selon la parole du Seigneur, dans l’humilité de celui qui ne cherche pas de bonnes raisons pour accomplir sa volonté propre à la place de celle du Seigneur mais trouve sa joie à agir, dans la silencieuse confiance, selon la Parole d’un autre. Très bien ! mais nous, comment ferons-nous ce que le Seigneur attend de nous ? dans quel songe entendrons-nous la voix d’un ange qui nous dira sur quels chemins marcher ? Allons, restons éveillés ! nous ne sommes pas moins bien lotis que saint Joseph : si nous ne portons pas dans nos bras l’Enfant-Jésus comme il l’a fait, nous recevons dans nos mains le Corps eucharistique du Christ ; si nous n’entendons pas en rêve la voix des anges, nous écoutons la Parole de Dieu dans le silence de notre prière. Et cela suffit – ô combien ! – pour que nous nous levions et que nous fassions ce que le Seigneur attend de nous.
Saint Joseph dans l’iconographie carmélitaine
Pour vivre cette semaine sous le patronage de saint Joseph, nous pouvons aussi nous laisser instruire par l’iconographie carmélitaine du « patronage de saint Joseph ». Nous en voyons un exemple au centre de la façade du carmel de Saint-Joseph d’Avila, le premier carmel fondé par sainte Thérèse : la statue de saint Joseph et l’Enfant-Jésus, de Giraldo de Merlo (1574-1629). En fait, au Carmel, dès la fin du XVIe siècle, le patronage de saint Joseph a été l’occasion du développement d’une iconographie spécifique, marquée par deux nouveautés importantes dans la façon de représenter saint Joseph avec l’Enfant-Jésus.
La première nouveauté tient dans le fait que Joseph est peint ou sculpté avec les traits d’un homme jeune, et non plus ceux d’un vieillard comme dans l’iconographie inspirée par les évangiles apocryphes. Sainte Thérèse elle-même, déjà, a aimé et promu ces représentations, encore au nom du réalisme de l’Incarnation : puisque sa mission est de prendre soin d’une épouse et d’un enfant, d’affronter des circonstances difficiles, il est clair que saint Joseph devait être dans la force de l’âge pour pouvoir assumer au mieux cette responsabilité.
Ensuite, dans ces représentations iconographiques, saint Joseph ne porte pas l’Enfant dans ses bras, mais ils marchent côte à côte, la main dans la main. Joseph est ainsi celui qui apprend à marcher à cet enfant, celui qui veille sur ses premiers pas et est prêt à le relever s’il tombe, celui qui s’émerveille et se réjouit de la croissance et de l’apprentissage de l’autonomie de ce fils, celui qui sera capable de le laisser aller sur son propre chemin. Mais bien sûr, par cette image, Joseph ne nous montre pas seulement qu’il prend soin de l’enfant, il nous montre comment il vit dans la présence de Jésus : en se mettant lui-même sous la conduite de Jésus. Ainsi, il nous enseigne que, pour chacun de nous, la vie spirituelle, la communion avec Dieu, consiste essentiellement à tenir la main de Jésus et à nous laisser guider par lui, pas à pas, à travers un chemin que nous ne connaissons jamais d’avance.
Vivre dans la présence de Jésus, marcher main dans la main avec Jésus, comme saint Joseph et à son exemple, sous son patronage, faire confiance au chemin sur lequel Jésus lui-même nous conduit, ce n’est évidemment pas une jolie image bucolique. C’est le chemin de la foi, et de la foi qui témoigne de son amour par ses œuvres plus que par des grands sentiments. Comme le souligne le Pape François, en saint Joseph, nous voyons le reflet, le modèle et le patron, de « tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en "deuxième ligne" [mais qui] jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut » car il est « l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée » (Lettre apostolique Patris corde).
À ce titre, saint Joseph nous rappelle de manière lumineuse, dans l’ombre, que la sainteté à laquelle nous sommes appelés, c’est d’abord la sainteté que le Pape François a appelée « la sainteté de la porte d’à-côté » (cf. Gaudete et exsultate n. 7), c’est-à-dire la sainteté de l’humble accomplissement de notre devoir d’état, de nos engagements petits et grands ; la sainteté de l’attention aux autres, spécialement les plus petits et les plus fragiles, dans le quotidien de la vie, là où nous sommes et pas là où nous rêverions d’être ; la sainteté du courage et de la persévérance, de la créativité en temps de crise. Telle est la sainteté de la vie dans la présence de Dieu, au moyen de l’écoute patiente, croyante, de la Parole de Dieu, et de la mise en œuvre humble et déterminée des appels reçus de Dieu, comme Joseph qui, quand il se réveilla, « fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit ».
Marcher main dans la main avec Jésus
Maintenant, c’est à notre tour ! Pendant cette semaine, nous pouvons notamment suivre les pistes suivantes :
- je me rends attentif aux « petits services » que je peux rendre aux personnes que je rencontre –celles qui me sont les plus proches, ou bien celles que je croise « par hasard » : en faisant pour elles ces « petits riens », je sème et récolte déjà quelque chose de la joie de Noël.
- je cherche à reconnaître les attentions dont je suis le bénéficiaire : rien de banal, chacun de ces petits gestes est l’écho de la main de Dieu, qui vient prendre soin de moi.
- face à une situation déroutante ou inattendue, je demande la grâce de reconnaître à quelle ouverture cela m’appelle peut-être. Il ne s’agit pas d’accepter des choses inacceptables, mais d’être disponible pour modifier librement le regard que je porte sur les choses, les événements, les personnes, afin de voir plus large.
Ne le sentons-nous pas ? Déjà l’Enfant de la Crèche s’approche de nous et nous tend la main : « C’est lui qui nous donne la joie d’entrer déjà dans le mystère de Noël pour qu’il nous trouve, quand il viendra, vigilants dans la prière et remplis d’allégresse » (Préface n°2 des messes du temps de l’Avent).
Bonne préparation à Noël !
fr. Anthony-Joseph Pinelli, ocd (Paris)
Prier chaque jour de la semaine avec saint Joseph
Lundi 19 décembre
Prier les mains vides
« Je voudrais persuader toutes les âmes qu’elles doivent porter de la dévotion à ce glorieux saint Joseph. Une longue expérience, en effet, m’a montré les grâces qu’il nous obtient de Dieu. » Sainte Thérèse d’Avila, Vie 6, 7
« Mets dans le Seigneur ta réjouissance : il t’accordera plus que les désirs de ton cœur. Remets ton sort au Seigneur, compte sur lui, il agira… » (Ps 37,4-5)
Comme un pauvre, je mendie aujourd’hui la grâce de la joie spirituelle.
Mardi 20 décembre
Devenir serviteur
« Saint Joseph va devenir un grand contemplatif du Verbe de Dieu, un contemplatif aussi de la Vierge Marie, son épouse. » Bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, La Vierge Marie toute Mère.
« Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1,38)
Je cherche aujourd’hui à rendre service à mon prochain et en remerciant le Seigneur.
Mercredi 21 décembre
Choisir l’action de grâces
« Ma consolation fut grande. Aussi, je ne me lassais pas de rendre grâces à Dieu et à mon glorieux père saint Joseph. » Sainte Thérèse d’Ávila, Vie 30, 7
« Le juste aura sa joie dans le Seigneur et son refuge en lui ; ils s'en loueront, tous les cœurs droits. (Ps 64, 11)
Que saint Joseph m’aide à devenir plus juste devant Dieu en apprenant à rendre grâces chaque jour pour tous les dons reçus.
Jeudi 22 décembre
Développer notre intimité avec Jésus
« Marie et Joseph avaient fait l’expérience d’une vie seul à seul avec Dieu, et avaient été préparés pour leur mission particulière… Dans les chants de louange qui nous ont été transmis, s’exprime leur adoration émerveillée devant les merveilles divines. » Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, Source cachée n° 244
« Moi, je prends appui sur ton amour ; que mon cœur ait la joie de ton salut ! Je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait. » (Ps 13,6)
Quels moyens ai-je pris en cet Avent pour être plus proche du Seigneur ?
Vendredi 23 décembre
Se confier à la Sainte Famille
« Quand l’épreuve sera finie / Nous en avons le doux espoir : / Près de la divine Marie, / Saint Joseph, nous irons vous voir. » Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Poésie 54
« Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère. » (Mt 2, 13)
Je confie ma propre famille à la sainte famille de Nazareth.
Samedi 24 décembre
Au creux de Ses bras
« Ne vous traînez plus à ses pieds, suivez ce ‘premier élan qui vous entraîne dans ses bras. C’est là votre place.’ » Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, LT 261
« Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux. » Is 66, 11-12
Le Seigneur nous invite à nous laisser aimer en cette veille de Noël : goûtons cette joie !
Téléchargez les textes de cette semaine (pdf) en cliquant ici